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ENCYCLOPÉDIE
DE LA MUSIQUE
ET
DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
DEUXIÈME PARTIE
PÉDAGOGIE - ÉCOLES — CONCERTS — THÉÂTRES
ENCYCLOPEDIE
DE LA MUSIQUE
ET
DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Fondateur : Directeur :
Albert LAVIQNAC Lionel de la LAURENCIE
Professeur au Conservatoire Ancien Président
Membre du Conseil supérieur d'Enseignement. de la Société française de Musicologie.
DEUXIEME PARTIE
TECHNIQUE - ESTHÉTIQUE - PÉDAGOGIE
* * * * * * T% ESERVED
PÉDAGOGIE - ÉCOLES X\jEADlîfaCE
CONCERTS - THÉÂTRES
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PARIS
LIBRAIRIE DELAGRAVE
15, RUE SOUFFLOT, 13
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Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptatio
réservés pour tous pays.
Copyright by Librairie Delagrave, 1934,
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL'
Par Théodore DUBOIS
DE L'iNSTITUT
INTRODUCTION
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES PRÉLIMINAIRES
Enseigner, du lalin insignire, instruire, donner
des leçons, peut s'appliquer à toute connaissance
humaine, de quelque nature qu'elle soit. L'Ensei-
gnement est relativement facile s'il est d'ordre scien-
tifique ou matériel, car il peut s'appuyer sur des
certitudes, sur des principes précis, exacts.
Il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit d'un ensei-
gnement artistique dont l'essence est d'être avant tout
idéale. L'Art évolue, progresse; il ne se développe
jamais par saccades, et bien que le génie soit en
quelque sorte spontané, il n'eu est pas moins vrai
que les plus grands innovateurs ne sont, en réalité,
que la résultante, le produit d'efforts séculaires,
dont ils constituent, en les personnifiant, la suprême
manifestation. C'est là surtout ce que la science et
les études historiques rétrospectives ont pour but de
démontrer, et c'est dans ce sens que doit être dirigé
l'enseignement lorsque son objectif est de former
des artistes.
Il doit s'adresser à l'esprit, viser haut et développer
le sens esthétique.
De là, la condamnation des faiseurs de systèmes
conçus tout d'une pièce, dont les innombrables écrits
n'ont jamais provoqué même une déviation dans
l'évolution capricieuse de l'art musical, infiniment
immatériel, et par conséquent inaccessible à toute
influence systématique.
Tout art se compose de deux parties également im-
portantes : l'esthétique et la technique.
Le génie crée; la science intervient ensuite pour
expliquer, justifier, désapprouver parfois, codifier
enfin ce que l'esprit et l'imagination ont créé en toute
liberté, sans autre guide que l'aspiration vers la
beauté, dont l'idéal varie autant que les individus,
les climats et les époques.
Les leTaie
Leur ensei
A fermer
baleine harmonieuse et pure.
savantes mains prenaient mes jeunes
les baissaient, reconimeru aient
nt ainsi, quoique faibles encor
Ce n'est pas par l'étude du dessin géométrique
que l'on apprend aux jeunes peintres à dessiner ce
qu'ils voient; ce n'est pas davantage par l'étude
sèche et aride du contrepoint que l'on apprend aux
jeunes musiciens à traduire les émotions de l'âme.
Néanmoins, la science est nécessaire au génie, et
sans elle, ses manifestations ne pourraient se produire
dans toute leur puissance, leur éclat, leur beauté.
Au premier rang donc, la partie idéale, artistique;
au second, la partie scientifique, technique. Ces
deux parties, intiment fiées, ne peuvent se passer
l'une de l'autre. - •
Enseigner la partie technique de l'Art musical est
déjà difficile et méritoire, mais enseigner ce qui lou-
che à l'idéal, au rêve, à l'impalpable, à l'infini, quelle
tâche grandiose et merveilleuse! Ne faut-il pas don-
ner toute son âme, se livrer tout entier, découvrir
aux autres la cause des plus intenses émotions, com-
muniquer la flamme dont on est soi-même dévoré,
faire pénétrer dans l'esprit d'autrui les raisons pro-
vocatrices mystérieuses de la beauté?
Cet enseignement n'est pas banal et ne ressemble
à aucun autre. Il n'y a pas de règle pour le savoir
donner. L'artiste en puise la force et la vertu dans
son cœur.
II est basé sur le passé qu'il consacre, et prépare
l'avenir.
Encore y a-t-il certaines parties de l'Art qui ne se
peuvent enseigner! Qui donc peut donner du génie
et de l'imagination à celui que la nature n'a pas élu
entre tous? Le bon maître peut simplement aider,
s'il est à la hauteur de sa mission, à l'éclosion de
ces merveilleuses facultés dont les êtres privilégiés
ont en eux le germe divin et fécondant.
Tout peut être enseignement pour le jeune musi-
cien observateur : ce qu'on apprend dans les écoles,
la lecture, l'audition fréquente etraisonnée des chefs-
d'œuvre au théâtre, au concert, à l'église, la fréquen-
tation des grands artistes, la vue de belles choses
de toute nature, etc., tout peut être pour lui source
de profit intellectuel et artistique, s'il sait voir,
écouter, lire, observer.
Il est indispensable que le professeur soit instruit
et en pleine possession de son art, qu'il ait l'esprit
cultivé, ouvert à tout ce qui est beau, grand, géné-
reux, élevé, distingué; qu'il soit perspicace, afin île
discerner sûrement quelle semence il convient de
distribuer à ses élèves, selon le tempérament parti-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ailier de chacun; il doit, en outre, être à la l'ois ferme
et affectueux, inspirer confiance et respect par l'au-
torité du talent et du caractère, aimer ardemment
son art, encourager et protéger ses élèves, n'être
ménager ni de son temps ni de ses peines; en un
mot, être pour ses disciples une sorte de père ten-
dre, bon et ferme à la fois.
S'il a toutes ces qualités, s'il aime l'enseignement,
s'il s'y dévoue passionnément, s'il est heureux des
progrès et des succès de ses élèves, il aura sur eux
une inlluence morale très grande, très nécessaire,
liés efficace. De là souvent, viendront leurs elforts,
aussi bien pour lui plaire que pour satisfaire leur
propre conscience d'artiste. Autant de profits pour
l'art, dus aux qualités du Maître!
Le rôle de celui-ci est facile avec des natures bien
douées et laborieuses; il devient difficile, ingrat,
parfois même impossible avec des natures rebelles et
paresseuses. Son devoir, en ce cas, devoir dur, mais
impérieux, est de décourager l'élève fourvoyé 'impru-
demment dans une carrière où il ne peut récolter
que déboires et désenchantements. Que peut produire
un enseignement, quelque merveilleux qu'il soit, si
le terrain est inapte à le recevoir?
Le professoral ainsi conçu est un sacerdoce; il
n'est pas de plus noble carrière, et les plus grands
maîtres ne doivent pas dédaigner de s'y adonner
pour la plus grande gloire de l'art.
En musique, l'enseignement individuel a une réelle
supériorité sur l'enseignement collectif, l'élève rece-
vant directement, et adaptés à sa personnalité, les
préceptes du maître. Toute la substance, toute la
quintessence de l'enseignement sont pour lui seul.
L'expérience a si bien démontré les avantages de ce
système, que même dans les établissements comme
le Conservatoire, où plusieurs élèves sont réunis dans
la même classe, chacun d'eux reçoit pourtant l'en-
seignement individuel. Le professeur ne fait pas un
cours, il donne à chacun sa leçon en présence des
autres, de sorte que les conseils, les remarques, les
préceptes profitent à tous. C'est un enseignement à
la fois individuel et collectif, propre à exciter l'ému-
lation et à développer l'esprit critique, l'esprit d'ob-
servalion et d'analyse.
Cette forme d'enseignement est, du reste, indis-
pensable dans les Conservatoires, où il n'y a pas
deux élèves absolument au même point. On ne pour-
rait raisonnablement retarder les études des uns
pour attendre les autres.
Dans certains cas toutefois, l'enseignement collec-
tif est excellent et même le seul possible.
C'est d'abord, lorsque le nombre des élèves est
considérable, et qu'il s'agit de l'étude du solfège, de
la théorie, du chant d'ensemble, des éléments d'har-
monie; puis, pour l'histoire de la musique, de la lit-
térature dramatique et pour la classe d'orchestre,
qui n'en pourraient, du reste, avoir d'autre. Il est
encore possible au début de l'étude des instruments :
le maître peut alors indiquer à tous certaines règles
sur la tenue, les doigtés, l'émission du son, etc.,
mais, assez rapidement, la leçon et le travail indi-
viduel deviennent indispensables pour développer
en toute liberté les progrès et la personnalité de
chacun.
Les avantages de l'enseignement individuel sont,
dans la plupart des cas, tellement évidents qu'il
semble inutile d'insister davantage sur ce point. Le
bon sens est là-dessus d'accord avec les résultats de
l'expérience.
L'enseignement artistique ne doit dans aucun cas
annihiler la personnalité de l'élève, qu'il s'agisse
d'interprétation ou de création.
En ce qui concerne la partie technique, une exces-
sive sévérité est nécessaire; le professeur ne doit
rien laisser passer, mais ensuite, après avoir ensei-
gné selon ses idées, selon ses convictions, selon les
traditions qu'il croit les meilleures, il doit laisser à
son élève, si celui-ci est virtuose, une certaine liberlé
d'interprétation lui permettant de dégager sa per-
sonnalité, tout en respectant la pensée de l'auteur.
Il arrive qu'un interprète supérieur et génial donne
une saveur particulière à une œuvre, et devient, en
quelque sorte, pour une partie, le collaborateur
du compositeur. 11 appartient au maître de ne pas
étouil'er ces germes d'originalité si précieux et si
rares, qu'ils semblent un don du ciel.
Si, au contraire, le disciple se dirige vers la com-
position et veut devenir lui-même créateur, le pro-
fesseur, après avoir fait admirer et pénétrer dans
l'esprit de son élève les beautés des grandes œuvres
consacrées, après les avoir analysées avec lui au
point de vue de la construction, du style, du senti-
ment, de la couleur, etc., doit lui laisser, lorsqu'il
sera devenu complètement maître de sa main et de
sa plume, toute liberté au point de vue de la route
à suivre; il le dirigera prudemment, avec des lisières
très douces, très souples, de manière à faire éclore
toute la fraîcheur, la saveur, l'originalité, la puis-
sance, la couleur, la force du fruit qui va arriver à
maturité.
Il évitera surtout d'imprimer Irop fortement sa
personnalité sur le talent de ses élèves, et de provo-
quer cette exclamation si souvent entendue, hélas :
« On voit bien que X. est élève de Z. »
Les qualités du professeur sont ici : outre le sa-
voir profond, un tact parfait, une intelligence supé-
rieure, une abnégation entière. Sa mission est haute :
diriger les jeunes esprits verslacréationde la beauté,
du sublime, de l'idéal!
Il est très désirable que le professeur puisse en-
seigner pratiquement : qu'il soit virtuose s'il s'agit
de musique instrumentale, chanteur s'il s'agit de
musique vocale, théoricien spécialiste s'il s'agit dr
solfège, d'harmonie, de contrepoint, etc , composi-
teur, s'il s'agit de composition ou d'instrumentation.
En un mot, il est désirable que le professeur puisse
prêcher d'exemple. C'est ainsi qu'il inspirera une
entière confiance à ses élèves. Il est certain qu'un
professeur d'harmonie ou de contrepoint qui ne
pourrait immédiatement et avec facilité corriger les
devoirs de ses élèves, perdrait toute autorité sur eux.
Il y a pourtant quelques exceptions, surtout dans
le domaine instrumental et vocal, mais elles ne font
que confirmer la règle.
Il est une opinion assez répandue et parfaitement
erronée qui consiste à penser que, pour des com-
mençants, la médiocrité du professeur est sans im-
portance. Dans le monde, les parents confient volon-
tiers la première éducation musicale de leurs enfants
à dçs professeurs sans talent. Il est difficile d'en pé-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3139
nétrer la raison. Ils ont sans doute la conviclion
qu'il suffira plus tard d'un bon maître pour redres-
ser les défauts contractés au cours de cette première
et défectueuse éducalion. Grave erreur! II faut sou-
vent un temps considérable pour obtenir ce résul-
tai; encore ne l'obtient-on pas toujours, et en
reste-t-il fréquemment une intluence persistante et
désastreuse sur le reste de la carrière. L'enseigne-
ment doit donc toujours être confié, même au débul,
à des professeurs d'une capacité notoire; c'est une
vérité dont on ne saurait assez se pénélrer.
Si l'on convient assez facilement que les instru-
mentistes ont besoin d'être en pleine possession de
leur technique, il n'en est pas toujours de même
relativement à la composition, et il n'est pas rare
d'entendre émettre, même par des gens qui semblent
raisonnables, la théorie absurde que les études d'har-
monie, de contrepoint, de fugue sont inutiles.
On entend également assez souvent des amateurs
s'écrier : « Avant de rien savoir, je composais, j'écri-
vais,, j'avais des idées; depuis que j'ai appris l'har-
monie, je ne trouve plus rien. » Ils en concluent que
la science tue le génie. Ils prenaient sans doute pour
l'expansion du génie les misérables platitudes qu'ils
écrivaient autrefois, et dont ils auraient honte incon-
sciemment aujourd'hui, étant un peu plus éclairés.
Celte aberration de l'esprit ne peut s'expliquer que
de cette façon.
Ce qu'on peut affirmer indéniablement, indiscuta-
blement, c'est qu'il faut être maître absolu de son
métier pour n'être pas gêné dans l'expression de sa
pensée. On peut affirmer également que la demi-
maîtrise est une faiblesse.
Il est, en effet, aussi indispensable au musicien de
savoir complètement son métier qu'au littérateur de
savoir parfaitement l'orthographe et la syntaxe, et,
en dépit des détracteurs de dogmes, il n'en est pas
moins vrai que l'étude de l'harmonie et du contre-
point est la meilleure des gtjmnastiques pour un jeune
musicien qui veut arriver à la maîtrise de son art.
Aucune étude ne peut remplacer celle-là au point
de vue pratique, et il n'est pas difficile de reconnaître
les auteurs qui se sont nourris de cette moelle subs-
tantielle.
Et qu'on n'aille pas croire, comme les esprits uto-
pistes et paradoxaux visés plus haut voudraient l'af-
firmer, que cette élude étouffe et atrophie le génie;
tout au contraire, les élèves doivent être convaincus,
comme le dit excellemment F. Hichteb, dans une
Hemarque de son Traité d'harmonie, que ce qui leur
sera défendu n'entravera eu rien leur liberté dans
leurs productions futures; ils se seront tellement
identifiés avec les principes qui sont la base de l'art,
que leurs facultés naturelles se développeront avec
plus de vigueur. Avec les commençants, le travail du
maître consiste à mettre de sages entraves à des
fantaisies déréglées qui, souvent, ne sont qu'une
preuve de faiblesse d'esprit. Pense-t-on que les
grands mailres que nous admirons auraient produit
les œuvres qui ont fait leur gloire s'ils n'avaient su
leur métier? Est-il besoin de rappeler à ce sujet les
grands noms de Bach, Haydn, Mozart, Beethoven,
Weber, Mendelssohn, Schuma.nn, R. Wagner, Brahms,
Hameau, Gluck, Méhul, Gounod, A. Thomas, Bizet,
Lalo, C. Franck, Cherubini, Rossini, Verdi, pour ne
• parler que de quelques morts illustres?
On cite quelquefois Berlioz comme ayant eu une
éducation première incomplète, qui ne nuisit pas à
l'expansion de son génie. Il est vrai que, tel qu'il
nous apparaît par son œuvre si puissante, si colorée,
si personnelle, il a élé grand; mais ne l'eùt-il pas
été davantage encore sans cette lacune? On raconte
qu'un jour Gounod, dans une saillie humoristique
et quelque peu paradoxale, se serait écrié en par-
lant de Berlioz : » C'est l'apôtre de la fausse basse. »
— Cette boutade, bien que notablement exagérée, a
pourtant un semblant de vérité, et jamais, certes,
Gounod n'eût songé à dire cela de Bach, de Beetho-
ven, de Wagner...
D'où vient cette sotte idée de croire que la science
peut être fatale à l'inspiration? Sans doute, de l'or-
gueil de ceux qui ne savent rien et qui voudraient
en imposer à l'esprit de naïfs et crédules auditeurs!
A propos de Verdi, il convient, de remarquer et
d'admirer la haute intelligence et l'énergique volonté
de ce maître, ayant été lui-même, après ses premiers
succès, son propre éducateur, se fortifiant peu à peu
dans l'art d'écrire, et ne cessant jusqu'à la fin de sa
vie de faire les efforts les plus admirables, n«n seu-
lement pour acquérir une plus grande maîtrise, mais
encore pour transformer, épurer, élever son style.
Superbe exemple d'enseignement pour les autres!
Si le j le musicien appartient à une famille
intelligente, à l'esprit cultivé, s'il a reçu lui-même
une instruction suffisante et une bonne éducation, il
se trouve plus apte à recevoir avec fruit l'enseigne-
ment artistique qui lui est donné. Dans le cas con-
traire, il se voit souvent obligé à de plus grands
efforts pour obtenir des résultats moindres et plus
lents. On peut dire que l'éclosion est plus probable
et plus facile dans la première hypothèse, le terrain
étant mieux préparé.
On croit souvent que l'atavisme est une cause dé-
terminante de dispositions, de facilités, d'aptitudes
particulières. Le contraire se voit si souvent qu'une
affirmation dans ce sens serait bien hasardée.
Ce qui est certain,- c'est qu'un élève qui, au cours
de ses études, a la bonne fortune de vivre dans un
milieu éclairé, sympathique à ces études mêmes,
en reçoit un réconfortant très favorable au dévelop-
pement de ses progrès.
D'autre part, le professeur, par la dignité de sa
vie, par la noblesse de son caractère, par son amour
et son respect de l'art qu'il cultive, peut avoir une
inlluence très heureuse sur l'esprit de ses élèves.
C'est encore de l'enseignement, et du plus grand,
car toutes ces qualités morales rejaillissent sur l'art
lui-même, lui donnant plus de beauté, plus de pureté.
Un professeur, dont le caractère et la vie seraient
peu estimables, ne peut guère développer chez ses
élèves d'idées nobles, élevées. A son insu, son ensei-
gnement s'en ressent, au grand détriment de l'art.
Donc, éducalion première, air et milieu ambiants
favorables, dignité du professeur, sont autant de
conditions très propices à la réceptivité heureuse de
l'enseignement.
Il n'est pas inopportun de faire remarquer ici, au
moment où tant de gens demandent légèrement,
après d'autres qui l'ont demandé aussi légèrement
qu'eux, a si le séjour de Home est utile aux musi-
ciens », combien sont fragiles les bases de leurs ar-
guments.
I\i ) 'CI OPÊlim DE I.A MUSIQUE ET DICTION, \ AIRE DU CONSERVATOIRE
A ce propos, lu lettre suivante, adressée par l'au-
teur de cet article an directeur du Monde musical, le
30 avril 1903, peut être opportunément reproduite
ici. Il s'en dégage cette vérité que le séjour à la
Villa Médicis est encore de l'enseignement, et du
plus haut. Les professeurs y sont, : la nature, les
chefs-d'œuvre, les souvenirs, le milieu admirable, le
travail, la réflexion, la contemplation, etc. Us en
valent bien d'autres!
Voici cette lettre :
» Cher Monsieur,
« Votre lettre soulève une question tant de fois
agitée et à laquelle il a été répondu si souvent d'une
façon victorieuse, qu'il semble inutile d'y revenir à
nouveau; cependant, puisque vous la remettez sur
le tapis, je veux vous en donner mon avis.
« Combien de fois ne m'a-t-onpas dit : « Que vont
faire les musiciens à Rome? » Eh! mon Dieu, ils n'y
sont pas envoyés précisément pour « produire »,
mais aussi et surtout pour apprendre à penser, à ré-
fléchir, pour élever leur esprit dans un milieu artis-
tique unique au monde, pour digérer les études faites
scholastiquemenl et quelquefois trop rapidement,
pour oublier l'aris et sou snobisme musical, pour
devenir des hommes entin, en contemplation avec
les helles choses de la nature et de l'art.
« Croyez-vous donc, en outre, que la vie en com-
mun, les échanges d'idées avec des jeunes gens cul-
tivant un art différent, ne puissent avoir une influence
heureuse sur l'épanouissement de l'intelligence?
Croyez-vous donc qu'il soit inutile de se recueillir un
peu avant de se lancer dans le tourbillon de la lutte?
« Les jeunes gens sont souvent trop pressés de
« produire » en vue du succès et de la réputation
immédiate. Quand ils auront passé deux années en
Italie et une année en Allemagne, remplissant scru-
puleusement les conditions du règlement très sage
et très libéral de l'Académie, qu'ils auront su voir et
comprendre, je vous assure qu'ils seront armés pour
la lutte et pour la production.
« Que s'il se trouve des gens — et il s'en trouve,
hélas! — pour ne rien entendre de tout ce que je
viens de vous dire, et même pour en sourire, je les
plains et reste sans espoir de les convaincre! Mais
vous, cher monsieur, qui venez de passer quelque
temps à Rome, je suis persuadé qu'avec votre intel-
ligence des choses de l'art, vous n'êtes pas loin d'être
de mon avis.
« Du reste, le séjour de Home a-t-il donc été si
néfaste à nos compositeurs anciens pensionnaires?
A-t-il tué la personnalité de quelqu'un d'entre eux?
Il est facile de démontrer le contraire en citant seu-
lement quelques noms tels que Berlioz, Bi/.et, Char-
pentier, Debussy. Qui ne se rappelle Gounod parlant
de Rome et de l'Italie? Qui n'a lu les impressions
de Gœthe sur Rome? A de rares expressions près,
je suis sûr que tous les musiciens ont conservé de
leur passage à la Villa Médicis un souvenir exquis,
durable et profitable.
ii Quant à moi, je n'y pense jamais sans émotion,
et je dois dire que le peu de sentiment de l'art que
je puis avoir, c'est là que je l'ai senti naître et se
développer. »
Le professeur enseignant la composition fera re-
marquer à ses élèves les rapports existant entre l'Art
musical et les autres arts. Ils sont beaucoup plus
étroits ivecjla littérature quave; la peinture et la
sculpture; en effet, de beaux vers, une belle langue
sont une harmonie; un beau poème lyrique peut
évoquer des idées musicales. La peinture et la sculp-
ture parlent surtout aux yeux, à l'esprit, à l'imagi-
nation; les impressions qu'elles suscitent peuvent se
graver lentement et se fixer fortement dans le sou-
venir, la durée visuelle en étant, si l'on veut, indé-
finie; tandis que la musique s'adresse au senti-
ment, au cœur, provoque des impressions très vives,
chevaleresques, tendres, ardentes, tristes, gaies, poé-
tiques, violentes, passionnées, mais, hélas! fugitives
comme l'est toute chose qui passe rapidement, non
ici devant les yeux, mais devant les oreilles.
Au point de vue de la forme, l'architecture est, de
tous les arts, celui qui a le plus de points de cou-
tact avec la musique.
Une belle symphonie est comme un beau monu-
ment : toutes les parties doivent être en parfait équi-
libre, d'une forme élégante ou puissante, sévère ou
gracieuse, selon le caractère; les détails doivent être
en harmonie et en unité de style avec l'ensemble.
On dit d'un morceau de musique bien construit qu'il
est « d'une belle architecture ». Les grandes œuvres
des maîtres classiques les plus célèbres ont toutes
ces qualités de forme, de pondération, qui en font des
modèles qu'on ne peut cesser d'admirer.
Un morceau de musique mal construit ressemble
assez à une maison dont les différentes parties n'au-
raient aucune symétrie, dont les proportions sem-
bleraient plutôt le résultat du hasard que dé calculs
heureux, étudiés, propres à donner une impression
d'équilibre, de stabilité, de beauté esthétique et
artistique.
Hélas! combien de morceaux de musique ressem-
blent à cette maison! Aucun plan, aucune forme!
C'est une improvisation perpétuelle, où l'imagination
la plus folle, la plus désordonnée peut se donner
libre carrière, et où le nec plus ultra du sublime
est l'absence de toute beauté ! L'incohérence passe
alors pour du génie! C'est laque le rôle du profes-
seur devient important et sacré; il a charge d'âmes
et doit faire voir le néant de ces doctrines; il doit
analyser avec ses élèves les belles œuvres des maî-
tres, d'une si parfaite ordonnance, d'une si belle
architecture, d'une tenue si admirable, œuvres qui
satisfont à la fois l'esprit et le sentiment.
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL AU COURS DES AGES
I iiups primitifs. — Antiquité.
A l'origine des temps, l'enseignement musical, re-
posant sur la seule pratique, se borna évidemment
à des instructions matérielles et verbales d'un chan-
teur à d'autres chanteurs, d'un instrumentiste à
d'autres instrumentistes. A mesure que la musique
prit plus d'importance dans la vie des sociétés, l'en-
seignement dut adopter des formes plus générales.
La connaissance de la théorie, c'est-à-dire des lois
et des rapports des sons, devint nécessaire aux mu-
siciens, et ce genre d'enseignement exigeant des dé-
monstrations minutieuses, des explications longues
et détaillées, on conçoit qu'il devait être donné dans
des réunions et devant des auditoires d'éièves pou-
vant profiter collectivement du discours d'un seul
maître.
Comme la musique, dans les temps anciens, de-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3M
meurail intimement et presque exclusivement liée
aux pratiques religieuses, il était tout naturel que
les éducateurs musicaux fussent des prêtres, et on
ne peut guère douter que chez les Hébreux, les
Perses et les Chinois, de tout temps épris de musi-
que, l'éducation musicale eût lieu, comme plus tard
chez les Egyptiens, au sein des assemblées religieu-
ses. Les Grecs mêmes, pendant plusieurs siècles,
durent étudier la musique dans les temples. Les
oracles des plus anciens sanctuaires, ceux de Dodone
et de Delphes, étaient rendus en vers et chantés. Le
lyrisme grec naquit et se développa en grande par-
tie sous l'influence de cultes, comme ceux d'Apollon
et de Dionysos. Ce n'est que vers la (in du vie siècle
que le premier théoricien, Lasos d'Ilermione, écrivit,
parait-il, un traité sur la musique; mais des cultes
secrets, qu'on appelait mystères et où la musique
jouait certainement un rôle très important (mystères
de Dionysos Zagreus, célébrés par les Orphique?,
mystères d'Eleusis), existaient depuis des temps
très reculés.
On n'a pas de données précises sur la manière
dont était cultivée la musique dansla Chine antique,
mais on sait que cet art y tenait une grande place
dans les préoccupations morales et politiques.
Confucius, excellent musicien lui-même et habile
exécutant, reconnaissait dans la science musicale le
moyen le plus sûr et le plus agréable de réformer
les mœurs publiques. Il estimait, comme plus tard
Platon, qu'elle devait être considérée comme un des
principaux éléments de l'éducation. Celte vénération
pour la musique, le divin philosophe l'avait puisée
dans les livres sacrés, tels que le Li-ki, où elle est
célébrée ardemment et où on lui attribue une sorte
de toute-puissance sur les humains, el\eChou-Kinij,
où il était rapporté que L'Empereur Chim, eu nom-
mant le sage Kouei pour présider à cet art, lui dit :
« Je vous charge de présider à la musique; enseignez-
la aux fils des grands pour leur apprendre à allier
la droiture avec la douceur, la politesse avec la gra-
vité, la bonté avec le courage, la modestie avec le
mépris des vains amusements. »
Le gouvernement attachait tant d'importance à la
musique qu'il s'en réservait la direction exclusive
et en formulait les règles générales. Le son fonda-
mental, appelé Koung, élait fixé par lui, et les dimen-
sions du tuyau qui le donnait, gravées sur les monu-
ments publics, servaient de métrique musicale1.
En Egypte, un usage analogue fut- adopté2; les
prêtres faisaient tracer sur des tables exposées aux
yeux de tous, des modèles de mélodie et d'harmo-
nie3, alin d'entretenir dans l'esprit du peuple la
connaissance el le culte des formes parfaites.
11 n'était permis à personne de changer quoi que
ce fût à ces modèles. Celte pratique montre le cas
que l'on faisait de l'enseignement musical, consi-
déré comme un bien public, conception qui lut plus
tard celle des Crées. On sait que Platon reconnais-
sait à l'art musical une influence souveraine sur la
forme du gouvernement, et assurait qu'on ne pou-
vait effectuer aucun changement dans la musique
sans en faire naître un correspondant dans la cons-
1. Kabixe d'Ouvet, La . Vusique exph q urr cn„t,»c setfn ce et comme art.
2. Le système musical si anci<-n des Chinois se retrouve, avec cer-
taines différences, dans tous les pays habites, ou avant été habites
par des peuples civilisés : l'Arabie le tint de la l'erse, qui le tenait des
Hindous, et il est permis de penser que l'usage d'exposer les « tables
de la loi musicale » aux yeux de tous venait de la même source, par
3. Je laisse a F*
la responsabilité <
titution de l'Etat1. Il pensait même qu'on pouvait
juger du caractère d'un homme d'après ses goûts
en musique; il voulait qu'on formât de bonne heure
les jeunes gens à connaître et à pratiquer la musique,
et que celte éducation fût faite d'après un plan mé-
thodique.
« Un Etat bien gouverné par de bonnes lois, dit-il,
ne laisse jamais au caprice des poètes et des mu-
siciens ce qui concerne les choses de l'éducation dans
la musique; il règle ces choses, ainsi qu'on le fait en
Egypte, où la jeunesse est accoutumée à suivre ce
qu'il y a de plus parfait, tant dans la mélodie que
dans la forme du mode. »
L'historien Polybe attachait aussi à la musique le
pouvoir d'adoucir les mœurs. Il rapporte que de tous
les peuples de l'Arcadie, les Cynèthes, étrangers à la
musique, étaient regardés comme les plus féroces;
il attribue hardiment leur férocité à leur éloigne-
ment de cet art, et il les oppose aux autres Arca-
diens qui, ayant reçu de leurs législateurs des
règlements propies à leur inspirer le goût de la
musique, se distinguaient par leurs mœurs douces
et religieuses.
Terpandre, qui, avec Clonas et Olyjipos, forme le
groupe archaïque des musiciens de l'antiquité5, éta-
blit la musique à Sparte. Cette ville fut longtemps le
centre de l'art musical, qui était considéré comme
institution nationale ; on y comptait (vn« et vic siècles
av. J.-C.) de nombreux représentants : Tpialktas de
Gortyne, XENODAMOsde Cythère, Xénocrite de Locres,
Alcman de Sardes. Ces musiciens poètes constituèrent
les dilférents genres du lyrisme choral qu'on appelle
le péan, l'hyporchème, le parthénée, et le dithy-
rambe0.
Les colonies de l'Italie méridionale et de la Sicile,
Locres, Tarente, Ilhegium, Syracuse, Agrigente, de-
vinrent, dès lors, des centres de haule culture musi-
cale. C'est vers cette époque que Pvthagore lit des
découvertes importantes. Le fondement du système
de ce philosophe, c'est que l'essence de toutes cho-
ses est le nombre. Fondateur des mathématiques
en Grèce, il appliquait à tout le calcul mathéma-
tique, et c'est ainsi qu'il arriva, le premier, à voit le
rapport qui existe, en musique, entre la sensation
auditive et le nombre qui représente la longueur de
la corde sonore.
Elant donné la haute signilication que les Grecs
attribuaient à la musique et la noble fonction qu'ils
lui assignaient dans la vie des peuples, il était naturel
que beaucoup de philosophes s'occupassent d'en
pénélrer, d'en fixer et d'eu enseigner les lois si
étroitement liées, dans leur esprit, aux grandes lois
de l'Univers.
Gevaert, l'illustre historiographe de la musique
antique, à qui nous empruntons quelques passages,
a énuméré les ouvrages théoriques parvenus jusqu'à
nous. Nous reproduisons ici cette liste :
4. Celte idée, disail-il, appartient a LUmu.v ,
leçons de musique a Suuiaik, et, après l'avoir le
crate, il l'avait développée par ses éludes et ses
5. Voir A. et M . Croiset. Histoire de la littéral
avec accompagnement de cithare; Cturvvs et Oi.v
accompignés par la lliite ou même pour la llùle !
S. A. et M. Croiset, op. cit., vol. Il, rii. ri .Lj
m .oait donné de*
méditations.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
.:. \ «ma m: (iiïusA. — Manuel d'harmonique.
i. Ai vimis. — Introduction musicale.
:.. (Vu-m-M'i". — futroduction harmonique.
l'Aucibm. — Introiluclian n l'art instrumental (KSS-
ii.l tp. J.-C).
7. Auis'riDii QuiNTiLiEN. — De la U usique (3 liv.l.
s. Clause Ptoi.bmbe. — Harmonique (sous M,iiv-AurHri.
B. Porphyre. — Commentaires sur l'Harmonique de P »ik
(vecs BG6).
10. Mamcbi i;u\E->M . Harmonique.
11. rraiM lie Musique. — Anonyme.
lï. Manuel île l'art uinsicnl harmonique ri /initiquc. Aimnvmr.
13. Hacciiius l.B Yib.ix. — Introduction a l'art musical.
1 ;. (i,,,,!, ,. . i'v, ■ , ,., - traite l'harmonique.
15. ARISTOXt NI'. fcniuienls nttliaiqiiei l - 1 i 1 1 -■ 'Il', I]. i.l, uin-li:
l.-C.)
16 PLDl S.BQOE. Dl'l '<"/«<• 8»f (A musique.
. - Irtlile urouslico-mlixical {*.<u* A.lricii.
118-138).
D - divi ps êi rits, notamment au ni" chap.
des Problèmes et au 8« llvi I P 1 fa»
19. l'OI.IJX.— Vaiieaa ! 0 ' .-,!■: Il piTrilr < :. >mm . .1 1 1 .
-_!■., et 5' livres du Banquet des Savants.
21. Miche] Psei.u». iVriviiiu liyzanlin ilu xi" siècle.
82, Martiancs Capeli a. — Romain.
28, Boece, - - Romain.
C'est le dernier document latin pouvant être classé
parmi les écrits antiques sur la musique.
Sans entrer dans des détails concernant la ma-
tière ou l'esprit de leurs ouvrages, nous pouvons no-
ter que tous ces écrivains se divisent en deux camps :
Pythagoriciens ou Néo-Platoniciens, et Aristoxéniens.
Pour les premiers, la musique était « une subdivi-
sion des mathématiques >• (Gevaert); ils fondaient
leurs théories sur des lois scientifiques et des spécu-
lations philosophiques.
Les derniers n'envisageaient que le but pratique
de l'enseignement ; ils voulaient avant tout former de
bons musiciens, préconisaient le jugement de l'oreille
et les calculs de l'expérience, et nous apparaissenl
donc comme les « avancés » de cette époque, s'op-
posait au dogmatisme établi et, en quelque sorte,
officiel. Leur système, plus rapproché de la physique
d'AniSTOTE, plus clair que celui de Pythagore, était
plus accessible à la masse et faisait de nombreux
adeptes, d'autant qu'ÀRisiozÈNE, n'étant pas « initié »,
pouvait parler ouvertement et gagnait ainsi la con-
fiance populaire. De plus, les esprits, portés alors
au matérialisme, s'accommodaient bien de ces prin-
cipes fondés sur des lois tangibles et dégagés de
préoccupations métaphysiques.
Mais tous ces auteurs rivaux ou antagonistes, au-
tour desquels se formaient des partis, tousces écrits
qui donnaient lieu à des discussions passionnées ne
s'occupaient guère, contrairement à ce qu'on pour-
rait croire, que de questions dont l'importance nous
parait aujourd'hui tout, à fait secondaire et qu'un
élève de solfège résout, apprend et retient en quel-
ques leçons : genres, échelles, intervalles, etc.
Le mot harmonique n'est en aucune façon chez eux
synonyme de notre harmonie; il signifie l'art des lois
qui régissent les sons dans leurs rapports mutuels
d'acuité et de gravité. Les Grecs étaient un peuple
plastique; la musique, corollaire de la poésie, les
préoccupe surtout dans ses parties pour ainsi dire
palpables, hauteur de sons, rapports acoustiques et
rythmiques, etils appliquaient ces différents éléments
à l'expression des sentiments et des idées (presque
toujours matérialisés), ou a l'évocation des images
suscitées par l'inspiration des poètes ou par la tra-
dition mythique. On comprend donc que l'enseigne-
ment de la musique eut comme conséquence logique,
ou comme préparation, l'enseignement des arts dont
elle était inséparable, el que les académies de musi-
que fussent forcément aussi des académies intellec-
tuelles et physiques.
La musique chantée à l'unisson constituait, à
vrai dire, l'art musical des Grecs; Platon dit. qu'il
faut laisser aux musiciens de profession la musique
accompagnée d'instruments faisant une partie dis-
tincte. Toutes leurs préoccupations techniques si
minutieuses se rapportaient donc à la monophonie,
et l'on peut en conclure que leur faculté de percep-
tion quant aux intonations et aux rythmes était
beaucoup plus exercée que la mitre1.
A Rome, la musique, enseignée par des pédago-
gues grecs, entre dans le programme de l'éducation.
Thrasylle et Didyme sons Néron, Adraste sous
Trajan, Théon de Smyrne sous Adrien, Xi coma ou
sous Antonin le Pieux, sont parmi les plus célèbres
écrivains didactiques.
Toujours les deux écoles, pythagoricienne et aris-
toxénienne, se combattent l'une l'autre. Au n" siècle,
un rapprochement semble s'effectuer; les Aristoxé-
niens paraissent adopter quelques principes de leurs
adversaires. Ptolémée résume les travaux des deux
sectes, Plutaroue écrit son dialogue sur la musique;
Dicxis d'Halicarnasse le Jeune compose un traité.
Ce n'est plus l'ère de l'inspiration, de l'invention
musicales, mais la science et l'étude sont bien repré-
sentées. On voit se former des agones; Auguste en
institue à Nicopolis, Néron à Home, Domitien leui
donne un nouveau développement et l'ait bâtir une
salle de concerts contenant 12.000 auditeurs.
Adrien, Antonin le Pieux, Marc-Aurèle protégeaient
la renaissance des corporations d'artistes musiciens.
Puis, les luttes entre le paganisme et le christia-
nisme amènent la décadence (c'est de cette époque
que datent presque tous les traités), et l'avènement
de Constantin coïncide avec l'extinction définitive de
la musique antique gréco-romaine.
Après la fermeture des écoles païennes (sous Théo-
dose), la théorie musicale, n'étant plus enseignée
nulle part, tomba vite dans l'oubli. Les prêtres cul-
tivaient l'enseignement du chant religieux, mais,
tout comme la musique profane, la musique d'église
était enseignée d'une manière purement empirique.
Pour apprendre à chanter, à composer ou à jouer
d'un instrument, on n'eut plus, comme dans les temps
primitifs, que l'exemple du maître, l'oreille et l'ha-
bitude. Cela suffisait pour établir la connaissance
des modes et des rythmes.
Quelques rar/es érudits, en ces siècles d'ignorance,
tels que Cassiodore ou Isidore de Séville, s'occu-
paient, il est vrai, de science musicale; mais ce que
l'on décorait alors de ce nom consistait en spécula-
tions mathématiques sur les rapports des sons et des
intervalles, auxquelles on accolait quelques extraits
généralement mal compris des écrivains musicaux de
l'antiquité, le tout sans aucune application pratique.
C'est par la mémoire que se conservaient et se
transmettaient, au moyen d'auditions fréquentes,
les canlilènes adoptées pour le service religieux.
Devenu partie intégrale du culte, le chant prit
une place importante dans l'éducation des jeunes
élevés. Il s'éleva, autour des basiliques épiscopales,
des séminaires, où l'on formait des lecteur*., ainsi
qu'on les appelait, « adolescents aux voix limpides »
chargés des récitations bibliques et qui devaient re-
tenir par cœur toutes les mélodies rituelles-.
, Histoire et Théorie île lu musique dans I antiquité.
Le Mélopée antique dans le chant île t'Kqlise la/lu
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3443
Les fonctions musicales étaient confiées aux prê-
tres, et à Home, une belle voix conduite avec talent
était le plus sûr moyen d'arriver aux hautes desti-
nées ecclésiastiques.
La musique religieuse prenait une place de plus
en plus vaste et, les anciens théâtres étant fermés
ou détruits, il n'y eut plus bientôt pour tout aliment
esthétique, pour toute distraction, que les chants
sacrés1. Mais l'invasion des barbares porta un grand
ravage dans les arts; la musique souffrit cruelle-
ment de la destruction des églises, des temples et
autres lieux où elle figurait à divers titres. Seul
Théodoric, roi des Ostrogoths, qui régnait sur l'I-
talie, montra du goût pour les ouvrages et les no-
bles occupations de l'esprit; ayant séjourné comme
otage, dans sa jeunesse, à Constantinople, il y avait,
dans la fréquentation des Grecs, pris le goût des
arts et des lettres. Devenu roi, il les cultiva en ama-
teur éclairé; sur la demande de Clovis, qui désirai!
étahlir dans sa capitale et dans les principales villes
de la France l'étude du chant, afin, sans doute, de
perpétuer par ce moyen la gloire de ses exploits, il
envoya à ce monarque le chanteur Acoride, qui se
rendil en Gaule, portant avec lui une cithare grecque.
Acoride organisa des « musiques de chapelle »
composées d'enfants de chœur, et placées sous la con-
duite d'un chef dont ils dépendaient entièrement2.
Moyen âge.
Los agitations de la guerre exaltaient à un point
extrême la ferveur religieuse; un grand nombre d'é-
glises furent réédifiées, et la vie se concentra dans
ces asiles de recueillement et de paix.
La musique, qui faisait le plus hel ornement des
fêtes ecclésiastiques, nécessitait des interprètes de
plus en plus habiles. Un décret émanant de Home en
595, ayant défendu le chant proprement dit aux prê-
tres et aux diacres, entraîna la création d'un corps
spécial de chantres : la Schola cantonim fut fondée
avec son double caractère didactique et pratique,
avec sa hiérarchie et son personnel, composé d'élè-
ves adultes et d'enfants destinés à l'état ecclésias-
tique.
Pépin le Bref établit dans son palais un corps
d'ecclésiastiques destiné à célébrer l'office divin.
Mais c'est l'avènement de Charlemagne qui peut être
considéré comme le véritable point de départ de
l'enseignement musical dans les temps modernes. Ce
prince montra pour la musique un amour véhément
et paternel; il lit venir de Home des maîtres renom-
més, les chargea de répandre les traditions du chant
grégorien à travers les Gaules, et provoqua un mou-
vement général d'études musicales dans tout l'Occi-
dent. Par une lettre circulaire adressée en 787 aux
métropolitains, il ordonnait que des écoles fussent
établies dans tous les monastères et dans toutes
les cathédrales des grandes villes.
La musique et le chant occupaient une grande
place dans cet imposant effort de culture intellec-
tuelle : tous les prêtres étaient tenus de s'y adonner;
« l'entrée du palais était interdite à ceux d'entre
eux qui ne savaient pas lire et ne connaissaient pas
la musique ».
Il est probable que l'introduction de l'orgue dans
l'église date de cette époque : le premier de ces ins-
1. Gevaebt, fftsloir:' r{ throric (/-■ la musique de l'antiquité (1S7:>,
1»81).
- 2. A. Hann^bohchk, Les /Musiciens et compositeurs français, pré-
truments connu en Occident l'ut un présent de l'em-
pereur Constantin Copronyme à Pépin le Bref, qui le
lit placer à l'église de Saint-Corneille à Compiègne3,
L'apparition et l'usage de l'orgue amenèrent évi-
demment une évolution et un progrès dans l'ensei-
gnement. Il est permis de penser que, dans la soli-
tude et le demi-jour des basiliques, quelques-uns de
ces hommes pieux, nourris de mélodie, trouvèrent,
en laissant errer leurs doigts sur le clavier des orgues,
les premières simultanéités sonores, qui plus tard,
sous le nom de Diaphonie, puis de Discantus, formè-
rent la base du grand édifice harmonique.
A la mort de Charlemagne, la Gaule septentrio-
nale se trouva livrée de nouveau à la désolation par
les guerres civiles et la fureur belliqueuse des IS'or-
mands. L'éducation en général, et par conséquent
l'enseignement de la musique furent arrêtés, anéan-
tis dans le tumulte et la cruauté dévastatrice des
armées.
Ce n'est que vers la fin du ixc siècle qu'on voit repa-
raître un souci de culture intellectuelle. Des écoles
tentèrent de se reformer. Rémi d'Auxerre, Heginon,
abbé de Pruym, Odon de Cluny s'attachent à relever
l'âme et l'esprit des peuples, luttent contre l'igno-
rance qui les entoure. Us s'occupent, entre autres
choses, de musique, écrivent des hymnes, des ouvra-
ges sur le chant; Hdcbald, célèbre moine de Saint-
Amand, commence à parler de la musique à plu-
sieurs voix; enfin Gerhert, devenu pape en 999 sous
le nom de Sylvestre II, imprima aux sciences et à
l'enseignement en général une impulsion puissante.
Tandis que la musique grave et savante se pour-
suivra dans les églises et les écoles, un autre mou-
vement s'opérera dans les milieux populaires sous
l'action des troubadours. Le règne de ces habiles
musiciens fut d'environ trois cents ans; il s'étendit
depuis le milieu du xie siècle jusqu'au commence-
ment du xv=. En Provence les troubadours, dans le
Nord les trouvères, en Flandre et en Angleterre les
ménestrels, parcouraient les contrées en chantant,
et entretenaient le culte aimable et fantaisiste de la
musique populaire et instrumentale. Au Carême, les
chants cessaient jusqu'à Pâques, et ils profitaient de
ce repos obligatoire pour se réunir en assemblées
où ils enseignaient chansons et refrains, et pour re-
nouveler leur répertoire en apprenant de nouvelles
mélodies. Ces sorles d'écoles, appelées Schola Mima
rttm ou Mënestrandies, sont nos premiers Conserva-
toires de musique. On en voyait un à Soissons, un
à Metz, un à Poitiers, d'autres à Clermont, à Aix, à
Orléans, etc.
L'influence des ménestrels et des trouvères devient
graduellement de plus en plus prépondérante; ceux
qui accompagnaient les croisés en Terre sainte,
importèrent en Europe les ornements de chant dont
les peuples de ces pays surchargeaient leurs mélo-
dies; ces nouvelles formes s'introduisirent dans les
chants populaires et pénétrèrent insensiblement
jusque dans la musique d'église; le chant grégorien
en perdit peu à peu son caractère austère et sa belle
simplicité1. Mais il est permis de croire, qu'à ces
reflets orientaux, l'horizon de la musique profane
s'élargit et s'illumina.
L'apparition de ces musiciens nomades dans les
châteaux et les campagnes eut pour conséquence la
rëilcs d'un Essai sur l'histoire dr la Masojue eu
dt-r-se/dieme .w.'c/cj P.-tris. IH'.lO, |i. 8.
3. Voir Encyclopédie, II" partie, pp. lu.'iS, 1051.
NCrCLOfÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICÏIOS'NAIIIE DU CONSERVATOIRE
formation des cours d'amour, des Jeux floraux, des
académies du « gai sçavoir », et plus tard des Puys,
des « jeux sous l'Ormel », et autres sociétés litté-
raires et musicales où s'organisaient des concours.
Jusqu'à quel point peut-on considérer ces aima-
bles cénacles comme ayant contribué à l'éducation
musicale? La musique y avait certainement moins
de part quu la poésie, mais il est bien probable que
les auteurs trouvaient dans l'émulation de ces dé-
bats artistiques un stimulant à imaginer de nou-
velles formes, et de nombreuses occasions d'émettre
et d'enseigner des idées sur la musique.
Tandis que l'éducation musicale se confirmait
dans les maîtrises, les ménestrels, troubadours ou
ion"leurs étaient les éducateurs laïques du peuple
et de la noblesse. Les princes et les grands de tous
les pays avaient des musiciens à gages.de véritables
corps'de musique. En Espagne, ils apportaient une
ardeur extrême à la musique; des ménestrels venus
d'Allemagne, de Lombardie, de France, et d'Angle-
terre, y avaient importé, dès le xu* siècle, le goût
de la musique instrumentale1.
En outre, l'humeur chorégraphique des Espagnols
et la fantaisie des danseurs, stimulaient évidemment
la production musicale.
Ouant à la musique religieuse, comment n'aurail-
elle pas été en honneur chez cette nation dévote,
fanatique et éprise de cérémonial? Les seigneurs
avaient leur chapelle, tout comme les rois, et sous
Charles-Quint et Philippe II, ces chapelles et ces
maîtrises, déjà brillantes et savantes, s'enrichirent
d'une nouvelle science et d'un nouvel éclat, ceux de
la musique llamande2.
Quatorzième, quinzième et dix-septième siècles.
La Flandre fut, en elfet, aux xiv", xve et xvie siècles,
le centre incomparable de toute production et de
toute éducation musicales. Les maîtres de tout ordre
et de tout genre y abondaient, les chapelles y attei-
gnaient une rare perfection.de grands compositeurs
reculèrent les bornes de l'horizon artistique par
des trouvailles de génie, par de patients et métho-
diques labeurs. Il n'est guère possible de citer tous
les hommes de valeur et de fonctions diverses qui
apportèrent au progrès musical une collaboration
féconde ou un noble effort; ils sont innombrables,
mais certains noms, comme ceux de Guillaume du
Fay, d'OcKEGHEM, d'OtiLANDO Lasso, de Jean TlNCTO-
ris, sont et demeureront illustres. Les maîtres de
chant, les organistes, les écrivains didactiques pul-
lulent, actifs, remuants, nomades, entretenant avec
les pays voisins des relations artistiques continuel-
les, les inÛuençant par leur exemple, ou puisant en
eux des enseignements qu'ils faisaient ensuite habi-
taient fructifier. A Anvers, à Liège, à Cambrai, à
Tournai, à Audenarde, à Bruxelles, à Ypres, à Har-
lem, à Bruges, etc., les églises possèdent des maî-
trises où le chant est savamment, cultivé. Les mai-
•es de chapelle prennent des élèves à demeure.
Certains d'entre eux recevaient des émoluments
destinés à payer la nourriture et le logement des
enfants de chœur; eux-mêmes étaient logés gratui-
tement. Ils devaient apprendre à ces pensionnaires
1. Fcsntes, Historia de la musica espafiola.
'i. Certains Espagnols revendiquent pour leur patrie l'honneur d'a-
voir inculque au» Flamands l'amour de la musique; cela ne parait
guère probable. En tout cas, pendant le xvi" siècle, les destinées mu-
sicales d : ces dcui pays se confondent ; d'illustres Flamands son! ap-
les principes du plain-chanl, tandis qu'un maître spé-
cial était chargé de leur enseigner le latin.
Les chapelles royales et princiôres étaient égale-
ment des pépinières musicales : on y entrait enfant
et apprenti, on en sortait souvent maître; la coha-
bitation, l'émulation, le souci continuel et en com-
mun des mêmes préoccupations mélodieuses, for-
maient un corps remarquablement uni et homogène
d'artistes accomplis. Cependant, les primitives com-
pagnies de ménestrels se développaient activement
dès le xive siècle; en Flandre, ces plaisants compa-
gnons deviennent de véritables musiciens; non seu-
lement, ils contribuaient à répandre et à perfection-
ner le goût de la musique instrumentale, mais encore
ils vulgarisent et propagent les chants patriotiques;
ils se groupent en confréries, se donnent un roi
chargé de veiller à leurs bonnes mœurs, à l'harmo-
nie de leurs relations et à les diriger. Il y eut des
Rois de Menestreulx, comme il y eut des Rois d'armes,
des Rois de Ribauds, des Rois de tir; et plus lard, le
1Î0( des violons, en France, fut le dernier rejeton de
cette « lignée ». Les ménestrels, isolés ou en groupe,
étaient inséparables des réjouissances publiques,
des tournois, des foires, des processions et même
des fêtes privées, des fêles de famille.
Ils employaient la harpe, le luth, la viole, qu'ils
consacraient plus spécialement à la musique reli-
gieuse; la cornemuse, le hautbois qu'ils associaient
plutôt à une idée héraldique ou symbolique, la trom-
pette, usitée dans des circonstances solennelles, la
tlûte, le fifre et le tambour qui servaient plus parti-
culièrement aux manifestations de la gaieté popu-
laire (Van der Straeten). Leurs confréries étaient
basées sur la nécessité de former sans cesse des re-
présentants prêts à suppléer ceux d'enlre eux qui,
pour cause de maladie ou d'aulre empêchement,
délaissaient la corporation. Peu à peu, ces sociétés
prirent plus d'importance et un caractère plus grave.
Toutes sortes d'institutions musicales libres se for-
maient. A Audenarde, dans les anciennes Chambres
de rhétorique, on se réunissait pour des cours ou
pour de la musique d'ensemble vocale, soit libre,
soit en contrepoint. A Bruxelles, VOrdo nuisicorum
réunissait des mélomanes el des professionnels qui
venaient périodiquement parler musique ou en faire.
Valenciennes fondait des associalions connues sous
le nom de Palinods et qu'imitèrent Amiens, Bouen,
Caen, Dieppe et plusieurs autres villes du nord de
la France. On y comptait aussi une institution dite
« du Salut de la Musique » et, plus tard, en 1687,
Valenciennes posséda une véritable Académie de
Musique. A Mons, il y avait une Association de
Sainte-Cécile; à Hasselt, une Confrérie de Sainte-
Cécile; h Wasemael, une société musicale libre éta-
blie sous le patronage de saint Job. A Bruxelles,
à Lille, à Courtrai, à Delft, à Douai, à Gand, à
Halkmaar, à L'trecht, des confréries, des collèges,
des chapelles, des associations de tout genre fleu-
rissent. Ce ne sont pas des écoles proprement dites,
mais on y apprend le métier musical par appren-
tissage, c'est-à-dire par le meilleur, peut-être, de
lous les moyens. Quelques-unes se rangeaient sous
la bannière d'un saint, d'autres appartenaient à des
sociétés de rhétorique3.
pelés en Espagne pour diriger les maîtrises, de jcuues Espagnols
doués de belles voix viennent en Flandre pour se perfectionner.
3. On s'attachait extrêmement à la bonne diction : il est à remar-
quer (voir les Grecs) qu'à toutes les époques de grande et belle florai-
son musicale, on s'est appliqué à unir IVnseignemcol de la musique
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3445
Les événements de la Réforme chassèrent la mu-
sique des Pays-Bas; les écoles se fermèrent au milieu
de guerres et de révoltes. Les musiciens flamands
privés de ressources émigrèrent vers l'Allemagne,
qui les recueillit, et où l'on voit se former alors un
grand nombre de nouvelles académies. La France
avait été, pour ainsi dire, l'amie et l'alliée de la
Flandre musicale; un échange continuel d'apports
esthétiques existait entre les deux pays. La musique
avait atteint en France de hautes destinées, les
grands compositeurs y étaient nombreux, mais l'en-
seignement n'y était pas plus régulièrement orga-
nisé que dans les autres pays; on y voit pourtant
quelques tentatives de cénacles musicaux à l'imita-
tion des conservatoires d'Italie. Le mot Conser-
vatoire est traduit de l'Italien « Conservatorio » qui
signifie asile, hospice, orphelinat; en etfet, les pre-
miers conservatoires furent des orphelinats dans
lesquels les enfants qui montraient des dispositions
spéciales recevaient une éducation musicale. Tels le
Conservatoire Santa-Maria di Loreto, fondé en 1S37 à
Naples, et les trois autres conservatoires de la même
ville : Délia Pietà di Turchini, Dei poveri di Gesù
Christo, di Sant'Onofrio, datant également du xvie siè-
cle. Les anciennes écoles de musique de Venise ne
portaient même pas le nom de conservatoire, mais
bien celui d'hùpital : Ospedale délia Pietà, Ospedale
dei Mendicanti, etc.
A Paris, les plus marquants parmi ces essais d'en-
seignement organisés furent l'Académie qu'établit
chez lui, en 1570, le poète Baïf, dans le but de
« répandre le goût de l'art et de perfectionner le
chant et l'instrumentation », puis la Confrérie de
Sainte-Cécile fondée par « les musiciens zélateurs
et amateurs de la capitale » dans l'église des Grands-
Augustins. Des concours de composition y avaient
lieu : « Seront adverlis, dit l'article S), tous bons et
excellents musiciens du royaume d'envoyer pour la
fêle de sainte Cécile quelques motets nouveaux et
autres cantiques honnêtes de leurs œuvres pour
être chantés, afin de connaître et remarquer les bons
auteurs, nommément celui qui aura le mieux fait,
pour être honoré et qualifié de quelque présent ho-
norable. » — Cette confrérie était sans doute une
imitation de celle qui fut établie sous le patronage
de la sainte à Evreux. Les associations musicales
avaient en effet fleuri dans les provinces françaises
à l'instar de ce qui se passait en Flandre, en Fran-
che-Comté,notamment,eten Bourgogne, qui tenaient
depuis longtemps la musique en grand honneur.
Déjà au vmc siècle, à Dijon, l'église de Sainte-Bénigne
avait été dotée d'une école de musique religieuse.
Charles le Téméraire composait et entretenait des
relations suivies avec l'illustre du Fay. La maîtrise
de l'église métropolitaine de Besançon, dirigée par
d'anciens chantres de la Chapelle Sixtine, s'attachait
à perpétuer les traditions de cette grande école. La
musique y était pratiquée de manière consciencieuse
et sévère. Apprenant que Guillaume du Fay était
arrivé à la cour du duc de Bourgogne, les chanoines
de Besançon lui demandèrent de vouloir bien leur
donner une consultation à propos d'une antienne
qui soulevait des discussions. Le grand Gouuimel,
et celui des lettres. En Espagne, les élèves des chapelles musicales
étaient instruits dans les belles-lettres, à Alcala. Les enfants de la
Chapelle de Bruxelles étaient, à l'époque de la mue, placés dans les
Universités pour poursuivre leurs hautes études; il est évident que
ceui dont la voix était restée belle reprenaient, après celle période,
1-e service musical, et que la double éducation reçue dans l'enfance
qui était Bisontin, ayant accompli, comme tout mu-
sicien sérieux de ce temps, son pèlerinage à Rome,
y fonda une école musicale dont Palestrina fut plus
tard élève. A partir du xvie siècle, le théâtre et le
ballet s'emparent de l'engouement public. L'opéra
entre eu France et amèneaveclui, d'Italie, des comé-
diens, des mimes, des danseurs, des chanteurs; l'é-
ducation musicale tend vers tout ce qui regarde le
théâtre, et c'est au théâtre qu'elle se fait surtout.
En 1669, l'abbé Perrin obtient des lettres patentes
portant permission d'établir dans la ville de Paris
et autres du royaume des académies de musique
pour chanter en public des pièces de théâtre, comme
il se pratique en Italie, en Allemagne et en Angle-
terre. Aidé de son associé Cambert, il appelle du Lan-
guedoc les plus illustres musiciens des églises cathé-
drales, parmi eux Beaumavielle et Clédièhe qui,
l'un et l'autre, sont les soutiens les plus solides de
son théâtre. Quand Lully prend possession de l'O-
péra, il se hâte d'y fonder une école de chant et de
déclamation. Marthe lb Rochois, créatrice â'Armide,
retirée de'.la scène en 1698, ouvre chez, elle une école
de chant dans la rue Saint-Honoré1.
Temps iiioilernes.
Après la mort de Lui.lv, le niveau musical baissa
sensiblement, et en 1713, Louis XIV, alarmé, signa un
règlement ordonnant qu'une école de musique, une
de danse et une d'instruments fussent établies où
seraient élevées des artistes destinées à l'Académie
Royale de Musique. Ceux qui étaient admis dans
ces écoles vêtaient instruits gratuitement.
Cette institution fut appelée le Magasin, du nom de
l'hôtel où logeaient, rue Saint-Nicaise, le directeur
et les personnes attachées à l'Académie Royale.
En 1781, le baron de Breleuil obtint de Louis XVI
l'ordonnance suivant,' :
,. Le Roi, ayant reconnu que ce qui pourrait con-
tribuer le plus efficacement à donner à un spectacle
aussi intéressant pour le public (que l'Opéra) un nou-
veau degré de perfection, ce serait d'établir une école
où l'on put former tout à la fois des sujets utiles à
l'Académie Royale de Musique et des élèves propres
au service de la chapelle de Sa Majesté, ordonne :
« Article premier. — A compter au 1" aoûtpro-
chain, il sera pourvu à l'établissement d'une école
tenue par d'habiles maîtres de musique, de clavecin,
de déclamation, de langue française et autres, char-
gés d'y enseigner la musique, la composition et en
général tout ce qui peut servir à perfectionner les
différents talents. »
Gossec fut un des directeurs; parmi les professeurs,
on comptait Piccini qui enseignait le chant2, Bodol-
phb qui enseignait le solfège, Molle, puis Dugazon
et Fleury, qui enseignaient la diction. Les chaires
d'instruments étaient également bien tenues; on y
enseignait aussi la langue française, l'histoire, les
armes, et la danse. Cette école ouvrit ses portes, en
1784, en l'hôtel des Menus Plaisir*. 11 y avaitclasse
tous les jours, sauf le dimanche; les élèves étaient
admis après avoir passé un examen devant tous les
professeurs de musique et de chant.
>s complets, à l'âge de raiso
iècles, l'enseignement du chant allait i
de la philosophie.
riNur, Histoire anceelotique du Co)isc
onipositeur enseignant le chant, voilà
. En llali:
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
On \ donna en 1783 une représentation de Roland,
par 1rs seuls élèves de l'école premier exemple de
nos ,. exercices publics •■■ Cette école connut bien des
vicissitudes, essuya toutes sortes de critiques, fut
prônée el blâmée avec une égale violence; elle produi-
sit de hous élèves et dura jusqu'en I7SS. Kn 1792, un
projet colossal s'ébauche : celui d'un grand théâtre
où tous les genres seraient représentés et auquel
serait attachée une école de musique; mais L'argent
n'abonde point el le projet est abandonné.
Bernard Sarrette, capitaine d'état-major, avait, en
1789, pour constituer la musique de la garde natio-
nale, réuni quarante-cinq hommes et les avait l'ait
instruire. En 1792, la Commune institue l'Ecole gra-
tuite de musique de la garde nationale parisienne. Les
élèves ont de dix à vingt ans, doivent se pourvoir d'un
uniforme, se fournir d'instruments, de papier à musi-
que sur lequel ils transcriront durant une heure tous
les jours les ouvrages nécessaires à leurs études; ils
recevaient par semaine deux Leçons de solfège, trois
d'instruments. I.e 30 brumaire, l'école de la garde
nationale donne son premier exercice public sur le
théâtre de la rue Feydeau. Le 10 nivôse, on célèbre
la prise de Toulon : la musique militaire parisienne
figure encore brillamment.
On le voit, ici, comme dans toute la Révolution
française, l'esprit néo-antique apparaît.
C'est pour ressembler aux Grecs et aux Romains
qu'on mêle la musique à toutes les manifestations
populaires; c'est pourse conformer aux préceptes de
la République de Platon qu'on tend à faire dépendre
du gouvernement l'enseignement musical. Gossec,
Catel, Méhul, Cherubini, Lesueur, écrivaient des
hymnes, des cantates de toutes sortes pour accom-
pagner les innombrables cérémonies, commémora-
tives ou inauguratives, et la production musicale
amena peu à peu la transformation de l'Ecole de
la Garde en Institut national de musique. Son rôle
est intimement lié à la politique: il est sorti de la
grande effusion lyrique de la Révolution et du besoin
de s'unir en chantant pour tlétrir ce qu'on déteste, ou
pour exalter ce qu'on adore. Le 18 brumaire, l'Ins-
titut national donne un exercice public; il prend part
aux obsèques de Féraud, il prête son concours à la
plupart des solennités.
Le Conservatoire.
Ses vicissitudes.
Enfin le 16 thermidor, Marie-Joseph Chénier, au nom
de Comité d'Instruction, fait adopter un décret orga-
nisant le Conservatoire national de musique.
En voici les deux premiers articles :
, I. « Le Conservatoire de musique, créé sous le
nom d'Institut national parle décret du 18 brumaire
an deuxième de la République, est établi dans la
commune de Paris pour exécuter et enseigner la mu-
sique. Il est composé de 115 artistes. »
II. « Sous le rapport d'exécution, il est employé à
célébrer les fêtes nationales; sous le rapport d'en-
seignement, il est chargé de former les élèves dans
toutes les parties de l'art musical. »
Les matières enseignées étaient Les suivantes :
solfège, clarinette, flûte, hautbois, basson, cor,
trompette, trombone, serpent, buccini, tuba? corvaî,
timbales, violon, basse, contrebasse, clavecin, or-
gue, vocalisation, chant simple, chant déclamé,
accompagnement, composition.
Sarrette est nommé commissaire à l'effet d'orga-
niser définitivement le Conservatoire. Cinq inspec-
teurs de l'enseignement sont aussi nommés : ce sont
les citoyen Méhul, Gréthy, Gossec', Lesueur et Cheru-
bini.
Il y avait environ huit cents élèves; le premier
concours eut lieu en l'an six et donna trente lauréats.
La première distribution des prix eut lieu le 3 bru-
maire de la même année (23 octobre 1797).
Voici la relation qu'en donne le .tournai de Paris
du I01' novembre :
« Le 3 brumaire, le Directoire exécutif, les Minis-
tres, le Corps diplomatique, l'Institut national et les
autorités constituées ont assisté à la distribution des
prix du Conservatoire de musique, qui s'est faite
dans la salle de i'Odéon.
« Il était difficile de choisir un lieu plus propre à
cette solennité. Le Conservatoire, composé des pro-
fesseurs et des élèves en état d'exécuter, formait un
orchestre de l.'iO musiciens qui remplissaient le théâ-
tre, décoré de colonnes et de guirlandes de fleurs. Le
gouvernement et le Corps diplomatique occupaient
une vaste tribune qui avait été préparée à cet effet et
qu'on avait magnifiquement ornée; aux deux côtés
du gouvernement, dans la galerie, se trouvait celte
réunion d'hommes célèbres que l'Europe admire :
l'Institut, et après lui, les autorités constituées.
« Le reste de la salle était rempli par une grande
quantité de femmes dont la beauté, la parure ajou-
taient au spectacle, et par une afiluence considérable
de citoyens. Lorsque le Directoire, précédé de son
cortège, est entré dans la salle, les applaudissements
se sont fait entendre de toutes les parties; chaque
citoyen semblait témoigner sa satisfaction de voirie
Gouvernement de la grande nation, après avoir assuré
le triomphe de la République française, venir encou-
rager les arts qui doivent l'embellir; on se rappelait
surtout les services rendus à la Révolution par le
Conservatoire de musique et on était touché de la
reconnaissance du Gouvernement.
« L'ouverture du Jeune Henry, morceau savant et
dramatique de Méhul, a ouvert l'exercice musical;
cette ouverture, exécutée par les nombreux et rares
talents qui composaient ce brillant orchestre, apro-
duit un enthousiasme général...
« Cette séance, qui a duré quatre heures et demies
a indiqué aux spectateurs ce que peuvent devenir
les arts dans une république, lorsqu'ils sont honorés
par le gouvernement. »
Le crédit de l'école était alors de 275.200 fr., mais
la situation budgétaire ne permit pas de le mainte-
nir sur ce pied. Une première réduction, en 1800.
ramène le nombre des professeurs à 82, celui des
classes à 79 et celui des élèves à 400. En 1802. on
effectue une nouvelle et sensible réduction, le total
des professeurs ne s'élevant plus qu'à 38.
Le titre de directeur fut donné à Sarrette à partir
de 1800.
Les attaques contre le Conservatoire sont aussi
anciennes que l'établissement lui-même; déjààcette
époque, il en fut lancé de très malveillantes, auxquel-
les le Directeur non plus n'échappa pas.
Lesueur fut un de ses plus archanés détracteurs.
Sarrette voulut alors lui donner sa démission. Il
resta cependant directeur jusqu'en 1815. De 1802
à 1815, les inspecteurs, qui étaient en même temps
professeurs de composition, fuient réduits à trois,
IiRétry s'élant retiré pour raison de santé, et Lesueur
ayant été invité à suspendre ses fonctions en raison
de ses violentes et injustes attaques contre le Con-
servatoire.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3447
En 1806, un décret impérial créa un pensionnat
pour les élèves chanteurs; douze élèves hommes
logèrent dans le Conservatoire, et six élèves femmes
furent pensionnées chez leurs parents ou dans une
pension particulière. Ce pensionnat subsista jusqu'en
1870 avec de légères modifications de détail. Des
classes de déclamation furent également créées à
celte époque.
Dès 1808, des exercices publics furent organisés,
donnèrent des résultats excellents et excitèrent une
émulation très profitable au développement des
études1.
Un événement important fut la construction d'une
salle de spectacle et d'une bibliothèque. L'inaugu-
ration de cette nouvelle salle se fit le 7 juillet 181 1 .
Jusqu'à la chute de l'Empereur Napoléon, celte pé-
riode fut féconde pour le Conservatoire, qui pour-
suivait ses travaux avec une infatigable activité, en
y mettant l'esprit de méthode, la rectitude de prin-
cipes indispensables aux progrès des grands établis-
sements d'instruction.
La chute de l'Empereur suspendit le développe-
ment de l'Ecole. Saruette fut révoqué le 17 no-
vembre 1814, mais au retour de Napoléon, il reprend
ses fonctions (23 mars 1815). Le décret suivant fut
promulgué :
n Article premier. — Les dispositions de l'ordon-
nance du 28 mai dernier, touchant nos théâtres
impériaux, et les ordres donnés le 28 décembre der-
nier pour la suppression du Conservatoire et la dis-
position des édifices qui y étaient affectés sont re-
gardés comme non avenus...
« Article 3. — Le directeur, les inspecteurs et pro-
fesseurs du Conservatoire de musique rentreront
également dans leurs fonctions... »
A la rentrée des Bourbons, Sarrette est destitué
(28 déc. 181b). En 1816, le gouvernement supprime
l'organisation du Conservatoire et rétablit celle, beau-
coup plus restreinte, de l'ancienne Ecole Koyale. Le
nombre des professeurs descendit à trente-six, celui
des élèves à cent quarante, et le crédit à 80000 fr.
Il n'y eut plus de directeur. Per.nk fut nommé
Inspecteur général. Les anciennes fonctions d'ins-
pecteur furent supprimées. Cherubini et Mèhi-l res-
tèrent simplement professeurs de composition. En
f818, Lesueur reprit ses fonctions de professeur. L'en-
seignement supérieur était donc ainsi représenté :
Cherubini, Berton, Lesueur, Eler, Heicha.
Mais l'école ne donna en cette période que de très
faibles résultats. On appela alors à sa tête (en 1822)
Cherubini, qui avait fait partie de l'ancien Conser-
vatoire, et qui s'attacha à faire renaître sa tradition
florissante. Dès cette époque, le nombre des pro-
fesseurs s'éleva à cinquante-huit, celui des élèves à
trois cent dix-sept, et le crédit, qui était de 141.350 fr.
s'éleva progressivement jusqu'à 1 .18.000, chiffre atteint
en 1842, époque de sa mort.
La direction de Cherubini donna une grande et
bienfaisante impulsion à tous les services de l'école.
Son grand talent, son caractère ferme et quelque
peu autoritaire inspirèrent le respect et servirent à
établir une discipline utile et solide.
Auber lui succède de 1842 à 1871. Sa direction fut
paternelle, presque impersonnelle, mais l'impulsion
de la régularité, de l'ordre, du devoir, étaient telle-
l'organisation du Conservatoire, s*s
i. Pour tout ce qui
programmes d'études, ses règlements, les arrêtés speck __
cernant, les projets de réorganisation, les décrets qui le régi
qu'il est impossible d'cnumêrer et de détailler ici, tellement
ment dans les habitudes de tous, que ce fut une
époque de tranquille prospérité pour le Conserva-
toire.
Les matières enseignées étaient : solfèee, harmo-
nie orale, étude du clavier, étude des rôles, chant,
déclamation lyrique, piano et harpe, instruments à
archet, instruments à vent, ensemble instrumental,
harmonie, orgue, composition, déclamation drama-
tique.
Le règlement de 1850 édicté : « Il y a un pen-
sionnat de dix élèves hommes spécialement destinés
aux études lyriques.
« Un nombre égal de pensions, de 800 fr. chacune,
est attribué aux élèves femmes.
« Huit pensions, de 800 fr. chacune, sont attribuées
aux élèves des deux sexes qui suivent les classes de
déclamation spéciale. »
Des examens semestriels, des concours, des exer-
cices, étaient, comme aujourd'hui, la sanction des
études. Bien qu'un décret de Napoléon, du 15 oc-
tobre 1812, décidât qu'il y aurait au Conservatoire
un professeur de grammaire, d'histoire etde mytho-
logie, et que la même idée eût élé reprise en 1817 et
en 1824, il n'y avait jamais eu jusque-là de cours
véritable d'histoire de la littérature théâtrale ni de
la musique. Cette lacune fut comblée en partie par
l'arrêté du 22 décembre 1854, signé Achille Fould,
qui créa « une classe d'histoire et de littérature au
point de vue de l'art et du théâtre », dont le premier
titulaire fut le célèbre Samson. Pour la musique, ce
ne fut qu'en 1871 qu'Ambroise Thomas, à son avène-
ment comme directeur, parvint à faire créer un
«cours d'esthétique et d'histoire de la musique ».
Auber mourut pendant la guerre de 1870-1871.
A. Thomas lui succéda, et fut un directeur très assidu
et très dévoué. Il n'eut qu'à continuer les traditions
fortement établies par ses prédécesseurs, en y ap-
portant les améliorations imposées par les circons-
tances et par l'expérience. Il fut secondé par un
homme de haute valeur, M. E. Rety, dont le juge-
ment, le tact, la perspicacité, la droiture ont été au-
dessus de tout éloge.
De nouveaux règlements furent élaborés en 1878,
en 1894 et en 1896, qui modifiaient, non l'organisa-
tion générale du Conservatoire, mais seulement cer-
tains détails. C'est ainsi qu'on créa, par exemple,
en 1804, une seconde classe d'opéra, une classe
d'alto, etc.
C'est ainsi encore que les deux classes préparatoires
de déclamation dramatique qui existaient furent sup-
primées, et que le nombre des classes de déclama-
tion dramatique fut porté à six.
Le nombre maximum des élèves dans chaque
classe fut aussi modifié, ainsi que le maximum de
durée des études.
Beaucoup d'autres modifications jugées nécessaires
intervinrent par ces décrets; on ne peut toutes les
mentionner2.
A. Thomas adopta avec un grand empressement
provoqua même celles de ces mesures qui furent
promulguées de son vivant.
A sa mort, en 1896, l'auteur de cet article fut
nommé directeur du Conservatoire; il fit tous ses
efforts, non seulement pour maintenir, mais encore
pour élever le niveau des études, et pour améliorer
S'. '.S
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
le fonctionnement de tous les services. A-t-il réussi
dans la lâche qu'il s'était imposée'.' Ce n'est pas à
lui qu'il appartient de se prononcer sur ce point.
S'étant retiré volontairement en 1903, on nomma
pour lui succéder Gabriel Fauré, auquel succéda
M. IUbaud.
Les plus grands parmi les musiciens et les comé-
diens en tout genre ont toujours lenu à honneur
de professer au Conservatoire de Paris. Pour donner
une idée de la valeur de l'enseignement, il convient
de citer, — depuis la fondation jusqu'à nos jours, —
parmi les professeurs morts ou qui ont abandonné
l'enseignement du Conservatoire1, les noms suivants- :
Gossec, Grétry, Mébul, Lesueur, Cherubihi, Berton,
Catel, Kreutzer, Rode, Tolou, Martini, Baillot, L.
Adam, Boïbldieu, Piccinm, Garât, Monsigny, Talma,
Haléw, Zimuermann, Habeneck, Reiciia, Ponchard,
Provost, Bordogni, Fétis, Lecouppby, Nourrit, Sain-
ton, Mmo Damoheau, Panseron, Mahmontel père, A.
Savard, Batiste, 11. Duvernoy, Bazin, Levasseur, Gar-
cia, Duprez, Pasdeloup, Alard, Massart, M"' Mars,
H. Herz, Mme Farenc, Moreau-Sainti, A. Adam, Fran-
ghomme, V. Massé, 11. Ueber, Régnier, A. Thomas,
Battaille, Faure, Chevillard, Dorus, Verroust, AfUo
A. Brohan, G. Mathias, Sauzay, Larro, Delle Sedie,
Bax, Roger, Obin, Couderc, Dancla, Mohr, Bressant,
Mad. Viardot, Th. Dubois, Mme Massart, E. Boulan-
ger, Massenet, Guiraud, Deldevez, C. Franck, Mau-
rin, Ismaél, Crosti, Jacquard, Rose, Got, Delaunay ,
Délires, Delsart, Worms, Maubant, B. Godard, Warot,
de Bériot, Fissot, Rabaud, Marsick, Pugno, Samuel
Rousseau, Taskin, Turban, Taffanel, pour ne nom-
mer que les plus célèbres.
Les exercices publics.
Le principe des exercices publics d'élèves remonte
très loin. Déjà, il en fut question dans un Mémoire
en 1766, mais ce n'est que vingt ans plus tard, le
18 avril 1786, que le premier exercice fut donné à
l'Ecole royale de chant et de déclamation. On y fit
entendre l'opéra Roland, de Piccinni.
Le règlement de l'Ecole de musique de la garde
nationale, fondée en juin 1792, prévoyait un exer-
cice public annuel, et le règlement portant organi-
sation du Conservatoire de musique (3 juillet 1706)
instituait 6 exercices par an, lesquels devaient avoir
lieu dans la grande salle du Conservatoire, en pré-
sence du Directoire, des Ministres et de l'Institut.
Des difficultés d'ordre différent mirent obstacle à
la réalisation des prescriptions édictées, mais on
entendit annuellement les élèves lauréats à la séance
de distribution des prix, dont la première eut lieu
avec un grand succès dans la salle de l'Odéon, le
24 octobre 1797.
Ce n'est qu'en 1800 (6 novembre) et en 1801 (13 jan-
vier) que deux véritables exercices d'élèves purent
avoir lieu. La Décade philosophique en rend compte
en ces termes : « Un orchestre nombreux, composé
tout entier déjeunes gens qui ont l'air de former une
pension, exécute avec ensemble, précision et fermeté
et met, ce qui est plus difficile, dans l'accompagne-
ment, l'intelligence et les ménagements que ce genre
exige... Ces exercices sont d'une grande utilité pour
l'émulation et les progrès des élèves... »
1. On conçoit facilement qu'il
fesseurs en
Les noms en italiques appartiennent à la dcclamali™ dramali-
Le budget du Conservatoire, qui supportait les
dépenses occasionnées par ces exercices, ne put pas
continuera les imputer sur son crédit, après que sa
dotation l'ut réduite, en l'an X, de 230.000 fr. à 100.000.
Ces concerts allaient forcément disparaître, lors-
que les élèves, reconnaissant combien ils étaient
utiles à leurs études, et soucieux d'en continuer
l'exécution, se réunirent, fondèrent la société des
Concerts français, qui donna desconcerts par abon-
nement, rue de la Victoire, dans le foyer de la salle
du Théâtre Olympique.
La première séance eut lieu le 30 brumaire an X
(21 novembre 1801). Mme Bonaparte et Mllc Beau-
harnais soutinrent celte tentative par leur souscrip-
tion personnelle. Mais si le succès artistique fut vif,
il n'en fut pas de même au point de vue financier.
Les frais étaient à peine couverts. Les élèves obtin-
rent alors la jouissance de la salle du Conservatoire,
avec l'autorisation de percevoir une rétribution pour
subvenir aux frais.
Ce fut là, en quelque sorte, l'embryon de l'organi-
sation de la Société des Concerts actuelle.
Douze concerts furent ainsi donnés du 21 novem-
bre 1802 au 1er mai 1803. Les programmes se com-
posaient presque toujours d'une symphonie de
Haydn, d'une ouverture, d'airs de chant et souvent
d'un chœur. On y exécuta même des productions d'é-
lèves de composition du Conservatoire.
Des instrumentisles se faisaient entendre aussi
dans ces concerts. Parmi eux, brillaient au premier
rang Habeneck et Tolou. Le premier s'exerçait déjà
dans la direction de l'orchestre, et préludait ainsi au
rôle si important qu'il remplit plus lard comme fon-
dateur et chef d'orchestre de la célèbre Société des
Concerls.
Malgré que le résultat financier fût médiocre, ces
concerts se poursuivirent plus ou moins régulière-
ment jusqu'à la chute de l'Empire, qui entraîna la
suppression momenlanée du Conservatoire, et en
même temps la ruine des concerts.
« Ramenant systématiquement le Conservatoire
aux proportions de l'école fondée sous Louis XVI, le
gouvernement royal, parla dispersion de la majeure
partie des élèves et des professeurs, empêcha, de
fait, la continuation des exercices. Ce fut la fin d'une
période unique, singulièrement active, prospère et
particulièrement brillante3. »
Cet orchestre d'élèves fit entendre pour la première
fois trois des symphonies de Beethoven, dont celle en
ut mineur, ce qui provoqua l'appréciation suivante
d'un critique du temps1 : « Cet auteur souvent bizarre
et baroque, étincelle quelquefois de beautés extra-
ordinaires. Tantôt, il prend le vol majestueux de l'ai-
gle, tantôt, il rampe dans des sentiers rocailleux.
Après avoir pénétré l'àme d'une douce mélancolie,
il la déchire aussitôt par un amas d'accords barba-
res. Il me semble voir renfermer ensemble des
colombes et des crocodiles. »
La critique a fait bien du chemin depuis! Mais on
sent pourtant que ces œuvres ne] peuvent laisser les
auditeurs indiTérents.
Sous la Restauration, les exercices furent peu
nombreux, très espacés et peu brillants.
Après la nomination de Cherubini, le gouverne-
ment voulut « restituer à l'Ecole royale de musique
que. Ces noms sont mis dans l'ordre -
de leur entrée en fonctions.
3. C. Pierbe, Le Conservatoire I\'a,
i. Les Tablettes de Polymnie.
< peu de chose près -
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 34
la réputation que cette même Ecole avait acquise
sous la dénomination de Conservatoire, par les exer-
cices publics où les symphonies des Haydn et des
Mozart étaient exécutées d'une manière distinguée,
où le chant, les solos d'instruments et la déclama-
tion spéciale avaient participé à la perfection desdits
exercices ». Il porta donc de six à douze le nombre
des séances annuelles. Les places étaient payantes,
et chaque exécutant recevait un jeton de présence.
Six exercices furent donnés sous ce régime en
1823 et trois en 182t. Les recettes se montrèrent
insuffisantes à couvrir les frais, et à partir d'un
dernier concert qui eut lieu en 1825, il ne fut plus
question d'exercices d'élèves.
Quelques essais furent pourtant tentés de 1828 à
1834, époque à laquelle Cherlt.ini, très désireux de
rétablir les exercices dans des conditions artistiques
favorables au développement du talent des élèves,
sollicita du gouvernement l'autorisation de faire un
essai le 27 mai, avec la Fêle du village voisin et un
fragment de grand opéra. Cet essai ne se renouvela
que cinq ans après, en 1839 et en 1840, encore fut-ce
à huis-clos.
Ce n'est qu'en 1841 qu'on rétabli t déOnitivement
les exercices d'élèves. Il devait y avoir tous les mois,
à huis-clos, des exercices lyriques et dramatiques
dans la salle du Conservatoire, exercices considérés
comme travail d'école. En outre, de grands concerts
publics devaient avoir lieu de janvier à avril. Tout
se passa comme le prescrivait le règlement; le public
vint aux grands concerts par invitations; il n'y avait
plus rien d'une spéculation; le seul et unique but
était d'intéresser, d'instruire les élèves, d'exciter en
eux une noble et salutaire émulation, de montrer et
de donner des exemples des résultats de leurs etïorts
et de leurs travaux.
De 1841 à 1862, les exercices conservèrent ce
caractère el se succédèrent régulièrement. Les pro-
grammes se composaient presque exclusivement
d'ouvrages lyriques ou dramatiques, donnés en
entier ou par fragments. Parmi les ouvrages lyri-
ques on relève : le Comte Or;/; la Pie voleuse; Orphée;
les Noces de Figaro; le Maître de chapelle ; le Barbier ;
Moïse; l'Irato; Marie; Don Juan; Armide; Œdipe à
Colone; le Petit Chaperon rouge; le Calife de Bag-
dad; Jean de Paris; les Voitures versées; Fidelio;
Zémire et Azor; le Tableau parlant ; Joconde; Joseph ;
VEclair; les Noces de Jeannette, etc.
Parmi les ouvrages dramatiques : l'Epreuve; le Jeu
de l'amour et du hasard; le Distrait; le Légataire
universel; les Folies Amoureuses ; le Barbier de Sé-
rille; le Mariage de Figaro; le Dépit amoureux; les
Précieuses ridicules; Don Juan; Tartuffe; Iphigénie
en Aulide ; Andromaque ; Mahomet: les Enfants d'E-
douard ; les Horaces : Britannicus, etc.'.
« Ces représentations - cessèrent en 1863. Elles
occasionnaient des dépenses pour location de cos-
tumes, de perruques, d'accessoires, indemnité aux
machinistes, gardes, artistes adjoints et frais de co-
pie de musique, achat de partitions, éclairage, etc.
Les répétitions, assez nombreuses, n'étaient pas
sans apporter quelque dérangement dans les études
fondamentales; des questions d'amour-propre, des
rivalités s'élevaient entre les élèves chargés des pre-
1. Pour plu1; de détails voir l'article d'A. Y
des Concerts du Conservatoire et les grandes
1. Les deui paragraphes suivants sont
volume de Constant Pierre.
miers rôles et ceux auxquels on confiait les emplois
secondaires ou qui étaient réduits au rôle obscur de
choristes. Ces divers inconvénients contribuèrent,
autant que leur peu d'utilité en général", à la sup-
pression des exercices.
« Ils ne furent rétablis que dix ans plus lard, en
1874, après la création de la classe d'orchestre. Les
exercices devinrent annuels et on leur restitua leur
caractère primitif. Ce sont maintenant des concerts
comportant des œuvres d'ensemble pour orchestre
et chœurs, seuls ou associés, des solos de piano ou
de violon, des morceaux de musique de chambre,
des airs et scènes d'opéras ou des fragments d'ora-
torios, d'œuvres sacrées, etc. De grands oratorios.
tels que le Messie, Elle et la Création, lurent intégra-
lement exécutés. Par suite de circonstances diverses,
les exercices de 1882 et de 1886 n'eurent pas lieu,
puis la série en fut interrompue de 1889 à 1896, le
professeur de la classe d'orchestre ayant du résigner
ses fonctions pour raison île maladie. On les reprit
en 1897, sous la direction de M. Théodore Dubois,
et depuis, ils ont été régulièrement donnés, non sans
un très réel succès. »
Pour avoir une idée de l'esprit qui présida à la
confection des programmes de ces exercices aux
diverses époques auxquelles ils eurent lieu, il con-
vient d'en mettre quelques-uns sous les yeux du
lecteur :
Au IX, 23 nivôse (13 janvier 1801). 2e exercice.
1. Concerto pour le piano-forte, Stbibklt : Kaklbren-
ner. — 2. Concerto pour le cor. Punto : Dauphat. —
3. Trio, Mengozzi : Mlle Uibon, MM. Monti.ai a, Ro-
land. — 4. Litanies, Durante (soli et chœurs).
{Décade philosophique, t. XXVIII.)
An X, 20 pluviôse (9 février 1802). 5« concert.
1. Symphonie dite de la Reine, Haydn. — 2. Air de
Montano et Stéphanie, Berton : Mlle Pelet. — 3.
Concerto pour la clarinette, Dacosta : l'auteur. — 4.
Ouverture d'Elisa ou le voyage au Mont Saint-Bernard.
Cherubini. — o. Air : M"e Péreaut. — 6. Symphonie
concertante pour violon et basse : Habeneck et Giérin.
(Journal des Arts, Sciences, etc.; n° 18b
du 25 pluviôse an X, p. 236.)
An XI, 1" ventôse (5 mars 1803). 7' exercice.
1. Symphonie, Haydn. — 2. Sonate pour la harpe,
Naderman : Foir.NET. — 3. Alceste , Gluck (Air) :
Mlle Lechesne. — 4. Nozze di Figaro, Mozart (duo) :
M"c Renaud, M. Roland. — 5. Concerto pour le vio-
lon, Hugot. — 6. Ouverture de Semiramis, Catel. —
7. Concerto pour le violon, Maréchal. — Orchestre
sous la direction d'HABENECK.
[Correspondance des professeurs, etc.,
n° 15 du 4 ventôse, an XL)
1807, 10 mai. "e exercice.
1. Symphonie, Beethoven. — 2. Air, Mozart :
M,lc Goria. — 3. Messe des morts, Gossec (trio) :
M11' Himm, MM. Nourrit, Ai'bry. — 4. Concerto pour
la clarinette, Dacosta : l'auteur.— 5. Air, Nicolwi :
M11" Goria. — Concerto pour le violon, Auber :
Mazas. — Litanies. Durante.
(Moniteur, p. 508; Journal de Paris;
Décade philosophique.)
311, 5 mai.
. Symphonie i
iOe exercice.
., Beethoven. — 2. Lina, Dalay-
abilité de coite
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONS' AIRE 1)1! CONSERVATOIRE
Higai i.i' el Li comte. - 3. Concerto pour le
iano, Dt sskb : Lambert, i. /.' [«berge de Bagnères,
C-ATEl I lin) : M11" CALLANT, MM. PONCHARD, LevASSEUR.
— .;. Ouverture $ Idn'en, Méhul. - 6. Serment d'A-
Ihalie, Gossbc chœur). 7. Fragment de sympho-
nie, Haydn.
Courrier des spectacles, i et '■ mai; -tournai
de Paris; Tablettes de Polymmie.)
1814, 28 juillet.
1. Symphonie, Mozart. — 2. Air, Weigl : M1" Al-
bert. — -'i. Concerto pour ri,, Ion, VlOTTl : J. HaBENECK.
i. Duo, Mozart: M,le Albert, M. Ponchard aîné.
- :,. Ouverture de Prométhée, Beethoven. — 6. Air,
Mozart : M11» Albert. — 7. Les Deux .tournées, Che-
rubini (final du 1" acte) : MM. Ponchard aîné, Pon-
chard jeune, Louvet et Levasseur. - s- Fragment
de symphonie, Haydn.
1823, 16 mars. 3' exercice.
1. Symphonie [sol min.}, Mozart. — 2. Emma,
Aider (trio) : Mlles Frémont, Melro el M. Prévôt. —
:. Symphonie concertante pour deux cors, Lindpaint-
ier : Jacqmin et Meifred. 4. Armide, Gluck : 1°
Sommeil île llenaud : Lafond, 2° choeur à 4 voix :
M"' Lebrun, MM. Thian, Brocard et Serda. — '■>.
Rondo pour piano (à 4 mains), Czekn\ : Axkan (8 ans)
et Dêiazet. — <i. Ouverture du Jeune Henry, Méhul.
— 7. Air, Rossini : M"0 Colomhelle. — 8. Concerto
le violon, Kreutzer : Tolrecqie, 2e. — 9. Fragment
l'une symphonie, Haydn.
1841, 6 novembre. (Petite Salle.)
1. Le Maître de Chapelle, Paér : Barnabe, Chapelle;
Benedetto, Giraud; Ortrude, Mlle Rouvroy. — 2. Le
Légataire Universel, Regnard : Géronte, Senès;
Eraste , Ponchard; Crispin , Bellevant; Clistorel ,
M"- Bertin; Scrupule, Fleuret; Gaspard, Rert; un
laquais de Géronte, Got; un laquais de M. Armante,
Pépin ; Mml!Argante,Chapuis; Isabelle, Volei ; Lisette,
Patureï.
1847, 6 juin.
1. Les Enfants d'Edouard , Casimir Delavij;ne :
Edouard Y, M110 Lévy ; le duc d'York, M"0 l'avarl ;
Glocester, Gibeau; Tyrrel, L. Beauvallet fils : Elisa-
belb, MIle Crosnier. — 2. Le Siège de Corinthe, Ros-
siki : Mahomet, Evrard; Cléomène, Gueymard; Pa-
myra, Mlle Poinsot; Néoclès, Barbot; Hiéros, Balan-
qué; Ismène, Mlle Décrois. — Orchestre dirigé par
Habeneck.
1856, 29 avril.
Orphée. Gluck : Orphée, M,11" de Lapommkraye; Eu-
rydi'ce, M"" Debay; l'Amour, M"e Dupuy. — Orchestre
dirigé par Pasdeloup.
1858, 17 juin.
i, Ouverture d'Egmont, Beethoven. — 2. Britanni-
cus, Racine (1er acte) : Britannicus, Eassier; Burrhus,
Uemy; Narcisse, Avisse; Agrippine, M"'' Méareli;
Albine, M"° Montagne. — -i. Ouverture de la Flûte
Enchantée, Mozart. — 4. Don Juan ou le Festin de
Pierre, Molière (2e acte) : Don Juan, Finsterwald;
Sganarelle, Lemesnil; Pierrot, E. Provost (ils; La
Ramée, Avisse; Charlotte, Mlle Cellier; Matburine,
MUe Uambricourt; — 5. Deuxième concerto pour le
violon, Alard : Sarasate (1er prix de 1857). — 6. Les
Héritiers, Alex. Du val : Antoine Kerlebon, Léautaud;
Jacques Kerlebon, Godfrin; Henri, Fassier; Duper-
ron, E. Provost (ils; Jules, Avisse; Alain, Lemesnil;
Mme Kerlebon, M"e Boucbenè; Sophie, M"c Brémond.
— Orchestre dirigé par Pasdeloup.
t. Symphonie en ré maj. Beethoven. — 2. Armide,
Gluce : Air, Caisso; Ch -. — Oberon, Webeb (final
du 1er acte) : a. Air: Mu« Bilbaut Vauchelet; 6. Duo ;
MUw Bilbaut Vauchelet et. Relgirard; c. Marche
finale (solo et chœurs). — 4. Trio en ut. min. Men-
delssohn (andt0 et finale) : Chabeaux, Lefôrt et Gros
Saint-Ange. — 5. les Noces de Figaro, Mozart (air ;
M"" Belc.irard. — 6. Romance en fa, pour le violon,
Beethoven : Mlle Pommereul. — 7. Joseph, Mehul
(entr'acle et prière). — 8. Le Siège de Corinthe, Ros- '
siM (scène et chœur) : solo, Couturier.
1881, 1er mai.
1 . Symphonie en la maj. Mendelssohn. — 2. La Fliite
enchantée, Mozart (air) : M"e Jacob. — 3. Iphigénie
en Tauride, Gluck (fragment du 2e acte : Dethuren-
et Bolly. — La Fiancée du Roi de Garbe, Auber (chœur
des Pages). — ,ï. Variations concertantes pour piano
et violoncelle, op. 17. Mendelssohn : M"" Talfimh u.
M. Pai'in. — 6. Trio en sol (op. 4), pour instruments à
cordes, Beethoven (fragments) : M"' Harkness,
MM. Carembat et Papin. — 7. Fernand Cortes, Spon-
tini (scène de la Révolte) : Lama&che. — s. Les SToces
de Figaro, Mozart (air) : Mlu Mansour. — 9. Le Siège
de Corinthe, Rossini (finale du 2e acte) : Mlle Fincren ;
MM. Bolly et Ver.nouillet.
1900, 10 mai.
1. Ouverture de Timoléon, Méhul. — 2. Cantate
pour tous les temps (fragments). J. S. Bach : soli :
Mllcs Mellot, Demouceot et. Cortez, MM. RoossouliêrÈ
et Baer : a. Symphonie; 6. chœur; c. air de so-
prano; d. récit, quatuor et chœur; e. récit, trio et
chœur; f. air de ténor; g. quatuor et chœur final.
— :i. Symphonie en la min. Mendelssohn (scherzo el.
adagio). — 4. Chœurs sans accompagnement : a.
Crucifi.vus, Lotti; h. Ferme les yeux, Schumann : solo.
M"e Huchet. — .'i. a. Quatuor en mi\?, Beethoven
(and"') : piano, M"e Demarne; violon, MUe Laval:
alto, Raii.ly; violoncelle, Richet; 6. Quatuor en mi .,
Schumann (scherzo) : piano, MllE Blancard; violon,
Schneider; alto, M archet; violoncelle, Fournier. —
6. Iphigénie en Aulide, Gluck (fragments du 1er actei :
Agamemnon, Rider; Calchas, Bover : a. ouverture;
o. air d'Asiamemnon; c. chœur et récit de Calchas ;
d. récit et air d'Agamemnon; e. récits et air de Cal-
chas; /'. chœur. — 7. flfors et Vita. Ch. Gounod.
1905, 11 mai.
1. Ouverture, Scherzo et Finale (op. 52), R. Schu-
mann. — 2. Magnificat pour soli, chœurs, orgue et
orchestre (1723), J.-S. Bach : a. Magnificat, chœur à
cinq voix: b. Et exultavit. air de mezzo-soprano:
M,le Lamare; c. Quia respexit, air de soprano :
M"" Mancini; Hautbois d'amour : M. Henri; d. Omnei
generationes, chœur à cinq voix; e. Quia fec.it, air de
basse : M. Cazaux : f. Et misericordia, duo de con-
tralto et ténor : M"e Lapevrette, M. Lucazeau; g. Fe-
cit potentiam, chœur à cinq voix; h. Deposuit paten-
tes, air de ténor : M. Lucazeau; i. Esuricntes impie-
vit. air de contralto : M"e Lapeyrette : Flûtes :
MM. Grisard, Joffroy;,/. Suscepit Israël, chœur à
trois voix de femmes; h. Sicut locutus rst, fugue à
cinq voix; /. Gloria Patri, chœuràcinq voix; Orgue :
Mlle N. Boulanger. — Trompette : M. Godebert; •'(.
a. Pièces en concert (La Livri, L'Agaçante, L'Indis-
crète), J.-Ph. Rameau : piano, Mllc Marcelle Weiss;
flûte, M. Joffroy; violoncelle, M. Louis Bosoor; 6.
Final du Trio en sol mineur. R. Schumann : piam.,
Mrae Antoinette Lamv; violon, M. Saurv; violoncelle.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
M. Doucet. — +. Chasse fantastique, Ernest Guiraud.
— 5. Trois Chœurs à quatre voix mixtes sans accom-
pagnement 11370), Guillaume Costeley : a. Je voy
des glissantes eaux ; 6. Allons au vert bocage ; e.
Laulrier priay de danser. — 6. Fantaisie pour piano,
chœur et orchestre , L. van Beethoven : piano,
M. Amour; soli, Mlll!s Ennerie, Mancini et Laniare;
MM. Fra.ncell, Corpait et Pérol.
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL (ACTUEL", EN FRANCE
Conservatoire national.
La première place revient de droit au Conserva-
toire national de Paris.
Voici les grandes lignes de son organisation ac-
tuelle.
Il n'y a que des élèves externes. L'enseignement
se divise en neuf sections : 1° solfège et théorie
musicale; 2" harmonie, orgue, contrepoint et fugue,
composition; 3° chant, déclamation lyrique; 4° piano,
harpe; b° instruments à archet; 6° instruments à
vent; 7° classes d'ensemble ; 8° Inclure à haute voix,
diction et déclamation dramatique; 9° histoire gé-
nérale de la musique; histoire et littérature drama-
tique.
Le Conservatoire est placé sous l'autorité d'un di-
recteur, qui règle tous les travaux et préside tous
les comités.
Le corps enseignant se compose de professeurs
titulaires, de chargés de cours, d'accompagnateurs
chargés de l'élude des rôles.
Lin conseil supérieur d'enseignement donne son
avis sur toutes les questions qui lui sont soumises
par le ministre ou par le directeur.
On n'est admis élève que par voie d'examen pour
certaines classes et de concours pour d'autres.
Un minimum et un maximum d'Age sont fixés
pour l'admission.
Sont fixés aussi le nombre maximum des élèves
dans les différentes classes el le maximum de durée
des études.
Les aspirants de nationalité étrangère sont admis,
mais leur nombre est limité dans chaque classe. Ils
jouissent des mêmes avantages que les Français.
Il y a un jury d'admission pour chaque section
d'enseignement.
Les épreuves à subir sont déterminées par un rè-
glement.
Tout élève admis dans une classe de chant ou de
déclamation doit signer, avant son entrée, un enga-
gement qui l'astreint à certaines obligations envers
l'Etat.
Le directeur répartit les élèves admis par les ju-
rys, et place les élèves de chant dans les classes d'o-
péra et d'opéra-comique.
Des auditeurs en nombre limité peuvent être admis
à assister aux classes.
Douze pensions de 1.200 à 1.800 fr. peuvent être
attribuées aux meilleurs élèves des classes de chant,
et dix pensions de 600 fr. à ceux de déclamation dra-
matique.
Il y a un comité d'examen pour chaque section
de l'enseignement
Il y a deux examens semestriels : l'un au mois de
janvier, l'autre au mois de juin.
A chaque examen, le comité se prononce sur le
maintien ou le renvoi des élèves et donne à chacun
une note d'examen.
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3451
Il y a des concours annuels pour les prix.
Les concours de fugue, de contrepoint et d'harmo-
nie se font en loge. Les concours de sol fïtje, d'accom-
pagnement au piano, d'oryue, des liasses préparatoi-
res de piano et de ci"lon ont lieu à buis-clos.
Ceux de chant, d'opéra, d'ojiéra-comiqw.de piano.
de harpe, de violon, d'alto, de violoncelle, de contre-
basse, d'instruments ii veut et. de déclamation draina-
tique se font en séance publique.
Les sujets de concours sont détermines, chaque
année, par les comités d'examen.
Les élevés de nationalité étrangère ne peuvent
concourir que dans leur deuxième année d'études.
Les récompenses consistent en médailles pour les
classes préparatoires, en prix et accessits pour les
classes supérieures.
L'enseignement du Conservatoire est gratuit.
En principe, il est individuel. Exception est faite
pour les classes d'ensemble vocal, d'orchestre, d'his-
toire de la musique et d'histoire de la littérature
dramatique. Dans les classes de solfège, il est indi-
viduel pour la lecture, collectif pour la dictée et la
théorie.
Chaque classe se compose de dix ou douze élèves,
excepté celles de solfège des chanteurs, d'ensemble
vocal, d'ensemble instrumental, d'orchestre, d'his-
toire de la musique, d'histoire de la littérature dra-
matique, de maintien et d'escrime, où le nombre est
indéterminé.
Chaque élève reçoit dans s,i .hisse , sauf les excep-
tions signalées ci-dessus) un enseignement particu-
lier, et profile en même temps de la leçon donnée à
ses condisciples. Le résultai de ce système a tou-
jours donné jusqu'ici d'excellents résultats.
La libellé la plus entière est laissée aux profes-
seurs pour le choix et l'emploi des méthodes qu'il
leur convient d'adopter. Eu cela, l'autorité n'inter-
vient pas. Elle constate les résultats et fait des ob-
servations s'il y a lieu.
Le Conservatoire de Paris a toujours eu à se féli-
citer de ce régime de liberté, qui laisse à chaque
professeur une large initiative et entretient ainsi
une grande et bienfaisante émulation entre les di-
verses classes d'enseignement similaire.
L'enseignement du solfège comprend la dictée, la
théorie et la lecture à changements de ciels. Il y a
des classes distinctes pour les instrumentistes et
pour les chanteurs.
L'enseignement de l'harmonie comprend la théorie
des accords, la réalisation à plusieurs parties de
basses et de chants donnés de diverses natures et
de différents styles. Cet enseignement est poussé très
loin. Le style iinilatif, conlrepoinlé. concertant, y
est l'objet d'une élude spéciale, el fait de l'harmonie
ainsi enseignée une sorte de contrepoint moderne
du plus haut intérêt.
Dans les classes de composition, l'enseignement
comprend le contrepoint rigoureux sous toutes ses
formes1, la fugue, la composition proprement dite,
vocale et instrumentale, symphonique et dramati-
que, l'esthétique, l'analyse raisonnée des chefs-
d'œuvre, l'instrumentation. C'est dans ces classes
qu'on prépare les élèves pour le concours du Grand
Prix de Home.
L'enseignement de l'orgue porle sur l'accompa-
gnement du plain-chant liturgique, l'improvisation
'enseignement du contrepoint est actuellement séparé*
Jgue, et a été confié à deu\ professeurs spéciaux.
:'.-'i i-J
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
d'une fugue et d'un morceau moderne sur tics sujets
donnés, et l'exécution de pièces des grands maîtres
de l'orgue.
L'accompagnement au piano comprend l'accom-
pagnement de la basse chiffrée, l'accompagnement
improvisé d'une mélodie donnée, la transposition,
la lecture au piano, la réduction improvisée de la
partition d'orchestre.
L'enseignement du chant a pour objet l'émission
et la pose de la voix, la vocalisation et l'étude des
airs de tous les styles des meilleurs maîtres.
L'enseignement de la déclamation lyrique et de
la déclamation dramatique comprend l'étude en
scène des œuvres ou de fragments d'œuvres les plus
célèbres du répertoire classique et moderne.
L'enseignement dans les classes instrumentales
comprend la partie technique et l'étude des belles
œuvres classiques et modernes spéciales à chaque
instrument. La lecture y est aussi l'objet de soins
incessants et vigilants.
Une classe d'ensemble vocal existe pour tous les
élèveschanteurs. Klle a pour objetl'étude deschœurs,
et prend part à l'exercice ou aux exercices publics
que le Conservatoire donne chaque année.
Une classe d'orchestre réunit les meilleurs élèves
des classes instrumentales. On y étudie les œuvres
symphoniques du répertoire classique sous la direc-
tion d'un maître éminent et expérimenté, qui fait
en même temps de chaque œuvre étudiée un com-
mentaire analytique et historique. Celle classe cons-
titue ainsi une sorte d'annexé au Cours d'histoire
de la musique.
Les meilleurs travaux des élèves des classes de
composition, choisis par un comité, sont essayés à
cette classe, et l'auteur est invité à diriger lui-même
son œuvre. Les élèves retirent ainsi de ces séances
un haut enseignement esthétique et pratique. C'est
la meilleure leçon de composition et d'orchestration
qu'ils puissent recevoir.
Trois classes d'ensemble instrumental réunissent
tous les lauréats des classes d'instruments. Le ma-
gnifique répertoire de musique de chambre y est
étudié avec un soin méticuleux, et aide puissamment
au développement du goût et du style.
Un cours d'histoire de la musique , obligatoire
pour les élèves d'harmonie et de composition, et un
cours d'histoire de la littérature dramatique, obli-
gatoire pour les élèves de déclamation, sont aussi
accessibles au public sur le vu de cartes délivrées
par l'Administration. Ces cours, très bien faits,
complètent heureusement l'éducation des élèves.
Enfin, deux classes de maintien et une d'escrime
sont instituées pour les élèves qui se destinent au
théâtre.
En tout, on compte plus de 80 professeurs, chargés
de cours, accompagnateurs, pour donner l'enseigne-
ment à près de 800 élèves.
La sanction des études est dans les examens et
concours. Les examens (janvier et juin) ont pour
objet de constater l'état des études et les progrès
des élèves; en outre, celui de juin fixe le choix des
élèves qui doivent prendre part aux concours de fin
d'année.
Les épreuves imposées lors de ces examens et
ooncours sont conformes au programme d'études
indiquées pour chaque spécialité de l'enseignement.
Pour les classes instrumentales, on ajoute un mor-
ceau de lecture à vue ou morceau d'exécution.
Pour les examens d'harmonie, de contrepoint, de
fugue, les élèves sont enfermés en loge pendant
quatre ou huit heures, et pour les concours pendant
dix-huit heures.
Il y a des examens de composition, mais il n'y a
de concours que celui institué pour l'obtention du
Grand Prix de Home, auquel peuvent prendre part,
du reste, de jeunes artistes étrangers au Conserva-
toire.
Tous les morceaux et scènes imposés pour les
concours sont choisis un mois à l'avance par un
comilé. Les textes imposés pour les concours de sol-
fège, d'harmonie, de contrepoint, de fugue, d'orgue,
d'accompagnement, sont donnés par la direction.
Les comités d'examen et les jurys de concours sont
nommés par le ministre des Beaux-Arts et fonction-
nent sous la présidence du directeur.
Les concours ont lieu, pour chaque spécialité,
entre les élèves désignés par les comités d'examen.
Les récompenses sont 1res recherchées, et quelques-
unes d'entre elles entraînent des faveurs spéciales
à l'égard de leurs titulaires, notamment celles qui
procurent de droit à ceux-ci des engagements dans
les théâtres subventionnés.
Tel est, dans ses grandes lignes, le fonctionnement
de l'enseignement donné au Conservatoire de Paris.
Snccnrsalos. — Éoolrs nationales.
En 1826, des succursales du Conservatoire furent
instituées â Lille et à Toulouse; en 1841, à Marseille
et à Melz;à Dijon en 1845; à Nantes en 1846; à Lyon
en 1874 et à Avignon en 1884.
Depuis 1884, de nouvelles succursales el des Kco-
les nationales ont été créés. Les unes et les autres
sont aujourd'hui au nombre de 40.
En outre de la principale subvention donnée par
la municipalité, toutes ces Ecoles reçoivent un sub-
side du gouvernement, quelques-unes du départe-
ment. Elles sont visitées chaque année par un ins-
pecteur du ministère des Beaux- Arts, chargé de
constater l'état des études et d'en faire un rapport
au ministre. Elles ne dépendent pas du Conservatoire,
et ressortissent directement au ministère des Beaux-
Arts.
L'enseignement, gratuit, est modelé sur celui du
Conservatoire de Paris, autant que le permettent
les usages locaux, la quantité el la qualité des élè-
ves, celles mêmes des professeurs, et diverses consi-
dérations inutiles àénumérer1.
En 188 i, quelques maîtrises furent assimilées aux
Ecoles nationales et reçurent une subvention de l'E-
tal, laquelle fut supprimée récemment.
Les résultats dans les Ecoles des départements
sont, pour la plupart, satisfaisants, mais accusent un
niveau sensiblement inférieur à celui du Conserva-
toire de Paris, où quelques-uns des meilleurs élèves
seulement parviennent à ensuite se faire admettre.
En somme, il en est de la musique en France
comme des autres arts : Paris absorbe tout, et mal-
gré les efforts faits en vue de la décentralisation,
celle-ci n'existe réellement pas à l'égal de ce qu'on
voit par exemple en Allemagne, en Italie, et même
en Belgique. Il esl permis de le regretter2.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L ENSEIGNEMENT MUSICAL 3453
Écoles libres et diverses.
Paris possède, en dehors du Conservatoire natio-
nal, quelques Ecoles libres d'un haut intérêt, qui
méritent une mention toute spéciale. Les plus im-
portantes sont : l'Ecole de musique classique fondée
par Niedermeyer, sous le titre de : Ecole de micsique
religieuse, dirigée il y a quelques années avec une
grande autorité par M. Lefèvre, et actuellement par
Mme Lefèvre-Heuutel, la Schola Cantorum fondée par
M. V. d'Indy et dirigée par lui, enfin l'Ecole normale
de musique que dirige M. A. Mangeot.
L'Ecole de musique classique a donné souvent de
brillants résultats. Elle peut citer avec fierté parmi
ses anciens élèves les plus distingués les noms de
Gabriel Fauré, A. Périlhou, Messager, A. Georges,
le regretté Boellmann, etc. L'extrait suivant de ses
statuts indique clairement son but, son programme,
son fonctionnement.
« L'Ecole de musique classique, qui célébrait ré-
cemment son cinquantième anniversaire, a été fon-
dée en 1853 par Louis Niedermeyer. C'est une école
libre, et la Direction reste absolument maîtresse de
son administration, des prix de pension, du pro-
gramme des cours, qui peuvent, selon les circons-
tances et les nécessités, être réformés, améliorés,
agrandis.
« Dès sa fondation et sans discontinuité, M. le mi-
nistre de l'Instruction publique, des Cultes et des
Beaux-Arts a bien voulu accorder à cet établisse-
ment son puissant appui. Depuis 1853 (décret du
28 novembre), 36 paris de bourse de 500 francs ont
été instituées en faveur de l'Ecole et sont accordées
à des élèves désignés par le ministre. Par un arrêté
en date du 1er juillet 1854, le ministre a fondé trois
premiers prix pour la composilion musicale, l'or-
gue, l'accompagnement du plain-chant. Un nouvel
arrêté, en date du 14 avril 1857, a de plus décidé
que des diplômes de maître de chapelle et d'orga-
niste seraient accordés, après examen, aux élèves
qui auraient achevé leurs éludes. Les conseils géné-
raux et municipaux de plusieurs départements ac-
cordent également des subventions pour le paye-
ment d'une partie de la pension.
« L'Ecole a pour but de former, par l'étude des
chefs-d'œuvre classiques des grands maîtres du .wic
au xixe siècle, des compositeurs, des organistes, des
maîtres de chapelle et des pianistes qui unissent à
une profonde connaissance de leur art toutes les
qualités qu'une bonne éducation littéraire et morale
peut seule offrir. Elle a principalement la légitime
ambilion de donner à ses élèves une instruction so-
lide dans toutes les branches de leur art; de leur
faire faire leurs « humanités musicales », afin que,
suivant leurs aptitudes spéciales, ils puissent ensuite
devenir des compositeurs, des organistes, des pia-
nistes, des professeurs expérimentés.
« Par l'étude du plain-chant et de l'orgue, l'Ecole
permet aux élèves de trouver facilement des places
d'organistes ou de maîtres de chapelle dans les
églises de tous les cultes, et leur procure ainsi des
émoluments fixes; n'étant plus entraves par la re-
cherche de moyens d'existence, ils peuvent alors,
lorsqu'ils sont bien doués, s'adonner librement à la
composition.
« L'enseignement musical comprend : le solfège, le
chaut, la musique d'ensemble, le plain-chant écrit et
accompagné, le piano, l'orgue, l'harmonie, le con-
trepoint, la fugue, la composition musicale, l'har-
monie pratique, l'accompagnement de la partition,
l'improvisation, l'histoire de la musique.
« L'enseignement général, donné par des profes-
seurs de l'Uuiversité, comprend la langue et la litté-
rature françaises, l'histoire et la géographie, les élé-
ments des sciences et du latin. Les étrangers peu-
vent recevoir des leçons de français particulières.
« L'Ecole est avant tout un internat, où les élèves
bien doués, par cela seul qu'ils vivent dans un mi-
lieu musical unique, voient leurs facultés se déve-
lopper bien plus rapidement que partout ailleurs '. ••
La Schola Cantorum, fondée par M. V. d'Indy, a
pour principe d'accueillir et d'encourager tous les
jeunes gens qui, par leurs dispositions naturelles,
paraissent appelés à suivre la carrière artistique. L'E-
cole normale de musique poursuit un but analogue2.
On verra plus loin l'importance donnée à l'ensei-
gnement supérieur de la musique dans les Univer-
sités allemandes. En France, il n'a longtemps existé
que des chaires pour « l'Histoire de l'Art », et, par
là, on a toujours entendu les Arts plastiques. La
musique n'avait pas de place distincte. Si elle figu-
rait, exceptionnellement, dans certains programmes
de cours, c'était à propos d'une étude d'acoustique,
ou de physiologie, ou de psychologie, ou de littéra-
ture; ou bien c'était encore par une extension toute
fortuite que le professeur donnait au mot « Art ».
S'il était musicien, il interprétait le mot dans un
sens très large et il parlait de musique, mais rien
ne l'y obligeait. A la direction de l'enseignement
supérieur, on ne reconnaissait pas d'existence légale
à la musique.
Cependant, un essai avait été tenté et un arrêté
ministériel de 1004 nommait M. Jules Couuariel,
docteur es lettres, « chargé de cours d'histoire de la
musique au Collège de France, pour cinq ans, à titre
d'essai ». Ce cours, très remarquable, inspira, sans
doute, aux autorités, l'idée de donner de l'extension
à cette tentative et de poursuivre l'organisation de
l'enseignement supérieur de la musique dans les
Universités. Toutefois, actuellement, l'Histoire de la
musique n'est l'objet de cours spéciaux que dans
deux Universités, celles de Paris el de Strasbourg.
En revanche, l'enseignement du solfège et du
chant choral est organisé dans les lycées, dans les
écoles communales de la Ville de Paris et dans les
écoles normales d'instituteurs el d'institutrices.
Cet enseignement donne des résultats apprécia-
bles qu'on ne saurait trop encourager, mais il est
très élémentaire.
Faut-il rattacher à l'enseignement les nombreuses
sociétés d'orphéons, de musiques d'harmonie, de
fanfares répandues sur le territoire fiançais? Certes
ces sociétés font des efforts, mais bien peu attei-
gnent un certain niveau artistique. Le solfège et la
lecture devraient être le but de leurs études. Il en
est rarement ainsi. On se contenle trop souvent de
chanter ou de jouer plus ou moins bien des mor-
ceaux laborieusement serinés par le chef. Cependant,
il y a là une mine féconde à exploiter. Il est à souhai-
ter que des efforts sérieux soient faits dans ce sens3.
2. Voir !es articles Schola Canli
3. Voir plus loin l'article de M,
, Ecole normale de
uet. sur les Oi-phèo.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ETRANGER'
Allemagne. — Autriche.
Sur vingt Universités que compie l'Allemagne,
seize ont à lettre programmes an enseignement delà
musique, et les candidats au doctorat philosophique
peuvent choisir la science de la musique comme
branche principale9. Rien de semblable n'existe en
France. Cela tienl à ce i|u'en Allemagne la musique
est nue fonction vitale de la société el qu'elle est
enseignée dans les écoles de toute espèce. Les Alle-
mands aiment la musique; ils la comprennent; elle
est pour eus comme un organisme vivant dont ils
saisissent facilement la complexité. I ,n lui faisant une
place dans ses prograut s, l'Université allemande
donne satisfaction à des aptitudes et à des besoins
réels. De sorte qu'une excellente confraternité existe
généralement, entre les élèves des Conservatoires et
ceux des Facultés de Philosophie, Lettres et Sciences.
Dans toutes ces Universités, l'enseignement est très
élevé, el donné par des professeurs, presque tous
« musiciens de métier ». Les titres de ces professeurs,
quoique différents : professeurs ordinaires, extraor-
dinaires, privatdocenten, directeurs de la musique,
lecteurs, n'impliquent pas nécessairement une clas-
sification de leur mérite.
SriTTA à Berlin, Hanslick, à Vienne ont eu une
iullueiioe considérable. Le premier, a pour ainsi dire,
créé la philologie musicale. Son action a été féconde,
et ses nombreux élèves, aujourd'hui des maîtres
éminents, témoignent hautement de la gloire de
sou enseignement.
Le livre de Hanslick, Le Beau musical, lui fit une
grande réputation. Plein d'aperçus nouveaux, mais
d'un esprit systématique el intransigeant, il fut très
discuté. Spitta était un philologue, Hanslick est un
philosophe.
Voici un exposé de l'enseignement musical supé-
rieur dans les Universités allemandes : contrepoint,
harmonie moderne, principes de la fugue, de la com-
position, de l'orchestration, leçons sur les formes
musicales, analyse des œuvres classiques et mo-
dernes, histoire de la musique, etc. On voit que la
technique y est jointe à l'esthétique et à l'érudition
musicales, et que cet enseignement peut être fécond.
i in él udie avec un soin particulier toulce qui touche
aux xv", xvie et xvnc siècles; on déchill're, critique et
établit définitivement les texles, on compare les ver-
sions, on met en partition, enfin ou fait un véritable
travail de philologie musicale, qui permet de re-
donner une nouvelle vie à des œuvres du plus haut
intérêt, jusque-là enfouies dans la poussière des
bibliothèques. En outre, des chœurs sont organisés
dans plusieurs Universités. Ces chœurs, composés
d'étudiants de toute sorte, exécutent a cappella des
œuvres des vieux maitres de la Renaissance et de
J.-S. Bach.
L'art contemporain fait également l'objet des étu-
nents (le ce chapitre sont empruntes a une étude très
et remarquablement faite de M. Maurice Emmanuel
sur la musique en Allemagne. Chargé, sur la propositiou de M. Th. Do-
nojs, par le goiiYcnii'inent français d'une mission d;ins les Universités
et Conservatoires allemands, M. Maurice Cmmancel en a rapporté les
informations les plus précises. (Les citations sont entre guillemets.
— On ne perdra pas de vue que le présent article a été écrit avant
la guerre; il a été mis à jour, du moins au point de vue des désigna-
tions des établissements et de leurs directeurs, à l'aide de V&esses
Muaiker Kalender pour 1929.) [N. D. L. D.]
des de ces musiciens philologues, mais tout cela se
fait avec calma et dignité, et si tout le monde admire
Wagner, personne n'en fail un Dieu unique.
On comprend qu'avec une pareille éducation, les
musicologues exercent une réelle inlluence sur le
goût du public; ils savent au moins ce dont ils par-
lent; on n'en pourrait dire autant dans tous les
pays.
Tels sont, résumés brièvement, les objets essentiels
de l'enseignement supérieur de la musique dans les
Universités allemandes.
L'enseignement dans les Conservatoires allemands
est. très différent de ce qu'il esl en France. « Les
traités dits élémentaires ne ressemblent pas aux
nôtres. Les artifices précieux de la simplification
pédagogique pratiquée dans nos écoles n'ont pas
cours en Allemagne : on peut le dire, presque sans
exagération, les études y sonl, dès le principe,
transcendantes et tout imprégnées d'un esprit philo-
sophique qui tend à l'encyclopédie ».
Dès le début, on se préoccupe de tout embrasser et
on rattache volontiers à une étude toutes les con-
naissances secondaires qu'on juge nécessaires. « Dans
les leçons les plus élémentaires, le professeur trouve
l'occasion de philosopher, parfois copieusement ».
On se croirait plutôt à l'Université que dans une
école de musique. « Une leçon sur la tonalité, par
exemple, devient, dans la bouche d'un de ces maitres
diserts, un très noble exposé de grammaire musi-
cale. Les élèves prennent des notes, comme des
étudiants de facultés. »
« Médiocre souci d'une instruction progressive,
tendance à philosopher dans les leçons les plus élé-
mentaires, méthodes d'enseignement assez souvent
flottantes, toujours complexes, faisant une grande
place aux connaissances encyclopédiques, tels sont,
m'a-t-il semblé, les caractères de la pédagogie mu-
sicale allemande... L'apprentissage du métier, qui
est le revers obligé de tout art, parait quelque peu
mesquin à des maitres qui, jusque dans la direction
d'une classe primaire, restent ce qui est le propre et
aussi le charme de leur race, des Allemands rêveurs. »
» La pédagogie musicale allemande est ce qu'elle
doit être, et il serait absurde de la condamner parce
qu'elle est assez souvent tout l'envers de la nôtre.
Elle est conforme à la nature et aux besoins des es-
prits qu'elle façonne. »
Pour avoir une idée exacte de ce qu'est l'enseigne-
ment musical en Allemagne et en Autriche, il suffit
de réunir dans un aperçu collectif les Conservatoires
les plus importants : ceux de Berlin3, Munich', Co-
logne', Leipzig6 et Vienne".
« La Constitution et l'administration de ces écoles
varient, mais l'esprit pédagogique est le même dans
les cinq maisons.
« Des cinq écoles, trois seulement porlent le nom
de Conservatoire : ce sont les établissements privés
2. Lu Autriche, trois Universités sur cinq possèdent une organisa.
lion musicale analogue.
3. Staatlichr Aktidrmischr Itnclischidr fur Muxik m Hrrltn.
Prof. t'r. SOBHBKER.
4. Staatiiche Akademie der Toltkunsl. Direct. D'. S. vos Haussegeh.
3. Sêantlirlie Hoschschule fur Musik. Prof. H. Aiiesdboth.
6. Landes Konservatorium der Musik l'rof. M. Pacer.
7. Fachkuc/tschule und Akademie fur Musik >md darstelleud?
funslRector. Prof. F. Sgiimibi el Xeurs Wirirer Kùnsereatorium.
Pr. J. FUmar..
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL
de Vienne, Cologne et Leipzig. Mais l'Ecole supé-
rieure de musique à Berlin et l'Académie à Munich,
tous deux établissements d'Etat sous la dépendance
du ministère de l'Instruction publique, sont familiè-
rement désignées en Allemagne sous le nom de
Conservatoires. Il y a entre les deux groupes, ins-
tituts privés et écoles d'Etat, celte difi'érence que
l'Etat n'alloue à ceux-là qu'une subvention sans im-
portance, taudis qu'il inscrit au budget annuel une
somme assez considérable pour soutenir celles-ci, et
pensionne leurs professeurs, lorsqu'ils ont droit à la
retraite.
« Les cinq établissements perçoivent des rétribu-
tions scolaires. Le système de la gratuité n'est appli-
qué nulle part, et je ne saurais dire assez fortement
quel prestige vaut à notre Conservatoire de Paris
son désintéressement absolu. J'ai compris aussi, à
voir fonctionner les écoles musicales payantes, quelle
supériorité notre école musicale gratuite pourra
garder sur elles. »
A Munich seulement, les fonctions de directeur sont
remplies par l'intendant général de la Musique
royale. A Berlin, la direction est collective : quatre
directeurs-professeurs et le secrétaire de l'Académie
des Arts. A Vienne et à Cologne, la direction cen-
trale, composée de hauts fonctionnaires et de ci-
toyens notables, est chargée de la surveillance de
l'école; elle nomme le directeur artistique. A Leip-
zig, on a rétabli depuis peu la place de directeur
musical, supprimée depuis la mort de Mendelssohn.
On voit qu'en Allemagne la direction prend des for-
mes assez diverses.
Les intérêts généraux de l'école sont discutés par
l'assemblée des professeurs, sous la présidence du
directeur.
Les élèves sont admis après un examen spécial. Il
n'y a pas de concours d'entrée. Le nombre n'en est
pas limité, et le jury accepte tous ceuxqui lui parais-
sent bien doués. La. limite d'âge miuima est généra-
lement plus tardive qu'en France, excepté à Leipzig,
où aucune limite n'est lixée. On exige des aspirants
une instruction générale suffisamment solide, et il
paraîtrait inadmissible qu'un musicien distingué ne
sût pas l'orthographe et les éléments de l'histoire
politique et littéraire de son pays.
« Tout élève, au Conservatoire, a le droit de choi-
sir sa branche principale, objet spécial de ses études :
le chant, le piano, le violon, un instrument quelcon-
que, rarement la composition musicale. Mais il ne
doit pas négliger les branches secondaires obligatoires :
elles seront, à la tin de ses études, lorsqu'il postu-
lera le certificat de maturité, l'objet d'un examen
méthodique au même titre que la spécialité choisie.
C'est ainsi que, dans les écoles musicales allemandes,
le piano, l'harmonie dans sa théorie générale et dans
ses applications élémentaires, le chant choral pen-
dant trois ans, V histoire de la musique dans le cercle
complet de ses périodes, sont imposés à tous les
élèves. On ne conçoit pas, en Allemagne, qu'un vir-
tuose s'efforce d'acquérir un talent .1 monogame)).
Il n'y a pas de concours, comme en France. La
sanction des études consiste en uncertificat de matu-
rité, qui est comme un diplôme et qui confère à celui
qui le possède le droit d'enseigner la musique. Ce
certificat s'obtient à la suite d'un examen individuel
sérieux et difficile, portant à la fois sur la branche
principale et sur les branches secondaires obligatoires.
Telle est, en résumé et dans son ensemble, l'orga-
nisation des Conservatoires en Allemagne et en Au-
triche. On voit combien elle ditl'ère de ce qui est
pratiqué en France. L'esprit de l'une et de l'autre
nation explique et justifie cette différence. « Nous
pensons et nous parlons avec rapidité, avec clarté :
chez nous l'amour de la précision va quelquefois
jusqu'à la sécheresse. Les Allemands ont du rêve
dans l'àme, toujours, et leur pensée, qui se complaît
en elle-même, s'enveloppe dans les formes compli-
quées d'un langage très riche, dont la netteté n'est
pas la qualité première. »
Au Conservatoire de Vienne seulement, existe l'en-
seignement de la déclamation dramatique. Partout
ailleurs, la musique seule règne en souveraine.
Il est à remarquer que l'étude du solfège, qui est
si développée chez nous et considérée comme la base
des études postérieures, est presque inconnue en
Allemagne. On n'eu fait qu'un usage très restreint.
En revanche, le chant choral y a une importance
considérable et tous les élèves y sont astreints. Les
exercices publies y sont aussi fort en honneur, et les
élèves de composition peuvent y produire et y diri-
ger leurs essais.
Pour être à peu près complètes, ces informations
doivent aussi signaler qu'en Allemagne renseigne-
ment du contrepoint et de l'harmonie est volontai-
rement confondu. Le contrepoint rigoureux n'y est,
pour ainsi dire, plus enseigné, et les étude'- qu'on
fait dans ce genre correspondent à peu près à ce qui
se pratique dans les classes d'harmonie en Fiance,
où l'enseignement est poussé très loin, aus^i bien au
point de vue théorique qu'au point de vue technique,
et où les travaux des élevés pourraient être qualifiés
de contrepoint moderne. Ce n'est point ici le lieu de
rechercher quel est le meilleur des deux systèmes;
on peut cependant regretter que, sous prétexte de
rajeunir le contrepoint, on t'ait presque complète-
ment abandonné. Au point de vue purement vocal,
c'est un exercice très salutaire, et ou peut dire avei
raison que « conserver dansles études toute sa rigueur
au contrepoint, ce n'est pas faire de l'art archaïsant,
au détriment de l'art contemporain; c'est obliger
l'élève à réaliser, dans une écriture irréprochable,
l'organisme le plus délicat de notre art :1e chœur à plu-
sieurs voix, sans accompagnement «... La maîtrise
qu'on acquiert par l'étude du contrepoint vocal rigou-
reux vaut bien quelques efforts, et le jeune artiste
qui le pratique est largement payé de sa peine, d'au-
tant que le contrepoint soi-disant rajeuni ou moderne
ne peut produire le même résultat.
D'autres écoles moins importantes existent encore
en Allemagne et en Autriche, qui méritent d'être
signalées, ce sont :
Le Conservatoire de Prague', fondé en 1811. Dans
cette école, on enseigne, outre la musique, qui est
la branche principale, la religion catholique, la
grammaire allemande, la géographie, etc. C'est
donc une sorte d'Université.
Le Conservatoire Hem, la plus ancienne école de
musique de la ville de Berlin, fut fondé en 1850, et
est actuellement encore très florissant.
Le Conservatoire de Dresde'1, fondé en 18.Ï6, com-
prend des classes d'instruments, d'opéra, de décla-
mation, et de pédagogie pour former des profes-
seurs.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le Conservatoire de Stuttgard1, composé de deux
sections distinctes, L'une pour les artistes, l'autre
pour les amateurs, a eu une grande renommée, sur-
tout au point de vue de l'enseignement du piano.
L'Ecole nationale de musique de V/urzbourq\ fondée
.MltSlII.
Le Conservatoire lloch1 à Francfort, récemment
fondé (en 1878), brillamment doté par un riche ama-
teur, est appelé à un grand développement; son
avenir semble certain.
Puis encore d'autres écoles, qu'il suffit de men-
tionner :
L'Institut royal de musique d'église, à Breslau; le
Conservatoire de Hambourg; l'Ecole de musique reli-
gieuse, à Ratisbonne; Ecole granducale d'orchestre
et de musique, à W'eimar; Ecole de musique franc-
fortoise; Conservatoire Raff; Conservatoire granducal
de Carlsruhe; Conservatoire de Wiesbaden; Conserva-
toire Scharwenka à Berlin;
l'Académie nationale de Budapest ; le Conservatoire
national (même ville)*, et l'Académie de musique, à
Bude;
L'Ecole de musique de Graz; les écoles de musique
d'Innspruek, de Lemberq, de Salzbourq.
Italie.
L'Italie est très riche en Conservatoires et écoles
de musique. Les plus importants de ces établisse-
ments sont ceux de Milan, Turin, Venise, Bologne,
Florence, Parme, Home, Pesaro, Naples, Païenne.
On pourrait croire que le mot conservatoire, qui
vient de l'italien conservatorio, a pour significa-
tion : établissement destiné à la «conservation » de
l'art. 11 n'en est rien. Comme on l'a vu plus haut,
les premiers Conservatoires étaient des orphelinats
portant le nom à'ospedale (hôpital).
Milan. — Milan, qui peut être considéré comme la
capitale musicale de l'Italie, possède le Conservatoire
le plus important. Son nom est : Conservatoire Royal
Verdi.
Il date de 1807.
La pédagogie artistique y est, comme dans toutes
les autres écoles d'Italie, très différente de ce qu'elle
est en Allemagne. Elle se rapproche davantage delà
notre, c'est-à-dire qu'elle est plutôt pratique que
théorique, encyclopédique, philosophique. Elle est
adaptée au caractère de la nation, caractère vivant,
ardent, vibrant, peu porté vers le rêve.
Le Conservatoire de Milan reçoit une subvention
de 100.000 fr.
C'est le plus richement doté de l'Italie.
L'enseignement, fortement basé sur le classique,
a un œil volontiers ouvert sur le moderne, sans que
cette tendance soit exagérée. L'harmonie, le contre-
point, la fugue, la composition et l'étude des instru-
ments tiennent la plus grande place dans l'enseigne-
ment. Les résultats sont excellents. Moins satisfai-
sants sont ceux des classes de chant, peu suivies par
les élèves hommes. Pourquoi? Une des raisons ne
serait-elle pas que, les scènes n'étant pas subven-
tionnées, aucun avantage particulier n'est assuré
aux élèves sortants, et que ceux-ci n'ont pas, comme
en France, le droit d'être engagés au théâtre? Les
professeurs libres font, sur ce point, une concurrence
redoutable au Conservatoire.
Les ouvrages didactiques adoptés pour les classes
d'harmonie, de contrepoint et fugue, de composi-
tion, sont à peu près les mêmes que ceux du Con-
servatoire de Paris.
Parmi les travaux des élèves de composition, qui
sont très divers, musique de chant, musique de cham-
bre, musique d'orchestre, etc., ou choisit les mor-
ceaux qui devront figurer aux programmes des
exercices publics de fin d'année, lesquels sont don-
nés par l'orchestre des élèves, renforcé de quelques
artistes étrangers.
Les élèves sont admis au Conservatoire après exa-
men, mais l'admission n'est définitive que l'année
suivante, après un nouvel examen (csame di con-
t'erma). Arrivé à sa septième année (ou avant, selon
avis favorable du professeur), l'élève subit l'examen
de promotion qui lui permet de passer du cours
normal au cours supérieur, lequel comporte encore
deux années d'étude. Epreuves de l'examen de pro-
motion : pour les compositeurs : une fugue, un ma-
drigal, et une mélodie sur des thèmes donnés par la
commission. Les élèves sont enfermés en loge pen-
dant un maximum de 18 heures. Pour les instru-
mentistes : deux études tirées au soit eu leur pré-
sence par la commission (sur huit présentées), un
morceau de concert préparé par l'élève à son choix,
déchiffrage et transposition un ton au dessus et un
ton au dessous.
L'examen de licence, qui donne à l'élève le diplôme
de professeur, comporte pour les compositeurs : une
fugue sur thème donné, un madrigal ou un chœur
sur livret donné, un temps de sonate pour piano
et violon sur thème donné, une scène dramatique
pour chant et orchestre sur livret donné (pour cha-
que épreuve, ou donne un maximum de dix-huit
heures de loge), la lecture d'un morceau de parti-
lion d'orchestre. Pour les instrumentistes : deux
études tirées au sort par l'élève sur huit qu'il a pré-
sentées; les pianistes tirent au sort, vingt-quatre
heures avant l'examen, une des fugues du Clavecin
bien tempéré de Bach, un morceau de concert choisi
par l'élève; puis.ee sont : déchilfrage et transposi-
tion, exécution d'un morceau choisi par la commis-
sion et pour l'étude duquel l'élève est enfermé en loge
pendant trois heures, interrogations sur l'histoire
de l'instrument et exposition d'une méthode d'en-
seignement.
Telles sont les sérieuses épreuves remplaçant nos
concours de fin d'année. Si elles flattent moins la
vanité, elles ont au moins l'avantage île confirmer
par un diplôme précieux et bien mérité les connais-
sances acquises.
Afin d'habituer les élèves à jouer en public, cha-
que classe donne des séances dans une petite salle
contenant deux cents personnes. Eu outre, trois ou
quatre exercices publics ont lieu chaque année en
juin dans la grande salle, contenant quinze cents
personnes. Les élèves instrumentistes désignés par le
conseil (directeur et quatre professeurs) y jouent
avec accompagnement d'orchestre, de piano ou d'or-
gue; puis, figurent au programme les meilleures
compositions des élèves compositeurs.
L'enseignement est donné par des maîtres émi-
nents qu'on ne peut nommer tous dans un ouvrage
de ce genre, et la direction de M. Pizzetti est au-
dessus de tout éloge.
Dir. prof. '
. Dir. prof.
■i. If Jtochs Komenatorium. Dir. B. S
4. Franz Litzt Landesltoclischule pli-
lonai «ontero. far Viiik.
Budapest Ung.
TECH.VIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 345?
Telle est l'organisation de l'enseignement au Con-
servatoire royal Verdi de Milan, qui passe, à bon
droit, pour le plus complet de l'Italie.
Les autres écoles de musique de ce pays présen-
tent presque toutes un grand et réel intérêt, autant
par la qualité des professeurs que par l'ardeur des
élèves. Partout, un grand souci du progrès. Quelques
différences sont à signaler dans les programmes;
c'est pourquoi chaque école doit être l'objet d'une
étude particulière. Cette étude sera moins étendue
que pour le Conservatoire royal Verdi, qui peut, en
quelque sorte, être considéré comme type général.
Turin. — Le Liceo musicale di Torino G. Verdi*,
fondé en 1867 par Pedrotti, et actuellement dirigé
par Franco Alfa.no, porte principalement ses efforts
vers l'harmonie, le contrepoint, la composition. Le
chant y semble peu cultivé.
Venise. — A Venise, le Conservatorio civico Bene-
delto Marcello est installé dans le palais Pisani. Il a
été fondé en 1887, et reçoit une subvention. Les pro-
fesseurs d'harmonie sont, en même temps, profes-
seurs de contrepoint, et la fugue, pratiquée dans la
classe de composition, a toutes les allures de la
fugue libre, indépendante2.
L'enseignement du chant, ce bel canto autrefois
si florissant en Italie, périclite aussi quelque peu à
Venise, comme dans beaucoup d'autres villes. Les
impresarii, pressés de rendre immédiatement les
belles voix productives, sont à leur recherche et dé-
tournent les jeunes artistes d'études nécessaires
qui, autrefois, occupaient plusieurs années. C'est un
signe des temps : tout doit se faire rapidement. El
puis, où est le bel canto dans les compositions mo-
dernes, et pourquoi les jeunes chanteurs consacre-
raient-ils tant de temps à étudier un art qu'ils ne
trouvent presque jamais l'occasion d'exercer? Là,
peut-être, est la raison de la faiblesse des études de
chant, non seulement en Italie, mais généralement
un peu partout.
L'enseignement des instruments à cordes est très
brillant au Conservatorio Benedetto Marcello. La classe
de quatuor donne des résultats excellents, et aide
puissamment à répandre le goût de la musique de
chambre.
Bologne. — A Bologne le conservatoire est muni-
cipal. Il a pour titre Liceo musicale G. B. Martini.
C'est une des plus anciennes écoles de musique de
l'Italie. Elle fut fondée il y a plus de cent ans par le
père Martini. Sous l'impulsion du directeur actuel,
Césare N'ordio, cette école ne peut manquer de don-
ner des résultats brillants. Le chant y est en honneur,
et les instruments à cordes sont depuis longtemps la
gloire principale du conservatoire de Bologne.
Une subvention municipale de 60.000 francs3 vienl
encourager ses efforts. Des examens seulement sont
la sanction des études. Le nombre des élèves s'élève
environ à deux cent cinquante.
Florence. — Florence possède le Rrgio htituto
musical'' Luiiji Chcrubini, sous la direction d'Alberto
Franchetti1. Cette école reçoit de l'Etat une subven-
tion d'environ 80.000 francs. Le chant y est très
cultivé. Les femmes sont admises dans toutes les
classes, et l'on a vu une jeune Uùtiste obtenir un
diplôme de licence.
Le directeur donne régulièrement des séances
d'orchestre et de chœurs consacrées soit aux « Ou-
vertures dans l'art italien », soit à la « musique tos-
cane », soit à « Lulli et Cherubini, les deux maîtres
florentins », soit simplement pour « l'exercice et la
culture des élèves ». On y a même produit Manfred
de Schumann, avec le concours de « l'école royale de
déclamation ».
Cette école est des plus intéressantes.
Parme. — Le Regio Conservatorio di musica de
Parme est une des écoles de musique les plus réputées
de l'Italie.
Sous ce titre, // Reale Conservatorio di musica in
Parma, M. Guido Gasperini a publié un excellent
résumé historique sur cette école intéressante, où
il occupe les doubles fonctions de bibliothécaire
et de professeur d'histoire de la musique. 11 résulte
de ce résumé que le Conservatoire de Parme, établi
dans les bâtiments d'un ancien couvent de Carmé-
lites, a succédé à une simple école de chant l'ondée
en 1818, et devenue plus tard Ecole royale de musi-
que. Il n'a pris le titre de Conservatoire qu'en 1888.
Après toute une série de progrès successifs, il pos-
sède aujourd'hui un enseignement complet, vocal et
instrumental, qui comprend toutes les branches de
l'art, et les élèves ont à leur disposition une biblio-
thèque qui ne compte pas moins de 42.000 volumes.
Les directeurs de l'ancienne Ecole, depuis 1818
jusqu'à sa transformation en Conservatoire, ont
été Ferdinando Simonis, Giuseppe Alinovi, Giovanni
Rossiet Giusto Dacci. C'est le fameux contrebassiste
et compositeur Bottksimi qui fut, en 1888, le premier
directeur du Conservatoire proprement dit; lui suc-
cédèrent : Franco Faccio (1890), M. Giuseppe Galli.-
g.nani (1891, ancien directeur du Conservatoire de
Milan), M. Giovanni Tebaldini (1897), M. Amilcare Za-
nella (1903), M. Guido Alberto Fano (1903, qui fut di-
recteur du Conservatoire de Naples), et enfin M. Gu-
glielmo Zuelli (1911). —M. Gasperini termine son
intéressant résumé historique en donnant de courtes
notices biographiques sur les professeurs actuels du
Conservatoire.
L'école jouit d'une réputation méritée. Elle est
une des rares qui reçoivent des pensionnaires.
Comme presque partout le chant y est très négligé.,
hélas! La classe n'a que huit élèves!
Rome. — Le Regio l'unscrralori" di musica di Santa.
Cecilia à Rome est dirigé par le maestro Giuseppe
Mule5. Cette école, d'une grande importance, reçoit
une subvention de 80.000 francs11. Les études y sont
très actives et le chant y est particulièrement en
grand honneur, grâce surtout à Mme Falchi, chan-
teuse remarquable.
Il y a un cours spécial pour la tragédie et la co-
médie, mais là, pas plus qu'ailleurs, on ne trouve;,
comme en France, d'enseignement pour la déclama-
tion lyrique.
Des artistes lyriques brillants sont pourtant sortis
du Conservatoire de Rome. Parmi eux, il faut citer
6. Presque tous les renseignements concernant les conservaloin
l'Italie oui pour source principale les rapports laits par M. Eugèl
uveruement français. Il \
is rapports sont des pri
:urur, charge de m
lire que les pris indiqué
t guerre.
Copyrigth by Librairie Delagrave, 1929.
217
3458
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
le ténor Signorini et le ba-
il»»" PlNTA et PETRELL;
rvton de Lucca.
Des examens sanctionnent les études.
Tous les élèves sont obligés de suivre un cours
élémentaire de piano et d'harmonie. On ne peut que
louer cette mesure. L'enseignement, basé sur le
classique, poursuit sa marche vers le moderne pour
s'arrêter à Wagner. Il est, de tous les conservatoires
italiens, celui qui jette le regard le plus favorable
sur la musique française.
En général, l'enseignement dans cette école est
l'objet de soins minutieux pour toutes les spécialités.
Naples. — Le Conservatoire de Naples [Regio Con-
servatorivdi musica diNapoli) date de 1500. C'est le
plus ancien de l'Italie. L'éminent compositeur Mar-
ti'cci en a été le directeur, qui est actuellement
Francesco Cilea1. La tendance actuelle de l'ensei-
gnement est plutôt dirigée vers la symphonie, et,
au point de vue dramatique, Wagner est le modèle
admiré. Singulier signe des temps et de l'évolution
accomplie! Naples, berceau et asile de l'opéra bouffe,
Naples, ville du rire, devenue le temple du wagné-
risme!
11 y a un internat qui reçoit 30 ou 40 pensionnaires,
dont quelques-uns payent un faible droit d'entrée, et
les autres une pension annuelle de 800 francs.
Près de trois cents élèves reçoivent l'enseignement
dans cette école, où les classes de chaut sont excep-
tionnellement très suivieset brillamment professées.
Excepté pour la composition et le violoncelle, les
sexes sont séparés dans toutes les autres classes.
Les cours de piano sont ceux qui attirent le plus
grand nombre d'élèves.
Le système des concours, en si grand honneur et
si grande faveur en France, est inconnu à Naples,
comme dans toutes les autres villes d'Italie. Seuls,
des examens sanctionnent les études.
A signaler une classe dont il y a fort peu d'exemples
dans les autres conservatoires du monde entier :
celle d'acoustique! Voilà un culte rendu à la science
pure et qui permet aux élèves d'apprendre bien des
choses généralement ignorées!
Pesaro. — Rossini a légué à la ville de Pesaro
une somme de 3 millions pour la fondation d'une
école de musique qui porte le nom de Liceo musi.
cale Rossini. Toutes les branches de l'enseignement
y sont représentées. Eu outre des classes usuelles
qui forment le fond de toutes les écoles de musique,
il y a dans celle-ci une classe d'alto, une classe d'o-
péra, une classe d'instrumentation pour musique
militaire, une classe d'esthétique, une classe pour la
musique religieuse et le chant grégorien.
Les cours les plus suivis sont ceux décomposition,
de piano et de violon. Le chant y est quelque peu
négligé.
L'enseignement n'est pas gratuit, mais quelques
bourses sont attribuées. Les pensionnaires versent
annuellement une somme maximum de 500 francs.
Le Liceo musicale Rossini est actuellement sous la
direction du compositeur Zanella, précédemment
directeur du Conservatoire de Parme.
Palerme. — Le Rt't/in Comcrrutorio di musica V. Bel-
linide Palerme fut fondé en 1615 sous le nom de
Conservatorio del Buon Pastore. Il a pour directeur le
maestro Antonio Savasta2, qui donne à son école une
impulsion très vigoureuse et très nette. Les tendan-
ces de l'école se résument en ceci : « le classicisme
le plus vrai et le plus élevé », et voici les modèles
proposés aux élèves : pour la musique pure, Pales-
trina, Corelli; pour la polyphonie vocale, Zarli.no;
pour les fugues, le père Martini et Bach; pour la
musique dramatique, Montevirde, Piccini, Bellini,
Wagner.
Sur un théâtre que possède le Conservatoire, on
exécute de petits opéras des élèves de composition.
L'orchestre, les artistes, les choeurs sont exclusive-
ment recrutés parmi les élèves de l'école.
Tous les élèves, sauf quelques boursiers, payent
une taxe scolaslique de 50 fr. par an. En outre, quel-
ques internes hommes (l'internat n'existe pas pour
les femmes) payent une pension annuelle de 500 fr.
Quelques aulres villes d'Italie possèdent des écoles
de moindre importance, mais qui méritent cepen-
dant d'être signalées. C'est, à Gênes, le Civico Conser-
vatorio di musica N. Payajiini2, dont les elforts por-
tent principalement sur la culture générale du chant
(« classe de chant choral »), solfège parlé et chanté.
— A Brescia, Civico lstituto musicale Venturi*, où
l'on s'occupe plus spécialement df-s instruments à
cordes et de l'étude du chant choral. — A Ferrare,
Scuola musicale Frescobaldi, où tous les instruments
sont enseignés, excepté le piano, la harpe et l'orgue.
— A Ravenne, lstituto Giuscppe Verdi, où les prin-
cipaux efforts sont dirigés vers l'élude du cor, ins-
trument devenu une spécialité curieuse, intéressante
et quasi célèbre de l'école de Ravenne. — A Rimini,
à Padoue et à Catane, de petites écoles, dont les
efforts ne sont pas inutiles à la diffusion et au pro-
grès de l'art. Enfin, il convient de signaler à Rome,
VIstituto Nazionale di musica, dir. Riccardo Storti0.
On voit quelle place tient l'enseignement de la
musique en Italie. On y aime passionnément cet art
et on le cultive avec amour.
Belgique '•
Si l'on considère la Belgique au point de vue de
l'étendue de son territoire, on est étonné de la quan-
tité et de l'importance des écoles de musique qu'elle
possède. C'est peut-être le pays du monde où elles
soient relativement aussi nombreuses. II n'est pour
ainsi dire pas de petite ville qui n'ait son école de
musique. Comme les Allemands, les Relges aiment
la musique, et la divulgation de son enseignement
répond à un besoin réel de la population.
Bruxelles. — En première ligne se place le Con-
servatoire Royal de Bruxelles, l'un des plus consi-
dérables du monde, dirigé aujourd'hui par l'éminent
compositeur Joseph Jongen.
98.
5. Musik. Kal., Il, p. 65.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3459
Il fut fondé en 1813 comme école municipale de
musique et ne devint institution de l'Etat qu'en 1832,
avec Fétis comme ^directeur, auquel ont respective-
ment succédé F. -A. Gevaert, Edgar Tinel et Léon Du-
Bois.
L'enseignement y est gratuit pour les nationaux,
mais les étrangers y sont admis moyennant une re-
devance annuelle de 1000 francs.
L'enseignement du Conservatoire comprend les
matières suivantes : la théorie élémentaire de la
musique et le solfège; le chant individuel (monodie) ;
le chant d'ensemble; la diction et la déclamation
françaises; la déclamation lyrique et les études dra-
matiques; la mimique; l'exercice des instruments
employés parles compositeurs modernes; l'ensemble
instrumental (musique de chambre et musique d'or-
chestre); l'harmonie, le contrepoint, la fugue, et la
composition.
Outre le personnel administratif, à la tèle duquel
est le directeur, il existe une commission de sur-
veillance composée de douze membres, non compris
le bourgmestre de Bruxelles, qui en est le président
d'honneur.
Pour être admis, chacun des postulants est exa-
miné par le directeur et le professeur dont il désire
suivre le cours. S'il s'agit d'un cours donné par plus
d'un titulaire, le postulant est examiné par les divers
professeurs de ce cours, réunis à cet eliet. S'ils con-
cluent à l'admission, la classe qu'il doit suivre lui
est indiquée par le directeur.
Le nombre maximum d'élèves effectifs est fixé à
douzeparclasse.il y a, en outre, des élèves auditeurs
admis el d'autres élèves simplement autorisés à assis-
ter à la leçon. Ceux-ci sont en nombre indéterminé.
En dehors du cours principal auquel ils ont été
admis, les élèves sont tenus de fréquenter les cours
parallèles qui leur sont indiqués. Ces cours sont ceux
de solfège, de lecture musicale, d'harmonie théorique,
d'harmonie écrite, d'harmonie pratique (réalisée au
clavier), d'ensemble vocal, de classe d'orchestre, de
déclamation pour les élèves des classes de chant.
La sanction des études consiste en examens, con-
cours, diplômes de virtuosité.
Les classes el les élèves admis à concourir sont
désignés à la suile d'un examen général que préside
le directeur.
Les concours sont publics, à l'exception de ceux de
solfège et de fugue, d'harmonie, de contrepoint, qui
ont lieu à buis clos.
Dans les classes instrumentales, outre un morceau
généralement imposé et un morceau au choix, les
concurrents doivent exécuter de mémoire un mor-
ceau choisi par le jury dans une liste présentée
par eux.
Le concours de chant comporte deux degrés :
a) Degré inférieur, concours à huis clos;
b) Degré supérieur, concours public.
Le diplôme de virtuosité peut être obtenu par les
élèves pianistes, organistes, violonistes, violoncel-
listes et autres instrumentistes, chanteurs, et par
ceux des classes d'art lyrique, de tragédie, comédie
et de musique de chambre.
Voici, comme spécimen, les épreuves auxquelles
sont soumis les chanteurs; ou en déduira facile-
ment celles qui s'appliquent aux autres spécialités :
a) deux airs d'opéra et deux airs d'oratorio du
répertoire antérieur au xix= siècle;
6) deux airs ou scènes de compositeurs du xixe siè-
cle (dont un d'oratorio);
c) trois airs ou scènes de compositeurs contempo-
rains, dont un d'oratorio et un de musique belge;
d) huit mélodies, dont une de Schubert, Schumann,
Brahms, Fauré, et deux d'auteurs belges.
Le directeur a toute autorité sur l'enseignement,
les études et la discipline; il prononce l'admission
et le renvoi des élèves.
Quinze bourses de 500 fr. peuvent être conférées
à des élèves après leur première année d'études. En
outre, deux bourses de 300 fr. chacune peuvent être
attribuées à des élèves de chant.
Les concerts du Conservatoire de Bruxelles ont une
réputation méritée. Ils sont donnés avec le concours
des professeurs, des anciens élèves et des élèves du
Conservatoire. Ils constituent depuis 1926 une asso-
ciation autonome, à la tète de laquelle se trouve le
directeur des concerts du Conservatoire.
Ce résumé sur le fonctionnement du Conservatoire
de Bruxelles et sur son organisation montre à peu
près autant d'analogie avec ce qui se pratique en
Allemagne qu'avec ce qui se pratique en France. Un
éclectisme a présidé à l'élaboration des règlements,
et il semble qu'on ait eu pour objectif d'adopter ce
qu'il y a de meilleur dans les deux pays. Les résul-
tats prouvent qu'on a eu raison, et font du Conser-
vatoire de Bruxelles un établissement de tout pre-
mier ordre.
Trois autres. Ecoles de musique de la Belgique
portent le litre de : Conservatoire royal. Ce sont
celles de Liège, Gand et Anvers.
A la première appartient la priorité de l'ancien-
neté.
Liège. — o Liège ne possédait jadis que la cathé-
drale et six collégiales, savoir : Saint-Pierre, Saint-
Paul, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Saint-Denis
et Saint-Jean, qui fussent de véritables pépinières
d'artistes.
« Les virtuoses et compositeurs formés à ces éco-
les se répandaient dans les différentes villes de
l'Europe, où la plupart savaient se créer une exis-
tence souvent fort brillante...
« C'est en nivôse de l'an VI (27 décembre 1707) que
le Jury d'Instruction publique, établi à Liège, pré-
senta à l'administration centrale du département
de l'Ourthe un mémoire demandant qu'une école de
musique lut fondée en cette ville'. »
Cette demande resta alors sans elfet, et ce ne fut
qu'en 1826 « que le roi Guillaume lor des Pays-Bas
eut la pensée de créer quatre écoles de musique
dans quelques villes importantes du pays : Bruxelles,
Liège, La Haye et Amsterdam furent les villes de
son choix2 ».
Daussoigne, sur la désignation de Cherubini, fut
choisi pour diriger l'école de musique de Liège.
Daussoigne, neveu de Méhll, était un musicien
distingué; il avait fait de brillantes études au Con-
servatoire de Paris, et Cherubini le recommandait en
ces termes : u C'est un esprit pratique et un grand
musicien, il s'acquittera à merveille de sa lâche. »
Les classes s'ouvrirent le 1er mai 1827, avec trente-
cinq élèves.
Celle école progressa rapidement. En 1831, un
arrêté royal lui donna le titre de Conservatoire
royal de musique, et en 18o0, on compte déjà vingt-
3 i<ÏO
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
trois professeurs et deux cents élèves, tous animes
ii'une réelle émulation. Daussoighi organisa des
exercices d'ensemble pour l'orchestre; les élèves
prenaient ainsi connaissance des chefs-d'œuvre
classiques, et, « à partir de ce moment, on peut
déclarer le Conservatoire royal de Liège assis sur
des bases solides. »
Etienne Soi'hre succéda à Dalssoigne en 1862, et
l'école prit sous sa direction un notable développe-
ment. Lors de son décès en 1871, le nombre des
cours s'élevait à quarante et un, et celui des élèves
dépassait trois cents.
En 1872, le 23 septembre, M. Théodore Radoux fut
nommé directeur. A sa mort, en 1911, il a été rem-
placé par M. Sylvain Dupuis, auquel a succédé, au
moment de sa retraite, en 1925, l'excellent compo-
siteur M. François Rasse.
De nouveaux cours ont été créés, et aujourd'hui,
plus de sept cents élèves fréquentent cet établisse-
ment, qui donna des résultats généraux dignes des
sacrifices que les administrations publiques font
pour lui.
Son école de violon est particulièrement brillante
et jouit dans le monde musical d'une grande et légi-
time réputation. Il suffit de citer Massart, Léonard,
Thomson, Ysaye, Musin, Marsick, pour être convaincu
que celte réputation n'est pas usurpée.
Parmi les compositeurs, le Conservatoire de Liège
peut revendiquer avec orgueil César Franck.
En résumant les épreuves imposées pour les con-
cours, on se fera une idée très exacte d«s programmes
d'enseignement de cette école et de leur application.
Les conditions d'admissibilité aux concours sont à
peu près les mêmes que celles exigées au Conserva-
toire de Bruxelles. Les concours sont de deux sortes :
concours ordinaires ; concours supérieurs.
Voici les épreuves imposées aux concours ordi-
naires.
A. Pour les pianistes :
1° Exécution d'un morceau indiqué un mois à
l'avance; 2° lecture à première vue; 3° exécution
de plusieurs préludes et fugues de Rach; 4° exé-
cution d'un morceau au choix du concurrent.
B. Pour les violonistes :
I" Exécution d'un morceau désigné un mois à
l'avance; 2° lecture à première vue; 3° exécution
de plusieurs études choisies dans les œuvres de Gavi-
niès, de Fiorillo, de Kreutzer, de Rode, de Vieux-
temps, etc. ; 4° exécution d'un morceau au choix du
concurrent.
C. Pour les altistes; D. Pour les violoncellistes;
E. Pour les contrebassistes : des épreuves à peu près
équivalentes.
F. Pour les élèves des classes de musique de
chambre (piano et archets) : 1° exécution d'un trio
désigné un mois à l'avance; 2" exécution d'un trio
au choix; 3° exécution du trio du répertoire.
G. Pour les élèves des classes de musique de cham-
bre (instruments à archet) : les mêmes épreuves que
ci-dessus, mais avec substitution du quatuor au trio.
H. Pour les chanteurs :
1" Exécution d'un air classique avec vocalises;
2° exécution d'un air au choix; 3° lecture à pre-
mière vue.
I. Pour les élèves de déclamation lyrique : exé-
cution d'une scène comprenant au moins un air et
un duo développés.
Les épreuves des concours supérieurs sont analo-
gues aux précédentes, mais sensiblement plus dif-
ficiles. Pour les instrumentistes, on y ajoute notam-
ment la transposition, et les organistes y figurent
avec un programme très substantiel.
Pour les concours supérieurs, les conditions sui-
vantes sont requises des aspirants :
1° Si le postulant est instrumentiste, il devra avoir
pris part au concours d'harmonie ;
2° S'il est organiste, il devra avoir obtenu une
distinction pour la fugue;
3° S'il est violoniste, altiste, pianiste ou violon-
celliste, il devra avoir remporté une distinction dans
les concours de musique de chambre, indépendam-
ment de sa participation au concours d'harmonie.
Comme au Conservatoire de Bruxelles, les élèves
sont astreints à suivre des cours parallèles, lesquels
sont ceux de solfège, de chant d'ensemble, d'harmo-
nie, d'ensemble instrumental (classe d'orchestre) et
de musique de chambre.
Tel est, dans ses grandes lignes, le résumé de l'en-
seignement donné au Conservatoire de Liège.
Gand. — Le Conservatoire royal de Gand, comme
les écoles similaires de Bruxelles, de Liège et d'An-
vers, est une institution de l'Etat, subsidiée par la
commune et la province. Son budget s'élève à
100.000 fr. '. — Le personnel enseignant compte cin-
quante-sept professeurs.
L'enseignement comprend le solfège et la théorie
musicale, léchant individuel, le chant d'ensemble;
la diction et la déclamation française et néerlan-
daise; la prononciation des langues italienne, latine,,
allemande et anglaise dans leurs rapports avec la
musique; le maintien et l'art de la scène; les instru-
ments à vent, à cordes, à clavier; l'ensemble ins-
trumental; la musique de chambre dans toutes ses
combinaisons; l'harmonie et l'accompagnement, le-
contrepoint, la fugue; l'étude des formes et des pro-
cédés techniques, la composition; enfin la lecture
critique d'ouvrages d'esthétique, d'acoustique, d'his-
toire de la musique.
L'enseignement se donne aux trois degrés : infé-
rieur, moyen, supérieur.
L'ne commission, nommée par les différents pou-
voirs qui interviennent dans la formation du bud-
get, est chargée de gérer la partie administrative.
Le Conservatoire donne trois grands concerts de
symphonie (avec ou sans l'élément choral) par hiver,
plus un nombre variable de séances de musique de
chambre, avec la participation des professeurs et
des élèves. Les programmes de ces concerts et audi-
tions ont autant que possible une physionomie his-
torique.
Vers la fin del'année scolaire, devant un jury d'ar-
tistes étrangers au Conservatoire, ont lieu des con-
cours pour l'obtention de diplômes. N'y sont admis
que les élèves ayant satisfait à un examen sur les
matières vues dans le courant de l'année. Pour les.
cours de piano, de violon, d'orgue notamment, les
concurrents doivent présenter un morceau imposé
(concerto avec accompagnement de quatuor), un
morceau choisi par l'élève, plus un répertoire d'au
moins cinq œuvres, parmi lesquelles le jury désigne
un ou plusieurs morceaux à exécuter séance tenante..
Nul n'est admis à concourir s'il n'a obtenu une
distinction dans le cours de lecture musicale.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3461
L'enseignement se donne en français et en fla-
mand.
Les élèves payent un droit d'inscription de 2 fr. 50
et une rétribution annuelle de 10 fr. pour certains
«ours, de 20 fr. pour d'autres.
Six cents élèves environ, moiliéjeunes gens, moilié
jeunes filles, fréquentent l'école.
Le Conservatoire de Gand a été fondé en 1812 sous
le nom d'Académie de musique, par un groupe
d'amateurs. Adoptée par la commune en 1835,
l'Académie prend le titre d'Ecole de musique, et
devient en 1871 Conservatoire royal.
Ses directeurs ont été :
Joseph Mengal, de 183a à 1851;
Jean Andries, de 1851 à 1856 ;
Charles Méry, de 1856 à 1871;
Adolphe Samuel, de 1871 à 1898;
Emile Mathieu, de 1898 à 1924.
M. Martin Lunssens, actuellement directeur, est un
compositeur fort distingué, et le Conservatoire de
Gand ne peut que se développer encore sous son
active et intelligente direction.
Anvers. — A Anvers existe un Institut musical
portant le titre de : Conservatoire Royal flamand
d'Anvers. Il a eu pour origine une école de caractère
privé, érigée en 1842 grâce à l'initiative de trois
musiciens dévoués : François Aerts, Joseph Bessems
et Corneille Scnermers.
Ouverte en 1845, sous la dénomination française
d'école de musique de la ville d'Anvers, elle avait
pour but l'enseignement du solfège, du violon, du
violoncelle et du piano à de jeunes gens du sexe
masculin.
En 1859, elle devint propriété de la ville et prit
plus d'extension grâce à un modeste subside, alloué
par l'administration communale.
Le 17 novembre 1867, M. Peter Benoit fut appelé à
la diriger. Elle subit une réorganisation; son pro-
gramme fut complété, et le directeur établit plus d'u-
nité dans l'enseignement. Elle prit le titre de Antuer-
pens Vluamsche Miiziekschool (Ecole de musique fla-
mande de la ville d'Anvers). Depuis ce jour, les trois
pouvoirs publics la soutiennent par leurs subsides.
Par arrêté royal du 25 juin 1898, elle fut élevée
au rang de conservatoire sous le titre de Koninhlyh
Vlaamsch Conservatorium van Anlieerpm (Conser-
vatoire Royal flamand d'Anvers).
Les jeunes gens des deux sexes y sont initiés, dans
toutes les branches- de l'art dramatique et musical,
par des professeurs versés dans la connaissance de
la langue flamande et des termes techniques de cette
langue.
Le Conservatoire est administré par un conseil de
neuf membres, dont le gouverneur de la province
et le bourgmestre de la ville sont de droit président
et vice-président.
Le fondateur-directeur, mort le 8 mars 1901, eut
pour successeur un de ses élèves, M. Jan Blockx, mort
le 26 mai 1912, et auquel ont succédé M. Emile Wam-
bach (f 1924) et M. Lodewyk Mortelmans, actuelle-
ment directeur.
En 1845, l'école de musique comptait vingt-deux
professeurs et trois cent quatre-vingts élèves; au
Conservatoire actuel, le nombre des professeurs est
de trente-six, celui des professeurs adjoints de neuf;
celui des moniteurs de six, et celui des élèves de douze
cents.
L'institut comprend trois sections : la section
école ou primaire, la section conservatoire ou
moyenne, et la section université ou supérieure.
La fréquentation des cours dans la section école
est gratuite pour les élèves belges; les élèves de na-
tionalité étrangère y sont admis moyennant un droit
d'inscription de dix francs*. Pour les cours de la
section Conservatoire, les Belges payent cinq francs,
les étrangers cinquante francs par an'2.
Les élèves de la section conservatoire ayant obtenu
un diplôme de solfège peuvent être autorisés à se
présenter devant le jury pour l'obtention d'un diplôme
de capacité dans la branche qu'ils ont choisie.
Il y a des diplômes de différents degrés : le di-
plôme avec fruit, correspondant à un deuxième prix;
le diplôme avec distinction, équivalant à un premier
prix simple; le diplôme avec grande et le diplôme
avec la plus grande distinction, équivalant récipro-
quement à un premier prix avec distinction et avec
grande distinction.
Les élèves ayant obtenu un diplôme avec distinc-
tion (un des premiers prix) font partie de la section
université, laquelle embrasse, en outre, tous les ar-
tistes flamands qui se distinguent dans la musique,
dans l'art dramatique et dans la littérature.
Chaque année, il y a plusieurs auditions d'élèves,
pendant le mois d'avril, pour la section école et au
mois de juillet, pour la section conservatoire.
Malines. — Après ces trois grandes Ecoles doit
être placée, comme importance, l'Ecole êpiscopale et
interdiocésaine de musique religieuse, fondée à Ma-
lines par le célèbre organiste Lenijiens, sous le titre
de : Institut Lemmens, en 1879. Il fut aidé dans cette
lâche par un chanoine très distingé, l'abbé van
Dahme, qui devint un collaborateur ardent, actif et
dévoué. Les débuts furent difficiles. Il y avait peu
d'élèves, pas de local; on dut installer les services
chez un facteur d'orgues, M. Loret. L'établissement
commençait à prospérer lorsque, le 30 janvier 1881,
survint la mort du noble artiste qui l'avait fondé.
Cette mort fut le signal d'une crise redoutable pour
l'institution. Néanmoins, tous les obstacles furent
surmontés, et l'Ecole, dont la direction fut confiée
dès cette époque à M. Edgar Tinel (f 1912), s'ache-
mina, progressant continuellement, vers les bril-
lantes destinées auxquelles elle est parvenue. Le
directeur actuel est le chanoine van Nuffel, l'éminent
maître de chapelle de la Collégiale Saint-Rombaut.
Un orgue fut construit; un local fut trouvé; l'Ecole
progressait; le nombre des élèves augmentait; la
réputation de l'établissement s'étendait à l'étranger-
L'Ecole épiscopale et interdiocésaine de musique re-
ligieuse a pour but spécial de former des chantres,
des organistes, des maitres de chapelle et des com-
positeurs pour le culte catholique. Voici les princi-
pales dispositions qui régissent son fonctionnement
administratif et artistique :
Les élèves doivent, pour être admis, savoir lire,
écrire, calculer et connaître les éléments de la mu-
sique.
L'admission se fait par le directeur de l'école,
l'aumônier et le délégué du cardinal archevêque.
Les élèves sont externes et doivent habiter un
quartier approuvé par l'aumônier. Ils payent à l'é-
I. Prix d'Luant-.'iKT
si ci
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
cole 228 IV.1 par an. Ils doivent accomplir stricte-
ment leurs devoirs religieux. 11 leur est sévèrement
interdit d'aller au théâtre.
L'enseignement comprend les matières suivantes :
Lecture musicale et théorie;
Lecture au piano d'oeuvres pour cet instrument;
Lecture à l'orgue d'oeuvres pour cet instrument;
Lecture à l'orgue de partitions chorales;
Chant grégorien, exécution et harmonisation;
Chant d'ensemble;
Harmonie;
Contrepoint et fugue;
Piano ;
Orgue;
Transposition;
Improvisation;
Composition;
Histoire de la musique sacrée;
Religion ;
Liturgie;
Latin.
L'année scolaire se termine par une audition pu-
blique des meilleurs élèves. Cette audition est pré-
cédée d'un examen général de tous les élèves.
Il est décerné trois espèces de diplômes : un du
Troisième Degré, un du Deuxième Degré et un du Pre-
mier Degré.
Les seuls élèves ayant obtenu un diplôme sont
considérés comme capables de remplir les fonctions
d'organisle et de maître de chapelle, ou les deux
fonctions réunies.
Le nombre des élèves recevant annuellement l'en-
seignement dans cette école n'est pas considérable,
car depuis la fondation en 1879, c'est-à-dire en l'es-
pace de vingt-huit ans, on ne compte que deux cent
vingt élèves.
Mais, dira-t-on, de ces deux cent vingt élèves,
c'est à peine si on voit la trace dans nos églises,
tant leur action sur la réforme des tribunes est peu
apparente. Que sont donc devenus tous ces jeunes
musiciens?
La question posée à l'ancien directeur de l'Ecole,
M. Edgar Tinel, a provoqué la réponse suivante :
« La question n'est pas pour me déplaire, et je vais
y répondre.
« Et d'abord la sentence : « Beaucoup d'appelés
et peu d'élus, » s'applique ici comme ailleurs; nous
n'avons pas la présomption de croire que tous nos
élèves soient des musiciens d'église accomplis; ce
litre ne convient qu'au petit nombre, à nos élèves
diplômés, ainsi que le dit expressément le Règle-
ment de l'Ecole. Or, quarante-six élèves seulement,
en un quart de siècle, ont reçu le certificat de ca-
pacité que le diplôme représente, et sur ce nombre
figurent douze différents degrés de talent, attendu
que l'établissement décerne trois espèces de diplô-
mes, chacune d'elles divisible en quatre grades.
C'est assez dire de quelles garanties nous nous en-
tourons avant de donner Yexeat à nos élèves, même
aux moindres d'entre eux, je veux dire à ceux que
leur genre de talent destine aux fonctions plus mo-
destes d'organiste extra muros.
« Maintenant, ces quarante-six élèves diplômés,
que font-ils?
« Voici : environ les deux tiers occupent des fonc-
tions en Belgique, les autres à l'étranger.
« Ces derniers ont choisi la meilleure part; haute-
ment considérés dans leur patrie d'adoption, on leur
y accorde toute latitude pour faire fructilier l'ensei-
gnement reçu à Malines.
« Les conditions d'existence de ceux qui sont res-
tés en Belgique sont, je dois en faire l'aveu, moins
satisfaisantes; ils sont, en trop d'endroits, contre-
carrés dans leurs tentatives d'établissement d'une
pratique musicale conforme aux prescriptions litur-
giques, et deviennent ainsi, par la force des 'choses,
la semence tombée parmi les ronces... »
Il n'y a pas, hélas! qu'en Belgique que les choses
se passent ainsi, et il y a partout des elforts considé-
rables à accomplir pour faire disparaître du réper-
toire d'un grand nombre d'églises « les triviales et
écœurantes romances à paroles latines » qui en for-
ment souvent le fond le plus solide.
On peut dire que VEcole épiscopale et intercliocé-
saine de mimique religieuse de Malines rend à l'art
religieux de grands et réels services, et l'on ne peut
que souhaiter la continuation de son développement
normal et ininterrompu.
La Belgique possède encore, outre ses quatre Con-
servatoires royaux et l'Ecole spéciale de musique
religieuse de Malines, de nombreuses Ecoles de
musique dont voici les principales : Conservatoire
de Mons ; Académie de musique de Malines; Académie
de musique de Tournai; Conservatoire de Verviers ;
Ecole de musique de Namur; Ecole de musique de Lou-
vain; Ecoles de musique Saint Josse ten ISoode, Schaer-
beck, Ixclles, et Saint-Gilles; Conservatoire de Bruges;
Conservatoire de Charleroi; Académie de musique d'Os-
lende; Ecole de musique de Hasselt, etc. Ces écoles
peuvent, pour la plupart, être assimilées aux écoles
nationales françaises des villes de province. Elles
aident, dans une large mesure, à la diffusion de la
musique dans toutes les classes de la société, et con-
tribuent puissamment à en répandre et développer
le goût dans ce pays déjà si imprégné de cet art et
si bien préparé à recevoir la substance de son ensei-
gnement.
Genève. — La principale Ecole de musique de la
Suisse est le Conservatoire de musique de Genève,
fondé en 1835 par M. Bartholoni. Pendant plusieurs
années les progrès furent lents. Il y avait alors dans
l'austère Genève peu de goût pour la musique : pas
de concerts, pas de musique de chambre!
A partir de 1848, on entra enfin dans une période
d'essor qui n'a fait que se développer jusqu'aujour-
d'hui.
En 1833, le généreux et riche fondateur Bartho-
loni donna un million pour l'érection d'un monu-
ment destiné à devenir le temple de la musique à
Genève : le Conservatoire de musique, très bien amé-
nage pour l'enseignement et possédant une jolie salle
de concert.
Le goût de la musique, l'éducation du public ont
fait alors d'immenses progrès; les concerts, les réu-
nions bénéficient d'une vogue toujours croissante;
c'est un résultat notable qu'il faut certainement attri-
buer pour la plus grande part au Conservatoire2.
L'enseignement donné dans cette école de musique
2. Il n'y a pas d'examc
faire inscrire et de paye
iuffit, pour être
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3i63
se rapproche beaucoup de celui en usage dans les
conservatoires allemands : le but poursuivi est, avant
tout, de faire des musiciens, et non pas seulement
des virtuoses. De là, un grand nombre de cours théo-
riques destinés à développer l'oreille, le goût musi-
cal des élèves, à leur inculquer le sens du rythme,
à former leur style, à leur apprendre à se rendre
compte de la structure, de la facture des œuvres
qu'ils exécutent, etc., etc.
En regard de chaque classe instrumentale, il existe
une classe parallèle de solfège, théorie, harmonie, etc.
Une place prépondérante est faite à la lecture
à vue, qui, aux examens des classes d'instruments,
compte autant que l'exécution.
Les tendances sont classiques avec Bach et Bi:e-
thoven pour base; cependant, une très large place
est faite aux œuvres modernes, aux écoles les plus
avancées : Wagner, Strauss et autres noms moder-
nes y sont en grand honneur.
La même importance est accordée aux études
vocales et aux éludes instrumentales, mais il y a
plus d'instrumentistes que de chanteurs; le piano
est particulièrement prédominant et compte plus de
cinq cents élèves sur quatorze cents.
Amateurs et professionnels sont mêlés dans les
classes, et, comme en Allemagne, les études théo-
riques, solfège, harmonie, composition, instrumen-
tation, histoire de la musique, etc., marchent de
front avec les études vocales et instrumentales.
En classe normale et en classe de virtuosité (en-
seignement supérieur), les instrumentistes et chan-
teurs commencent la composition.
En classe normale de piano, outre la composition,
l'élève doit suivre obligatoirement une classe de
fugue, une d'histoin' île la musique et une de cours-
conférences (étude pratique et analytique des grandes
œuvres classiques et modernes avec les sonates de
Beethoven pour point de départ).
La classe de virtuosité de violon, outre la composi-
tion, comporte des cours obligatoires d'histoire de la
musique, d'orchestre, de quatuor et de piano.
Chaque enseignement est divisé en trois degrés,
élémentaire, secondaire et supérieur. Dans chaque
branche, il existe en outre une classe de perfection-
nement, dite classe normale, comprenant deux an-
nées d'étude, à l'issue desquelles les élèves peuvent,
après un examen spécial, recevoir les diplômes de
capacité et de virtuosité.
Des examens sanctionnent les études. Comme con-
sécration de ces examens, le jury décerne annuel-
lement aux élèves des prix et des accessits.
Les matières enseignées sont :
Solfège à divers degrés; vocalisation, art du chant
et chant en chœur; diction lyrique; déclamation;
lecture vocale et instrumentale; piano; orgue et
harmonium; instruments à cordes, instruments à
vent; harpe; théorie; harmonie; composition; ac-
compagnement ; quatuor; histoire de la musique;
instrumentation; histoire des formes et des styles
musicaux; improvisation; orchestre.
Le Conservatoire ne forme pas de sujets pour le
théâtre; les professeurs de chant ont, chez eux, des
cours privés pour l'étude des rôles et du répertoire.
Il y a une dizaine d'exercices publics par an, dont
deux avec orchestre; les autres consistent en
récitals de piano, de violon, d'orgue, en exécutions
de musique de chambre, etc.
Le Conservatoire est administré par un comité de
quinze membres, lequel nomme un directeur, chargé
défaire exécuter le règlement1. Le comité élit aussi
son bureau.
Tel est, en substance, le fonctionnement du Con-
servatoire de Genève, qui rend des services signalés
au développement de la musique, et dont le corps
enseignant est remarquable.
La Suisse compte encore des écoles de musique
importantes à Zurich, Bâle, Berne, Lausanne, qui
méritent d'être signalées. Mais il suffit d'avoir mon-
tré l'organisation du Conservatoire de Genève pour
avoir une idée exacte de ce qu'est l'enseignement
de la musique dans ce pays.
Russie.
Ancien régime. — En Russie, l'organisation de
l'enseignement musical officiel a été très particu-
lière. C'est la Société Impériale Russe de musique qui
en assura le fonctionnement et qui en eut toute la
responsabilité. Voici l'origine de celle société :
Vers le milieu du xixe siècle, on vit surgir une
pléiade de jeunes maîtres. Glinka était à leur tête.
Ils éveillèrent en Russie l'amour de la musique clas-
sique et de la musique nationale. Peu à peu, le pu-
blic sentit la nécessité d'avoir une organisation
musicale pouvant donner à la Russie des professeurs
de musique, des artistes et des compositeurs.
C'est alors (en 1840) que fut fondée la Société
Impériale Russe de musique, sous l'appellation de
« Société S.vmphonique ». Elle n'eut que dix années
d'existence. En 1851, elle ferma ses portes, faute de
ressources. Huit ans plus tard (en i8i>9), elle fut
réorganisée. Le célèbre Anloine Rurinstein fut l'àme
de cette entreprise, et, dès la première saison de
concerts, le succès s'affirma si éclatant que, d'ac-
cord avec le comité des directeurs, A. Rubinstein
décida de fonder à Moscou une section de la Société
Impériale Russe de Musique.
Nicolas Rubinstein, avec un Comité de Directeurs,
se vit placé à la tète de cette société. Dès ledébut, il
organisa des cours de piano, de théorie musicale et
un cours de chant d'ensemble. Ce fui l'aube du Con-
servatoire de Moscou. Le public suivait avec un
iutérêl toujours croissant les progrès de cette société
naissante. Les concerts étaient suivis avec un grand
enlhousiasme.
Ici, il est indispensable de mettre sous les yeux
du lecteur les principaux extraits des statuts de la
Société Impériale Russe de musique concernant les
Conservatoires et les Ecoles de musique qui dépen-
dent d'elle, avec les dernières modifications appor-
lées et approuvées :
« La Sociélé Impériale Russe de musique a pour
but de coopérer à la propagation de l'instruction
musicale en Russie, de contribuer au développement
de toutes les branches de l'art musical et d'encou-
rager les artistes russes capables (compositeurs et
exécutants), ainsi que les professeurs de musique.
« Dans ce but, la société a le droit :
« 1° de fonder dans diverses villes de Russie des
classe de musique, ainsi que des Ecoles de musique
et Conservatoires;
« 2° d'organiser pour ses membres des réunions
musicales et concerts...
Henri Gagnera {.Vmikcr K<iln,dc,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DfCTIOVIVAritE DU CONSERVATOIRE
ii i i société se compose de sections fondées dans
lès diverses villes de la Russie, routes ces sections,
dans leur ensemble, forment la Société Impériale
Russe de musique, et chacune de ces sections porte
le nom de la ville dans laquelle elle se trouve.
« La direction générale de la société se compose
du président, du vice-président, de l'adjoint au pré-
sident pour la partie musicale, des directeurs des
Conservatoires de la société (qui en font partie de
droit), de deux membres permanents et d'un membre
délégué de chacune des sections locales.
« Le président de la société est élu par la direc-
lion générale pour cinq ans.
« La direction générale veille à l'unité de vues et
d'action des diverses sections locales, de même qu'à
l'observation en tous points, par celles-ci, des clau-
ses des statuts.
« Chaque section de la Société Impériale Russe de
musique est administrée par une direction locale
qui gère toutes les affaires au point de vue musical,
économique et administratif. »
Voici maintenant les articles essentiels des statuts
régissant tous les Conservatoires et Ecoles de musi-
que russes dépendant de la Société Impériale :
« Le but du Conservatoire est de former des exé-
cutants pour l'orchestre, des virtuoses, des chan-
teurs de concert, des artistes dramatiques et lyri-
ques, des chefs d'orchestre, des compositeurs et des
professeurs de musique.
« L'enseignement du Conservatoire compsrte deux
branches : l'enseignement artistique et l'enseignement
scientifique.
« L'enseignement artistique comprend : la connais-
sance des instruments composant un orchestre, l'é-
lude du piano, de l'orgue, le chant, la théorie de la
musique, l'histoire de la musique, l'histoire de l'art,
l'esthétique, l'étude de la mise en scène, de la décla-
mation, delà mimique, de la danse, etc.1.
« L'enseignement scientifique comporte des cours
de religion, d'arithmétique, de géographie, d'histoire
universelle, d'histoire de la Russie, etc.2.
« L'étude de deux langues étrangères est exigible.
« Chaque Conservatoire possède un musée, une
bibliothèque, etc.
« L'argent apporté par les élèves du Conservatoire
en constitue les ressources. En outre, le Conserva-
toire de Pétersbourg reçoit de l'Etat un subside
de 15.000 roubles; celui de Moscou, un subside de
20.000 roubles3.
« Les Conservatoires sont sous la dépendance du
président de la Société Impériale Russe de musique
dont ils font partie.
« Le président confirme les programmes et plans
d'études soumis à son approbation par les directions
locales, etc. Il confirme ou rejette la nomination de
directeurs de Conservatoires, de professeurs, inspec-
teurs, etc., faites par les directions locales.
« Toutes les directions locales doivent veiller au
bien-être du Conservatoire placé sous leur dépen-
1. Cet enseignement comportait deui degrés, destinés aui virtuoses
et aux pédagogues, avec diplômes pour chacune de ces catégories.
2. Enseignement de culture générale et obligatoire, a moins qu'on
ne présentât un diplôme de gymnase.
3. Ces allocations ont été augmentées depuis l'époque où l'article a
été rédigé.
dance, et chercher surtout à en augmenter les res-
sources pécuniaires, etc.
« La direction de chaque Conservatoire est com-
posée comme suit : directeur, conseil artistique,
conseil scientifique, inspecteur du Conservatoire, ins-
pecteur de l'enseignement scientifique, secrétaire,
gérant du musée, trésorier, surveillant, expédition-
naire.
« Le directeur doit être un homme s'occupant
spécialement de musique; il doit être sujet russe.
« Le directeur est nommé et révoqné par le pré-
sident de la Société Impériale llusse de musique,
sur l'avis de la section locale.
« Le directeur est membre de la direction locale
et de la direction générale.
« Sont admis au Conservatoire les élèves des deux
sexes et appartenant à tous les rangs de la société.
« Tous les élèves sont externes1. Avant d'être
admis, le postulant doit subir un examen qui le
place, selon ses connaissances, dans telle ou telle
classe. Les connaissances requises pour l'admission
au Conservatoire sont les mêmes que dans les lycées
de garçons et de filles. Néanmoins, pour le postulant
doué de grandes qualités dans le domaine de l'art,
ayant, par exemple, une très belle voix, le niveau
des connaissances requises peut être abaissé. Ceux
qui se destinent à l'étude du chant ou de tout ins-
trument à vent doivent subir un examen médical
afin d'acquérir la certitude que leurs études ne se
feront pas au préjudice de leur santé.
« Les élèves sont admis à titre d'élèves ou d'au-
diteurs.
« Les élèves sont ceux qui suivent le cours com-
plet : artistique et scientifique. Les auditeurs sont
ceux qui ne fréquentent que quelques classes à
leur gré.
« La direction/de la section locale détermine le
payement annuel de chaque élève.
« Une réduction peut être accordée à certains
élèves'1.
« Les élèves sont tenus de prêter leur concours
aux séances musicales, dramatiques, lyriques du
Conservatoire et de la section locale de la Société.
« Pendant leur stage au Conservatoire, les élèves
subissent des concours d'épreuve, des examens et
des concours de sortie.
« Les concours de sortie seuls sont publics.
« Les concours de sortie se font en présence d'un
délégué du gouvernement envoyé par le ministre de
l'Intérieur, d'un délégué envoyé par le président de
la Société, et enfin de l'un des directeurs de la sec-
tion locale, choisi par la direction.
« Ceux des élèves qui subissent avec succès les
examens reçoivent un attestât, un diplôme ou une
médaille. Ceux qui méritent un diplôme prennent le
titre d'artiste libre. A ceux des élèves qui ont rem-
4. Dans les deriii-»i'v i.mi^.s .lu t/arisme, on avait nu. nagé des loge-
ments pour les élèves.
5. Ces payements étaii'iit de 200 roubles ou de 100 roubles pour les
très bons élèves. Des bourses étaient aussi distribuées, et les élevés
des classes d'instruments à vent recevaient gratuitement l'enseigne-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3465
porté des succès notoires, et qui sont doués de qua-
lités spéciales, on ajoute au diplôme une médaille
■en argent petite ou grande, ou en or.
« Les élèves auditeurs peuvent également recevoir
des attestais, des diplômes, s'ils subissenlavec succès
les examens.
« Sont admis aussi à subir lesdils examens les
«lèves n'ayant pas fait leurs études au Conserva-
toire; ils peuvent également recevoir un attestât et
un diplôme.
« A la fin du concours d'épreuve, a lieu le grand
concours de sortie annuel, où l'on fait connaître la
décision du conseil artistique confirmée par le pré-
sident de la Société au sujet de la distribution des
récompenses.
« Les élèves sont soumis à la loi militaire, mais,
pour ne pas interrompre leurs études, leur entrée
au service peut être retardée jusqu'à vingt-deux ans. »
Le petit historique suivant du Conservatoire de
Moscou et de celui de Saint-Pétersbourg établira clai-
rement la situation ancienne de l'enseignement mu-
sical en Russie, puisque le fonctionnement de tous les
autres Conservatoires était sensiblement identique.
Moscou. — En 18G6, après les premières épreu-
ves relatées au début de cet article et les premières
difficutés franchies, une ère nouvelle s'ouvrit pour
la Société. Ce fut l'inauguration du Conservatoire de
Moscou, qui eut lieu le Ie'-' septembre. Nicolas Rubin-
stein en fut nommé directeur. Il était de plus chef
d'orchestre des concerts symphoniques, et virtuose
exécutant. Son immense prestige artistique contri-
bua puissamment au rapide développement de la So-
ciété et du Conservatoire.
Bien avant l'ouverture du Conservatoire, le nom-
bre des classes de l'Ecole de musique fondée par
N. Rubinstein avait considérablement augmenté. En
1861-62, on comptait déjà deux classes de chant, une
de violon, une de violoncelle, deux de piano (cours
élémentaire), deux de piano (cours supérieur), une de
flûte, une de trompette, trois de théorie musicale.
A la fin de 1866, Tchaïrowski, à peine sorti du Con-
servatoire de Pétersbourg, fut nommé professeur
d'harmonie au Conservatoire de Moscou. Les autres
professeurs étaient le violoniste Laub, le pianiste
Klindwouth, le chanteur Galyani. etc.
En 1867, on créa de nouvelles classes : une de con-
trebasse, une de déclamation et de mise en scène,
une de danse et une d'escrime pour les chanteurs.
L'enseignement scientifique fut organisé. Les bons
élèves instrumentistes furent admis dans la compo-
sition de l'orchestre des concerts symphoniques. De
grands perfectionnements furent apportés à l'étude
de la théorie musicale et du solfège.
En 1870 on décerna les premières récompenses.
C'est aussi à cette époque que fut organisé le premier
exercice d'élèves. On monta l'opéra de Glinra. La Vie
pour le Tzar. En 1872, on monta {'Orphée de Gluck.
En 1881, Nicolas Rubinstein mourut. Il fut rem-
placé par un des professeurs du Conservatoire,
M. Goubert, lequel n'exerça les fonctions de direc-
teur que pendant deux ans. Tanéiew lui succéda en
1884. C'est alors seulement que fut créée la première
classe d'orchestre.
ii[il;n an -
En 1889, Tanéiew se démit de ses fonctions et fut
remplacé par M. Saronoff, qui les conserva jusqu'en
1906, époque à laquelle il fut lui-même remplacé
par le distingué compositeur M. Ippolitoff Ivanoff.
II y avait, avant 1917, trente-sept professeurs pour
l'enseignement artistique, plus un maitre de danse,
un maître de gymnastique, et dix-sept professeurs
pour l'enseignement scientifique.
Le Conservatoire de Moscou a exercé une influence
considérable sur le développement de la musique en
Russie, où existe aujourd'hui une admirable école
de compositeurs pleins de talent, d'originalité, de
vitalité, de sève nationale, sur laquelle le monde
entier a les yeux.
En dehors du Conservatoire fondé par la Société
Impériale Russe de musique, Moscou possédait un
second conservatoire placé sous le patronage de Son
Altesse Impériale la grande duchesse Elisabeth. Il a
été fondé par Chestakowski, musicien et professeur
de piano, et porte le nom de Conservatoire Chesta-
kowski de la Société philharmonique de Moscou; il
ne reçoit aucun subside de l'Etat.
Il a la même importance que le Conservatoire de la
Société Russe et à peu près la même organisation1.
De plus, il existait à Moscou un nombre considé-
rable d'écoles de musique privées, plus ou moins
importantes.
Saint-Pétersbourg. — Le Conservatoire de Saint-
l'étersbourg, aujourd'hui sous la direction du oélèbre
compositeur A. Glazounow, a étéfondé en 1859, sous
forme de « classes musicales », par A. Rubinstein,
et réorganisé en 1862, époque à laquelle il reçut le
nom de Conservatoire.
Il y avait été créé sous les auspices de la section
de Saint-Pétersbourg de la Société Impériale Russe
de musique, qui l'administrait et en nommait le
directeur jusqu'en 1905. A cette date, le ministre de
l'intérieur appliqua au Conservatoire les Rèr/tements
temporaires qui venaient d'être introduits dans les
établissements supérieurs d'instruction, et qui leur
concédaient le droit de s'organiser de manière auto-
nome et d'élire le directeur.
En 1908, les rapports entre la section de Saint-
Pétersbourg et la Société Impériale russe se voyaient
réduits au minimum, et il était à prévoir que, très
prochainement, le Conservatoire passerait dans le
ressort du ministère de l'Instruction publique.
Le Conservatoire était placé sous la direction : 1°
d'un directeur élu par le Conseil; 2° du Conseil dont
dépendait le cours normal des études, car c'était ce
conseil qui prenait toutes les mesures nécessaires,
sous sa propre responsabilité, pour assurer l'ordre,
le travail et la tranquillité de la vie académique
dans l'établissement. Ce Conseil était composé des
professeurs des classes supérieures 2.
Le directeur, de son côté, avait la charge de faire
appliquer les décisions prises par le Conseil ; et c'est
lui qui présentait à celui-ci les propositions et pro-
jets de règlement.
Au point de vue financier, la question est alors très
compliquée, carie budget des dépenses est fort con-
sidérable, et les ressources apparaissent très res-
treintes. Les élèves, au nombre de 950 en 1906, payent
100, 200, 230 et 300 roubles par an, suivant les cours
qu'ils suivent et les professeurs avec lesquels ils
nportait deux degn's. l'-li'iue
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
travaillent1, et, à l'enseignement instrumental, tous
les élèves sont tenus de suivre un cours d'harmonie.
Tous également, sans exception, doivent suivre les
cours de solfège pendant trois ans, à moins que, par
un examen, il soit constaté qu'ils puissent en être
dispensés et entrer dans une classe supérieure.
La Société Impériale Hussede musique avait encore
des sections dans les principales villes de province
suivantes :
Wladicaucase; Woronesch; Ekaterinoslav; Kazan;
Kiew; Nijni-Novogorod; Odessa; Penza; Rostow-
s.-Don; Saratow; Kharkow; laroslav; Wilna; Eka-
lerinodar; Irkoutsk; Nikolaiew; Orel; Poltava; Riga;
Samara; Slawropol de Caucase; Tambow; Tiflis,
Tomsk, Bakou, Astrakhan.
A Varsovie, il y a un Institut de musique. En outre,
des écoles privées fonctionnent très avantageusement
à Pétersbourg, Moscou, Varsovie et dans plusieurs
villes dé province.
D'autre part, le Conservatoire louchait une subven-
tion de 15.000 roubles du gouvernement et 20.000 rou-
bles par an comme intérêts des capitaux qui lui
appartenaient.
Les traitements des professeurs étaient très mé-
diocres.
Les directeurs qui se sont succédé depuis la fon-
dation sont :
Antoine Rubinstew; Zaremba; Azantchf.fski; Char-
les Davidow; Antoine Rubinsteim (réélu); Johansen;
Bernard et Glazounow, directeur actuel.
L'enseignement donné au Conservatoire de Saint-
Pétersbourg est à peu près semblable à celui du
Conservatoire de Moscou. Les résultats artistiques
sont des plus satisfaisants.
Le génial Rimsky-Korsakow y fut professeur, ainsi
que Liadow : c'est dire le haut et brillant enseigne-
ment que reçoivent dans cette Ecole les jeunes com-
positeurs.
Dans ces deux conservatoires, les études d'har-
monie, de contrepoint, de fugue, de composition
tiennent une très grande place. On attache une égale
importance à l'enseignement vocal.
De tout ce qui précède, on peut se faire une idée
de ce qu'était l'enseignement musical dans l'immense
empire des tzars. En peu d'années, il avait pris un
développement considérable et acquis une vitalité
qui va sans cesse s'accentuant et qui fait présager les
plus brillantes destinées pour la musique dans ce
pays.
Dans les dernières années de l'ancien régime et
pendant la guerre, l'autonomie des conservatoires
s'est accentuée. On a décidé aussi que les professeurs
toucheraient une pension après vingt ans de services.
Des facultés ou branches fuient instituées, chacune
d'elles élisant un comité mixte composé de profes-
seurs et d'élèves de la branche, ceux-ci en nombre
moitié moindre que les professeurs. Ces comités se
réunissaient pour discuter des questions intéressant
les diverses branches. Quant au conseil composé des
professeurs des classes supérieures, dont il a été
question plus haut, il continuait son exercice.
Les élèves virtuoses, à la fin de leurs études, de-
vaient donner un récital public.
i. Les prix payés par les élèves dépendent :inssi de la position so-
ciale de ceux-ci. Les élevés libres ou auditeurs payent les prix les plus
élevés.
Régime actuel. — Au cours des deux premières
années du nouveau régime de la Russie, aucun
changement notable ne s'est produit dans le fonc-
tionnement des conservatoires. Vers 1920, le com-
missariat de l'Instruction publique, qui avait rem-
placé le ministère de même nom, a commencé à
s'immiscer dans la gestion de ces établissements. On
décida d'abord qu'il n'y aurait pas d'élèves payants»
et que le nombre des élèves serait diminué; ensuite,
les traitements des professeurs furent augmentés au
prorata du nombre des élèves supprimés. Mais les
divisions instituées par l'ancien régime sous forme
de degrés, élémentaire, supérieur, se virent mainte-
nues.
Conservatoires. — Les deux conservatoires de
Leningrad et de Moscou comptent chacun de six
cents à six cent cinquante élèves. Ces établissements
n'ont plus d'autonomie. Les directeurs, appelés rec-
teurs, sont nommés par les conseils des professeurs
où figurent des délégués des conseils des élèves; la
nomination se fait par élection, laquelle est sanction-
née ou infirmée par la section artistique de l'Ins-
truction professionnelle du Commissariat de l'Ins-
truction publique. Les Conservatoires se trouvent
sous la dépendance absolue de cette section, dont
un délégué assiste à tous les examens et à toutes les
auditions d'élèves, ainsi qu'aux épreuves d'admission
des élèves2. Le recteur actuel du Conservatoire de
Moscou est M. Igounow. De même, les professeurs
sont élus par le conseil des professeurs, dans lequel
les élèves sont représentés, et cela sous la sanction
de la section artistique de l'Instruction profession-
nelle du Commissariat de l'Instruction publijue;
cette disposition engendre des conflits entre maîtres
et élèves. Au point de vue financier, ce fut d'abord
le Commissariat de l'Instruction publique qui assura
le budget intégral des conservatoires comme celui
de toutes les écoles, en dépit des conflits continuels
qui s'élevaient à l'égard de la « typisation » de ces
écoles, c'est-à-dire de leur classement dans une des
trois catégories : primaire, secondaire, supérieure.
Mais actuellement, le Commissariat se borne à ver-
ser un appoint dont le montant apparaît d'ailleurs
très variable. Il appartient aux conservatoires d'as-
surer le reste des ressources nécessaires à leur
fonctionnement, en faisant payer les élèves, tout
en maintenant partiellement le régime des bourses.
C'est le conseil des élèves qui a qualité pour dési-
gner les bénéficiaires de bourses, et aussi ceux d'entre
les étudiants qui doivent apporter une contribution
scolaire.
En ce qui concerne les programmes de l'organisa-
tion des cours, peu de changements importants sont
à signaler, du moins à l'égard de l'enseignement
instrumental. Ainsi, le piano et le violon comportent
chacun neuf cours, dont cinq préparatoires et quatre
supérieurs. Pour le violon supérieur, l'examen final
exige l'exécution des fugues de Max Reger, alors que
l'examen de piano comporte une œuvre russe mo-
derne sans désignation d'auteur. Mais les idées ré-
2. Nous somme- redevables a M. Gi.wi'rN'tw, directeur du Conser-
vatoire de Leningrad, et à Mil. Codes et Calowe, anciens professeurs
au Conservatoire de Moscou, des renseignements qui suivent sur l'en-
seignement musical actuel en Russie. Nous les prions de vouloir
bion agréer tous nos remerciements. (N. D. L. D.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 3',
puantes ont déterminé une extension considérable
du programme de culture générale, surtout en ce
qui concerne les matières d'ordre historique et so-
ciologique. Et la répercussion de ces idées s'observe
même sur le terrain musical proprement dit; c'est
ainsi que, dans une classe d'harmonie, on prendra
de préférence comme mélodie à harmoniser un type
provenant du folk-lore. Cette tendance a rencontré
l'approbation du corps professoral.
On a aussi introduit de nouveaux cours : cours de
direction de l'orchestre et, au degré élémentaire,
surtout dans les écoles techniques, cours d'audition
destiné à apprendre à écouter. De plus, les profes-
seurs s'efforcent continuellement de réformer et
d'améliorer l'enseignement à tous les degrés. Dans
chaque classe, les élèves doivent tenir un journal de
l'enseignement de leur maître.
A l'origine, l'organisation des concerts et specta-
cles était subordonnée à l'autorisation stricte du
Commissariat de l'Instruction publique, mais, depuis
quelques années, ce régime d'absolutisme s'est beau-
coup atténué. On mobilise les musiciens pour des
concerts destinés au peuple, aux malades, aux ou-
vriers d'usine, etc.; ces déplacements offrent aux
artistes un sérieux intérêt matériel, car souvent ils
recevaient des contributions en nature; mais, après
un certain tlottement, on est revenu au payement en
argent.
Autres établissements. — Les écoles privées,
très rares, ont d'abord été soumises au même ré-
gime que les conservatoires, mais, maintenant, en
conformité avec la réaction qui s'est produite dans
la politique inlérieure, une détente se dessine dans
un sens plus libéral.
On peut noter qu'au printemps de 1928, un concert
composé exclusivement d'étudiants s'est organisé à
Leningrad dans un but pédagogique.
Angleterre et Ainériqne.
En Angleterre et en Amérique, Londres et Boston
méritent des mentions spéciales.
Londres. — A Londres fonctionnent cinq conser-
vatoires. Deux d'entre eux tiennent la tête, ce sont :
1° Royal Collège of masic, ayant pour directeur Sir
Hugh P. Allen1. Il fut fondé en 1876 par Sullivan
sous le titre de National Iraining School of music, et
prit son nouveau titre en 1883. Cette institution,
de grand avenir, possède un capilal considérable.
2° Royal Academy of music, fondée en 1822, directeur
Dp J.-B. Mac Ewen2. Dans ces deux établissements,
l'enseignement a les tendances classiques; le con-
trepoint, la fugue, la composition y tiennent une
très grande place; l'importance accordée à l'ensei-
gnement vocal et à l'enseignement instrumental est
égale; la sanction des études consisle en examens
et concours dont les résultats n'ont, du reste, aucune
influence sur la carrière des lauréats, et ne leur
confèrent aucun avantage particulier. Enfin, il y a
des exercices publics.
Les trois autres conservatoires établis à Londres
sont : London Academy of music, fondée en 1861, spé-
cialement destinée aux amateurs; Trinity Collège,
fondé en 1872, société de rapport distribuant des
1. Zfnsik. Kalemler. 1929, II, p.
2. Ibid., II, p. 48.
diplômes; et Guild Hall School of music, fondée en
Enfin, nous trouvons un conservatoire à Edim-
bourg, un à Dublin, un à Glasgow.
Boston. — Le conservatoire le plus grand du
monde est, dit-on, celui de Boston3, où fréquentent
deux mille élèves, avec dix-huit professeurs de
piano, deux d'orgue, quatorze de chant, etc. Il y a
aussi, ce qui fait l'originalité de cette école, des
professeurs de littérature, de rhétorique, d'histoire,
d'expression, d'interprétation artistique, de dévelop-
pement de la voix parlée : en tout quatre-vingts pro-
fesseurs.
Comme en Allemagne, on forme l'esprit de ceux
qui sont appelés à faire la critique et on leur ensei-
gne ce qui doit les rendre compétents! 11 y a donc
un cours de journalisme musical, de crilique et de
littérature musicales. « Ce cours, dit le programme,
comprend la connaissance générale de tous les chefs-
d'œuvre du répertoire classique, la connaissance
pralique des instruments de l'orchestre et de leur
usage dans les œuvres modernes; la compréhension
des différentes écoles de composition et la technique
des exécutions; des exercices pratiques de critique
et d'études, et toute la routine du travail journalier. »
Beau programme pour assurer la compétence de
la critique! Il ne serait peut-être pas inutile de le
méditer et de le pratiquer en France et ailleurs! Et
puis, il y a le côté pratique, que ne dédaigent jamais
les Américains, car, ajoute le même programme,
« il y a des demandes croissantes de critiques mu-
sicaux expérimentés dans toutes les villes des Etats-
Unis. Quelques-unes d'entre elles, même parmi les
plus grandes, sont à présent très pauvres à cet égard,
les besoins étant beaucoup plus grands que les
offres. »
Le budget du Conservatoire est de 1.500.000 fr. ;
cependant les élèves payent une rétribution scolaire
assez élevée (environ 1250 fr. par an*).
Au nombre des choses enseignées, il faut remar-
quer que les élèves de piano apprennent obligatoi-
rement à démonter et à remonter les pianos, afin
d'en bien connaître la construction et de savoir les
accorder eux-mêmes.
Détail curieux : on compte, répartis dans les dif-
férentes classes, douze orgues à tuyaux et un grand
orgue. La soufflerie de tous ces instruments marche
à l'électricité. Il n'y a pas d'exemple d'autre établis-
sement renfermant une aussi grande quantité d'or-
gues!
Autre particularité plus curieuse encore : si l'on
veut obtenir un diplôme de gradué ou de profes-
seur du Conservatoire, il faut suivre, à l'université
de Boston, les cours de langues modernes et an-
ciennes, mathématiques et sciences naturelles, géo-
métrie, trigonométrie, physique, chimie, biologie,
histoire, littérature, droit, économie politique, psy-
chologie, logique, théorie de la connaissance, prin-
cipes de métaphysique, éthique! Universalité de
connaissances!
A signaler encore un pensionnat spécial pour
les élèves femmes dont les parents n'habitent pas
Boston.
3. Boston Conservatory of i
lender, 1929, II, p. 417.
4. Hrix d'avant-guerre.
Agide Ja
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
On vnit combien ['organisation du Conservatoire
de Boston le différencie singulièrement des autres
établissements similaires. Il a ainsi son originalité.
D'autres écoles de musique fonctionnent encore
d'une manière très intéressante aux Etats-Unis et ail-
leurs; néanmoins, il faut se borner, et l'on ne peut
décrire parle détail (cela deviendrait du reste super-
llu) ce qu'est l'enseignement musical dans le monde
entier. Après ce qui a été dit sur son organisation
-et son fonctionnement en France, en Allemagne, en
Autriche, en Italie, en Belgique, en Suisse, en Russie,
en Angleterre, en Amérique, il suffira de mention-
ner : le Conservatoire d'Amsterdam1, fondé en 1862;
le Conservatoire de Rotterdam, fondé en 1845; à la
Haye, le Haagsch Conservatorium, directeur Siegfried
Blaai'w, fondé en 1826 (très florissant, enseigne-
ment gratuit) et le Koninklyk Conservatorium voorMu-
ziek, dir. D. J. Wagenaah [Musik. liai., II, p. 138); le
conservatoire de Luxembourg, fondé en 1864, assez
important; dir. Luc Lambote.
D'autres pays encore ont des conservatoires dignes
d'être signalés : ceux de Copenhague, fondé en 1867;
de Christiania, fondé en 1865; deStockholm, fondé en
1871, comme institution d'Etat avec l'enseignement
gratuit; de Madrid, fondé en 1830; de Saragosse et
de Valence; de Lisbonne, fondé en 1836, etc.
Grèce 2.
Athènes. — Le Conservatoire de musique et de
déclamation d'Athènes ou Odéon d'Athènes, n'est
pas subventionné par l'Etat. Il doit sa fondation aux
philhellènes MM. Averof et Singros, et à certaines
colonies grecques à l'étranger qui ont, dans ce but,
fait don de fortes sommes au gouvernement hellé-
nique. Fondé en 1871, le Conservatoire d'Athènes fut
réorganisé par M. Nasos, directeur honoraire actuel,
qu'imposa M. Averof. Sous cette condition, ce der-
nier versa une nouvelle somme de deux millions.
Administré par un conseil de neuf membres, que
préside M. Georges Averof, et ayant comme sous-
directeur M. C. Nikolau, le Conservatoire comporte
un enseignement payant, mais dont le prix varie avec
les diverses classes. Toutefois, un certain nombre
d'élèves, dont la situation mérite cette faveur, sont
admis à titre gratuit.
L'année scolaire, d'une durée de neuf mois, com-
mence le 1er septembre et se termine le 31 mai.
Les classes sont les suivantes :
Théorie et solfège. Contrebasse. Musiqued'ensemble-
Harmonie. Klùle. Chant.
Composition. Clarinette. Déclamation.
Piano. Hautbois. Histoire de la mu-
Harpe. Basson. sique.
Violon. Cor. Histoire de l'art dra-
Alto. Trompette. matique.
Violoncelle, Trombone.
L'enseignement admet trois degrés : élémentaire,
moyen et supérieur. 11 est donné par des « profes-
seurs » pour le degré supérieur, et par des « maî-
tres » pour les degrés moyen et élémentaire. On
1. M. Daniel de Linge, ancien directeur de ce Conservatoire, musi-
cien instruit, est l'auteur d'une théorie musicale contenant desaper.
rusingénieux et nouveaux, lesquels exigeraient un long développe-
ment. La nature et le caractère de Y Encyclopédie ne permettent
malheureusement que île la mentionner et J'en signaler l'intérêt.
Ledirecteur actuel est Sem Dresde» (Musik. Kalender, II, 130).
compte environ vingt-cinq professeurs et une tren-
taine de maîtres. Le nombre des élèves est actuelle-
ment de six cent cinquante environ, répartis de la
façon suivante entre les différentes classes :
l'iano 210 Violoncelle 30 Harpe 10
Chant 200 Contrebasse... 20 Trompette 10
Violon 11)0 Clarinette 15 Trombone 5
Les classes d'harmonie et d'histoire de la musique
sont obligatoires pour tout élève instrumentiste; de
même, la classe de déclamation est obligatoire pour
les chanteurs.
L'âge d'admission est compris entre les limites
de neuf et de dix-neuf ans. Si un élève se présente à
partir de l'âge de douze ans, il doit justifier de quel-
ques notions musicales.
Les classes comprennent des élèves hommes et
des élèves femmes, et les cours ont lieu deux fois
par semaine.
Aucun élève ne peut changer de classe, en cours
d'année, sans une autorisation spéciale de la direc-
tion et sans le consentement du professeur de sa
classe.
Les examens de fin d'année ont lieu du 18 mai au
10 juin. Chaque élève qui en est jugé digne reçoit
un diplôme; le nombre de ces diplômes n'est pas
limité, mais ceux-ci comportent différentes catégo-
ries. Ainsi, le diplôme de « soliste » n'est délivré qu'à
la suile d'un concours dont le programme comprend
un récital très chargé. Le diplôme de « maître » est
donné également au concours, mais avec un pro-
gramme moins difficile, dont l'exécution en récital
n'est pas exigée. II y a enfin des diplômes simples.
On accorde aussi des médailles d'or à titre excep-
tionnel, ainsi que des médailles d'argent et de
bronze.
Il y a une vingtaine d'années, on a fondé un or-
chestre du Conservatoire qui comportait alors une
quarantaine d'exécutants. Le nombre de ceux-ci est
actuellement de quatre-vingts, et, depuis trois ans,
l'Etat subventionne l'orchestre.
Nous noterons que plusieurs écoles de musique,
portant le nom de conservatoire, ont pris naissance
récemment ; la plus ancienne de celles-ci (après le
Conservatoire d'Athènes) est VOdéon Hellénique.
D'autres villes de Grèce possèdent également des
écoles de musique; ce sont : le Pirée, Salonique,
Volo, Calamata, Patras. Mais l'enseignement donné
à Athènes reste, sans contredit-, très supérieur à
celui que dispensent ces écoles. Athènes compte, en
outre, de très nombreux concerts, et des virtuoses
internationaux y passent presque lous les ans. Aussi,
l'Orient vient-il chercher dans cette ville les élé-
ments d'art qui ne peuvent aller jusqu'à lui.
CONSERVATOIRE IDÉAL
Après avoir passé en revue l'organisation des dif-
férentes écoles de musique les plus importantes du
monde, il serait peut-être intéressant de montrer ce
que pourrait et devrait être un Conservatoire modèle,
le Conservatoire idéal.
Tout d'abord, le Conservatoire idéal devrait être
largement subventionné par l'Etat pour pourvoir à
Nous
devables de la révision et i
e la mise à jour de
01, a l'obligeance de M. Mai
rite N.xcuis, profes-
d'Orléans et ancien profess
eur au Conservatoire
rions de vouloir bien trouv
r ici l'expression -te
ts. (N. D.L. D.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL 346»
tous les besoins d'un enseignement intégral et gra-
tuit, tel qu'il va être formulé ci-après. La question
d'argent doit donc être écartée.
Le Conservatoire de Paris, semblant le plus com-
plet au point de vue des études purement musicales
et dramatiques, peut être pris avec avantage pour
type, mais avec des modifications et des adjonctions
dont voici l'exposé :
Le Directeur ne s'occuperait que de la partie artis-
tique. Il serait secondé par un sous-directeur, chargé
de l'inspection des classes, un administrateur chef du
secrétariat, un sous-chef du secrétariat et le nombre
de commis nécessaire.
Tous les professeurs, répétiteurs, accompagnateurs
seraient convenablement et même largement appoin-
tés. Il n'est pas digne d'un établissement de l'Etat
d'accepter des services gratuits de ses professeurs.
On voit fréquemment dans les classes de tout en-
seignement des élèves complètement illettrés. Cela
est déplorable, inadmissible et nuisible à leur déve-
loppement intellectuel et artistique; ne pourraient
donc être admis que ceux qui fourniraient la preuve
d'études antérieures suffisantes; en outre, des clas-
ses de grammaire, orthographe, littérature, histoire,
seraient créées pour certaines catégories d'élèves.
L'étude des formes musicales, l'analyse des œuvres
devraient être l'objet d'une étude spéciale. Le pro-
fesseur de composition ne peut tout faire, tout ensei-
gner : un cours annexe aux classes de composition
serait donc très utile et devait être créé dans ce but.
L'élude du chant choral, imposée a tous les élèves,
aiderait à développer chez eux le sens de la justesse
absolue, du style polyphonique, à leur faire con-
naître les belles œuvres vocales. On obtiendrait ainsi
des ensembles vocaux capables de rendre les plus
grands services, car tout musicien doit pouvoir chan-
ter en chœur, même avec une voix médiocre : des
classes d'ensemble vocal pour tous les élèves seraient
dont créées.
On voit souvent des lauréats de solfège lire très
faiblement dans les classes instrumentales. Les pro-
fesseurs de ces classes n'ont pas le temps nécessaire
pour s'occuper utilement de la lecture : des cours
spéciaux de lecture seraient institués pour les ins-
trumentistes.
11 est indispensable que toutmusicien ait au moins
un aperçu de l'histoire de la musique. La plupart
des élèves sont, à cet égard, d'une ignorance absolue.
Il serait utile d'avoir, en dehors du Cours d'histoire
de la musique existant déjà, et obligatoire pour tous
les élèves d'harmonie et de composition, un autre
cours primaire d'histoire musicale, obligatoire pour
tous les élèves.
Il semble que tout musicien doive avoir des con-
naissances sur la théorie de la langue des sons.
Beaucoup en ignorent même les éléments; c'est une
grave lacune qu'il faut .combler en instituant des
classes élémentaires d'harmonie pour tous les élèves
instrumentistes.
Les compositeurs devraient connaître la technique
de tous les instruments; mais cela est presque im-
possible. Les plus indispensables étant le piano et
les instruments à cordes, des classes spéciales de
piano seraient obligatoires pour tous les élevés des
classes d'harmonie et décomposition, et des classes
spéciales de violon et de violoncelle pour tous les
élèves de composition. Ceux-ci, devant avoir l'esprit
particulièrement cultivé, suivraient en outre des cours
de littérature et d'histoire, créés pour eux.
La durée des études des élèves chanteurs devrait
être de cinq ans.
Généralement moins musiciens que les instrumen-
tistes, ils ont un temps moins long pour parfaire
leurs études! Ils arrivent le plus souvent complète-
ment ignorants dans les classes; il leur faut ap-
prendre le solfège, la vocalisation, l'émission de
la voix, l'art si difficile du chant, etc. Cinq années
ne sont pas de trop pour remplir ce programme.
En outre, tous les chanteurs devraient savoir jouer
un peu du piano, afin de pouvoir s'accompagner et
maintenir la justesse dans leurs études. Cela leur
serait d'un très grand secours! Des classes de piano
spéciales aux chanteurs devraient être établies.
Afin de permettre aux meilleurs élèves chanteurs-
de faire leurs études sans préoccupation matérielle,
de s'y adonner entièrement, et aussi afin de les
soustraire aux sollicitations extérieures, un pen-
sionnat serait établi pour les hommes et un pour les
femmes; vingt élèves de chaque sexe y seraient ad-
mis après désignation des comités d'examen. Une
éducation musicale et littéraire complète leur serait
donnée.
Les cours de grammaire, orthographe, littérature,
histoire, seraient suivis également par tous les au-
tres élèves de chant et ceux de la déclamation dont
l'éducation première ne serait pas reconnue suffi-
sante.
On a constaté souvent qu'un trop grand nombre
d'élèves dans une classe nuisait à leurs études et à
leurs progrès, les soins du maître se trouvant trop
dispersés : le nombre des élèves ne pourrait être
supérieur à huit.
L'instrumentation moderne faisant un emploi fré-
quent des gros cuivres, il semble très utile que leur
mécanisme soit enseigné aux élèves : une classe spé-
ciale devrait leur être consacrée.
Il serait également désirable qu'on étudiât le saxo-
phone et le sarrussophone, instruments fort usités
aujourd'hui. Leur étude pourrait être réunie à celle
de la clarinette et du basson.
L'art de blouser les timbales devrait aussi être
l'objet d'un enseignement.
Les perfectionnements importants : prolongement
des sons, célesta, etc., apportés à l'harmonium de-
puis plusieurs années, justifieraient actuellement la
création d'une classe pour l'enseignement de cet
instrument.
Une seule classe de musique de chambre n'est pas
suffisante pour tous les élèves d'une grande école.
On devrait, selon les besoins, en créer d'autres1, et
surtout instituer une classe spéciale de quatuor à
cordes.
Bien que l'art de diriger un orchestre ne puisse
guère être l'objet d'un enseignement spécial, bien
que l'expérience ait démontré qu'il faut surtout avoir
le don, et que ceux qui ont été et, sont les meil-
leurs chefs d'orchestre n'ont guère appris leur métier
que d'eux-mêmes, il n'est pas moins vrai que la pra-
tique en ceci est la meilleure leçon, et que les dons
naturels peuvent se développer avec l'occasion de
les exercer et les conseils d'un chef expérimenté. A
la classe d'orchestre, certains élèves pourraient être
appelés à prendre la direction de l'orchestre, sous
l'œil du maître. Les élèves de composition, dont les
œuvres auraient été choisies par le comité pour être
1. Depuis i]ll
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET
DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
essayées à la classe d'orchestre, seraient obligés de
conduire leurs œuvres.
Les femmes élant actuellement en très grand
nombre dans les classes de violon, d'alto et de vio-
loncelle, il n'y a aucune raison pour ne pas séparer
les sexes, connue on le fait pour le piano. 11 y aurait
donc, pour ces instruments, des classes d'hommes et
des classes de femmes; les concours pour les prix
devraient aussi être distincts.
Puisqu'il y a des épreuves de lecture pour tous
les concours, on se demande pourquoi les chanteurs
en sont exemptés.
Celte épreuve devrait d'autant plus leur être impo-
sée qu'elle stimulerait leur zèle pour les études de
solfège, dont ils ont généralement plus besoin que
les autres. La lecture ferait donc partie des épreuves
du concours pour les chanteurs.
Pour l'enlraineinent des élèves, pour habituer ceux-
ci à faire de la musique ensemble et à se produire
en public, quatre exercices ne seraient pas de trop :
deux avec orchestre et chœurs, et deux de musique
de chambre et chant. Aux exercices d'orchestre, on
ferait entendre les meilleurs essais des élèves de
composition dirigés par les auteurs : un ou deux
morceaux de ce genre figureraient à chaque pro-
gramme.
11 serait également intéressant d'établir un exer-
cice spécial pour les élèves de déclamation.
Lorsqu'un professeur est absent par maladie ou
par congé, sa classe ne doit jamais être interrompue,
et son fonctionnement doit être assuré immédiate-
ment.
Des professeurs suppléants devraient être nommés
et tenus de se rendre au premier appel de l'admi-
nistration.
Uien ne serait changé aux concours pour l'admis-
sion ni aux examens semestriels. Quant aux con-
cours publics de fin d'année, ils sont tellement dans
les mœurs en France et ils entretiennent une telle
émulation, qu'il serait difficile de les supprimer, bien
que l'émotion fasse perdre à beaucoup de concur-
rents leurs meilleures qualités et ne leur permette
pas toujours de donner la mesure exacte de leur talent.
Mais il ne serait que juste d'instituer à cûté des con-
cours des examens sérieux de fin d'études, à la suite
desquels l'élève qui le mériterait recevrait un certi-
ficat, un diplôme de capacité. Ce serait quelque
chose comme le certificat de maturité en Allemagne
ou le diplôme de licence à Milan.
Cette sanction des études serait conforme à la jus-
tice et à l'équité, et nul n'aurait plus le droit de se
plaindre. Il ne paraît pas impossible de mettre en
pratique une telle mesure en en réglant bien tous les
détails. Pour les bons élèves, le certificat de fin d'é-
tudes constituerait une garantie et comme un passe-
partout, et quelle que fût ensuite l'issue du con-
cours, leur science et leur talent seraient constatés
officiellement. Les autres élèves, médiocres ou mau-
vais, n'entrent pas en ligne de compte.
Il serait urgent de rendre l'obtention des prix plus
difficile et d'en restreindre le nombre, si l'on ne veut
voir diminuer le prestige qui s'y attache.
Excepté le concours pour le (irand Prix de Home,
auquel peuvent du reste prendre part des concur-
rents étrangers au Conservatoire, rien ne sanctionne
les études des classes de composition. On pourrait
imposer aux élèves une épreuve consistant en : un
lied, madrigal ou chœur sur une poésie donnée; un
morceau de musique de chambre pour piano et vio-
lon ou violoncelle sur un thème donné, et une petite
scène dramatique pour chant et orchestre sur livret
donné. Les élèves seraient enfermés en loge pour
chaque épreuve pendant un maximum de dix-huit
heures.
Les concours, constituant une sanction des élu-
des de l'école, doivent se faire dans l'école même et
non au dehors. 11 devrait êlre absolument interdit au
public de manifester contre les concurrents et contre
les décisions du jury.
Afin de laisser aux artistes spéciaux la très grande
prépondérance dans les jurys de concours et d'exa-
mens, l'Etat ne se ferait représenter dans ces jurys
que par un seul membre.
La question des costumes et des décors aux con-
cours publics a été si souvent agitée qu'il en faut
bien parler. Il est évident que les jurys, très com-
pétents, n'ont pas besoin du costume pour juger de
la valeur réelle de l'élève; le port du costume don-
nerait donc surtout satisfaction au public; peut-être
aussi, le costume conférerait-il à l'élève un certain
relief, une certaine excitation favorable à son jeu. Il
n'y aurait aucun inconvénient à en faire l'essai si des
difficultés presque insurmontables ne se présen-
taient : les concurrents lirenl au sort l'ordre dans
lequel ils doivent subir le concours; cet ordre doit
être respecté; or, comment un concurrent trouvera-
l-il le temps de changer de costume s'il doit donner
la réplique au concurrent suivant'.' Inversement, com-
ment celui qui donne une réplique trouvera-t-il le
temps de changer de costume s'ii passe son propre
concours immédiatement après'.' Ces questions pa-
raissent insolubles, à moins de supprimer le tirage
au sort des scènes et de les combiner, de manière
à permettre aux concurrents de changer opportuné-
ment de costumes pour leurs concours et pour leurs
répliques.
Le changement de décors est également difficile
et compliqué, à moins de laisser entre chaque scène
le temps nécessaire pour ce changement; mais que
de temps perdu pour le jury! Et la durée du
concours!
Tout cela mérite cependant une étude sérieuse.
En continuant les modifications et adjonctions
précédemment indiquées avec ce qui existe déjà
actuellement, voici quel serait le programme défi-
nitif des études du Conservatoire idéal :
1. Solfège des instrumentistes, classes des hommes.
2. Solfège des instrumentistes, classes des femmes.
3. Solfège des chanteurs, classes des hommes.
4. Solfège des chanteurs, classes des femmes.
5. Harmonie, hommes.
6. Harmonie, femmes.
7. Harmonie élémentaire pmir les inslrumeutistes, hommes.
S. Harmonie élémentaire pour les instrumentistes, femmes.
9. Contrepoint.
10. Fugue, composition, instrumentation.
11. Etude des formes, analyse des œuvres.
12. Orgue.
13. Accompagnement au piano.
14. Piano, hommes.
15. Piano, femmes.
16. Piano spécial pour les élèves des classes d'harmomie et de
composition.
17. Piano spécial pour les chanteur9.
18. Piano préparatoire, hommes.
10. Piano préparatoire, femmes.
20. Harpe.
21. Harmonium.
22. Chant, hommes.
23. Chant, femmes.
24. Opéra.
25. Opéra-comique.
26. Déclamation dramatique.
27. Violon, hommes.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
RENSEIGNEMENT MUSICAL 3471
Violon, femmes.
Violon préparatoire, hommes.
Violon préparatoire, femmes.
Violon spécial pour les élèves de composition.
Alto, hommes.
Alto, femmes.
Violoncelle, hommes.
Violoncelle, femmes.
Violoncelle spécial pour les élèves de composition.
Contrebasse.
Flûte.
Hautbois.
Clarinette, saxophone.
Basson, sarrussophone.
Cor.
Trompette.
Cornet à pistons.
Trombone.
Instruments en cuivre (tubas).
Ensemble vocal (chant choral) pour tous les élèves.
Ensemble instrumental (musique de chambre).
Orcheslre.
Histoire de la musique, obligatoire pour les élèves d'ha
nie et de composition.
51. Cours primaire d'histoire musicale, obligatoire pour tous les
élèves.
52. Histoire de la littérature dramatique, obligatoire pour les
élèves de déclamation.
53. Grammaire, orthographe, littérature, histoire, pour les
élèves du chant et de la déclamation.
53 bis. Littérature, histoire, pour les élèves de composition.
54. Lecture spéciale pour chaque classe d'instruments.
55. Timbales.
56. Maintien.
57. Escrime.
Si une telle école fonctionnait régulièrement avec
des règlements bien étudiés, bien observés, avec une
direction énergique et un corps de professeurs
éminents et dévoués, on peut supposer que les ré-
sultats seraient de tout premier ordre, et que Yen-
seignement musical qui y serait donné porterait d'ad-
mirables fruits! Avec de l'argent, c'est un essai à
tenter.
Th. DL'BOIS.
L'ENSEIGNEMENT DRAMATIQUE
Par MM. J. CLARETIE
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
et J. TRUFFIER
i;iiIK-FliAN.:\ISF, PROFESSEUR AU CONSKHVATilIK !■
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
C'est un préjugé très répandu que celui qui con-
siste à voir dans l'art d'interprétation dramatique
un ensemble d'actes faciles à accomplir : « Jouer la
comédie, qu'est-ce, après tout? C'est parler, mar-
cher, gesticuler comme dans la vie ; pour être bon, un
acteur n'a qu'à être naturel. »
Faire résonner un instrument de musique, mode-
ler de la glaise, faire de la peinture, on comprend
que cela nécessite de longues et laborieuses études
spéciales; maisjouer la comédie, c'est simple comme
bonjour : il n'y a qu'à faire « comme dans la vie ».
Et à ceux qui croient cela, il sera bien malaisé de
faire admettre que l'art du comédien comporte une
technique à lui, aussi particulière, aussi rigoureuse
et aussi complexe que celle de tout autre art.
C'est encore cette présomption qui enfante la dé-
plorable plèbe des amateurs et des comédiens impro-
visés.
Toutefois, le préjugé en question ne diminue pas
le goût de la foule pour les spectacles dramatiques;
mais il voue à l'obscurité le labeur initial du comé-
dien.
Si le moins averti des spectateurs se doutait du
travail didactique de l'acteur, il serait plus circons-
pect dans les manifestations de son sentiment à
l'égard des artistes qui jouent sous sesyeux.
La vérité, c'est que l'éducation du comédien digne
de ce nom apparaît, à quiconque la considère sérieu-
sement, comme une manière de Thébaïde studieuse
et inaccessible. L'acteur, ainsi paré de quelques ves-
tiges de sa religiosité primitive, devient un officiant,
l'officiant d'un culte de l'Idéal.
Le théâtre a commencé avec l'amour de l'humanité
pour le rêve, et tout nous fait croire qu'il subsistera
toujours. Il faut donc instruire le mieux possible les
jeunes officiants de ce culte dramatique presque
aussi vieux que le monde et qui, perpétuellement,
se renouvelle tel que le vieux inonde. Mais comment
édicter les lois de l'Enseignement Dramatique? Il
se peut définir par cette courte formule : la nature
réduite en 'principes.
Or, ces principes, malgré toutes les tentatives de
révolte rééditées sans cesse par certains esprits moins
originaux que simplement paresseux [car la carac-
téristique desljeunes comédiens de nos jours, c'est
de peu travailler et d'arriver tout de suite, à la faveur
de quelques coups de surprise), ces principes, disons-
nous, sont immuables comme les règles de la nature
elle-même.
Le jugement, l'expression, le geste peuvent cons-
tituer ce qu'on appelle les dons naturels, mais seuls
les principes peuvent perfectionner ces dons et les
rendre utiles. En art dramatique, plus qu'en tout
autre art d'interprétation de la nature, la méthode est
indispensable, et ceux qui tentent de s'en passer
n'arriveront jamais qu'à peu près.
L'art du théâtre a donc un fond positif, mathé-
matique, qu'il faut au début étudier comme une
science. Plus lard, lorsque l'acteur pratiquera devant
le public, lorsqu'il saura bien son métier, il devra
oublier qu'il fit des études pour être comédien.
Les plus grands génies dramatiques, invoqués par-
fois comme exemples et héros delà seule Inspiration
et comme s'étant affranchis de la loi commune des
études préparatoires, tels que Talma ou Frédéric
Lemaitre (pour ne citer que les deux plus illustres),
étaient au contraire des parangons de méthode!
Nous avons recueilli de la bouche même de Fré-
déric Lemaitre, vieux et désabusé, qu'il ne laissa
jamais, dans son jeu, rien au hasard, et que la dic-
tion était, avec la mimique, le plus indispensable,
le plus noble objet primordial des études théâtrales.
Il poussait la conscience, dans ses belles années,
comme à la fin de sa carrière, jusqu'à « mâcher »,
à syllaber ses rôles, afin de les avoir bien en bouche,
et cela, dès le lendemain de la lecture d'une pièce;
il tenait aussi à répéter tout de suite avec les acces-
soires, témoin ce fait au sujet du Vieux Caporal :
Frédéric, ne sachant naturellement pas son rôle à
la première répétition, en fit tenir la copie sous ses
yeux par un camarade, afin de pouvoir lire le ma-
nuscrit en manœuvrant ses accessoires, le sac de
soldat, le fusil, etc.
L'Art dramatique n'est d'ailleurs honorable que
lorsque ses desservants croient au culte du Dieu. Il
faut que l'acteur se dépense et excelle dans l'emploi
où l'ont classé ses préférences, ses qualités physi-
ques, etc. Le reste n'est que honteux cabotinage ou
dégradante exhibition.
On a tant de fois prédit l'irrémédiable décadence
du théâtre, toujours renaissant et reverdissant, qu'il
faut espérer que l'art triomphera du mercantilisme
et des music-halls. 11 y a un peu plus de cent ans, un
réformateur, dont je trouve l'ouvrage analysé dans le
Journal de Paris du mercredi 3 mai 1787, recherchait
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT DRAMATIQUE
comme aujourd'hui les moyens de faire des comé-
diens excellents, et ces pages sont intéressantes à re-
lever à distance :
La réforme des théâtres, ou vues d'un amateur sur les
moyens d'avoir toujours des acteurs à tulens sur les
théâtres de Paris et des grandes villes du royaume
et de prévenir les abus de troupes ambulantes sans
priver les petites villes de l'agrément des spectacles.
Ouvrage dédié au Théâtre-Français par MM. XXX de
Saint-Aubin. A Paris, chez Caillot, libraire de Mon-
sieur, Frère du Roi, rue Saint-Jacques, vis-a-vis celle
des Mathurins. In-S° de 125 pages.
Cet ouvrage a deux parties. La première contient
le tableau des abus qui se commettent en Province par
les comédiens. Rien de plus propre à entretenir le
préjugé sur cet état que la manière dont la plupart
d'entre eux se conduisent dans les petites villes, et
celle dont ils se recrutent tous les ans à Pâques dans
un petit café, rue des Boucheries, faubourg Saint-
Germain. A cette époque, l'ailluence y est si nom-
breuse que, la salle ne pouvant les contenir, ils four-
millent dans la rue. Les bons acteurs sont retenus
d'avance ; le directeur qui n'est pas pourvu est donc
obligé de choisir bien vite dans cette cohue : il fait
déclamer quelques tirades à l'un, chanter quelques
ariettes à l'autre, et d'après ces épreuves aussi équi-
voques que précipitées, il engage, débourse, donne
des avances, paye des voitures, et emmène triomphant
un troupeau d'aigrefins destinés à sa ruine et au tour-
ment du piddic : ce sont les termes de M. de Saint-
Aubin, qui parait connaître à fond la matière qu'il
a entrepris de traiter dans cette brochure. Les suites
d'une direction commencée sous de tels auspices
sont aisées à prévoir. La nouveauté attire les bour-
geois des petites villes aux premières représenta-
lions; mais leur modique revenu et le peu de talent
des acteurs leur font bientôt déserter le spectacle.
Alors, les comédiens se flattent qu'en forçant par une
pièce à fracas, par une nouveauté à la mode, ils ra-
mèneront la foule. Ils se mettent à l'élude, répètent,
se tourmentent, végètent pendant quelques jours
pour accoucher d'une représentation qui leur produira
peut-être deux cents livres; et dans cet intervalle,
ils ont mangé, ou se sont endettés de cent pistoles.
Ce premier pas une fois fait, ils ne sauraient plus
reculer; et, loin d'apercevoir la fausseté de leur cal-
cul, ils ne font que s'enfoncer davantage dans le
bourbier. Cependant les créanciers pressent, les four-
nisseurs crient : c'est alors qu'il faut, comme on dit,
fondre la cloche. Cela veut dire que chacun s'en va
de son côté, exemple donné souvent par le directeur
lui-même qui, partant avec ce qu'il a pu ramasser,
livre la troupe à la fureur des créanciers et aux ou-
trages de la populace. Qu'on soit étonné après cela
de l'opinion déplorable que l'on a des troupes de
comédiens dans les petites villes de Province. Dans
les bourgs, c'est encore pis. Les gens qui y dressent
des tréteaux sont des charlatans, des escamoteurs,
des joueurs de marionnettes, etc. Voilà ce que le
paysan prend pour des acteurs. Imbu de ce principe,
il va au marché dans la ville voisine où la nouvelle
du jour est l'évasion furtive d'un comédien; il la re-
cueille, la reporte à ses voisins, après avoir raconté
ce qu'il a vu chez lui. C'est ainsi que la réputation se
détruit, que l'aversion se propage, et que les vrais
artistes sont avilis par la conduite honteuse de leurs
méprisables singes. »
Un chapitre est intitulé : Des reproches à faire aux
comédiens en général. « Il y a dans la comédie, dit
l'auteur, nombre de personnes vraiment respectables,
qui fout leur état avec autant de droiture et de pu-
reté d'intention qu'ils rempliraient loule autre fonc-
tion dans l'ordre civil... Mais aussi que de faquins!
Que de Lais!... Prouver que la Comédie doit et peut
être une profession honnête, faire voir les raisons
qui s'opposent à cet heureux changement, trouver
les moyens d'y remédier; voilà mon but. » C'est
effectivement l'objet qu'il s'efforce de remplir, après
avoir parlé des torts vrais ou supposés du public en-
vers les comédiens, des Comédies bourgeoises et des
Maîtres de Comédies- Mais quels sont ces moyens de
remédier aux abus et d'avoir toujours des acteurs à
talent sur les théâtres de Paris et des grandes villes du
Royaume, comme l'annonce le titre? C'est d'abord
d'établir à Paris un bureau général d'administra-
tion des spectacles de France, présidé, au nom des
Gentilshommes de la Chambre, par un Directeur gé-
néral, et un autre composé de douze membres tirés
des comités des trois théâtres royaux. « On y porte-
rait tous les objets relatifs au régime des spectacles
tant des villes de France que des pays étrangers où
il y a Comédie Française. » C'est ensuite de suppri-
mer les petites troupes ambulantes; de faire enre-
gistrer les comédiens au bureau d'administration;
de réduire toute la France en dix-huit départements
ou directions de comédies, auxquelles seraient atta-
chées des troupes subalternes qui iraient jouer dans
les petites villes. Chacune de ces directions aurait
un inspecteur général pour la surveiller. Les pro-
duits des directeurs étant accrus et assurés, ils con-
tribueraient tous aux frais de l'établissement, et en
feraient leurs soumissions en obtenant leurs privi-
lèges. Enfin, on établirait en même temps, sous les
ordres de la même administration, un bureau de
correspondance générale pour tous les théâtres du
royaume, auquel tous les entrepreneurs et tous les
acteurs seraient obligés de s'adresser.
Il est certain que l'exécution de ce plan pourrait
remédier à beaucoup de désordres; mais que par ce
moyen on multiplie les acteurs à talens, c'est le point
le plus difficile à persuader.
Vanité des conseils et des projets!
Ainsi, à un siècle de distance, il est bon de cons-
tater que les artistes ont gagné en dignité, et je crois
bien que les petites troupes ambulantes, que voulait
supprimer le réformateur de 1786, devraient se mul-
tiplier au contraire. Et, à vrai dire, c'est ce qui arrive ;
la décentralisation artistique, nuisible sans doute
commercialement aux théâtres officiels de Paris, qui
lui fournissent leurs expédients, leurs comédiens.
peut et doit devenir utile à l'art dramatique popu-
laire. Les théâtres en plein air se multiplient, même
après Orange, Bussang, après Béziers, Cauterets et
Champigny. Tout le monde aime le théâtre, et on
pourrait presque dire, tant le nombre des manus-
crits se multiplie, tout le monde fait du théâtre. Que
de vocations à la fois d'acteurs et d'auteurs assiègent
les directions, fondent des scènes nouvelles, cher-
chent des débouchés à leur activité et à leurs œuvres!
Ce n'est point par la réglementation, comme le vou-
lait l'auteur de la Réforme des théâtres, mais par la
liberté, par l'effort individuel, que la solution du pro-
blème (nourrir et satisfaire tant de gens) peut être
trouvée. Emulation, concurrence, lutte pour la vie,
course à la gloire. Et, quant à la meilleure méthode
à employer pour devenir un artiste dramatique :
xr,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
écouter, observer, vivre, travailler. Pour le comédien
comme pour l'écrivain, pour l'artiste peintre ou
pour le poète, ces quatre mots disent tout. Ce sont
des mots d'ordre : bien voir et bien traduire.
De nos jours, où le théâtre semble être devenu
l'apanage d'amateurs exotiques et d'associations
étrangères ou cosmopolites, le petit talent de jouer
assez bien de petites improvisations éphémères sur
de petites scènes improvisées, ce talent (c'était l'opi-
nion de la Clairon dès la lin du xvm* siècle) semble
ne plus valoir la peine de s'en glorifier; mais ce n'est
là qu'un malaise passager, et l'art dramatique n'a
rien à voir avec les productions hâtives, pornogra-
phiques ou simplement faisandées, dont le théâtre
en France souffre depuis une quinzaine d'années,
au grand étonnement chagriné de nos vrais admira-
teurs à l'étranger. Au cours de ses trois voyages en
Orient, Truffier a recueilli des doléances curieuses.
Il faut donc travailler, et beaucoup, le vrai talent
consistant à cacher l'effort qui soutient la nature et
qui parfois devient plus naturel que la nature elle-
même, parce qu'elle n'est plus alors que cette vérité
choisie et supérieure dont parle Alfred de Vigny
pour définir l'art en général. Victor Hugo avait dit
déjà : « L'Art existe aussi naturellement que la
nature. L'Art est à l'homme ce que la nature est à
Dieu. »
De tout temps, les besoins de réformes, les métho-
des d'enseignement ont préoccupé les meilleurs es-
prits. Je crois bien que toute la réforme artistique
ou sociale tient dans un mot : le travail. On travail-
lait beaucoup autrefois, et je trouve celte indication
bien curieuse dans une lettre que l'auteur de La
Chercheuse d'esprit, M. Favarl, écrit au comte de
Durazzo (2 décembre 1760) :
« Jamais les comédiens français n'ont montré tant
d'ardeur et fait plus d'attention pour tout ce qui
peut contribuer au succès d'un ouvrage dramatique :
il faut vingt répétitions pour la moindre situation;
les plus petits accessoires ne sont pas méprisés, et
le costume, qui était totalement ignoré ou au moins
négligé dans le dernier siècle et au commence-
ment de celui-ci, est observé aujourd'hui aussi régu-
lièrement qu'il est possible, car toutes les diffé-
rentes façons de s'habiller ne conviennent pas au
théâtre. »
Les vingt répétitions de 1760 sont parfois quarante
et cinquante répétitions de nos jours. Il faut tra-
vailler, travailler encore et toujours travailler. Mais
lant de sollicitations, d'occasions, de tentations,
d'impresarii, les besoins plus pressants, la facilité
des tournées par les chemins de fer, — l'automobi-
lisme de l'art, — ne sont-ils pas un danger pour l'a-
venir de l'art?
Ceux-là qui recherchent sincèrement la gloire dans
la carrière dramatique doivent, dès le début, se pré-
parer à un travail sans loisir, le comédien se trou-
vant sans cesse, et quoi qu'il ail déjà fait de bon, à la
veille d'un examen, et prenant à nouveau chaque
jour ses grades devant le public, jusqu'au moment
de la retraite définitive. Un insuccès après trente ans
de triomphes vous met aussi bas qu'un débutant. Je
n'oublierai jamais la douleur de Got après le désas-
tre du Roi s'amuse. On en arrivait à nier ses plus
belles créations : « Il n'avait jamais eu que des suc-
cès de hasard; c'était un artiste surfait, » etc., etc.,
et d'autres aménités dont Got soulTritprofondément.
DE LA SCIENCE DU THÉÂTRE
En combien de parties se divise donc la Science du
Théâtre? Les livres les plus compacts ne fournissent
à l'élève comédien que peu de choses au delà de
quelques règles générales. Ces règles doivent être la
base de l'enseignement. Hélas! au Conservatoire
comme ailleurs, malgré la sollicitude du directeur
et du comité des éludes, les premiers principes sont
parfois négligés, pour cette simple raison que les
maîtres, la plupart du temps, ne se peuvent persua-
der qu'il soit nécessaire d'apprendre aux autres ce
qu'il leur parait impossible d'ignorer. J'ai constaté,
en remplaçant, une fois unique, à litre amical, M. de
Féraudy, dans sa classe au Conservatoire, en 1904,
que l'enseignement technique n'existait pas alors, à
dire vrai.
Il faudrait donc d'abord que l'élève apprit à lire,
à bien connaître la ponctuation, la quantité, le nom-
bre el la cadence, quelques règles de la versification
et de la prosodie, alin d'arriver à cette première
science du théâtre, à la plus haute qui est celle de
la diction. Qu'on y prenne garde, cet art aristocra-
tique auprès duquel le reste n'est que cabotinage, cet
art s'en va. On ne l'enseigne plus suftisamment.
Bien dire, c'est plus que l'élégance, c'est la probité
de l'arl dramatique; c'est un art supérieur dans l'Art.
Il est à la portée de tous, et se peut dispenser pres-
que du moindre « matériel », puisque le bon diseur
porte tout avec soi.
Voici donc, d'abord, selon la formule de notre
maître et ami Régnier, les quelques conseils préli-
minaires qu'il préconisait chaque jour, et que je ne
cesse de répéter aux jeunes gens :
Il n'est pas de meilleure élude pratique que celle
du vieux répertoire. C'est en étudiant les mailres du
répertoire qu'on apprend à bien jouer les auteurs
modernes. L'ancien langage, avec ses tours différents
des nôtres, exige une diction ferme, nette, dégagée
de tout vice de prononciation; le grasseyement, ce
défaut particulier des Parisiens, recommandé par
les réalistes comme l'expression du naturel, le gras-
seyement doit être sévèrement banni. Ce défaut,
comme tant d'autres habitudes nonchalantes du par-
ler moderne, ne tend qu'à altérer la délicatesse et
le caractère de la prononciation, à dénaturer le son
des voyelles, elà amortir l'accentuation des conson-
nes; imparfaitement corrigé, il fait tomber dans
un autre défaut, la préciosité. Aussi, n'est-ce pas à
demi qu'il faut en triompher, c'est absolument, car
le grasseyement ne donne pas le naturel, il ôte l'é-
nergie ; il imprime en outre à la diction un accent
pauvre ou vulgaire, destructif de tout ce qui est style
ou poésie. Le poète Longfellow, grand admirateur de
la Comédie française, s'étonnait, à chacun de ses
voyages en France, de la modification apportée par
les nouveaux venus dans leur façon de prononcer. Il
ne reconnaissait pas l'accent des Fleury. Et cela ne
semblait pas du tout un progrès à l'auteur d'Excelsior.
C'esl avec les classiques des premier et second
ordres, et aussi avec les poètes de toutes les épo-
ques, qu'il est bon de se former aux sonorités, tantôt
viriles, tantôt délicates, du verbe fiançais. Une fois
prises, ces saines habitudes ne se perdront jamais, et
le comédien sera tout assoupli pour bien dire tout
ce qu'il aura à dire. De même que les tours de force
et d'adresse, que la manœuvre des armes, que les
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
mouvements de la danse, que tous les exercices qui
mettent les membres en activité ne deviennent faci-
les à ceux qui les exécutent, et surtout ne paraissent
faciles à ceux qui les voient exécuter, qu'au prix de
beaucoup de fatigue et de peine, de même le comé-
dien ne peut acquérir de la netteté dans sou articu-
lation, de la correction dans sa manière de prosodier,
et parvenir à se délivrer de cette affectation que don-
nent au début les exercices de prononciation, qu'en
s'astreignant à une discipline rigoureuse et à une
constante surveillance de soi-même. Pour arriver à
bien parler, il faut qu'il parle pour ainsi dire machi-
nalement. C'est ce qui fait, qu'on ne peut jouer un rôle
qu'en sachant d'abord le texte machinalement. Les
mots doivent ne pas compter pour l'acteur ; la situa-
tion devient tout.
C'est donc par une répétition antérieure et fré-
quente des mêmes mots, des mêmes accents, expri-
més autant que possible avec l'émotion, le mouve-
ment, le sentiment requis par la situation dans
laquelle l'auteur les a introduits, que le comédien
peut assurer ses moyens d'exécution.
II doit, par des exercices multipliés, travailler la
justesse de son oreille, l'étendue de sa voix, la netteté
de sa prononciation, afin de pouvoir tour à tour et
sans efforts apparents, jeter un cri, un éclat de rire,
un sanglot, un accent de colère ou de joie, tout ce
qui doit, enfin, paraître sortir de l'àme d'un jet
spontané.
Il faut donc se soumettre d'abord à la discipline
de l'enseignement, et, plus tard, quand on volera
de ses propres ailes, on consultera attentivement la
tradition ; c'est un mot dont on a pris l'habitude de
se moquer, mais sur lequel il est nécessaire de s'en-
tendre : la tradition ne consiste pas dans les lazzis,
les altérations de texte, les fantaisies parasites que
le souffleur recueille scrupuleusement dans ses no-
tes, et transmet à chaque débutant, sous l'autorité
de l'usage. Ainsi comprise, elle ne mérite pas d'être
consultée, sinon par curiosité. La tradition, telle
qu'il la faut concevoir, ne s'applique pas à faire un
acteur à l'empreinte d'un autre acteur, mais elle
s'emploie à profiter de la science d'un artiste disparu
pour en former un nouveau et perpétuer les acqui-
sitions de chacun. Un acteur ne se produit pas spon-
tanément, il procède toujours, quoi qu'il fasse, d'un
autre artiste. Son originalité n'est qu'un prolonge-
ment perfectionné, si c'est possible, de ceux qui l'ont
précédé, et la dillérence qui existe entre lui et eux
tient seulement à son intelligence et à ses moyens
personnels. Donc, la tradition véritablement utile et
à rechercher est celle qui dérive de la pensée même
du poète communiquée à ses premiers interprètes,
c'est celle qui explique le caractère, l'esprit du rùle,
et donne la connaissance des jeux de scène qui le
colorent et le fortifient, alors que l'auteur n'a pu
tout dire, et qu'il a laissé au comédien le soin de
compléter ses intentions par son jeu. Une longue
succession de représentations a amené, d'âge en
âge, des effets qui ont éclairé et parfois rehaussé
l'ouvrage; il serait absurde de les dédaigner.
C'est dans les souvenirs des comédiens, des let-
trés, des gens du monde, c'est dans les journaux du
passé et même dans quelques livres très étrangers
au théâtre, qu'on trouve parfois, inopinément, d'u-
tiles renseignements sur la tradition théâtrale; il
faut toujours avoir l'esprit éveillé pour les recueillir,
mais il faut aussi apporter beaucoup de discerne-
ment à en user.
L'ENSEIGNEMENT DRAMATIQUE 3475
L'ENSEIGNEMENT DRAMATIQUE ACTUEL
Après ces considérations préliminaires, revenons-
en donc à l'Enseignement dramatique actuellement
en cours au Conservatoire de Paris, et
aux critiques
qu'il suggérait il y a quelque temps encore.
Il nous sera d'abord utile, bien que les réformes
demandées par l'un des plus fidèles collaborateurs
du Congrès International de l'Art Théâtral tenu à
l'Exposition Universelle de 1900, fussent un peu trop
compliquées, et que ce nouveau programme imposât
trop de travail à des élèves qui doivent avant tout
être nés artistes, il n'est pas inutile de résumer cet
important travail et de donner quelques extraits des
projets exposés par un des membres les plus assi-
dus des séances, M. Darmont, comédien de longue
expérience, doublé d'un auteur dramatique apprécié,
d'un directeur avisé.
Estimant que les cours de notre Conservatoire se
réduisent en réalité à un seul, celui de déclamation,
il semblerait établir que la déclamation est en réa-
lité la base et le couronnement de tout l'édifice édu-
catif de notre art dramatique, ce en quoi il se
trompe, hélas! Mais il dit juste, je crois, lorsqu'il
se demande quel enseignement les élèves du Conser-
vatoire reçoivent. Voici brièvement le résumé de cet
enseignement : les élèves ont été admis après un
examen préalable, après avoir récité une ou deux
tirades, un fragment ou deux de scène; dès son ins-
cription faite, chaque élève n'a qu'une préoccupa-
lion : choisir, apprendre une autre tirade, une autre
scène pour être de nouveau admis à concourir en
public à la fin de cette première année. Et le pro-
fesseur l'aide dans son choix.
Or, c'est donc cette unique scène arrêtée, que l'é-
lève va passer des jours à triturer, s'il est un tra-
vailleur; c'est cette unique scène, comique ou tra-
gique, que l'élève, pour toute éducation dramatique,
va répéter devant le maître, en essayant de retenir
toutes les intlexions, toutes les nuances que ce der-
nier s'applique très laborieusement à lui donner en
exemple.
Et c'est tout.
Et, vu le nombre des élèves, ceux-ci recevront de
leur maître une moyenne de douze leçons sembla-
bles dans toute l'année.
Certes, on les aura invités à suivre les cours de
littérature, d'escrime et de maintien ; mais ils auront
préféré aller jouer la comédie à Versailles ou à
Etampes, ou au Grand Guignol, et c'est ainsi qu'ils
arriveront au concours public avec un peu de métier
acquis hors de l'Ecole, et sachant à peu près une
scène imitée de leur professeur.
Et le dommage c'est qu'avec le don d'assimilation
extraordinaire, si commun chez les femmes, cette
imitation produit parfois un feu d'artifice aussi mer-
veilleux que trompeur... Nous en avons, chaque an-
née, des exemples probants.
Aussi, pour que le comédien arrive à la perfection
relative, puisque la perfection absolue est inacces-
sible à la nature humaine, lui faut-il de longues, de
très longues années, années d'énergie et de persé-
vérance, alors qu'autour de lui tout agit par l'élec-
tricité.
C'est pourquoi, après nous l'être longtemps de-
mandé à nous-même, nous venons poser ici l'in-
terrogation suivante : serait- il donc si contraire au
BMOrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE Ut! CONSERVATOIRE
progrès que de vouloir espérer de vrais comédiens
ayanl l'âge où le public est prêt d'en regretter la
perte? Seràil-il donc si contraire au progrès et à la
raison que de vouloir, parmi mode d'éludés définies,
abréger les difficultés de cet art multiple, dévelop-
per 1rs dispositions, indiquer les routes sûres et
procurer, en moins de temps, une expérience que
l'acteur de nos jours, faute d'école, doit mettre vingt
ans el plus à acquérir, à la condition d'être, pour
ainsi dire, (oui l'inventeur de son talent?
Non! C'est une nécessité de l'heure présente, el
pour donner à celle grave question la solution
qu'elle mérites il ne faut pas hésiter à créer pour
Renseignement dramatique une technique éduca-
(rice générale, ainsi qu'on a bien su le faire pour
les autres ordres d'enseignement.
Ce n'est rien moins qu'une Ecole normale des
artistes que M. Darmont prétend fonder. Imposant
aux candidats tragédiens, mais à ceux-là seuls, une
sorte de revision qui rétablirait le « beau canon»
des Grecs, il répartit l'enseignement qu'il juge né-
cessaire aux artistes en quatre sections et dix-huit
subdivisions qu'il serait un peu long d'énumérer ici-
Reprenant en détail chacune des parties de son
très vaste programme, M. Darmont en soutient avec
■des arguments tirés des faits, de l'histoire, de l'art
en général, le bien fondé, l'utilité, sinon la nécessité.
La partie technique des études de l'artiste drama-
tique s'enrichit singulièrement dans cette refonte
totale de son enseignement. L'élève débute par des
lectures de chefs-d'œuvre qui, tout en le familiari-
sant avec la littérature des grands maîtres, le dé-
grossissent, pour ainsi dire, dans la parlie matérielle
de son art. Le cours de mimique pratique très déve-
loppé donnerait alors au comédien apprenti l'habi-
tude de la réllexion et celle de l'effort, habitudes
nécessaires toutes les deux pour atteindre le résultat
visé. Cette classe, jointe à celle de diction simple,
aboutirait à la formation d'un cours de jeux scéni-
ques préparatoire et précurseur d'exécutions d'en-
semble qui ne seraient, sous une forme nouvelle et
féconde, que le « Théâtre d'application » irréalisable
jusqu'à ce jour et, si l'on voulait aller jusque-là, le
« Théâtre populaire » lui-même, dont on a tant parlé
depuis un an et dont on parlera toujours... car il
n'y a pas de théâtre populaire à proprement parler.
Il y a le théâtre en général : le beau et le mauvais !
Ces projets sont certes louables, mais combien peu
pratiques à notre époque où, d'année en année, le
nombre des aspirants grossit sans cesse à la rentrée
des classes du Conservatoire.
La critique y esl, là plus que partout ailleurs,
plus aisée que l'art spécial et difficile qu'on y en-
seigne. C'est ainsi qu'en ces derniers temps, on a
beaucoup épilogue sur l'intronisation du répertoire
moderne au Conservatoire.
M. L. Brémont a formulé sur ce sujet quelques re-
marques sagaces :
« L'art du théâtre, dit-il, va se compliquant de
jour en jour... Songeons qu'en se compliquant, le
théâtre devient changeant comme la mode elle-
même, et bornons-nous plutôt ii rechercher les bases
qui restent immuables en lui, pour y établir un en-
seignement moins sujet à l'erreur. »
M. Biièmont conclut en faveur de cet art absolu,
de cet art où les changements que la mode peut
apporter ne sont qu'apparents, tandis que le fond ne
varie pas.
Surtout, ajoule-t-il, « ne nous laissons pas égarer
par la préoccupation d'être modernes : nous détrui-
rions par là toute la raison d'être du Conservatoire.
" Si, comme son nom l'indique, cette Ecole a vrai-
ment la mission de conserver quelque chose, c'est
le goftt des études fortes et difficiles, le sens et le
respect des beautés les plus certaines et les plus
hautes. Elle propose un but auquel quelques rares
élèves peuvent atteindre : à tous, il restera une
force plus grande pour l'avoir seulement tenté.
« Ayons donc le courage de le dire : il faut ici
retourner en arrière, revenir résolument et presque
exclusivement au répertoire classique. Oui, il faut
enseigner que les mots n'ont par eux-mêmes aucune
importance (excepté toutefois chez les romantiques),
que les dessous d'une phrase lui donnent sa vraie
valeur; ce dont il faut se méfier, c'est que l'élève
puisse trouver dans le choix d'une scène une flatte-
rie pour un juré ou encore un moyen trop facile
d'arracher des applaudissements par surprise. »
A notre avis, ces paroles sont excellentes.
OPINIONS SUR L'ENSEIGNEMENT DRAMATIQUE
Nous devons à l'enseignement du Conservatoire
actuel, quoi qu'on dise, nos premiers comédiens el
nos plus parfaites comédiennes, Sarah Bër.nhardt,
Bartet, Réjane, etc.
Nous n'ignorons pas que Mme Réjane a, dans la
National Review, chanté les bienfaits de l'enseigne-
ment de la seule nature, d'une façon peut-être un
peu sommaire, en reniant les bienfaits de la vieille
école, lorsqu'elle s'écrie : « La nature, pour le comé-
dien, voilà le plus complet, le plus varié, le plus
sûr des maîtres. C'est là qu'il trouvera pour son art,
qui n'est autre, en somme, qu'une perpétuelle imi-
tation de la vie, d'inépuisables et prodigieuses res-
sources. Savoir regarder, voir, comprendre, enre-
gistrer, classer et traduire enfin, avec nos moyens
propres, tout ce que la vie quotidienne nous montre
avec une inlassable générosité, voilà ce qu'un ensei-
gnement parallèle, juxtaposé à l'enseignement tra-
ditionnel, devrait tenter d'apprendre aux commen-
çants. L'effort, dans leur cerveau, serait double et
simultané, et ceux qui sont appelés à parvenir plus
tard aux premiers rangs, y pourraient atteindre plus
vite, car ils seraient moins longtemps encombrés
d'inutiles habitudes acquises pendant des années
d'une instruction dramatique incomplète, puisqu'elle
ne s'occupe que trop du métier el pas assez de ce qui
mène à l'art. » Simple littérature que ceci, car
qu'est-ce que Mme Réjane, qui sut, elle, profiter du
Conservatoire, entend par ce qui mène à l'art, sinon
l'étude âpre et quotidienne de cette nature mise en
principes dont nous parlions au début"?
Ajoutez à cela l'art des temps, les « grâces addi-
tionnelles », comme on les appelait à l'époque où
vivait Garrick, les valeurs, les préparations, c'est-à-
dire le jeu muet avant le mot prononcé, qui fait que
l'acteur a l'air de trouver et non de réciter sa répli-
que. Au total, tout cela s'appelle la vie.
Sont-elles bien sincères aussi les récriminations
ingénieuses, auxquelles M. Antoine nous habitua
dans ses lettres ouvertes et dans ses causeries tou-
jours intéressantes d'ailleurs? Les idées qu'il énon-
çait dans la conférence qu'il fil, dit-on, le 16 octobre
1903, à l'Odéon de Buenos-Ayres, sont-elles si neu-
ves et si originales qu'elles le voudraient être?
« L'art, dit M. Antoine, traverse chez nous une phase
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ENSEIGNEMENT DRAMATIQUE 3477
de transition; il faudra évidemment que les futurs
interprètes des drames de demain deviennent des
créatures de chair et d'os, humaines et agissantes,
vivant sous les yeux du public, au lieu des statues
pompeuses, à la vois posée et factice, aux mouve-
ments d'opéra, aux gestes conventionnels, qu'ils
sont encore à cette heure. Il faudra faire disparaître
de nos troupes les fâcheuses étoiles qui faussent par
leur personnalité, je dirai volonliers par leur trop île
talent, les détails d'un ensemble ou la signification
d'une pièce.
« Stendhal disait qu'il n'avait jamais vu dans sa vie
qu'une seule fois une pièce parfaitement bien jouée :
dans une grange, en Italie, par des acteurs inconnus.
Il faillira que les comédiens modernes renoncent à
leur voix, leur seule ressource d'à présent, qu'ils
cultivent comme des chanteurs; il faudra qu'ils re-
noncent à tout l'outillage vieillot des clichés, des
effets personnels qui font à chaque moment de l'ac-
tion apparaître le comédien derrière son personnage,
qu'ils soumettent leurs dictions impeccables et
« monotones » à la variété, à l'imprévu des nuances
de la vie, des intonations indirectes, des silences
éloquents du dialogue moderne; enfin, « qu'ils
vivent » leur personnage, au lieu de « réciter » leur
rôle avec plus ou moins de virtuosité. Tant que notre
enseignement officiel en France continuera à fabri-
quer des mannequins plus ou moins habilement ar-
ticulés, tant que le public, complice inconscient,
fêtera trop personnellement les artistes et, au lieu
de les ignorer, les séparera sans cesse de leurs per-
sonnages à tous les moments de l'action, nous ne
saurons, ni vous ni moi, ce que c'est qu'une pièce
vraiment bien jouée. »
Tout ceci est assez juste, mais un peu fantaisiste.
D'abord Stendhal, que cite M. Antoine, prit sans
fruit des leçons de déclamation de Dazincoi'rt et de
Ougazom; il sembla toujours enrager d'être un mau-
vais amateur, et il a prouvé qu'en matière de théâtre,
il parlait de ce qu'il ignorait, Puis ces mêmes théo-
ries ont été développées, il y a longtemps, et bien
avant Stendhal, par Le Kain, Talma, MicHELOTet tutti
t/uanti! C'est le lieu commun des ennemis de l'en-
seignement dramatique officiel. Au surplus, voirie
mal, le signaler, c'est beaucoup; mais il serait mieux
encore d'y apporter remède.
Dans une lettre inédite d'Alfred de Vigny, il est dit
que le comédien est le cheval dont l'auteur est le
centaure. La comparaison signifie que l'auteur et
l'acteur ne font qu'un. Mais si l'auteur dirige, le co-
médien agit, et c'est même là son titre : acteur. Donc,
c'est à l'acteur qu'il faut s'adresser pour connaître
les règles de son art.
Et après les vivants, on pourrait interroger les
morts. Quelques préceptes des grands comédiens du
temps passé mériteraient d'être mis sous les yeux
des comédiens du temps présent. « N'usons du pitto-
resque qu'avec ménagement, » disait par exemple
Le Kain. Et Garrick, pour exprimer la puissance du
geste, celle de la main : « Les doigts sont autant de
langues qui parlent. » Donc, une étude du geste est
utile. Et le geste ne doit jamais être désordonné.
« Laissez deviner nos nerfs, » [répétait Mole. Rap-
pelons ce mot de Talma : « De toutes les monotonies,
celle de la force est la plus insupportable. »
Je sais bien qu'il faut cependant mettre dans son
art toute sa foi, et, sinon de la force, toutes ses
forces.
Pour la voix, qui est le charme du théâtre, Talma
était d'avis qu'il faut, avant tout, parvenir à satisfaire
sa propre oreille. Et la voix souriante de M"e Mars,
la voix sourde d'Adrienne Lecouvreur, la voix sourde
de Le Kain, cherchaient, les unes et les autres, ce
médium sans lequel, au dire de Mole, il n'y a pas d'il-
lusion, pas de vérité. « Je suis musicien avant d'être
acteur, disait encore Talma qui, comme Molière lui-
même, notait ses intonations, et qui voulait qu'on
parlât au théâtre, mais en trempant son langage de
musique et de poésie.
11 faut être vrai, vivant, dépouiller l'idéal de con-
vention, la routine d'école, renoncer à cette vocifé-
ration surhumaine qui rappelle le temps des masques
antiques, l'heure où Apulée pouvait dire : Tragmdus
vociferalur, cnmœdus srrmocinatur. « Le public ne se
gène pas avec celui qui crie, disait un vieil amateur.
Il faut parler bas pour être entendu. » Racine a ma-
gnifiquement parlé de « cette tristesse majestueuse
qui fait tout le plaisir de la tragédie ». Mais, lors-
qu'il servit de guide à la Champmeslé, que lui ensei-
gna-t-il? A conduire sa voix, à éviter l'emphase.
Avant Baron, on chantait : il vint, il parla. Et Le-
couvreub fut son élève, inventant l'expression, dé-
blayant les effets inutiles (à la Duclos) — allant au
mot, au geste, à l'accent qui prend le cœur du pu-
blic. « M"e Dumesnil a été mère dans Mérope. Quel
étonnement ! » s'écriait un spectateur. Il faut que les
artistes qui jouent les mères soient mères tous les
jours.
Cela revient à dire qu'il faudrait que les comédiens
éprouvassent tous les sentiments de l'humanité, et
« ce n'est point assez, dit La Bruyère, que les mœurs
du théâtre ne soient point mauvaises; il faut encore
qu'elles soient décentes et instructives. » Elles le sont
devenues et le deviennent de plus en plus. Le pré-
jugé contre le comédien était une barrière, et l'on
trouve cet étrange paradoxe daus un article de Ca-
simir Bonjour sur les Comédiens d'autrefois et les Co-
médiens d'aujourd'hui[l& boutade date de longtemps):
« Le jour où les mœurs sont entrées au théâtre, le
talent en est sorti. »
Baron demandait que les comédiens fussent élevés
sur les genoux des reines et des impératrices. C'était
une façon de dire qu'il fallait que les comédiens
eussent de la noblesse, fussent, pour parler comme
à présent, distingués.
CONCLUSION.
PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT
DRAMATIQUE
Maintenant que nous avons analysé, synthétisons.
Sous le bénéfice des considérations critiques, des
documents, des faits, — des anecdotes significatives
aussi, — dont l'exposé précède, tentons de formuler
une conclusion pratique.
Voici, dicté par l'expérience, le programme qu'il
nous parut bon d'élaborer, et qui pourrait convenir
à l'enseignement dramatique dé tous les Conserva-
toires du monde. Ce programme lut approuvé par
toute la critique et par tous les pédagogues, lorsque
M. le ministre de l'Instruction publique nous chargea
d'établir les bases de l'Enseignement dramatique au
sein de VOdêon d'Athènes.
On diviserait cet enseignement en trois cours prin-
cipaux, plus un cours supplémentaire :
Premier cours. Lecture et littérature. Y seraient
enseignées les spécialités suivantes : bonne pronon-
ciation de la langue nationale, lecture à première vue,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
lecture détaillée, dégagée de tous défauts, d'accents
incorrects. Analyse des œuvres et des rôles. Histoire
générale du théâtre nationaleldesthéâtresétrangers.
La durée du séjour des élèves dans ce cours de lec-
ture et de littérature ne pourrait être fixée de façon
précise. Elle dépendrait de l'éducation de chaque
élève et des soins qu'elle exige. Certains sujets pour-
raient même entrer directement dans le cours de
déclamation dés leur admission à l'Ecole.
Deuxième cours. Déclamation et exercices profes-
sionnels. Pose de la voix, respiration, articulation,
tonalilés des différents diapasons dans les scènes
d'ensemble; distribution des rôles aux élèves selon
l'emploi particulier vers lequel le sujet devrait par-
ticulièrement être dirigé, d'après ses qualités physi-
ques et ses moyens de voix et d'expression drama-
tique ou comique, etc., adéquats aux rôles distri-
bués. Exercices de mimique.
La distribution des rôles étant d'une importance
capitale, cette distribution serait faite selon l'avis des
professeurs réunis, lesquels discuteraient avec soin
le pour et le contre, avant de donner tel ou tel rôle
à l'élève.
Troisième cours. Cours d'ensemble, mise en scène
pratique. Exécutions théâtrales complètes d'actes
entiers choisis dans les chefs-d'œuvre tragiques, dra-
matiques et comiques des répertoires ancien et mo-
derne.
Cours complémentaire. Exercices du corps. Assou-
plissement des membres, maintien, danse, escrime,
etc.
A toutes les époques, ce programme pourra suffire
en tant qu'Enseignement Dramatique. Il vient d'être
excellemment mis en pratique, grâce aux réformes
actuelles de M. le Sous-Secrétaire d'Etat.
Il va sans dire que chaque siècle impose des règles
soi-disant nouvelles à la forme des ouvrages de
théâtre et à leur exécution; mais les règles, en dehors
de celles que nous signalons, changent comme les
modes, et chaque génération s'imagine toujours
avoir décrété les meilleures. Les règles immuables
sont d'ailleurs élastiques et se peuvent assouplir à
l'individualité de chaque talent. Donc, quand bien
même l'élève aurait satisfait à ce programme, si la
Nature lui a refusé le don, il ne sera jamais, quel-
que intelligence dont il dispose, qu'un professionnel
quelconque; car si nous sommes tous singes par
l'esprit, nous ne sommes artistes originaux que par
l'âme, selon qu'Apollon aura eftleuré plus ou moins
cette âme du divin rayon. Si, au contraire, le sujet
est doué (vérité de La Palisse dont l'évidence se nie
parfois et cause tant de malentendus), il pourra
prendre progressivement sa place dans tel ou tel
théâtre. Il n'y a pas deux manières de faire de l'art;
il n'y a pas de grand ni de petit art; il y a l'Art
qu'on peut eiercer noblement dans toutes les caté-
gories de la profession.
Que le comédien garde les traditions de notre
génie national! Qu'il nous aide à rester en pleine
possession des origines de notre esprit, car un pays
qui laisse envahir son génie par les œuvres de l'é-
tranger, se prépare à d'autres invasions.
M. Frédéric Masson a, d'ailleurs, excellemment
résumé nos théories générales, en rappelant à l'Aca-
démie française, dans son discours de réception, les
hautes aspirations auxquelles devaient prétendre les
membres de la Fondation de Richelieu. Ces aspira-
tions doivent être aussi celles de la nuise dramatique
au sein de la Comédie française : « Dans notre pays,
où l'ardeur du changement et la passion des nou-
veautés passagères absorbent, depuis un siècle,
l'activité des forces, l'Académie est la gardienne de
ce qui est le lien sacré des individualités françaises,
de l'âme même de la patrie, du Verbe, par qui, aux
jours de splendeur, s'atteste le rayonnement de sa
puissance, par qui, aux jours de désastre, la nation
se cherche et se retrouve, affirme son unité et re-
trouve son droit à vivre.
« Parlée, la langue d'un jieuple, c'est sa vie même ;
écrite, c'est son immortalité... Il faut entourer celte
langue d'un respect religieux, en protéger les formes,
en sauvegarder le génie : c'est donc aux hommes
que leur talent et leur caractère ont placés au-des-
sus des accidents du succès, que le culte en doit être
remis, afin qu'ils opposent une barrière solide aux
entraînements momentanés, aux goûts vulgaires,
aux modes étrangères, et qu'ils maintiennent fer-
mement la tradition! »
En cet appel, joignons les comédiens aux écri-
vains, afin que les uns et les autres s'unissent pour
diriger la langue et la muse dramatique nationales.
Certes, en art dramatique, comme en tout, il faut,
dans la vie, tendre et conclure « dans le sens des
choses futures »; à la condition toutefois de ne pas
altérer les principes immuables, fondamentaux, sous
peine de s'exposer non seulement à rétrograder,
au lieu d'avancer, mais encore à disparaître!
Jules CLAREIÏE et Jules TRUFFIER.
L'INSTITUT DE FRANCE ET LE PRIX DE ROME
Par Paul LANDORMY
AGRÉGÉ DE PHILOSOPHIE
et Joseph L01SEL
AGRÉGÉ DES LETTRES
L'INSTITUT DE FRANCE
ET
L'ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS
La création de l'Institut de France dale de 1795.
La fondation de diverses Académies remonte à des
temps beaucoup plus anciens. Dès la seconde moitié
du xvi" siècle, en 1570, le poète Antoine de Baif eut
l'idée de former une société de littérateurs et de mu-
siciens à laquelle il donna le titre d'Académie de
poésie et de musique. Il obtint de Charles IX des let-
tres patentes (novembre 1570) qui lui octroyaient le
privilège d'instituer ces réunions. Mais de graves
difficultés furent soulevées à l'occasion de l'examen
des statuts par le Parlement de Paris. Il fallut pres-
que un lit de Justice pour vaincre cette opposition,
et de nouvelles lettres du Roi firent défense « qu'au-
cun obstacle fût apporté au fonctionnement de l'A-
cadémie ». Les premiers « Académiques » furent des
poètesdelaPléiade: Dorai, Ronsard, Jamyn, Jodelle,
Remy Relleau, Ponthus de Tbiard. Baif voulait à
tout prix plier la langue française aux règles de la
prosodie grecque ou latine; il composa de délicieux
« vers mesurés à l'antique » qui furent pour Claude
le Jeune et Mauduit l'occasion de charmantes inspi-
rations musicales. L'Académie fut sans cesse en butte
aux attaques des envieux. L'intervention du Roi de-
vint souvent utile. Sous Henri III, Guy de Pibrac
plaida chaleureusement la cause de l'Académie
et proposa d'ajouter à ses occupations poétiques et
musicales l'étude des sciences morales et politiques,
de la grammaire et de la philologie. Le Roi accepta
ces modifications aux statuts, et prit le titre de pro-
tecteur de l'Académie, qui s'appela désormais l'.lca-
démie du Palais : elle tint l'assemblée au Louvre, et
Ronsard assure que le Roi assistait habituellement
aux séances. A la mort dePibrac(1584), les réunions
cessèrent d'avoir lieu.
En 1589, Mauduit essaya de constituer une Académie
de musique qui dura peu.
On peut rattacher encore à ces diverses tentatives
les réunions organisées par Marguerite de Valois, et
les conférences académiques dont parle Bacon.
La fondation de l'Académie française dale officiel-
lement des lettres patentes signées par Louis XIII
en janvier 1635.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres fut
créée en 1663 par Louis XIV, et l'Académie des scien-
ces, sur [la proposition de Colbert, le 22 décembre
1666.
La Corporation de Saint-Luc, fondée en 1391, per-
sécutait tellement les artistes indépendants et même
les peintres et les sculpteurs brevetés par le Roi,
que Charles Lebrun résolut de les affranchir en éta-
blissant une Académie royale de peinture et de sculp-
ture, à laquelle une ordonnance royale du 24 décem-
bre 1654 et un brevet du Roi, enregistré au parle-
ment le 23 juin 1655, accordèrent les lettres de maî-
trise, le logement au Collège de France et quelques
privilèges de l'Académie française. En 1692, l'Acadé-
mie de peinture et de sculpture s'installa au Louvre.
Le nombre des membres y était illimité;. les femmes
mêmes y étaient admises : il n'y en eut jamais beau-
coup, du reste. Cette Académie avait un caractère
mixte : c'était à la fois une compagnie de maîtres
artistes, et une école. L'accès en était relativement
aisé. Elle disparut pendant la Révolution.
En 1655, Colbert avait formé un conseil des bâti-
ments pour examiner les projets d'achèvement du
Louvre présentés par Perrault. Ce conseil se trans-
forma plus lard en une Académie d'architecture, dont
la première séance eut lieu le 21 décembre 1671 au
Palais-Royal, sous la présidence de Colbert. Les let-
tres patentes, les statuts et les règlements ne datent
que de février 1717. La dernière assemblée a eu lieu
le o août 1793.
La loi du 8 août 1793 prononça la suppression de
toutes les Académies. La Convention, après un inter-
valle de deux années, créa l'Institut de France.
Le 22 août 1795 est promulguée la Constitution
adoptée par la Convention nationale. Nous y trou-
vons un article 298 ainsi conçu : « Il y a, pour toute
la République, un Institut national chargé de recueil-
lir les découvertes, de perfectionner les arts et les
sciences. » La loi du 25 octobre 1795 (3 brumaire
an IV) organisait l'Institut.
Dans l'histoire de l'Institut, il faut distinguer qua-
tre périodes, qui commencent respectivement le
25 octobre 1795, le 23 janvier 1803,1e 21 mars 1816 et
le 25 octobre 1832.
Première période (1795-1803). — L'Institut est
composé de 3 classes, divisées en sections, au nom-
bre total de vingt-quatre, chacune de six membres.
Dans chaque classe, on élit huit associés étrangers
et des associés non résidants en nombre égal aux
membres titulaires.
La première classe, celle des Sciences physiques et
3480
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
mathématiques, comprend soixante membres, huit as-
sociés étrangers el soixante associés non résidants.
I i deuxième classe, celle des Sciences morales et
politiques, comprend trente-six membres, huit asso-
ciés étrangers, et trente-six membres non résidants.
La troisième classe, celle de Littérature el des
Beaux- Arts, comprend <|uarante-huit membres, huit
associés étrangers, el quarante-huit associés non rési-
dants. La huitième section de la troisième classe por-
tait ce litre : musique et déclamation.
Le caractère le plus frappant de la nouvelle insti-
tution, c'en est l'unité. Les membres des trois classes
avaient le même titre, les mêmes droits, les mêmes
fonctions, les mêmes honneurs, le même costume,
la même indemnité; il était interdit de faire partie
de deux classes en même temps; mais tout acadé-
micien pouvait siéger et prendre la parole dans une
séance de n'importe quelle classe. Pour chaque
vacance dans chaque classe, les élections étaient
faites par l'Institut tout entier. Une fois par mois
avait lieu une séance commune à toutes les classes.
Chacune des classes prenait à tour de rôle la prési-
dence de l'Institut pendant un mois. Le traitement
de chaque membre, fixé à 1300 francs, était déclaré
par la loi insaisissable, et non soumis aux lois sur le
cumul. Les classes décidèrent que le cinquième des
traitements formerait une masse à distribuer en
jetons de présence dont la valeur varierait selon l'assi-
duité des membres.
L'Institut fut installé au Louvre. La première classe
prit le local de l'ancienne Académie des sciences; la
deuxième classe, celui de l'Académie française; la
troisième classe, celui de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres. Les séances publiques eurent lieu
dans la salle des Cariatides.
La troisième classe, qui nous intéresse ici spécia-
lement, représentait à la fois l'Académie française,
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, l'Acadé-
mie de peinture et de sculpture, l'Académie d'archi-
tecture, et plus encore, puisqu'elle comprenait une
section composée de musiciens et d'artistes drama-
tiques.
Les quarante-huit premiers membres titulaires de
l'Institut furent nommés au mois de novembre 179a,
par arrêté du Directoire. Le 6 novembre 1795, les
membres ainsi nommés se réunirent à la salle de
l'Ancienne Académie des Sciences sous la présidence
de Daubenton, doyen d'âge, et, dans trois séances
tenues le 9, le 10 et le 12 décembre, ils élurent le
second tiers des membres de l'Institut; enfin dans
trois autres réunions, le 13, le 14 et le 15 décembre,
le dernier tiers fut élu. Le 22 décembre, une pre-
mière séance générale fut nécessaire pour nommer
douze membres chargés de préparer le règlement.
Le 21 janvier 1796, l'Institut se présente au Conseil
des Cinq Cents pour déposer le projet qu'il avait
adopté. Après exécution de l'Hymne « Veillons au
salut de l'Empire » par les artistes du Conservatoire
sous la direction de Cherubini, Treilhard, président
de la séance, souhaite la bienvenue aux membres de
l'Institut. Lacépède répond au nom de ses collègues,
et termine ainsi son discours : « Trop longtemps, les
sciences et les arts, naturellement fiers et indépen-
dants, ont porté le joug monarchique dont le génie
n'a pu les préserver : aujourd'hui, la liberté protège
les lumières, et les lumières font chérir la liberté :
Nous jurons haine â la royauté. » La loi approuvant
le règlement fut proclamée le 4 avri' 1796. Le même
jour, une séance solennelle d'inauguration eut lieu
au Louvre, salle des Cariatides. Daunou, membre
de la classe des sciences morales et politiques, pro-
nonça le discours d'ouverture, dans lequel nous re-
levons le passage suivant : « Et maintenant, en pleine
possession de la liberté, la République nous appelle
pour rassembler et raccorder toutes les branches de
l'instruction, reculer les limites des connaissances,
rendre leurs éléments moins obscurs et plus accessi-
bles, provoquer les efforts des talents, récompenser
les succès, recueillir et manifester les découvertes,
recevoir, renvoyer, répandre toutes les lumières de
la pensée, tous les trésors du génie. Tels sont les
devoirs que la loi impose à l'Institut. »
Après cela, chaque classe tint régulièrement ses
séances hebdomadaires, l'Institut ses réunions men-
suelles, et[au début de chaque trimestre, une séance
publique était consacrée à la lecture des mémoires
sur des sujets divers.
Deuxième période (1803-1816). — Bonaparte son-
geait à reconstituer l'ancienne Académie française.
Il ne réalisa pas absolument celte réforme; mais, du
moins, il modifia profondément la première organi-
sation de l'Institut de France.
L'arrêté du 23 janvier 1803 porte à quatre le nom-
bre des classes :
La première classe, celle des Sciences, est augmen-
tée de la section de Géographie.
La classe des Sciences morales et politiques est sup-
primée.
La classe de Littérature est remplacée par trois
classes :
La deuxième classe, celle de la Langue et de la Lit-
térature française.
La troisième classe, celle de l'Histoire et de la Lit-
térature ancienne.
La quatrième classe, celle des Beaux-Arts, dans
laquelle on réduisait la section de musique à trois
membres et on supprimait les fauteuils des artistes
dramatiques.
Le nombre des membres s'élevait à cent soixante-
quatorze, au lieu de cent quarante-quatre. Le chiffre
des associés étrangers restait le même. Au lieu de
cent quarante-quatre associés non résidants, il y
avait cent quatre-vingt-seize membres correspon-
dants des départements et même de l'étranger. Les
secrétaires perpétuels étaient rétablis : deux pour la
classe des sciences, un pour chaque autre classe.
Les anciennes Académies se trouvaient à peu près
reconstituées sous d'autres noms. Les classes étaient
autonomes : chacune faisait ses élections pour les
sièges vacants. Il n'était plus interdit d'appartenir
comme membre titulaire à deux classes distinctes.
Mais le principe d'unité était fortement maintenu
sur d'autres points : tout membre d'une classe quel-
conque pouvait assister aux séances des quatre
classes, y lire des rapports. Il y avait toujours des
séances générales. Le titre, le costume, le traite-
ment restaient les mêmes pour tous les membres de
l'Institut.
En 180a, l'Institut est doté du Palais des Quatre-
Nations, qu'il a conservé depuis.
Sous la première Restauration, une ordonnance
du Roi (S mars 1813) modifia la constitution de
l'Institut, mais cette ordonnance fut annulée le
24 mars par l'Empereur, qui prit le titre de protec-
teur de l'Institut (10 avril 1815). Pendant les cent
jours, le gouvernement porta de vingt-neuf à qua-
rante le nombre des membres de la classe des
Beaux-Arts. Mais le 2 août suivant, le lloi décida
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3481
que l'élection de ces nouveaux membres sérail con-
sidérée comme nulle et non avenue.
Troisième période (1816-1832). — Une ordon-
nance royal.- du 21 mars 1816 rend aux classes l'an-
cien titre d'Académies et le nom des compagnies
dont elles étaient issues, et dans chaque Académie,
sauf l'Académie française, dix places de membres
libres sont créées.
L'Académie française (non divisée en sections)
comprend quarante membres.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres (non
divisée en sections) comprend quarante membres
titulaires, dix membres libres, huit associés, et trente
correspondants.
L'Académie des sciences (divisée en onze sections)
comprend soixanle-cinq membres titulaires, dix
membres libres, buitassociés et cent correspondants.
L'Académie des beaux-arts (divisée en cinq sec-
tions, dont la cinquième est dénommée de composi-
tion musicale) comprend quarante et un membres
titulaires, dix membres libres, dix associés, qua-
rante correspondants.
Le gouvernement, pour des raisons politiques,
raye les noms de vingt-deux académiciens. De l'Aca-
démie des beaux-arts se trouvent ainsi exclus :
David, Rerton, Costellan et Thibault; les trois der-
niers avaient été élus en 1815; ils reprirent plus
tard leurs fauteuils.
Quatrième période (à partir de 1832). — L'ordon-
nance royale du 26 octobre 1832 rend à l'Institut
« la plénitude des droits qui lui furent attribués à
l'époque de sa création ». Elle rétablit l'Académie
des sciences morales et politiques, supprimée en 1803,
sous le titre de deuxième classe de l'Institut.
Depuis lors il ne fut plus apporté que des modifi-
cations sans importance à l'organisation de l'Ins-
titut.
L'institul comprend actuellement cinq Académies :
1° L'Académie française (fondée en 1635).
2° L'Académie des inscriptions et belles-lettres (fon-
dée en 1663).
3° L'Académie des Sciences (fondée en 1666).
4° L'Académie des beaux-arts (fondée en 1795).
5° L'Académie des sciences morales et politiques
(fondée en 1795).
Chaque Académie exerce la présidence à son tour,
et pour un an.
Une commission centrale formée des six secrétaires
perpétuels et de deux membres de chaque Académie,
élus pour un an et toujours rééligibles, s'occupe de
l'administration.
L'Institut nomme en séance générale le biblio-
thécaire, les sous-bibliothécaires, le chef de secré-
tariat, et l'agent spécial qui est chargé de la comp-
tabilité.
Le budget de l'Institut est voté tous les ans par
les Chambres.
Une séance plénière non publique réunit, au moins
une fois par trimestre, les cinq Académies. Le
25 octobre, jour aniversaire de la fondation de l'Ins-
titut, a lieu la séance plénière publique.
Chaque compagnie a ses règlements particuliers,
qu'elle modifie à son gré. Elle décide de l'ordre de
ses travaux, du mécanisme de ses élections, de l'or-
ganisation de ses concours, du mode d'attribution de
ses prix et récompenses.
Les membres titulaires, les membres libres et les
membres associés de l'Institut ont le droit de porter
le costume dessiné par David et adopté le 12 mai 1801.
LA SECTION DE MUSIQUE DE L'ACADÉMIE
DES BEAUX-ARTS
1. — Historique.
Dans la première organisation de l'Institut, à la
section de musique et de déclamation appartenaient
trois compositeurs et trois sociétaires de la Comédie
française.
Sous le régime de 1803, la section de composition
musicale comprend trois fauteuils, et les sièges des
trois artistes dramatiques sont supprimés.
Le décret du 27 avril 1815 crée trois nouveaux
fauteuils dans la section de musique, mais aussitôt
après la chute de Napoléon ICl', le ministre de l'in-
térieur fait savoir que les trois nouveaux membres
élus pendant la période des cent jours ne feront
pas partie de l'Institut.
L'ordonnance du 21 mars 1816 reconstitue l'Aca-
démie des beaux-arts et attribue six membres à la
section de musique.
S. — statuts de l'Académie des Bcanv- Arts.
Composition de L Académie. — Article premier. —
L'Académie des beaux-arts est composée d'acadé-
miciens, d'académiciens libres et d'associés étran-
gers.
Académiciens. — Art. 2. — Les académiciens
sont au nombre de quarante. Ils sont choisis parmi
les peintres, les sculpteurs, les architectes, les gra-
veurs et les compositeurs de musique les plus distin-
gués par leurs talents et leurs ouvrages.
_A,.(. 3. _ JSul ne peut être académicien s'il n'est
Français, âgé de vingt-cinq ans au moins, et domi-
cilié à Paris.
Art. 4. — Les quarante académiciens sont ré-
partis en cinq sections, ainsi qu'il suit : dans la sec-
tion de peinture, quatorze; dans la section de sculp-
ture, huit; dans la section d'architecture, huit; dans
la section de gravure, quatre; dans la section de
musique, six.
Art. 5. — Le secrétaire perpétuel peut être choisi
hors du nombre des quarante académiciens. Dans
ce cas, il jouit du litre et de tous les droits d'aca-
démicien ; mais il ne fait partie d'aucune des cinq
sections. Lorsqu'il est choisi parmi les membres
d'une section, sa place y devient vacante.
Académiciens libres. — Art. 6. — La classe des
académiciens libres est composée de dix membres.
Ils sont choisis parmi les hommes distingués, soit
par leur rang et leur goût, soit par leurs connais-
sances théoriques ou pratiques dans les beaux-arts,
ou qui auraient publié sur ce sujet des écrits re-
marquables.
Art, 7. — Les académiciens libres ont voix délibé-
rative dans toutes les discussions relatives aux
sciences, aux lettres et aux arts. Ils peuvent faire
partie de toutes les commissions nommées dans le
sein de l'Académie (autres que celles qui ont rap-
port à l'administration), et concourir à la nomination
de ces mêmes commissions. Ils jouissent de toutes
les prérogatives des académiciens, excepté du droit
de suffrage pour les élections aux places vacantes
dans les sections, et pour celle du secrétaire per-
pétuel.
Art. 8.- — Néanmoins, les académiciens libres ont
droit de voter avec les autres académiciens pour les
/9tf36
:;'.S2
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
élections aux places qui viennent à vaquer : 1° dans
la classe des académiciens libres; 2° dans celle des
associés étrangers; 3° parmi les correspondants.
,\rt. <). _ Les académiciens libres ne peuvent,
dans aucun cas, être élus aux places d'académiciens
vacantes dans les cinq sections ci-dessus dénommées.
Art. 10. — Les académiciens lilires n'ont d'autre
indemnité que celle du droit de présence.
Associés étrangers. — Art. 11. — Le nombre des
associés étrangers de l'Académie ne peut excéder
dix. Ils sont choisis parmi les artistes les plus célèbres
et les amateurs des beaux-arts les plus distingués.
Art, io_ — Les associés étrangers, lorsqu'ils se
trouvent à Paris, jouissent du droit de siéger dans
les assemblées de l'Académie. Ils ne font partie
d'aucune section, ne touchent aucun traitement ni
droit de présence. Ils ne peuvent voter ni dans les
élections des membres de l'Académie, ni dans les
jugements des grands prix annuels et autres concours
publics, mais ils ont voix délibérative dans toutes
les discussions relatives aux sciences, aux lettres et
aux arts.
Organisation de l'Académie. — Art. 13. — Le
bureau de l'Académie est composé d'un président,
d'un vice-président et d'un secrétaire perpétuel.
Art. 14. — Tous les ans, dans la première séance
de janvier, l'Académie nomme, selon les formes ci-
après prescrites, et parmi les académiciens membres
des sections, un vice-président qui, l'année d'après,
devient de droit président, et ne peut pas être
immédiatement réélu.
Art. 15. — Les fonctions de président sont de
proposer les sujets de délibération ou de discussion,
île maintenir l'ordre dans l'assemblée, de dépouiller
les scrutins et d'en prononcer les résultats. Il est
spécialement chargé de veiller à l'exécution des
statuts et des règlements de l'Académie, et d'y rap-
peler ceux qui pourraient s'en écarter.
Art. 16. — Le vice-président supplée le président
dans toutes ses fonctions : en cas d'absence de l'un
et de l'autre, l'Académie est présidée par le prési-
dent de l'année précédente; à défaut de celui-ci,
par le doyen d'âge des académiciens.
Art. 17. — Les fonctions de secrétaire perpétuel
sont de recueillir en substance tout ce qui est pro-
posé, examiné et résolu dans les séances de l'Aca-
démie; de tenir note des lectures, rapports ou dis-
cours qui y sont faits, de dresser du tout un procès-
verbal qui, après avoir été lu en séance et approuvé
par l'Académie, est consigné dans un registre à ce
destiné; d'entretenir la correspondance, soit avec
le ministère, soit avec l'Kcole de lîome, soit avec les
particuliers; de signer, conjointement avec le prési-
dent, tous les actes et rapports de l'Académie; d'en
délivrer, au besoin, des copies ou extrails certifiés ;
de rédiger les mémoires de l'Académie et les notices
historiques de la vie et des ouvrages des académiciens
décédés; de surveiller le dépôt de tous les actes,
titres, papiers et registres concernant l'institution et
les travaux de l'Académie.
Art. 18. — En cas d'absence momentanée, de
maladie ou de mort, le secrétaire perpétuel est rem-
placé dans l'intérim par le vice-président, ou, à
défaut de celui-ci, par le plus anciennement élu des
membres présents.
Art. 19. — En exécution de l'article 5 de l'ordon-
nance du roi du 21 mai 1816, l'Académie nomme,
dans la première séance de chaque année, deux de
ses membres pour faire partie de la commission
centrale chargée de régir et d'administrer les pro"
priétés communes aux cinq Académies qui compo-
sent l'Institut, et les fonds y affectés. Les commis-
saires sont élus chacun pour un an, et sont toujours
rééligibles.
Art. 20. — Le président, le vice-président, le
secrétaire perpétuel et les deux membres de la com-
mission centrale administrative désignée dans l'ar-
ticle précédent forment un comité qui, aux termes
de l'article 0 de la susdite ordonnance, est chargée
de régir, au nom de l'Académie, ses propriétés et
fonds particuliers, et de proposer l'état annuel de
ses dépenses.
Art. 21. — L'Académie nomme encore, au commen-
mencement de l'année, une commission dont l'objet
est de prendre communication des discours, notices
historiques et rapports de ses travaux, que le pré-
sident, le secrétaire ou tout autre académicien est
chargé de faire au nom du corps. Celte commission
est composée de cinq membres, pris dans les cinq
sections, et d'un sixième choisi parmi les académiciens
libres. Ces commissaires sont toujours rééligibles.
Tenue des séances. — Art. 22. — Les séances
ordinaires et les séances publiques de l'Académie
sont tenues par le bureau.
Art. 23. — Les séances ordinaires de l'Académie
ont lieu le samedi de chaque semaine; elles com-
mencent à trois heures après midi.
Art. 24. — Si le samedi est un jour de fête, la
séance est remise à un autre jour : les académiciens
sont prévenus de ce changement par des billets à
domicile.
Art. 25. — Lorsqu'il y a lieu, le bureau peut con-
voquer une assemblée extraordinaire.
Art. 26. — Aucune personne, hors les membres
dont est composée l'Académie et ses correspondants,
les membres et correspondants des autres Académies
faisant partie de l'Institut, ne peut assister aux As-
semblées ordinaires ou extraordinaires, si elle n'y
est admise par le bureau sur la présentation d'un
académicien.
Art. 27. — Une des séances du mois d'octobre
désignée, chaque année, par l'Académie, est rendue
publique.
Art. 28. — Dans cette séance publique, le secré-
taire perpétuel lit la notice historique des académi-
ciens décédés. Le président proclame les noms des
élèves des beaux-arts qui ont remporté les grands
prix de peinture, de sculpture, d'architecture, de
gravure et de composition musicale, il leur distribue
les médailles et les diplômes qui consacrent leurs
récompenses.
Attributions de l'Académie. — Art. 29. — L'Aca-
démie dirige spécialement les concours qui ont lieu
annuellement pour les grands prix de peinture, de
sculpture, architecture, gravure et composition mu-
sicale. Elle en donne les sujets, en rédige les pro-
grammes, en juge les résultats; et lorsque ses juge-
ments sur les différents concours sont prononcés,
elle en fait part au ministre.
Art. 30. — Dans sa séance publique du mois d'oc-
tobre, elle proclame les élèves qui ont remporté les
grands prix, et leur en fait la distribution solennelle.
■Art, 31. — L'Académie, d'après le renvoi qui lui
est fait par le ministre, des rapports du directeur de
l'Ecole de Home, ainsi que des ouvrages et morceaux
d'études des pensionnaires, juge du progrès des
élèves, de la manière dont ils remplissent les obli-
gations qui leur sont imposées, de l'état enfin de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3483
l'établissement et des améliorations dont il peut
paraître susceptible. Elle consigne ses observations à
ce sujet dans un rapport qu'elle adresse au ministre
pour être transmis au directeur, et par lui, lorsqu'il
y a lieu, communiqué aux pensionnaires.
Art. 32. — Tous les six ans, à l'époque du renou-
vellement du directeur de l'Ecole de llorae, ou en
cas de rappel, de démission ou de mort, l'Acadé-
mie, sur la notification du ministre, présente trois
candidats pour la place à donner.
Travaux de l'Académie. — Art. 33. — Les séan-
ces que l'Académie ne consacre pas à l'exercice des
attributions ci-dessus énoncées sont employées, soit
à la lecture des mémoires et dissertations de ses
membres ou des étrangers admis par le bureau à
lui faire part de leurs recherches, soit à examiner
les découvertes, les procédés nouveaux ou les nou-
velles applications d'anciens procédés dont le gou-
vernement ou les particuliers lui soumettent le
jugement. Elle discute les articles du Dictionnaire
général des beaux-arts qu'elle est appelée à compo-
ser, d'après la rédaction d'une commission spéciale
formée dans son sein, qui prépare chaque article, et
le soumet à l'adoption de l'Assemblée générale.
Art. 34. — L'Académie, étant formée pour s'occu-
per de tout ce qui contribue aux progrès et au per-
fectionnement des différentes'parlies des beaux-arts,
donne son avis motivé sur tous les projets, problè-
mes, difficultés ou questions d'art qui lui sont
adressées par le gouvernement; et s'il est nécessaire,
elle accompagne son rapport de dessins ou de mo-
dèles pour faciliter l'intelligence du sujet. Elle
propose tous les projets d'amélioration dont l'étude
des beaux-arts est susceptible.
Commissions. — Art. 35. — Pour préparer, faciliter
et exécuter les différents travaux dont l'Académie
est chargée par les statuts, ou peut l'être acciden-
tellement sur les demandes qui lui sont adressées,
elle nomme plusieurs sortes de commissions, les unes
permanentes, les autres annuelles, quelques-unes
dont l'exislence n'a d'autre durée que celle du travail
qui leur est confié.
Art. 36. — L'Académie, selon la nature des ques-
tions et des travaux, peut inviter des membres
d'autres Académies faisant partie de l'Institut à y
prendre part, et les associer à ses commissions.
Art. 37. — Les membres du bureau peuvent assis-
ter à toutes les commissions, et y ont voix délibé-
rative, mais ne composent pas nécessairement le
bureau de ces commissions.
Nominations, élections et délibérations par scru-
tin. — Art. 38. — La mort d'un académicien, mem-
bre des sections, est notifiée par le président dans la
séance qui suit immédiatement le décès. A la cin-
quième séance ordinaire après cette nolilication ,
l'Académie délibère s'il y a lieu ou non de procéder
à remplir la vacance, après avoir entendu sur ce
sujet le rapport de la section dans laquelle la place
est vacante.
Les sections de l'Académie sont prévenues par let-
tres.
Art. 39. — Si l'Académie juge qu'il n'y a pas lieu de
procéder au remplacement dans les délais d'usage,
elle détermine en même temps l'époque à laquelle
la section sera de nouveau consultée.
Art. 40. — Lorsque l'Académie a décidé qu'il y a
lieu de procéder au remplacement, les membres des
cinq sections sont convoqués pour la séance suivante;
dans cette séance, le bureau fait connaître à l'Aca-
démie les noms et les titres des candidats à la place
vacante.
Aussitôt après cette communication, chaque aca-
démicien peut proposer le nom d'un candidat, qui
sera inscrit par le secrétaire, pourvu qu'un autre
académicien appuie la proposition. Les noms de
celui qui aura fait et de celui qui aura appuyé la
proposition seront également inscrits au proces-
verbal.
Art. 41. — Pour la séance suivante, les membres
des cinq sections sont de même convoqués, et la sec-
tion dans laquelle la place est vacante présente trois
candidats au moins et cinq au plus, dans l'ordre de
préférence qu'elle leur accorde. Dans cette même
séance, l'Académie peut discuter le mérite des can-
didats présentés par la section. L'Académie ajoute,
s'il y a lieu, à la liste de la section, de nouveaux
candidats, dont le nombre ne doit pas dépasser cinq,
et qui ne peuvent être pris que sur la liste générale
des candidats arrêtée dans la séance précédente.
Chaque candidat doit réunir la majorité absolue des
suffrages.
Art. 42. — Dans la séance qui suit celte double
présenlation, séance pour laquelle tous les membres
sont de nouveau convoqués, si les deux tiers sont
présents, l'on procède à l'élection, à la majorité abso-
lue des sulfrages et par la voie du scrutin, ainsi qu'il
sera expliqué ci-après1.
Art. 43. — Lorsque la place de secrétaire perpé-
tuel vient à vaquer, l'Académie procède à sa nomina-
tion, dans la même forme que pour la nomination
d'académiciens, avec ces deux différences : 1° qu'elle
ne délibère pas s'il y a lieu ou non d'élire; 2° que la
liste des candidats est formée par une commission
de cinq membres, pris dans les cinq sections.
Art. il. — Lorsqu'une place d'académicien libre
vient à vaquer, il est procédé à l'élection dans les
formes ci-dessus; mais l'Académie ne délibère point
s'il y a lieu ou non à remplacement, et la liste des
candidats est formée par une commission de cinq
membres pris dans les cinq sections, et d'un sixième
pris dans la classe des académiciens libres. Cette
commission délibère dans les mêmes formes que
les sections; les membres du bureau n'en font donc
point partie.
Art. 45. — Le mode indiqué dans l'article précédent
est suivi pour la nomination des associés étrangers.
Diverses sortes de scrutin. — Art. 46. — L'Aca-
démie procède diversement aux scrutins qui ont lieu,
soit dans ses délibérations, soit pour les différentes
nominations et élections qu'elle doit faire.
Art. 47. — Dans les discussions où il s'agit de
recueillir ses avis, elle vote par voie d'appel nomi-
nal, et à la majorité absolue des suffrages, à moins
qu'un membre ne réclame la voie du scrutin secret.
Art. 48. — S'il s'agit d'un choix d'ouvrages, de
projets, de programmes, etc., l'Académie procède
par scrutin secret et décide d'avance s'il y a lieu
d'exiger la majorité absolue, ou de se contenter de
majorité relative.
Art. 49. — S'il s'agit de nommer des membres des
commissions passagères et accidentelles, on procède
ces nominations (à moins que l'Académie n'en
charge le bureau), soit par scrutin secret, individuel,
soit par scrutin de liste secret, et à la simple plura-
lité relative, s'il n'en est autrement décidé d'avance.
Lorsque
l'elecLion tombe I
:i',8',
'NCYCLOPÉDJS DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
An. ;;o. — Les membres du bureau, ceux des coin-
missions permanentes ou annuelles, les associés
étrangers el 1rs correspondants sont élus à la majo-
rité absolue el par la voie du scrutin secret et de bal-
tel qu'il va être défini.
Art. 31. — Si le premier tour de scrutin ne donne
pas de majorité absolue, on procède à un second. S'il
n'en résulte point encore de majorité absolue, on
fait, un scrutin de ballottage entre les deux candidats
qui ont réuni le plus de votes. Un seul ayant plus de
suffrages que tous les autres, sans avoir la majorité
absolue, s'il s'en trouvait^deux ou plusieurs qui eussent
un nombre égal de suffrages,' le scrutin de ballottage
se fait d'abord entre ceux-ci, jusqu'à ce que l'un d'eux
soi! supérieur aux aulres en suffrages obtenus, et ce
dernier est ballotté ensuite avec celui qui a eu le
premier la majorité relative. Si les suffrages se trou-
venl partagés également entre deux candidats, le bal-
lottage est réitéré dans la même séance, jusqu'à ce que
l'un des deux noms réunisse la majorité requise.
.1/7.; 52.— Les académiciens membres de sections,
le secrétaire perpétuel et les académiciens libres sont
nommés à la majorité absolue, et par la voie du
scrutin secret, mais réitéré sans ballottage, jusqu'à ce
que, par la réunion de plus de la moitié des suffrages,
l'un des candidats obtienne la majorité absolue.
Art. 53. — Les séances consacrées aux nomina-
tions sont secrètes, c'est-à-dire que ni les étrangers,
ni même les correspondants de l'Académie ne peu-
vent y être admis.
Art. 54. — Les nominations des académiciens, du
secrétaire perpétuel, des académiciens libres et des
associés étrangers sont soumises à l'approbation du
chef de l'Etat.
Des indemnités. — Art. 55. — Chacun des mem-
bres qui composent les sections de l'Académie jouit
de l'indemnité entière de 1.500 francs qui lui est
accordée par l'ordonnance du 21 mars 1816; cepen-
dant, il est prélevé sur cette indemnité une somme
de 300 francs pour former un fonds de droits de pré-
sence à répartir seulement |entre les membres qui
assistent aux séances de l'Académie.
Art. 56. — A cet eifet, et pour constater cette as-
sistance, chacun signe en entrant une liste de pré-
sence, qui est close et arrêtée par le secrétaire per-
pétuel au moment de l'ouverture de la séance.
Art. 57. — Les droits de présence des absents,
quel que soit le motif de leur absence, accroissent
ceux qui assistent à la séance '.
Art. 58. — Tout membre qui s'absente plus d'une
année sans l'agrément de l'Académie est censé avoir
donné sa démission, à moins qu'il n'ait reçu une mis-
sion ou une autorisation expresse du gouvernement.
Des correspondants. — Art. 59. — Le nombre des
correspondants de l'Académie ne peut pas excéder
cinquante. Ils sont choisis parmi les étrangers et
les régnicoles non domiciles à Paris qui, par leurs
connaissances, leurs talents et leurs ouvrages, sont
propres à seconder l'Académie dans ses travaux.
Leur classification étant la même que celle des
académiciens ordinaires et libres, ils sont répartis de
la manière suivante :
Peintres 14
ivhitei-lrç .
!. L'Académie a dérogé i
en faveur des octogénaires
Art. 60. — Ils sont élus, ainsi qu'il a été dit
(art. 50), sur une liste de trois candidats au moins,
de cinq au plus, présentée, pour les peintres, sculp-
teurs, architectes, graveurs, compositeurs de mu-
sique, (iar la section compétente, et pour les corres-
pondants libres, par une commission composée con-
formément à l'article 44. L'Académie complète les
listes de présentation, selon le mode indiqué par
l'article 41 Ms.
Art. 61. — Lorsqu'ils se trouvent à Paris, les cor-
respondants assistent aux séances de l'Académie, et
prennent part à toutes les discussions qui ont les
arts pour objet.
Extraits des procès-verbaux de l'Académie
contenant des arrêtés réglementaires.
Disposition relative aux correspondants adoptée
dans la séance du 11 décembre 1847. — Tout cor-
respondant qui aura fixé son domicile à Paris per-
dra, après un an de séjour dans la capitale, à partir
du jour où l'Académie aura pris cette décision, son
titre de correspondant.
Disposition relative aux funérailles des membres
de l'Académie adoptée dans la séance du 27 novem-
bre 1847. — L'Académie décide que les membres de la
section à laquelle appartient le défunt seront lenus,
ainsi que les membres du bureau, d'assister aux obsè-
ques, en costume d'Institut, el que, de plus, une com.
mission composée des derniers membres de chaque
section et d'un académicien-libre, de l'élection la plus
récente, sera nommée dans la première séance de
chaque année, et renouvelée tous les ans, pour se
joindre aux membres précédemment désignés, pa-
reillement en costume.
3. — Fondations et legs faits à l'Académie1.
Extrait du testament de M. Bordin, en date du
26 mai 1835. — Je donne et lègue à l'Institut royal
de France 12.000 francs de rente 5 pour cent de con-
solidés sur l'Etat. Cette rente sera divisée et répartie
chaque année entre l'Académie française, l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres, l'Académie des
sciences et l'Académie des beaux -arts, à raison de
3.000 lianes de rente pour chacune des trois pre-
mières Académies et de 2.500 francs de rente pour
l'Académie des beaux-arts, pour, lesdites Académies,
faire annuellement de la portion de rente dévolue à
chacune d'elles l'emploi qui va être ci-après fixé...
Quant aux 500 francs de rente de surplus, ils res-
teront à la disposition de ce corps, pour le couvrir
et l'indemniser des frais et dépenses annuels que
pourront lui occasionner les détails d'exécution des
dispositions relatives à la distribution des prix qui
seront ci-après fondés, que chaque Académie devra
faire tous les ans, jusqu'à concurrence de la portion
de rente à elle attribuée.
L'Institut sera saisi de cette rente de 12.000 francs
du jour de mon décès; mais son entrée en jouissance
ne commencera que du jour du décès de Mrae Bordin,
si elle me survit, attendu l'usufruit qu'elle aura pen-
dant sa vie de l'universalité des biens de ma succes-
sion. Cette rente de 12.000 francs sera fournie à
l'Institut soit par le transfert qui lui sera fait dépa-
reille quotité de rente à prendre dans celles de même
nature que je délaisserai, soit, à défaut, par l'achal
legs i
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3485
qui en sera fait des deniers de ma succession. L'ins-
criplion de cette rente de 12.000 francs devra être
délivrée au profit de ma femme pour l'usufruit pen-
dant sa vie, si elle m'a survécu, et au nom de l'Ins-
titut pour la nue propriété, à laquelle se réunira la
jouissance au décès de ma femme. Elle sera inalié-
nable par l'Institut, le tout conformément et aux
termes de 1 acte qu'il conviendra de passer préala-
blement entre mes légataires universels et les délé-
gués ou représentants de l'Institut, pour constater
l'origine, la cause et le but de ladite inscription, et
motiver la raison pour laquelle elle doit être inalié-
nable par l'Institut.
Les portions de rente attribuées à cbaque Acadé-
mie, dans la rente totale de 12.000 francs, serviront
à fournir et composer les prix que je. fonde par mon
.présent testament, jusqu'à concurrence de la valeur
desdites portions de rente, pour être délivrés an-
nuellement par cbaque Académie aux auteurs qui
auront le mieux rempli les programmes et traité les
sujets, soit en prose, soit en vers, qu'elle aura pro-
posés. La première distribution des prix n'aura lieu,
comme de raison, qu'après l'expiration de l'année
dans laquelle l'Institut sera entré en jouissance de
ladite rente de 12.000 francs. Le nombre et la valeur
de ces prix seront tous les ans déterminés par les
programmes, en sorte que chaque année la portion de
rente appartenant à chaque Académie pourra com-
poser un ou plusieurs prix de quotités différentes,
suivant l'importance, la nature et la difficulté des su-
jets à traiter. Les juges du concours pourront même,
d'après la manière satisfaisante dont le programme
aura été rempli et la supériorité du travail de l'un
des concurrents sur les compositions des autres,
annuler les portions divises qui auront été d'abord
fixées et les réunir en un moindre nombre, ou même
en une seule, en faveur de l'auteur de la meilleure
composition. Les sujets mis au concours auront tou-
jours pour but l'intérêt public, le bien de l'huma-
nité, les progrès de la science et l'honneur national.
Si même un ouvrage important en prose comme en
vers, soit dans la littérature, soit dans les sciences,
soit dans les arts, avait été récemment publié et pa-
rassait digne par son mérite et la supériorité de
talent avec lequel il aurait été traité, d'une distinction
éclatante et d'une honorable rémunération, l'Insti-
tut entier, sur la proposition de l'Académie que la
matière traitée concernerait plus particulièrement,
pourra suspeDdre dans ce cas, en tout ou en partie,
les concours et distribution des prix d'une année,
et remettre et délivrer le montant des prix suspendus
à l'auteur de l'ouvrage, fùt-il même membre de
l'Institut, e ce, à titre d'honneur, de reconnaissance
et d'encouragement. Cette résolution sera prise par
l'Institut en corps sur une convocation spéciale, en
la forme ordinaire de ses délibérations, et il en sera
délivré une ampliation à l'auteur lors de la remise
qui lui sera faite de la somme qui lui aura été
allouée.
Dans le cas où, par des motifs et considérations
que je ne puis prévoir, l'Institut de France ou la
Compagnie des notaires de Paris n'aurait pas jugé
convenable d'accepter les legs que je leur ai faits
sous les conditions y attachées, ou n'aurait pu en
obtenir l'autorisation si elle était nécessaire, je vais
disposer de la manière suivante du montant de cha-
cun desdils legs qui deviendra ainsi caduc.
Si c'était le legs fait à la Compagnie des notaires
de Paris relativement à la fondation par moi faite
d'une école de notariat, dont j'ai confié la direction
et la surveillance à ladite Compagnie, l'institution
de cette école n'aurait point lieu par ce seul fait.
Ce legs deviendrait nul dans sa totalité, et les fonds
que j'y ai consacrés seront répartis ainsi qu'il suit :
Premièrement, je donne et lègue à l'administra-
tion des hospices de Paris...
Deuxièmement, je donne et lègue à l'Institut de
France, sur ledit legs fait à la Compagnie des notaires
de Paris, qui serait devenu caduc, les 3 000 francs
de rente formant l'autre moitié des 6.000 francs de
rente 5 °/0 consolidés sur l'Etal que j'avais légués à
ladite Compagnie des notaires, ce qui, joint aux
12.000 francs de rente de même nature par moi déjà
légués à l'Institut, portera la totalité de mon legs à
15.000 fr. de rente sur l'Etat, desquels 3. 000 francs
de rente de supplément il reviendra et appartiendra
500 francs de rente à l'Académie des beaux-arts,
pour lui compléter, avec les 2.500 francs de même
rente qui lui ont été déjà légués, 3.000 francs de rente
comme aux trois premières Académies, et les
2.500 francs restants reviendront et appartiendront
à l'Académie des sciences morales et politiques,
pour les employer chaque année en distribution
de prix, conformément et ainsi qu'il a été ci-devant
réglé et déterminé pour les quatre autres Acadé-
mies, et sous les mêmes charges et conditions qui
leur sont imposées.
Extrait du testament de M. le comte de Maillé-
Latour-Landry, en date du 25 mars 1839. — Je
lègue à l'Académie française et à l'Académie royale
des beaux-arts une somme de 30.000 francs pour la
fondation d'un secours à accorder chaque année, au
choix de chacune des deux Académies alternative-
ment, à un jeune écrivain ou artiste pauvre dont le
talent, déjà remarquable, paraîtra mériter d'être
encouragé à poursuivre sa carrière dans les lettres
et les beaux-arts.
Ce capital sera employé en rentes sur l'Etat et
s'appellera Prix comte de Maillé-Latour-Landry.
Extrait du testament de M. Lambert, en date du
30 juin 1849. — ... Comme toutes mes dispositions
sont (engrande partie) en faveur d'artistesou hommes
de lettres ou leurs veuves, je désire qu'une commis-
sion de deux membres, nommée par l'Institut, s'u-
nisse à M. Foucher pour s'entendre sur l'exécution
de ce testament
Ces deux objets terminés, l'Institut s'occuperait de
distribuer, de mes 3.629 francs de rente, des secours
à de pauvres artistes, peintres, musiciens, hommes
de lettres ou à leurs veuves. Je commence par dési-
gner une rente viagère de 1.200 francs de rente, que
je lègue à Benoit Mozin, compositeur, professeur de
piano, demeurant rue Hauteville, 57, et avant, ave-
nue de Gentilly, 12, près des Gobelins. Cette rente
viagère serait réversible sur Mme Mozin; mais, Mon-
sieur et Madame morts, cette rente retournerait à
l'Institut pour être distribuée avec ce qui reste des
3.629 francs à de pauvres artistes vieux, ou, comme
motif d'encouragement, à de jeunes artistes pour
une production remarquable; alors ce legs prendrait
le titre de Prix Lambert.
Les dons distribués aux malheureux artistes ou
hommes de lettres seraient intitulés : Bienfaisance
Lambert.
Par un décret en date du 11 juillet 1853, le mon-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tant de la rente a été partagé également entre l'A-
cadémie française et l'Académie des beaux-arts,
qui sont chargées d'en faire emploi selon les inten-
tions du testateur.
Extrait du testament de M. le baron de Trémont,
en date du 5 mai 1847. - ... Il sera formé deux prix
d'encouragement de mille francs chacun, misa la dis-
position de l'Académie des beaux-arts de l'Institut,
pour être décernés par elle à deux jeunes peintres
ou statuaires et à un musicien, pauvres et distingués
dans leurs études. Les élèves qui auront obtenu le
grand prix de Home n'y participeront qu"à leur retour,
et dans le cas seulement où le manque de travaux
les mettrait dans la gêne. Je désire que les seconds
prix appellent principalement l'attention de l'Aca-
démie. Lorsqu'elle le jugera convenable, elle pourra
partager l'encouragement, ou le différer et encore le
continuer au même sujet.
La peinture d'histoire aura d'abord la préférence
ensuite le paysage, puis les autres genres. En cas
d'absence de sujets de grande espérance, l'Acadé
mie pourra faire son choix parmi les élèves en ar-
chitecture et en gravure.
Extrait du testament de M. Jean Chartier, en
date du 27 avril 1858. — Je donne et lègue à
l'Institut de France, classe de l'Académie des beaux-
arts, une rente annuelle de 700 francs pendant cent
ans, à partir du jour de mon décès, en faveur des
meilleures œuvres de musique de chambre, trios,
quatuors, quintetti et sextuors, qui approchent le
plus des chefs-d'œuvre en ce genre de Boccherini,
Haydn, Mozart, Beethovem, Onslow, Mendelssohn,
Weber, Spohr, Fesca, Benincori, Heber, Mayseder,
Bertini, Hummel, Kuhlau, Reissiger, Reicha, Krom-
mer, avec ou sans piano, pour instruments à vent
ou instruments à cordes. La somme de 700 francs ci-
dessus pourra être délivrée soit en numéraire, soit
en médailles ; l'Académie pourra disposer des som-
mes qui leur seraient affectées en récompense aux
éditeurs de musique qui feraient graver et donne-
raient de nouvelles éditions des chefs-d'œuvre les plus
remarquables des compositeurs désignés ci-dessus,
dont les planches sont cassées ou anéanties, ou bien
encore reporter sur l'année suivante les sommes qui
seraient restées sans emploi.
Extrait du testament de M. Gioachino-Antonio
Rossini, en date du 25 juillet 1858. — Je veux
qu'après mon décès et celui de mon épouse, il soit
fondé à perpétuité à Paris, et exclusivement pour les
Français, deux prix de chacun trois mille francs pour
être distribués annuellement, un à l'auteur d'une
composition de musique religieuse ou lyrique, lequel
devra s'attacher principalement à la mélodie si
négligée aujourd'hui ; l'autre, à l'auteur des paroles
(prose ou vers) sur lesquelles devra s'appliquer la
musique et y être parfaitement appropriée, en ob-
servant les lois de la morale dont les écrivains ne
tiennent pas toujours assez de compte. Ces produc-
tions seront soumises à l'examen d'une commis-
sion spéciale prise dans l'Académie des beaux-arts
de l'Institut, qui jugera celui des concurrents qui
aura mérité le prix dit Rossini, qui sera décerné en
séance publique, après l'exécution du morceau, soit
dans le local de l'Institut ou au Conservatoire.
Mrae veuve Rossini étant décédée au commence-
ment de l'année 1878, l'Académie des beaux-arts
s'est conformée au vœu du testateur.
Prix Monbinne. — Par acte en date du 19 juillet
1877, MM. Eugène Lecomle et Léon Delaville Le Roulx, '
en souvenir de M. Théodore-Nicolas-Marie Monbinne,
décédé le 21 mars 1875, ont fait don à l'Académie
des beaux-arts d'une inscription de quinze cents
francs de rente, à l'effet de fonder un prix biennal
qui portera le nom de Prix Monbinne, et qui sera
décerné à l'auteur de la musique d'un opéra-
comique en un ou plusieurs actes, que l'Académie
aura jugé le plus digne de celte récompense, soit
parmi, les opéras-comiques qui auront été repré-
sentés pour la première fois dans le cours des deux
dernières années écoulées avant le jour où le juge-
ment sera rendu, soit parmi ceux qui auront été,
dans les quatre dernières années, soumis à l'examen
de l'Académie à titre d'envois de Rome.
A défaut d'un opéra-comique remarquable, le choix
de l'Académie pourra se porter sur une œuvre sym-
phonique purement instrumentale, ou avec chant,
et de préférence sur une composition religieuse.
Prix Jean Reynaud. — Mm6 veuve Jean Reynaud,
« voulant honorer la mémoire de son mari et perpé-
tuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de
la France », a, par un acte en date du 23 décembre
1878, fait donation à l'Institut d'une rente de dix
mille francs, destinée à fonder un prix annuel qui
sera successivement décerné par chacune des cinq
Académies.
Conformément au vœu exprimé par la donatrice,
« ce prix sera accordé au travail le plus méritant,
relevant de chaque classe de l'Institut, qui se sera
produit pendant une période de cinq ans.
« Il ira toujours à une œuvre originale, élevée et
ayant un caractère d'invention et de nouveauté.
« Les membres de l'Institut ne seront pas écartés
du concours.
« Le prix sera toujours décerné intégralement.
« Dans le cas où aucun ouvrage ne paraîtrait le
mériter entièrement, sa valeur serait délivrée à quel-
que grande infortune scientifique, littéraire ou ar-
tistique.
« Il portera le nom de son fondateur Jean Reynaud. »
Prix Jean-Jacques Berger. — Par son testament
en date du 10 juin 1873, M. Pierre-Guiliaume-
Amédée Berger, président à la Cour des Comptes,
a chargé M. Yverl de faire don à l'Institut de France
de la nue propriété d'un capital auquel l'usufruit
sera réuni postérieurement pour fonder, avec le
revenu de ce capital, un prix qui portera le nom de
M. Jean-Jacques Berger, ancien préfet de la Seine,
sénateur, père de M. le président Berger, et qui
serait donné alternativement, par chaque Académie,
aux meilleures œuvres sur la ville de Paris.
Prix Nicolo. — Par son testament en date du
20 novembre 1875, M'le Isouard, dite Mcolo, a légué
à l'Académie des beaux-arts la nue propriété d'un
capital de dix mille francs, auquel l'usufruit sera
réuni postérieurement, à l'effet de fonder un prix
qui portera le nom de Prix Nicolo, et qui sera dé-
cerné tous les cinq ans, après concours, à la meil-
leure composition mélodique.
Prix Kastner-Boursault. — Mme Léonie Bour- •
sault, veuv.' de M. Georges Kastner, par son testa-
ment du 6 janvier 1880, a légué à l'Académie des
beaux-arts une somme suffisante pour la fondation
d'un prix triennal de deux mille francs qui sera
décerné la première année au meilleur ouvrage de
littérature musicale, fait en France ou à l'étranger,
qui traitera de l'influence de la musique sur le déve-
loppement de la civilisation dans la vie publique et
dans la vie privée.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3i87
Après quoi, l'Académie sera libre de mettre d'au-
tres sujets au concours pour les prix.
Prix Houllevigne. — M. Houllevigne (Adrien-
Stanislas) a, par son testament en date du 30 mars
1880, légué à l'Institut de France un titre nomi-
natif de cinq mille francs de rente 3 p. 100, à l'effet
de fonder un prix annuel de pareille somme, « qui
devra porter son nom et qui sera décerné, à tour
de rôle, par l'Académie des sciences et l'Académie
des beaux-arts ».
L'Académie des beaux-arts, dans sa séance du
2o février 1893, a, en ce qui la concerne, arrêté le
programme et les conditions du prix dans les termes
suivants :
« 1° Ce prix de cinq mille francs, qui est biennal,
ne pourra être partagé ;
« 2° Il ne pourra être décerné qu'à des artistes ou
à des écrivains français n'appartenant pas à l'Ins-
titut;
(c 3° Il sera attribué par l'Académie des beaux-
Arts, soit à l'auteur d'une œuvre remarquable pro-
duite dans le cours des quatre dernières années, en
peinture, sculpture, architecture, gravure ou com-
position musicale, soit à un ouvrage sur l'Art ou
l'histoire de l'Art, avec ou sans planches, publié
dans le même délai ;
« 4° Une commission mixte, composée de douze
membres de l'Académie des beaux-arts, soit deux
pour chaque section, et deux membres libres, sera
chargée de chercher les œuvres qui pourront être
l'objet de ces propositions. »
Fondation Gouvy. — Par un codicille ajouté à son
testament du 17 janvier 1800, M. Théodore Gouvy,
correspondant de l'Institut, a légué à l'Académie
des beaux-arts une somme de douze mille cinq
cents francs dont la rente devra servir de pension à
un musicien nécessiteux, de préférence à un musi-
cien d'orchestre.
Fondation Joseph Pinette. — M. Joseph Pinette,
par son testament en date du 22 janvier 1888, a pris
les dispositions suivantes :
« Désirant encourager les jeunes gens qui se con-
sacrent à la composition musicale et voulant les
aider dans les débuts difficiles de leur vie d'études,
je donne et lègue, à titre particulier, à l'Institut de
France, pour l'Académie des beaux-arls, la somme
nécessaire afin de constituer douze mille francs de
rente 3 p. 100 sur l'Etat français.
« Celte rente sera divisée en quatre parties égales
de trois mille francs chacune, qui seront servies,
durant quatre années consécutives, aux pension-
naires musiciens de l'Académie de France, dès qu'ils
auront terminé leur temps de pension, tant à Home
que dans les autres pays qui leur sont indiqués par
les règlements.
« Les susdits pensionnaires musiciens ne jouiront
de cette rente que s'ils ont rempli, durant toute la
durée de leur pension, toutes leurs obligations envers
l'Etat.
« Cette condition est de rigueur, et si un pension-
naire n'avait pas rempli ces obligations, l'Académie
des beaux-arts ferait de la rente dont il se serait
rendu indigne, tel usage qu'elle jugerait convenable,
en faveur d'un ou de plusieurs autres musiciens. Il
en serait de même au cas où le bénéficiaire de l'une
desdites rentes croirait devoir y renoncer à raison de
sa situation de fortune personnelle.
« Cette donation devra porter le nom de Fondation
Joseph Pinette. »
Prix Estrade-Delcros. — M. Estrade-Delcros, par
son testament en date du 8 février 1876, a légué
toute sa fortune à l'Institut. Le montant de ce legs
devra être partagé, par portions égales, entre les cinq
classes de l'Institut, pour servir à décerner, tous les
cinq ans, un prix sur le sujet que choisira chaque
Académie.
Ce prix, de la valeur de huit mille francs, sera
décerné par l'Académie des beaux-arts à une œuvre
appartenant soit à l'un des arts du dessin (peinture,
sculpture, architecture, gravure en taille-douce, gra-
vure en médailles), soit à l'art de la composition
musicale, qui aura été produite dans le cours des
cinq dernières années, et que l'Académie aura jugée
particulièrement digne d'être signalée au public.
Le prix Estràde-Delcros, qui ne devra en aucun
cas être partagé, ne sera attribué qu'à des artistes
français n'appartenant pas à l'Académie des beaux-
arts.
Prix du baron de Joest. — Ce prix, de la valeur de
deux mille francs, doit être attribué successivement
par les cinq Académies, à celui qui, dans l'année, aura
l'ait une découverte ou écrit l'ouvrage le plus utile au
bien public.
Fondation veuve Buchère. — Le revenu de sept
cents francs de celte fondation sera employé, tous
les ans, en deux portions égales : trois cent cinquante
francs en faveur d'une ou plusieurs jeunes filles,
élèves du Conservatoire, pour le perfectionnement
de leur éducation musicale, et trois cent cinquante
francs en faveur d'une ou plusieurs jeunes filles,
élèves du même établissement, se destinant à la
comédie ou à l'art dramatique.
Prix veuve Beulé. — Ce prix annuel de quinze
cents francs devra être donné au pensionnaire de la
Villa Médicis à Home, musicien, sculpteur ou pein-
tre, qui, étant à sa dernière année de séjour à la
Villa, aura fait, cette année-là, l'envoi de l'œuvre
ugée la meilleure par l'Académie. II sera décerné à
la suite de la lecture du rapport sur les envois de
Home.
Don Charlotte Nathaniel de Rothschild. — Mme la
baronne Nathaniel de Hothschild a légué à l'Acadé-
mie des beaux-arts une rente de cinq mille francs
« pour être atlribuée à un ou plusieurs artistes aflli-
gés de cécité, paralysie ou autre infirmité qui les
empêche de vivre de leur talent ».
Fondation Clamageran-Hérold. — Mme Adèle Hé-
rold, veuve de M. Jean-Jules Clamageran, en son vivant
sénateur, ancien ministre, a fait donation entre vifs
à l'Académie des beaux-arts d'une somme de soixante
mille francs, dont les arrérages appartiendront cha-
que année à l'élève musicien qui aura obtenu le
second prix de Home, en composition musicale.
Ce prix est de la valeur de dix-huit cents francs.
Fondation baron Alphonse de Rothschild. —
M. le baron Alphonse de Rothschild a, par legs ver-
bal, consenti par ses héritiers par acte du 28 décem-
bre 1906, donné à l'Académie des beaux-arts une
somme de deux cent mille francs pour la fondation
d'un prix biennal portant son nom, el dont l'Acadé-
mie devra déterminer les conditions générales d'at-
tribution.
L'Académie des beaux-arts, à qui il appartenait
de déterminer les conditions générales d'attribution
de ce prix, a, dans la séance du 22 juin 1907, décidé
que ce prix sera destiné à encourager les travaux
d'un artisle de mérite, ou à récompenser une car-
rière artistique.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Au début du ohaque période biennale, t'Acadéi
sera invitée à nommer une commission mixte de
douze membres. Cette commission déposera son
rapport au bout d'un mois, et l'Académie statuera
quinze jours après.
Les présentations ne pourront être faites que par
les membres de l'Académie des beaux-arts.
Legs Ardoin. — M'"" Ardoin, par son testament
du 15 septembre 187"., a laissé à l'Académie des
beaux-arts la nue propriété d'une somme d'environ
qoaranti tiuil mille francs pour la fondation d'un
prix en laveur déjeunes filles pauvres qui se desti-
nent à la carrière des arts.
L'usufruitier des titres de ce legs étant décédé le
1 1 décembre 1907, l'Académie a pu réaliser les géné-
reuse^ intentions de la testatrice, à partir de l'an-
née 1909.
Prix Marinier de Lapeyrouse. — M»« veuve Poyard
i légué a l'Académie des beaux-arts une somme de
cinquante mille francs environ pour fonder un prix
sous le nom de prix Marillier de Lapeyrouse, en faveur
d'un ou plusieurs professeurs de piano (femmes).
Articles adoptés dans les séances du 24 juillet
1844 et du 29 mars 1845. — Chaque année, à la
séance publique, après la distribution des grands
prix, les noms des artistes appelés à la jouissance de
«es legs seront proclamés, et ceux des bienfaiteurs
rappelés à la reconnaissance publique.
La rente provenant du legs Deschaumes pourra
être accordée durant quatre années de suite à un
architecte qui se trouvera, autant que possible, dans
les conditions de ce legs, c'est-à-dire qui fera preuve
de talents et de vertus domestiques1.
La même rente annuelle de 1.200 francs servira,
chaque cinquième année, à doter un concours de
poésie, qui s'ouvrira pour la scène lyrique à mettre
en musique au concours de composition musicale.
Il sera ouvert, chaque année, un concours de poé-
sie, dont le sujet sera la scène lyrique à mettre en
musique pour le concours de composition musicale,
et une médaille de 300 francs'2 sera accordée à l'au-
teur de la pièce de vers qui aura été jugée la meil-
leure.
4. — Décret et règlements pour les concours
Ci;.: aux grands prix de Rome.
Le président de la République française, sur la
proposition du ministre de l'instruction publique,
des cultes et des beaux-arts,
Vu la loi organique du 3 brumaire an IV (25 octobre
1795);
Vu la loi du 15 germinal an IV (4 avril 1796),
Vu l'arrêté du gouvernement de la République du
3 pluviôse an XI (22 janvier 1803);]
Vu l'ordonnance royale du 4 août 1819;
Vu le décret impérial du 13 novembre 1863;
Décrète :
Titre premier ; des concours aux grands prix
de Rome.
Article premier. — Les concours aux grands prix
de Rome se font à l'Ecole nationale des beaux-arts.
Tous les artistes âgés de quinze à trente ans, qu'ils
l. Voir l'extrait du testament.
■1. La médaille a été portée. p;ir un vote du 9 .'
ir une somme complémentaire prise sur une
m vertu du moine testament.
soient ou non élevés de l'Ecole, pourvu qu us soient
Français, peuvent concouriraux grands prix de Rome
après avoir subi deux épreuves préalables.
Art. 2. — Le programme des épreuves prépara-
toires et du concours définitif est réglé par l'Acadé-
mie des Beaux-Arts.
Les résultats des épreuves et du concours sont
jugés par les diverses sections de l'Académie. Chaque
section s'adjoindra pour ses jugements, parmi les
artistes étrangers à l'Académie, un nombre égal à la
moitié du nombre de ses membres, savoir :
7 peintres, 4 sculpteurs, 4 architectes, 2 graveurs,
3 compositeurs de musique.
Ces artistes adjoints participeront à tous les tra-
vaux de chaque section pendant les concours.
Art. 3. — Le jugement définitif sera prononcé en
assemblée générale par toutes les sections réunies.
Art. 4. — Toutes les fois qu'un jugement de sec-
tion sera validé par les suffrages de l'Académie, la
majorité absolue suffira.
Lorsque, au contraire, ce jugement préparatoire
devra être réformé par la substitution d'un autre
lauréat au lauréat proposé, la majorité des deux
tiers des membres présents sera nécessaire.
Art. 5. — A l'avenir, les jeunes gens qui auront
obtenu les grands prix de peinture et de sculpture,
et qui seront envoyés à Rome, devront y rester
quatre années.
Les lauréats de la section d'architecture devront,
dans leur quatrième année, se rendre à l'Ecole d'A-
thènes. Un séjour de deux années à Rome, sur les
quatre années formant la durée totale de la pension,
sera exigé des pensionnaires musiciens, avec faculté
pour eux de prolonger à partir de la troisième
année leur séjour en Italie, mais avec l'obligation de
visiter, pendant la quatrième année, l'Allemagne,
l'Autriche-llongrie et d'y séjourner.
Art. 6. — Le directeur de l'Académie de France
est nommé pour six ans, par décret du président de
la République, sur la proposition du ministre de
l'instruction publique et des beaux -arts, d'après
une liste de trois candidats présentés par l'Académie
des beaux-arts.
Titre II.
Article unique. — Sont abrogées les dispositions
des ordonnances et règlements antérieurs en tant
qu'elles sont contraires au présent décret, qui aura
son effet à partir du 1er janvier 1872, et dont le mi-
nistre de l'instruction publique assurera l'exécution.
Fait à Versailles le 13 novembre 1871.
Signé : A. Thiers.
Le ministre de l'instruction publique, des cultes
et des beaux-arts.
Signé : Jules Simon.
Règlements de l'Académie des beaux-arts
pour les concours aux Grands Prix de Rome.
Chapitre premier. — Dispositions générales.
I. — Des concours. — Conditions, ordre et expo-
sition des concours.
II. — Jugements des essais et jugements prépara-
toires des concours définitifs. — Jurés adjoints. —
jugements définitifs.
Chapitre II. — Organisation et police des con-
cours.
I. — Concours de peinture, de sculpture, d'archi-
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3489
lecture, de gravure en taille-douce, de gravure en (
médailles et en pierres fines.
II. — Concours de composition musicale.
Chapitre III. — Dispositions spéciales. — Hègle-
ments particuliers des concours : 1° de peinture;
2° de sculpture; 3° d'architecture; 4° de paysage
historique; 5" de gravure en taille-douce; 6° de gra-
vure en médailles et en pierres fines; 7° de compo-
sition musicale.
Chapitre IV. — De la distribution des prix. — Des
premiers grands prix et de l'exemption du service
militaire. — Des seconds grands prix et des mentions
honorables.
Conditions dans lesquelles se trouvent placés ceux
qui ont obtenu ces récompenses.
Chapitre premier : Dispositions générales.
I. Des concours. - Conditions. — Ordre et exposition
des concours.
Article premier. — Sous la direction de l'Académie
des beaux-arts de l'Institut, il est ouvert, tous les
ans, un concours public de peinture, de sculpture,
d'architecture et de composition musicale.
Art. 4. — Les récompenses obtenues dans ces con-
cours ont la dénomination de Grands Prix.
Art. 5. — Pour être admis à prendre part aux
coucours des Grands Prix, il faut être Français ou
naturalisé Français, n'avoir pas trente ans accomplis
au 1er janvier de l'année où s'ouvre le concours; de
plus, tout candidat doit être porteur d'un certificat
délivré par son professeur ou |par un artiste connu
attestant qu'il est capable de prendre part au con-
cours. Les artistes mariés ne peuvent concourir.
Art. 6. — Tous les ans au |mois de janvier, l'ordre
des concours qui auront lieu dans le courant de l'an-
née et l'époque de l'ouverture de ces concours sont
annoncés au Journal officiel.
Art. 7. — Chaque concours se divise en concours
d'essai et en concours définitif.
Art. 8. — L'époque de l'ouverture des premiers
concours d'essai est fixée de la manière suivante :
pour la peinture, au dernier jeudi de mars; pour la
sculpture, au ["jeudi d'avril; pour l'architecture, au
2e mardi de mars; pour la gravure en taille-douce,
au 2e lundi de mars; pour la gravure en médailles
et pierres fines, au 2e mercredi de mars; pour la
musique, au 1er samedi de mai.
Art. 9. — Le tableau des dispositions générales
des concours est affiché à l'École des beaux-arls et
au Conservatoire de musique quinze jours au moins
avant l'ouverture de ces concours.
Art. 10. — Les programmes des concours d'essai
et des concours définitifs sont fixés par l'Académie
des beaux-arts comme il est dit au règlement spé-
cial de chaque section.
II. — Jugements des essais et jugements prépara-
toires des concours définitifs. — Jurés adjoints. —
Jugements définitifs.
Art. 12. — Les jugements des concours d'essai et
les jugements préparatoires des concours définitifs
sont rendus par les sections, qui s'adjoignent à cet
effet, parmi les artistes étrangers à l'Académie, un
nombre d'assesseurs égal à la moitié du nombre des
membres de chaque section, à savoir :
7 peintres, 4 sculpteurs, 4 architectes, 2 graveurs,
3 compositeurs de musique.
Art. 13. — Les artistes qui seront appelés à pren-
Copyright bg Librairie Delagrave, 1929.
dre part aux jugements de sections ou jurés adjoints
seront pris sur une liste portant un nombre de can-
didats dépassant de moitié le nombre des jurés ad-
joints qui seront appelés à prendre part aux travaux
de chaque section, à savoir :
11 peintres, 6 sculpteurs, 6 architectes, 3 graveurs,
'6 compositeurs de musique.
Art. 14. — Cette liste sera formée de la manière
suivante :
Chaque section nommera au scrutin de liste un
nombre de candidats égal à la moitié de ses membres.
L'Académie complétera par la même voie le nom-
bre des candidats spécifié plus haut.
Art. 15. — Lorsque les listes des candidats seront
formées, les jurés adjoints seront désignés par le
sort. Les noms des jurés adjoints seront publiés
par ordre alphabétique.
Art. 16. — Lesjurés adjoints forment avec les sec-
tions des commissions dites commissions de juge-
ment.
Art. 17. — Le jugement définitif sera prononcé
en assemblée générale par toutes les sections de
l'Académie réunies.
Art. 18. — Toutes les fois qu'un jugement de sec-
tion devra être validé par les suffrages de l'Acadé-
mie, la majorité absolue des suffrages suffira. Lors-
que, au contraire, le jugement préparatoire devra
être réformé par la substitution d'une autre œuvre
à l'œuvre proposée, la majorité des deux tiers des
membres présents sera nécessaire.
Néanmoins, après trois jours de scrutin sans ré-
sultat, l'Académie décidera s'il y a lieu de suspen-
dre la séance, et dans tous les cas où la majorité des
deux tiers est stipulée ci-après.
Lorsqu'une œuvre proposée pour une récompense
par la section compétente ne l'aura pas obtenue de
l'Académie, cette œuvre sera considérée comme pro-
posée a fortiori pour la récompense suivante, à
moins que son auteur ne l'ait déjà reçue dans un
concours précédent, et elle pourra l'obtenir des suf-
frages de l'Académie à la simple majorité absolue.
Les autres propositions de la section seront con-
sidérées comme faites dans l'ordre déterminé par
elle pour les récompenses que l'Académie aurait
encore à décerner, dans le cas où les auteurs des
œuvres proposées auraient antérieurement rem-
porté semblables récompenses, et ces propositions,
descendues ainsi d'un degré, pourront être validées
également par la simple majorité absolue des suf-
frages de l'Académie1.
Si le premier second Grand Prix n'est pas décerné,
le concurrent qui obtiendra la récompense suivante
n'aura d'autre titre que celui de deuxième second
Grand Prix (bien que le premier demeure sans titu-
laire), et ne pourra par conséquent prétendre aux
avantages attachés à l'obtention de ce premier
second Grand Prix.
Dans le cas où, la section n'ayant pas fait de pro-
position pour une des récompenses quelle qu'elle
soit, l'Académie jugerait qu'il y a lieu de décerner
cette récompense, le candidat qu'elle aura choisi
devra, pour l'obtenir, réunir sur son nom la majo-
rité des deux tiers.
Si, dans l'énoncé du jugement préparatoire, la
Dan^ le ras nu «les reeom[e n-es n'ain I [us elé proposées par
■lion. 1 Académie votera neininoins mit rha<pie récompense dans
ordre ,1e dénomination. Toutefois, 1rs propositions de la section
jurront èlre infirmées que si les deux tiers des voix se sont
LOncés en ce sens (décision de l'Académie du 6 juillet 1007).
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTION N AME DU COS'SERVATOIRE
section n'a pas cru devoir mettre hors de concours
un "ii plusieurs concurrents, les propositions faites
à ce sujet, dans la séance de l'Académie, ne devien-
dront exécutoires qu'autant qu'elles auront réuni
les deux tiers des voix. 11 en sera de même dans le
cas contraire, c'est-à-dire que les concurrents dont
la section aura jugé a propos de prononcer la mise
hors de concours devront, pour être réintégrés par
l'Académie, obtenir cette majorité des deux tiers.
Dans ce dernier cas, la section se réunira de nouveau
pour examiner l'œuvre relevée par l'Académie de
la mise hors de concours et modifier, s'il y a lieu,
par suite de cet examen, ses propositions, pour l'at-
tribution des récompenses à décerner.
Les votes étant secrets, en cas de partage des voix,
celle du président ne saurait jamais être prépondé-
rante.
Dans tous les scrutins qui se succèdent au cours
des opérations de jugement, les bulletins blancs ne
sont pas comptés. Ils sont défalqués de l'ensemble
de votes, et le chiffre de la majorité se trouve ainsi
modifié. Les bulletins portant un zéro sont seuls
valables pour exprimer un vole négatif.
Si ces zéros s'élèvent à un chiffre représentant les
deux tiers des voix, ils annulent la décision de la
section, à supposer que celle-ci ait présenté un can-
didat, et ils établissent d'autre part que la récom-
pense pour laquelle ce candidat avait été proposé ne
sera décernée à personne.
Les numéros sur les bulletins de vote devront être
écrits en toutes lettres.
Aucune discussion sur les œuvres en cause ne peut
avoir lieu pendant le dépôt des bulletins dans l'urne
ni pendant le dépouillement du scrutin.
Lorsque le dépouillement du scrutin sera com-
mencé, aucun bulletin qu'on aurait omis préalable-
ment de déposer ne pourra être reçu.
Les votes de l'Académie, les scrutins une fois dé.
pouillés, sont irrévocablement acquis, sauf le cas
où une récompense précédemment obtenue par un
des concurrents lui aurait été attribuée.
En ce qui concerne le jugement du concours de
composition musicale, tout membre de l'Académie
ou tout juré adjoint qui n'aurait pas assisté à la
séance à partir de l'exécution du premier morceau
de concours, ne pourra être admis à voter.
Pendant la durée des séances consacrées au juge-
ment préparatoire et au jugement définitif des con-
cours pour les Grands Prix, à quelque section de
l'Académie que ces concours se rattachent, aucun
des membres de l'Académie, aucun des jurés ad-
joints ne pourra quitter la salle où l'on sera réuni,
avant que les opérations de jugement soient com-
plètement terminées.
Aucune modification aux dispositions qui précè-
dent ne saurait être mise en discussion dans le cours
des sessions mêmes de jugement. Elle ne pourra
être discutée qu'en séance ordinaire de l'Académie,
après convocation spéciale eu vue des sessions à
Art. 19. — En principe, il ne peut être décerné
par an dans chaque section qu'un premier Grand
Prix, el deux autres récompenses, soit seconds
Grands Prix, soit mentions honorables.
Art. 20. — Dans le cas où l'Académie n'aurait pas
décerné le premier Grand Prix, cette récompense
sera réservée pour être décernée l'année suivante,
s'il y a lieu, à titre de deuxième premier Grand Prix.
Toutefois, cette récompense ne diminuera pas le
nombre de celles que l'Académie peut décerner tous
les ans.
Art. 21. — Lorsque tous les jugements sont ter-
minés, le secrétaire perpétuel de l'Académie adresse
au ministre un l'apport où sont consignés les résul-
tats des concours des Grands Prix.
Art. 22. — Il est tenu par le secrétaire perpétuel
de l'Académie un registre particulier contenant les
procès-verbaux de toutes les séances des jugements
des concours des Grands Prix.
Chapitre II : organisation et police des concours.
II. — Composition musicale.
Art. 42. — L'Académie des beaux-arts délègue à
l'Administration des Beaux-Arts le soin de maintenir
et de faire exécuter les règlements à observer dans
le concours de composition musicale ainsi que la
surveillance des concurrents.
Art. 43. — Les jeunes artistes qui désirent prendre
part au concours pour le Grand Prix de musique et
qui remplissent les conditions déterminées par l'ar-
ticle 5 doivent se taire inscrire à l'administration des
Beaux-Arts (bureau des théâtres) dans les délais
annoncés au Journal officiel et affichés au Conserva-
toire.
Art. 44. — Dans les différents concours, l'appel des
concurrents aura lieu à dix heures précises du matin;
ceux qui se présenteront après cet appel ne pourront
être admis.
Art. 45. — Il sera donné connaissance aux con-
currents, avant leur entrée en loge, du règlement sur
les concours et des obligations imposées à ceux qui
remportent le premier Grand Prix, tant par rapport
à leur départ pour lîome qu'à leur séjour à la Villa
Médicis, à leurs voyages et aux travaux qu'ils sont
tenus d'exécuter pendant la durée de leur pension.
Art. 40. — Pendant le concours, un extrait du rè-
glement est affiché à l'entrée des loges.
Ait. 47. — Toute infraction à la sincérité du con-
cours entraine la mise hors de concours.
Art. 48. — Aucun concurrent ne pourra soustraire
son ouvrage au jugement de l'Académie sous quelque
prélexte que ce soit.
Art. 49. — Tous les concurrents reçoivent une
imdemnité pour les frais de concours1.
Cette indemnité sera perdue pour ceux des concur-
rents qui n'auraient pas rempli les conditions du con-
cours, à moins que l'Académie n'en décide autrement.
Art. 50. — Les concurrents sont spécialement pla-
cés sous la surveillance de l'Administration des Beaux-
Arts chargée de faire observer les règlements rela-
tifs à la police du concours.
Art. 51. — Les concurrents ne peuvent introduire
dans leur loge aucune personne étrangère ni s'in-
troduire dans la loge d'un autre concurrent, sous
peine d'être exclus du concours.
Art. 52. — Si quelque difficulté imprévue entra-
vait l'exécution du règlement, le service de surveil-
lance prononcerait provisoirement sur le point en
litige, en référerait immédiatement à l'Académie,
par un rapport adressé à son président. Celui-ci,
après avoir consulté l'Académie, qui appréciera et
jugera en dernier ressort, transmettra la décision
arrêtée à l'Administration des Beaux-Arts pour la
mettre aussitôt à exécution, et l'avis en sera donné
au ministre compétent.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3491
Art. 53. — Le conservateur du Palais de Com-
piègne est chargé de l'exécution de ces dispositions.
Art. ">'t. — Il a toujours, ainsi que les surveillants
du Palais, le droit d'entrer dans les loges.
Chapitre III : Dispositions spéciales. — Règlements
particuliers à chacun des concours.
Article premier. — Il y a tous les ans un concours
de composition musicale.
Art. 2. — Le concours de composition musicale
comprend un concours d'essai et un concours défi-
nitif.
Concours d'essai. — Art. 3. — Le concours d'es-
sai pour le Grand Prix de composition musicale a
lieu invariablement, chaque année, le premier sa-
medi de mai.
Art. 4. — Le concours d'essai consiste : 1° en une
fugue vocale a quatre parties au moins; le sujet en
est donné au moment de l'entrée en loge; 2° en
un chœur à quatre voix, au moins, avec orchestre;
le texte du chœur est donné au moment de l'entrée
en loge.
Art. 5. — Sont admis à prendre part au concours
d'essai les jeunes artistes qui remplissent les condi-
tions déterminées à l'article o des dispositions géné-
rales du présent règlement.
Art. 6. — Le jour fixé pour l'ouverture du con-
cours, les membres de la section de composilion mu-
sicale, réunis sous la présidence du président de l'A-
cadémie, assisté des autres membres du bureau,
s'assemblent dans la matinée au Palais de Compiègne
pour arrêter les sujets des concours d'essai.
Art. 7. — Chaque membre de la section de mu-
sique devra fournir un sujet de fugue.
Art. 8. — Les seuls membres de la section choi-
sissent ensuite, au scrutin, et à la majorité absolue
des sutl'rages, trois des sujets proposés. Si l'un des
trois sujets de fugue soumis au scrutin obtient l'u-
nanimité des voix, il devient le sujet du concours.
Dans le cas où cette unanimité ne pourrait être
obtenue au premier tour de scrutin, le sujet de la
fugue est désigné par le sort.
Art. 9. — Chaque membre de la section propose
un ou plusieurs sujets de chœur.
Art. 10. — Les seuls membres de la section choi-
sissent ensuite, au scrutin et à la majorité absolue
des suffrages, trois des sujets proposés.
Art. 11. — Si l'un des trois sujets de chœur soumis
au scrutin obtient l'unanimité des voix, il devient
le sujet du concours. Dans le cas où cetle unanimité
ne pourrait être obtenue au premier tour de scrutin,
le sujet du chœur est désigné par le sort.
Art. 12. — Lorsque le choix de la fugue et celui
du chœur ont été arrêtés, les concurrents sonl intro-
duits. Il leur est donné connaissance des sujets de
ces épreuves, et il leur eu est fait la dictée séance
tenante.
Art. 13. — Les concurrents sont ensuite conduits
en loge par le secrétaire perpétuel de l'Académie
des beaux-arts, accompagné de deux membres de la
section de composition musicale, désignés par l'Aca-
démie.
Art. 14. — Les concurents tirent au sort les loges
dans lesquelles il subissent les épreuves des con-
cours d'essai.
Art. la. — Il est accordé six jours entiers aux con-
currents pour la composition de la fugue et du
chœur. Pendant ces six jours, les concurrents restent
en loge, sans qu'ils puissent, sous aucun prétexte,
avoir communication avec le dehors.
Art- 16. — Est interdite l'introduction dans les
loges de tout morceau de musique, de tout ouvra™e
sur la musique comme de tout document pouvant
aider les concurrents dans leur travail.
Art. 17. —Chaque concurrent, en sortant de loge,
consigne entre les mains du conservateur du Palais
de Compiègne sa partition mise sous enveloppe.
Art. 18. — La partition et l'enveloppe portent le
numéro sous lequel le concurrent a été admis en
loge. Le tout est déposé dans une boite scellée du
sceau de l'Institut. Il sera pris acte du dépôt sur une
feuille préparée à cet effet.
Les parlitions seront mises en possession du jury
du concours par les soins de l'administration des
Beaux-Arts.
Art. 19. — Toute infraction à ces disposions
sera déférée à l'Académie et pourra motiver la mise
hors de concours.
Jugement du concours d'essai. — Art. 20. — Les
membres de la section de composition musicale, et
les jurés adjoints, réunis en commission de juge-
ment, sous la présidence du président deTAcadémie,
assisté des autres membres du bureau, s'assemblent,
au jour indiqué, au Conservatoire de musique, pour
procéder au jugement des concours d'essai.
Art. 21. — Les membres du bureau prennent part
à toutes les discussions, mais ne votent que s'ils
sont membres de la section.
Art. 22. — Le jugement de la fugue et du chœur se
fera dans une seule et même séance.
Art. 23. — Le nombre des concurrents admis au
concours définitif est de six au plus.
Art. 24. — Immédiatement japrès le jugement,
une affiche placée au Conservatoire de musique fera
connaître les noms des élevés admis au concours
définitif et rappellera le jour fixé pour l'ouvertur'
de ce concours.
Concours définitif. — Art. 25. — Le concours
définitif consiste à mettre en musique une scène
lyrique à trois ou à deux voix autant que possible
inégales. A celte fin, il est ouvert tous les ans un
concours de poésie, dont le sujet est une scène lyri-
que à trois ou à deux personnages. Cette scène de-
vra donner matière à un air ou à un solo, plus ou
moins développé.'pour chaque personnage; à un duo
et en outre à un trio, si la scène est à Irois voix,
ainsi qu'à des récitatifs reliant les différents mor-
ceaux.
Art. 26. — L'avant-veille de l'ouverture du con-
cours définitif, les membres de la section de compo-
sition musicale, réunis sous la présidence du prési-
dent de l'Académie, assisté des autres membres du
bureau, procèdent, par voie d'élimination, au choix
des meilleures scènes lyriques.
Art. 27. — La veille de l'ouverture du concours
définitif, les membres de la section, réunis dans les
mêmes conditions, s'assemblent pour choisir entre
les pièces réservées celle qui paraîtra la plus propre
à être mise en musique. Ce choix est fait au scrutiu
et à la majorité absolue des suffrages.
Art. 28. — Le jour de la mise en loge, le secré-
taire perpétuel de l'Académie, accompagné de deux
membres de la section de composilion musicale, se
rend à l'endroit désigné pour la mise en loge; lec-
ture est donnée aux concurrents de la scène choisie
ESCYCLOI'ÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
la veille. Elle leur est dictée séance tenante. Les
concarrents sont ensuite conduits en loge par le
secrétaire perpétuel et les deux membres de la sec-
tion de musique qui l'ont accompagné.
Art. -9- — La musique de cette scène, écrite,
autant que possible, pour voix inégales, sera précé-
dée d'une introduction instrumentale. Si la scène est
à trois personnages, une partit' du trio, si le sujet le
comporte, pourra être écrite sans accompagnement.
fat. 30. — Les concurrents ont trente jouis pleins
pour écrire leur partition. Ils passent tout ce temps
eu loge sans pouvoir entretenir aucune communica-
tion avec le dehors. Après la sortie des loges, les
concurrents sont convoqués et tirent au sort, à l'aide
de numéros, l'ordre dans lequel leurs ouvrages se-
ront exécutés.
Jugement du concours définitif. — Art. 31. — La
veille du jour fixé pour le jugement définitif, les
membres du bureau de l'Académie, les membres de
la section de composition musicale et les jurés ad-
joints à cette section s'assemblent au Conservatoire
pour entendre une première fois les scènes lyriques.
Ellessontexécutéesavecarcompagnementde piano
par les chanteurs choisis par les concurrents. Les
concurrents sont libres d'accompagner eux-mêmes
leur ouvrage. Les concurrents et les artistes qui
prennent part à l'exécution des scènes lyriques sont
autorisés à assister à l'exécution de tous les ouvrages
du concours.
Art. 32. — Le jour fixé pour le jugement du Grand
Prix de composition musicale, l'Académie des beaux-
arts et les jurés adjoints à la section de composition
musicale s'assemblent à 1 heure à l'Institut pour
entendre l'exécution des scènes lyriques et procéder
ensuite au jugement du concours.
Art. 33. — L'Assemblée étant réunie et la séance
ouverte, les scènes lyriques sont exécutées dans le
même ordre, par les mêmes artistes et, d'une ma-
nière absolue, dans les mêmes conditions que la
veille.
Jugement préparatoire. — Art. 34. — Après l'au-
dition des partitions, le président déclare le huis-
clos, et la séance générale est suspendue. Aussitôt,
la section et les jurés adjoints se forment en com-
mission de jugement sous la présidence du président
de l'Académie, assisté des autres membres du bu-
reau. La commission procède en comité secret au
jugement préparatoire, comme il est dit à l'article 21
du présent règlement. Elle décide, au scrutin, à la
majorité absolue des suffrages et sans ballottage, à
quel numéro doit être accordé le premier Grand Prix.
Art. 3b. — Dans le cas où, après trois tours de
scrutin, la majorité ne serait pas obtenue par l'un
des concurrents, le vote sera interrompu et le prési-
dent ouvrira de nouveau la discussion sur le mérite
des ouvrages qui sont en concours.
Art. 36. — La commission décide ensuite, en ob-
servant les mêmes formes, s'il y a lieu d'accorder
deux autres récompenses, soit deux seconds grands
prix et une mention honorable, soit deux mentions
honorables. Dans ces limites, le vote sera continué
tant que la majorité ne se prononcera pas pour la
négative.
Art. 37. — L'opinion de la commission sur le mé-
rite des ouvrages récompensés est recueillie et som-
mairement motivée dans un procès- verbal, signé du
président et du secrétaire perpétuel de l'Académie.
Les chilfres des majorités seront consignés dans le
procès- verbal ainsi que le nombre des scrutins.
Jugement définitif. — Art. 38. — Celte opération
terminée, la séance générale est reprise. Les jurés
adjoints assistent alors à la séance avec voix con-
sultative seulement. Le secrétaire perpétuel fait
connaître à l'Académie le procès-verbal de la séance
qui vient d'être tenue par la commission de juge-
ment, le résultat du jugement préparatoire rendu
par elle et les motifs de ce jugement.
Art. 39. — Le président invite alors l'Académie à
voter immédiatement. La question est posée dans les
termes suivants : « A quel numéro doit être accordé
le premier Grand Prix.' » L'Académie, au scrutin, à
la majorité absolue des suffrages et sans ballottage,
décide à quel numéro le premier Grand Prix doit être
accordé.
Art. 40. — Dans le cas où l'Académie n'aurait pas-
accordé le premier Grand Prix, ce premier Grand
Prix restera en réserve pour le concours suivant, s'il
y a lieu.
Art. 41. — Dès que le premier Grand Prix est dé-
cerné, l'on fait connaître les numéros des scènes
lyriques dont les auteurs ont obtenu un premier
second Grand Prix dans les concours précédents.
Lorsqu'il aura été statué en ce qui concerne le pre-
mier second Grand Prix, l'on fera connaître les nu-
méros des scènes lyriques dont les auteurs ont obtenu
un deuxième second Grand Prix dans les concours
précédents. Il sera procédé de même en ce qui con-
cerne les mentions honorables.
Art. 42. — Ces récompenses, telles qu'elles sont
prévues par l'article 36 du présent règlement, sont
accordées en observant les formes déterminées à
l'article 39.
Art. 43. — Les noms de ceux qui ont remporté le
Grand Prix et les autres récompenses sont affichés au
Conservatoire de musique aussitôt après le jugement.
La partition qui obtiendra le Grand Prix de com-
position musicale sera déposée à la bibliothèque du.
Conservatoire.
Chapitre IV : De la distribution des prix. — Des
premiers Grands Prix et des autres récom
penses.
Article premier: — L'Académie des beaux-arts,
dans sa séance publique annuelle, distribue les prix
remportés dans les concours de l'année.
Art. 3. — Dans la séance publique sera exécutée
la scène lyrique qui a remporté le premier Grand
Prix, et, si le premier Grand Prix n'a pas été donné,
celle qui aura obtenu le second Grand Prix. Sera,
également exécuté dans cette séance un morceau de
musique instrumentale composé par le pension-
naire musicien de troisième année.
Art. 4. — Les artistes qui ont remporté les pre-
miers Grands Prix reçoivent un diplôme qui cons-
tate l'obtention de ces prix et une médaille d'or; ils
vont, en qualité de pensionnaires de l'Etat, passer à
Rome un nombre d'années déterminé pour chacun
des différents arts, ainsi qu'il est dit au règlement
de l'Académie de Erance à Rome.
Art. 5. — Ceux qui remportent les seconds Grands
Prix recevront un diplôme et une médaille d'or.
Art. 6. — Jouissent de l'exception conditionnelle
du service militaire, en vertu du paragraphe 9 de
l'article 20 de la loi sur le recrutement de l'armée,
du 27 juillet 1872, ainsi conçu :
Sont, à titre conditionnel, dispensés du service mili-
taire :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3493
§ 3. Les artistes qui ont remporté les Grands Prie de
l'Institut, à condition qu'ils passeront à l'Ecole de
Rome les années réglementaires et rempliront toutes
leurs obligations envers l'Etat'.
Art. 7. — Les ouvrages qui auront obtenu les pre-
miers Grands Prix ne pourront èlre retouchés après
le jugement sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 8. — Ceux qui auront obtenu les seconds prix
ou des mentions honorables ne pourront être retou-
chés avant l'exposition générale des prix.
Art. 9. — Les élèves qui ont remporté un second
grand prix ne peuvent concourir que pour le pre-
mier dans le même art. Ceux qui ont déjà obtenu
une mention honorable ne peuvent prétendre qu'au
second et au premier prix.
Liste îles membres de l'Académie
des Beaux-Arts.
Section de Musique.
23 mai
Ï83&.
— Reicha, f 28 mai 1836.
1836.
— Hu.EVï.f 17 mars 1862.
29 juillet
1851.
— Secrétaire perpétuel.
26 août
1S51.
— Clapisson.x 19 mars 1866
19 mai
1860.
— Gocnod, f 10 octobre 1893
19 mai
IS'Il.
— Th. Dcbois, — 11 juin 1924
26 mai
1795.
1816.
— Mole, fil décembre 1S02
— Chkrcbini,-;- 15 mars 1S42
19 novembre 1842. — Onslow, f 3 octobre 1S53.
12 novembre 1 sort. — Reber.-J -24 novembre 1SS0.
19 février 1881. — Saint-Saens, f 16 décembre
11 avril
1829.
— Ai-ber, f 11 mai 1871.
20 janvier
1872.
— V. Masse, y 5 juillet 1884.
16 décembre
1884.
— Delibes, -f- 16 janvier 1891.
21 mars
1891.
— Goiraod, -j-6 mai 1892.
2 juillet
1S92.
— Paladilhe,t 7 janvier 1926.
IV.
1795.
— Grétry, -{-1S13.
16 octobre
1813.
— MossiGNY,-j-14janvierlS17.
1" mars
1817.
— Catel, f 29 novembre 1S30.
29 janvier
1831.
— Paer, f 3 mai 1S39.
15 juin
1S39.
— Spontini, j24 janvier 1851.
22 mars
1851.
— Ambroise Thomas, -j-12 fé-
vrier 1896.
2 mai
1896.
— tENBPVEn, -j- 1910.
29 octobre
191fl.
— Widor, secrétaire perpétuel,
18 juillet 1914.
2S décembre
19+8.
— Henri Rabaud.
V.
1795.
- Préville, f 1796.
1796.
— GRANDMÉNiL.f 24mailsl6.
Juin
1816.
— Berton, +22 avril 1841.
22 juin
1814.
— Adam, -j- 3 mai 1856.
21 juin
1S56.
— Berlioz, f S mars 1869.
1869.
— Félicien David, j 29 août
1S76.
1 1 novembre
1876.
— Reyer, f l" janvier 1909.
13 mars
1909.
— Fhke. j S novembre 1924.
VI.
1795
— Monvel, f 1816.
1816.
— Lesueor, -j-6 octobre 1837.
18 novembre
is:n.
— Carafa de Colobrano, —27
juillet 1872.
5 avril
1S73
— Bazin, f 2 juillet 1878.
30 novembre
1878
— Massenet, + 13 août 1912
26 octobre
1912
— Gustave Charpentier.
i. Cette loi a été modifiée par celle du 15 juillet 1889 qui stipule
que les Grands Prix de Rome a sont, sur leur demande, envoyés ou
maintenus définitivement en congé dans leurs foyers, jusqu'à la date
■de leur passage dans la réserve, pourvu qu'ils aient une année de pré-
sence sous les drapeaux ».
Elle a été modifiée ensuite par celle du 21 mars 1905 qui stipule
que le service militaire est égal pour tous et que, hors le cas d'inca-
pacité physique, il ne comporte aucune dispense.
Liste des membres libres de l'Académie
des Beaux-Arts*
1816.
— De Vaublanc.
1845.
— De Cailleux.
1876.
— Perrin.
1885.
— A. de Rothschild.
1905.
— Hicher.
1816.
— Le duc de Blacas.
1839.
— A.-L. Dumont.
1853.
— De NieuAverkerke.
1892.
— Km. Michel.
1909.
— Comte.
1913.
— Lemonnier (Joseph-Henri).
1816.
— De Vaudreuil.
1817.
— Le duc de Richelieu.
1822.
— De Lauriston.
1828.
— Siméon.
1846.
— Duchatel.
1868.
— H. Delaborde.
1874.
— De Cardaillac.
1880.
— Le duc d'Aumale.
1S97.
— Le Prince d'Arenberg.
1816.
— Pradel.
1>:.7.
— Fould.
1867.
— Haussmann.
1891.
— Alphan.l.
1S92.
— Lafeneslre.
19-19.
De Curiéies de Castelnau.
1816.
— Castellan.
1838.
— De Clarac.
1S47.
— Taylor.
1879.
— De Chennevières.
1899.
— Roujon.
1903.
— Georges Berger.
1910.
— Homolle.
1816.
— Turpin de Crissé.
1859
— Kastner.
1868.
— Comte Walewski.
1868.
— Charles Blanc.
1882.
— Du Sommerard.
1885.
— Heuzey.
1810.
— De Choiseul-Goufiîer.
1817.
— De Chabrol.
1S43.
— De Rambuteau.
1869.
— A. Lenoir.
1891
— Duplessis.
1899.
— Guiflrey.
1919.
— Maurice Fenaille.
1816
— Gois.
1S23.
— De Pastoret.
1857.
— Le prince Napoléon.
1891.
— Larroumet.
1898
— Le comte Delaborde.
1S99.
— Philippe Gille.
1901.
— Aynard.
1913
— De Boussès de Fourcaud
1918.
— Michel (Paul-André).
1816.
— De Forbin.
1841.
— D'Houdetot.
1859.
— De Mercey.
1S60.
— Jules Pelletier.
1875.
— Gruyer.
1910.
— De Selves.
1816.
— De Senonnes.
1840.
— De Montalivet.
18S0
— Barbet de Jouy.
1896
— Corroyer.
1904
— Bouchot.
1906
Le baron Edmond de Roths-
child.
Liste des associés étrangers des Beaux-Arts.
1801. — Haydn.
1809. — Paisiei.lo.
1820. — Antolini.
1841. — Cockerell.
1863. — Donaldson.
1885. — Rosa.
EXcrc.LOPÉniE de la musique et /iictio.v.xaihe du CONSEIÏVATOIHE
1897
— Devriendt.
1900
— Monteverde.
1919
— Appolloni.
1802
— Canova.
1823
— Alvarez.
1832
— Ranch.
isr.s
— Rilschell.
[882.
— De Hess.
is,::;.
— Kaulbach.
IS74.
— Matejko.
1893.
— Hunt.
1895.
— Menzel.
1905.
— Sargent.
lso2.
— Calderari.
1S05.
— Marvuglia.
1823.
— Scbinkel.
1841.
— De lileuze.
1864.
— staler.
1865.
— Slraek.
1881.
— De Ferstel.
1883.
— Da Silva.
1895.
— Guypers.
1803.
— Appiani.
1820.
— Camucini.
1844.
— Overbeck.
1870.
— Gallait.
1888.
— Antokolski.
1902.
— Israé'ls.
1911.
— Sorolla-Baslida.
1803.
— R. Morghen.
1834.
— Meyerbeer.
1864.
— Verdi.
1901.
— Venturi.
1803.
— Serge).
ls-<::.
— Longhi.
1832.
— Toschi.
1854
— Felsing.
1883.
— Mercuri.
ISSi.
— Sir F. Leighton.
lS'.lli.
— Herkomer.
1918
— Sbannon.
1803.
— Gdglielmi.
1805.
— Salieri.
1830.
— Cambray-Digny.
1843
— Canina.
1856.
— Mbrcadante.
1873.
— Gevaert.
1909.
— Warren.
1803
— B. West.
îxa.'t.
— Rossini.
1S69.
— Dupré.
ixsa
— Sir J. Millais.
1896
— De Brozik.
1901
— Orchardson.
1910
— Boïto.
1919
— Cnrrado Ricci.
1823
— Thorwaldsen.
1844
— Tenerani.
1870
— Drake.
i*sa
— Vêla.
1891
— Aima Tadema.
1913
— Jacobsen.
1918
— Brangwyn.
1823
— ZlNc.AREI.LI.
1838
— Cornélius.
1867
— Schnoor de Carolsfel
1873
— Madrasso.
1894
— Pradilla.
Liste des correspondants de l'Académie
des Beaux-Arts.
Section V. — Composition musicale.
1796. — Foiitï.
1803. — Cabrlli.
1832. — Mayer.
1846. — Mercadante.
1856. — Kastner.
1859. — Vebdi.
1864. — De Flotow.
1883. — LlMNAKDBR.
ISU2
1894
TCHA1K.OWSKY.
— Cui.
1796
— Van Podckk.
1809
— Fiorillo.
1824
— Dannecker.
1841
— TlECK.
1S52
WlCHMANN.
1859
— CoNTI.
1S7S
— Gade.
1891
— Grieo.
1907
RlMSKY-KORSAKOW.
1908
— Homperdinck (dontl'élec-
tion a été annulée par
décision de l'Académie,
5 décembre 1911).
1796
— Préville.
1800
— Bonnet-Beadval.
1827
— De Saint-Mesmin.
1853
— Martin-Beaolieu.
1S<',1
— Bbnedict.
18S5
— Deffès.
1900
SVENDSEN.
1911
— Glazohnow.
1S24
— Mattel.
1830
— Meyerbeer.
1834
— Dacssoigne-Mébol.
1875
RUBINSTEIN.
1894
GODVY.
1898
— Max Bruch (dont l'élection
a été annulée par déci-
sion de l'Académie, 5 dé-
cembre 1914).
1S63
— De Valldemosa.
1SV3
— Peter-Benoit.
1901
— Lacombe.
1863
— Gaspari.
1881
— LlSTZ.
1888
— Sgambati.
Liste des correspondants libres de
des Beaux-Arts.
17 '.ici.
— Bardin.
ISII'.l'
— A. Moitié.
is;:0
— Debret.
I - 42
— Jesi.
1S:>3.
— Felsing.
1859.
— Pittakis.
1863
— Rosa.
1S85
— De Geymuller.
1910
— Chevalier de Stuers.
1796
— lieck.
1810
— Burnev.
1814
- Jay.
1836
— Anderlovic.
1S50
— Visconti.
1881
— Carapanos.
1796
— Moreau.
1307
— Thibault.
1821
— Cochet.
1S35
— Raimbach.
1843
— De Dietrichstein.
1866
— FlORELLI.
1892
— I.anciani.
1805
— G. de Rossi.
1S27
— Nibby.
1811
— Ross.
1S62
— Waagen.
1S6S
— Perkins.
1886
— Salinas.
1918
— Kervyn de I.ettenhove
1863
— (H fers.
1873
— Wallace.
1890
— Le prince Czartorysky.
1894
— Le prince de Scalcx.
1863
— Tolstoy.
1S82
— Marionneau.
1S96
— Hymans.
1912
— Reymond.
1863
— De Gilles.
1866
— Newton.
1S95
. — Natalis Rondol.
1900
— Brédins.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3495
18B7
— Venturi.
1901.
— Comte de San Mari
Valperga.
IRAS.
— Mazel.
1887.
— Le Breton.
1R63.
— Jeanron.
1877.
— De Soulza-Holstein.
1R79.
— Le marquis d'Adda.
1SR1.
— Massarani.
1905.
— L'abbé Requin.
État de l'Académie des Beaux-Arts (sectio
musique) au 1er janvier 1920.
Membres de l'Académie. — Saint-Sabns.
Aradéniiriens libres.
Widok, secrétaire perpétuel.
Heuzey.
Prince d'Arenberg.
Richer.
Edmond de Rothschild.
De Selves.
Homolle.
Lemonnier.
Michel.
Fenaille.
De Curiéres de Caslelnau.
Pradilla.
Cuyper.-.
Venturi.
Sargent.
Warren.
Sorolla y Bastida.
Brangwyn.
Shannon.
Ricci.
Cdi.
Bredins.
San Martino e Valperga.
Kervyn de Lettenhove.
BIOGRAPHIES DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE
DES BEAUX-ARTS iSECTION DE MUSIQUE)
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
Adam.
Adophe-Charles Adam naquit à Paris le 24 juillet
1803. Son père Louis Adam, né à Miettershollz
(Alsace) le 3 décembre 17d8, mort à Paris le 11 avril
1848, était un bon musicien; il fut, de 1797 à 1843,
professeur de piano au Conservatoire de Paris.
« J'adorais la musique, disait plus tard Adolphe
Adam parlant des premiers temps de son enfance,
mais je ne voulais pas l'apprendre. Je restais des
heures tranquille, à écouter mon père jouer du
piano, et sitôt que j'étais seul je tapotais sur l'ins-
trument sans connaître mes notes. Je savais trouver
des harmonies sans m'en douter. Je ne voulais pas
faire une gamme, ni lire; j'improvisais toujours. »
On désespérait de faire de lui un musicien.
A 16 ou 17 ans, une fois ses études classiques tant
bien que mal terminées (car en tout il fut d'abord
un écolier très indocile), Adolphe Adam déclara à
son père qu'il désirait dorénavant se consacrer à la
musique et entrer au Conservatoire. Mais le père
ne voulait rien entendre, n'ayant aucune confiance
dans l'avenir artistique de son fils. Il finit tout de
même par céder, et laissa le jeune Adolphe entrer
dans la classe d'orgue de Benoist. Alors seulement, le
futur compositeur commença son éducation musi-
cale. C'est à peine s'il savait les éléments de solfège.
Successivement élève d'ELrcn, puis de Ueicha pour
le contrepoint, de Boïeldieu pour la composition,
Adam se préparait au concours pour le prix de Rome.
Cependant, il gagnait sa vie en donnant des leçons,
en jouant du triangle ou de la timbale dans les or-
chestres, en écrivant des romances, des airs de vau-
devilles et des morceaux de piano.
Il concourut deux lois pour le prix de Rome
sans arriver à obtenir la suprême récompense. L)e
dépit, il abandonna définitivement la lutte, et se
vengea plus tard de ses juges en faisant applaudir
dans le Chalet toute une scène empruntée à sa can-
tate Ariane, qui ne lui avait valu que le deuxième
second Grand Prix (182:;).
Adam élait devenu l'un des élèves favoris de
Iîoïeldieu. Son maître le choisit tout naturellement,
ainsi que son camarade Labarbe, pour l'aider à
mettre la dernière main à la partition d'orchestre
de la Dam'' blanche. Il lui facilita les démarches au-
près des éditeurs, lui procura des relations utiles.
bu reste, Adam avait un sens des affaires et une
habileté qui lui permirent de se faire rapidement
une place parmi les compositeurs de théâtre.
Le 28 décembre 1827, il faisait représenter avec
succès au Gymnase un opéra-comique en un acte,
paroles de Scribe et Mélesville, le Mal du Pays ou la
Batelière de Brientz. C'est son premier ouvrage un
peu important. Il comprend une ouverture et onze
morceaux.
Dès lors, il se mettait à composer avec une fécon-
dité inépuisable, qui ne se démentit point jusqu'à la
lin de sa vie.
Le 9 février 1829, il débutait à l'Opéra-Comique par
un ouvrage en 2 actes, Pierre et Catherine, qui fut joué
plus de quatre-vingts fois de suite.
Le jeune auteur était lancé.
Sept mois après, le 12 septembre, il épousait,
contre la volonté de sa famille, une choriste du Vau-
deville, qui le rendit malheureux pendant six ans et
dont il fut, enfin, obligé de se séparer.
En 1832, Adam, fuyant le choléra qui dépeuplait
Paris, partit pour Londres : il y resta neuf mois. Il
y écrivit deux opéras-comiques, The firsl campaign
et The dark Diamond, qui furent bien accueillis. Il
revint à Paris pour assister à la première représen-
tation du Pré-aux-Clercs, et usa des bons offices de
son ami Hérold pour se réconcilier avec sa famille
qui était restée brouillée avec lui depuis son ma-
riage. Il repartit pour Londres le 21 janvier 1833,
pour y faire représenter son ballet, Faust.
L'année 1834 allait apporter à Adam le plus grand
succès de toute sa carrière.
La partition du Chalet, écrite en quinze jours sur
un livret de Scribe et Mélesville imité de la pièce
de Gœlhe intitulée Jerij und Bœtely, exécutée pour
la première rois à l'Opéra-Comique le 25 septembre
1834, devait atteindre à sa millième audition le
18 janvier 1873.
Le l"1' mai 1836, Adam élait nommé chevalier de la
Légion d'honneur.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Avec la Fille dit Danube, représentée à l'Opéra le
21 septembre 18.16, Adam obtint son premier succès
dans an genre où il devait se créer, pour un temps,
une renommée particulière : le ballet, lit cependant,
de quelle singulière façon ne clé fi ni t— il pas le rôle
du compositeur de musique chorégraphique. A pren-
dre sa tâche aussi légéremenl, comment a-t-il pu
l'accomplir à la satisfaction de ses contemporains?
« Travail de manœuvre, dit-il. Point d'ellbrt et nulle
responsabilité. J'écris les idées qui me viennent, et
elles viennent toujours, les aimables filles... Il né
s'agit plus de se dire, en se grattant le front : Voilà
une idée qu'il nie semble avoir saluée déjà, chez
moi ou ailleurs. Ce motif est-il suffisamment origi-
nal? Cette harmonie n'est-elle point trop plate?...
Faire un ballet, c'est oublier tout cela... On ne tra-
vaille plus, on s'amuse. Ce n'est plus l'humiliation
de se sentir inférieur à son œuvre. C'est l'orgueil de
se savoir au-dessus de sa besogne. » Ne nous éton-
nons point si des ouvrages bâclés1, avec cette insou-
ciance, n'ont pas mieux résisté à l'épreuve du temps.
Trois semaines après la représentation de la Fille
du Danube à l'Opéra, le Postillon de Longjumeau
passe sur la scène de l'Opéra-Comique, et ce fut tout
de suite un triomphe qui dépassa toutes les prévi-
sions, même les plus optimistes, de l'auteur ou des
interprètes. La vogue du Postillon se maintint long-
temps en France : elle dure encore en Allemagne.
L'ouvrage valait surtout par son entrain, par sa
gaieté, parfois bien vulgaire.
Dès lors, Adam était « arrivé », et, avec Auber et
Halévy, il accapara pendant des années l'Opéra-
Comique.
Le 29 septembre 1839, Adam partit pour la Russie,
dont Boïeldiel- lui avait souvent parlé avec enthou-
siasme. Il recevait là-bas un accueil des plus flat-
teurs de la part du tsar et de la cour. Mais au bout
de quelques semaines, il tombait gravement malade.
Quand il fut remis, malgré les offres du tsar qui lui
olirait les fonctions magnifiquement rétribuées de
maître de chapelle, Adam ne songea plus qu'à fuir
un climat qui avait failli lui être fatal. Il partit pour
Paris, où il arriva le 27 mai 1840, après un court
séjour à Berlin.
Berton étant mort le 22 avril 1844, Adam se porta
candidat à sa succession à l'Académie des beaux-
arts. Il fut élu dès le premier tour de scrutin par
dix-sept voix, contre neuf données à Berthon et
quatre à Ambroise Thomas.
C'est alors que commence dans la vie du compo-
siteur, jusque-là si heureux, une dernière période
agitée de cruels soucis. S'étant brouillé avec le di-
recteur de l'Opéra-Comique, Adam eut l'idée de fon-
der
une scène musicale populaire, l'Opéra National,
qui devint plus tard le Théâtre Lyrique. Le nouveau
théâtre ouvrit ses portes le 15 novembre 1847. Ses
débuts furent brillants. Mais l'affaire devint bientôt
désastreuse, et le 20 mars le pauvre Adam était
obligé de se retirer. Il était ruiné. Pendant des an-
nées, il va désormais lutter pour se soustraire à la
misère, pour éteindre ses dettes, pour faire face à
tous ses engagements.
A pat tir de ce moment, pour augmenter ses ressour-
ces, Adam commença d'écrire régulièrement des feuil-
letons, d'abord au Constitutionnel, puis à l'Assemblée
Nationale. Ses articles eurent beaucoup de succès :
ils étaient pleins d'esprit, de malice, et d'entrain.
D'autre part, Adam arrivait à faire créer en sa
faveur une quatrième classe de composition au Con-
servatoire, qui lui assurait 2.400 fr. de traitement
par an. « Avec cette somme, dit-il, mon journal et
l'Institut, j'avais 400 fr. par mois. » C'était tout juste
do quoi vivre. Mais il fallait aussi payer les créan-
ciers. Et pour cela, Adam ne pouvait compter que
sur ses droits d'auteur. On ne voulait pas de Giralda.
11 composa le Toréador en six jours. Ce fut un succès
immédiat et durable (18 mai 1849).
Adam finit par obtenir que Giralda fût représentée.
Mais le directeur de l'Opéra-Comique, Perrin, mettait
toute la mauvaise volonté imaginable à monter cette
pièce, sur laquelle il ne comptait pas du tout. 11 la
fil passer en plein été, le 20 juillet 1850, et avec une
débutante dans le rôle principal, M"e Miolan (la
future Mme Carvalho), dont l'avenir paraissait en-
core très incertain. Le nouvel opéra-comique fut
bien accueilli, mais les recettes, vu la saison, furent
moins élevées que ne l'avait espéré Adam.
C'est alors que toutes sortes de tristesses assom-
brirent l'existence déjà si difficile du compositeur. Le
fils qu'il avait eu de son premier mariage se suicide.
Peu après, il perd une toute petite fille. Lui-même
tombe très gravement malade. Il n'était pas encore
complètement guéri qu'il mettait sur pied en quel-
ques semaines, et sans avoir quitté le lit, la Poupée
de Nuremberg, qui fut jouée pour la première fois le
21 février 1852.
La même année, Si j'étais roi fut donné avec une
double distribution, chaque rôle ayant été appris
par deux interprètes qui le tenaient alternative-
ment. Ce fut là une innovalion qui piqua la curiosité
du public et ne fut pas sans contribuer au succès de
l'ouvrage.
<c L'année 1852, dit Adam dans ses Mémoires, vil
terminer mes tourments et mes ennuis d'inlérêts.
Je pus enfin toucher ce que je gagnais. Je ne devais
plus rien! Ce fut une grande joie dans la maison. »
Malheureusement, au mois de juin 1853, Adam
perdait sa belle-sœur, la femme de son frère, puis,
trois mois après, son frère lui-même, qui lui laissait
à régler des affaires extrêmement embrouillées. Et
voici de nouveau notre compositeur dans les soucis
d'argent.
Mais l'activité d'ADAM était incroyable. Il se dé-
pense sans relâche en visites, en démarches; il pro-
duit œuvre sur œuvre avec une rapidité extraordi-
naire. Encore une fois, il triomphe de toutes les dif-
ficultés.
Trois jours après la représentation des Pantins de
Violette, le 3 mai 1856, Adam mourut subitement,
dans sa cinquante-troisième année.
CATALOGUE DES ŒUVRES D'ADOLPHE ADAM
MUSIQUE HE THÉÂTRE
Pierre et Marie ou le Suidai ménétrier, 1 acte, Gymnase, 27 jan-
vier 1824.
Le Baiser au porteur, 1 acte, Gymnase, 9 juin 1S24.
Le Bal champêtre, 1 acte, Gymnase, 21 octobre 1S24.
La Haine d'une femme, 1 acte, Gymnase, 1 i décembre 1S24.
L'Exilé, 2 actes, Vaudeville, 0 juillet 1S25.
La Dame jaune, 1 acte, Vaudeville. 7 mais 1826.
L'Oncle d'Amérique, 1 acte. Gymnase, 14 mars 1 S 2 1 ", .
L' Anonyme, 2 actes. Vaudeville, 29 mai 1S20.
Le. Hussard de Frhlieim. 3 actes, Vaudeville, 9 mars 1S27.
L'Héritière et (Orpheline, 2 actes, Vaudeville, 12 mai 1827.
Perkins Warbecl, on le Commis marchand, 2 actes, Gymnase,
15 mai 1S27.
Mon ami Pierre, 1 aele, Nouveautés, S septembre 1827.
Monsieur Boite. 3 actes. Vaudeville, t.". novembre IS27.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LTNSTITUT DE FRANCE 3497
Lidda ou la jeune serrante, 1 acle. Nouveautés, 16 janvier 1828.
La Reine de sei:e „ns, 2 actes, Gymnase, 30 janvier 1828.
Le Barbier cliulclain nu lu tôlerie de Fruncfort, 3 ailes. Nouveautés,
7 février 1828.
Les Comédiens par testament , 1 acte, Nouveautés 11 avril 1828.
tes Trois Cantons ou lu Fédération Suisse, 3 actes, Vaudeville,
16 juin 1828.
Xalcnline ou la chute des feuilles, Nouveautés, 2 octobre 1S2S.
La Cle, 3 actes. Vaudeville, 5 novembre 1828.
Le Jeune Propriétaire et le rieur fermier nu la Ville et le Villnije,
3 actes, Nouveautés, 6 février 1829.
Pierre et Catherine, 2 actes, Opéra-comique, 9 février 1829.
Jsaure, 3 actes, Nouveautés, 1« octobre 1829.
Henri V et ses compagnons (pastiche), 3 actes, Nouveautés, 27 fé-
vrier 1S30.
Rafaël (postiche), 3 actes, Nouveautés, 26 avril 1830.
Danilowa, 3 actes, Opéra-Comique, avril 1830.
La Chatte blanche, ballet-pantomime, en collaboration avec Gide,
Nouveautés, 26 juillet 1830.
Trois jours en une heure, 1 acle, en collaboration avec Romagnesi,
Opéra-Comique, 21 août 1S30.
Les Trois Catherine, 3 actes, en collaboration avec Gide, Nou-
veautés, 1S novembre 1830.
Joséphine ou le retour de Wuprum, 1 acte, Opéra-Comique, 2 dé-
cembre 1830.
Le Morceau d'ensemble, 1 acte, Opéra-Comique, 7 mars 1831.
Le Grand Prix ou le voyage à frais communs, 3 actes, Opéra-comi-
que, 9 juillet 1831.
Casimir nu le premier lUe-ii-lête, 2 actes, Nouveautés, 1" dé-
cembre 1831.
The First Cumpaign, 2 actes, Covent-Garden, 1S32.
The Darb Diamond, 1 acle, Covent-Garden, 1S32.
Faust, ballet, 3 actes, King's Theater (Londres), 1^33.
Le Proscrit ou le tribunal invisible, 3 actes, Opéra-Comique.
18 septembre 1833.
Une Bonne Fortune, 1 acte, Opéra-Comique, 23 janvier 1831.
Le Chalet, 1 acte, Opéra-Comique, 25 septembre 1831.
Lu Marquise, 1 acte, Opéra-Comique, 28 février 1835.
Micheline, 1 acte, Opéra-Comique, 29 juin 1835.
La Fille du Danube, ballet, 2 actes, Opéra, 21 septembre 1S36.
Le Postillon de Longjumeau, 3 actes, Opéra-Comique, 13 octobre
1836.
Les Mohicuns, ballet, 2 actes, Opéra, 5 juillet 1837.
Le Fidèle Berger, 3 actes, Opéra-Comique, 6 janvier 1S3S.
Le Brasseur de Preston, 3 actes, Opéra-Comique, 31 octobre 1838.
Régine, 2 actes, Opéra-Comique, 17 janvier 1839.
La Reine d'uni jour, 3 actes, Opéra-Comique. 19seplembre 1S39.
Marskoi Raobonick, ballet, 2 actes, Saint-Pétersbourg, 21 février
1810.
Ilie Hamadrijaden. opéra-ballet, 2 actes, Berlin, 28 avril 1840.
La Rose de Péronne, 3 actes, < opéra-Comique, décembre 1810.
Gisellc ou les Wittis, ballet, 2 actes, opéra, 28 juin 1841.
La Main de fer ou le mariage secret, 3 actes, Opéra-Comique,
26 octobre 1841.
La Jolie Fille de Gand, ballet, 3 actes, Opéra, 22 juin 1842.
Le Roid'Yvetot, 3 actes, Opéra-Comique, 13 octobre 1S12.
Lambert Simnel (partition de Mompou, achevée par Adam), 3 actrs,
Opéra-Comique, 1 1 septembre 1813.
Cagliastro, 3 actes, Opéra-Comique, 10 février 1811.
Richard en Palestine, 3 actes. Opéra. 7 octobre 1844.
Le Diable à quatre, ballet, 2 actes, Opéra, 11 août 1815.
The Marble Maiden, ballet, Th. Drury Lane, 27, septembre 18 là.
La Bouquetière, 1 acle. Opéra, 31 mai 1847.
Les Premiers pas, prologue pour l'in:uiguration de l'Opéra Natio-
nal, en collaboration avec Auber, Carafa et Hai.evy, 1
acte, Opéra National, 15 novembre 1847,
Grisélidis on les cinq sens, ballet, 3 actes, Opéra, 16 février ISIS.
Le Toréador, 2 actes, Opéra-Comique. 18 mai 1819.
La Filleule des fées, ballet, en collaboration avec Clemenceau de
Saint-Julien, 3 acteset un prologue, Opéra, SoctobrelS49.
Le Fanal, 2 actes, Opéra, 24 décembre 1849.
Ciralda ou la nouvelle Psyché, 3 actes. Opéra-Comique, 20 juil-
let 1850.
Les Nations, cantate. Opéra, 6 aoôt 1851.
La Poupée de Nuremberg, 1 acte, opéra National, 21 février 1852.
Le Farfadet, 1 acle, en collaboration avec de Groot, Opéra-Comi-
que, 19 mars 1852.
S; j'étais roi, 3 actes, Théâtre Lyrique, 4 septembre 1852.
La Fête des Arts, cantate, opéra-Comique. 16 novembre 1852.
Orfa, ballet, 2 actes, Opéra, 29 décembre 1852.
La Faridonduine, drame mêlé de chant, 5 actes, Porte Saint-
Martin, 30 décembre 1852.
Le Sourd, 3 actes. Opéra-Comique, 2 février 1853.
Le Roi des Halles, 3 actes, Théâtre Lyrique, 1 1 avril 1853.
Le Bijou perdu, 3 actes, Théâtre Lyrique, 6 octobre 1853.
Le Muletier de Tolède, :: arles. Théâtre Lyrique, lOdécembre 1854.
A Clichy, 1 acte, T.iéâtre lyrique, 21 décembre 1854.
Victoire, cantate, Opéra Comique et Théâtre Lyrique, 13 sep-
tembre 1855.
I.e Ronsard de Bercheny, 2 actes, < ipéra-Comique, 17 octobre 1S55.
Falsla/f, 1 acte, Théâtre Lyrique, 18 janvier 1856.
Le Corsaire, ballet. 2 acles. Opéra, 23 janvier 1856.
Cantate, Opéra, 17 mars 1856.
Mumzelle Geneviève, 2 acles. Théâtre Lyrique, 21 mars Ixr.o.
Les Pantins de Violette, 1 acte, Bouffes-Parisiens. 29 avril 1SÔ6.
Le Dernier Uni, :; actes, inédit.
MUSIQUE HBI.lUIErsE
Messe solennelle, 4 voix et chœur, orgue, violoncelles, contrebas-
ses, trombones, ophicléides et cornets à pistons, église
Saint-Eustache. 26 mars 1S37. Paris, Régnier-Canaux.
Messe à trois voix, en collaboration avec Clemenceau de Saint-
Julien.
Messe de Sainte-Cécile, soli. eh.-ur et nrchestre, exécutée le
22 novembre 1850. Pans, Jules Heinz.
Messe de l'Orphéon, en collaboration avec Halkvv, Clapisson et
Ambroise Thomas. Cathédrale de Meaux, 26 avril 1851.
Paris, Jules Heinz.
Mois de Marie de Saint-Philippe, 8 motets avec accompagnement
d'orgue, dédiés à Sa Majesté très Iblèle Doua Maria da Glo-
ria, reine de Portugal. Paris, Brandus.
Domine Salvum, trio et chœur avec accompagnement d'orgue,
Paris, Régnier-Canaux.
Hymne u la Vierge, à voix seule. Paris, Gros.
Soél, à voix seule, Paris, Gros.
Grande Marche religieuse de I Annonciation.
0 Salutaris, à deux voix, Paris, Escudier.
il Salutaris, avec orgue et orchestre, Paris, Escudier.
COMPOSITIONS DIVERSES
Romances, mélodies, ballades, chansonnettes, etc.
Les Métiers, chœurs populaires à 4 voix d'hommes. Paris, Brandus.
Les Enfants de Paris (1848), chœur à 1 voix d'hommes sans ac-
compagnement.
La Garde mobile (1848), chœur à quatre voix d'hommes sans
accompagnement.
La Marche républicaine (ISIS , chœur à 4 voix d'hommes avec
accompagnement d'orchestre.
La Muette, chœur à 4 voix d'hommes sans accompagnement.
Morceaur pour le piano et pour l'harmonium.
Bibliographie.
Adam (Adolphe). — Souvenirs d'un musicien, in-12. Paris, Lévy.
— Derniers Sourenirs d'un musicien, in-12, Paris, Lévy, 1859.
Annuaire dramatique pour /SS9. Bruxelles.
Aubavet (Xavier). — Les Jugements nouveaux, in-12. Paris, Li-
brairie Nouvelle. 1800.
Clément (Félix). — Les Musiciens célèbres, in-s<\ Paris, Ha-
chette, 1868.
Escudier (Léon). — Mes Sourenirs, in-12, Paris, Dentu, 1803.
Fétis. — Biographie universelle des musiciens.
A. Pougin. — Supplément à la Biographie de Fetts.
Halbvy. — Nolice sur ta vie et les nurrayes de M. Adolphe Adam,
in-8°, Paris, Didot, 1859 (reproduite dans Souvenirs el Por-
traits, in-12, Paris, Lévy, 1860).
Mirecourt (Eugène de) — Adolphe Adam, in-18, Paris, Faure,
1868.
A. Pouoin. — Adolphe Adam, in-16, Paris, Charpentier, 1*77.
Daniel -François- Esprit Aumbr est né à Caen le
29 janvier 1782. Son grand-père, « peintre du Roi »,
sculptait et dorait les canons de Louis XVI. Son père,
officier des chasses royales, habitait le faubourg
Saint-Denis, à Paris; et c'est seulement le hasard
d'un voyage d'agrément qui amena sa mère à lui
donner le jour dans la capitale de la Normandie.
La Révolution ruina la Camille, et l'ancien officier
des chasses royales se lit éditeur. Il ouvrit, rue Saint-
Lazare, un maeasin d'estampes. Sous le Directoire et
le Consulat, sa situation était devenue prospère, et
son salon était fréquenté par les artistes à la mode.
Le jeune Aliber, âgé de 16 ans, jouait du piano et du
violon, et chantait agréablement. Il commençait
même à composer, en amateur, et une de ses ro-
mances, le Bonjour, obtint alors une certaine vogue.
3498
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONS AIDE f>U CONSERVATOIRE
Mais il ne songeait pas encore à se consacrer entiè-
rement à la musique. Sun përe voulait qu'il lui suc-
cédâl et qu'il reprît su maison d'édition. Un séjour
de Iti mois, que le jeune homme lit à Londres pour
s'initier aux affaires et apprendre l'anglais, fut la
seule absence un peu prolongée qui éloigna pour un
temps de Paris le Parisien obstiné que resta toujours
Al'RER.
In opéra-comique Pn un arte, l'Erreur d'un mo-
ment, composé en 1803 pour une société d'amateurs,
quelques œuvres de musique île chambre écrites en
1806 ne sont encore que des passe-temps de dilet-
tante.
C'est seulement à 23 ans qu'AuBEB, présenté par
son père à Ciieiutrini, se mil tout à fait sérieusement
à l'étude de la musique sous la direction de ce maî-
tre excellent, et suivit dès lors résolument sa voca-
tion.
Après quelques succès de salon qu'il dut surtout à
la protection du comte de Caraman, plus tard prince
de Chimay, puis de la fameuse M""' Tallien, Auber
débuta au théâtre le 27 février 1813 avec le Séjour
militaire, opéra-comique en 1 acte. Mais c'est seule-
ment avec la Bergère châtelaine (1820) qu'il devait
commencer à retenir l'attention du public.
L'arrivée à Paris de Rossini fut une bonne fortune
. pour le jeune compositeur. Auber entra en relations
avec le maître : il étudia ses œuvres, lui emprunta
quelques-unsde ses procédés, mais surtouts'écbauffa,
s'anima au contact d'un artiste dont la verve prime-
sautière l'émerveillait.
Auber fit aussi, à cette époque, la connaissance de
Scribe, et dès lors, commença entre le littérateur
et le musicien celte collaboration de quarante
années qui leur valut à tous deux une réputation
incomparable dans le monde entier, et la fortune.
Voici comment ils entendaient le travail en com-
mun : Scribe traçait le plan de l'ouvrage, puis Auber
cherchait ses principaux motifs; après quoi, Scribe
y adaptait des paroles. La poésie ne pouvait pas être
davantage la très humble servante de la musique.
Auber avait perdu son père, après une fin d'exis-
tence attristée par des revers de fortune. Il avait
à sa charge une nièce, un frère et une sœur. Il ne
regrettait point d'avoir choisi la carrière musicale,
où il commençait de recueillir, non seulement des
applaudissements, mais encore d'importants droits
d'auteur.
Dès lors, la vie d'AuBER s'écoule sans incidents no-
tables. Elle n'est ni passionnée, ni romanesque. Elle
est tout unie, régulière, presque monotone.
Auber n'avait pas écrit une œuvre qui compte
avant la quarantaine. Mais il se rattrapa ensuite. En
30 ans, jusqu'en 1848, il fit représenter 34 ouvrages;
et de 1849 à 1870, il augmenta encore son bagage de
Il œuvres dramatiques.
Auber fut donc un grand travailleur. Mais, en même
temps, il fut un mondain. Jamais il ne manqua sa
promenade à cheval quotidienne, ni ses visites, ni
les soirées à la mode. Il conciliait les exigences con-
tradictoires de sa vie en partie double grâce a un pri-
vilège inestimable de son tempérament : il n'avait
pas besoin de sommeil.
Il finit par affecter, à l'égard de son art, une pro-
fonde indifférence et même de l'ennui : « J'ai aimé
la musique jusqu'à trente ans, disait-il, une véri-
table passion de jeune homme! Je l'ai aimée tant
qu'elle a été ma maîtresse, mais depuis qu'elle est
devenue ma femme!... » Et il déclarait à Richard
Wagner : « Je n'aime que les femmes, les chevaux,
les boulevards et le bois de Boulogne. >•
C'était un petit homme élégant et fin, plein d'es-
prit, et qui, sans être beau, plaisait infiniment aux
femmes. Tous les soirs, il allait au théâtre ou dans
quelque salon, et il rentrait tort tard chez lui, sou-
vent avec quelques amis, pour le souper tradition-
nel qui l'attendait. A 6 heures il était au travail, et
il y restait jusqu'à midi.
En 1829, Aurer fut nommé membre de l'Institut;
en 1839, directeur des concerts de la Cour; en 1842,
directeur du Conservatoire de musique, en l'empla-
cement de Ciieruhini, démissionnaire; en 1832, direc-
teur de la Chapelle impériale. En 1823, il avait reçu
la croix de chevalier de la Légion d'honneur; en
1833. il était promu officier; en 1847, commandeur;
en 1861, grand officier.
Sur la fin de ses jouis, Auber disait : « Il ne faut
d'exagération en rien; j'ai trop vécu. » 11 mourut en
elfet fort Agé, le 12 mai 1871, dans sa quatre-vingt-
dixième année.
Aurer a incarné l'esprit de l'opéra-comique français
au xix" siècle, et, à ce titre, son importance histori-
que est indéniable. Ce fut un gai conteur, plein d'a-
dresse, un peu froid, un peu sec, mais vraiment
spirituel. 11 faut bien avouer tout de même que cet
art très « bourgeois » a contribué plus que nul autre
à détourner les Français de toute musique sérieuse
et profonde, de tout idéal un peu élevé, et a répandu
— au détriment d'oeuvres plus nobles — le goût
superficiel, et bien parisien, du «joli ».
CATALOGUE DES ŒUVRES D'AUBER
OPÉRAS ET OPÉRAS-COMIQUES
1805. L'Erreur d'un moment, 1 acte de Monvel.
1812. Courin, 3 actes de Népomucène Lemercier.
1813. Le Séjour militaire, 1 acte de Bouilly et Dupaty.
1819. Le Testament et les billets doux, 1 acte de Planird.
1S20. La Bergère châtelaine, 3 actes de Flanard.
1821. Emma ou la promesse imprudente. 3 actes de Planard.
1823. Leicesler nu le château de Kenilworth, 3 actes de Scribe et
Mélesville.
— La Neige ou le nourel Eginhard, 4 actes de Scribe et Ger-
main Delavigne.
— Vendante en Espagne, 1 acte de Mennechet et Empis (eCcol-
laboration avec Hérold).
1821. Les Trois Genres, 1 acte de Scribe (en collaboration avec
BoÏELOIEU).
— Le Concert li la cour ou la débutante, 1 acte de Scribe et Mé-
lesville.
— Léocadie, 3 actes de Scribe et Mélesville.
1S25. Le Maçon, 3 actes de Scribe et Germain Delavigne.
1826. Le Timide ou le nouveau séducteur, 1 acte de Scribe et
Xavier (Saintine).
— Fiarella, 3 ac.tes de Scribe.
1828. La Muette de Porlici, 5 actes de Scribe et Germain Dela-
vigne.
1S29. La Fiancée, 3 actes de Scribe.
1830. Fra Diarolo ou l'h'ileltcrie de Terracine, 3 actes de Scribe.
— Le Dieu et la Butjadére, 2 actes de Scribe.
1831. Le Philtre, 2 actes de Scribe.
— La Marquise de Brinrilliers, 3 actes de Scribe et Castil-
Blaze.
1832. Le Serment nu les [aux mounuijeurs, 3 actes de Scribe et
Mazéres.
1S33. Gustave III ou le bal masqué, 5 actes de Scribe.
1834. Leslocq ou l'intrigue et l'amour, 4 actes de Scribe.
1835. Le Cheval de Bronze, 3 actes de Scribe.
1S36. Action, 1 acte de Scribe.
— Les Chaperons blancs, 3 actes de Scribe.
— L'Ambassadrice, 3 actes de Scribe.
1837. Le Domino noir, 3 actes de Scribe.
1839. Le Lnc des fées, 5 actes de Scribe et Mélesville.
1840. Zanetta ou jouer arec le [eu, 3 actes de Scribe et Saint-
Georges.
1S41. Les Diamants de la Couronne, 3 actes de Scribe el s, nul-
Georges.
1842. Le Dur d'Olnune. :\ actes de Scribe cl Saintine.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3409
La Part, du Dialilt, 3 actes de Scribe.
La Sirène, 3 actes de Scribe.
La Bnrcarolle ou l' autour et la musique, 3 actes de Scribe.
Ilaydèe ou le Secret, 3 actes de Scribe.
L'Enfant prodigue, 5 actes de Scribe.
Zerline ou lu corbeille d'oranges, 2 actes de Scribe.
Marco Spada, 3 actes de Scribe et Germain Delavigne.
Jenny Bell, 3 actes de Scribe.
Manon Lescaut, 3 actes de Scribe.
La Circassienne, 3 actes de Scribe.
La Fiancée du roi de Gurbe, 3 actes de Scribe et Sait
Georges.
Le Premier jour de bonheur, 3 nctes de d'Knnery et Corme
Rive d'amour, 3 actes de d'Ennery et Cormon.
Arrangement de Marco S/o,da en haibd :; .i.-ic-
Direrlisscmeul de Versailles,
Cérémonie du lîtiuri/eins i/cutiihiimine.
Air de danse pour Iphigcnie.
Pas styrien.
Diane chasseresse.
2 pas pour Mlle Taguoni.
Cachncha.
El Taleo.
Pas de dsux pour Mllc Aogosta.
Pas à deux faces.
Pas des hussards.
L'Athénienne.
Pas de deux pour la Muette,
.l'.TE RELIcillî
Messe de Chimay.
Litanies de la sainte Vier
Noël.
Hymne à sainte Cécile.
:>0 motels ou pièces religii
Douze caulates.
Scènes et airs.
Romances cl chan.
MUSIQrE INSTRUMENTAI E
Pour orchestre :
Concerto pour riolon.
Deux ouvertures de concert.
Marche funèbre pour les funérailles de Napoléon !•'.
Marche triomphale pour l'Exposition unirersclle de Londr
Marche militaire.
Pour instruments à cordes :
2 quatuors.
Fugue sur un thème de Funiska.
Trio, piano, riolon et violoncelle.
Concerto pour violon, alto, violoncelle et piano.
Derniers quatuors,
ft Pièces pour S violoncelles
S Pièces pour quatuor.
S Concertos faussement attribués à Umibe.
Pour piano :
illustres. T.. nie VII
Bibliographie
Anonyme. — Galerie des Contempora
M. Auber, Paris, 1S44.
Bertrand (Gustave). — Les Xatianalites musicales étudiées dans
le drame lyrique, 1 vol. in-S», Paris, Didier, 1S72.
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— Auber, aperçu biographique et intime, 1875.
Delaborde (vicomte Henri). — Eloge d'AuBER prononcé à l'Aca-
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Mirecoort (Eue
Podgin (Arthurl
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in-16,
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Carrière, 1
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//>-
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Scudo (B.). — Critique et littérature i
Hachette, 1859.
Soubies(A.) et Malherb
La seconde salle Favarl,
Flammarion, 1S92.
Wagner (Richard). — Erinnerung an Auber. t. IX, Fritzch,
Bazin.
François-Emmainiel-Joseph Bazin est né à Marseille
le 4 septembre I8IG. Il entra au Conservatoire de
Paris le 18 octobre 1834. Il étudia l'harmonie et l'ac-
compagnement avec Ijouhlen et Le Couppey, l'orgue
avec Benoist, la composition avecHALÉvv et Berton.
En 183(5, il obtint la première récompense pour l'har-
monie et l'accompagnement; l'année suivante, le
second prix d'orgue, et le second de contrepoint et
de fugue. En 1830, il concourut pour le prix de Borne
et une seconde récompense lui fut décernée : en
même temps, il remportait le premier prix d'orgue
au Conservatoire. Enfin sa cantate Loyse de Mont-
fort lui valut, en 1840, le premier grand prix de
Rome.
Pendant son séjour en Italie, Bazin composa une
Messe solennelle, qui fut exécutée à l'église Saint-
Louis des Français en 1842 et 1843, l'oratorio la
Pentecôte, et le psaume Super flumina Babylonis.
De retour à Paris, Bazin fut nommé professeur de
solfège au Conservatoire; il y devint par la suite
professeur d'harmonie.
Il lit ses débuts à l'Opéra-Comique en mai 1846
parun petitacte intitulé le Trompette de M. le Prince,
qui fut accueilli assez favorablement. Le Malheur
d'être jolie (1847), la Nuit delà Saint-Sylvestre (1849),
Madelon (1852), Mattre Palhelin (1836), les Désespérés
(1859), assurèrent à leur auteur l'estime de la cri-
tique. Mais Bazin ne connut le succès véritable au-
près du grand public qu'avec les deux ouvrages sui-
vants : le Voyage en C7w'ne(1865), et l'Oursel le Pacha
(1869).
Cependant, Bazin avait acquis une grande réputa-
tion comme professeur. Son Cours d'harmonie théo-
rique et pratique avait été très remarqué. Lorsque, à
la mort d'AuBER (1871), Ambroise Thomas fut nommé
directeur du Conservatoire, Bazin lui succéda comme
professeur de composition. L'année suivante, il était
élu membre de l'Académie des beaux-arts.
Il mourut à Paris le 2 juillet 1878.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE FRANÇOIS BAZIN
1840.
Loyse de Monlforl, cantate.
1842
La Pentecôte, oratorio.
1846
Le Trompette de M. le Prince, opéra-
1847
/.c Malheur d'être jolie, opéra-comiqi
ISi'.l
La Nuit de la Saint-Sgleeslre, opéra.
IS.-.2
Madelon, opéra-comique.
1S56.
Maître Palhelin, opéra-comique.
1859.
Les Désespères, opéra-comique.
1865
Le Voyage en Chine, opéra-comique.
1869
LOurs et le Pacha, opéra-comique.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.VVAIRE DU CONSERVATOIRE
I.r Départ des Apôtres. \
Claire ii la France , !
les Vendangeurs du Rhin. > Chœurs.
les Noces de Cerna. 1
M Mu devant Rome. \
tes Nocts de l'Adriatique., /
Truite d'harmonie théorique et prati<iue.
Traité de contrepoint.
Fétis. — Biniiriipliie des mnsieiens.
Podgin. — Supplément u t.i lliojirapliie dr Fclis.
Massbnkt. — Notice lue ii l'Académie des Béai
tel 1870.
Louis-Hector Berlioz est né à la Côte Saint-André
(Isère) le 11 décembre 1803. — Son goùtpourla mu-
sique qui, dès l'âge de 12 ans, lui faisait composer
des romances et des quintettes, dont il reprendra
plus tard les thèmes dans l'ouverture des Francs
Juges et dans la Symphonie fantastique, se déve-
loppa en dépit de tous les obstacles qu'il rencontrait
dans l'indilférence complote de ses compatriotes (il
n'existait pas un seul piano à la Côte Saint-André) et
dans l'hostilité de sa famille, qui voulait faire de lui
un médecin et l'envoya dans ce but à Paris. Mais lu,
le théâtre qu'il fréquente, les opéras de Gluck pour
lesquels il s'enthousiasme, l'amitié de Lesueur nour-
rissent sa passion. Elève du Conservatoire, à 23 ans,
sans même avoir eu le temps d'apprendre les pre-
miers éléments de son art, il produit trois chefs-
d'œuvre : les Francs Juges (1827), les Huit Scènes de
Faust (1828), qui contiennent les pagesles plus carac-
téristiques de la Damnation, la Symphonie fantasti-
que, épisode de la vie d'un artiste (1830).
Malheureusement, Berlioz ne saura pas discipliner
•son génie naturel ; il lui aurait fallu apprendre l'har-
monie, le contrepoint, la composition. Son profes-
seur Lesueur était incapable d'être pour lui un guide
sur à une époque où les théories les plus contradic-
toires se heurtaient; toute son influence se réduisit
à l'orienter vers la musique descriptive et la sym-
phonie à programme. Jamais Berlioz ne s'astreindra
à une étude minutieuse des opéras de Gluck ou des
symphonies de Beethoven, dont il entendit les pre-
mières exécutions à Paris; il se contentera de les
sentir avec son âme passionnée. Emporté par sa sen-
sibilité, entraîné par son imagination, il dédaignera
d'apprendre « le métier»; créateur d'émotions musi-
cales d'un ordre absolument nouveau, sensible sur-
tout à des sonorités d'orchestre, mais incapable de
construire, Berlioz restera pénétré de l'idée roman-
tique que le délire de la passion suffit à créer le chef-
d'œuvre. En même temps, par manque de volonté, il
n'orientera vers un idéal précis ni sa vie ni son œuvre.
Il les livrera l'une et l'autre aux caprices du hasard,
aux suggestions de ses sentiments du moment ; d'a-
bord romantique plus exagéré que les romantiques
les plus farouches, plus tard, son admiration pour
Gluck, son sens de la beauté artistique, son culte
pour Virgile feront de lui un classique par la noblesse
et la pureté de lignes de certaines pièces; mais tou-
jours, il restera incapable de parfaire une œuvre
dans toutes ses parties. Toujours à côté de trouvail-
les de génie, on peut relever chez lui des incohé-
rences, des faiblesses. Par là s'expliquent toutes les
tristesses de sa vie artistique et sentimentale; par là
s'expliquent ses échecs, ses découragements.
En 1830, après trois tentatives vaines, Berlioz
finissait par obtenir le prix de Borne. D'Italie, il rap-
porte l'ouverture du Roi Lear et Leiio ou le Retour à
la vie. Mais le succès d'enthousiasme qu'il avait
obtenu auprès du public entre 1828 et 1830, il ne le
retrouve plus; malgré tous ses efforts pour entretenir
sa popularité par le spectacle d'une vie bizarre et
tourmentée, qu'il étale complaisamment aux yeux
de tous, malgré ses multiples articles, particulière-
ment dans le Journal des Débats, où il se révèle
comme un écrivain spirituel et mordant.
De plus en plus, la faveur du public l'abandonne;
le zèle de quelques amis parvient à soutenir, au
moins en apparence, le succès d'Harold en Italie
(1834) et du Requiem (1837). Après l'échec de Benve-
nutoCellini, sifflé en 1838, il faut toute la réclame
laborieusement faite par Berlioz pour assurer à Ro-
méo et Juliette un succès factice (1839). La Symplwnie
funèbre et triomphale, composée pour l'inauguration
de la Colonne de Juillet (1840), se perd au milieu des
clameurs soulevées par les passions politiques. La
Damnation de Faust (1846) passe inaperçue.
L'étranger, il est vrai, accueille plus favorablement
les œuvres de Berlioz, mais, malgré les consolations
qu'il trouve dans ses tournées en Allemagne (1843),
en Autriche (1845) et surtout en Bussie (1843), l'ar-
tiste se déclare en 1848 « vieux, fatigué, pauvre d'il-
lusions ». Il doute de son œuvre; il a perdu la foi
dans son art; sa jeunesse s'est en allée, emportant
avec elle ses espoirs et ses rêves. Ce désenchante-
ment se manifeste dans les dernières de ses œu-
vres, dans l'Enfance du Christ (1850-1854), dans les
Troyens (1855-1863), dans Béatrice et Rénédict (1862).
Sa vie sentimentale ne pouvait lui faire oublier les
déboires de sa vie d'artiste. Les idées romantiques
sur bs droits absolus de la passion firent son
malheur. Tout jeune, séduit par la façon dont elle
jouait la Juliette de Shakespeare, Berlioz s'était
épris d'une actrice anglaise, Henriette Smithson, qui
le repoussa. Dans son désespoir, il accepte toutes
les calomnies qu'on lui rapporte sur son idole; il se
venge de ses dédains par l'odieux portrait qu'il trace
d'elle dans la Symphonie fantastique. Plus tard, par
une de ces inexplicables inconséquences de l'amour,
lorsque Henriette Smithson est devenue vieille, lors-
qu'elle est endettée, il l'épouse, pour s'apercevoir
aussitôt qu'elle ne répond en rien à l'image que sa
fantaisie s'était faite d'elle, m'abandonne alors pour
une mauvaise chanteuse espagnole, Maria REcio,qui
le couvre de ridicule, l'oblige à lui chercher des en-
gagements, mais qu'il aime. Les deuils se multiplient
autour de lui. Successivement, disparaissent son
père, sa mère, Henrietle Smilhson, Maria IIecio, son
fils. Pour Berlioz, c'est l'isolement, c'est l'ennui,
c'est le vide d'une existence sans croyance et sans
but. Sans espoir, sans enthousiasme, par habitude,
parentrainement, ilachèvela tâche commencée; crai.
gnant la mort, et l'appelant comme une libératrice.
Le 8 mars 1869 s'achevait enfin dans la tristesse
une vie brillamment commencée, lamentablement
terminée, parce que, pour reprendre une phrase de
Berlioz lui-même, « le hasard... y avait joué un trop
grand rôle », parce que, victime de sa sensibilité,
l'artiste n'avait pas su l'organiser, parce que la vo-
lonté lui avait toujours manqué.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE BERLIOZ
Mrsiyci; SYMPHONIQUK ET PRAMÂTIQriî
Le Cherat arabe, cantate pour basse et orchestre, 1 S22.
Le Passai/e de lu mer Romje, oratorio. 1S25, détruit.
La Mort d'Orphée, Concours de Rome, 1827.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3501
Serve héroïque sur lu Révolution grecque, 1826.
Grande Ouverture de Warerley, 1S27-1S2S, op. 1, publiée chez Ri-
chaull.
Ouverture des Francs Juges, IS28. op. 3, publiée en 1S34 chez
Richault.
Huit Scènes de Faust, 182S, publiées en 1828 chez Schlesinger.
Episode de la vie d'au artiste, symphonie fantastique, 1830-1832,
publiée en 1846 chez Richault.
La Marseillaise, pour grand orchestre et double chœur, 1S30.
Fantaisie sur ta Tempête, pour chœur, orchestre et piano, 1830.
Ouverture dnCorsaire, 1831, op. 21, corrigée et publiée en 1855.
Grande Ouverture du Roi Lear, 1831, op. -S.
lnlrata di Bob Roy Mac Gregor, 1831-1832, publiée en 1900, par
MM. Gh. Mai.hkrbe et Weingartner.
Le Retour à la vie, faisant suite à la Symphonie fantastique, 1831-
1832, éditée en 1855.
Les Francs Juges, opéra, 1S27-1834.
llarold en Halte, symphonie en quatre parties avec un alto prin-
cipal, 1834, publiée chez Richault.
Renveaulo Cellini, opéra en deux actes, 1834-1837, op. 23.
Romeo et Juliette, grande symphonie dramatique, 1839, op. 17,
chez Brandus, 1857.
Symphonie funèbre et triomphale, pour harmonie militaire, 1S40,
op. 15, chez Brandus.
Le Freischûtz, opéra romantique en trois actes, musique de Cari
Maria ne Weiier, celle des récitatifs de M. Hector Ber-
lioz, 1841, chez Brandus.
Le Carnaval romain, ouverture caractéristique à grand orchestre,
1843, op. 9, chez Brandus.
La Tour de Nice, ouverture, 1844, détruite.
Marche marocaine do Léopold de Meyer. instrumentée par Berlioz,
1845, chez Escudier.
Marche hongroise de Rakoc:// (introduite dans la Damnation de
Faust), 1S16.
Lu Damnation de Faust, légende dramatique en 4 parties, 1846,
publiée en 1854.
La Nonne sanglante, opéra, 1S41-1S47, détruit en grande partie.
Marche funélire pour la dernière scène dllamlel, pour orchestre et
chœur, op. 1S, n» 3, 1847.
Apothéose, arrangement sur des paroles d'A. Deschamps de la
dernière partie de la Symphonie fnnèbre.
Vax poputi, deux grands chœurs avec orchestre, op. 20, publiée
chez Richault, 1851.
La Fuite en Egypte, fragment d'un mystère en style ancien publié
chez Kistner à Leipzig.
Tristia, trois chœurs avec orchestre, 1S5Ù, op. 18, Richault, 1854.
Arrangement pour orchestre du Roi des Aulnes, de Schui.ert, 1S50.
L'Enfance du Christ, trilogie sacrée, 1S54, chez Richault, 1855.
L'Impériale, cantate pour deux chœurset orchestre, 1855, op. 26,
chez Brandus.
Les Troyens, poème lyrique en deux parties — I. La Prise de
Troie. II. Les Troyens à Carthage, 1X56-1X63, chez Chou-
dens, 1863.
Plaisir d'Amour de Martini, instrumenté pour petit orchestre, 1859.
Le Temple universel, pour double chœur el orgue, op. 2s, 1860-6 1 .
Béatrice et Bcnedict, opéra-comique en deux actes, 1860-1862,
chez Brandus, 1862.
5ICSIQ.CE DU CHANT
(Chœurs. — Mélodies.)
Recueil de Romances, avec accompagnement de guitare, 1815-
1829 (manuscrit au musée de la Cote Saint-André).
Romances tirées de l'Estelle de Florian.
Le Dépit de la Bergère, romance. 1823, chez Auguste Le Duc.
Le Montagnard exilé, chant élégiaque à deux voix égales, 1826.
Toi qui m'aimes, rerse des pleurs, romance, 1826.
Amitié, reprends ton empire, romance, 1S26.
Le Maure jaloux, romance, 1826.
Pleure, pauvre Colette, romance à deux voix égales. 1826.
Le Pécheur, ballade, 1827, publiée ,-n IS32-1S33.
Quartette e Coro dei Magot, 1828-1832, envoi de Rome.
Ilcrminie et Tanerede, cantate de concours, 1828.
Fugue à 4, fugue à U parties, 1828 ou 1829.
Cleopùlre, cantate de concours, 1829.
Neuf Mélodies irlandaises pour une ou deux voix, 1829-1S30,
rouvre 2, chez Richault en 1S30 et 1S34.
L<t Dernière Nuit de Sardanapale, cantate de concours, 1830.
Chanson de brigands, n° 2 de Lelio, 1S30.
Chaut de bonheur, tiré de la Mort d'Orphée, a" 3 de Lelio, publié en
1832 ou 33.
Méditation religieuse. <. Ce inonde entier n'est qu'une ombre fugi-
tive », chœur à six voix, lS3l,n" 1 de Tristia. op. 18.
Lu Cuplire, mélodie avec violoncelle ad libitum, 1832, publiée
chez Richault, op. 12.
Sara la baigneuse, pour trois chœurs et deux voix d'hommes,
1831, édité pour deux voix et piano, chez Richault, 1850,
Le Jeune Pâtre breton, fragment de Marie de Brizeux
Les Champs, mélodie publiée par le journal la Romance (avril
1834), édition allemande, Vienne, Mechetti.
Je crois eu vous, publiée par le journal /e Prolee, septembre 1834.
Le cinq mai ou la mort de Napoléon, pour 20 voix de basse à l'unis-
son, 1834, publiée chez Richault, op. 6.
Les Nuits d'été, 6 mélodies pour mezzo-soprano ou ténor, 1S41
chez Catelin, orchestrées en 1856.
Hymne vocal exécuté à Marseille, 1843, puis arrangé pour six
instruments nouveaux d'Adolphe Sax.
Hymne ,1 la France, 1S4 4, publié n° 2 de Vox populi.
La Belle Isabean, conte pendant l'orage, pour mezzo soprano,
1S55.
Le Chanteur danois, pour baryton, 1855.
laide boléro, 1S'»5, publié en allemand, Vienne, Mechetti.
Le Chant des chemins de fer, chœur avec solo de ténor, 1850, pu-
blié dans Feuillets d'album, op. 19, n" 3.
La Mort d'Ophèlio, pour soprano ou ténor, 1817, publié dans
l'album de la Gazette musicale, ISiS.
Fleurs des landes, 5 mélodies pour une ou deux voix et chœur,.
1848-1819, op. 13, chez Richault, 1850.
euillels d'album, 3 chants, 1850, seconde édition augmentée de
3 chants, op. 19.
L'Adieu des bergers, chanson en chœur de Pierre Ducré, 1850.
Collection de .'.'2 (puis ,-î.v) Mélodies, après 1860.
Messe solennelle. 1X24-1827.
Grande Messe des Morls, 1X37, op. 5, chez Brandus, 1838, nou-
velle édition chez Kicordi à Milan.
Plains-chants de l'Eglise grecque à 4 voix, arrangés à 16 voix pour
la chapelle de romp-rour de Russie ; existence douteuse!
1843. "
Paler nosier, Adoremus, deux chœurs a capella d'après Bort-
niansky, 1S50.
Te Deum pour 3 chœurs avec orchestre et orgue, 1855, op. 22,
chez Richault.
Deux Sextuors, pour instruments à cordes, flûte et cor, 1819 (dé-
truits).
Le Ballet des Ombres, ronde nocturne pour piano, 1829, œuvre 2,
chez schlesinger, 183U.
Rêverie el Caprice, romance pour violon solo et orchestre, 1S39,
op. 8, Vienne, Mechetti, 1841, Richault.
Sérénade ii la Madone, Hymne et Toccata pour harmonium, 1845,
publiés parCh. Malherbe.
Ouvrage didactique.
Grand Traite d'Instrumentation et d'Orchestration modernes, Paris,
Schonenberger, 1844. Nouvelle édition en 1856, suivie de
l'Art du chef d'orchestre. Traduit en allemand par J.-C.
Grunbaum, par Leibrok, par Ddnfel, traduction anglaise.
Œuvres littéral.
1S23-1S3S. Pol,
1829-1869. An
1832. Lettre d'i
1833. Articles l
es au Corsaire.
pondant.
: a la Revue européenne.
'Europe littéraire.
1833-35. Rerue musicale au Rénova
1834-1859. Collaboration àla Revue et Gazelle Musicale.
1831-1863. Collaboration au Journal des Débals.
1835. Collaboration au Monde dramatique et à l'Italie pittoresque.
1836-1838. Collaboration à la Chronique de Paris.
1839. Collaboration à la Revue musicale.
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lisclies Skizzenbuch (1896); Musikulisclies und Lilerarisches
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(Paris, Hachette, 1904); Les Trayais eu Allemagne (Revue
internationale de musique, 15 juin 1S9S); llerlioztana (le
Ménestrel, 1903-1904).
Wagner (Richard). — Gesammelle Schriften und Diehlungen,
10 vol. (Leipzig, 1897); Nachgelasseueu Sehriflen mut
Diehlungen (Leipzig, Breitkopf).
Weckeblin. — ilusieiauii : Souvenu Mil iciauit z Dernier ilitsiciuno
(Paris, Garnier, 1877, 1890, 1899).
Weingartner (Félix). — Die Sgiuphonie nuch Beethoven (Berlin,
1898), trad.deMmûC. Chbvillard (Paris, Durand, 1900);
cf. Hugues Imbekt, Lu Symphonie après Beelhnrea, réponse
à M. Weingartner (Paris, Fischbach.i. 1900).
Voir les journaux de musique : Reniée! Gazelle musicale de Dans :
le Ménestrel, le Guide Musical; le Monde artiste; la Renais-
sance musicale : l'Iu lépeuiauee m uicale i 88 1 - 1 Ss3:, la Ré-
publique de l'Isère ^16 et 21 août 1903.; Discours de :
Reyer, Macssnbt, Sai.vt-SabïIS ■■! Maréchal aux fêtes
de Grenoble et delà Côte Saint-Andrc (15 et 23 aoùl);
îiques de musi-
que (Fétis, Poouin, Grove, Me
Berton.
Henri Montan Bf.rton est né à Paris le 17 sep-
tembre 1767. Son père Pierre Montan Berton (1727-
1780) avait été chanteur, compositeur, directeur de
l'Opéra, et lorsqu'il mourut, sa veuve obtint une pen-
sion de 3.000 francs, et sou fils en eut une autre de
1.500 francs.
Henri Berton commença de très bonne heure d'ap-
prendre la musique. A 15 ans, il entrait à l'Opéra
comme violoniste. Il étudia la composilion d'abord
avec Rey, chef d'orchestre de l'Opéra, puis avec Sac-
cbini. En 1786, il faisait entendre ses premiers ouvra-
ges au Concert Spirituel. L'année suivante il donnait
son premier opéra à la Comédie Italienne, les Pro-
messes de mariage, et bientôt il devenait un des au-
teurs aimés du public.
En 1795, lorsque le Conservatoire de musique fut
définitivement organisé, Berton y enseigna l'har-
monie.
De 1807 à 1809, il fut directeur de la musique à
l'Opéra Italien et il eut l'honneur de faire entendre
pour la première fois aux Parisiens les JVo;;e di
Figaro de Mozart.
De 1809 à 181b, Berton exerça les fonctions de chef
du chant à l'Opéra.
En juin 1815, le nombre des membres de la section
de musique à l'Institut ayant été porté de trois à six,
Berton, Catel et Cheruoini furent désignés pour oc-
cuper les trois nouveaux fauteuils.
Bientôt après, le roi le faisait chevalierde la Légion
d'honneur.
Lors de la réorganisation du Conservatoire de
musique en 1816, Berton y fut appelé comme pro-
fesseur de composition.
Il mourut à Paris le 22 avril 1844.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE BERTON
Ahsalon. oratorio, Concert Spirituel, 1780.
Jephte, oratorio, Concert Spirituel.
David dans le temple, oratorio, Concert Spirituel.
Les Bergers de Belh/eem, oratorio, Concert Spirituel.
La Gloire de Sioa, oratorio, Concert Spirituel.
Marie de Segmours, cantate, Concert Spirituel.
Orphée dans les bois, cantate, Concert Spirituel.
Le Premier Navigateur, opéra en un acte inédit, I7S0.
Les promesses de mariage, 2 actes, Comédie-Italienne, juillet 1787.
L'Amant ù l'épreuve, 2actes, Comédie-Italienne. 5 décembre 1787.
Cora, opéra en 3 actes, répété ^éiiéraleinent à l'Académie royale
de musique en I7S9, et dont la représentation fut empê-
chée par les troubles révolutionnaires.
Les Brouilleries, Comédie-Italienne, 1" mars 1790.
Les Rigueurs du Cloître, 2 actes, Comédie-Italienne, 23 août 1790.
Le Nouveau d'Assas, 1 acte, Comédie-Italienne, octobre 1790.
Les Deux Sentinelles, 1 acte, Théâtre Favart, 27 mars 1791.
Eugène, 3 actes, Théâtre Feydeau, 1 1 mars 1793.
Le Congrès des Rois, en collaboration avec 11 autres composi-
teurs, 3 actes, Théâtre Favart. 20 février 179 4.
Eugène Viola ou le lieras de la Dnratiee, 1 acte, Théâtre Fevdeau,
9 octobre 1794.
Tyrlèe (Legouvé), 2 actes, répété généralement à l'Opéra, mais
non joué.
l'once de Léon, 3 actes, Théâtre Favart, mars 1797.
Le Rendez-vous suppose ou le souper de famille, 2 actes, Théâtre
Favart, 5 août 1798.
Montana et Stéphanie, 3 actes. Théâtre Favart, 1799.
La Nouvelle au camg de l'assnssuiu! '//'s miuis/re'i front n/\ u linsl.fU,
scène patriotique, Opéra, 14 juin 1799.
L'Amour bizarre mi les projets déranges, 3 actes. Théâtre Favart,
30 août 1799.
Le Délire ou les suites d'une erreur, 1 acte, Théâtre Favart, 0 dé-
cembre 1799.
Les Deux Sons-Lieutenants ou le concert iitlerrom/m, 1 acte, Théâ-
tre Feydeau, 29 mai 1802.
Aline, reine de Golconde, 3 actes, Opéra-Comique, 3 septembre
1S03.
La Romance, 1 acte, Opéra-Comique, 21 janvier IS01.
rrasibule, cantate scénique, Hôtel de Ville, 10 décembre 1804.
Le Vaisseau Amiral ou Forbin et Delville, 1 acle, Opéra-Comique,
1" avril 1805.
Délice el Venlikan, 1 acte, Opéra-Comique, 8 mai 1S05.
Les Maris garçons, 1 acte, Opéra-Comique, 15 juillet ISOfi.
Le Chaut du Retour, cantate, Opéra-Comique, 28 juillet 1807.
Le Chevalier de Sènangis, 3 actes, Opéra-Comique, 23 juillet 1808.
ENCYCLOPEDIE de la musique et dictionnaire du conservatoire
Sinon cli,- »«••■ de Sciii/nc, 1 acte, opéra-Comb lui-, 2ii septembre
1808.
Foi.t, 3acles, Opéra-Comique, 28 janvier Imv.i.
in Charme tel» Vins, 1 acte, Opéra-Comique, 24 janvier 1811.
I.» Victime des Arls ou In {fie de famillt. 2 actes, en collaboration
avec Niooi.0, Isouaiw cl Souk, opéra-Comique, £8 février
1811.
I.' Enlaçaient îles Snl'ines, ballet en 3 actes, Opéra, 2". juin 1S11.
L'En/tml prodigue, ballet eu 3 actes, 28 avril 1812.
Vnleiilin nu te paijsan romanesque, S actes, Qpéra-Comiçfue,
18 septembre lsia.
L'Oriflamme, l acte, eu collaboration avec Mkhui., Paer et
Kiiki-t/rr, Opéra, 1er février 1814.
L'Heureux Retour, ballet en 1 acte, en collaboration avec Pkksdis
et Kreutzer, Opéra, 25 juillet 1815.
Les Dieux Rivaux ou In {été <le Cythère, 1 acte, en collaboration
avec Spontini, I'krsuis et Kreutzer, Opéra, 21 juin isiu.
ftaitr ou If batelier du Don, 1 acte, Opéra-Comique, 15 octobre
1816.
Roger (te Sicile ou le roi troubadour, 3 actes, Opéra, 4 mars 1817.
Carisaudre ou ta rose magique, 3 actes, Opéra-Comique, 29 juillet
1820.
Blanche de Provence ou ta cour des Fées, 1 acte, en collaboration
avec Boïbldied, Cherdbini, Kreutzer et Paer, Opéra,
3 mai 1821.
Virginie ou les Décennies, 3 actes, Opéra, 11 juin 1823.
Les Deu.r Mousquetaires nu la robe de chambre, 1 acte, Opéra-Co-
mique, 22 décembre 1824.
La bière et lu Fille, 3 actes, non représenté.
l'hnranwnil, 3 actes, en collaboration avec BoIeldieuc! Kbbitzer,
opéra, 10 juin 1S25.
Les Créoles, 3 actes, Opéra-Comique. 14 octobre 1827.
Les Petits Appartements, 1 acte, Opéra-Comique, 9 juillet 1827.
/,./ Marquise de llrinrilliers, 3 actes, en collaboration avec 8 autres
compositeurs, opéra-Comique, 31 octobre 1831.
Cantiques de Saiul-Sulpice, accompagnement à 3 voix, Paris, Ba-
beuf, in-S°.
Recueil de 9 cumins ù S et 4 roix, Paris, Dutian.
I ; Canons, dédiés à la Société de la Goguette.
Iliuiiunces, duos, Irios, etc.
Le» Sérénades de Paris «a les Petits Concerts de Société en trio,
Paris, de la Chevardière.
Traité d'harmonie, suivi d'un Dictionnaires des accords, 4 vol. in-
4°, Paris, 1815.
De la Musique mécanique et de In Musique philosophique, in-8°, Pa-
ris, 1826.
Réponses à quelques propositions erronées, avancées dans le Jour-
nal du miroir par M. le Grand, juge des réputations lit-
téraires et musicales, in-8% Paris.
1k la Musique mécanique et ttt 'la Musique philosophique, Paris, 1822,
24 pages, in-S°.
E/iilrc n nu célèbre compositeur français (Boïelmeu), précédée de
quelques observations sur la musique mécanique et sur
la musique philosophique, Paris, 1829, 48 pages. in-8°.
Articles sur la Musique, dans l'Encyclopédie publiée par Courtin.
Bibliographie.
Raoul Rochette. — Xolice historique sur la Vie et les Ouvrages
de M. Berlon, Paris, Didot, 1816.
Henri Blanchard. — Biographie des compositeurs, Paris, 1839,
Fétis. — Biographie universelle des Musiciens.
A. Pougin. — Supplément ii la Mogruphie de Fclis.
A. Poouin. — L'Opéra-Cnnnque pendant la Rernhilioii, Paris, 1891.
Boïeldieu.
François-Adrien Boïeldieu est né le 15 décembre
1775 à Rouen. Ses parents étaient de bons bourgeois
aisés. De bonne heure, le petit Boïeldieu entra, comme
enfant de chœur, à la maîtrise de la cathédrale, et
c'est là qu'il apprit la musique sous la direction du
féroce M. Broche, maître de chapelle, qui l'accablait
de coups. Une représentation de Barbe-Bleue de Se-
daine et Ghétry au Théâtre des Arts l'enthousiasma
et lui découvrit peut-être sa véritable vocation. Le
2 novembre 1793, il faisait représenter à Rouen un
opéra-comique en 2 actes, la Fille coupable, dont le
livret était de son père. Ce fut un succès; et deux
ans plus tard, Rosalie et Mirza, pièce en trois actes
(28 oct. 1795), due encore à la collaboration du père
et du fils, obtint de nouveau les applaudissements des
Kouennais.
Mais Boïeldieu veut connaître Paris. Il a vingt ans.
Il se sauve de la maison paternelle en grand mystère-
II est rattrapé par un vieux serviteur de la famille,
Delys, qu'on a lancé à sa poursuite, non pour le
ramènera Rouen, mais pour lui donner une lettre
de recommandation auprès de Mollien, le grand
financier.
Voici Boïeldieu qui fréquente les salons parisiens,
qui y chante ses romances, et partout où il passe il
plaît. Pour gagner sa vie, il accorde les pianos chez
Erard, mais il y donne aussi des concerts.
Le 5 septembre 1791, il fait ses débuts à la salle
Feydeau avec un petit acte, La Dot de Suzette, très-
favorablement accueilli. La Famille suisse (février
1797) et Zoraïme et lidnare (1798) répandent davan-
tage son nom dans le public. Mais voici que sa répu-
tation s'établit définitivement avec le Calife de Bag-
dad (16 déc. 1800), dont sept cents représentations
consécutives n'épuiseront pas le succès vraiment
extraordinaire.
Boïeldieu fait alors la connaissance de Chehubini,
qui lui donne quelques conseils, dont il avait grand
besoin, car il ne savait pas grand'chose de son métier
de compositeur, et c'est d'instinct qu'il composait.
Le Conservatoire venait d'être fondé : Boïeldieu y
entra comme professeur à l'âge où d'autres sont
élèves. Il donne des leçons, quand il devrait encore
en recevoir. N'importe! Il entraine ses élèves par son
exemple, et s'il ne leur apprend pas grand'chose, il
a la modestie de reconnaître son ignorance.
Ma Tante Aurore (13 janvier 1803), abrégée de trois
actes en deux, devient une des pièces favorites du
public.
D'une liaison fort romanesque avec une dame du
monde, Boïeldieu a une fille, qu'il reconnaît, et qui
aura toute l'amabilité, tout le charme de son père-
Mîis Boïeldieu fait la sottise de se laisser conduire
au mariage par une danseuse de l'Opéra, Mlie Clotilde
Malfleuroy. La vie n'est pas tenable avec elle. 11 la
fuit, il se sauve à l'autre bout de l'Europe. Marié le
19 mars 1802, Boïeldieu arrive à Saint-Pétersbourg
en avril 1803.
11 restera huit années auprès du tsar, dont il devint
le maître de chapelle, à la condition de lui fournir
trois opéras chaque année.
Inutile d'observer que Boïeldieu passa à côté de la
musique populaire russe sans même la remarquer.
Pour un Français d'alors, ces Barbares valaient-ils la
peine d'être écoulés?
Les Voitures versées furent le meilleur ouvrage-
écrit par Boîeld'ieu en Russie.
En 1811, Boïeldieu revient à Paris. En son absence,
Nicolo a pris la première place. Ses Rendez-vous
bourgeois (1807) ont fait courir toute la ville.
Boïeldieu débute par un coup de maître, Jean de
Paris (4 avril 18)2). Le <• style troubadour » en plaît
infiniment. Puis c'est le Nouveau Seigneur du village
(29 juin 1863), où le célèbre baryton Martin trouve
une de ses plus belles créations.
Cependant Nicolo donnail en 1814 son chef-d'œu-
vre : Joconde ou les Coureurs d'aventures.
Boïeldieu répond par sa Fête du village voisin
(18 juin 1816), avec la délicieuse romance de Rémy :
« Simple, innocente et joliette. »
La rivalité des deux compositeurs est près de unir.
La mort de Méhul laisse un siège vacant à l'Institut.
Nicolo et Boïeldieu se disputent la place. C'est Boïel-
dieu qui l'obtient. Quelques mois après, Nicolo en
meurt de dépit.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3505
Le Petit Chaperon rouge (30 juin 1818) ajoute encore
à la renommée d'un auteur toujours heureux.
Mais voici un nouveau venu qui pourra détourner
sur lui l'affection du public. Le Barbier de Sèville de
Rossini est représenté à Paris en 1819, et, après
quelques hésitations du public, le succès prend peu
■a peu les proportions d'un triomphe éclatant. Boïel-
dieu n'en a point ombrage. Il est des premiers à
vanter les mérites de cette musique italienne si
facile, si coulante, si lumineuse. Lui-même, qu'a-t-il
à envier aux autres? Il va bientôt écrire pour l'Opéra-
iComique un des ouvrages qui reliendronl le plus
longtemps et de la façon la plus continue la faveur du
tpublic; la Dame blanche (10 décembre 1825).
Boïeldieu est presque devenu un grand homme.
La duchesse de Berry se l'est attaché comme com-
positeur ordinaire. Le roi lui fait une pension de
1.200 francs. Il jouit de sa gloire très simplement, et
sans s'exagérer les mérites qui la lui ont value.
Le 22 janvier 1827, Boïeldieu, enfin veuf, se remarie
avec la sœur de la chanteuse Philis, elle-même veuve,
née Jenny Desoyres. Il vieillit déjà et se fatigue.
Souvent il se repose à sa maison de campagne de
Villeneuve-Saint-Georges.
La Révolution de 1830 met Boïeldieu dans l'em-
barras. Sa santé ne lui permet plus de faire sa classe
au Conservatoire. Sa pension sur la cassette du roi
lui fait défaut. Il n'apas d'économies. Heureusement,
bientôt un ministre généreux lui accorde une nou-
velle pension de trois mille francs.
Boïeldieu est maintenant très malade. Il souffre
d'une phtisie laryngée. Ce musicien, qui ne pouvait
composer qu'en chantant, ne compose plus. Il peint,
il dessine. II voyage, il cherche le soleil. Il s'établit
enfin dans une maison de campagne près des ruines
de l'abbaye de Jarcy, au voisinage de la forêt de Se-
nart, et c'est là qu'il meurt le 8 octobre 1834, après
un dernier essai interrompu de voyage dans le Midi-
Quoiqu'il n'eût fait que des études techniques insi-
gnifiantes, la facture des œuvres de Boïeldieu est
assez soignée. Il est le plus remarquable représen-
tant de l'opéra-comiqui- français de 1800 à 18:10. Il a
des inspirations charmantes de fraîcheur et de naï-
veté, d'un contour mélodique très pur, qui rappel-
lent parfois Mozart, sans sa profondeur, sans son
intimité, mais avec quelque chose de son esprit et de
sa légèreté. A cet égard, certaines pages de Ma Tante
Aurore et du Nouveau Seigneur sont plus significatives
que la trop célèbre Dame blanche.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE BOÏELDIEU
1793. Lu Fille coupable, 2 actes.
1795. Rosalie cl Mirza, 3 actes.
1797. la Famille suisse, 1 acte.
L'heureuse nouvelle, 1 acte.
Le Pari, 1 acte.
1798. Zoraiuic et Zulaare, 3 actes.
La dot de Susette, 1 acte.
1799. Les méprises espagnoles, 1 acte.
Emma ou la Prisonnière, 1 acte.
1800. Beniowski, 3 actes.
Le Calife de Bagdad, 1 acte.
1803. Hâtante Aurore, 3 actes, puis 2.
Le Baiser et la Quittance, 3 actes.
1801. Aline, reine de Golconde, i actes.
Amour et ilijslère, 1 acte.
Abderilian, 1 acte.
Un tour de soubrette, 1 acte.
1805. La jeune femme colère, 1 acte.
1S06. Télemaque, 3 actes.
1808. Les toitures versées, 2 actes.
La dame invisible, 1 acte.
1810. Bien de trop, 1 acte.
1812. Jean de Paris, 2 actes.
1S13. Le nouveau seigneur du village, 1 acte.
1811. Bayari a blèzières, 1 acte.
Le Béarnais, 1 acte.
Angola, 1 acte.
1810. La Fête du village voisin, 3 actes.
Charles de France, 2 actes.
ISIS. Le petit chaperon rouge, 3 actes.
1821. Blanche de Provence, 1 acte.
1823. La France et l'Espagne, intermède.
1S24. /.c.\* Trois genres, à pi'upns pnur le théàlie <!<' l'Oib'nn.
1825. Pharamond. 3 actes.
La Dame blanche, 3 actes.
1S29. Les deux nuits, 3 actes.
1831. La marquise de Briurilliers, 3 actes.
Romances, 15 recueils.
Trois Sonates pour le forte-piano, dédiées à Rode.
Grande Sonate pour le forte-piano enso/ mineur.
Duos pour la harpe et le forte-piano.
Trio pour forte-piano avec accompagnement de violon et de
violoncelle.
Sii Valses pour le forte-piano.
Air arec neuf variations, pour piano et harpe.
Air anglais varié pour le piano.
Bibliographie.
la fui de
rochure, Paris,
Aigoin (Louis). — Boïeldieu
1902.
Afgé un Lassos. — Boïeldieu, 1 vol. de la collection lies Mu-
siciens Célèbres, Paris, Laurens.
Boïeldieu aux Champs-Elijsées et son apothéose, tableau en un acte
mêlé de chants, Rouen, 1834, in-S°, de 32 pages.
Boïeldieu et les honneurs rendus à ee eelebre compositeur, Rouen,
P. Baudry, 1836, in-8° de 20 pages.
Doval (Em.). — Boïeldieu, notes et fragmenta inédits, Genève,
1883.
Héqoet (G.). — .4. Boïeldieu, sa vie et ses œuvres, Paris, ISoi,
grand in-8° de 115 pages.
Lambert (G.). — Discours pour la translation du cirur de Boïeldieu
a Rouen le I S novembre 1834, Paris, 1846, in-8°deI2S pages,
Poogin (Arthur). — Boïeldieu, sa vie et ses oeuvres, 1 vol. in-S°.
1875.
Précis du procès de la sérénade donnée le -15 'octobre 1829 ;ï
M. Boïi.i.DiKO, Rouen, 1829, in-8° de tapages.
Procès-Verbal de la cérémonie funèbre en l'honneur de Rineldieu,
Rouen, 1835, grand in-8" de 39 pages.
Rbfpveii.le. — Boïeldieu, sa vie et ses œuvres, Rouen, 1851, in-S»
de 43 pages.
Carafa.
Michel-Henri-François-Vincent-AIoys-Paul Carafa
de Colobrano, compositeur d'origine italienne, na-
turalisé Français, est né à Naples le 17 novembre
1787.
Il était le second fils du prince de Colobrano, duc
d'Alvito, lui-même compositeur assez distingué.
Il commença l'étude de la musique à 8 ans au
couvent de Monte Oliveto, et il y réussit tellement
bien qu'il se risqua, jeune encore, à composer, mais
en simple amateur, sa naissance le destinant au mé-
tier des armes.
11 était officier dans l'armée napolitaine lorsqu'il
fut fait prisonnier par les Français au combat de
Campo-Tenese, en 1806. II plut à Murât, qui se l'atta-
cha comme écuyer particulier. Il fit ensuite l'expé-
dition de Sicile comme lieutenant de hussards du
nouveau roi; puis il l'accompagna comme officier
d'ordonnance pendant la campagne de Russie, d'où
il revint chef d'escadron et chevalier de la Légion
d'honneur.
Bevenu après 1814 à la vie civile, Carafa, quoi-
que riche, songea à employer autrement qu'en
amateur ses dons de musicien. Il avait fait jouer à
Naples en 1802 un petit opéra, il Fantasma; en 1811,
un ouvrage plus important, il Vascello d'Occidente. Il
se mit à composer des opéras pour les théâtres des
grandes villes de l'Italie. Puis il vint se fixer à Paris,
où il obtint bientôt une réputation enviée.
22»
ENCYCLOPÉDIE DE LA MISKjUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
En 1837, il fut élu membre de l'Académie des
beauj arts, en remplacement de Lbsueur. En 1838,
on le nomma directeur de Gymnase de musique mi-
litaire, el en 1840 professeur de composition au Con-
servatoire.
Carafa mourut le 26 juillet 1X7-2.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE CARAFA
OI'ÉIUS REPRÉSENTÉS EN ITALIE OIT A VIENNE
Il Fantasma, opéra semi-seria, 2 actes, Naples, 1802.
/; Vascellod'Ocàilente. opéra séria, 2 actes, Naples, Fondo, lbll.
;.,i Getosifl corretta, ossia mariti aprite gli occlii, opéra semi-seria,
2 actes, Naples, Fiorentini, 1815.
Sàbriellt di Yergi, opéra séria, 3 actes, Naples, Fonde-, 3 juillet
1816.
JUgenia in ïauride, opéra séria, 2 actes, Naples, San- Carlo,
I S 17.
Adèle di Lusigmno, opéra séria, 2 actes, Milan, Scala, 27 sep-
tembre 1817.
Bérénice ni Siriu, opéra séria, 2 actes, Naples, San-Carlo, 1818.
Elisaielln in Derigshire, opéra séria, 2 actes, Venise, 26 décembre
1818.
// Sucri/izii, d'Epito, opéra séria, 2 actes, Venise, 1819.
C.li due Fn/aro ossia il »»(««* «>«< cominediu, opéra bufta, 2 actes,
Milan, Scala, ô'juin 1820.
Lu Capricciosa ed il soldato, ossia m momento di leswne, opéra
semi-seria, 2 actes, Rome, 1823.
Eufemio di Slessiua . opéra séria, 2 actes, Home, 1823.
Al'iifur ossia la famiglia arabe, opéra séria, 2 actes, Vienne,
Théâtre Italien, 1823.
Il Soiinaittiuln, opéra semi-seria, 2 actes, Milan, Scala, 13 no-
vembre 1824.
Aristodemo.
Gt'ltalici e gl'Indiani.
OPÉRAS ET BALLETS REPRÉSENTÉS EN FRANCE
Jeanne d'Arc, 3 actes, Opéra-Comique, 10 mars 1821.
Le Solitaire, 3 actes, Opéra-Comique, 17 août 1822.
Le Valet de chambre, 1 acte, Opéra-Comique, 16 septembre 1S23.
L'Auberge supposer, 3 actes, Opéra-Comique, 26 avril 1824.
La Belle au bois dormant. 3 actes, Opéra, 2 mars 1825.
Saimarido, 1 acte, Opéra-Comique, 19 mai 1827.
Musaniello ou le pêcheur napolitain, 4 actes, Opera-Comique,
27 décembre 1827.
La Violette, en collaboration avec Leborne, 3 actes, Opéra-Comi-
que, 7 octobre 1828.
denuij, 3 actes, Opéra-Comique, 26 septembre 1S29.
Le Sozze di Lammermoor. Théâtre Italien, 12 décembre 1829.
L'Auberge d'Auraij, en collaboration avec Hérold, Opéra-Comique,
II mai 1830.
L Orgie, bal'et en 3 actes. Opéra, 18 juin 1831.
Le Livre de l'ermite, 3 actes, Opéra-Comique, 11 août 1831.
Nathalie ou la laitière suisse, en collaboration avec Gyrowetz,
ballet en 2 actes, Opéra, 7 novembre 1S32.
La Prison d'Edimbourg, 3 actes, Opéra-Comique, 20 juillet 1833.
Une Journée de la Fronde, Opéra-Comique, 7 novembre 1833.
La Grande Duchesse, 4 actes, Opéra-Comique, 16 novembre 1835.
Thérèse, 2 actes, opéra- Comique, 26 septembre 1838.
Il Natale di Ciove; Achille e Deidamia, cantates (œuvres d'extrême
jeunesse).
Tamerlana, opéra séria, 1822, non représenté.
Sœur Agnès ou la religieuse, scène lyrique.
La marquise de Brinvilliers, 3 actes, en collaboration avec Auber,
Batton, Berton, Blangini, Boïeldieu, Cherobini, Hé-
rold, Paer, Opéra-Comique, 31 octobre 1831.
Les premiers pas, prologue en 1 acte, pour l'ouverture de l'Opéra
National, en collaboration avec Adam, Acber et Halévy,
15 novembre 1847.
Rocilatifs pour la Sèmiramis de Rossini, opéra, 4 juillet 1860.
blessa di Gloria, à 4 voix.
blessa di Requiem,
Stabat Mater.
Are rerum pour ténor solo, chœurs et orchestre.
Solos pour flûte, clarinette, hautbois, basson, cor avec accom-
pagnement d'orchestre.
Bibliographie.
Fétis. — Biographie uitii erselle des Musiciens.
Pougin. — Supplément à la Biographie de Felis.
François Bazin. —Notice sur Carafa, Paris, Didot, in-4», 1873.
Catel.
Charles-Simon Catel est né à Laigle, dans le
département de l'Orne, le 10 juin 177:s. Nous possé-
dons peu de renseignements sur son enfance, et
nous ignorons dans quelles circonstances se mani-
festa son goût pour la musique. Tout ce que nous
savons de cette période de sa vie, c'est que, venu
très jeune à Paris, il fut remarqué par Sacchini,
que séduisit la beauté de sa voix. En 1781, à l'âge
de onze ans, il entrait à l'Ecole royale de chant et
de déclamation, fondée l'année précédente, sur les
sollicitations de l'intendant général Papillon de la
Ferté, en vue du recrutement et de la formation
d'artistes pour l'Opéra et pour la chapelle du roi.
Le jeune Catel y étudia le piano sous la direction
de Gobert; Gossec, qui le prit en affection, lui donna
des leçons d'harmonie et de composition; vers le
milieu de 1787, il était nommé accompagnateur et
professeur adjoint à l'Ecole royale de chant.
La dévolution fournit à Catel les occasions de
se faire connaître : dès le 16 août 1789, il signait
un engagement volontaire dans la garde nationale
de Paris, « à la charge de s'habiller à ses frais ». En
1790, il était attaché comme musicien de première
classe au corps de musique de la garde nationale
que venait d'organiser son ami Sarrette. Dès lors,
à côté du lieutenant Gossec, son ancien professeur,
il prend part à toutes les manifestations musicales
de l'époque. Il écrit des pas redoublés, des marches
militaires, généralement adoptés par les demi-bri-
gades pendant les guerres de la Révolution; pour
la pompe funèbre de Gouvion, major général de la
garde nationale, il compose un De Profundis avec
chœur et orchestre (11 juin 1792); pour une fête ré-
volutionnaire sur des paroles de M.-J. Chénier, un
Hymne ii l'Egalité.
Vers cette époque, il semble avoir été attaché à
l'armée du Rhin, probablement en qualité de chef
de musique, et n'être revenu à Paris que le 30 no-
vembre 1792. C'est alors qu'il est nommé professeur
de première classe de solfège et d'harmonie dans la
musique de la garde nalionale, et en même temps
accompagnateur à l'Opéra, fonction qui lui rapporte
2.000 livres d'appointements (sans compter plus
tard une pension de 1.500 livres qu'il conservera jus-
qu'au 6 septembre 1803).
Les années qui suivirent sont celles de la produc-
tion la plus intense de Catel : s'étant rendu compte
de l'insuffisance et des inconvénients de l'emploi
des instruments à cordes pour des fêtes qui avaient
lieu en plein air, il écrit surtout pour les voix ou
pour les instruments à vent, comme l'avait déjà fait
Gossec dans le Te Deum du 14 juillet 1790 {Ouverture,
Hymne sur la reprise de Toulon, exécutés dans un
concert du 20 novembre 1793). En 1794, il multiplie
ses compositions, et, sur vingt-qua'tre œuvres de
Catel écrites pendant la période révolutionnaire,
dix au moins datent de cette année : Stances pour
la fabrication des canons, poudres et salpêtres; Mar-
che, Pas de manœuvre, Marche pour instruments à
vent; Hymne à la Victoire sur la bataille de Fleurus;
la Bataille de Fleurus; Marche, Symphonie militaire;
Marche, Ouverture pour instruments à vent. 11 colla-
bore activement aux répétitions qui précèdent la
fête de l'Etre suprême, et figure parmi les signataires
de la lettre collective, adressée par certains musi-
ciens au Comité de Salut public, pour annoncer leur
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3507
intention d'aller dans les sections apprendre au
peuple à chanter. Catel est désigné pour faire
répéter les hymnes révolutionnaires à la section
Marat. En juillet 1794, il prend comme compositeur
une part importante à l'organisation de concerts du
peuple dans le jardin des Tuileries. Les années qui
suivent sont marquées par l'apparition d'un certain
nombre d'œuvres nouvelles (Symphonie, Stances pour
l'anniversaire du '.) thermidor, Hymne du 10 août,
Chant du banquet républicain, Chant pour l'anniver-
saire de la fête de la République, Hymne à la souve-
raineté du peuple). Aussi, lorsque, le 22 septembre
1796, la Convention remerciait officiellement les
« poètes et les compositeurs qui avaient contribué à
l'ornement des fêles nationales », Catel était nommé
en troisième place, immédiatement après Gossec et
Méhul. Sans doute, dans toutes ces compositions
pour les fêtes révolutionnaires, Catel n'invente au-
cune forme nouvelle et reste le disciple fidèle de
Gossec; cependant, avec un certain goût pour l'é-
criture polyphonique, il semble avoir compris ce
qu'exigeaient les circonstances très spéciales dans
lesquelles ces œuvres étaient exécutées.
Fournisseur presque attitré des fêtes révolution-
naires, Catel joua aussi un rôle important dans l'or-
ganisation du Conservatoire de musique, où il avait
été nommé professeur d'harmonie dès l'ouverture
de l'école. En face de la variété des méthodes em-
ployées, en face de l'incohérence qui en résultait, les
professeurs avaient bientôt senti la nécessité d'une
unité dans l'enseignement. Une commission avait
été créée en 1799 peur la rédaction des principes
élémentaires de musique; Catel joua dans celte
commission un rôle important. Ce fut lui encore qui
parvint à mettre d'accord les membres de la com-
mission chargée d'unifier l'enseignement de l'har-
monie; son projet fut adopté et devint, en 1802, le
Traité d'harmonie, que louait Cherubini et qui, pen-
dant 20 ans, resta classique au Conservatoire.
Son succès au Conservatoire fut peut-être une des
causes de ses échecs au théâtre. La lutte était vive,
en effet, entre partisans et adversaires de la nouvelle
école, et lorsque, le 4 mai 1802, Catel donna à l'O-
péra sa Sêmiramis, il eut contre lui tous les détrac-
teurs de son système d'harmonie; la pièce n'eut que
vingt-quatre représentations. La musique de Catel
était considérée comme une « musique savante »,
épithète qui était de nature à la rendre suspecte au
public. Aussi, ne connul-il jamais le succès au théâ-
tre, ni dans les Artistes par occasion, ni dans l'Au-
berge de Bagnères, ni dans les Aubergistes de qualité.
Cependant, son ballet héroïque Alexandre chez Apelle
offrait une nouveauté, l'emploi pour la première fois
à l'Opéra du cor anglais; les Bayadères, un opéra
représenté le 8 août 1810, réussit un peu mieux et
fut joué cent quarante fois jusqu'en 1828.
Comme sous la Révolution, Catel conserva sous
l'empire son rôle de musicien officiel; le 17 mai
1807, il faisait exécuter un Chant triomphal à l'oc-
casion du dépôt de l'êpée de Frédéric le Grand aux
Invalides; en 1813, il écrivait, pour une réception de
Marie-Louise à la préfecture de Caen, une Cantate
dans laquelle il introduisait des chœurs en patois du
pays (24 août). Le 12 février 1814, en collaboration
avec Boïeldieu et Cheiubi.ni, il composait une œuvre
de circonstance, Boyard â Méziêres. Son Auberge de
Bagnères avait oblenu une mention très honorable à
l'un des concours décennaux institués par .Napoléon
(17 juin 1812).
Mais Catel avait joué sous la Révolution un rôle
trop important; il avait trop manifesté ses senti-
ments bonapartistes sous l'Empire, reprenant même
du service comme lieutenant du corps de musique
au moment du rétablissement de la garde nationale
pendant les Cent Jours, pour être épargné par la
Restauration. Le 22 mars 1816, mis en réforme, il
était contraint d'abandonner le poste de professeur
d'harmonie et d'inspecteur suppléant au Conserva-
toire, qu'il occupait depuis le 26 décembre 1810. Dès
lors, Catel vit dans une demi-retraite, refusant tous
les emplois qu'on lui offre. Trois fois encore, il tente
le succès au théâtre : Wallace ou le Ménestrel écossais,
représenté à l'Opéra le 4 décembre 1817, est peut-
être, par le sentiment dramatique et le coloris mu-
sical, la meilleure de ses œuvres. Zirphile et Fleur de
myrte, dont la première eut lieu à l'Opéra le 29 juin
1818, n'eut que douze représentations; l'Officier en-
levé ne fut pas mieux accueilli à l'Opéra-Comique le
4 mai 1819. Découragé par ces échecs, Catel se con-
damna au silence et se livra à la culture des roses
dans son jardin du faubourg Saint-Denis et dans sa
maison de campagne de la Varenne-Saint-Hilaire.
Deux événements, cependant, étaient venus con-
soler dans sa retraite celui qui, sous la Révolution,
avait mené une vie si active. A la mort de Monsigny,
Catel avait été nommé membre de l'Institut; il fal-
lut douze tours de scrutin pour décider entre les
trois candidats Nicolo, Boïeldieu et Catel, et ce
n'est qu'à une voix de majorité que celui-ci fut
nommé. D'autre part, le 17 mai 182S, l'amitié de
Boïeldieu lui fit obtenir la croix de la Légion d'hon-
neur qu'il n'avait jamais voulu solliciter.
Il mourut, 17, rue du Faubourg-Poissonnière, le
29 novembre 1830, s'étant acquitté jusqu'à son der-
nier jour de ses fonctions de rapporteur à l'Acadé-
mie des beaux-arts.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE CATEL
1. PIÈCES A L'USAGE DES FETES NATIONALES
1791. Deuxième Hardie militaire.
1792. 11 juin. De Profundis.
19 juin. Hymne à l'Egalité, paroles de M.-J. Chénier.
3. 20 novembre. Ode patriotique.
20 novembre. Ouverture pour instruments il vent.
1. Stances pour la fabrication des canons, poudres et salpêtres.
Marche pour instruments à vent.
Pas de mano-uvre pour instruments a vent.
Hardie pour instruments à vent.
Hymne à ta Victoire sur la bataille de l'Intrus.
Marche militaire.
Hymne à l'Être Suprême.
Symphonie militaire.
Mardie pour instruments à vent.
Ourerlure pour instruments à vent.
Ode au vaisseau le Vengeur.
5. Symphonie pour instruments à vent.
Stances pour l'anniversaire du :' Thermidor.
Hymne du 10 août.
'6. Chant du banquet républicain.
Chaut pour l'anniversaire de lu fric de lu République.
Chants pour le lieeueil des chanls cirii/ues.
9. Hymne à ta Souveraineté du peuple.
7. 17 mai. Chant triomphal.
3. 24 août. Cantate pour la réception de l'impératrice il Caen.
2. MUSIQUE DE CHAMMIE
S. Trois Quatuors pour flûte, clarinette, cor et basson.
7. Six Quintettes, pour 2 violons, 2 altos et basse, op. 1 et 2.
7. Six Sonates faciles pour piano.
3. ŒOVBES DRAMATIQUE
4 mai. Sêmiramis. Opér
22 janvier. Les Artistes j
de Duval.
de Desriaux.
Opéra-Comiqu
350K
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ïi l'fvriur. L'Auberge de llagneres, opéra-Cniiique, livret de
Jalauert.
1SUS. 20 décembre. Mcraiulre chez Apcllc, ballet héroïque de
pierre Sardel.
1810. Sam'il. /.es Ilm/adeves. Opéra, livrel de ÏOUV.
IMÏ. 17)iiiii. ;.« Xubergislei de i/uutil,-. ' ipéra-Coniique, llvrilt
de .i.uiy .
L8M. 12 février. Bayardù Méiièreslen collaboration avec Boîel-
orau, Chi'Bdbini et Nicoto).
S novembre, premier en date, i i|ii'Tfi-ComiTjae.
1*11.' WW/«c« u» /<• ménestrel écossais, Opéra-Comique, livret de
s.uiil M.ircellin.
P818. 89 piiu. Zirphile et /leur de myrte, Opéra, livret de Jouy
.■t Noël Lefebvre.
I / « ' ■ 0 r ,vi/,vv. llpéra-ComiqUC.
1. OIIVRAOËS TUBOUIQl'ES
Solfèges Su Conserva
mélhodiqr.
Iruité d'harmonie. 1
2" Wltion, 1815, avec une
i principes de la musique.
Bibliographie.
Caklez (.1.). — Cnlel, Bélesques, 1894.
Choron bIFayolle. — Dictionnaire historique des musiciens.
EscrjDiER. — Les Musiciens du temps de l'empire.
Fétis. — Biographie universelle des musiciens.
Grove. — Bietioniini o[ miisie and miisicians. London, 1910.
Hellooin (Frédéric) et Joseph Picard. — On Musicien oublié.
Calcl, Paris, Fischbacher, 1910.
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Pierre (Constant). — Le Conservatoire national de musique et de
deelumitlton, Paris, 1900.
— Musique des ;eies et eevemonies de la Révolution.
Souries (A.i. — Les Membres île l'Académie des beaux-
2° série.
Tiersot (J.). — Les Fêles de la Révolution, Paris, Hachette
s, Pari
Gustave Charpentier.
Gustave Charpentier est né à Dieuze, en Lorraine,
le 23 juin 1860. Après la guerre de 1870, ses parents
quittèrent leuT pays, qui avait été annexé à l'Alle-
magne, et se fixèrent à Tourcoing. Leur fils fit ses
premières études dans les écoles de la ville, et se fit
remarquer, pour ses belles aptitudes musicales, aux
classes de violon, de clarinette et de solfège. A
quinze ans, il entrait comme employé dans une fila-
ture, où il devait rester jusqu'en 1879. Pendant ses
heures de loisir, il enseignait le violon à son patron,
et organisait avec lui une société symphonique. Ce ne
fut qu'à dix-neuf ans que Gustave Charpentier suivit
décidément sa vocation : il se fil admettre au Conser-
vatoire de Lille. Il y obtint un prix de violon el un
prix d'harmonie; et alors, la ville de Tourcoing lui
accorda une pension annuelle de d.200 francs pour
venir terminer ses études à Paris. En 1881, il entre
au Conservatoire dans la classe de Massart; mais
après deux concours, n'ayant obtenu aucune récom-
pense, il abandonne le violon et passe dans la classe
d'harmonie d'Hector Pessard. Au bout de deux an-
nées, il ligure au palmarès avec un second accessit.
Enfin en 188a, Massexet l'accueille dans sa classe
de composition, et en 1887, il remporte le grand prix
de Home avec sa Didon, qui fut exécutée aux Con-
certs Colonne, à Bruxelles et à Tourcoing.
Le séjour de Charpentier à Home fut la période de
beaucoup la plus féconde d'une vie où le travail
ne semble pas avoir occupé par la suite une place
considérable. Cet artiste, plus que tout autre amou-
reux de Paris, de son agitation, de ses plaisirs, de
ses passions trépidantes, s'ennuyait dans la Ville
éternelle. Ennui salutaire qui détermina chez le
jeune musicien une véritable fièvre de composition.
De Rome il rapporta les Impressions d'Italie, la Vie
du Poète, et le premier acte de Louise, c'est-à-dire
presque la moitié et en tout cas la plus belle partie
de son œuvre entière.
De retour à Paris, Gustave Ciiar-pentier loua une
chambre à Montmartre, et toute la vie, toute la na-
ture, toute l'humanité furent désormais enfermées
pour lui dans les étroites limites de la u Hutte sa-
crée ». Là, il mène l'existence d'une sorte derapin
mystique, pris sans cesse entre le vertige de l'Idéal
et les dégoûts de l'orgie. Il se débat contre le doute,
l'obsession de l'impuissance, le désespoir. Il se re-
prend par moments et rêve d'une œuvre de justice
sociale à laquelle il se consacrerait et qui le relè-
verait à ses propres yeux. Il vit réellement lu Vie (lu
Poêle, poète anarchiste et révolutionnaire qui chante
la Ronde (les Compagnons, la Veillée rouge, la. Chan-
son du Chemin. C'est le poète des rues, des rues du
Paris où l'on s'amuse, où l'on fait la fête, où l'on
est triste aussi les lendemains d'ivresse, triste et
révolté, où de sombres drames, où d'affreuses tragé-
dies succèdent aux joies exubérantes de la fantaisie
déchaînée. C'est le poète qui a pitié de toutes les
misères et veut les éclairer une heure au moins de
l'illusion du plaisir et de l'amour. Il organise des
divertissements populaires dont il est le musicien.
Le 9 novembre 1896, il entraîne toute une foule après
lui, au jardin du Luxembourg, donner une Sérênaêe
à Watteau. Le 26 juillet 1898, c'est, sur la place de
l'Hôtel de Ville, une manifestation bien plus gran-
diose qu'il dirige, celle du Couronnement de la Muse.
Toute cette activité, un peu désordonnée, ces rê-
veries vagues et inconsistantes, cette débauche de
lyrisme généreux, mais qui cherche en vain son objet,
et le goût des libres et courtes aventures du cœur
avec tout ce qu'elles contiennent d'amertume et de
désolation, et les gamineries, la « blague », les pué-
rils amusements d'une population qui s'étourdit pour
oublier ses souffrances et l'enfer d'une vie sacrifiée,
tout cela se résume dans un roman musical, Louise,
dont la première représentation eut lieu à l'Opéra-
Comique le 3 février 1900, quelques semaines avanl
l'ouverture de l'Exposition universelle, et dont l'im-
médiat et prodigieux succès en France et à l'étran-
ger s'explique en grande partie par l'attrait qu'exerce
sur le monde entier Paris, ville des plaisirs, et, dans
Paris, Montmartre.
En même temps 1 i960 , Gustave Charpentier fon-
dait VOEuvre de Mirni Pinson, qui avait primitive-
ment pour but dVilliii des places de théâtre aux
ouvrières parisiennes. En 1902, il complétait cette
première institution par la création de cours popu-
laires et gratuits de musique et de danse. Et il espé-
rait que le Conservatoire iiopulaire de Mirni Pinson
fournirait un jour ses éléments à un véritable Théâ-
tre du peuple.
La Vie du Poète, remaniée, parut au théâtre en 1913
sous le titre de Julien, drame lyrique en cinq actes.
Gustave Charpentier est chevalier de la Légion
d'honneur; il a été nommé membre de l'Institut en
1912.
CATALOGUE DES ŒUVRES
DE GUSTAVE CHARPENTIER
Poèmes chaules. Paris. Ileugel. ÎS'.'-S.
LesFleurs du Mal (Ch. liaudelaire , Paris, Heugel, 1S95
Poèmes chaules, Paris, Heugel, lv" l.
Impressions fausses ;Paul Verlaine). Paris, ilm^rl. Iv.r..
Sérénade à Watteau (Paul Verlaine . Paris, Heugel, 1896.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3509
Chant d'iipol lieuse, mêlé de danses à la mode antiqu
Georges de Bouhélicr), 1902, non publié.
MTlsI.jlE SYMPBONIQUK
Impressions d'Italie, suite d'orchestre. Paris, Heugel, 18
Deuxième Suite d'orchestre (1894-1SU7). Manuscrit brûlé
incendie.
Didon (Auge de Lassus), cantate du prix de Rome, ISS7, Paris,
Heugel.
La Vie du Poète, symphonie-drame en 3 actes et 4 tableaux (ISS9-
1S91), Paris, Choudens.
Louise, roman musical en 4 actes et 7 tableaux, Opéra-Cuiiiique,
3 février 1900, Paris, Heugel.
Julien, drame lyrique en 5 actes, Opéra-Comique, 1913, Paris,
Max Eschig.
Bibliographie.
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1" octobre 1906.
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Saint-Georges DEBonnÉLii r. — Les Soliveaux Maîtres. Le Figaro
du 19 septembre 1902.
Cherubihi.
Marie- Lcniis-Charles-Zénobi- Salvador Gherubini
naquit à Florence le 14 septembre 1 76(1. Telle est du
moins la dale indiquée par son acte de baptême, et
c'est par une erreur assez étrange que Cherubini
donna toujours le 8 septembre comme date de sa
naissance. 11 était le dixième enfant d'une famille
qui en compta douze. Ses parents étaient de condi-
tion très modeste; cependant, son père, musicien
à l'orcbestre de la Pergola, était propriétaire de la
maison qu'il habitait Via Fiesolana, n° 0886, aujour-
d'hui n» 22.
L'enfance du jeune Salvador fut studieuse; dès
l'âge de six ans. il était déjà l'élève de son père,
qui l'initiait, trois ans plus tard, aux éléments du
contrepoint. A dix ans, il passait sous la direction
de Barthélémy et d'Alexandre Felici, qui lui ensei-
gnaient l'harmonie et l'accompagnement; Bizarri,
Castrucci furent ses professeurs de composition et
de chant. Ses progrès, furent si rapides qu'à treize
ans,. il écrivait une il/esse à quatre voix avec accom-
pagnement d.'orchestre, exécutée à Florence. Cette
première œuvre se vit bientôt suivie de beaucoup
d'autres, surtout dans le genre de la musique reli-
gieuse; deux Messes, deux Dir.it, des Lammtaliansde
■lèrêmie, un Miserere, un Te Deum,. eulin un Inter-
mède, représenté sur un théâtre de société.
En 1778, une pension du grand duc de Toscane
permit au jeune Cherubini d'aller à Bologne prendre
des leçons de Sarti, qui passait alors pour le premier
musicien de l'Italie. Sous sa direction, il apprit à
admirer Palestrina et ne composa guère à celte
époque que des antiennes; en même temps, il s'ini-
tiait à toutes les connaissances nécessaires à un
compositeur de théâtre.; il semble même que, pour
le former par la pratique, Sarti lui ait souvent confié
le soin d'écrire les seconds rôles de ses opéras. Après
quelques années d'études, d'abord à Bologne, puisa.
Milan, où il avait suivi son maître, Cherubini se crut
dé taille à allronter la scène, et le succès justifia ses-
espérances. C'est l'époque de ses opéras italiens des-
tinés aux diverses scènes de la péninsule : // Quinto
Fabio à Florence, et. dans l'espace de quelques aiir
nées, Adriano in Siria à Livourne; Messenzio et Ar-
rnida (le sujet même qu'avait traité Gluck) à Flo-
rence; en 1783 à Home, une nouvelle version de
Quinto Fabio, à Venise un opéra bouffe, l'Epoux de
trois femmes, le mari d'aucune; en 1784, à Mantoue,
Alessandro nell'lndie.k Florence Idalide. Entre temps,
il écrit dix Nocturnes, à deux voix, qualre Mélodies...
pour une voix; deux Airs et deux Duos d'opéras.
Déjà la réputation de Cherubini est solidement éta-
blie; les Vénitiens l'appellent « il Cberubino »,
moins pour rappeler son nom que pour célébrer le
charme et la grâce de ses mélodies. Les Jésuites de
Florence, désireux d'attirer la foule dans leur église,
lui demandent un oratorio, construit sur les thèmes
les plus fameux de ses' opéras.
En 1784, Cherubini est appelé à Londres, où son
nom était déjà fameux; et pendant son séjour en
Angleterre, il compose deux opéras, la Finta princi-
pessa en 1785 et Gittlio Sabino en 1786. La même
année, il part pour Paris où l'attire son ami Viotti ;
tous deux s'installent 20, rue Notre-Dame-des-Vic-
toires. Sauf un court séjour à Florence en 1788,
Cherubini ne retournera plus en Italie; il ne reverra
plus sa famille italienne et passera en France, pres-
que sans interruption, cinquante-six ans.
Dès les premiers temps de son séjour, il cherche
à se familiariser avec la langue française, qu'il n'ar-
rivera jamais à prononcer correctement; pour s'as-
similer la prosodie française, il met en musique les
18 Romances du roman d'Estelle'. Cependant, avec
une habileté toute italienne, il cultive toutes les
relations susceptibles de l'aider; il fait la connais-
sance de Marmontel; il se fait présenter à Versailles
à Marie- Antoinette. Et lorsque Léonard, le coiffeur
de la reine, devenu concessionnaire du Théâtre Ita-
lien, s'adjoint Viotti, celui-ci charge son ami d'é-
crire les morceaux à intercaler dans les partitions
italiennes; c'est ainsi que des trios et des quatuors,
introduits dans Viaggiatori felici, dans VItaliuna in
Londra, dans de nombreuses œuvres, font peu à peu
connaître au public français le nom de Cherubini.
CliillVe donné par le Catalogue des œuvres de Ckeiiubim. M. H...
,iser donne le chiffre de 19 {Luigi Cherubini, sein Lehen mol
Werke, Leipzig, 1013, p. 84).
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Kntin U' 2 décembre 1788, il hasarde ;\ l'Opéra
D&mophon, sa première œuvre française Urée d'un
poème de Marmontcl. L'opéra eut peu de succès;
peul être cet échec découragea-t-il le compositeur,
qui n'acheva même pas la partition d'une Marguerite
d'Anjou. Ce n'est qu'en 1794 qu'il s'essayera de nou-
veau au théâtre avec LodoiskUj représentée à la salle
des r/uileries (ancien Théâtre Italien, plus tard salle
de la rue Favart),où il donnera successivement Elisa
o:t le voyage au mont Saint-Bernard (1793), Médée
(1797), l'Hôtellerie portugaise (1798), la Punition
(1799), les Deux Journées (1800), auxquels il faut
ajouter la Prisonnière, en collaboration avec Boïel-
dieu 1799 . et EjJt'cure,en collaboration avec Méhul
(1800).
Pendant les premières années de la Révolution,
la situation matérielle de Cherubini semble avoir
été fort précaire : la musique parvenait à peine à
le faire vivre; ses œuvres ne se vendaient plus; les
leçons et les travaux de copie étaient de plus en plus
rares : Lodoïska n'avait été donnée qu'une douzaine
de fois. D'autre part, l'héritage de son père, mort le
10 septembre 1792, n'avait pas contribué à augmen-
ter ses ressources, puisque, après la vente de la mai-
son de Florence, il avait à peine de quoi assurer une
modique pension à l'une de ses sœurs restée vieille
fille. L'incertitude de l'avenir obligea même Cheru-
bini à différer un projet de mariage avec la fille de
Jean Courette, ancien chanteur' haute-contre de la
chapelle du roi. Et Cherubini multiplie vainement
ses etlbrls pour améliorer sa situation. Cependant,
l'espoir d'être nommé musicien dans la garde natio-
nale le décide à se marier, le 12 avril 1794. Mais la
peur de compromettre sa candidature le contraint à
prendre de nmlliples précautions pour la célébration
du mariage religieux; c'est de nuit, dans une cave,
qu'un prêtre insermenté bénit les nouveaux époux.
Enfin, le 20 juin 1794, le citoyen Brielle ayant
donné sa démission de musjcien , Cherubini était
appelé à le remplacer comme triangle dans la garde
nationale, et loO livres lui étaient allouées pour son
équipement. On le retrouve chargé, avec Gossec et
Méhul, du choix et de la confection des morceaux
qui doivent être exécutés; à la fin de 1794, il partage
avec Lesueur, Gossec et Méhul le soin de surveiller
l'enseignement et de diriger les répétitions générales.
Les appointements étaient modestes, mais quelques
leçons, des arrangements de musique, des travaux
de copie, la composition d'hymnes patriotiques,
quelques auditions dans les concerts, assuraient des
ressources au jeune ménage, qui, le 27 janvier 179S,
s'augmentait par la naissance d'une fille.
Lorsqu'un décret de la Convention eut décidé, le
3 août 1793, la fondation du Conservatoire, Chéru-
bin] se multiplie pour seconder Sarrette; le 24 oc-
tobre 1795, il fait partie du jury d'admission aux
emplois de professeurs. C'est à l'art, non à un parti
politique, qu'il se dévoue; mais comme il sent la
nécessité de donner des preuves de civisme, il met en
musique des vers patriotiques, un Hymne à la Fra-
ternité de Desoignes (1794) et un Hymne du Panthéon
de M.-J. Chénier la même année; un Chant républi-
cain de Lebrun en 1793; en 1797 un Hymne funéraire
sur la mort du général Hoche de M.-J. Chénier et un
Hymne du combat de Davrigny; en 1798, ce sera une
Ode sur le IS fructidor et le Salpêtre républicain, en
1799 un Hymne pour la fête de la jeunesse de Parny.
Sous le Consulat, qui le maintient dans son poste
au Conservatoire, Cherubini, moins préoccupé de pa-
raître bon républicain, manifeste ses sentiments reli-
gieux en faisant baptiser sa fille, alors âgée de 6 ans
(il avril 1801), et son fils Salvador, né le 10 novembre
1801. Cependant, l'empire allait être pour le musicien
une époque funeste. Ainsi que le prouvent de nom-
breuses anecdotes, Napoléon avait pourCiiERuniNi une
antipathie qu'il manifesta en maintes occasions, et
surtout en 1804 lorsque, malgré l'insistance de Méhul,
il refusa de comprendre Cherubini dans la première
promotion de la Légion d'honneur. D'autre part,
deux tentatives nouvelles au théâtre avec l'opéra
d'Anacréon ou l'Amour fugitif (4 octobre 1803) et le
ballet Achille à Scyros (1804) avaient abouti à deux
échecs. Knfin une maladie nerveuse, dont il souffrait,
s'était aggravée encore au moment de la mort de
son beau-frère (8 octobre 1803). Aussi, triste, démo-
ralisé, Cherubini demanda un congé et accepta
les propositions qu'on lui faisait à Vienne; les ar-
tistes du Conservatoire profitèrent de son voyage
pour le charger de remettre à Haydn la médaille d'or
qu'ils avaient fait frapper en son honneur (26 juin
1805).
A Vienne, Cherubini fait représenter Lodoïska
(15 février 1806), et compose pour le théâtre de la
Porte de Carinthie l'opéra de Faniska (25 février
1806). Il espère même un instant gagner la faveur
impériale; Napoléon, le sachant à Vienne, le charge
d'organiser des concerts au quartier général de
Schœnbrunn. Mais c'est en vain que Cherubini dé-
pense tout son zèle. A son retour à Paris, où il est
fêté par ses collègues du Conservatoire, en protes-
tation contre la défaveur impériale, il trouve toutes
les places occupées, et Paër, dont l'empereur a
entendu l'Achille à Dresde, le supplante dans la di-
rection de la musique particulière de la cour, tandis
que la surintendance de la chapelle impériale était
confiée à Paisiello, le musicien favori de Napoléon.
Découragé, Cherubini semble vouloir renoncer à
la musique pour se livrer à la botanique et au des-
sin, pour lequel il avait de rares dispositions, mais à
ce moment, un brusque revirement se produit en lui.
Une de ses élèves, la comtesse de Caraman, l'ayant
emmené dans son château de Chimay, Cherubini, eu
entendant une messe d'HAVON, se sent pris d'une
sorte de remords d'avoir abandonné la musique. Il
reprend courage, se remet au travail, écrit une Messe
à i voix qui, exécutée en mars 1809 à l'hôtel de Chi-
may à Paris, y remporte un sucées éclatant. Mais
trois nouvelles tentatives au théâtre n'ont pas de
meilleurs résultats que les précédentes; Pygmalion,
Le Crescendo (1810), les Abencérages (6 avril 1813)
sont très froidement accueillis du public. Cependant,
le 24 octobre 1814, Cherubini recevait avec Spontini
le diplôme fort recherché alors de membre de l'Aca-
démie royale de Suède.
Pendantcette période. Cherubini s'était activement
occupé d'une tentative assez orignale, l'exploitation
commerciale de leurs ouivres parles auteurs eux-
mêmes. Le 5 août 1802, un groupe de musiciens du
Conservatoire avaient fondé un magasin de musique
au n° 78 de la rue Richelieu. Cherubini en avait eu
seul d'abord la gérance; puis la raison sociale était
devenue Cherubini, Méhul et Cie. Chacun des associés,
parmi lesquels figuraient Bode, Kreutzer, Nicolo,
Boïeldieu, s'engageait à fournir annuellement un
ouvrage de théâtre ou cinq pages de musique. Sauf
Nicolo, tous faillirent à leur engagement; l'affaire,
liquidée le 12 août )812, fut reprise par Jacques-Jo-
seph Frey.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3511
La Restauration répare l'injustice de l'empire à
l'endroit de Cherubini. Dès le 13 décembre 1814,
avant les Cent jours, Cherubini est fait chevalier de
la Légion d'honneur. Après un voyage en Angle-
terre, motivé par le désir de rencontrer Viotti et de
s'acquitter de certains engagements envers la Société
philharmonique de Londres, Cherubini rentre à Paris
le 8 juin. La suppression du Conservatoire par
louis XVIII risquait de lui faire perdre une partie
de ses ressources, mais les compensations lui vien-
nent nombreuses : nommé d'abord surintendant de
la chapelle du roi, il devient bientôt, à la mort de
Martini (10 février 18161, chef de la chapelle avec un
traitement de ">.820 francs. Lorsque le Conservatoire
estrélahli sous le nom d'Ecole royale de musique, Che-
rubini y est appelé comme professeur de composition
avec 2.910 francs de traitement, auxquels viennent
s'ajouter dans la suite une pension de 7% francs et
de nombreuses gratifications l o82 francs pour la
surintendance, 291 francs pour l'Ecole royale de
musique). Vers la fin de 1816, la situation de Cheru-
bini est devenue plus stable, et sa fille, Victorine, peut
épouser un sous-intendant militaire, Turcas.
Membre de l'Institut le 26 mai 1816, chevalier de
l'ordre de Saint-Michel, il devient le compositeur
officiel de la cour; c'est ainsi que le Moniteur du
14 juin 1816 annonce que Cherubini a été chargé de
mettre en musique la Cantate écrite pour le banquet
royal à l'occasion du mariage du duc de Berry. C'est
lui qui compose la Messe chantée le 12 février 1821 à
Saint-Denis pour le repos de l'âme du duc de lîerry,
lui encore qui, en collaboration avec Berton et Boïel-
dieu, est chargé de la partie musicale dans la fête du
30 avril 1821 pour le baptême du duc de Bordeaux,
lui aussi qui, avec Bebton, Boieldieu, Kreutzer etPAËR,
écrit la musique de Blanche de Provence, pièce de
circonstance représentée le 1er mai à l'Opéra. La
ville de Paris lui alloue de son coté 2.600 francs de
gratifications à l'occasion de ces fêtes. En mai 1822,
Cherubini est nommé directeur de l'Ecole royale de
musique; pendant 21 ans, il remplira ces fonctions,
qu'il prenait très au sérieux, se préoccupant de la
discipline et de l'exactitude, surgissant sans cesse
dans les classes ou dans les bureaux, sa montre à la
main, multipliant observations et semonces, faisant
jouer et chanter les élèves du Conservatoire pour les
habituer à la scène. Aussi l'esprit d'ordre, de minu-
tie, de manie même de ce « tout pi-lit vieillard aux
yeux pleins de feu », sa franchise, sa dureté, son
accueil froid et bourru, tel celui de « quelqu'un qui
commence par se mettre sur la défensive », V « ani-
mation grognonne » et presque comique de sa
parole, les inégalités de son humeur n'ont pas
manqué de lui faire de nombreux ennemis. En géné-
ral, son administration a été fort sévèrement jugée;
c'est ainsi que Pastou, un professeur de l'époque,
assurait que, » malgré son indiscutable énergie, il ne
fut pas de tout point bon administrateur, à cause de
son entêtement modèle, de ses préventions qui sou-
vent ont occasionné de grands dommages aux artistes
et à l'école ».
Le 24 avril 1828, Cherubini obtient avec Habeneck
l'autorisation de créer les concerts du Conservatoire.
D'ailleurs, sans attendre l'approbation officielle, il
avait, dès le 9 mars, donné un premier concert, au
programme duquel il figurait avec trois de ses œuvres :
un chœur de Blanche de Provence, l'ouverture des
Abencéràges, le Kyrie et le Gloria de la Messe du
Sacre.
L'avènement de Louis-Philippe, décidé à procéder
à de sérieuses économies, marque une notable dimi-
nution des ressources de Cherubini; la suppression
de la surintendance de la chapelle et de la pension
royale lui enlève environ 9.000 francs de traitement
annuel. 11 songe alors au théâtre, malgré le peu de
succès qu'il y avait trouvé : Ali-Baba ou les quarante
voleurs, sur un livret de Scribe, destiné d'abord à
l'Opéra-Comique, n'est en réalité qu'un ancien opéra
écrit en 1793, Koukourgy, remanié quarante ans plus
tard. Représenté à Versailles le 22 juillet 1833, puis
à l'Opéra de Paris, il ne dépassa pas la onzième
représentation. Cependant, l'offre de la partition au
roi de Prusse valut au compositeur un cadeau de
2.000 francs; peut-être le souverain, connaissant la
situation moins aisée de Cherubini depuis la chute
de Charles X, avait-il saisi ce prétexte pour déguiser
le secours qu'il lui envoyait. Une pension, votée par
le ministère de l'intérieur en juillet 1837, vint aussi
aider Cherubini à liquider d'anciennes dettes.
A la mort de Boieldieu, Cherubini voulut faire
entendre un de ses Requiem pour voix d'hommes et
de femmes, mais, l'autorité ecclésiastique interdi-
sant les voix mixtes, il en écrivit un autre pour voix
d'hommes seules (1836), qui devait être exécuté à
ses propres funérailles.
En 1842, il était nommé commandeur de la Légion
d'honneur au moment où il prenait sa retraite de
directeur du Conservatoire (3 février 1842) : aucun
musicien n'avait encore obtenu pareille distinction.
L'n mois plus tard, le 1"> mars 1842, Cherubini mou-
rait à l'âge de quatre-vingt-un ans, et, après des
funérailles solennelles à Saint-lîoch (19 mars , il
était enterré au Père-Lachaise.
« Les sensations qu'on éprouvait en approchant de
Cherubini, écrit Ad. Adam, étaient si étranges qu'on
avait peine à les définir et plus encore à les com-
prendre.» La vénération que l'on éprouvait pour son
grand âge et pour son beau talent était altérée par
le ridicule des minuties auxquelles il s'attachait, par
le comique de son accent italien, par une froideur et
une dureté qui cependant n'excluaient pas une cer-
taine bonté.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE CHERUBINI
Y. BOTTÉE DE Toolmos. — St'lice de< minus rtts au'
la musique composée par feu M. !.. C. Z. S. Cherubini, ex-
Stirint.-ildtint 'h- lu «.«'(if du r.n. i-f-direrte.tr dit f.n.isrrrn-
toirede musique, etc., Paris, 1843, in-S°, 36 pages.
MUSIQUE RELIGIEUSE
Il Messes solennelles. — 2 messes de Requiem avec orchestre. —
Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus de diverses combinaisons. —
Credo à S voix avec orgue. — i Huit. — I Magnificat,
4 voix et orgue. — / Miserere, i voix et orchestre. — / Te.
Deum, 4 voix et orchestre. — ; litanies de la Vierge. —
i Lamentations de Jérèmie, 2 voix et orchestre. — / Ora-
torio. — 38 motels, tjrtttlitek, htjmnes, ele. — 20 aittien tes,
sur le plain-chant.
MUSIQUE INSTRUMENTALE
( Symphonie. — 10 Ouvertures. — Entr'acles,marelies et couire.lau-
ses. — 15 Marches et pus redoublés pour instruments à vent.
— 6 Quatuors. — 1 Quintette.— 13 Sonates pour 2 orgues. —
6 Sonates pour piano.— 2 pièces pour deux orgues à cylindre.
I Fantaisie pour piano. — Nombreux morceaux détachés.
MUSIQUE VOCALE
30 Airs italiens. — 9 Duos. — 3 Trios et Quatuors. —
d'ensemble. — 17 Airs. — n grandes Cantates et morceaux
de lireoustunee. — .1 lli/mues et eltants révolutionnaire.. —
77 Nocturnes et chunls italiens. — Xombreii.r canons et linéi-
ques madrigaux italiens.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
le midi de la France en donnant des concerts. Ses
parents s'étant fixés à Bordeaux, il entra comme
premier violon a l'orchestre du Grand Théâtre. Un
musicien de la ville, Hippolyte Sonnet, lui donnait
des leçons d'harmonie. Il vint bientôt terminer ses
études à Paris; il fut admis dans la classe d'HABENECK
pour le violon eu 1830, et obtint un second prix en-1833.
En même temps, il travaillait la composition avec
Reiciia. Il devint successivement premier violon aux
Italiens et second violon à l'Opéra. Il se fit d'abord
connaître comme compositeur par six quatuors pour
voix d'hommes qui furent chantés aux concerts du
Conservatoire, puis par une suite de six morceaux
à deux voix, intitulés te Vieux Paris. Il débuta au.
théâtre le 24 août 1838 avec la Figurante, opérai-
comique en cinq actes qui fut accueilli avec une
faveur assez marquée. Par la suite, il eut le tort
d'employer d'assez mauvais livrets, et comme sa
musique n'avait pas d'ailleurs d'originalité bien
saillante, ses ouvrages ne se maintinrent jamais
longtemps au répertoire.
A la mort d'HALÉvy, Clapisson fut élu membre de
l'Académie des beaux-arts, et en 1861, il fut nommé
professeur d'harmonie au Conservatoire.
Clapisson avait réuni une très curieuse collection
d'anciens instruments de musique. En 1861, il la
céda à l'Etat moyennant une somme de 30 000 francs,
une pension de 3 000 francs, dont moitié réversible
sur sa veuve, le titre de conservateur du Musée que
l'Etal institua au Conservatoire avec cette collection
comme premier fond, et le logement dans le bâti-
ment même où fut installé le Musée.
Clapisson n'avait pas vendu à l'Etat tous les pré-
cieux objets qu'il avait rassemblés. Après sa mort,
une yenle en fut faite sous ce titre : Collection de
sifflets, instruments de musique et curiosités diverses
de feu M. Clapisson, membre de l'Institut et professeur
au Conservatoire (Paris, Delange, 1866, in-!S").
Clapisson est mort à Paris, presque subitement,
le 19 mars 1866, d'une imprudence. S'étant purgé,
il n'attendit pas l'elfetde la médecine pour prendre
abondamment de la nourriture.
Italien* :
1780'. Il Quiuto Fabio. opéra.
17S2. Attriiino iii Siriii , Livourne.
Unstnsia, fflorenoe.
Annula. Florence.
1783. // Qiuiitii Fabio. nouvelle version, Rome.
L'Epoux 'le Irait itmme», Il mari d'aucune, opéra bouffe,
I7S{. Alessandronell' ludie, Mantoue.
Iduliile, Florence.
1755. La Fin/a principessa, Londres.
1756. ûiulio Sabiuo, Londres.
1788. l/igenia in Aalide, Turin.
1S0S. Pygmalion, Paris.
16 opéras français dont 7 n'ont pas été publiés et 4 en collabo-
ration parmi lesquels :
1788. Déinophon, Opéra.
Marguerite d'Anjou, inachevé.
1701. Lodoiska. Salle .les Tuileries.
1794. Elise ou le voyage an Mont Saint-Bernard. \
1797. Médèe.
1798. L'Hôtellerie portugaise.
1790. u, Punition.
la Prisonnière, en colla].. .ration avecBoÏEUDiEU.
1800. Les deux journées.
Epieure, en collaboration avec Méhul.
1808, Anaercon on /'amour fugitif.
1806. l'aniska, Vienne.
1810. Le Crescendo, Opéra- Comique.
1813. Les Abencèrages.
1821. Blanche de Provence, en collaboration avec Berton, Boïel
dieu, Kreutzer et Paer.
1833. Ali-Baba ou les quarante voleurs.
1 ballet.
1804. Achille àScyros.
OUVRAGES THÉORIQUES
Bibliographie.
/.. CheriiHni's kur;e Biographie nml a-sllietische Darstellumj seiner
Werke, Erfurf, 1809, in-S°.
Adolphe Adam. — Souvenirs d'un musicien.
— Article de la France musicale, 1842.
Berlioz. — Mémoire-,.
Blaze de Bury. — Musiciens roui riuporains.
Bottée de Toulmon. — Chcruhiiii, Sotice sur sa jeunesse, Paris,
1843, in-S».
Biographie des odeurs de Paris, 1837.
Comettant. — Lettres inédites de Ilagdu, Cherubini, Méhul, Boiel-
dieu.
Crowest. — Cherubini, London, 1890, in-16.
Fétis. — Biographie universelle des musiciens.
r.RiMM. — Décembre 17SS, janvier 17^9.
FfoHENEMSER. — L. Cherubini, sein Lcben iiud seine Wcrke, Leipzig.
1913, in-S°.
Louis de Loménie. — Cherubini par un homme de rien, Paris,
1841,in-12.
Antoine Miel. — Notice sur la Vie et les Ouvrages de Cherubini,
Paris, 1842, in-8».
Luigi Picohianti. — Noticie su/la rila cl suite opère di L. Cheru-
bini, Milan, 1843.
Charles Place. — Essai sur la composition musicale. Biographie cl
analyse phrénologi,jue de Cherubini, Paris, 1842, in-8°.
Arthur Pougin. — Ménestrel, 1892 (critique .le ses œuvres).
Quatreli.es (Lépine). — Cherubini, Lille, 1913.
Revue des Deux Mondes. 1" février 1862.
Raoul Rochette. — Notice lue dans la séance de l'Académie des
beaux-arts du 7 octobre 1843.
Schumann. — Écrits sur lu musique et les musiciens.
A. Soubies. — Les Membres de l'Académie des beaux-arts, 2* sé-
rie, 1816-1852, Paris, 1906.
Clapisson.
Antonin-Louis Clapisson est né à Naples le 15 sep-
tembre 1808. Son père, professeur au Conservatoire
de Naples et premier cor au théâtre San-Carlo, était
attaché au service du roi Murât. Il rentra en France
en 1815. Le jeune Antonin Clapisson, qui avait déjà
un remarquable talent de violoniste, parcourut alors
CATALOGUE DES ŒUVRES DE CLAPISSON
Lu Figurante, 5 actes, Opéra-Comique, 24 août 1S3S.
Lu Symphonie, 1 acte, 1839.
La Perruche, 1 acte, 1S 40.
Le Pendu. I acte, 1841.
l'rrre et Mari. 1 acte, 1841.
Le Code noir, 3 actes, t S 12.
Cibbg la Cornemuse. 3 actes, 1X46.
Don Quichotte elSanclio, lacté, Opéra-Comique, 1 1 décembre 1847.
Jeanne ta Folle, 5 actes, opéra, 1S4S.
La Statue équestre, 1 acte, 1850.
Les Minières d'Adolphe, 3 actes, 1852.
Lu Promise, 3 actes, 1854.
Data les Vignes. Théâtre Lyrique, 1854.
Li ■ Co/fret de Saint-Dominique, opéra de salon, salle Herz, 1S55.
Les Amoureux de Pcrretle. Théâtre de Bade, 1855.
Le Sylphe. Théâtre de Bade, 1856.
Ftiuchouitetle. 3 actes. Théâtre Lyrique, mars 1856.
Margot, 3 actes, Théâtre Lyrique, 1857.
Les Trois Mcolas, 3 actes, i ipéra-Comique, 1S5S.
Madame Grégoire, Théâtre Lyrique, 1860.
Six Quatuors pour v..ix d'hommes.
Le Vieux Paris, suite de six morceaux à deux voix.
Chœurs orpheonique:- : les Enfants du Désert, Paris, la Parole de
Dieu, Voici le port, les Chants de nos pères, Au point
du jour, le Bronze, les Harmonies de la nuil, la Puissance
de sainte Cécile, le Rémouleur, les Enfants des ombres,
Aux armes, etc.
Romances (200 environ).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3513
Biographie générale. — Didot frères.
KÉTis. — Bioi/ruphie unii cruelle des musiciens.
Pougin. — Supplément il lu Biographie rie Fetis.
Félicien David.
Félicien-César David naquit à Cadenet (Vaucltise)
le 13 avril 1810. Son père, après avoir amassé une
fortune assez considérable à Saint-Domingue, avait1
dû quitter l'île lors de la révolte des noirs en 1790,
et il était revenu en France ruiné. Il habita d'abord
Marseille, puis Cadenet, où il mourut en 1815. C'était
un bon amateur de musique, qui jouait agréable-
ment du violon. Mais Félicien David ne connut pas
longtemps son père, et il avait perdu sa mère tout
de suite après sa naissance, de sorte qu'il fut privé
de bonne heure des tendres soins dont son cœur
aimant éprouvait plus qu'un autre le besoin. Ses
dispositions musicales se manifestèrent très tût; le
16 juillet 1818, il était admis à la maîtrise de Saint-
Sauveur à Aix, où sa jolie vois lui valut le surnom
de c roi des enfants de chœur ». A quinze ans il
entrait au collège des Jésuites de Saint-Louis, et
commençait à devenir un bon violoniste. En 1828,
le collège Saint-Louis fut fermé par arrêté royal',
comme tous les autres établissements des jésuites, et
Félicien David dut chercher au plus vite une situation.
D'abord second chef d'orchestre du théntre d'Aix,
puis clerc d'avoué, il finit par trouver une position
un peu plus avantageuse comme chef de la maîtrise
de Saint-Sauveur, et déjà il s'essayait à composer.
Mais Paris l'attirait, et un beau jour il partit y
chercher la fortune et surtout la gloire. Cherubini le
fit entrer au Conservatoire, où il travailla l'harmo-
nie et le contrepoint sous la direction de Millal'd et
de Fétis, et l'orgue sons celle de Benoist. Il menait
une vie dure; un oncle, qui lui avait promis des
subsides, ne les lui fournissait pas, et son frère Char-
les, qui le recueillit pendant un certain temps, ne
pouvait pas lui être d'un grand secours.
En 1831, Félicien David fait la connaissance d'un
peintre nommé Justin qui l'entraîna dans les rangs
des saint-simoniens, donl il devint le compositeur
en titre et pour ainsi dire le « maître de chapelle »;
et lorsque, en 1832, les principaux chefs du saint-
simonisme sont condamnés et leur maison commune
fermée, le jeune musicien part avec quelques-uns
d'entre eux pour l'Orient, dans l'espoir d'y répandre
la doctrine nouvelle. Assez mal reçus à Conslanti-
nople par le sultan, les voyageurs durent s'éloigner,
visitant Ténédos, Mytilène, Rhodes, Phocée, Smyrne,
Jérusalem, Alexandrie, sans pouvoir se fixer nulle
part. La petite troupe se démembrait peu à peu, et
renonçait à son beau rêve. Le 19 juin 183o, après
bien des aventures, mais aussi après avoir recueilli
des impressions fécondes, Félicien David aborda à
Marseille.
Alors commencèrent ces années de lutte patiente
et opiniâtre qui se retrouvent dans la vie de tout
artiste, pour vaincre l'indifférence du public, des
éditeurs, des critiques, pour éveiller l'attention,
pour se faire écouter, pour trouver l'occasion favo-
rable au succès. Enfin le 8 décembre 1844, la pre-
mière audition du Désert rendait tout d'un coup
David célèbre. « Un grand compositeur vient d'appa-
raître, un chef-d'œuvre vient d'être dévoilé, écrivait
Berlioz. Le compositeur se nomme Félicien David,
le chef-d'œuvre a pour titre le Désert... Nous avons
été frappés d'admiration, touchés, entraînés, écra-
sés... » Dix ans plus tard, il est vrai, le même Ber-
lioz écrivait à un ami: « David a donné deux concerts
qui lui ont fait perdre 1800 fr. On trouve maintenant
cette musique enfantine... Le temps est un grand
maître; je ne sais comment on pourra lutter contre'
les enseignements de ce maître-là,
Et de David éteint rallumer le flambeau. «
Le fait est que Félicien David eut bien de la peine
à retrouver un second succès comparable à celui de
cette première audition du Désert. Moïse ou Sinai,
Christophe Colomb, l'Eden, la Perle du Brésil, Hercu-
lanum ne réussirent que médiocrement. Ce fut seule-
ment en 1862, avec Lalla Hoiiklt, que le public fut de
nouveau séduit par l'orientalisme du compositeur
qu'il avait condamné, selon le joli mot d'AuBER, « à
ne plus descendre de son chameau »,
Des lors, Félicien David ne vit plus dans la gêne.
Déjà, à partir de 18o8, les saint-simoniens Emile et
lsaac Pereire lui avaient assuré une rente annuelle
de 1200 IV. En 1860, Napoléon III lui avait accordé
une pension de 2400 fr. Lalla-Iloukh lui vaut main-
tenant des droits d'auteur importants. En 1867, l'Ins-
titut lui décerne le prix biennal de 20.000 fr. fondé
par l'empereur pour récompenser « l'œuvre ou la
découverte la plus propre à honorer le pays ».
Eh même temps viennent les honneurs : Félicien
David reçoit le ruban rouge; il succède à Berlioz à
l'Académie des beaux-arts, et il hérite de ses fonc-
tions de bibliothécaire du Conservatoire.
Mais il ne rencontre plus la veine heureuse de ses
premières inspirations. Le Saphir est assez froide-
ment accueilli à l'Opéra-Comique. Il se retire alors
dans une maison de campagne à Saint-Cermain-en-
Laye, et il cesse de composer. D'ailleurs, ses forces
déclinent peu à peu; il meurt enfin le 29 août 1876.
Ses funérailles eurent lieu le 1er septembre : elles
furent purement civiles, conformément à la doctrine
saint-simonienne, et l'on y remarqua d'assez fâcheu-
ses abstentions.
L'art de Félicien David, poétique et coloré, man-
que de vigueur; il a charmé nos pères; l'éclat en
est pâli; mais ne respirons-nous pas parfois avec
plaisir le parfum mélancolique des (leurs oubliées
entre les feuillets d'un vieux livre?
CATALOGUE DE L'ŒUVRE DE FÉLICIEN DAVID
ORATORIOS, OPÉRAS ET OPKRAS-COMIO.OES
Le Désert, ode-svmphonie en 3 parties, paroles d'Auguste Colin,
1S41.
Moïse au Sinai, oratorio en deux parties, paroles de Sylvain
Saint-Elienne, 1846.
Christophe Colomb ou. la déeimrerte du Soureau Mande, ode-sympho-
nie en 4 parties, paroles de Méry, Chaubet et Sylvain
Saint-Elienne, 1816.
i:E,ten. mvslère en 2 parties, paroles de .Méry, ISiS.
la Perte dit Brésil, opéra en 3 actes, paroles de J. Gabriel el
Svlvain Saint-Etienne, 18.-)1.
Bereulaaum, opéra en 4 actes, paroles de Méry et Hadot, 1859.
I.ullu Bouhh, opéra-comique en 2 actes, paroles d'Hippohte Lu-
cas et Michel Carré, 1S62.
Le Saphir, opéra-comtque en 3 actes, paroles de De Leuven, Mi-
chel Carré et Hadot, 1865.
La Captive, opéra en 3 actes, paroles de Michel Carré (œuvre
posthume).
MÉLODIES ET CHOïrRS
MénilmoiUant, chants religieux, is:;:;.
Lu Bûche harmonieuse, 30 chants à 4 voix d'hommes.
Chaut du Soir, chœur avec accompagnement d'orchestre.
Motels née accompagnement d'orgue.
Nombreuses mélodies avec accompagnement de piano.
i:.\cYc.i.oi'i:i)ii: de la musique et i)ictio.\naihe du conservatoire
Ml SUJI'H INST1U7M
en fa.
■ en mi.
■if eu mi bémol.
:■■ Symphonie en ut.
'.' . s '/soin ■ 2 i .piinlrlles p.iin
.' .Vo«i7// pout Inslram
mr Insti nmei i- dea
.• Hrfoi pour pian.., «iol i i iolonce
les Brises i Orient, Les h
Nombreux morceaux pour piano.
instruments à cordes).
■s, Paris, 1898.
«Mrs musicales, Paris, 1872.
.'m/ dans le .Journal tics Délai*
mposé par M. II.il.HTS : il
»(, Collection des
Omettant (O.j. — les Compositeurs illustres, Paris, 18S3.
Esci dieb (Léon). — Ses Souvenirs, Taris. tSiCî.
Fi ris. — Biographie universelle tics musiciens, Paris, 1S01.
Poogin (Arthur). — Supplément il la Biographie de Fbtis, 1878.
liuovi.: ~ir Gaor^e . — Diciiouar// of mits/c auu ' niusieiuns, London,
1896.
Mirecoubt (E. de). — Félicien Uiiriil, Paris, 1S56.
PitonuiiMME. — Félicien lluviil d'après su correspondance inédile cl
celle de ses amis, dans le Mercure musical, Paris, 1907.
Reïer (E.). — Soliec sur Félicien llarid, lue à l'Institut le 17 no-
vembre 1S77.
Saint-Etienne (Sylvain). — Biographie de Félicien David, Mar-
seille, 1849.
Saint-Siens. — Harmonie cl Mélodie, Paris.
Soleniêrb (oe). — Cent iiiinees de uiiis/i/iie française, Paris.
Tajan-Rogé. — Fausses notes; les Anabaptistes et Félicien David;
le Saiiil'Simiinismeel la musique. Paris, 1862.
Léo Delihes.
Clémenl-Philibert-Léo Delihes est né le 21 février
1836 à Saint-Germain-du-Val (Sarthe)). Il perdit son
père de tonne heure, et, en 1848, sa mère vint se
fixer à Pari?. Bientôt, le jeune Léo entra comme
enfant de chœur à la maîtrise de la Madeleine : il
avait une très jolie voix. Presque en même temps.il
était admis au Conservatoire dans une classe de
solfège. Dès son premier concours, une seconde mé-
daille lui était décernée, et l'année suivante (1830),
il obtenait la première. Après avoir travaillé le piano
avec Le Coitppey, l'harmonie avec Bazin, l'orgue avec
Benoist, il outra dans la classe de composition que
dirigeait Adolphe Adam, Cràce à l'appui de son
maître, il devenait, en 1853, accompagnateur au
Théâtre Lyrique, et organiste de l'église Saint-Pierre
de Chaillot, et il quittait le Conservatoire sans autre
récompense, outre sa première médaille de solfège,
qu'un deuxième accessit d'accompagnement.
Alors, pendant une dizaine d'années, Léo Delihes
écrit pour les Bouffes ou pour les Variétés une foule
de petites opérettes, — succès faciles, mais vite
oubliés.
Heureusement, il trouve ailleurs le juste emploi de
ses dons. En 186b, il quitte ses fonctions d'accom-
pagnateur au Théâtre Lyrique et il entre à l'Opéra
comme second chef des chœurs. Là, il est tout de
suite distingué par Perrin , qui lui commande la
musique de deux tableaux d'un ballet, dont le reste
fut confié à la plume d'un musicien russe nommé
Mixiiois. La première représentation de la Source
eut lieu le 12 novembre 1866. « La faveur du public
comme celb: des artistes, raconte Ernest Guiraud, se
fixa avec une préférence marquée sur les pages
écrites par Delibes, que l'on reconnaissait facilement
à l'originalité et à la distinction du style. »
Le succès de ce premier essai fut tel que l'admi-
nistration de l'Opéra demandait aussitôt au jeune
auteur la musique d'un divertissement nouveau, qui
devait accompagner une reprise du Corsaire d'Anui
(21 octobre 1867). Enfin, le 2b mai 1870, la réputation
de Léo Délires se trouvait définitivement établie par
le triomphe de Cappella ou la Fille aux yeux d'émail,
«œuvre exquise et charmante, a-t-on dit, qui se
distingue par l'abondance mélodique, la franchise
des rythmes, l'intelligence scénique, la richesse,
l'éclat et la variété de l'instrumentation ». Un autre
ballet représenté à l'Opéra le 14 juin 1876, Sylvia ou
la Nymphe de Diane, valait à Delibes les mêmes ap-
plaudissements pleinement justifiés par la vivacité,
l'entrain, la couleur, le charme séduisant d'une mu-
sique toujours personnelle. L'année suivante, le com-
positeur était nommé chevalier de la Légion d'hon-
neur.
De 1862 à 1871, il avait tenu l'orgue de l'église
Saint-Jean-Saint-François.
En 1872, il avait épousé la fille d'une ancienne
artiste de la Comédie française, Mme Denain.
En 1881, à la mort de Henri Reber, il fut nommé
professeur de composition au Conservatoire.
Goppélia et Sylvia sont certainement les deux
plus jolis ballets qu'ait produits l'Ecole française
au xixe siècle. La gloire d'en être l'auteur ne suffisait
pas à Delibes. Il voulut avoir d'autres'succès, d'un
ordre qui passait alors pour infiniment plus relevé.
C'est ainsi qu'il fit représenter successivement à
l'Opéra-Comique en 1873 Le Hoi l'a dit, en 1880 Jean
île Nivelle qui eut cent représentations consécutives,
en 1883 enfin Lakmé qui devait faire plus pour sa
célébrité que tous ses autres ouvrages. C'est là, il
faut le reconnaître, une partition d'un attrait poéti-
que parfois très prenant; il lui manque malheureu-
sement, pour qu'on la classe parmi les chefs-d'œuvre,
d'avoir échappé à l'intluence de la mode, d'avoir
évité les formules consacrées, il lui manque un peu
d'indépendance et de sincérité.
Pour la postérité, pour l'histoire, Deliiu:- restera
surtout l'auteur de Coppélia et de Sylvia, et, à ce
litre, il sera considéré comme un précurseur. « Dans
un genre jusque-là fort relâché, dit très justement
M. Octave Séré, il apporta une élévation et une
vigueur de style, une ampleur de formes et une
richesse d'instrumentation inconnues avant lui. Le
premier, il introduisit la musique symphonique dans
le ballet, tout en demeurant bien français, et tout
en conservant à la musique chorégraphique cette
élégance légère, cette grâce caressante, cette viva-
cité spirituelle qui sont comme les ailes de la danse.
Le glorieux privilège lui revient d'avoir précédé
dans cette voie Edouard Lalo, M. André Messages,
d'autres encore, jusqu'à ceux de nos plus jeunes
contemporains, que l'exemple récent des liasses
entraîne à s'y manifester aussi. »
En décembre 1884, Léo Delibes fut élu meinbre-Je
l'Institut en remplacement de Victor Massé, et en
1889 il reçut la rosette d'officier de la Lésion d'hon-
neur. H n'avait que cinquante-cinq ans lorsque, eu
1891, il mourut, frappé subitement d'une congestion.
DES ŒrVUKS di:
Riijuiidun, Paris, Ileugel.
Romance hongroise sans pan. les. Paris
Souvenir lointain, Paris, Ileugel.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 351 E
PIANO A. QUATRE MAINS
Wfemezso, Paris, Heugel, 1892.
MUSIQUE DE DANSE
Echo, polka, Taris, Gallet.
Les Lanciers de la Gante, quadrille, Paris, Gallet.
/.(■ Muletier île Tolède, polka-mazurka, Paris, Gallet.
Musette, polka-mazurka, Paris, Gallet.
IVkîl à Sentie, polka, Versailles, Le Boulet.
CHANSONNETTES
Les Anima* de Granville (A. Vialon), Paris, Labbé.
Code fashional/le (A. Vialon), arrangé pourchœurM
titre Dandys parisiens, Paris, Labbé.
Les Deux Moulins (A. Vialon), Paris, Labbé.
Taxe sur la viande (.1. Moniaux), Paris, Gallet.
MÉLODIES
.1 nia mignonne [3. Renaut), Paris, Heugel.
Arioso (Armand silvestre), Paris, Heugel.
Anil (Remy Belleau . Paris, Heugel
Chrysanthème p. n r . ■ - . l'.n-is, Heugel.
Bfftoffue V. Hugo . Paris, Gallet!
Epilhatamc Edouard Grenier . Paris, Heugel.
Faut-il chanter? (V. de Borelli), Paris, Heugel.
Les filles de Cad'u A. de Musset), Paris, Gallet.
Heure du soir (A. Silvestre), Paris, Heugel.
Le meilleur moment îles amours (Sully Prudhomme), Paris, Heugel.
J17W» (A. Silvestre'. Paris. Heugel.
Ilente ,1'anioiir (A. Silvestre), Paris, Heugel.
Que l'heure est donc brève l. Silvestre), Paris, Heugel
Regrets (A. Silvestre), Paris, Heugel.
Le Rossignol (?), Paris, Heugel.
Sérèiiaile » .Viu./u (A. de Musset), Paris, Heugel.
Vieille chanson du « Roi s'amuse » (V. Hugo), Paris, Heugel.
Chant .le I ," I. ■;:-■ OT.ir.l . ' i Voix. lMi i-s. Pinalel.
Chants lorrains (Ph. Gille), à -i voix d'hom s, Paris, Gallet.
La Cour îles miracles (E. de Lyilen), à 3 et 1 voix, Paris, Pinatel.
Le Dimanche (Henri Murger), à 2 et 3voix égales, Paris, Pinatel.
L'Eehereau île fil [Louis Ralisbonne), à '! voix égales, Paris, Pi-
natel.
En avant (Paul de France), à 3 et 4 voix égales, Paris, Pinatel.
Hymne de Soël, à i voix, Paris, Costallat.
La Nuit île Nnel (Pli. Gille . à i voix d'hommes.
les Lansquenets (Ph. Gille), à 4 voix d'hommes, Paris, Gallet.
Le Marchand d'oubliés (Aug. Parmentier)., à 2 voix d'hommes,
Paris Gallet.
Marehe ite soldats [Nuitter), à l voix d'hommes, Paris, Pinatel.
Noël (Bouéry), à ,'i voix égales. Pari*, Pinatel.
Les norvégiennes (Ph. Gille), à 2 voix de femmes, Paris, Heugel.
Les Nymphes des Lois vCh. Nuitter), à 2 voix de femmes, Paris,
Sérénade de llm/ Bios iV. Hugo), chant des. Lavandières, solo et
chœur, 1S79, Paris, Heugel.
Trianon E. de Lyden), à i voix d'hommes, Paris, Gallet.
Les trois oisean.i i l-'r. Coppée), à 2 voix de femmes, Paris, Heugel.
Voyage enfantin (Ph. Gille), à 3 voix égales, 1S84, Paris, Heugel.
MUSIQUE RELIGIEUSE
Agnus dei
à2v
oix, Paris
Heugel.
Are Mûris Siel/u
a 2 voix,
Paris, Heugel.
Are verum
a 2
oix, Pari
, Heugel.
Messe brie
,à2
voix égale
, Paris, Pinatel
0 Siiluluri
, à2
ou 3 voix
égales.
Deux sous de charbon, opérelle en 1 acle, polies-Nouvelles, 1S55.
Les deux vieilles gantes, opéra-bouffe en i acte, Bouffes Parisiens,
8 août 1S56, Paris, Joubert.
Bouffes-Pari-
Six demoiselles a marier, opéretle-houiïe m 1 act
siens, 12novembre 1S56, Paris, Heugel.
L'ttmclelle .i la Fallcaihùclie, op.Te.lte bouffe en lacté, Bouffes-Pa-
risiens, 8 juin 1859, Paris, Heugel,
Monsieur de Bonite Etoile, opérette en l'acte, Bouffes-Parisiens,
4 février 1860.
tes Musicien* de l'orchestre, opérette en 2 actes, Bouffes-Pari-
siens, 25 janvier 1S61.
Mon ami Pierrot, opérette en t acle, Kursaal d'Kins, juillet 1862.
Les Eaux ifEms, opérelle en 1 acle, Kursaal d'Kins, juillet 18u2.
La Tradition, prologue, Bouffes-Parisiens, 5 janvier 1864.
I.e Serpent a plumes, opéra-bouffe en 1 acte, Bouffes-Parisiens,
16 décembre 1S64, Paris, Gallet.
Le Bœuf Apis, opérette en 2 actes, Bouffes-Parisiens, le 25 avril
1865. Parlilion détruite par l'auleur.
Vallrough s'en va-t-en guerre, grande opérette en 4 actes, en col-
laboration avec Bizet, Jonas et Legouix, Athénée, 13 dé-
cembre 1867.
L'Ecossais de Chatou, bouffonnerie en 1 acte, Bouffes-Parisiens,
16 janvier 1869, Paris, Joubert.
La Cour du roi Pèlaud, opéra-bouffe en 3 actes, Variétés, 24 avril
1869, Paris, Leduc.
La Fille du Golfe, opérette publiée dans le Journal des Demoi-
selles.
Monsieur Cri/fard, npéra-comiqu" en 1 acle, Théâtre Lyrique,
3 octobre 1SÔ7, Paris, Labbé.
Le Jardinier et son seiauenr, opéra-comique en 1 acte, Théâtre
Lyrique, 1" mai 1803. Paris, Gallet.
Alger, cantate, opéra, 15 août 1805.
/.e Uni l'a dit, ..pér i-c unique en 3 actes, Opéra-Comique, 21 mai
l.a mot dnr/.'i -, -cil.' drainalique, Tr.ua. l.'l'O, 25 juillet 1878,
Paris, Heugel.
Jean de Nivelle, opéra en 3 actes, Opéra-Comique, 8 mars 1SS0,
Paris, Heugel.
Lakmè, opéra en 3 actes, Opéra-Comique, I i avril I8S3, Paris,
Heugel.
Kassija, opéra en 4 actes et 5 tableaux. Récitatifs ajoutés et ins-
trumentation achevée par Massenet. Opéra-Comique,
21 mars 1893. Paris, Heugel.
l.a Source, ballel eu :: acles et i lab b aux. p',n collaboration avec
Minkous (le 2'-' et le 3^ tableau sont de Déliées), Opéra,
12 novembre 1866, Paris, Heugel.
Valse ou pas des /leurs, divertissement pour la reprise .lu Corsaire
d'Ai.AM, opéra, 21 octobre 1-0,7, l'ai.-, II<ii."i.
Coppêlia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en 2 actes, Opéra,
21 mai 1870, Paris, Heugel.
Sijlvia ou la nymphe île Diane, ballet en 3 actes e! 5 ! ibli aux,
Opéra, 1 1 juin 1S76, Paris, Heugel.
Le Roi s'amuse, six airs de danse dans le style ancien, Théâtre-
Français, 22 novembre 1882, Paris, Heugel.
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lue le 2 avril 1S92 à l'Académie des beaux-arts, Paris,
Didot.
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brairie de l'Art, 1894.
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l'Instruction publique et des beaux-arts aux funérailles
de Léo Delibes, le 19 janvier 1S91, Paris, Imprimerie
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1905. — Léo Delibes. sa rie et ses œuvres, Paris, Legouix,
1926.
ENGYGLOPÉDJE DE LA MUS/QUE ET DICTION* AIRE DU CONSERVATOIRE
II.
DécA, — Jt
mi de Xuriic à la
Qatté Lyrique. i.<
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>, no-
vembre
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Le rhéâtre, avril
89 s.
D.
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îjjto*
. Le Figaro,
13 juin IS78.
A.
Pouam. —
1891.
Léo
Dilibes. R<
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IStl Revue.
— ;
e Hoil'adii. Journal des Bêbats
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187 3
' i ■> \ières Journal des Débats, 13 a
7, de Chaîna. Journal des Débats, lu nuvem
SiiielU. Journal des Débats, 13 mars 1880.
. Journal îles Déliais, 2ii .1 ■mure 1SS2.
■nii-iul ,li's Débits, il avril 1SS3, 16 maie
ISSi.
— la ilorl d'Ilrphee. Journal « l ■_- -s Débats. 31) mars IsS",.
— Syh'ia. Journal des Débats, 20 juin 1892.
Henry Ron.iox. — Discours prononcé aux fêles d'inauguration
du monument élevé à la mémoire de Léo Df.libes à la
Flèche le lSjuin 1899. Le Ménestrel, 23 juin 1899.
Francis Tiio.mé. — l.eo Uelibes. La Revue de Famille, février. 189 1 .
Théodore Dubois.
Théodore Di'nois est né à Itosnay, aux environs
de Reims, en 1837, d'une famille de vanniers. A
10 ans, il entend la grand'messe à la cathédrale de
Reims, et son âme s'ouvre à la musique. Il a trouvé
s i vocation; il veut être organiste. Deux fois par se-
maine, il fait à pied les treize kilomètres qui sépa-
rent son village de la ville pour aller prendre les
leçons du musicien Louis I'anart. A 16 ans, il vient à
Paris; il entre au Conservatoire. Il apprend le piano
avec Marmontel, l'harmonie avec Bazin, l'orgue avec
Bkhoist, la composition avec Ambroise Thomas, et
déjà il remplit les fonctions d'organiste accompa-
gnateur à la chapelle des Invalides. Successivement,
il oblient les premiers prix d'harmonie, de contre-
point et de fugue, d'orgue, et enfin avec Atala (1861)
le grand prix de Home.
D'Italie il rapporte une Messe solennelle, un opéra,
et deux ouvertures. L'exécution à Sainte-Clotilde de
son premier grand ouvrage, Les: Sept Plwolesdli Christ
(1867), attire l'attention. Il quitte Sainte-Clotilde où
il avait été d'abord organiste accompagnateur (1858-
1861), puis maître de chapelle (1863-1868). Il est
nommé maître de chapelle de la Madeleine (1868-
1875) et il succède dans cette même église à M. Saint-
Saëns comme organiste (1875-1896). Professeur
d'harmonie au Conservatoire (1871-1801), professeur
de composition (1891-1896), et inspecteur de l'ensei-
gnement musical (1884-1896), il est chargé en 1896
de la direction du Conservatoire, et il la conserve
jusqu'en 1905. En 1894, il avait été élu membre de
l'Académie des beaux-arts en remplacement de
Gounod.
Th. Dubois est mort à Paris, le 11 juin 1924.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE THEODORE DUBOIS
ŒUVRES THEATRALES
187?. La Guzla de Vcmir, opéra-comique en 1 acte. Athénée
lyrique. Heugel.
1379. Le Pain l/is, opéra-comique eu 1 acte. Opéra-Comique,
Joubert.
1SS3. La Farandole, ballet en 3 actes. Opéra. Heugel.
lS8i. Aben Hamel, opéra en i actes. Théâtre Italien. Heugel.
1895. Xavier e, idylle dramatique en 3 actes. Opéra-Comique.
Heugel.
Miyuela, opéra inédit.
ŒUVRES LTBICjUBS
1867. Les Sepl Paroles da Chris:/, oratorio pour soli, chœurs et
orchestre. Sainte-Clotilde. Heugel.
1873. Le Paradis perdu, drame-oratorio en 4 parties pour soli,
chœurs et orchestre. Colonne. Leduc.
1873. I/Eulèremeu! de Proscrpinc, scène lyri |ue pour soli, chœurs
el orchestre. Leduc.
1880. Ilergerette, mélodie provençale pour, solo, chœurs et or-
chestre. Heugel.
1893. llijlas, scène lyrique pour.soli, chœurs etorchestre. Heugel.
Les vivants et les mdrls, strophes pour soli, chœurs el or-
chestre, Heugel.
Valse mélancolique, solo, chœurs de femmes et orchestre.
Heugel.
1897. Notre Dame de la mer., poème légendaire pour soli, chœurs-
etorchestre. Lamoureux. Heugel.
1899. Le Baplémede Clans, ode de Léon XIII, en 3 parties, pour
soli, chœurs et orchestre. Cathédrale de Reims. Heugel.
Vtiitraïun /es- aisritu.i rhanlrnl, roule mystique pour soprano
et orchestre. Durand.
A Douariieae: ni llrelni/ne. mélodie pour baryton et orches-
tre. Heugel.
Tarentelle, mélodie pour soprano et orchestre, Ilmue!.
1900. Kijbèle, poème pour solo, chœurs et orchestre. Société des
Concerts. Heugel.
1918. La Prière de France.
ŒUVRES SVMI-HOMQIES ET MORCEAUX DE CONCERT
. Deurièmc Ourertnre de concert, en ré majeur. Durand.
'. Trois Airs de bulle! . Heugel. — I. Tempo di valza. — II.
Allegretto. — III. Saltarello.
. Concerto cnpriceioso pour piano et orchestre, Heugel.
'. Suite rillai/eoise pour orchestre. Colonne. Heugel. — I.
Paysage. —II. Intermède. — III. Fête.
. Ourertnre sijmphonique. en ut majeur. Heugel.
. Ourertnre de r-Vii/iw/Aîléiiende Scandinave). Colonne. Heugel.
. Première Suite sur lu Farandole. Heugel. — I. Les Tam-
bourinaires. — II. Les Ames infidèles. — III. La Pro-
vençale. — IV. Sylvine. — V. Farandole fantastique.
Deuxième Suite sur lu Farandole. — I. Adagio. — II. Valse
des Olivettes. — III. Cloches et violoneux. — IV. Petit
Menuet. — V. Valse des Ames infidèles.
. Murchc héroïque de Jeanne d'Are. Heugel. — La même,
pour musique d'harmonie et pour fanfare. Id.
. Fantaisie triomphale pour grand orgue et orchestre. Clayton
et Summy (de Chicago) et Heugel.
. )lrdi!ai/aii-Pnnc. pour orchestre à cordes, liiiilbois, harpe
et orgue. Heugel.
. Trais petites pièces pour orchestre. Leduc. — I. Air h
danser. — II. Chanson d'Orient. — III. Histoire bi-
zarre.
Mélodie religieuse pour violon, avec orchestre. Heugel.
Ballet d'Abeu Hamel (fête orientale). Heugel. — I. Allegro
moderato. _ II. Andanle. — 111. Allegro non Iroppo.
Amiante eaulabile pour violoncelle avec orchestre. Heugel.
Esquisse et Eiilr'ucte-ltiijaiidon de Sariere. pour violoncelle
et petit orchestre. Heugel.
Intermède siimphoniqne de Sotre-Damc de lu mer. Heugel.
. Hymne nuptial pour orchestre, Heugel.
, Concerto pour violon et orchestre. Colonne. Heugel.
. Dcurinne Concerto, en fa mineur, pour piano et orchestre.
Société des Concerts. Heugel.
Suite -Miniature. Heugel. — I. Prologue. — II. Badinago.
III. Andantino-réverie. — IV. Petite Marche.
Deiw petites pièces pour orchestre à cordes, Heugel. — I.
Prélude. — II. Esquisse.
. Adonis, poème symphonique pour orchestre, en trois par-
ties. Société des Concerts. Heugel. — 1. Mort d'Adonis.
— II. Déploration des Nvmphes. — III. Réveil d'A-
donis.
. Fantaisie pour harpe et orchestre. Heugel.
Quatre Cumins pour piano pédalier, de Schpmans. trans-
crits pour orchestre. Heugel.
Prélude du Paradis perda. Leduc.
Heur pièces ni fnruir eauamiiue pour hautbois et violoncelle.
avec orchestre à cordes. Heugel.
Pauses cévenoles de Xavière. Heugel.
Sijmphame française. Bruxelles. Heugel.
Deux petits rères d'enfant. Heugel.
Deux pièces pour violon el orchestre. Heugel.
Nocturne pour violoncelle et orchestre. Heugel.
Est/iusses orchestrales.
Ueuricme Sijaipliauie . Colonne.
Fanlaisie-Sliiek pour violoncelle et orchestre. Lamoureux.
Fantiisiethi pour instruments soli et orchestre à cordes.
Lamoureux. 1919.
Suite concertante pour violoncelle, piano et orchestre. La-
moureux.
lu memnrtuui umrtunrum. Lamoureux.
Suite pour piano et orchestre à cordes. Lamoureux.
TECUMQVE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LINSTITUT DE FRANCE
CHŒCHS SANS ACCOMPAGNEMENT
Le Pas d'armes, chœur à 4 voix d'hommes. Heugel.
La Voix île la nature, chœur à -i voix d'hommes, Leduc.
TareilKUe, chœur à i voix d'hommes, Leduc.
I.e Drapeau français, chœur à 3 voix d'enfants, Arrenaud,
62, avenue Faidherbe.
Le Renard el la Cigogne (fable de La Fontaine;, chœur à
2 voix d'enfants, avec accompagnement de piano. Le-
beau.
Après la moisson, Bcène chorale pour voix d'hommes.
Heugel.
Le Chine el le Roseau (fable de La Fontaine), scène chorale
pour voix d'hommes, Ileugel.
llqmue un priulemi's, s'erne chorale pour voix d'hommes.
Heugel.
Lu Forêt, scène chorale pour voix d'hommes.
Le Champagne, scène chorale pour voix d'hommes.
Le Coureur, pour voix mixtes. — Réveil, chœur mixte avec
soli. — Barcaralle, solo de ténor et chœur. — Vers tes
Blés, quatuor vocal.
siqte d'or
(de 1S80 k 1900 en gêné
18S3. Pieee d'orgue Journal 3e la M.iitrise'.. Ileugel.
18S6. Douze pièces d'orgue. Leduc. — I. l'rélude, en fa. — IL
Offertoire, en mi. — III. Toccata, en sol. — IV. Verset
de procession, en ré. — V. Offertoire, en mi 7. — VI. Ver-
set choral, en la mineur. — VII. Fantaisie, en mi. —
VIII. Méditation, en mi ,. — IX. Marche des Trois Ma-
ges, en mi. — X. offertoire, en mi -,. — XI. Cantilène
nuptiale, en la -,.
1887. Dix pièces pour orgue et harmonium, Heugel. — I. En-
trée, en sol mineur. — II. Entrée (carillon), en si mi-
neur. — III. ollerloire, en si mineur. — IV. Offertoire,
en mi. — V. Elévation, en ri. — VI. Elévation, en si.
— VII. Communion, en sol \,. — VIII. Communion,
en sol. — IX. Sortie (fughetta), en re. — X. Sortie,
en la.
1S91. Messe de mariage pour grand orgue (ô pièces). Leduc. —
I. Entrée du cortège. — II. Bénédiction nuptiale.
— III. Offertoire. — IV. Invocation. — V. Laus Deo
(sortie).
Trois pièces d'orgue. Schmitt (Boston) et Durdilly (Paris).
I. Prwlintiiiin grave. — II. Adoralio et Vax angelica. —
III. Hosiuinah chorus mai/nus).
1S93. Douze nouvelles pièces d'orgue Leduc. — I. Prélude et
fugue, en ré. — II. Chant pastoral, en ut mineur. —
III. Cortège funèbre, en fa mineur. — IV. La Fête-
Dieu, en ut. — V. Canon, en la i». — VI. Alléluia, en
mi]). — VIL Noël, en la mineur. — VIII. Fiat lux, en
mi. —IX. In Paradisum, en sol. — X. Offertoire, en
rémineur. — XI. Thème provençal varié, en lit mineur.
XII. Marche triomphale, en mi?.
1900. Sept petites pièces pour orgue. Novello (Londres).
tt '%Aséendil Deus, offertoire pour l'Ascension. Heugel.
1907. Postlude pour harmonium.
Entrée pour grand orgue.
1911. Pastorale champenoise, pour grand orgue .ni harmoninm.
Prélude, \>ouv grand orgue ou harmonium.
Transcriptions pour grand orgue.
isSS. Marche héroïque de Jeanne d'Arc. Heugel.
18S9. Fantaisie triomphale, Clayton et Suoimy (Chicago) el Heugel.
Œuvres des grands maîtres.
188S. Six transcriptions pour grand orgue. Durand. — I. Alléluia,
du Messie (H.endel). — II. Marche d'Athulic (Men-
delssohn). — III. Marche du Songe d'une nuit d'etc (lu.).
— IV. Introduction du 3' acte et chœur des Fiançailles,
de Lohengriii (R. Wagner). — V. Marche reliée use de
Lohengrin (In.). — VI. Marche de Vmnhmaer (In.).
1X94. Six nourrîtes transcriptions. Durand. — I. Marche-gavolle,
de Josui (H.esdkl). — II. Prélude, de Lohengrin [R.
Wagner). — III. Chœur de Paulin 'Mknuki.ssohn). —
IV. Introduction du 3« acte et chœur des Pèlerins, de
Tatmhseuser (R. Wagner). — V. Chorus myslicus, de
Faust (Schdmann1. — VI. Psaume. — I. Cieli immensi
(B. Marcello;.
MCSIQOE DE CHANT
1SS3. Recueil de vingt mélodies, dans deux tons. Leduc. — I. Baiser
maternel. — IL Ballade de la belle Viroise. — III. La
Menteuse. — IV. L'Adieu. — V. Sous bois. — VI. Le
Nuage.— VII. Madrigal. — VIII. Douce Ivresse.—
IX. La Fée Jeunesse. — X. Rondel. — XI. Chanson
d ele. — XII. Credo. — XIII. Le Baiser de paix —
XIV. Poème de mai. — XV. Chant du soir. — XVI
™,STfinl.Jean\~ XVI1' Cha»s<>n de printemps. -
imi R ' *erL>lla?e; .- XIX- Exlaoe,- XX. Le Galop.
1887. Recueil de vingt mélodie- nouvelles, dans deux tons Heugel
— I. La Chanson de ma mie. — II. A Douane ne/en'
Bretagne (la même, avec orchestre). — m Près d'un
«Uisagau. - IV. Parle sentier. - Trimazo, chanson
de mai, avec chœur de jeunes filles à l'unisson et ad
libitum. — VI. Matin d'avril. - VII. Asperula. — VIII
Mignonne. — IX. Le Baiser. - X. Les Vivants et les
Morts, strophes, avec soli et chœurs (la même avec
orchestre). — XL Rosées. —XII. Tarentelle (1b même
avec orchestre). — XIII. Matin. — XIV. Brunette. —
XV. Bergerette, mélodie provençale, solo et chœurs
(la même avec orchestre). — XVI. J'ai rêvé. — XVII
Madrigal. — XVIII. Berceuse. — XIX. Allez-vous-en
— XX. Yseult.
1900. Les vaines tendresses, six mélodies, dans deux tons, Heu-
gel. — I. Prière. — II. L'Etoile au cœur. — III Au
bord de l'eau. — IV. Enfantillage. — V. Pèlerin,
— VI. Sur un album.
Délivrance, cantate, pour soli et chœurs, avecaccomp.V'ne-
de piano. Noi 1.
Dates diverses : Jeanne. — L'Aveu. Oirod. — Pourquoi tes oiseaux
chaulent, coule mystique (le même avec orchestre). Du-
rand. — Le Vitrail. Enoch. — Noël, avec accompagne-
ment de piano ou d'orgue. Hachette. — Désir d'avril.
Ileugel. — Sérénade. Id. — La terre a mis sa robe blan-
Nou
Id.
Id. — Dormir et river. Id. — L'air riait doux. Id. — lu
désir. Id. — La voie lactée. Id. — Le dernier adieu. Id.
— L'eufaut à sou amie gardien. Id. — Miigiielonne. Id.—
Les heures. Id, — L'oubliée. Id. — Ce qui dure, Id. —
Éclaircie. Id. — ,l l'Océan, Id. — Lamenté. Id. — La
chanson Je Colin, Id. — Ha effeuillant des marguerites. —
Le invd.ii d amour. — // m'aime. — Propos d'umoiir. —
Ecoule la siimphonie. — La lune s'effeuille sur l'eau. — Un
petit roseau. — Si j ai parle. — Vitanellc. — Autre baiser.
— L'e/fenillement. — Printemps.
1907. Odelettes antiques, à mélodies,
I90S. La Cliaiisou des roses. — Viatique.— Trop tard.
1910. Musique sur l'eau. 6 mélodies.
1913. Chanson JcSlar,olrc. 7 mélodies et un grand nombre de
mélodies séparées de dates diverses.
MDSIQOE DE PIANO
Avant 1S70. Scherzo el\ choral. Heugel. — Marche orienlule. Id.
— Scherzo en fa mineur. Id. — Clucur et Danse de lutins.
Id. — Bluelle pastorale. Id. — Rêverie-prélude. Id. —
Allegro de Bravoure. Id. — Divertissement. Id. — Inter-
mezzo. Id.
Dates diverses. Chuconne. Heugel. — Clair de lune. Id. — Réveil.
Id. — Danse des Nymphes (ex. traite à'ilylas), Id. —
Thème curie. Id. — Deux préludes (preludio patelico,
preludio saltarello). Id. — Impromptu, Id. — Morceaux
detitches de la Farandole. Id. — Un soir au bord du lac.
Mennesson. — Un rêve après le liai. L. Grus.
1S73. Doute petites pièces, en deux suites. Heugel. — I. Prélude
(transcription du n" 1 de la Suite-Miniature pour or-
chestre). — II. Esquisse. — III. Badinage (transcrip-
tion du n" 2 de la Suite-Miaiiitare pour orchestre. —
IV. C.mzonetta. — V. Adagietto. — VI. Scherzetto.
VII. Petite maz-urka. — VIII. Toccata. — IX. Andan-
tino rêverie (transcription du n" 3 de la Suite-Miniature
pour orchestre). — X. Petite Marche (transcription du
n°4 de la Suite-Miniature pour orchestre). — XI. Alle-
grelto-Capriccio. — XII. Impromptu final.
1875. Trois airs de ballet. Heugel (transcription des mêmes poui
orchestre). — I. Tempo di valza. — II. Allegretto. —
III. Saltarello.
1SS0. Vingt pièces nouvel/es. A. Leduc. — I. A l'aube. — II. Air
à danser (transcription du n° 1 des Trois petites pièces
d'orchestre). — III. Interlude. — IV. Sonnet. — V.
Remember. — VI. Histoire bizarre (transcription du
n° 3 des '/'rei\ petites pièces d'orchestre). — VII. Duet-
tino. — VIII. Chanson d'Orient (transcription du n" 2
des Trois petites pièces d'orchestre. — IX. Fanfare. —
X. A la veillée. — XI. Choral. — XII. Petite valse. —
XIII. Chanson Lesbienne. — XIV. Ronde des archers.
— XV. Sorrente. — XVI. Histoire triste. — XVII.
Menuet. — XVIII. Stella matutina. — XIX. Fragment
de ballet. — XX. Chant bachique.
1S93. Poèmes sylvestres (six pièces). Heugel. — I. L'Allée soli-
taire. — II. Les Myrtilles. — III. Les Bûcherons. —
IV. Le Banc de mousse. — V. La Source enchantée. —
VI. Danse rustique.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
1S97. Poèmes rirgiliens (six pièces). Heugel. — I. Tilvre.
Qalatea. — 01. Daphnie. — IV. Les Abeilles. —
Lethé. — vi. Diana.
190 1. .lu jardin, scènes mignonnes [six pièces). Heugel.
Les Oiseaux. ■
Petites Visites. — IV. Qouttes de |
tils Canards. —VI. La Première l
Marche héroïque de Jeaiue d 1rs pour pi
tion |mmi r orchesb e . MennessoD.
DeuxCautilèuet, transcrites dugrand 01
A. Leduc,
l'.m::. Ombres et lumières (0 p.). Heugel.
1905. Causone, Heugel.
1908. Douze études de concert, Heugel.
1907, Menez tiagio. Sonate. Heugel.
1908, Su pelilei Valu* inlimett. Heugel.
1909, Pi ; - o pettrei. Heugel.
uni. la journée de Veafaal (12 p.). Heugel.
1914. A l'aventure (12 p.). Heugel.
191 ' . Prélude et fugue, Heugel.
Deuxième tlurerture de concert, en ré. A
Ouverture symphoaique en ut. Heugel.
Suite villageoise. Heugel.
Ouverture de Frithioff. Heugel.
Fantaisie triomphale. Heugel.
Adonis, poème symphonique. Heugel.
Symphonie française.
Suite- Miniature.
Quatuor a cordes.
Deuxième Symphonie.]
Fantasiella.
1921. Esquisses orchestrales.
Farandole juuhislique, par Lack. Heugel.
Deux Suites, sur des pièces d'orgues choisies pari. Philipp.
A. Leduc. Première suile : I. Prélude. — II. Cortège
funèbre. — III. Scherzo. — IV. Thème provençal va-
rié. — V. Finale. = Deuxième suite : I. Entrée. — II.
In Paradisum. — III. Marche des Rois Mages. — IV.
Toccata.
Thème varié, transcrit par I. Philipp. Heugel.
MUSIQUE DE CHAMBRE
De 1S60 à 1870. Mélodie, en sol, pour violon ou violoncelle, avec
piano. Legouix.
Contemplation, pour violon, avec piano. Legouix.
Berceuse, pour violon, avec piano. Legouix.
Duettino d'amore, pour violon et violoncelle ou alto, avec
piano. Heugel.
Andante-Cantabile, pour violoncelle, avec piano. Le même
avec orchestre. Heugel.
Cavatine, pour violoncelle, avec piano. Heugel.
Avant 1870. Caprice mélodique et Prière, pour harmonium.
Alexandre.
Fantaisie pastorale, pour harmonium, Alexandre.
Trois transcriptions, pour violon, piano et harmonium. Alexandre.
I. Allegretto de la Symphonie en la, Beethoven.
II. Adagio du Septuor, Beethoven.
III. Adagio de la Symphonie en /«mineur, Mendelssohn.
Fantaisie pour musique d'harmonie, sur Aben-Hamel
(transcription de G. Parés). Evette.
la Farandole, puur musique d'harmonie (transcription de
G. Parés). Evette.
La Farandole, pour musique d'harmonie (transcription de
L. Ivarrcn. Evette.
1880. Saltarello, pour violon avec piano (transcripiion du n° 3
des Airs de flallel, avec orchestre. Heugel.
1SS7. ilétodie religieuse, pour violon, avec orgue et harpe ou
piano (réduct. de la même pour orchestre). Pérégally.
Andante religioso, pour violoncelle, avec orgue. Pérégallv.
1890. Mèdilalion-I'riére, pour violon solo, harpe et orgue (réduc-
tion de la même pour orchestre. Heugel.
PremiéreSuile pour instruments à vent : 2 flûtes, 1 hautbois,
2 clarinettes, 1 cor et 2 bassons. Heugel. — I. Petite
mazurka. — II. Canzonetta. — III. Chaconne.
Deuxième Suile pour instruments à vent : 2 flûtes, 1 hautbois,
2 clarinettes, lcor et 2 bassons. A. Leduc. — I. Ronde
des archers — II. Chanson Lesbienne. — III. Petite
Valse. — IV. Stella Malulina — V. Menuet.
Sonate, eour piano et violon. Heugel.
18U3. Hymue nuptial, pour violon, alto, violoncelle, harpe et
orgue Réduction du même pour orchestre). Heugel.
Le même, pour violon, piano et orgue. Heugel.
1896. Concerlo-Capriceioso pour piano, avec second piano (réduit
de l'orchestre), Heugel.
1897. Deuxième Concerto, pour piano, eu fa mineur, avec second
piano (réduit de l'orchestre). Heugel.
189S. Concerto, pour violon, avec piano (réduit de l'orchestre).
Heugel.
1900, Deux Pièces canoniques, pour hautbois et violoncelle, avec
piano (réduction des mêmes avec orchestre). Heugel.
Méditation, pour violon et hautbois, avec piano ou orgue.
Heugel.
Cantilène, pour cor ou violoncelle et violon, avec piano
ou orgue, Heugel.
Menuet, pour violoncelle, avec piano. Heugel.
Orientale, pour hautbois ou flûte, avec piano. Ricordi (de
Milan).
Sonale pour deux violons. Heugel.
1903. Fantaisie, pour harpe, avec piano (réduit de l'orchestre).
Heugel.
1"' Trio pour piano, violon, violoncelle. Heugel.
1901. Quintette avec hautbois. Heugel.
I9U5. Sonate pour violoncelle et piano. Heugel.
1906. Quatuor avec piano. Heugel.
De 1903-1907. Promenade sentimentale, piano, violon, violoncelle.
Heugel.
Deux petits rêves d'enfant, quatuor à cordes.
Deux pièces pour violon et piano. Heugel.
Nocturne pour violoncelle. Heugel.
Terzellino pour flûte, alto et harpe. Heugel.
Morceau de concert, pour trombone. Heugel.
Au Jardin, instruments à vent. Heugel.
Entr'acte Rigaudon do\Xueière, pouralto, violoncelle. Heugel.
Esquisse pour violoncelle. Heugel.
Aubade prinlaniere, pour harpe. Heugel.
Ballade, pour violon. Heugel.
Rêverie scherzo, pour violon. Heugel.
1908. Quatuor à cordes. Heugel.
1909. Dixluor pour double quintette. Heugel.
1910. 1" Trio avec piano. Heugel.
Accompagnement pratique du plain-chant. Pérégally.
Soles et éludes d'harmonie, pour servir de supplément au Traité
de H. Reber. Heugel.
Quatre-vingt-sept leçons d'harmonie. Heugel.
Traité de contrepoint et de fugue. Heugel.
Petit manuel théorique de l'harmonie. Heugel.
En préparation : Traite pratique et théorique d'harmonie. Heugel.
1916. 2e Quatuor à cordes. Heugel.
1918. Fantaisie pour trompette. Heugel.
1915. Canon pour violon et violoncelle. Heugel.
MUSIQCK RELIGIEUSE
Vers 1860. Cinq motels, avec accompagnement d'orgue. Janit
(Lyon). — I. Ascendil liens, offertoire en si\,, solo en
chœurs. — II. 0 Sulutaris, en fa, solo de ténor, et
chœur ad libitum. — III. Agnns Dei, solo pour mezza-
soprano. — IV. Ave Verum, en fa, pour ténor, ou so-
prano. — V. 0 Salnturis, en fa, pour ténor ou soprano.
1862- 1866. SIesse Pontificale, soli et chœurs à quatre voix
S. A. T. B. avec orchestre. [Partition réduite par l'au-
teur. Cette messe a été exécutée pour la première fois à
Saint- Eustache par l'Association des Artistes musiciens
(fête de sainte Cécile, novembre 1895). Heugel.
1876. Messe brève en mi \, à trois voix S. T. B., avec orgue ou or-
chestre. Heugel.
1S91. Messe brève, en la \> majeur à trois voix S. T. D , soli et
chœurs avec orgue. Heugel.
Messe pour les morts, soli et chœurs à quatre voix mixtes
avec orgue ou orchestre. Madeleine.
Kyrie en ut mineur, chœur et solo de ténor.
Domine Jesu Christe, soli et chœurs.
Sanctus, chœur.
Pie Jesu, duo et chœur.
Agnns Dei, soli et chœurs.
Libéra, chœur et solo de baryton avec orgue ou orchestre.
Petite Messe pour les morts, chœurs à trois voix S. T. B.,
avec orgue.
Libéra, offertoire en sol mineur, pour deux ténors.
Pie Jesu, en k/# mineur, chœur à quatre voix et soli.
Pie Jesu, en mi [J, petit chœur à quatre voix.
Pie Jesu, en la mineur, chœur à trois voix et soli pour
deux ténors.
Pie Jesu, en ut mineur, solo de ténor.
Absolve Domine, motet, solo de baryton et chœur (extrait de
Mendelssohn).
1895. Molet solennel pour la fêle de la suinte Vierge, soli, chœurs
et orchestre. Première audition parla Société des Con-
certs du Conservatoire (24 février 1895).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L INSTITUT DE FRANCE
Messe brève, en /« majeur à quatre voix S. A. T. B. avec
orgue. Heugel.
Messe brève, en (a majeur a qualre voix S. A. T. B. avec
ou sans accompagnemeut d'orgue, style palestinien.
Heugel.
Credo, puur une messe brève, quatuor d'hommes, soli et
chœurs à voix mixtes, avec orgue. Heugel.
Messe brève, à troix voix d'hommes, avec orgue. Heugel.
diverses, Mulets au suint -sacrement. Heugel :
0 Salutaris, en ré, solo de soprano ou ténor.
OSuliilaris, en Injf solo de baryton avec violon, harpe.
orgue et contrebasse.
0 Salutaris en lu -,, duo pour ténor et baryton.
OSalularis, en mi $ majeur, chœur à trois voix S. T. I).
0 Salutaris, eu si $ majeur, chœur à quatre voix S. A. T. li.
0 Salutaris, en sol, solo de ténor et chœur.
0 Salutaris, en ta j? (extrait de Beethoven), solo de so-
praiiM
eh.
Il Salutaris, en sol (extrait de Mozart), solo de baryton et
chœur.
0 Salutaris, en ut, solo de ténor et chœur, avec cor an-
glais, harpe, orgue et contrebasse.
Le même, avec orchestre.
Il Salutaris, en si}/, solo de soprano et chœur d'hommes
avec clarinette ou violon, orgue et contrebasse.
Le même, avec orchestre.
Ave Verum, en rr'9, solo de mezzo-soprano ou barvton
élevé.
Ave Verum, en la # majeur, chœur pour voix d'hommes.
Ave Verum , en la [J, solo de ténor et chœur ait libitum.
Le même, en fa, pour mezzo-soprano ou baryton.
Ave Verum, en fa, >olo de mezzo-soprano avec violon.
Ave Verum, en mi majeur, solo de ténor avec violoncelle ou
clarinette.
Le même pour ténor et orgue seul.
Le même, pour mezzo-soprano et orgue seul.
Ave Verum, en si \, (extrait de Mendelssohn), solo de so-
prano ou ténor avec clarinette ou violon.
Ave Verum, en fa, solo de baryton et chœur ad libitum avec
violoncelle, harpe et orgue.
Ave Verum, en mi if, solo de soprano et chœur ad libitum.
Ave Verum, a cappella.
Pauis angelicits (à César Franck) en s»# mineur, avec
Chœur ad libitum.
Le même, en /(( mineur, pour mezzo-soprano.
Le même, en sol mineur, pour contralto.
Le même, en s/jf mineur, avec violon ou vioL .nt'id !.-.
harpe et orgue.
Le même, en la mineur, avec violon ou violoncelle, harpe
et orgue.
l'anis ungelicus, en ré majeur, solo de ténor avec harpe
et violoncelle et orgue.
Le même, avec orgue seul.
Le même, en ut, pour mezzo-soprano et orgue seul.
Le même, avec orchestre.
Pauis angeliciis, en si# majeur, solo de mezzo-soprano
avec chœur d'hommes et harpe, violoncelle, orgue,
contrebasse et violon ad libitum.
Ecce pauis, en mi \>, duo pour soprano et baryton.
Eeec punis, en mi [>, duo pour deux sopranos.
Ecce panis, en si'r,, chœur à quatre voix d'hommes.
Tànlinn ergo, en ««'majeur, solo de soprano ou ténor.
Tantum ergo, en sol, chœur à quatre voix d'hommes.
Tantum ergo, en mi jj, ehœur à qualre voix S. A. T. B.
Tantum ergo, en mi [?, solo de baryton et chœur.
Le même, avec orchestre.
Tantum ergo, en si \j, solo de ténor et chœur.
Tantum ergo, en mi <t majeur, solo de baryton avec \iolon,
violoncelle, harpe et chœur ai libitum.
. Messe solennelle de saint Rémi, soli, chœurs, orchestre. Pre-
mière audition à Saint-Éustache,le23 novembre 1900.
Heugel.
. Sanctus, pour chœur et orgue. Heugel.
Tantum ergo.
0 Saerum convivium, solo de soprano ou ténor avec orgue
ou orchestre.
0 Saerum convivium, chœur à quatre voix S. A. T. B.
Bone paslor, en fa majeur, choral à quatn
(extrait de Menoelssohn).
lauda Sion, en ut, soli et chœur à quatre
(extrait de Beethoven).
Dates diverses. Motets il la sainte Vierge .
Ave. Maria, en sol (à M. Miquel), solo de s
Le même, en fa. pour mezzo-soprano.
Le même, en mi\y, pour contralto où bar
Are Maria, en mib, solo de soprano.
Are Maria, en la majeur, solo de ténor ou
Ave Maria, en »«' b, solo de baryton.
voix S. A. T. B.
«>i mm m, en in mineur, s»io de soprano et chœur.
Aie Van,, en la y, duo pour ténor et baryton avec chœur.
] Su/, luum, en rc;, tno pour soprano, loi, or et basse. Par-
ties de violon et harpe.
Sub luum, en sot majeur, trio pour soprano, ténor et basse.
Su* luum, en la[,, quatuor pour soprano, contralto, téinu'
et basse.
«egina eali, en si >, solo 1
chœur à trois voix.
duetto de soprani 1
Le même, avec orchestre.
0 pr.v mu/ieribus, offertoire pour les fêtes de la sainte
Vierge, chœur à trois voix S. T. B.
Ego Mater, solo de soprano.
Le même, pour mezzo-soprano.
Are. Maria, en la majeur, solo de soprano.
Christus resurrexil (extrait de Marcello) solo de baryton et chœur
avec grand orgue alterné.
Le même, avec orchestre.
0 filii et filial, arrangé avec violoncelle, orgue, contrebasse et
harpe ad libitum.
Ave Maria, eulab (à M. Bosquin), solo de soprano ou ténor.
Le même, en fa, pour mezzo-soprano.
Le même, en mih, pour contralto ou baryton.
Le même, en la\>, pour soprano ou ténor avec violon on violon-
celle et harpe, par Samuel Rousseau.
Le même en fa, pour mezzo-soprano avec violon, violoncelle et
harpe.
Eranl aposlnli, solo de baryton et cbœur.
Air de la Cantate (de J.-S. Bach), solo de baryton.
Fulgebunl jusli, chœur pour soprano, ténor, basse, solo de basse
et quartelto de soprani.
Adeste fidèles, solo et chœur avec violon ou violoncelle, harpe et
Ecce advcitit Itumiualor Dominas, chœur à qualre voix sans accom-
pagnement, orgue ad libitum.
Tu es Peints, en si--,, chœur avec grand orgue alterné ou solo de
baryton et chœur.
Le même, avec orchestre.
Tu es Peints, en si$ majeur, chœur et solo de ténor avec violon-
celle, harpe et contrebasse.
Tu es Peints, ensi# majeur (extrait du précédent et contenant
également le texte du Tu es Sacerios), tutti de basse et
chœur à trois voix S. T. B.
Tu es Parus, chœur et 2 orgues sur un thème grégorien.
ilénéiielion pontificale, a cappella (1911).
Veui Sanete Sptritus, duo pour soprano et ténor.
Veni Creator en mi jf, solo de baryton et chœur à quatre voix
S. A. T. B., avec violon, violoncelle, harpe, orgue et
contrebasse (transcription de Samuel Rousseau).
Benediciit rubis en si^, chœur pour voix d'hommes et voix d'en-
fants ai libitum et duetto pour soprano ou ténor et ba-
ryton avec orgue, violoncelle, harpe et contrebasse ad
libitum.
Deus Abraham en fa, chœur avec soli de basse et ténor.
Le même, avec orchestre.
I.andale l). 0. </., chœur à quatre voix
1913. Messe brève, a trois voix dans
Heugel.
1917. Messe ie la Délivrance. Heugel.
Agitus Uei. en la majeur. Duo pour soprano et ténor.
Heugel.
Agnns Dci, en la majeur. Duo pour lénor et barvton.
Heugel.
int-Georges. 1911-
Bibliorjiaphie
Journal de l'Université des A niialr -, . ", 1 ,
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(conférence à la Société des Grandes Conférences, 14 mars
1910).
Gabriel Fauré.
Gabriel Fauré est né le 13 mai 184b à Pamiers
(Ariège), où son père exerçait les fonctions d'inspec-
teur primaire, avant d'être nommé directeur de l'é-
(NCYCLoPEdŒ DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
cole normale d'instituteurs de Koix (1848). En lS.'li,
les dispositions musicales manifestées par le jeune
Gabriel décidèrent ses païen ts à l'envoyer à "Paris, à
l'Ecole de musique religieuse fondée par'NlEDERMEYER.
Dès la fin de la première année, il obtenait une ré-
compense pour le piano. Mais les frais qu'entraînaient
ces études semblaient lourds au directeur de l'école
normale deFoix; aussi songeait-il à l'aire abandon-
ner à son fils ses études si bien commencées. Pour
conserver un brillant élève, Niedermeyer lui accorda
la gratuité de la pension. En août 1S;>:>, après avoir
suivi les leçons de Niedermeyer, de Dietsch et de Ca-
mille Saint-SaëNS, Gabriel Faiué remportait les prix
de piano, d'orgue, d'harmonie et de composition
musicale. En janvier 1866, il devenait organiste à
['.église Saint-Sauveur à Itennes.
En mars 1870, il revenait à Paris, comme organiste
accompagnateur à l'église Notre-Dame de Clignan-
court. Il n'occupa ce poste que quelques mois, et, dès
les premiers jours de la guerre, s'engagea dans les
voltigeais de la garde. Après l'armistice, il accepte
la direction d'une classe à l'Ecole Niedermeyer
et le poste d'organiste à l'église Saint- Honoré
d'Eylau. Nommé quelques années plus tard orga-
niste accompagnateur à Saint-Sulpice, il remplace
en 1877 Théodore Dubois comme maître de cha-
pelle a la .Madeleine.
Cette même année et les années suivantes sont
marquées par de nombreux voyages en Allemagne,
d'abord à Weimar pour assister à la première repré-
sentation du Samson et bailla de Saint- Sauns,
ensuite à Cologne, à Munich, partout où il peut
entendre les œuvres de Wagner.
Déjà Gabriel Fauré s'était fait connaître comme
compositeur. Le 8 février 1873, à la Société nationale
de musique, dont il fut undesfondateuis, Mme Edouard
Lalo avait chanté sa Chanson du pécheur; le 13 février
1874, sa Suite d'orchestre en la, qui ne fut jamais
publiée, avait été exécutée chez Colonne. Mais jus-
qu'au S juillet 1878, jour où fut jouée, aux Concerts
de musique de chambre du Trocadéro, sa Sonate
en la pour piano et violon op. 13, le nom de Gabriel
Fauré ne s'était pas imposé au public. Longtemps
encore, malgré l'article enthousiaste que lui avait
consacré Camille Saint-Saëns, la réputation de
Gabriel Fauré ne devait pas s'étendre au delà du
cercle assez étroit des connaisseurs; longtemps, il
devait rester presque inconnu du grand publie, et
cela en raison même du genre de musique qu'il
écrivait. Seules en France, les œuvres d'orchestre
ou de théâtre font la popularité d'un musicien.
Pour le théâtre, Gabriel Fauré n'avait écrit que
la musique de scène de Caligula (1888), de Shylock
(1889), et un Promélhée, joué en 1900 et en 1901 aux
Arènes de Béziers. Jamais son nom n'avait figuré sur
les affiches de l'Opéra ni de l'Opéi a-Comique; il sem-
blait même craindre de parler la langue musicale
accessible au grand public; une seule fois, en 1913,
il finira par se risquer au théâtre (Monte-Carlo,
Théâtre des Champs-Elysées, Paris), avec une Péné-
lope, œuvre émouvante dans sa simplicité, tragédie
forte qui restera un des chefs-d'œuvre de l'école
française. D'au Ire part, il écrivait peu pour l'orchestre;
un Concerto de violon, exécuté en 1879, ne fut jamais
publié; une Symphonie en ré mineur (concerts Co-
lonne, 15 mars 188o| resta manuscrite. Pour expri-
mer la délicatesse de ses sentiments, il lui fallait
l'intimité de la musique de chambre, et avec sa
Sonate de violon, ses deux Quatuors pour piano et
instruments à cordes (1882-1887), ses recueils de
lieds demeureront ses vrais titres de gloire.
v La musique de M. Gabriel Fauré, élégante, sub-
tile et raffinée, dit excellement M. Octave Séré, ne
peut être pleinement goûtée que des délicats. » Ceux-
ci ont su apprécier la pureté de sa ligne mélodique,
la netteté de ses architectures qui font de lui un
classique, mais un classique aux harmonies singu-
lièrement hardies, un classique, devenu impression-
niste au contact de Verlaine, dont il sut traduire
musicalement les nuances et la tendresse sensuelle,
un classique qui serait en même temps le très réel
précurseur des révolutionnaires les plus modernes.
Toutes ces qualités n'échappèrent pas aux délicats.
Sans le tapage d'un gros succès populaire, de plus
en plus, la gloire de Gabriel Fauré s'affirmait;
les titres, les honneurs marquaient le progrès de
cette réputation. En 1883, l'Académie des beaux-arts
lui accordait le prix Chartier pour ses œuvres de
musique de chambre. En 1892, il succédait à Ernest
Guiraud comme inspecteur des Beaux-Arts. Titulaire
du grand orgue de la Madeleine le 2 juin 1896, pro-
fesseur de composition, de contrepoint et de fugue
au Conservatoire (10 octobre 1896), nommé directeur
du Conservatoire (juin 190o) en remplacement de
Théodore Dubois, il conservera ce poste jusqu'au
1er octobre 1920. Critique musical au Figaro, depuis
la fin de 1902, président, depuis 1909, de la Société
musicale indépendante (S. M. I.), Gabriel Faire a
été élu en 1909 membre de l'Institut et élevé, le 30 dé-
cembre 1910, au grade de commandeur de la Légion
d'honneur. Il est mort le 2 novembre 1924.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE GABRIEL FAURE
Irais Uomunees sons paroles, op. 17. 1863, Paris, 1 1 : ■ i n ._■ 1 1 ■ ■ .
/"■ Impromptu op. 25. ISs3, Paris, I Iaiin-11..-.
f" Barcarollé, op. 26, 1883, Paris, Hamelle.
{« Valse-Caprioe, op. 30, 1SS3, Paris, Hamelle.
8< Impromptu, op. 31, 1S83, Paris, Hamelle.
Mazurka, op. 32, 1883, Paris, Hamelle.
Trois Nocturnes, op. 33, 1883, Paris, Hamelle.
.,"■ Impromplu. ..p. ::',, 1883, Paris, Hamelle.
4' Nocturne, ç>p. 36, lSsi, Paris, Hamelle.
y Nocturne, op. 37, 1884, Pans, Hamelle.
:"■ Yalse-Cnprue, op. 3s, | ssi. Paris, Hamelle.
:'<• Barcarollé, op. 41, 1885, Paris, Hamelle.
3' Barcarollé, op. 12, 1885, Paris, Hamelle.
4' Barcarolte, op. 44, lsso. Pans, Hamelle.
..'' Valse-Càprioe, op. 59, 1S91, Paris, Hamelle.
;•■ Vnlse-ijipnec. op. 62, 1*94 (î), Paris, Hamelle.
6- Nocturne, op. 63, 1895 (?), Paris, Hamelle.
.V nnrairol/c, op. lit;, 1895 ;'?). Paris. Hamelle.
i? Barcarollé, op. 70, »896 (î), Paris, Hamelle.
Thème et rariations, op. 73, 1897, Paris, Haraelle.
;<• nocturne, op. 74, 1898, Paris, Hamelle.
Huit pièces hreres. op. Si, 1898-1902 :1a dernière est le 8>
lurne), Paris, Hamelle.
7e Barcarollé, op. 90, 1906, Paris, Heugei.
,' Impromptu, op. 91, 1906, Paris. I Liilt-I .
î« Uiireariille. op. !
97.
9' Barcarollé, op. loi, 1910, Pan-, Hi ugi I.
.V Impromptu, op. 102, 1910, Paris. Heugei.
Neuf Préludes, op. 103, 1910-1911, Paris, He
JATRE MAINS
Impromptu, op. 86. pour harpe seule. 199 i, Paris, Durand.
Le Papillon et la Fleur (V. Hugo), op. 1. Pans, Hamelle.
Uni (V. Hugo), op. 1, Paris, Hamelle.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3521
Dans les ruines d'une abbaye orcheslrée) (V. Hugo), op. 2, Paris,
Hamelle.
Les Matelots (Th. Gautier), op. 2, Paris, Hamelle.
Seule! (Th. Gautier), op. 3, Paris, Hamelle.
Sérénade toscane (Romain Bussine), op. 3, Paris, Hamelle.
Chanson du pécheur (Th. Gautier), orchestrée, op. 4, Paris, Ha-
Ladia Leconte de Lisle), op. 4, Paris Hamelle.
Chant d'automne (Ch. Baudelaire), op. 5, Paris, Hamelle.
Réee d'amour (Victor Hugo), op. 5, Paris, Hamelle.
L'Absent (V. Hugo), op. 5, Paris, Hamelle.
Aubade i Louis Pommey), op. 6, Paris, Hamelle.
Tristesse (Th. Gautier), op. 6, Paris, Hamelle.
Sylvie (Paul de Choudens), op. 6, Paris, Hamelle.
Après un réee Romain Bussine), op. 7, Paris. Hamelle.
Hymne (Ch. Baudelaire), op. 7, Paris, Hamelle.
Barcarolle (Marc Monnier), op. 7, Paris, Hamelle.
Au bord de l'eau (Sully Prudhomme), op. 8. Paris, Hamelle.
La Rançon (Ch. Baudelaire), op. 8, Paris, Hamelle.
Ici-bas (Sully Prudhomme), op. S, Paris, Hamelle.
Ces vingt premières mélodies ont été écrites vers 1865.
Scll (Leconte de Lisle), op. 1S, 1SS0 (?), Paris. Hamelle.
Le Voyageur (Armand Silvestre '■■.op. IS. 1880 (?), Paris, Hamelle
Automne (Armand Silvestre), op. 18, 18S0 i , Paris, Hauelle.
Poème d'un jour. 3 mélodies, op. 21, 1881. Paris. Durand.
Les Berceaux (Sully Prudhomme). op. 23, ISS2, Paris, Hamelle.
Solrc amour (A. Silvestre), op. 23. 1SS2. Palis. Hamelle.
Le Secret ,A. Silveslie , op. 23. 1882. Paris, Hamelle.
Chanson d'amour ,A. Silvestre). op. 27, 1883. Paris, Hamelle.
La Fee au.e chansons (A. silvestre), op. 27. 1S83, Paris, Hamelle
Aurore (A. Silvestre), op. 39, 1884, Paris, Hamelle.
Fleur jetée (A. Silvestre , op. 39, 1884, Paris. Hamelle.
Le Pays des rêves ; A. Silvestre), op. 1884, Paris, Hamelle.
Les Roses d'is/ialion Leconte de Lisle), op. 39, 1S84, orchestrée,
Paris. Hamelle.
Noël (Wilder), op. 43, 1SS6\ Paris. Hamelle.
Koctune (Villiers de l'Isle-Adam, op. 13. 1880. paris, Hamelle.
/.csPr«c«/s(Villiersderi9le-Adaiti).op.46. 13*7, Paris, Hamelb .
Clair de luue; Verlaine), orchestrée, op. 46, 1887, Paris, Hamelle
Larmes Jean Riehepin . op. r.l, 18S9 (.'), Paris, Hamelle.
Au cimetière (Jean Riehepin , op. 51, 1889 ('?), Paris. Hamelle
Spleen (Verlaine), op. 51, 1889 ;'? . Paris. Hamelle.
La Rose (Leconte de Lisle , op. 51. 1889 (?', Paris, Hamelle.
Cinq mélodies :
Mandoline (Verlaine), op, 58, 1890, Paris, Hamelle.
Eu sourdine (Verlaine!, op. 58, 1890. Paris, Hamelle.
Green (Verlaine), op. 58, 1890, Paris, Hamelle.
A Clymène (Verlaine), op. 5S, 1890, Paris, Hamelle.
C est' l'écluse (Verlaine), up. 58, 1890, Paris, Hamelle.
I.o Houiie Chanson Verlaine), op. 61. 1891-92, Paris, Hamelle.
Le Par/ um impérissable (Leconte de Lisle1, op. 76, 1S97, Paris.
Hamelle.
Arpège A. Samain), op. 76, 1897, Paris, Hamelle.
Prison (Verlaine), op. 83, 1900, Paris, Hamelle.
Soir (A. Samain), op. S3, 1900. Paris, Hamelle.
Omis la forêt de septembre (Catulle Mendés), op. 85, 1903, Paris,
Hamelle.
La /leur qui ra sur l'eau (C. Mendés), op. 85, 1903, Paris, lïamelle.
Accompagnement (A. Samain), Paris, Hamelle.
Le plus doux chemin A. Silvestre), op. S7, 1904, Paris, Hamelle.
Le Don silencieux Jean Dominique), op. 92. 1906, Paris, Heugel.
Chanson (Henri de Régnier . op, 94, 1907, Paris, Heugel.
La Clianson d'Eté Charles van Lerberghe), 10 mélodies, op. 95.
1907-1910, Paris, Heugel.
Enpri<re(StéphanBordèse) sans numéro d'oeuvre, Paris, Durand
orchestrée).
Le Ramier (A. Silvestre1, sans numéro d'oeuvre, 1901, Paris, Ha-
melle.
Vocalise, sans numéro d'oeuvre, Paris, Leduc 1907.
DOOS, CHŒURS ET SCÈNES
Puisque ici-bas (V. Hugo), duo pour 2 sopranos, op. 10, 1870 (?),
Paris, Hamelle.
Tarentelle (Marc Monnier), duo pour 2 sopranos, op. 10, 1870 (?),
Paria, Hamelle.
Cantique de Jeun Racine, chœur à i voix mixtes, avec accompa-
gnement d'harmonie et de quintette à cordes, op. 11,
1S73 ' ■ orche-trée), Paris. Hamelle.
Les Djinns (V. Hugo , chœur à i voix mixtes avec accompagne-
ment d'orchestre, op. 12, 1875 ('?), Paris, Hamelle.
le Ruisseau, chœur pour 2 voix de femmes, op. 22, Paris. Ha-
melle.
La Sais-sauce de Venus Paul Collin), scène mythologique pour soli.
chœurs et orchestre, op. 29. 1882, Paris, Hamelle.
Madrigal (A. Silvestre), quatuor vocal avec accompagnement
d'orchestre, op. 35, 1S84, Paris, Hamelle.
Copyright by Librairie Delagrave, 1929.
Fleurs d'or ,A. Samain), duo p-
1S96 (?), Paris, Hamelle
MUSIQUE RE
0 Saluions, à I voix, op. 47, 1S87 (?), Paris, Hamelle.
Maria, mater gratis, duo, op. 47, tss7 (?), Paris, Hamelle.
Messe de Requiem, pour soli, chœur et orchestre, op. 18, |>S7,
Paris, Hamelle.
Ecce fidelis servus, pour soprano, ténor et baryton, avec accom-
pagnement d'orgue et contrebasse, op. 54, 1890 (?), Paris
Hamelle.
Tautumergo, pour solo et chœurà 4 voix, op. 55, 1890 (?), Pa-
ris, Hamelle.
Are rerum, duo pour 2 vqjx de femmes, op. 65, 1891 ■ ' , Paris,
Hamelle.
Tantum ergo, choeur pour 3 voix de femmes avec soli, op. 65,
1894 (?), Paris, Hamelle.
Salve Regiaa. à 1 voix, op. 97, 1896 (?), Paris, Hamelle.
Aie Maria, à 1 voix, op. 67, 1S95 ('), Paris. Hamelle.
.lie Maria, duo, op. 93, 1006, Paris, Heugel.
Tuiilum ergo, pour soprano ou ténor et chœur mixte, sans nu-
méro d'œuvre, Paris, Durand.
Tu es Petrus, pour baryton, solo et chœur mixte, sans numéro
d'œuvre, Paris, Durand.
Messe basse, pour 3 voix de femmes avec accompagnement d'or-
gue (œuvre ancienne), Paris, Heugel, 1907.
Sonate, piano et violon, op. 13. 1876, Leipzig. Breilkopf.
Ier Quatuor, en ut mineur, piano et cordes, ..p. 15, 1879, Paris,
Hamelle.
Berceuse, violon et piano, op. 16, 1880, Paris, Hamelle.
Élégie, violoncelle et piano, op. 16, 1»S0, Paris, Hamelle.
2' Quatuor, en sol mineur, piano et cordes, op. 15, 18S6, Paris,
Hamelle.
Petite pièce, violoncelle et piano, op. 19, 1889 (?). Non publiée.
Romance, violoncelle et piano, op. 6o, is'.pô i ' . paris, Hamelle.
Andaate, violon et piano, op. 75, 1898, Pans, Hamelle.
Papillon, violoncelle et piano, ,,p ::, isos, Paris, Hamelle.
Sicilienne, violoncelle et piano, op. 78, 1898, Paris, Hamelle.
Fantaisie. _ fin te et piano (concours du Conservatoire), op. 79,
1898, Paris, Hamelle.
Quintette, en ré mineur, piano et cordes, op. 89, 1906, New- York,
Schirmer.
Sérénade, violoncelle et piano, op. 98, 1908, Paris, Heugel.
MUSIQUE SYMPH0NIQUE
Concerto, violon et orchestre, op. 11. 1878. Non publié.
Ballade, piano et orchestre, op. 19, 1881, Paris, Hamelle.
Suite d'orchestre, op. 20, ts75. Non publiée.
Allegro sijmphonique, op. 68, extrait de la Suite d'orchestre, op. 20,
Paris, Hamelle.
Romance, violon et orchestre, op. 28, 1882, Paris, Hamelle.
Symphonie, en ré mineur, op. 10, 188 i. Non publiée.
Pavane pour orchestre avec chœur ad libitum, op. 50, 1SS7, Pa-
ris, Hamelle.
Pelléas et Mètisande, suite d'orchestre, op. 80, 1S98, Paris. Ha-
MUSIQUE DE SCENE
Caligula (Alexandre Dumas père!, op. 52, Odéon, 8 novembre
1886, Paris, Hamell".
Shylock (Edmond Haraucourt . op. 57, Odéon, 17décembre 1SS9,
Paris, Hamelle.
Le Voile du bonheur (G. <;.l.-m.-nceau), op. 88, Renaissance, 4 no-
vembre 1901. Non publié.
MUSIQUE DRAMATIQUE
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— G. Fauré. Revue illustrée, 1" juillet 1905.
Gossec.
François-Joseph Gossé, dit Gossec, est né à Ver-
gnies, dans les environs de Maubeuge, le 17 janvier
1734. Ses parents étaient très pauvres. Il fut d'abord
gardeur de vaches. Ou dil qu'il avait fabriqué une
sorte de violon avec un sabot ; il chaulait en s'ac-
compagnant de ce grossier instrument. Un oncle
ayant remarque ses a|
itiludes musicales, le fait en-
voyer à l'école et au lutrin. Le jeune garçon passe de
là au chapitre de Sainte-Aldégonde de Maubeuge,
puis à la cathédrale d'Anvers, où il devient premier
chantre, où il apprend le clavecin et le violon et
s'essaye dans la composition.
A dix sept-ans, Gossec,
ià marié avec Marie-
F.Iisabeth Georges1, arrivait à Paris (1751). Il eut la
bonne fortune d'entrer, grâce à la recommandation
1 Sur celte question contestée du ma
»oir Dofrane, Gossec, 19-7, p. 18 et sui
de Rameau, comme cbef d'orchestre dans la maison
du fermier général Le Miche de la Pouplinière.
C'est alors que notre compositeur crut bon de
modilier son nom en lui donnant une apparence ita-
lienne ou allemande; il se faisait appeler tantôt
Gossei, tantôt Gossec2.
Il écrivait déjà force musique instrumentale : duos,
trios, quatuors, symphonies. Il est possible que
quelques-uns de ses ouvrages aient été exécutés au
Concert spirituel dès 1753. Son nom est mentionné
pour la première fois par le Mercure de France, le
I." avril 1757.
La Messe des morts, qu'il fit entendre aux Jacobins de
la rue Saint-Jacques en mai J760, attira l'attention
sur son nom, définitivement tiré de l'obscurité. Cette
Messe des morts se jouera continuellement aux céré-
monies funèbres pendant toute la fin du xvm" siècle
et jusqu'en 1814, où on l'entendit pour la dernière
lois à l'église Saint-Moch pour l'anniversaire de la
mort de Grétry.
A la mort de la Pouplinière, Gossec entra chez le
prince de Conti (1762). Puis il devint, entre 1766 et
1769, intendant de la musique du prince de Condé.
Cependant Gossec cherchait d'autres succès que
ceux du concert ou de l'église. II débuta à la Comé-
die Italienne, en 1765, avec de petits opéras-comi-
ques, dont aucun n'obtint une fortune très brillante.
Gossec renonce momentanément à continuer ses
essais dans un genre où il n'arrivait pas à réussir.
En 1769 s'ouvre, à l'hôtel de Soubise, le fameux
Concert des amateurs. La direction artistique en est
confiée à Gossec. Il y réunit un orchestre de premier
ordre, pou r lequel il composera « ses grandes sympho-
nies avec l'emploi de tous les instruments à vent ».
En février 1773, Berton et Dauverg.ne abandonnent
la gérance du Concert spirituel. Gossec la reprend
avec les violonistes Gavimès et Ledcc aine, et immé-
diatement l'entreprise redevient prospère.
Le 20 mars 1774, il fait exécuter celle de ses sym-
phonies qui restera la plus connue, la Citasse. Le
24 décembre de la même année, c'est la première
audition de son oratorio La Nativité, qui fut repris
les années suivantes à chaque fête de Noël,
En février 1777, le Concert spirituel changeait
encore une fois de direction. Le chanteur Legros suc-
cédait à Gossec, Gavimès et Leduc.
Le 7 avril 1777, une symphonie de Gossec obtenait
un tel succès qu'elle était bissée par l'audiloire, fait
peut-être sans précédent dans l'histoire des concerts
français.
Après l'Arche d'alliance, en mars 1782, Gossec fut
par deux fois acclamé.
11 possédait dès lors en France la première place
parmi les compositeurs de musique instrumentale.
Le 9 déeembre 1782, parait son fameux O Salutaris
à 3 voix, qui devait se transformer, sous la Mévolu-
tion, en un Hymne à la Liberté, et dont un arrange-
ment pour 3 cors fut souvent exécuté sous l'Empire
dans les exercices du Conservatoire.
Des Chœurs d'Athalie écrits pour la tragédie de
Itacine fuient chantés à la cour, à Fontainebleau,
le 3 novembre 1785, puis au théâtre de la Nation à
partir du 17 juin 1791. Un fragment de cet ouvrage,
remanié en 1795 et adapté à des paroles de M.-J. Ché-
llier, deviendra le Serinent républicain.
Cependant Gossec était revenu au théâtre, où il
véritable non. de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3523
aurait bien voulu recueillir quelques succès égaux à
ceux de ses symphonies. Une tragédie lyrique, fiabi-
nus (22 février 1774), ne réussit que médiocrement.
En avril 1773, Gossec fait partie du personnel de
l'Opéra comme « maître de musique pour le service
du théâtre ».
En avril 1778, il passe « maître de musique des
chœurs ».
On apprécie beaucoup son talent, mais quelques
essais de musique dramatique qu'il risque encore ne
sont guère heureux.
On le charge volontiers de besognes de second
ordre, comme, par exemple, d'ajouter à VIphigênie
en Tauride de Gluck la musique pour un divertisse-
ment de Noverre : les Scythes enchaînés.
En avril 1780, nouvel avancement : Gossec devient
« maître de musique des chœurs » sans augmentation
de traitement, mais avec part dans les bénéfices.
En avril 1781, il prend le titre de « sous-directeur du
chant », et en avril 1782, il figure en tête de la liste
du personnel comme « compositeur ».
Arrive la Révolution. Gossec en adopte les princi-
pes avec ardeur. Il devient In plus fécond collabora-
teur des fêtes nationales. A lui seul, il fournit 33 de
ces grandes compositions populaires et patriotiques
que le gouvernement réclamait alors des musiciens.
On lui donne le surnom de « Tyrtée de la Révolu-
tion ». Plus tard on dira : « La Révolution peut être
comparée à un grand drame lyrique, paroles de
M.-J. Chénier, musique de Gossec, décoration de
David'.»
Le 1er vendémiaire an V (22 septembre 1796),
dans une proclamation laite au Champ de Mars
pour l'anniversaire de la fondation de la République,
on cite « les noms des poètes et des compositeurs
qui ont contribué à l'ornement des fêtes nationales
depuis la conquête de la liberté et auxquels la nation
adresse un tribut de reconnaissance... Au premier
rang des compositeurs républicains, la nation place
et proclame : le citoyen Gossec, l'un des cinq inspec-
teurs du Conservatoire de musique, connu par vingt-
trois morceaux de musique, et qui ne laisse guère
échapper une seule fête civique sans offrir son tribut
de talent à la patrie. »
Gossec, qui avait été directeur de ÏEcolc Royale de
chant et de déclamation sous l'ancien régime2, était
devenu d'abord « lieutenant maître de musique »
des musiciens de la garde nationale réunis par S.\n-
rette, puis le principal organisateur de l'enseigne-
ment de la niHsique à V Institut national de musique,
jusqu'à ce que la loi du 3 août 1793, ayant constitué
définitivement le Conservatoire national de musique,
sous la direction de Sarrette, attribue à Gossec les
fonctions d'inspecteur et de professeur de composi-
tion avec un appartement dans les locaux du fau-
bourg Poissonnière et des appointements qui varie-
ront par la suite sans jamais dépasser 3.000 francs.
Gossec dépensa dès lors la plus grande partie de
son activité dans le professorat et dans l'étude des
questions pédagogiques.
Il prit sa retraite le 1er janvier 1816, à 81 ans. Il
était alors le doyen des musiciens et des composi-
teurs. Il n'a plus d'autre occupation que de suivre
les représentations de l'Opéra-Comique et les séan-
ces de l'Institut (il en faisait partie depuis la fonda-
i. France musicale, 1841, p. 14.5.
2. Celle école, instituée par un arrêt du Conseil d'Etat du Roy du
3 janvier 1784, ounit ses portes le 1" avril suivant. Cf. Dcfhahe, op.
tion, 12 décembre 1703, et il avait été nommé che-
valier de la Légion d'honneur en 1804). A partir de
1823, ses facultés s'affaiblirent considérablement.
Il s'éteignit doucement à Passy, le 16 février 1829, à
l'âge de 96 ans.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE GOSSEC
MDM'_>rr
i lll:.VTBK
nquo, 1 acle.
Le Tonnelier, op.'-i ;, -
Le Faux Lord.
Les Pêcheurs, opéra-comique, 1 acte.
Toiuou cl Toinetlc, opéra-comique, 2 actes.
Le Doulite Déijiiisement, opéra-comique, 2 acles.
llijlns el Sylvie, musique de scène.
Saliiuus, tragédie lyrique, 4 actes.
Berlhe, opéra, 5 actes.
Alexis et Daphnê, fragments.
Philèmnn el Bauca, fragments.
La Fêle du village, intermède, 1 acte.
Les Scythes enchaînes, ballet.
Myr;a, ballet, 3 actes.
Thésée, tragédie lyrique, 4 actes.
Electre, chœurs.
Alhalie, chœurs.
L'Offrande it la Liberté, scène patriotique.
Le Triomphe de la République m le Camp de Grand Pré, di-
vertissement lyrique, 1 acte.
La Nouvelle au camp ou le Cri de vengeance, scène lyrique.
Hitocris, opéra, 3 acles.
Callislo, ballet, 3 actes.
MOSIO.CE IN'STBXMENTALE
1753. Sir Sonates pour deux violons et basse, op. 1.
1755. Ssx Duos pour deux fliib's ou deux violons, op. 2.
1756. Six Symphonies à 4 parties, op. 3.
1759. Sci Sinfonie a piu stromenti, op. i.
17*31 . S?« Sinfonie à piu stromenti, op. 5.
1763. Six Symphonies, op. 6.
1765. Six Duos pour deux violons, op. 7. Trois Grandes ,
nies, op. 8.
1766. Six Trios pour deux violons el hautbois avec cor ad
17'.'.'.
Su Symphonies, a grand orchestre, op. 12.
Pures pour2 clarinettes, 2 cors el 2 bassons.
Six Quatuors pour flûte et violons, op. 14.
Six Quatuors pour 2 violons, alto et basse, op. 15.
l'eue Symphonies.
Trois Grandes Symphonies.
Sinfouia da caccia.
Sinfonia périodique u piu struinenli (douteux ; nom de Go
ajouté à la plume).
Snmphouie concertante, à plusieurs instruments.
Symphonie à n parties.
Messe des Morts.
liies irx. "
Cariste redemplor.
La Nativité, oratorio.
Te Deunt.
L'Arche d'alliance, oratorio.
iidiat.
Domine salvum. — 0 Salutaris.
Dernière Messe des niants.
Terrihile esl (3 voix et orchestre).
Jubilait- Deo,
Du il Dominas.
Kyrie et Gloria.
Quam dilecla.
Eleniia passer.
Iienti qui habitant.
Dominas a devins.
Suite de Noël.
An VII. Odes d'Anacrëon (en collaboration avec Giebobini, Li
soeor et Mehdl).
S. D. Invocation il Mahomet, scène.
Le Bouquet, scène pour une fête à laquelle assistait le ri
(vers 1785).
Ouverture de l'erriu cl Perretle.
1X11. Arrangement sur la chanson Charmante Gahrielle.
S. D. Divertissement instrumental.
Chagvin d'amour, romance.
3524
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
.■ampoiilious palrioliquci \ . Constant imurre, Musi-
que des l'êtes et cérémonies île la Heenliilioii) ; S»i>»i''(»'«r>
militaires (17S9). — Murriif lugubre ( 171)0). — CAnBi du
i; ;mi7M (171)2). — Ihjmne i Voltaire (1791). — Boude
nationale, — Hymne à l'être suprême ( 1791). — 2 orches-
lr. liions de la Marseillaise.
1701 . i raile île l'harmonie à l'usage îles écoles nationales de Paris.
Au \ 111. Principes clcmeiiluircs de musique, arrêtés par les membres
ila Conservatoire de miisii/ne.
Happons a l'Institut (V. les tables du Moniteur).
Bibliographie.
is; i
Ad. Adam. — Derniers Snurcnirs il un musicien, Pari
Bachaomont. — Mémoires.
Biographie national! de Belgique, arlicle Gossec, Bruxelles, 1SS4-
1885.
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Fétis. — Biographie unirerselle des Musiciens.
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Frédéric IIei.louin. — Gossec et la musique française à la fin du
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Mercure de France, passim.
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Constant Pierre. — Musique des fêtes et cérémonies delà Révolu-
tion, Paris. — L'École de chant de l'Opéra, Paris, 1896. —
Le Magasin de musique à l'usage des (clés nationales, Paris,
•i. Ti
: de la Bêrolulion, Paris, Hachette.
Gounod
Charles-François Gounod naquit à Paris le 17juin
1818. Son grand-père était « fournisseur du Roi »;
son père, second prix de Rome en 1783, était dessina-
teur. Malgré son talent de graveur et de lithographe,
il ne lit pas fortune; et lorsqu'il mourut en 1823, sa
veuve dut donner des leçons de piano pour élever ses
deux fils, Charles, le futur musicien, et Urbain, qui fut
architecte.
Gounod a noté lui-même les impressions artistiques
de son enfance :
« Six ans et demi; premières sensations musicales,
le Freischùtz à l'Odéon.
« Douze ans et demi : Otello aux Italiens, la Mali-
bran.
« Treize ans et demi : Don Giovanni. »
Déjà le jeune Gounod se sentait pour la musique
une irrésistible vocation; mais, fort respectueux de
l'autorité de sa mère, il lui adressa une longue lettre
dans laquelle il la suppliait de le laisser suivre sa
vocation. Celle-ci, avant de prendre une décision,
consulta le proviseur du lycée Saint-Louis, où son
fils faisait alors ses études. Très large d'idées, grand
amateur de musique, le proviseur imposa à l'enfant
une petite épreuve : il lui demanda de mettre en mu-
sique les paroles de la célèbre romance de Méhtl :
« A peine au sortir de l'enfance Etonné de la
façon dont le jeune Gounod s'était tiré d'affaire, il lui
dit, en le serrant dans ses bras : « Va, mon enfant,
et fais de la musique. » Tout en prenant des leçons
de Reicha, Gounod n'en continua pas moins ses
études classiques, qu'il poursuivit jusqu'à son bacca-
lauréat.
Il entra alors au Conservatoire, dans la classe-
d'HALÉvv, pour le contrepoint et la fugue, puis suc-
cessivement, pour la composition lyrique, dans celles
de Berton et de Lesueur. En 1839, à 21 ans, il obte-
nait le grand prix de Rome, et avant son départ pour
l'Italie, il dirigeait, dans l'église Saint-Eustache, une
messe à grand orchestre de sa composition.
Le séjour de Gounod en Italie, où il composa le
Sot?', le Vallon, une il/esse à trois voix (1841) et un
Requiem (1842), est important dans la carrière du
musicien, au point de vue artistique comme au point
de vue religieux. C'est alors qu'il étudia les œu-
vres de Palestrina et que Fanny Hensel, la sœur de
Mendelssohn, lui lit connaître, pendant l'hiver et le
printemps de 1840, les maîtres allemands, et en par-
ticulier Bach et Beethoven (ses sonates et Fidelio).
D'autre part, sous l'influence d'un de ses anciens
condisciples, Charles Gay, qui faisait à Rome ses
études de théologie et plus tard entra dans les ordres,
sous l'impression de l'éloquence du Père Lacordaire,
se développaient et se précisaient les inclinations re-
ligieuses que Gounod avait manifestées dès l'enfance ;
il songeait même alors à se faire prêtre, et il aurait
abandonné la musique, si sa mère, comprenant qu'il
faisait fausse route, ne l'avait délourné de son projet.
Le voyage entrepris par Gounod, après son séjour
à Rome, à travers l'Autriche et l'Allemagne (Vienne,.
Prague, Dresde, Berlin, Leipzig) lui permit d'entrer
en relation avec Mendelssohn. Les œuvres de l'auteur
des Romances sans parole l'enthousiasmèrent, etc'est
par elles que s'établit chez lui le contact entre la
musique française et la musique allemande.
A son retour à Paris, malgré ses fonctions de-
maitre de chapelle de l'église des Missions, Gounod
délaisse la musique pour se consacrer tout entier
aux études théologiques. Il signe ses lettres : l'abbé
Gounod; il porte l'habit ecclésiastique; mais bientôt
la musique lui manque; il s'aperçoit que son art est
devenu indispensable à sa vie; et en 1851, il débute-
au théâtre avec l'opéra de Sapho, que ne peuvent
sauver ni le talent de Mme Viardot, la principale
interprète, ni les excellentes pages que contient la
partition. — Le public accueille avec la même froi-
deur Ulysse (Théâtre-Français, 1852), et la Nonne san-
glante (Opéra, 1854), dont l'échec semble plus expli-
cable. Mais ce que n'avaient pu de longues partitions,,
une courte page le réalisa; la Méditation sur le pre-
mier prélude de Bach établit définitivement auprès
du public la réputation de Gounod, qui, depuis 1852,
dirigeait l'Orphéon (association des sociétés chorales
et des écoles de chant de Paris).
Le public de l'Opéra-Comique trouva sans gaieté la
musique du Médecin malgré lui (13 janvier 1858). Un
an plus tard (19 mars 1359), le Théâtre Lyrique don-
nait la première de Faust, qui marque dans l'histoire
de l'opéra fiançais une date importante. Gounod ve-
nait de créer une forme nouvelle, qui pendant long-
tempsjrestera celle de tout notre théâtre musical;
moins pompeuse, moins déclamatoire que les opéras
de l'époque; familière, intime sans avoir le laisser
aller des opéras-comiques, pénétrée de poésie, fai-
sant à la mélodie une large place sans lui sacrifier
pourtant l'harmonie, la musique de Faust réalisait
pleinemenl l'idéal français. Et cependant, l'œuvre,
a-t-on dit, n'aurait pas été comprise des premiers
auditeurs; une telle opinion semble au moins fort
exagérée : le chiffre des recettes prouve suffisamment
le succès d'une œuvre dont la popularité devail s'é-
tendre non seulement en France, mais dans le monde
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3525
•entier. Faust, d'ailleurs, reste unique dans l'œuvre de
Gounod : aucune de ses autres partitions (Philémon
etBaucis, 1860; la Reine de Saba, 1862; Mireille, 1864;
la Colombe, 1866; Roméo et Juliette, 1867) ne peut lui
être comparée.
Après Roméo, dont le succès ne se maintint pas
avec la continuité de celui de Faust, et cela peut-
être en raison de la hâte avec laquelle l'opéra avait
été improvisé, Gounod, de nouveau, se sent attiré par
la musique religieuse. Il part pour Home en décem-
bre 1868, se proposant d'y composer un oratorio,
Sainte Cécile; mais, dès janvier 1869, il abandonne
l'œuvre commencée et entreprend d'écrire le poème
•et la musique de Rédemption, Lravail énorme qui
•devait l'occuper pendant plus de douze ans. Distrait
de sa tâche par les enchantements de Home, où il
rencontre Liszt, à son retour à Paris, il se remet à
l'œuvre. La guerre franco-allemande l'interrompt.
Le lo septembre 1870, fuyant l'invasion, Gounod
quitte la France et se réfugie en Angleterre. Les trois
ans qu'il y passe, séparé des siens, sont les plus
■tristes de sa carrière. Il se lie avec une médiocre can-
tatrice, Mme Weldon, qui cherche à exploiter commer-
cialement son génie, ses œuvres, sa gloire même.
Enfin, en 1874, ses amis parviennent à l'arracher à
cette influence funeste et le ramènent en France.
Il n'y retrouve la faveur du public ni avec Cinq-
Mars (Opéra-Comique, 1877), ni avec Polyeacte (Opéra,
1878), ni avec le Tribut de Zamora (Opéra, 1881), et
revient de nouveau à la musique religieuse; nul ne
pourrait contester la sincérité de la foi du musicien
dans d<'S œuvres comme Rédemption (1882), comme
Mors et Vita (188o); mais on serait en droit d'y re-
gretter quelque fadeur, exagération fâcheuse de la
douceur, dans certaines pages de ces partitions.
La carrière artistique de Gounod était terminée;
peut-être s'était-il rendu compte du danger de la
voie dans laquelle il avait engagé la musique reli-
gieuse; tel semble du moins le sens de la lettre qu'il
adressait à Charles Bordes en 1892 : « Il est temps
que le drapeau liturgique remplace dans nos églises
celui de la cantilène profane, et que la Fresque musi-
cale proscrive toutes les guirlandes de la romance et
toutes les sucreries de piété qui ont trop longtemps
gâté nos estomacs. » C'était presque condamner
une partie de son œuvre, c'était surtout comprendre
l'orientation nouvelle que les Chanteurs de Saint-
Gervais allaient donner à la musique religieuse, et
la restauration liturgique que préparait Dom Potier.
Cependant, il serait injuste de méconnaître l'in-
fluence énorme exercée par Gounod sur la musique
contemporaine; un César Franck, un Henri Dui'arc,
un Bizet et un Massenet doivent beaucoup à celui
que M. Camille Bellaigue considère comme digne
« d'être nommé, non pas à côté, mais à propos de
Mozart ;>.
Le 18 octobre 1893, Gounod mourait, dans sa pro-
priété de Montretout, d'une congestion qui le frappa
pendant qu'il jouait du piano.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE GOUNOD
Sapho, opéra en trois actes, 16 avril 1851.
Ulysse, musique de scène et chœur, 18 juin 1852.
La Nonne sanglante, opéra en cinq acte, 18 octobre 1854.
Le Bourgeois gentilhomme, cérémonie et divertissement, 15 jan-
vier 1857.
Le Médecin maigre lui, opéra-comique en :: arp's, 15 janvier 1S5S.
Fin^l. opéra dialogué en cinq actes, 19 mars 1859.
Philémon ei Rancis, opéra en trois actes, 18 février 1860.
La Colnmlie, opéra-comique en un acte, 3 août 1860.
La Reine de Salin, opéra en quatre actes, 29 février 1862.
Mireille, opéra dialogué en cinq actes, 19 mars 1864.
Roméo et Juliette, opéra en cinq actes, 27 avril 1S67.
Les deux reines de France, musique île scène et choeurs, 27 no-
vembre 1S72.
Jeanne d'Arc, musique de scène, danses et chœurs, 8 novembre
1873.
Cinq-Mars, opéra dialogué en 5 actes, 5 avril 1877.
Polyeuete, opéra en cinq actes, 7 octobre 1878.
Le Trilnit de Zamora. opéra en cinq actes, 1" avril 1881.
Les Drames sacres, drame lyrique en trois actes, 17 mars 1S93.
Ivan le Terrible, opéra non terminé et détruit (1S57).
Georges liaudia. opéra-comique inédit.
Maître Pierre, opéra inachevé.
Messes.
. Messe à trois voix, chœur et orchestre.
. Messe de Requiem, à plusieurs voix sans accompagnement.
. Messe à quatre voix d'hommes sans accompagnement
(messe des sociétés chorales).
. Messe à trois voix d'homme sans accompagnement (messe
des orphéonistes).
. Messe solennelle de Saiule-Cccilc. chœurs et orchestre.
. Deuxième Messe solennelle, chœur et orchestre.
. Messe des Anges garliens, quatre voix et orgue.
-73. Messe trêve pu- les morts.
. Messe instrumentale, p uir orchestre seul, voix ad libitum.
i. Messe du Sacré-Cœur, quatre voix et orgue.
. Messe de Pâques (troisième messe s dcrmellc), ebo-ur et
orchestre.
. Messe a lu mémoire de Jeanne d'Arc, soli, chœurs, trompet-
tes et orgue.
i. Mes,,- de Claris, d'après le chant grégorien, quatre voix et
orgue.
Messe en l'honneur du bienheureux .lean-lluplislc de lu Salle,
d'après le chant grégorien, quatre voix et orgue (qua-
trième messe solennelle).
!. Requiem à quatre voix et orchestre.
Oratorios et cantates avec orchestre.
I. Pierre l'Ermite.
i. L'Ange et TolHe.
). Super /lamina Balnjlonis, psaume.
1. Gallia, lamentation.
1-72. L'Annonciation.
1-72. La Nativité.
S. Te Deum en l'honneur du bienheureux Jean-Baptiste de
la Salle,
"i. Cantate en l'honneur du bienheureux Jean-Baptiste de la
Salle.
3. Jésus sur le tue de Tibcriade.
2. Rédemption.
j. Mors et Vita.
3. La Communion des Saints.
Chœurs avec ou sans accompagnement d'orchestre.
3. Offices delà semaine sainte, à 4 voix d'hommes.
3. Pastorale sur un Noël du xvnie siècle, à 4 voix mixtes.
1. Prière à Marie.
5. Le Vendredi saint, à 6 voix mixtes.
1. L'Adoration des Mages.
i. Hijninc a saint Augustin.
L'Angelns.
A saint Jean l'Ecanyéiisle, à 4 voix mixtes.
Le Crucifix, à 4 voix mixtes.
Déjà l'Ange des deux, à 2 voix.
D'un cœur qui t'aime, double chœur à voix mixtes.
Hail, gladdening lighl, à 4 voix mixtes.
Le Jour de Noël, à 4 voix mixtes.
Les Martyrs, à 4 voix d'hommes.
Noél, à 2 voix de femme et orgue.
0 Jésus, mij Lord, double chœur à voix mixtes.
The old hundrelh Psalm, à 4 voix mixtes.
Omnipotent Lord, à 4 voix mixtes.
Portuguese hymn (Adeste fidèles). i\ i voix mixtes.
Prière an soir et du matin, à 6 voix mixtes.
Russia anlliem.
Les Sept Paroles du Christ, h 4 voix mixtes.
Sicut cerrus, à 4 voix mixtes.
Tout l'unirers est plein de sa magnificence, double chœur 1
Motets.
a. En chœurs avec orchestre ou orgue.
» Dei (1838); Are verum (1S53); Ave rerum (quatre voix
mixtes); Benedictus ; lia pacem ; Inviolata ; Kyrie; Libéra;
ENCYCLOPÉDIE />E LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
11 cal; Uiserert (quatre va
.- (/ sanetiisima (quatre voi:
tre voix mixtes ; Requit i
i; Va-il ta Régit, etc.
C.intigiies ou mcilodies :
A une voix, avec orgue ■
L'Aimiri rsairc des mnrli/rs ; Arc Maria iel
communion ;
ment; Ce ■/«'(/ faut « mou i ■ I s »i iti la terre,
('.limite:-, roi.e In-nies ; l.r ilepnrl ,/,■- ,,,..i .o-ian c< . lionne:
divin Enfant ; Elévation; Hymne .1 "l-:n.-li;iri~t ii- ; llymin
\i; . ii-iiu : ' • . ■.'.• ' Jérusalem ; .'■■ nom
salue, pleine île grâce. Mai u ■ : Les mailurs.
Noël (avec orgue el violon ; M v /, .« rfe Hfsrie,
Solrc-llamc de. /vt;ï.< enfant. : I' ■ ■ Jeanne .1 Are ; Piièn
du soir; t« retour île Tohie, Saiulc Mine . Salut, e, Vierge .
Sois noire mire; Vierge, épouse et mire de Dieu; Vierge lia-
ne, ô Sninie Mire, etc.
PROl \:.,
I8S7.
1838.
1839.
1856.
1858.
1862.
1870.
Cantates avec orchestre.
Marie Statut et Rizzio (2e grand prix de Rome).
Lu Vendetta.
Vernnntl ([■' grand prix de Kome).
Vire l'Empereur.
Cantate pour l'anniversaire de Molière.
Hymne » la musique.
Le Temple de l'harmonie,
A la frontière.
Itala.
oldat.
La liberté éclairant le momie.
Vue la France.
Chœurs,
u. A quatre voix (avec ou sans accompagnement)
Adam eou/,1 [nul no ■mlitlpeace ; The Ml; Brighl star of Ere
li. A [roi, voix (avec ou sans accompagnement).
Le catéchisme , Le- floches ; Les couronn ■•.•■'■ ;,■■. ,ia : I ■ dislril'iiliuu
des prit : L'écriture; La grammaire : ! i < menaces, etc.
Au pciutemp . Ba -,
' e; Bi'i
r*nm ■ . . inir sincère; ll/essed i.
llic mai, Cha
■•■ ■■■ i. ttilène de Ronsard; Dèji
l'azur des l ici
m6e matin île; Dieu partout; Lu Féti
des courom es .
voix du cie :
'' fM'
mes compagnons ; Jeanne d'Are et le,
- Hanai.es: Les Jeunes Françaises
Par nue i, le 1
■u . 1 a 1
■icre de Jeanne d'Arc ; Virât ! llijmn,
pourlarèi . '
'que, etc.
Mélodies
pour vo
x seules (avec piano).'
Plus de deux cenls.
Scherzo (1*37): S; mpliuiiie ru rc I v,:. , Sumphunie en mi lu-mal
(1855); Sait irella (1877 ; Mari h . i liait lie; Sou cuirs d'un
'""(orc Il à cordes td , I - So, Ko pour ins-
truments vent;4farc*e/ m re d'une marionnette ; Scherzo
pour deux contrebasses ; Le ca me, méd tation pour violon
'■1 orchestre; La ris, ou de Janine d'Are, pour violon et or-
chestre (ou orgue); Méditation sur un prélude de Ituch ; trois
Quatuors pour instruments à cordes.
Piano.
L'Angelus; Bal d'enfants; Danse de l'épie; Dodelinetle; La f'-lc de
Jupiter; Grande valse {en ri); Impromptu; Invocation; Le
lierre; Muselle: Pussacaille : Les patriotes, marche; Les Pif-
ferari; Prilude; Royal-Menuet; s, rènade; Valse caractéristi-
que; Valse des I Barcarolle, etc.
Orgue.
entrées et sorties pour le son ice di
aime Cécile (avec piano et violon).
Marches
Illimité o
Offerloir .
Sérénade (avec piano el violon
Trois chorals et fugues.
Trois préludes et fugues.
Piano-pédalier.
u. Avec orchestre
.• Suite concertante.
Canzenetta en rc; '!'■-
La Jeune
Mcdilul,
Religieuse, de Schubert, pour piano, violon, violoncelle
harmonicorde 1856).
u sur un prélude de Bach pour violon principal, cor
digé et orchestre (1855), puis pour orgue, piano et
Chant il,
Quilllcll,
sJ
dt
coliites. lieux Chants écossais.
Cosi fan lutte, de Mozart, po
io, violoncelle et
Belle m
Choix de
du
, mélodie sur une étude de Chopin.
mis de Bach, transcrits pour orgue
Bibliographie.
Méthode
.1/.' u ira l'un artiste, t vol.,
Paris
Calmann-I.évy.
Camille
laigur.— Gounod, 1 vol. de
la collection des a Mai-
lr ■- de la Musique », Paris, Alcan.
P.-L. Hillehacbrr. — Charles Gonnod, I vol. de la
Les Musiciens célèbres », Paris, I, aurais.
J.-G Pboi homme et A. Dandelot. — Gounod, 2vol., Paris, De-
Louis Pagnerre. — Charles Gounod, sa vie et ses œuires, i vol.,
Paris, !.. Sauvaitre, 1890.
E. Ssrbt. — 1-annij Mendelssohn, d'après les no-moi, es de sou fil..,
1 vol.. Paris, Fischbacher, 1888.
Camille Saint-Saens. — Porlraitset souvenirs, l vol., Paris. So-
ciété d'édition artistique.
.Iules -Simon. — Fugues et croquis, 1 vol., Paris, Flammarion.
Grandménil.
Jean-Baptiste Fauchaid de Grandménil naquit en
1737 à Taris. Desliné au barreau par son père, il fut
reçu avoc«t au Parlement et plaida avec succès
quelques causes remarquables. Mais il était attiré par
le métier de comédien. A la suite de certains démê-
lés qu'il eut avec sa famille, il quitta brusquement
la France, avec sa femme, el s'engagea au théâtre de
Bruxelles. Il appartint ensuite aux théâtres de Bor-
deaux et de Marseille, où il acquit une grande répu-
tation dans les rôles de valet. Le 31 aoiït 1700 il dé-
butait à la Comédie française dans le rôle d'Arnolphe
de VEcole des femmes. 11 devint plus laid sociétaire,
et ne prit sa retraite que le 1er avril 1811. Sa terre
patrimoniale de Grandménil, le produit de ses éco-
nomies, et les pensions qu'il obtint en se retirant lui
composaient un revenu assez considérable. Il mou-
rut à Paris le 24 mai 1810, âgé de 70 ans.
Sous l'Empire, Grandménil avait été nommé pro-
fesseur de déclamation au Conservatoire, et l'Institut
l'avait élu membre de sa quatrième classe.
Lors de la réorganisation de l'Académie des beaux-
arts en 1816, une ordonnance du ttoi lui attribuait
dans cette compagnie un fauteuil qu'il ne devait pins
occuper que pendant quelques semaines.
On a de Grandménil :
Le Savetier joyeux, opéra-comique en l acte mon
représenté), Paris, Prault, 17;i0, in-8° de 4-7 pages.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L INSTITUT DE FRANCE 3 527
Bibliographie.
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Michaud. — Biographie unirersclle, Paris.
Locis. — Dictionnaire portatif des Théâtres, 2= édition, p. 39S.
Journal de lu Lihrairic, 1810, p. 188.
Journal de l'ons. lu juillet ISlfi.
? des comédiens [ceux d'hier). G
Opinion du parterre, tome IX, pâlies 170-178.
Raoul Rochgtte. — Discours prononcé au nom de l'Académi.
des beaux-art* sur la (.aube de i'.hanumiïnil.
Grétry.
Grétry est né à Liège le II février 1741. Son père
était violoniste. De très bonne heure, il entra, comme
enfant de chœur, dans une maîtrise où il subit telle-
ment de mauvais traitements de la part d'un maître
de chapelle barbare qu'il faillit prendre la musique
en dégoût. Ce cauchemar dura quatre ou cinq ans,
après quoi, il fut rendu à sa famille comme décidé-
ment incapable. L'enfant continua d'apprendre la
musique, et dans des conditions meilleures. Mais le
grand événement de sa jeunesse qui confirma défi-
nitivement sa vocation, ce fut l'arrivée à Liège d'une
troupe italienne qui jouait des opéras-bouffes. Grétry
s'enthousiasma pour Pergolèse, et ne rêva plus que
théâtre. Il obtint ses entrées à la salle des Italiens,
et tous les soirs il assistait au spectacle. Les acteurs
s'intéressèrent à lui et lui apprirent à chantera l'ita-
lienne; il se découvrit un l'oit joli soprano; bientôt
après, il rentrait triomphalement à la maîtrise qu'il
avait quittée quelque temps auparavant, comblé de
flatteries par le maître qui naguère le rouaitde coups.
Mais on abusa de sa voix et de ses forces, et sa
santé en fut pour toujours compromise. Les leçons
de l'organiste Reneei.n et du maître de musique de
Saint-Paul, Moheau, ne lui suffirent pas longtemps,
et, après avoir composé six petites Symphonies et une
il/esse solennelle, il partit à pied pour l'Italie, le cer-
veau bouillonnant de musique. Il avait alors 18 ans.
A Rome, il trouva un asile dans le Collège liégois,
où il resta de 1759 à 1766, travaillant, rêvant, se pro-
menant, suivant les théâtres, les concerts et les
exécutions de musique religieuse dans les églises,
voyageant parfois. Tant d'années d'observations ou
d'études ne lui apprirent pas gratid'chose de l'har-
monie ou du contrepoint : c'est de sa musique qu'on
dira plus tard : « Entre la partie de basse et celle du
premier violon on ferait passer un carrosse à quatre
chevaux, » tellement la trame en était lâche. Du
reste, les compositeurs italiens ne lui donnaienl-ils
pas eux-mêmes l'exemple de la négligence dans la
facture de leurs opéras si vite bâclés?
Avant de quitter l'Italie, Grétry se fit recevoir
membre de l'Académie des philharmonistes de Bo-
logne, et donna au théâtre Alibert de Rome les Ven-
dangeuses (1766), qui remportèrent un éclatant suc-
cès. Après quoi, il quitta l'Italie, s'arrêta six mois
à Genève, où il demanda audience à Voltaire, et vint
se fixer à Paris.
Il commence par prendre contact avec le nouveau
milieu dans lequel il se trouve tout d'un coup trans-
porté. Il suit l'Opéra; mais Rameau l'ennuie. Il s'en-
thousiasme alors pour le Théâtre-Français et pour
les grands acteurs d'alors : « Leur déclamation me
semblait le seul guide qui me convint, le seul qui
pût me conduire au but que je m'étais proposé. »
Il consulte Mlle Clairon et note en musique « ses
intonations, ses intervalles et ses accents ». Diderot
l'engage à persévérer dans cette voie, et, après un
premier insuccès, sans conséquence (Les Mariages
samnites), Grétry remporta une victoire décisive avec
le Huron (176^). On goûta l'expression juste et variée,
la grâce et le naturel, la fantaisie poétique d'un art
d'ailleurs si conforme aux traditions créées par
Philidor et Monsigny. Puis vinrent Emile (1709), avec
son fameux quatuor : « Où peut-on être mieux qu'au
sein de sa famille? » le Tableau Parlant (1769), la
Fausse Magie (177b), Richard Cœur de lion (1784) et
bien d'autres ouvrages dont le succès eut son reten-
tissement à l'étranger, en Italie, en Belgique, en
Allemagne et jusqu'en Suède.
La situation de Grétry était devenue fort brillante-
Pensionné du roi depuis 1773, pensionné de l'Opéra
depuis 1782, il avait été nommé de plus directeur de-
la musique particulière de la Reine, censeur royal
pour la musique et inspecteur de la Comédie Ita-
lienne (1787). La Révolution le met dans la misère.
Heureusement, il obtint une des places d'inspecteur
du Conservatoire, et un des trois fauteuils de musi.
cien à l'Institut (1795), et d'ailleurs le gouvernement
lui accorde une petite pension. Mais sa sauté devenait
fort précaire, et il préfère renoncer à ces fonctions
au Conservatoire pour se retirer dans l'Ermitage de
J.-J. Rousseau, à Montmorency, qu'il venait d'acheter.
En 1802, Napoléon lui accordait la croix de la Légion
d'honneur. Il s'éteignait enfin le 24 septembre 1813.
Depuis bien longtemps il ne composait plus.
Grétry a joué un rôle considérable dans l'histoire
de la musique française. Il a repris les principes de
Liilly en les appliquant à l'opéra-comique, il a subi
l'influence de l'école des symphonistes de Mannheim
et, indirectement, il a préparé la voie à l'opéra de
Gluck.
M. Ci i i tx a défini fort ingénieusement la parenté
de beaucoup de thèmes beelhovéniens avec des mo-
tifs des opéras-comiques de Ghetry. Ce ne fut pas
seulement un grand artiste, mais aussi un théoricien
de son art, parfois très perspicace. Ses Mémoires ou
Essais sur la musique renferment des vues intéres-
santes sur l'ouverture à programme, sur l'entr'acte
servant de commentaire psychologique à une situa-
lion, sur la peinture des passions et des caractères
parle moyen des sons, et sur les matériaux et les
procédés dont elle suppose l'analyse exacte. Il rêve
d'une tragédie musicale où le dialogue serait parlé,,
l'orchestre caché; d'un théâtre du peuple, de jeux
nationaux. Il voudrait introduire le chant dans l'en-
seignement primaire. Tout cela présenté d'une façon
un peu confuse, mais témoignant d'une intelligence
curieuse et d'un esprit inventif.
CATALOGUE DE L'ŒUVRE DRAMATIQUE DE GRÉTRY
1766. le Xeivlcninmitrice (Les Vendangeuses), 2 actes représentés
a u.um- |iai-iitnm |.i'hlur ..u détruite).
1707. Isabelle et Gerlruâe, 1 acte de Favart, représenté à Genève
1708. Les ilimaoet sonui'lc-, :; aeO'- de l.r-ier, représentés à Pari8
Le- Dent Aime-, -.' ad-- -1.- l--e-n-.iiill.il de Faltaire.
L'Amitié a fe-.ireaie, -' a. I-- de Favart, partition remaniée
leniire elAsor, i actes de Marmontel.
772. L'Ami ,le lu maison, Marmontel.
773. Le Magnifique, 3 actes de Se. laine.
La Itosiere de Snteiicij, i aclci de Masson de Pezay. (Parti-
tion remaniée en 3 actes, en 1771.)
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Cepliale el Proeris, 3 acles île Maniuilllel. ( I >:i l-l ilii m ri-m;i-
niée en 177S el en 1777.)
I.a Emisse Magie. - actes de M irinontel.
Z.i'.v »™,jn ■ samuites, 3 actes de ilu H.izy. ^'artilion re-
maniée en 1782.)
Malroco, i actes de Liinjou. (Partition déiruilc)
Les Irais Ages de l'Itpera. prologue île l>e Vismes.
Le Jugement de Midtis. :t acles de Haies.
L'Amant jaltiur, 3 actes de Sales.
Les Événements imprévus, 3 acles de Halos, (l'artitiou re-
Auetushiei Hiéelelte, lactesde Sedaine'. (Partition rema-
<i< i 3 actes en 1788.)
kniromttj te, 2 ictes.lc l'iiia. i, Partition remaniée en 17 M.)
Emilie, i ai te de Guillard.
Caliiielte « la cour, 3 actes de Lourde! de Santerre (addi-
tions ,ii 1785 .
L'Embarras îles richesses, :î actes de Lourde! de Santerre.
(Partition remaniée en 1782.)
La Caravane du Cuire, ;; aeles de Morel de Chefdeville.
L'Épreuve villageoise, 2 actes de Desforges.
Weliaril Cnur de lion, 3 aeles de Sedaine. (Partition rema-
niée en i aeles, puis en 3 actes en 1785.)
Pauurge dans file îles Lanternes, 3 actes de Morel.
Amphitryon, 3 actes de Sedaine (partition remaniée en
1788).
Les Méprises par ressemblance, 3 actes de Patrat.
;..' Comte il' Albert, 3 actes de Sedaine.
La Suite tin Cmnle il Albert. 1 acte de Sedaine.
. Le Prisonnier anglais, 3 actes de Desfontaines (partition
remaniée en 1788 et 1793).
. Le Rival confident, 2 acles de Forgeot.
. Riiniit Barbe-Bleue, 3 actes de Sedaine.
Aspasie, 2 actes de Morel.
. Pierre le Grand, i actes de Bouilly.
. Guillaume Tell, 3 actes de Sedaine.
. Clarisse el Ermunee ou les deux couvents, 3 actes de Desprez.
Basile, nu ii trompeur, trompeur et ilemi, 1 acte de Sedaine.
. Lu Rosière républicaine, 1 acte de Silvain Maréchal.
Joseph llnrra, 1 acte de Lévrier.
Denys leTyran, maître d'écelt à Syracuse, l acted'Hoffmann.
lisbeth, -' actes de Favières.
Anaerèmi eke: l'olgerme, 3 actes de Guy.
Le Barbier du village nu le Rerenaiit, I acte de Grétry neveu.
Eliseti mi l'amour maternel, 3 actes de Faviéres (additions
Le Casque et les Colombes, 1 acte de Guillaud.
. Dctphis et Mopsa, 2 actes de Guy.
Bibliographie.
r,. nnhn
Michel Bbknf.t. — Grétry, sa vie el ses leum
Villars, 1SS4, in-S° de 287 pages.
Henri de Cdrzon. — Grétry, Paris, H. Laurens, collection des
Musiciens célèbres.
Georges CnctiEL. — Les Créateurs de l' opéra-comique français, Pa-
ris, Alcan, 1914, collection des Maîtres de la musique.
Édition ilei œuvres de Crelry, publiée par le gouvernement belge,
chez Breitkopf et Haertel à Leipzig; 37 volumes in-4°
actuellement parus.
Fetis. — Biographie ituirerselli1 îles musiciens.
Ed.-G.-J. Grégoire. — Grétry, Bruxelles, 1883.
Romain Rolland. — Musiciens d'autrefois, Paris, 190S, in-16.
J.-B. Ronqé. — Grétrij. dans la Biographie nationale publiée par
l'Académie nivale de Belgique, tome VIII, Bruxelles,
1884-1885.
Ernest Guiraud.
Ernest Guiraud naquit le 23 juin 1837, à la Nou-
velle-Orléans. Son père, Jean-Baptiste Guiraud, ancien
grand prix de Rome, avait vainement, à deux repri-
ses, tenté de faire entendre ses œuvres à Paris; les
difficultés de la vie l'avaient contraint d'émigrer en
Amérique, et il vivait à la Nouvelle-Orléans, du
produit des leçons qu'il donnait. De bonne heure,
son fils ayant manifesté des dispositions pour la
musique, son père lui en avait enseigné les premiers
éléments; vers 1849, il l'aurait amené à Paris, pour
lui ouvrir l'imagination, le former par l'audition
d'oeuvres musicales et préparer son avenir. Il serait
même reparti pour la Nouvelle-Orléans, avec un
certain nombre de livrets d'opéra, qu'il aurait
achetés pour exercer son fils à la composition.
Ce qui reste certain, c est qu'à 13 ans, le jeune
Ernest avait déjà fait représenter un opéra : le Roi
David, qui avait été en 1847 la première œuvre dra-
matique de Mermet, fut favorablement accueilli au
Théâtre Français de la Nouvelle-Orléans.
Peu de temps après, Guiraud parlait pour la
France, pour y continuer ses études musicales. Il y
trouvait les anciens amis de son père, parmi les-
quels Croizilles, violon solo de l'Opéra-Comique, et
Barbereau, ancien condisciple de son père, chez
Keicha, qui lui donna des leçons d'harmonie. Adm>s
au Conservatoire, d'abord dans la classe de piano de
Marmontel, il obtint un premier accessit en 1855, un
second prix en 1837, et en 18o8 un premier prix. Il
passa alors dans la classe de composition d'HALÉw.
A cette époque, Guiraid vit de quelques leçons
et d'un modeste emploi de timbalier au théâtre de
l'Opéra-Comique, qui lui permet de se familiariser
avec les œuvres nouvelles. Il fréquente certains ar-
tistes el fait la connaissance de Berlioz : « Le fils de
Guiraud, écrit celui-ci au moment des répétitions de
l'Enfance du Christ, m'a été bien utile. C'est un char-
mant garçon qui deviendra un homme. » La prédic-
tion de Berlioz ne tarda pas à se réaliser : en 1859,
à son premiers concours, Guiraud remportait le
grand prix de Rome avec la caniate Bajazet et le
joueur de flûte; le jury le lui décernait à l'unanimité.
Guiraud, avec sa nature ardente et enthousiaste,
garda de son séjour en Italie un souvenir très vif.
Chacune des années qu'il y passa fut marquée par un
envoi qui déjà portait la marque caractéristique de
son talent : des idées musicales délicates el distin-
guées, exprimées avec une rare correction. Son pre-
mier envoi fui une Messe solennelle; son second un
opéra bouffon italien en un acte, Gli Avventurieri ; le
troisième un opéra-comique, Sylvie, qui fut représenté
le il mai 1864 à Paris, et dont on cite encore un
charmant duo avec chœur dans la coulisse.
Après Sylvie, Guiraud dut attendre cinq ans une
nouvelle occasion de se produire. Alors commença
pour lui une vie de luttes et de déceptions dans
laquelle il fut soutenu par un ami de la première
heure, Bizet. A peu près du même âge, les deux mu-
siciens partagèrent leurs souffrances et leurs joies,
n'engageant rien sans se consulter, se confiant tous
leurs projets, s'en remettant chacun au jugement de
l'autre.
Guiraud, pendant une grande partie de sa vie,
semble avoir été poursuivi par une malchance qui
l'empêche de profiler du succès. C'est d'abord la re-
présentation de En prison, donné au Théâtre Lyrique
le 5 mars 1869 contre le gré du musicien; mécontent
du livret, mécontent même de la partition, il ne
voulait pas laisser jouer la pièce. Le Kobold, repré-
senté le 2 juillet 1870 sur la scène de l'Opéra-
Comique, s'annonçait comme un succès; les repré-
sentations furent brusquement interrompues par
la déclaration de guerre. Pendant la guerre, Guiraud
ne voulut pas profiter de l'exemption de service à
laquelle lui donnait droit son prix de Rome; il s'en-
gagea dans un régiment de marche et. lit sou devoir
à côté du peintre H. Regnault, particulièrement à
l'affaire de Montretout.
Après la guerre, Guiraud se consacra au relève-
ment de la musique française; courageusement,
malgré le peu de succès de ses premières œuvres, il
se mil au travail. Le 23 novembre 1872, il donnait
au théâtre de l'Athénée Madame Turlupin, dont les
critiques louèrent la finesse et l'élégance. Déjà le
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3529
■28 janvier, les Concerts populaires avaient exécuté
une Suite d'orchestre de lui, et Pasdeloup l'avait
choisi en 1873 pour composer une des trois ouver-
tures qu'il s'était engagé à faire exécuter l'année
suivanle pour favoriser l'essor de la musique fran-
çaise. Cette œuvre figura au programme du con-
cert du 1er mars 1874, bientôt suivie, le 6 décembre,
d'un Air de ballet.
Une nouvelle tentative au théâtre s'était de nou-
veau heurtée à la fatalité qui semblait s'acharner
contre Guiraud. L'incendie de l'Opéra vint arrêter
brusquement le succès de Gretna-Grecn, un ballet en
un acte joué le S mai 1873. Aulhéàtre, Guiraud don-
nera encore Piccolino, en 1870, à l'Opéra-Comique, et
en 1882 la Galante Aventure, qui fut mal accueillie
du public. Enfin, désireux de donner la mesure de
son talent dans le genre dramatique, Guiraud avait
entrepris une grande œuvre, que la morl ne lui
laissa pas le temps de terminer. Mais, là encore, il
lui avait fallu lutter contre de multiples difficultés.
Un premier ouvrage, entrepris avec Edmond Gondi-
net, avait été inlerrompu par la mort de son colla-
borateur. Une deuxième tentative avait échoué pour
des raisons demeurées inconnues. Enfin, Guiraud
avait découvert dans les Récits des temps mérovin-
giens d'Augustin Thierry, un sujet qui lui plaisait; en
peu de temps, il en avait terminé trois actes; le qua-
trième était déjà ébauché. Pour pouvoir, pendant ses
vacances, travailler' en toute tranquillité, il s'était fait
bâtir une modeste maison au bord de la mer, à côté
de celle de son collaborateur. L'œuvre resta inache-
vée, et la Frédêgonde de Guiraud, terminée par
Saint-Salns, fut froidement reçue par le public de
l'Opéra en 1893.
Mais depuis longtemps déjà, Guiraud ne pouvait
consacrer à la composition que les loisirs assez
courts que lui laissaient ses fonctions de professeur.
En novembre 1876, il avait été nommé professeur
d'harmonie et d'accompagnement au Conservatoire,
à la place d'Edouard Baptiste. La classe qui lui était
confiée était très faible; Guiraud parvint à la relever.
Quand la maladie força Victor Massé à abandonner
son cours de composition, Guiraud fut appelé à lui suc-
céder. Sa fonction de professeur développa en lui
des qualités nouvelles; par intérêt pour ses élèves, a
noté un de ses biographes, « Guiraud d'indolent de-
vint actif; Guiraud devint exact, Guiraud sut l'heure
qu'il était ». Certains lui ont reproché d'avoir assisté
en spectateur un peu timide à l'évolution de la mu-
sique française dans la seconde moitié du xixe siècle;
on a prétendu qu'il était resté par trop fidèle aux
principes anciens. Cependant, il sut toujours, avec
une grande largeur d'esprit, admettre les principes
nouveaux, et les noms de quelques-uns de ses élèves,
parmi lesquels on cite Claude Debussy et Paul Du-
ras, prouvent que jamais son enseignement n'étouffa
l'originalité de ceux qu'il considérait comme des
amis.
En mars 1891, il avait remplacé Léo Delibes à
l'Institut. En 1892, un an après sa nomination, il
mourait brusquement au Conservatoire même, dans
le cabinet du secrétaire général qu'il était venu en-
tretenir de questions relatives à son enseignement.
Comme homme, avec un charme et une noncha-
lance qu'il devait à sa patrie, avec une droiture et
un dévouement dont il donna de multiples preuves,
Guiraud se faisait remarquer surtout par sa bonté.
« Le bon Guiraud », ainsi le désignait-on couram-
ment. Son obligeance était telle que, lui qui ne con-
nut jamais le succès au théâtre, il s'employa avec
une énergie qu'il n'avait pas pour la défense de ses
intérêts personnels, à sauver de l'oubli les œuvres
île ses amis; on sait tout ce que Bizet lui doit; plus
lard, il orchestra les Contes d'Hoffmann, après la mort
d'OFFENBACH, et Kassya, après celle de Délire?.
CATALOGUE DES ŒUVRES D'E. GUIRAUD
ŒUVRES Dn THEATRE
1S52. le Roi David, la Nouvelle-Orléans.
Il mai 1S64. Sylvie, 1 acte, Opéra-Comique.
5 mars 1S09. En prison, 1 acte, Théâtre Lyrique.
2 juillet 1870. Le Kobold, 1 acte, opéra.
23 novembre 1872. Madame Tiirlitpin, Athénée,
r. mai 1873. Gretna-Green, ballet, Opéra.
11 avril 1S76. Piccolino, Opéra-Comique.
IS82. La Galante Aventure, Opéra-Comique.
Œuvre posthume. Frédêgonde, opéra, 1895.
Orchestration des Coules d'Hoffmann (I'Ofpenbach, el de Kassya
de L. Delibes.
28 janvier 1872. Suite d'orchestre, Concerts PasnYwup.
1er mars 1S74. Ouverture de concert (arrangée à quatre main*).
G décembre 1874. — Air de ballet (danse persane).
En outre, Mélodies, chant et piano; Traite pratique d'i
Bibliographie.
Th. Ddbois. — Discours' prononcé aux funérailles d'E. Guiraud^
Paris, 1892, in-4".
Grove's. — [lielionanj ofmusic and inusiciiins, London, 1910.
H.Imbert. — Portraits et Etudes, Paris, 1894. Lettres de Bizet o
E. Guiraud.
Massf.net. — Discours prononce oui funérailles d'E. C,:nrrf. fa-
ns, 1892, in-4».
Paladilhe. — notice sur E. Guiraud, Paris, 1893, in-4".
A. Poogin. — Supplément a la Biographie universelle de Félis.
II. RIemann. — Dictionnaire de musique, trad. Humbekt, Paris,
1899.
Renie des Deu.v Mondes : Gretna-Green, P'r juin 1873 ; Fridàgonde,
15 janvier 1896.
Julien Tiersot. — Un Demi-Siècle de Musique française, Alcali,
J. Halévy.
Jacques-Fromental-Elie Halévy est né le 27 mai
1799 à Paris, dans une maison de la rue Neuve-des-
Mathurins, détruite au moment de la construction du
Grand Opéra. Sa famille, originaire de Furth en Ba-
vière, s'était établie à Paris à la fin du xvme siècle.
Son père, Elie Halévy, était un littérateur, qui célé-
bra la paix d'Amiens par un hymne hébreu qui fut
chanté à la synagogue. De son vrai nom, il s'appe-
lait Lévy; en 1807, lorsque les Israélites de France
furent invités par mesure gouvernementale, en ac-
cord avec une décision du grand Sanhédrin, à chan-
ger ou à modifier leurs noms de famille pour éviter
des confusions, provenant de la similitude d'un
grand nombre de noms, il ajouta à son nom l'aftîxe
hébraïque Hal. Halévy était d'ailleurs le nom de plu-
sieurs talmudistes célèbres, notamment, au xvie siè-
cle, celui d'un poète fameux, Jédédias Halévy.
A dix ans, le jeune Jacques Halévy entra au Con-
servatoire, dans la classe de Cazot pour le solfège,
dans celle de Lambertpoui- le piano (1810). En 1811,
il suivait les cours d'harmonie de Berton. Pour la
composition, il fut l'élève el l'élève préféré de Cee-
rubini; c'est Cherubini qui fut son véritable maître;
c'est à lui qu'il doit son éducation forte, sa science,
son goùlpour la musique religieuse etpour les tona-
lités liturgiques, son mépris du lieu commun et son
horreur delà trivialité. A quinze ans, à dix-sept, pré-
tendent d'autres biographes, il fut nommé répéti-
ENCYCLOPÉDIE DE LA Ml'SIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
leur el bientôt après professeur-adjoint de solfège;
beaucoup de ses élèves étaient plus jeunes que lui.
Trois fois il concourut pour le prix de Rome, et
il l'obtint, à peine âgé de vingt ans, avec la cantate
Herminie. La mort de sa mère, survenue la même
année, lui Qt différer d'un an son départ pour Rome,
pour obéir au désir de son père. Cetie ciconstance
l'amena a écrire sa première œuvre : un De Profundis
à grand orchestre, dédié à Cuerubim et exécuté
dans la synagogue à l'occasion de la mort du duc
de lien y.
Pendant son séjour à Home, il fait la connaissance
de Rossim; à Xaples.il écrit 3 actes de ballet pour le
théâtre San-Carlo et trois canzonelte en dialecte
napolitain. Pendant les trois ans qu'il passe ensuite
en Allemagne et en Autriche, il va voir Beethoven
et s'essaye dans le genre du grand opéra avec une
ouverture à grand orchestre et un final italien pour
Marco Curzio, représenté à Vienne.
A son retour à Pans, en 1822, Haléw reprenait
son poste au Conservatoire; mais s'il retrouvait du
travail et une vie assurée, les succès du théâtre de-
vaient se faire attendre pour lui. Jusqu'à la première
de la Juive, c'est-à-dire pendant treize ans, il va
connaître les luttes, les déboires, les décourage-
ments, les déceptions mêlés de quelques victoires
éphémères.
Avant son départ pour l'Italie, il avait écrit pour
l'Opéra Les Bohémiennes'qai ne furent jamais repré-
sentées. Eratostrate, un opéra en trois actes, reçu
en 1825 par le jury de lecture, ne fut pas même mis
en répétition. La carrière de Pygmalibn fut un peu
plus longue; les rôles furent distribués; l'œuvre ar-
riva même jusqu'aux répétitions du quatuor; mais
elle n'alla pas plus loin. Haueneck s'y opposa. A l'O-
péra-Comique, l'Artisan fut peu joué en 1827.
Cependant on reconnaissait volontiers la valeur
d'HALÉVY; c'est ainsi qu'en 1826, il avait été nommé ac-
compagnateur, puis chef de chant au Théâtre Italien,
en remplacement d'HÉROLD, qui passait à l'Opéra avec
avec le même titre. En 1828, il était chargé d'écrire
pour la fête de Charles X une pièce de circonstance,
le Roi et le Batelier. Son poste au Théâtre Italien lui
ayant permis d'étudier toutes les ressources de la
voix de la Malibran, il écrivit pour elle Clari, sur les
paroles du Florentin Giannone. L'œuvre, représentée
en 1829, fut bien reçue du public. A Clari succéda
la même année le Dilettante d'Avignon. Ces imita-
tions du style italien contribuèrent à établir la répu-
tation d'HALÉVY auprès du grand public, mais sans
le détourner du but qu'il poursuivait, la composi-
tion d'un grand opéra.
En 1827, il avait été nommé professeur d'harmonie
et d'accompagnement au Conservatoire. Il était,
appelé à l'Opéra comme chef du chant, à côté d'HÉ-
ROLD, dont il épousait la fille. Un certain nombre de
tentatives heureuses lui gagnaient la confiance de
l'administration; h Manon Lescaut, un ballet joué à
l'Opéra en 1830, succède Yelva, un opéra-comique en
un acte, qui, mis en répétition, ne fut jamais repré-
senté, le théâtre ayant fermé ses portes à cause des
mauvaises affaires du directeur. En 1831,1a nouvelle
direction de l'Opéra-Comique y fait jouer la Langue
musicale. Eu 1832, Haléw compose la partie vocale
d'un ballet mêlé de chants, la Tentation, qui est.
monté à l'Opéra. En 1833, il était nommé professeur
décomposition au Conservatoire. L'année suivante,
la rentrée de Martin à l'Opéra-Comique lui fournis-
sait l'occasion d'écrire un petit acte, les Souvenirs
<le La/leur, qui eut du succès. La même année, il
était choisi pour terminer un ouvrage qu'HÉROLO
avait commencé, mais dont il n'avait eu le temps
d'écrire que quatre morceaux, Ludovic.
1835 marque l'apogée de la carrière musicale
d'HALÉvy. La direction de l'Opéra lui avait demandé
une œuvre en cinq actes. Scribe en écrivit le livret;
c'était la Juive. Ayant à décrire les souffrances de
ses coreligionnaires, Haléw se sentit vraiment ins-
piré et sut trouver des accents sincères. Cependant,
la Juive fut reçue assez froidement; la richesse des
décors, le luxe de la mise en scène, tirent croire au
public que la musique était sacrifiée. Les envieux
allaient même jusqu'à prétendre qu'HALÉw avait
puisé dans le portefeuille d'HÉROLD, et dérobéà Ros-
sini le trio du second acte. C'est cependant l'œuvre
d'HALÉVY qui resta le plus longtemps au répertoire.
La même année, il donnait à l'Opéra-Comique
l'Eclair, dont l'aisance aimable contrastait singuliè-
rement avec la sombre tristesse de la Juive.
Après l'Eclair, Halévy reste deux ans et demi
avant d'aborder de nouveau la scène. En mars 1838,
il fait jouer à l'Opéra Guido et Ginevra ou la Peste de
Florence; le sujet était si sombre que l'œuvre eut
peu de succès. Les années suivantes sont malheu-
reuses pour Haléw; elles sont marquées par deux
échecs successifs : celui des Treize à t'Opéra-Comi-
que en 1839, en 1840 celui du Drapier à l'Opéra. En
1841, il donnait la Reine de Chypre, écrite pour la
voix de Mmc Stolz. En 1843, Halévy trouvait des
accents patriotiques dans Charles VI ; l'opéra avait
chance de tenir longtemps l'affiche; des raisons d'E-
tat en interrompirent les représentations; on crai-
gnit que le chant « guerre aux tyrans » n'amenât
des complications extérieures.
Halévy donnera encore sur les scènes de l'Opéra-
Comique et du Théâtre Lyrique diverses œuvres,
parmi lesquelles on peut citer les Mousquetaires de
la Reine, le Val d'Andorre, qui en 1848 sauve un
théâtre de la ruine, la Dame de pique (1830), la Tem-
pesta, écrite pour le théâtre de la Reine à Londres
(1850) et jouée à Paris en 1851, le Juif errant (1852),
le Nabab (1S33), Jaguarita l'Indienne (1833), Valen-
tine d'Aubigny (1836), la Magicienne (1857). Mais
jamais, il ne tiendra avec aucune de ces œuvres u»
succès franc. A sa mort, il laissait inachevés deux
grands opéras, Vanina d'Ornano et Noé ou If Déluge.
Cependant, en 1836, Halévy avait été nommé
membre de l'Institut; il devint secrétaire de l'Aca-
démie des beaux-arts en 1834, à la mort de Raoul
ltochette; à ses travaux comme membre de l'Institut
se rattachent des Leçons de lecture musicale et un
Mémoire sur le diapason. Il commença la publication
d'un Dictionnaire des Beau.r-Aiis.
Malade, il refusa d'abord de quitter Paris comme
le médecin le lui conseillait ; il savait sa présence utile
dans les six commissions dont il faisait partie. Enfin,
devant l'aggravation de son état, il se rendit à Nice,
où il languit tout l'hiver, entouré des soins de sa
femme et de ses enfants. Il y mourut le 17 mai 1862.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE F. HALÉVY
l :•< Bohémiennes, opéra, non représenté.
/'•■ ■■ ■ le, opéra, non représenté.
Vijumiitinu, l'prr.-i, non représenté.
;.!•« ttfitj pavillons. npéra-Comique.
l'Artisan, i acte, Théâtre Feydeau.
Le Roi et te Batelier.
Cluri, 3 a., Théâtre Italien.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3531
1829. Le Dilettante rfJiJw», 1 a.. Théâtre Feydeau.
1830. Attendre et eourir, Opéra-Comique (avec de Ruolz).
1830. Manon Lescaut, ballet, 3 a, Opéra.
IS30. Yelva, 1 acte, opéra-comique, non représenté.
1831. La Langue musicale, 1 acle, Opéra-Comique.
1832. La Tentation, 5 actes, Opéra, ballet avec chœur, en colla
boration avec Gide.
1834. Les Soutenir* de Lu/leur, 1 acle, opéra-Comique.
1835. La Jttire, 5 actes, Opéra.
183S. Guido et Cinevra, 5 actes. Opéra.
1S39. Les Treize, 3 actes, Opéra-Comique.
1539. LeSrhéri/T, 3 actes, Opéra-Comique.
1540. Le Drapier, 3 actes, Opéra.
1841. La Reine de Chypre, 5 actes, Opéra.
1841. Le Guitarero, 3 actes, Opéra-Comique.
1843. Charles VI, 5 actes, Opéra.
1844. Le Lassarone, 2 actes, Opéra.
1846. Les Mousquetaires de la Urine, 3 actes, Opéra-Comique.
1847. Les Premiers pas, inauguration de l'Opéra (avec Ada
et Aubert).
1848. Le Val d'Andorre, 3 actes, Opéra-Comique.
1849. La Fée aux roses, 3 actes, opéra-Comique.
lsr.iï. Lu Dame de pique, 3 actes, Opéra-Comique.
185(1. La Tempesta, Londres, théâtre de la Reine.
1851. La Tempesta, Paris, Théâtre Italien.
1852. Le Juif errant, 5 actes, opéra.
1853; te Naiab, 3 actes, opéra-Comique.
1S55. Jaguarila l'Indienne. 3 acles, Thé/itre Lyrique.
1856. Vanina d'Anhigny, 3 actes, Opéra-Co pie.
1S5S. La Magicienne, 5 actes, Opéra.
1858. Valeiitine d'Ornano, opéra laissé inachevé.
1858. Noé ou le déluge, opéra laissé inachevé.
MUSIQUE: VOCALE
1S mars 1849. Quelques scènes du l'rnmcthrc d'Eschyle traduite
par son frère Léon Ilalévy. Conservatoire.
Cantate, les Plages du SU.
Plusieurs Messes. — De profundis. — Romances.
Chœurs orphèoniqncs parmi lesquels : France et Italie, Chant du [m
geroa, y ourdie Alliance.
.11 si.jr-i.-
IUMENTALE
n.i-s
Nombreux Eloges et Soliees
beaux-arts.
I. crans de lecture musicale. Taris. 1 s r. 7 .
Stiurenirs cl portraits, Paris, ISOI.
Derniers Souvenirs cl portraits, Paris, 1 863.
<>u lui attribue:
Sous le pseudonyme iI'Ai.herti, l'Inconsolable,
Lyrique, 13 juin 1S55.
Cantate officielle Italie, Opéra-Comique, 7 juii
ecrelaire de l'Académie des
de F. liai,
Bibliographe
Beolk. — Notice sur la rie cl les ouvrai
prononcé à l'Académie des beaux-arts.
Bi.aze de Bury. — Musiciens du pusse, du présent 1! de larcin -,
Paris, 1880.
Comettaxt. — Les Compositeurs illusties de nuire siècle, Paris,
1S83.
P. -A. Fiorextixo. — Préface des Derniers Soiirenirs de F. tint.-. 1,
Paris, 1S63.
Fins. — Biographie universelle des musiciens.
A. Pougix. — Supplément ,1 la Biographie uuircrsrlle.
Orove's. — Dictionary of music and musiciens, London, 1910.
Léon Haléyy. — F. ilalen/.sa vie, ses a-unes, in-8", Paris. 1802
(2' version dans le Ménestrel, 1SÛ3).
— Hommage à F. Halerg. intermède lyrique, opéra-Comique,
27 mai 1864, musique de Jules Cohens sur des motifs
tirés des opéras d'ILu.KvY, Paris, Heugel, 1S64, in-S».
Edouard Monnais. — F. Ilafénj, sinirc/nrs d'un ami, pour joindre
il ceux d'un frère, Paris, 1903. in-8«.
A. Pocgix. — F. llalenj écrivain, Paris. 1805. in-S".
Richard Wagner. — Œuvres eu prose, traduction de Prud'homme,
tome I, Paris.
Rci ne des lieux Mondes : La Reine de Chypre, 1" janvier 1842. —
Charles VI, 15 avril 1813. — La Tempesta, 1" août 1850,
1er février et 15 mars 1851. — Le Nabab, 15 novembre
1S53. — LaJaguarila. 1 cr juillet 1S55. — Lu Magicienne,
1" avril 185S. — L'Éclair, 15 juin 1S64. — La Reine île
Chypre, 15 août 1877.
Charles Lenepveu.
Charles- Ferdinand Lrnepveu naquit le i octobre
1840, au numéro 34 de la rue de l'Ecole, à Rouen.
Son père, avocat à la Cour d'appel, le destinait au
barreau ou à la magistrature. Aussi lui fit-il faire
au lycée de Houen de solides études classiques, et,
jusqu'à son baccalauréat, ce fut seulement dans ses
heures de loisir qu'il put se livrer à la musique, pour
laquelle il éprouvait déjà une véritable passion.
C'est ainsi qu'il fut autorisé à apprendre le solfège
et le violon, à la condition formelle que ces éludes
d'agrément ne nuiraient pas à sou travail.
Une fois bachelier, Lenepveu obtint l'autorisation
de venir à Paris poursuivre ses éludes de droit. Sans
doute espérait-il, à la faveur de cet éloignement,
pouvoir plus librement continuer ses études musi-
cales, les seules qui l'intéressaient. Sans en rien dire
à sa famille, il étudia avec Savard le solfège et l'har-
monie, et s'initia, sous la direction de Chauvet,
organiste de la Trinité, aux secrets du contrepoint
et de la fugue. Pour la première fois, en 1862, il osa
se produire en public et lenter les chances d'un con-
cours. La Cantate qu'il composa pour le Centenaire
de la Société d'agriculture, de commerce et d'industrie
de Caen fut couronnée et exécutée le 22 juillet à l'hô-
tel de ville de Caen.
Sans enthousiasme, Lenepveu termina son droit,
ne perdant aucune occasion de marquer à ses pa-
rents sa volonté de se livrer exclusivement à la mu-
sique. Enfin, licencié en droit, malgré l'opposition
palernelle, il entra au Conservatoire dans la classe
d'Ambroise Thomas.
En 1865, il concourt pour le prix de Home; classé
le second pour l'entrée en loge, il obtient à l'unani-
mité le premier grand prix avec la cantate Renaud
dans les jardins d'Armide, qui, exécutée le :; janvier
1866 au Conservatoire, est favorablement accueillie
du public.
Le séjour qu'il fait à la Villa Médicis contribue
à la formation de son esthétique; les discussions
qu'il a avec les autres pensionnaires, la vue des mer-
veilles artistiques de Borne développent en lui cer-
taines théories auxquelles il restera fidèle. En même
temps, il se prépare au concours de composition
dramatique institué par le ministre des beaux-arts,
et le Florentin, tout imprégné des parfums de l'Italie,
est couronné en 1860.
Pendant la guerre, Lenepveu considère comme étant
de son devoir de quitter Rouen, où il se reposait, pour
venir s'enfermer dans Paris. L'inlluence de l'année
terrible se fait sentir non seulement dans la Messe de
Requiem exécutée à Bordeaux le 20 mai 1871, au pro-
fit des victimes et des orphelins de la guerre, mais
dans presque toutes ses œuvres postérieures, toutes
échauffées d'un patriotisme ardent et sincère.
Cependant, la direction de l'Opéra-Comique hésitait
à faire représenter le Florentin; pour triompher de
sa mauvaise volonté, il fallut une campagne de presse
et un ordre formel de l'administration des beaux-
arts. L'œuvre, jouée le 2o février 1874, fut reçue avec
sympathie; le succès aurait pu s'affirmer, si la direc-
tion avait tenté le moindre elfort pour soutenir la
pièce; elle ne fit rien, et le Florentin ne fut donné
que huit fois. La pièce, par la suite, devait être montée
à Bordeaux, à Aix, à Rennes, à Marseille. Sans doute,
Lenepveu ne s'y est pas encore complètement dégagé
des influences d'école; on le sent hanté du souveni
.V.:S2
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONS AIRE DU CONSERVATOIRE
de Mbyi rberr, de Gounod et de Verdi, soucieux île
prouver son savoir; mais on a pu justement y louer
la clarté el l'aisance dans !<• maniement des masses.
Découragé par Le peu de succès du Florentin, Le-
mim'.i reprend sa Messe de Requiem, son oeuvre de
prédilection, colle à laquelle il reviendra toute sa
vie. Il paraît se désintéresser du théâtre, et cepen-
dant, il se met à la recherche d'un livret; il refuse
une Clarine; il parcourt les vieilles chroniques, relit
Augustin Thierry, s'enthousiasme pour l'évêque Pré-
textât. Un jour enfin, un de ses amis, dont les con-
seils le réconfortaient, lui signale la figure de Vel-
léda. Lenepveu se met à l'œuvre et termine rapide-
ment les quatre actes de son opéra. Les difficultés
commencèrent quand il s'agit de le faire représen-
ter ; Lenepveu ne savait pas solliciter : plutôt que
de consentir à des démarches qu'il considérait
comme humiliantes, il garda sa partition, jusqu'au
jours où la Patti, mise au courant de l'affaire par
Jules Hia/. de Soria, lui demanda à l'entendre. L'œuvre
lui plut; elle la présenta au théâtre de Covent Gar-
den, et y créa le rôle de Velléda le 4 juillet 1882. En
France, l'œuvre ne fut montée qu'au Théâtre des Arts
de Rouen. Aujourd'hui, malgré des qualités réelles,
l'œuvre parait vieillie, car elle date d'une époque où
l'on exigeait encore du compositeur tous les orne-
ments qui pouvaient faire valoir le ténor ou le
soprano. C'est la seconde et la dernière œuvre de
Lenepveu écrite pour le théâtre.
Vers 188,ï, commence une nouvelle période dans
la vie de jLenepvei'. Malgré le temps que lui pre-
naient ses fonctions de professeur de la classe d'har-
monie femmes du Conservatoire (1881) el d'inspec-
teur de l'enseignement musical, il compose, surtout
pour la ville de Rouen, quelques œuvres, dans les-
quelles se manifeste plus nettement sa personnalité.
Le 19 mars 1885, à l'occasion du deuxième cente-
naise de P. Corneille, on exécute au palais archié-
piscopal de Rouen une Méditation sur la traduc-
tion de Corneille d'un texte de l'Imitation (III, 40).
Msr Thomas lui demande une nouvelle œuvre; c'est
la Jeanne d'Arc, en forme d'oratorio, exécutée par
500 chanteurs et instrumentistes dans la cathédrale
de Rouen le 1er juin 1886, reprise à Bordeaux, à Tou-
louse, à Marseille, à Dijon, à Besancon, à Lille, à
Valenciennes, au Havre, à Saint-Omer, etc., et con-
nue à Paris seulement par la Marche funèbre, mise
au programme des concerts Lamoureux en 1897. La
même année, en 1886,1a Société Guillot de Sainbris
interprète une lphiyCnie de Lenepveu, el le 14 juillet
1889, à la demande de la municipalité de Rouen,
il écrit, pour l'inauguration du mausolée élevé à la
mémoire des soldats morts pour la patrie, un Hymne
funèbre et triomphal dans lequel circulent les accents
de la Marseillaise. Cet Hymne a été plus tard exécuté
dans diverses circonstances : à Abbeville, pour l'inau-
guration du monument de l'amiral Courbet; à Be-
sançon, pour la fête commémorative du cimetière du
Champ Bruloy : à Angoulème, pour l'inauguration du
monument Carnot.
Pendant quatre ans, Lenepveu ne produit aucune
œuvre importante; en 1892, l'inauguration à Rouen
de la statue de Jeanne d'Arc de Barrias lui fournit
l'occasion d'écrire son Ode triomphale, qui est comme
le prolongement et le couronnement de sa Jeanne
d'Arc.
Enfin, le 23 mars 1893, on exécute à Rouen son
œuvre capitale, cette Messe de Requiem, qui l'avait
occupé toute sa vie. De la première version de 1871
dont on avait pu entendre des fragments chez Pas-
deloup, chez Colonne et chez Lamoureux, il ne restait
que \' Introït et le Dies ira?.
Plus encore qu'un compositeur, Lenepveu a été un
professeur, et là peut-être est sa véritable gloire.
Avant d'accepter le poste qui lui était offert au Con-
servatoire, Lenepveu s'était essayé dans le professo-
rat libre; il ne voulait pas s'engager dans l'enseigne-
ment avant d'être certain que le professorat ne le
rebuterait pas. Lorsque, en 1881, il eut accepté une
chaire de professeur d'harmonie, il donna à ses
élèves la plus grande partie de son temps. Avec
Théodore Dubois, il fut un de ceux qui contribuè-
rent le plus au relèvement des études harmoniques
au Conservatoire. En 1893, il était chargé d'une
classe de composition, et les succès de ses élèves aux
concours pour le prix de Rome témoignent de l'ex-
cellence de son enseignement. Dans les trois der-
nières années de sa vie, gravement malade, il n'avait
pas voulu abandonner sa classe, où Georges Caussade
le suppléait; il tenait à assister aux concours de
Rome, bien que paralysé du côté droit. Comme il ne
pouvait marcher, on le portait. Et il y avait quelque
chose d'émouvant à voir cet homme obstiné à son
devoir, malgré la souffrance.
Depuis 1896, il avait succédé à l'Institut à son
ancien professeur Ambroise Thomas. Il mourut en
1910.
Sans doute, son œuvre, presque uniquement con-
sacrée à la glorification de Jeanne d'Arc et au sou-
venir de ceux qui sont morts pour la patrie, ne
marque pas une date dans l'histoire de la musique.
Traditionnahste, il a voulu tout exprimer dans la
langue un peu restreinte des vieux auteurs, et n'a
jamais cherché de frisson nouveau.
CATALOGUE DES ŒUVRES DK LENEPVEU
MUSIQUE INSTRUMENTALE
Piano seul. Barcarolle. Berceuse, Ballade. Caprice. Divertissement
île Vellida. Marche funèbre 'le Jeanne (l'Arc.
Piano à 4 mains. Divertissement île Vellida. Marche funèbre de
Jeanne d'Arc.
2 pianos à 4 mains. Marche funèbre de Jeanne d'Arc.
2 pianos à 4 mains avec harmonium. Marche du sacre de Jeanne
d'Arc.
Piano et violon ou violoncelle. Romance sans paroles.
Piano et violon ou alto. Récit el cantaHle:
MCSIQOE RELIGIEUSE
OSalularis (ténor). — 0 Salnlaris (ténor avec orgue et violon-
celle). — Are Maria (ténor, soprano). — Laudale Domiuiim
(soli, chœurs, orchestre et orgue). — Messe de mariage. —
Salve Regina (baryton). — Le même (ténor). — Le même
(soprano). — Sub luum, chœur à quatre voix mixtes. —
Tautum enja (chœur à quatre voix mixtes. — Messe de Re-
i/uiem (soli, chœurs, orchestre et orgue).
MÉLODIES ET SCENES LTRIQUES
Adieu (A. de Musset). — Aubade (Ed. Guinaud). — Aujourd'hui
' (Ed. Blau). — Chant du CrèpUSCUlç (V. HUgo). — Chanson
(A. de Musset). — Contemplation (A. de Musset). — Dor»
mense (Ed. Guinaud). — l'eut! d'avril (A. Theurieti. —
Fils de la Vierge (S. Bordèse). — Gloria rictis (J. Chante-
pie). _ la Jeune Captive (A. Chénier). — Lamenta (Th.
. Gautier). — Nocturne, scène d'tlernani (V. Hugo). — /.»
Notice (Alex. Bisson). — Le Porte mourant (Millevoye). —
Rêverie (Ed. Guinaud). — Rappelle-toi [A., de Musset). —
Souvenir (V. Hugo). — Vision (D. Gérard).
Renaud et Armide, soprano et ténor (Gain, du Locle).
t) doux printemps soprano et contralto (Ed. Guinaud).
Idylle, mezzo-soprano et baryton (Paul Fuona),
Méditation, soprano et contralto (P. Corneille).
Salve Regiita, mezzo soprano etbaryton, orgue et baijm
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3533
CHŒURS A QUATRE VOIX
Cantate pour le centenaire île lu Société d'agriculture, de
d'industrie de Cuen (inédit).
La Caravane, deux ténors et deux Lasses (Ad. Vautier).
Recueil de leçons d'harmonie.
Iphii/enie (Ed. Guinaud).
Méditation (P. Corneille).
Hymne funèbre et triomphal (V. Hugo), chœur et orchestre.
Le même, chœur et harmonie.
Dde triomphale à Jeanne d'Arc (Paul AUard), chœur et orchestre.
La même, chœur et harmonie.
L'Anniversaire, opéra-comique, 1 acte (Alex. Bisson), dans le
journal le Magasin des demoiselles.
Le Retour de Jeanne, opéra-comique, 1 acte (Alex. Bisson).
Le Florentin, opéra-comique, 3 actes (H. de Saint-Georges).
Vellêda, opéra. 4 actes (A. Challamel et J. Chantepie).
Jeanne d Arc, drame lyrique. 3 parties (Paul AUard).
Bibliographie.
Brévannes.— Article surCh. Lenepecu, Mu sic a . octobre 1910.
Grove's. — Dicliouiirij of music and musicians, London, 1910.
A. Podgin. — Supplément d la Biographie universelle des musiciens
de Fétis.
Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1S96.
H. Rieman.n. — Dictionnaire île musique, traduction de G. Hou-
bert. Paris, Perrin, 1899.
Raoul de Saint-Arroman. — Charles l.enepreu. étude biographi-
que, Paris, le Journal musical, 1898.
Lesueur.
Jean-François Sueur, dil Lesueur, est né le 15 fé-
vrier 1760 au hameau de Plessiel, près d'Abbeville.
Son père était un paysan, batleur en grange chez
M. Descaule, receveur du domaine de Ponthieu.
Avec l'appui de son patron, il réussit à faire entrer
le petit Jean-François à la maîtrise de Saint-Vulfran
d'Abbeville, d'où il passa peu de temps après (1770)
à celle de la cathédrale d'Amiens.
Une maîtrise était alors un petit internat, où une
douzaine d'enfants, liés par un engagement de dix
ans, menait une vie fort laborieuse, chantant à l'é-
glise le dimanche, de quatre heures du matin à midi,
recevant pendant la semaine des leçons de latini
d'arithmétique, de chant, de contrepoint, el même
de composition. Au xvin8 siècle, la maîtrise d'Amiens
passait pour la meilleure de France.
A 16 ans, le talent de Lesueur était déjà reconnu,
puisqu'il obtenait du chapitre que de la musique de
sa composition serait exécutée dans la cathédrale à
la fête de l'Assomption.
Le 2 octobre 1776, il quittait la maîtrise, par autori-
sation spéciale, avant le terme fixé dans son engage-
ment, et il entrait au collège d'Amiens pour y faire
sa rhétorique. Avant même la Un de l'année scolaire,
il renonçait à ces nouvelles études, pour accepter la
place de maître de musique de la cathédrale de Séez,
près d'Alençon.
Lesueur resta deux ans à Séez. Il fut alors nommé
sous-maître à l'église des Saints-Innocents de Paris,
et comme ses fonctions lui laissaient quelque loisir,
il en profita pour prendre des leçons d'harmonie
avec l'abbé Rose.
En 1781, Lesueur obtenait la direction d'une aussi
importante maîtrise, celle de la cathédrale de Dijon.
Là il trouva un riche amateur, M. Songer, conseil-
ler au Parlement, qui mit à sa disposition sa riche
bibliothèque. Lesueur y put lire une foule de parti-
tions, surtout italiennes, qu'il ne connaissait pas en-
core. Mais Lesueur quittait bientôt Dijon pour Saint-
Martin de Tours, et en 1 784, il revenait à Paris, comme
maître de musique, cette fois, à l'église des Saints-
Innocents.
Il entre en ce moment en relations avec Sacchini,,
qui lui donna quelques conseils el lui accorda sa
protection. C'est ainsi qu'en 1785 Lesueur put faire
entendre au Concert Spirituel une ode de J.-B. Rous-
seau qu'il avait mise en musique, et qui fut accueil-
lie avec assez de faveur.
Voici Lesueur à la veille de devenir célèbre. La
place de maître de chapelle de Notre-Dame étant
devenue vacante fut mise au concours, et notre jeune
musicien l'obtint. Tout de suite, il voulut réaliser des
projets de rénovation de l'art musical religieux,
qu'il portait depuis longtemps dans sa tête. Substi-
tuer aux simples chants rituels de véritables orato-
rios, comme il le dit lui-même, des « drames sa-
crés », pendant les célébrations des offices solennels,
tel était son but. Les moyens employés dans de telles
œuvres devaient être, selon lui, les mêmes que ceux
de la musique dramatique, avec une plus grande
part encore peut-être pour l'imitation, la descrip-
tion. De plus, chaque composition devait s'adapter
étroitement aux circonstances religieuses de la fête
à célébrer. « Ainsi, le Kyrie de la Messe de Noël ne
doit point être désolé, mais respirer la confiance
des fidèles qui savent que ce jour leur apporte la
rédemption. » C'est le motet chanté la veille de la
fête qui servira de base à tout l'édifice sonore, jouant
ainsi un rôle jusqu'à un certain point analogue à
celui de I' » idée fixe » de Berlioz et du « motif conduc-
teur » de Wagner. Ce sera de la « musique à pro-
gramme », dont toutes les intentions demandent à
être éclairées par des notices explicatives que l'au-
teur ne se fera pas faute de développer abondam-
ment, et qui seront distribuées avant l'exécution de
chaque oratorio. Quatre Messes solennelles furent
aussi composées à cette époque par Lesuf.ur pour
Noël, pour Puques et pour l'Assomption. Elles n'ont
point élé gravées et se sont perdues. On peut se faire
une idée de ce qu'elles devaient être d'après trois
Messes solennelles et ['Oratorio de Noèl publiés qua-
rante ans plus tard. « La première impression qu'on
ressent, dit M. F. Lamy, est un peu de surprise. Les
théories de Lesueur vous ont préparé à des compli-
cations très grandes : on se trouve devant une mu-
sique d'une extrême simplicité : presque pas de
contrepoint; une harmonie plutôt pauvre; jamais
un accord dissonant, peu de modulalions et seule-
ment aux tons voisins. Rien que des chants super-
posés sur une série d'accords parfaits... Mais les
rythmes sont variés et bien choisis. Les voix, sans
complications inutiles, sont habilement disposées.
Sans apprêt, mais d'un dessin net et d'un ton origi-
nal, la mélodie est franche, naturelle, claire, ex-
pressive. »
Dès la première audition de ces curieuses Messes
(15 août 1786), le succès fut considérable, et il
grandit encore par la suite. Cela devint de l'en-
gouement. La reine Marie-Anloinette fit appeler
Lesueur pour le féliciter. L'archevêque de Paris
voulait l'attacher définitivement à l'Eglise, et le faire
entrer dans les ordres.
Les envieux entrèrent alors en scène, et cherchèrent
à ruiner la situation du jeune et heureux artiste. Des
facturas circulèrent dans lesquels on représentait
cette musique nouvelle comme contraire à l'esprit
véritable de la religion; et l'on insistait sur le scan-
dale d'une niasse chantée par des « chanteurs d'o-
péra ». On surnomma bientôt Notre-Dame « l'Opéra
:;!■>!•■
'NCYCLOPÉIUE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
des gueux ». <>n lit tant et si bien qu un mois après
l'exécution de la Ifessa de Vtetomption (13 août 1787),
qui fut un triomphe pour l'auteur, Lesurur élait re-
mercié par le chapitre Je Notre-Dame, et se trouvait
sans place.
Tous les confrères île Lesurur rendirent alors un
bel hommage à son talent et à son caractère. Una-
nimement, ils refusèrent sa succession. Un concours
lut annoncé : personne ne se présenta. On finit par
confier à un étranger une partie des fonctions qui
avaient été exercées auparavant par Lesueur, mais
il n'y eut plus de maître de chapelle en titre à Notre-
Dame jusqu'à la Révolution.
Chassé de l'église, Lesueur se tourne vers le
théâtre. Il avait fait recevoir à l'Opéra un Télémaque
qui n'y avait pas encore été représenté. 11 se mit au
travail pour remanier cet ouvrage, et il composa
sur un livret du même auteur, Dercy, La Caverne,
un drame lyrique en trois actes qui fut accepté au
Théâtre Feydeau.
Cependant un généreux ami, le chanoine Bochart
de Champigny, possesseur d'une très grande fortune,
avait offert à Lesueur le vivre et le couvert, et le déli-
vra ainsi de tout souci matériel.
La première représentation de la Caverne eut lieu
le 21 février 1793. Ce fut un succès prodigieux, qui se
maintint pendant plus de cent représentations dans
l'espace de quinze mois. Les théâtres de province
reprirent la pièce et la conservèrent longtemps à leur
répertoire. Elle se jouait encore à Nantes en 1831.
Le 13 janvier 1794, nouveau succès de Lesueur au
Théâtre Feydeau avec Paul et Virginie.
Deux ans après (mai 1796), Télémaque dans l'île
de Calypso ou le Triomphe de la sagesse paraissait
enfin sur la même scène, et recueillait à son tour les
applaudissements du public.
Dans l'avertissement que l'auteur a fait imprimer
en tète de la partition, nous lisons qu'il s'est attaché
à mettre en usage « les diverses propriétés des
modes, nomes, rythmes et mélopées de la musique
antique ». Et nous aurons, en effet, une ouverture sur
le mode hypodorien et sur le nome spondaïque,
selon la mélopée mésoïde, un chœur sur le nome
dactylo-spondaique, etc., etc. Il y avait beaucoup de
chimère, de rêverie, d'aventureuses hypothèses dans
la prétendue érudition de Lesueur. Il est incontes-
table cependant qu'il tira quelque parti de l'étude
des rythmes antiques. Il voulait aussi — et cela
est assez remarquable — obtenir, encore à l'imi-
tation des Grecs, « l'accord parfait et simultané des
traits mimiques et pittoresques de l'orchestre avec
l'action de la scène, avec l'attitude et les mouve-
ments de l'acteur chantant ». Combien d'artistes
l'ont eue, celte idée! Il fallut la puissance de génie
d'un Wagner pour la réaliser.
Mais la Révolution ouvrait une autre carrière à
l'activité des musiciens. Comme Grétry, comme
Méhul, comme Catel, Cherubini ou Gossec, Lesueur
fournit sa contribution aux grandes fêtes nationales.
Ce fut d'abord le Chant des triomphes de la République
de la Harpe, qu'il mit en musique pour la fête du
30 vendémiaire an III (21 oct. 1794). Puis il com-
posa successivement un Hymne en l'honneur de l'a-
griculture, un Hymne pour la fête de la vieillesse, un
Chant pour le 9 Thermidor et un Chant national pour
l'anniversaire du 21 janvier (ces deux derniers sont
perdus). Son œuvre capitale, dans ce domaine, fut le
Chant du /" Vendémiaire, qu'il écrivit sous le Con-
sulat, en 1800. Il y employait quatre chœurs, deux
avec les orchestres disposés dans les deux bas
côtés de la nef (la cérémonie avait lieu à la chapelle
des Invalides), un troisième dans la coupole avec
des harpes, le dernier dans la tribune de l'orgue. Il
renchérissait sur Méhul, qui, le 14 juillet précédent,
n'avait usé que de trois chœurs.
Dès le 21 novembre 1793, Lesueur était entré
comme compositeur à ['Institut national de musique
créé par la Convention. Lorsque, le 3 août 1793, cette
école fut réorganisée sous le nom de Conservatoire
national de musique et de déclamation, Lesueur fut
désigné comme l'un des cinq inspecteurs chargés
de la direction. On sait comment le trop habile
Saiuiette finit par se substituer à ce comité de cinq
musiciens comme administrateur, puis comme di-
recteur véritable du Conservatoire. Lesueur, qui était
un homme très honnête, très généreux, très désin-
téressé, mais plein d'illusions, un peu trop suscep-
tible et prodigieusement maladroit, eut le tort d'user
maintes fois vis-à-vis de Sarrette d'une trop rude
franchise. 11 s'en fit un ennemi. La lutte fut vive
entre les deux adversaires. Elle se termina par la
défaite de Lesueur, qui fut obligé de donner sa dé-
mission, et resta sans ressources pour vivre et pour
faire vivre son père qu'il avait pris avec lui, ainsi
qu'un petit neveu orphelin.
Fort heureusement, il arriva peu de temps après
(mars 1804) que Paisiello quitta son emploi de
maître de chapelle du premier consul, et Lesueur
hérita de ses fonctions, avec mille francs par mois
d'appointements.
Voilà Lesueur revenu à la musique d'église. Pour
les messes fort courtes (elles ne duraient que vingt-
cinq minutes) du premier consul, devenu bientôt
l'empereur, Lesueur composa un grand nombre
d'oeuvres qu'il appelle des oratorios, mais qui sont
plutôt des motets largement développés, offrant tou-
jours, dit M. F. Lamy, « le contraste d'intentions très
compliquées avec des procédés très simples ». Une
partie seulement de ces oratorios (quinze volumes)
a été gravée de 1823 à 1829.
Cependant, Lesueur ne négligeait point le théâtre,
et le 10 juillet 1804, la première représentation des
Bardes obtint un succès éclatant, « succès d'enthou-
siasme, dit le Moniteur, et que nulle voix n'a con-
testé ». C'est avec les Bardes que l'Opéra encaisse
pour la première fois des receltes supérieures à
10.000 francs.
La réputation de Lesueur était à son apogée. Il
avait été compris dans la première promotion de la
Légion d'honneur. Le public lui faisait fête. L'empe-
reur lui marquait une estime particulière.
Le 3 juin 1806, Lesueur épousait, à la mairie du
IIe arrondissement et à l'église Saint-Louis d'Anlin,
Mlle Adeline Janart de Courchangs, fille d'un haut
fonctionnaire des finances. 11 avait alors quarante-
cinq ans. Sa femme en avait dix-neuf. Malgré cette
grande différence d'âge enlre les deux époux, l'union
fut très heureuse. Lesueur eut quatre enfants. Le pre-
mier ne vécut pas. Des trois filles qui vinrent ensuite,
l'ainée mourut à vingt ans, en 1828, la seconde
épousa le compositeur Boisselot, et la troisième
M. de Civray.
Deux opéras de Lesueur furent encore très ap-
plaudis, le Triomphe de Trajan, en 1808, et Adam en
1809, Adam dont Beethoven aurait dit en le lisant :
« Cette musique semble guérir mes maux! Lesueur
a donc retrouvé un archet que les anges témoins de
la Création ont laissé tomber des cieux! »
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3535
Après les événements de 1814 et de 181b, Lesueur
se demanda s'il resterait maître de chapelle des
Tuileries. Il alla faire, comme les autres, sa visite de
fonctionnaire à la Cour. « On dit que vous aimez
beaucoup Iïonaparle, » lui lança aigrement Mmc la
duchesse d'Angoulême. Lesueur eut le courage
de répondre : « On dit vrai, Madame. L'empereur
a été mon hienfaiteur : je ne l'ouhlierai jamais. »
Cette belle franchise ne lui nuit point : il conserva
sa place.
En 1822, à la mort de Méhul, Lesueur fut nommé
professeur de composition au Conservatoire.
De 1822 à 1839, le grand prix de Home fut remporté
quatorze fois par des élèves de Lesueur. Il eut le
mérite de former des musiciens comme Ambroise
Thomas et surtout Berlioz. Gounod se souvenait
avec reconnaissance des excellents conseils qu'il en
avait reçus.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE LESUEUR
MCSIQUE RELIGIEUSE GRAVÉE EN DIX-SEPT VOLUMES
Tome I. Première Messe solennelle à grand orchestre.
Tome II. Oratorio de Dehliorah à grands chœurs, et à grand
orchestre (1828).
Tome III. Trois Te Deum à grand orchestre.
Tome IV. Deux Oratorios de la Passion, pouvant être exécutés
pendant les messes basses.
Tome V. Deuxième Messe solennelle à grands chœurs et grand or-
chestre.
Tome VI. Sn/ier /lamina Dubq/onis, à grands chœurs et grand or-
chestre. — Troisième Oratorio du carême et morceaux
d'ensemble. — lu rirlule tua : piano, solo, chœur et
Tome VII. Itachcl, oratorio historique et prophétique à grand
orchestre et grand chœur avec soit.
Tome VIII. Hutli ri Sueiui, suivi de Hulli et lloo:, cliœur et sym-
phonie hypocritiques.
Tome IX. Premier Oratorio pour le couronnement des princes
souverains de toute la chrétienté , n'importe la com-
munion.
Tome X. Deuxième Oratorio pour le couronnemeut des princes
souverains.
Tome XI. Troisième Oratorio puur le couronnement des princes
souverains.
Tome XII. Troisième Messe solennelle.
Tome XIII. Cantate religieuse, suivie du motet : Veui Sponsa, eo-
ronalieris.
Tome XIV. DeuxPsaiimes : Ait templiim eredidi, soli et chœurs. —
Cir/i enurrnnl, soli et chœurs.
Tome XV. Messe liasse et Domine snlrnm. — Motet : Mannes bap-
tisat. Domine snlrnm avec accompagnement d'orgue.
Tome XVI. Oratorio de Sort, à grand orchestre et grands chœurs.
Tome XVII. Domine snlrnm. pièce pour l'empereur. — 0 Snlulu-
ris, chœur. — Chœur 0 /ilii avec un majeur composé
sur le même rythme. — Slabiit, sur des motifs liturgi-
ques traditionnels.
MUSIQUE DES FETES CIVIQUES
Chant des triomphes delà République, paroles de La Harpe, 30 ven-
démiaire an III.
Ode pour la fête de la Liberté, paroles de Lebrun, 10 thermidor
an VI.
Chant national pour l'anniversaire du 21 janvier, paroles de Le-
brun, an VII.
Chaut du [i Thermidor, paroles de Desorgues, an VIL
Chaut rillageois. pour la l'été de l'Agriculture.
Hymne il lu rieillesse, pour les fêtes décadaires.
Ces deux e position-, existent en manuscrit dans la collection
Malherbe.
Chaut du premier rend ■miaire en fureur du rétablissement de la pair,
paroles d'Esmenard, quatre chœurs, grand orchestre et
Matériel manuscrit incomplet à la Bibliothèque du Conser-
La Caverne ou le Repentir, drame lyrique en 3 actes, paroles de
Deray, théâtre Feydeau, 10 février 179:). Edité chez Na-
dermann.
Paul et Virginie ou le Triomphe de la vertu, drame lyrique en
3 actes, paroles de Dubreuil, Théâtre Feydeau, 13 janvier
1704. Nadermann.
■que duos llle de Cahjpso „>i le Triomphe de In sagesse, tra-
gédie lyrique en 3 actes, paroles de Dercv, Théâtre
Feydeau, 11 mai 1790. Nadermann.
. tragédie lyrique, reçue au Théâtre des Arts en 1796; ne
fut jamais exécutée m gravée.
rxe. tragédie lyri.jn.- \-en- au Théâtre des Arts en 1801;
ne fut. jamais exécutée ni gravée.
OU les Bardes, opéra en 5 actes, paroles de Dercy et Des-
cliamps. Académie impériale de musique, S juillet 180 ï.
Gravé parHugue. Edité chez Imbault.
omphe de Trujan, opéra en trois actes en collaboration avec
Persdis, paroles d'Esmenard, 1807.
ration du temple de lu Victoire, en collaboration avec Peu-
thèque de 1 Opéra.
ECRITS HTSTOllIol'Es ET THEORIQUES
Eiposé d'une musique une. imilulire et particulière à chaque solennité,
où l'on donne les principes généraux sur lesquels on l'é-
tablit et le plan d'une messe propre à la fêle de Noël, essai
par M. Lesueur, maître de chapelle de l'Église de Paris.
A Paris, chez la veuve Hérissait, imprimeur du chapitre,
rue Neuve-Notre-Dame, k la Croix d'or, 1787.
Suite île l'essai sur la musique sucrée cl iiniiaiive... avec le plan d'une
messe pour Pâques.
Exposé d'une musique imitutire, avec le plan d'une messe pour la
Pentecôte, suite de l'essai.
Suite de l'Exposé... avec une messe propre à l'Assomption.
Projet d'un plan général de l'instruction musicale en France,
in-4° d'une feuille sans nom d'auteur, Paris, an IX. Gé-
néralement attribué à Lesueer.
Lettre en réponse a Gaillard sut l'opéra de la Mort d'Adam, Paris,
Beaudouin, ruede Grenelle-Saint-Germain, n° 1131. Bru-
maire an X.
Éloge funèbre de Picciui, S mai 1S0 1.
Kotice sur la mélopée, lu rglhmopée cl les grands caractères de ta
musique antique, appendice a la traduction d'Anacréon du
professeur Gail, 1793.
Notice sur Paisiello, 1816. Annales de la musique de Gardeton.
Manuscrits de la collection Malherbe, renfermant d'importants frag-
ments d'une Histoire générale de la musique, des Considéra-
tions philosophiques, des t'.ousei/saiii jeunes compositeurs, etc.
Bibliographie.
Ad. Bosciior. _ La Jeunesse d'un romantique. Paris, Plon-Nour-
rit, 1906.
F. LiMY. — Jeun- François Lesueur (1700-1837), 1 vol. in-S°,
Paris, Fischbacher.
Kerviéres. — Articles du Guide musical (1905) et de la Tribune
de Suiul-Geriais (1905).
J. Tiersot. — Les t'êtes et les ('.hauts de la Révolution française.
Paris, Hachette, 1908.
Victor Massé.
Félix-Marie Massé, dit Victor Massé, naquit à Lo-
rient le 7 mars 1822. Tout jeune, il fut amené à
Paris; à 12 ans, le 15 octobre 1834, il était admis
au Conservatoire, où il fut successivement l'élève
de Zimmërmann pour le piano, de Dourleu pour l'har-
monie, d'HALÉVY pour la composition. Chaque année
lui apporte une récompense nouvelle : accessit et
second prix de solfège en 1836 et J837, deuxième et
premier prix de piano en 1838 et 1830, premier prix
d'harmonie et d'accompagnement en 1840; accessit
de fugue et second prix de Home en 1840; premier
prix de fugue en 1843; premier prix de Home en
1843 avec le Renégat de Tanger, cantate du marquis
de Paslorel. Aucune surprise dans cette carrière
d'élève; c'est progressivement, d'une marche régu-
lière, qu'il s'élève jusqu'au grand prix de Rome.
Après avoir fait entendre sa cantate à l'Opéra, où
elle fut très froidement accueillie, Victor Massé part
pour Rome, d'où il envoie, parmi les travaux régle-
mentaires, un opéra italien, la Favorila e la schiaca;
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIOUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
il voyage en Italie et va jusqu'en Allemagne. En
184R," il était de retour à Paris, puisqu'il prit part
au concours ouvert par le ministre de l'instruction
publique pour la composition de chants natio-
naux : son Hymne à la Fraternité sur des paroles
d'Alexandre Cosnard et son Hymne àla Concorde sur un
texte d'Edouard Plouvier lui valurent deux médailles.
Ce succès fut le prélude de quelques autres. Comme
tous les jeunes compositeurs, Victor Massé visait au
théâtre. En 1840, il débutait par un succès avec la
Chambre gothique. Dans la suite, il fut favorisé par
les circonstances; d'abord, il eut la chance de trou-
ver une scène pour faire jouer ses œuvres : Emile
Perrin, qui, plus tard, devait devenir directeur de
l'Opéra et administrateur de la Comédie française,
venait de prendre la direction de l'Opéra-Comique-
Confiant dans le talent de V. Massé et désireux de
le lancer, il lui ouvrit son théâtre. De plus, V. Massé
eut le bonheur de trouver trois livrets excellents, la
Chanteuse voilée, Galathée, les Noces de Jeannette.
Ainsi débutant très jeune, V. Massé connut rapide-
ment le succès; les huit années qui suivirent son re-
tour de Rome sont marquées par l'apparition de sept,
ouvrages. Tous ne réussirent pas comme Les Noces de
Jeannette qui ont été jouées plus de douze cents fois.
V. Massé connut des revers avec La Fiancée du diable,
Miss Fauvette et Les Saisons. — De nouveau, le public
l'applaudit au Théâtre Lyrique avec La Reine Topaze
et La Fée Carabosse. — Les échecs successifs du Fils
du brigadier, de Fiord'Aliza, de La Mule de Pedro dé-
couragent un peu V. Massé, qui, pendant près de dix
ans, reste éloigné du théâtre.
Evitant le bruit, craignant les indiscrets, vivant
loin de toute coterie, ennemi de la popularité
bruyante, V. Massé travaille silencieusement dans
son pavillon de la cité Frochot, au milieu de sa
femme et de ses enfants. Esprit vif, plein de finesse,
prompt à la réplique, volontiers railleur, il se montre
un causeur amusant qui ne craint pas les gauloi-
series. Pour se reposer de ses travaux de longue
baleine, il écrit des mélodies dont on vante la cou-
leur : Chants bretons, Chants du soir, Chants d'au-
trefois.
En 1860, il avait succédé à Dietsch comme chef du
chant à l'Opéra; en 1866, il était nommé professeur
de composition au Conservatoire, et membre de l'A-
cadémie des beaux-arts en 1872, à la mort d'AcBER.
Après les succès qui avaient marqué les débuts
de sa vie à Paris, V. Massé pouvait considérer sa car-
rière sinon comme glorieuse, du moins comme très
brillante. Et cependant, elle lui semblait incomplète ;
il aurait voulu prouver qu'il n'était pas un simple
faiseur d'opéras-comiques et qu'il était capable de
s'élever jusqu'à l'opéra. Depuis longtemps, il travail-
lait à un opéra, et, en 1874, il avait déjà terminé la
musique de son Paul et Virginie. Mais, les circons-
tances, qui avaient favorisé ses débuts, ne se pré-
sentaient plus les mêmes; l'Opéra ne semblait, pas
disposé à monter cet ouvrage, et le Théâtre Lyrique,
qui aurait pu l'accueillir, n'existait plus. 11 lui fallut
attendre deux ans; d'ailleurs, Paul et Virginie prouva,
comme La Nuit de Ctéopdtre, jouée à l'Opéra-Comique
après la mort de Victor Massé, qu'il n'était pas fait
pour les grands sujets, qu'il se trouvait gêné dans
l'expression des passions violentes. En effet, ses dra-
mes lyriques ne se distinguent guère de ses opéras-
comiques.
Après une longue maladie dont il souffrit pendant
quinze ans et qui l'obligea, en 1880, à prendre sa
retraite de professeur au Conservatoire, Victor Massé;
mourut le S juillet 1884.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE V. MASSÉ
ŒUVRES DRAMATIQUES
La Chambre gothique, Opéra-Comique, 1849.
La Chanteuse voilée, 1 acte, Opéra-Comique, 26 novembre 1S50.
Galathée, 2 actes, Opéra-Comique, li avril 1852.
Les Noces de Jeannette, 1 acte, opéra-Comique, 4 février 1S53.
La Fiancée il« diable, 3 actes, Opéra-Comique, 5 juin 1854.
Mv.s Lancette, 1 acte, Opéra-Comique, 13 février 1855.
LesSahans, 3 actes, Opéra-Comique, 22 décembre 1855.
La Reine Topaze, 3 actes, Théâtre Lyrique, 2» décembre 1S56.
Le Cousin ite Marivaux, 1 acte, Bade, 1857.
Les Chaises à porteurs, 1 acte, opéra-Comique, 28 avril 1S58.
La Fée Carahnsse, 3 actes et prulogue, Théâtre Lyrique, 28 février
1859.
Manette ta promise, 1802.
La Mute, de Pedro, 2 actes, Opéra, 6 mars 1863.
Fiord'Aliza, 4 actes, Opéra-Comique, 6 lévrier 1866.
Le Fih du brigadier, 3 actes, 25 février 1867.
Poulet Virginie, 3 actes, Théâtre Lyrique, 15 novembre 1876.
La Suit de Cteopdlre, 3 actes, Opéra-Comique (œuvre posthume),.
25 avril 1885. |
Opérettes :
Le Prix de famille, 1 acte (publié dans le Magasin des demoiselles).
Une Loi sompluaire, 2 actes.
La Trouvaille, 1 acte.
Les Enfants de Perrette, 2 tableaux.
Lu Petite Sœur d'Achille, 2 tableaux.
Recueils de mélod
Chants bretons.
Chants du soir.
Chants d'autrefois.
MUSIQUE VOCALE
Bibliographie.
L. Delibes. — Discours pvonoiice n l'inniiijiiration de la statue de
Victor Massé d Loricnl, Paris, 1887, in-4".
FÉTis. — Biographie universelle des musiciens.
A. Podgin. — Supplément à la Biographie universelle.
Grove's. — Dictionavij nf music and musieians, London, 1910.
A. Pougin. — Les Musiciens du dix-neuvième siècle, Paris, Fisch-
bacher, 1911.
Hugo Riemann. — Dictionnaire de musique, traduction Hu.mbert,
Paris, Perrin, 1899.
Revue des Deux Mondes. Galathée, 1er juillet 1S52. — Les Noces
de Jeannette, 15 février 1853. — La Fiancée du diable,
15 juin 1S54. — La Reine Topaze, 1er février 1857. — La
FeeGural'osse, 15 mars lsr.'.l. — La Mule de Pedro, 1" avril
1862. — Fior d'Aliza, 15 février 1866.
Saixt-Saens. — Victor Massé. La France, 6 septembre 18S7.
Massenet.
Jules-Emile-Frédéric Massenet est né le 12 mai
1842 au lieu dit de la Terrasse, dans la commune
de Montaud, près Saint-Etienne (Loire). Son père,
officier du génie sous le premier Empire, avait dé-
missionné lors de la Restauration, et s'était établi
maître de forges dans son pays d'origine : plus
exactement, il fabriquait des faux. Il avait épousé
en secondes noces M"e Roger de Marancourt, qui
fut la mère du grand musicien.
La Révolution de 1848 ruina la famille, qui vint
se fixer à Paris. Le petit Massenet suivit les cours du.
lycée Saint-Louis : mais, en même temps, il se pré-
parait à entrer au Conservatoire. Il y fut admis en
octobre 1851. Successivement, il obtint le premier
prix de piano en 1859, un premier accessit d'harmo-
nie en 1860, un premier prix de fugue en 1863, en
même temps que le grand prix de Rome.
De son séjour en Italie, Massknet rapporta une
Ouverture symjihonique, un Requiem à quatre et huit
voix avec accompagnement d'orgue, de violoncelle
et de contrebasse, un drame sacré, Harie-Magde-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3537
^eiiie, où s'affirmait déjà pleinement son originalité,
un recueil de mélodies, Poème d'avril, et les Scènes
napolitaines pour orchestre.
Dès sa première .jeunesse, se manifeste chez cet
artiste une puissance de travail exceptionnelle, qui
s'accrut encore par la suile et ne faiblit jamais.
De retour à Paris, Massenet a vite fait de trouver
les occasions de présenter ses œuvres au public.
Dès 1866, les sociétés de concerts jouent son Ou-
verture symphonique, une suite d'orchestre intitulée
Pompeia, et deux Fantaisies. Le 24 mars 1867, Pasde-
loup donne sa Première Suite d'orchestre, et le 3 avril
de la même année, l'Opéra-Comique représente sa
première œuvre de théâtre, Lu Grand' tante.
En 1868, Massenet fait la connaissance d'un jeune
éditeur, Georges Hartmann, qui devient bientôt son
ami et va collaborer de la façon la plus active et la
plus éclairée à la préparation et à l'exploitation de ses
prochains succès. L'exécution de Marie-Magdcleinc,
à l'Odéon, le 11 avril 1873, met décidément le jeune
Massenet hors de pair. Trois ans après, il est décoré
de la Légion d'honneur; à trente-six ans, le 7 oc-
tobre 1878, il est nommé professeur de composition
au Conservatoire, et le 30 novembre 1878, il entre à
l'Institut.
L'histoire de la vie de Massenet n'est plus guère
après cela que celle de ses œuvres. Ses deux plus
grands succès au théâtre furent et restent encore
Manon, représentée pour la première fois à l'Opéra-
comiquele l'J janvier 188i,et Werther, qui parut d'a-
bord sur la scène de l'Opéra de Vienne le 16 février
1892, puis à TOpéra-Comique de Paris le 16 janvier
1893.
A la mort d'Ambroise Thomas, on offrit à Massenet
la direction du Conservatoire. Il la refusa et donna
sa démission de professeur de composition (18 oc-
tobre 1896).
Officier de la Légion d'honneur depuis 1888, com-
mandeur depuis 1895, il fut promu au grade de grand
officier en décembre 1899.
Jusqu'au dernier jour, il mena la même vie régu-
lière, où le travail occupait une si grande place. Il
mourut le 13 août 1912, sans avoir interrompu sa
tâche.
Massenet a connu une extraordinaire popularité.
« Ses victoires, dit fort justement M. Alfred Brunkau,
sont incalculables, et, chose singulière, uniqueadans
les annales du théâtre; elles ont toujours été obte-
nues sans peine, sans lutte, par les mêmes moyens
séduisants et aimables. Ce n'est pas l'auteur de
Manon qui bataillera ni changera jamais. Dès ses
débuts, dès qu'il prit contact avec le public, il réa-
lise d'un coup son rêve. Il voulait plaire, plaire aus-
sitôt que possible et au plus grand nombre de spec-
tateurs possible. D'emblée, il plut à la masse de ces
spectateurs; durant un quart de siècle1, il ne cesse
de lui plaire et lui plait encore aujourd'hui. »
On a reproché à Massenet d'avoir abusé de sa
puissance de séduction sur les foules, et des moyens
dont il avait une première fois éprouvé le succès. Il
est certain que la recherche de l'effet gâte parfois
ses plus charmantes inventions musicales.
Cependant l'intluence de Massenet surl'art français
— influence considérable et qui ne s'exerça pas seule-
ment sur ses disciples avoués — fut en grande partie
heureuse. Après Goinod, il eut le mérite de ramener
peu à peu notre musique au souci de la distinction
mélodique, de la finesse harmonique, du choix des
sonorités savoureuses, de l'ingéniosité des dispositifs
orchestraux et vocaux. Il renouait ainsi, par-dessus
Berlioz, avec de lointains ancêtres, Maudlit, Claude
le Jeune, Couperin, Rameau. Et, en même temps, il
préparait l'avenir. D'une sensibilité mobile et déli-
cate, souvent trop vivement touché pour être pro-
fondément ému, mais capable d'impressions subtiles
et nuancées, il ouvrait la voie aux recherches plus
hardies de nos modernes impressionnistes; et ceux-
ci, loin de songer à nier leur dette, sont les premiers
à reconnaître en Massenet un de leurs plus avérés
précurseurs. Ce sont là de beaux titres à notre re-
connaissance.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE MASSENET
Dix, pièces de genre, op. 18, 1S06, Paris, Fromont.
Improvisations, sept pièces, 1S66, Paris, Heugel.
Le Roman d'Arlequin, pantomimes enfantines, 1870, Paris, Heugel.
Toccata, 1S92, Paris, Heugel.
lieux Impromptus, 1890, Paris, Heugel.
t'n ilcmenln musical, 1897, Milan, Sonzogno.
Valse folle, L898, Paris, Heugel.
Val. e 1res lente, 1901, Paris, Heugel.
Musique pour bercer les petits enfouis, 1902, Paris, Heugel.
Deux pièces. 1907, Paris, Heugel.
PIANO A QUATRE MAINS
Trois pièces; op. 11, Paris, Durand.
Scènes Je bal, op. 17, 1865, Paris, Heugel.
.Unce passée, suite de pièces en 4 livres, 1897, Paris, Heugel.
Sonv
,le Y,
(A. de Musset), 1805, Paris,
Ileueel.
trois mélodie-, iC. Distel), op. 2, 18'is, Paris, Durand.
Poème d'avril (A. Silvestre), op. 14, 1866, Paris, Heugel.
L'Estime (Th. Gautier1', 1808, Paris, I.aurens.
Le Portrait d'un enfant (Ronsard), 1868, Paris, Laurens.
La fie d'un, rose (,1. Ruelle', 1868, Paris, Laurens.
Sirènade une mariés (J. Ruelle), 186S, Paris, Laurens.
Poème du sourenir (A. Silvestre), 1S08, Paris, Heugel.
Chants intimes (G. Chouquet), 1S69, Paris, Heugel.
Chant provençal Michel Carré), 1*69. Orchestré, Paris. Heugel.
Sérénade du passant F. Coppée), 1809. Orchestré, Paris, Heugel.
Sonnet (G. i'radel). 1869, Paris, Heugel.
Sous les briuehcs. A. Silvestre), 1x69, Paris, Heugel.
A Columbiue (Louis Gallet), 1870, Paris, Heugel.
Chanson de Capri (Louis Gallet), 1872, Paris, Heugel.
(Air île hallet des Scènes pittoresque*.)
Élégie, orchestrée. Paris, Heugel.
Il pleuvait (A. Silvestre), Paris, Heugel.
Llmpmvistileur {'R. Bussine jeune), Par,
Madiii),il[\. silvestre). Pans, Heugel.
Sérénade d'automne (M. Blancliotte), Paris, Heugel.
Sonnet p.ucn A. Silvestre), Paris, Heugel.
Stances Gilbert), Paris, Heugel.
Un Adieu A. Silvestre), Paris, Heugel.
Poème pastoral (Florian et A. Silvestre), 1874. Orchestrée, Paris,
Heugel.
Poème d'octobre (Paul Collin), 1876, Paris, Heugel.
Si lu ceux, mignonne. (G. Bover), 1S76. orchestré, Paris, Heugel.
I a Veillée ,1 1 .•■■' ' ./•■ V.Th.-nriel), 1876, Paris, Heugel.
iitbade G Prévosl , 1877, Paris, Heugel.
LesOUelet 1. Normand . 1877, Paris, Heugel.
I c Sentier perdu Paul de Chninlens , 1X77, Paris, Heugel.
Poème d'amour Paul B Mqnel I 179, i m ris, Heugel.
Anmeer airt \ - i stre 1-- . P.ni-. Heugel.
/.,■ .«,..-/ >. . ,..; i; , i . . : - !■ lis, Heugel.
slroe, Paris, IleU'.'-l.
222
3.VÎS
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
l'orme il'lm er [A. Silvestre), 1SS2, Paris, Heugel.
Printemps dernier (Vh. Gillr), ISS."., Pans, Hcugel.
Guitare {V. Hugo), lSSli, Paris, Heugi'l.
A»«r </<■ «oci's (Sléphan Hnrd.'-siO, 1SS6, l'aris, Heugel.
(luanrf on ii/mr (Eug. Manuel), sérénade, ISSU, l'aris, Heugel.
les Alcyons (J. Autran , 18S7, l'aris, Heugel.
/.oi;i de moi M lèvre qui ment (J. Aicard), IS8S (?), Paris, Heugel.
Fleurs cueillies (Louis Bricourt), 1888, Rouen, Klein, l'aris,
Heugel.
Marquise (A. Silvestre), 1S8S. Orchestrée, Paris, Heugel.
Socl païen (A. Silvestre), 18S8. Orchestrée, Paris, Heugel.
Pensée d'automne (A. Silvestre), 1SS8. Orchestrée, Paris, Heugel.
Je tours après le bonheur (Guy de Maupassant), 1SSS ('?), Paris,
Heugel.
/.<• Poète esl roi (G. Boyer), 1SSS ('?), Paris, Heugel.
Enchantement (Jules Ruelle), 1890, Paris, Heugel.
(Sur un air de ballet d'Ilérodiade.)
l'Ame des fleurs (Paul Delair), 1891, Paris, Gregh fils.
lieauxyeux que j'aime (Th. Maquet), 1S91, Paris, Heugel.
l'.!,unson nudalousc (Jules Ruelle), 1881, Paris, Heugel.
(Sur un air de ballet du Cid.)
Dons lesentier parmi les roses (Jean Bertheroy), 1891, Paris, Heugel.
Les Belles de nuit (Th. Maquet), 1891, Paris, Heugel.
Lui et Elle (Th. Maquet), à 2 voix : 1. Lui, 2. Elle. 1891, Paris,
Heugel.
La Neige (Stéphan Bordèse), 1891, Paris, Heugel.
Le Poète et le Fantôme, 1S91. Orchestré, Paris, Heugel.
Septembre \W"> Vacaresco), 1891, Paris, Heugel.
L'Éi>«tta!'<(Stop), 1892, Paris, Heugel.
Us Hères (G. Boyer), 1892, Paris, Gregh fils.
Se donne pas Ion cœur (P. Mariéton), 1892, Paris.^Heugel.
Plus vile (Mme Vacaresco), 1892, Paris, Heugel.
Séparation (P. Mariéton), 1S92, Paris, Heugel.
Devant l'infini (E. Truillet), 1S92 (?), Paris, Heugel.
Chant de guerre cosaque (1P« Vacaresco), 1S93, Paris, Heugel.
Départ (Guérin-Catelain), 1893. Orchestrée, Paris, Heugel.
Lire aimé (S. Hugo), 1893, Paris, Heugel.
Portières (M. Léné),' 1S93, Paris, Heugel.
Je l'aime (il""1 Bozzani), 1893. Orchestrée, Paris, Heugel.
larmes maternelles (M. C. Delines), 1S93. Orchestrée, Paris,
Heugel.
Pensée de printemps (A. Silvestre), 1893. Orchestrée, Paris,
Heugel.
Mienne (Ernest Laroche), 1891, Paris, Heugel.
Soir de printemps (G. Martin), 1894, Paris, Heugel.
Tristesse (P. Carrier), 1894, Paris, Heugel.
L'Ame des oiseaux (Mm° Vacaresco), 1895. Paris, Heugel.
Elle s'en est allée (Lucien Solvay), 1895, Paris, Heugel.
IIijimc d'amour (Pa.u\ Desachy), 1895. orchestrée, Paris, Heugel.
Poème d'un soir (Georges Vanor), 1895, Paris, Heugel.
Sèvitlana (J. Ruelle), 1S95. Orchestrée, Paris, Heugel.
(Sur l'entracte de DonO'sar de Bazan.)
Berceuse (H. Gibont), 1898, Paris, Heugel.
Lu Chanson des lèvres (Jean Lahor), 1897, Paris, Heugel.
Chanson po
ot), 1S97, Paris, Heugel.
)'rmand), 1897. Orchestrée, Paris, Heugel.
ni (Mm M. de Valandré), 1897, Paris, Heugel.
1 Garcia Marsilla), 1897, Paris, Heugel.
riéton), 1897, Paris, Heugel.
■mnuth), 1898, Paris, Heugel.
(L. Le
S'.K, 1';,
lleuge
Par
Heoard d'enfant : Léon G. pélissier), 189S, Paris, Heugel.
Vieilles lettres (J. Normand), 1S9S, Paris, Heugel.
.1 deux pleurer J. Le Croze), 1899, Paris, Heugel.
Amours bénis (André Alexandre), 1899, Paris, Heugel.
L'Ange el l'Enfant (Marie Barbier), 1S99, Paris, Heugel.
Arrilol la François Ferrand), 1899, Paris, Heugel.
Ce sont les petits que /e veux chauler (Ed. Grieunaud), 1899, Paris,
Coupe d'ivresse (H. Ernest Simon), 1899, Paris, Heugel.
Eternité (Marg. Girard), 1899, Béziers, J. Robert.
Us maint (Noël Bazan), 1899, Paris, Heugel.
Passionnément (Ch. Fuster), 1S99, Paris, Heugel.
Le pelit Jésus (G. Boyer), 1899. Orchestrée, Paris, Heugel.
Petite Mireille (F. Beissier), 1899, Paris, Heugel.
Pour Antoinette (P. .le Chabalevret), 1899, Paris, Heugel.
Première danse (J. Normand), 1899. Orchestrée. Paris, Heugel.
Vous qui passe:- (P. de Chabaleyret), 1899, Paris, Heugel.
Amoureux appel (Georges de Dubor), 1900, Paris, Heugel.
Au très aimé (Caroline Duer), 1900, Paris, Heugel.
Avril est amoureux (J. d'Halmont), 1900. Orchestrée, Paris,
Heugel.
Ce que disent les cloches (J. de la Vingtrie), 1900, Pari*, Heugel.
Mon Pane (M. de Théus'. 1900, Paris, Heugel.
La Rivière (C. Bruno), 19)0. orchestrée. Paris, Heugel.
Ronde! de la Belle au Bois (Julien Gruaz), 1900, Paris, Heugel.
Sœur d'élection (E. Trolliet), 1900, Paris, Heugel.
(Instrumentée pour petit orchestre sous le titre de Cantique.)
Mousmé (André Alexandre), 1901, Paris, Heugel.
On dit (J. Roux), 1901, Paris, Heugel.
(Transcrite sous le titre de Simple Phrase.)
Le Printemps risite la lerre (Jeanne Chaffotte), 1901, Paris, Heugel.
Voir de femmes (Pierre d'Amor), 1901, Paris, Heugel.
Les amoureuses sont des folles (duc de Tarcnte), 1902, Paris, Heugel.
Arec loi{J. Gruaz), 1902, Paris, Heugel.
Ave, Margarita (Ed. Noël), 1902, Paris, Heugel.
Extase printanière (André Alexandre), 1902, Paris, Heugel.
L'Heureuse souffrance (G. de Dubor), 1902, Paris, Heugel.
L'Heure volée (Catulle Mendés), 1902, Paris, Heugel.
Je m'en suis allèvers l'amour (Th. Madurer), 1902, Paris, Heugel.
Poésie de Mijlis, 1902, Paris, Heugel.
Quelques chansons maures (André Lebey), 1902, Paris, Heugel.
Sainte Thérèse prie(P. Silvestre), 1902.' orchestrée, Paris, Heugel.
Sur une poésie de Van llassell, 1902, Paris, Heugel.
.4« delà du rêve (Gaston Hirsch), PJ03, Paris, Heugel.
Ma petite mère a pleuré (Paul Gravollet), 1903, Paris, Heugel.
Oh. 'si les fleurs avaient dès yeux (G. Buchillot), 1903, Paris, Heugel.
(Extrait de Chérubin.)
Trois poèmes chastes, 1903, Paris, Heugel.
Chunt de nourrice (J. Aicard), 1905, Paris, Heugel.
Chanson juanesque (F. Champsaur), 1905, Paris, Heugel.
Dors, Manda (A. Silvestre), 1905, Paris, Heugel.
El puis... (M. Chassang), 1905, Paris, Heugel.
La Marchande de rêves (A. Silvestre), 1905, Paris, Heugel.
Les Veux Clos (G. Buchillot), 1905, Paris, Heugel.
Tes Cheveux (C. Bruno), 1905, Paris, Heugel.
C'est le printemps {A. Gillouin), 1906, Paris, Heugel.
En chantant (G. Boyer), 1906, Paris, Heugel.
Éveil (A. Gassier), 1906, Paris, Heugel.
Ivre d'amour (d'après le poème de Grégoire Akhtamar), 1906,
Paris, Heugel.
Orphelines (Ludana), 1906. Paris, Heugel.
La Mélodie des baisers (A. Alexandre), 1906, Paris, Astrue.
L'Heure douce Em. Chebroux), 1907, Paris, Heugel.
Lu Lettre (Mme Catulle Mendès), 1967), Paris, Heugel.
Si vous roule: bien me le dire Ludana), 1907, Paris, Heugel.
C'est l'amour (V. Hugo), 19ns, Paris, Heugel).
Dormons parmi les //«(Hélène Picard), 1908, Paris, Heugel.
Le Noël des humbles (J. Aicard), 1908, Paris, Heugel.
La Gavotte de Puyjoli (Ed. Noël), 1909, Paris, Heugef.
Ton souvenir (Emile Feillet), 1909, Paris, Heugel.
Tout passe (Camille Bruno), 1909, Paris, Heugel.
Chanson désespérée (Ed. Teulet), 1910, Paris, Heugel.
Dieu créa le désert (Madeleine Grain), 1910, Paris, Heugel.
Dites-lui que je l'aime (G. Fleurv-Daunijean), 1910, Paris, Heugel,
Rèrerie sentimentale (Mathvlde PevreK 1910, Paris, Heugel.
Toujours (Paul Max), 1910, Paris, Heugel.
La Mort de la cigale (Maurice Faure), 1911, Paris, Heugel.
DCOS, TRIOS, CUOiCRS
Rien ne passe (Lucien Monrousseau), 1911, Paris, Heugel.
Alléluia (G. Chouquel), chœur à 4 voix mixtes, 1866, Paris, Ha-
chette.
Le Moulin (G. Chouquet), etneur à i voix d'hommes, 1866, Paris,
Hachette.
La Caravane perdue (Noilhan-Lemontier), chœur à 4 voix d'hom-
mes, 1867, Paris, Heugel.
Deux Duos et un Trio (C. Disleli. 1852, Paris, Durand, op. 2.
Salut, printemps ! (L. Baillet), à deux voix égales, IS72, Paris,.
Heugel.
Villanelle (J. Ruelle), choeur à 4 voix d'hommes, 1872, Paris,
Heugel.
Moines et For/mus (G. Chouquet), chœur à quatre voix d'hommes,.
1877, Paris, Heugel.
Cantate en l'honneur du bienheureux J.-G. Perboijre, chœur à 4 voix
d'hommes et baryton solo avec ou sans accompagnement,
1879, Paris, Heugel.
Le Sijlphe (E. Bernier), choeur à 4 voix d'hommes, 1S79, Paris,
Heugel.
Amour (Paul Milliel), chœur à quatre voix d'hommes, 1SS0, Pa-
ris, Heugel.
Alerte (J. Massiat), chœur à i voix d'hommes, Paris, Heugel.
1811 (E. Morcau), choeur à i voix d'hommes, 1SS6, Paris, Heugel.
Donnons (G. Bover), chœur à 4 voix d'hommes, 1886 (?), Paris,
Heugel.
La Fédérale (G. Boyer), cho'ur à l'unisson, 1890, Paris, Heugel.
Aux Étoiles (Th. Maquet), duo ou chœur pour 2 voix de femmes,
1891, Paris, Heugel.
Chant de concorde (Simon S.dmona), chœur à i voix d'hommes,.
1893, Paris, Heugel.
Horace et Lydie (A. de Musset), duo pour baryton et mezzo-so-
prano, 1S93, Pans, Heugel,
Les Fleurs (J. Normand), duo pour baryton et soprano, 1891.
Orchestrée, Paris, Heugel.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 353.)
La Cherrière (E. Noël), petit conte rustique pour deux voix de
femmes et solo avec accompagnement de piano, 1895,
Paris, Heugel.
Les Bleuets (Jeanne Chaffotle), chœur pour voix de femmes avec
accompagnement de piano à quatre mains, 1899, Paris,
Heugel.
Chanson tics Buis d'Aiiiaranlhe (Marc Legrand d'après Retwitz),
suite pour quatuor vocal et piano (ou orchestre;, 1900,
Paris, Heugel.
.1 ta jeunesse (J. Combarieu), chœur à deux voix de femmes sans
accompagnement, 1904, Paris, Heugel.
Le temps et l'amour (Ludana), duo pour ténor et basse, 1907,
Paris, Heugel.
L'Heure solitaire (J. Ader), duo pour voix de femmes, 1908, Pa-
ris, Heugel.
Poème des /ïeHrs (BiagioAllievo, traduction Armand Gasquy), suite
pour voix de femmes et piano, 1907, Paris, Heugel.
Immortalité, canon à 2 voix, 1909, Revue Musicale, 15 octobre
1909.
Are Maris Stella, motet à 2 vmx, 1886, Paris, Heugel.
Soutenez-vous, Vierge Marie (G. Boyer), chœur et solo, orgue et
orchestre, 1887, Paris, Heugel.
l'ic Jesu, avec accompagnement de violoncelle, 1893, Paris,
Heugel.
Are Maria (méditation de Thaïs), 1S94, Paris, Heugel.
0 Salutaris, pour soprano, orgue, harpe et chœur, 1894, Paris,
Heugel.
Punis angelicus, pour voix d'homme cl de femme et solo, 1910,
Paris, Heugel.
Vuverlurede Concert, op. 1, 1863, Paris, Heugel.
F* Suite d'orchestre, op. 13, 1865, Paris, Durand.
Scènes hongroises, 2' suite d'orchestre, 1871, Paris, Heugel.
Scènes dramatiques, V suite d'orchestre, Paris, Heugel.
Ouverture de Phèdre, 1873, Paris, Heugel.
Scènes pittoresques, 4° suite d'orchestre, 1874, Paris, Heugel.
Sarabande espagnole du seizième siècle, pour petit orchestre, 1875,
Paris, Heugel.
Scènes napolitaines, 5e suite d'orchestre, 1S74, Paris, Heugel.
Marche héroïque de Szabady, orchestration de Massenet, 1879,
Paris, Heugel.
Scènes de féerie, 6' suite d'orchestre, 1879, Paris, Heugel.
Scènes alsaciennes, 7e suite d'orcheslre, 1S81, Paris, Heugel.
Parade militaire, 1SS7, Paris, Heugel.
Visions, poème symphonique, 1890 ('?), Paris, Heugel.
Devant la Madone, puur petit orchestre, IS97, Paris, Heugel.
Fantaisie, pour violoncelle, soloetorcheslre, 1897, Paris, Heugel.
Marche solennelle, 1S97, Paris, Heugel.
Brumaire, ouverture pour le drame d'Kd. Noël, 1899, Paris,
Heugel.
ta Grands Violons du Boy, pour 1" et 8e violons, 1900 ('?), Paris,
Heugel.
Les Rosati, divertissement, 1992, Paris, Heugel.
Concerto pour piauo et orchestre, 1903, Paris, Heugel.
MUSQUE DU SCENE
Les Érijnnies (Leconte de Lisle), Odéon, 6 janvier 1873, Paris,
Heugel.
Vu Dramesous Philippe I (de Portn-Richc), odéon, tlavril 1875.
La « Sarabande espagnole > seule est éditée, Paris, Heugel.
Naua-Sahib (Jean Richepin), Porte- Sainl-Marlin , 20 décembre
1883.
Théodora (Victorien Sardou), Porte Saint-Martin, 26 décembre
Le Crocodile (Victorien sardou), P.n k-s.unl-Martln, 21 décem-
bre 1886, Paris, Heugel.
Phèdre (Racine), Odéon, 8 décembre 1900, Paris, Heugel.
Le Grillon(h. de Francmesnild'apré- Indiens), odéon, 1er octo-
bre 1905, Paris, Heugel.
Le Manteau du roi (Jean Aicard), Porte Saint-Martin, 22 octobre
1907. Non publié.
Perce-Neige et les sept gnomes (Jeanne Dorlzal), Théâtre Femina,
2 février l'.<09. Non publié .
Le Carillon (C. de Roddaz et Van Dyck), opéra de Vienne, 21 fé-
vrier 1902, Paris, Heugel.
Cigale (Henri Cain), opéra-Comique, 4 février 1904, Paris,
Heugel.
Espada (René Maugars), Théâtre de Monte-Carlo, 15 février 1908,
Paris, Heugel.
Marie-Magdeleine. Louis Gallet , 3 actes et 4 parties, 1866, Odéon,
11 avril 1873, Paris, Heugel.
Ere (Louis Gallet), mystère en 3 parties, 1874. Cirque d'Été,
19 mars 1875, Paris, Heugel.
Narcisse (Paul Collin), idylle antique, soli et chœur, 1877, Paris,
Heugel.
La Vierge (Charles Grandmougin), légende sacrée en 4 scènes,
1878. Concerts historiques de l'Opéra, 22 mai 1880, Pa-
ris, Heugel.
Biblis (G. Boyer), soli et chœurs, 1886, Paris, Heugel.
/.« Terre promise (Massenet, d'après la Vulgate), oratorio biblique
en 3 parties, 1899. Eglise Saint-Eustache, 15 mars 1900,
MUSIOCE DRAMATIQUE
La Grand'tante, 1 acte, Opéra-Comique, 3 avril 1867. Paris, Fro-
ment.
Don César deBazan. 4 actes, opéra-Comique, 30novembre 1872.
Paris, Heugel.
Le Roi de Lahore. 5 actes et 7 tableaux, Opéra, 27 avril 1877. Pa-
ris, Heugel.
llèrodiade, i actes et 7 tableaux, Bruxelles, Monnaie, 19 décem-
bre 1881. Paris, Heugel.
Manon, 5 actes et 6 tableaux, Opéra-Comique, 19 janvier 1884.
Paris, Heugel.
Le Cid, 4 actes et 10 tableaux, Opéra, 30 novembre 1S85. Paris,
Heugel.
Esclarmonde, 3 actes et 8 tableaux, Opéra-Comique, 14 mai 18S9.
Paris, Heugel.
Le Mage, 5 actes et 6 tableaux, Opéra, 16 mars 1891. Paris,
Heugel.
Werther, 3 actes et 4 tableaux, Opéra de Vienne, 16 février 1892.
Paris, Heugel.
Thaïs, 3actes et 7 tableaux, Opéra, 16mars 1894. Paris, Heugel.
Le Portrait de Manon, 1 acte, Opéra-Comique, 8 mai 1894. Paris,
Heugel.
La Xararraise, 2 actes, Covent-Garden, 20 juin 1894. Paris,
Heugel."
Sapho, i actes, Opéra-Comique, 27 novembre 1897. Paris,
Heugel.
Cendrillon. 4 actes et 6 tableaux, Opéra-Comique, 24 mai 1899.
Paris, Heugel.
Grisèlidis, 3 actes et 1 prologue, Opéra-Comique, 20 novembre
1901. Paris, Heugel.
Le Jongleur de Notre-Dame, 3 actes, théâtre de Monte-Carlo,
18 février 1902. Paris, Heugel.
Chérubin, 3 actes, théâtre de Monte-Carlo, 14 février 1905. Pa-
ris, Heugel.
Ariane, 5 actes, Opéra, 31 octobre 1906. Paris, Heugel.
Thérèse, 2 actes, théâtre de Monte-Carlo, 7 février 1907. Paris,
Heugel,
Bacchus, 4 actes et 7 tableaux, Opéra, 5 mai 1909. Paris, Heugel.
bon Quichotte, 5 actes, théâtre de Monte-Carlo, 19 février 1910.
Paris, Heugel.
Borna, 4 actes, théâtre de Monte-Carlo.
Vannrge, 4 actes, Gaîté Lyrique.
ŒUVRES DÉTRUITES OU UTILISEES AILLEURS
Grande Fantaisie de Concert sur le Pardon de Ploermel de Meyerbeer,
Paris, Brandus et S. Dufour, 1861. (Détruit vers 1900,
sur la demande de l'auteur.)
Requiem à 4 et 8 voix, avec accompagnement d'orgue, de violon-
celles et de contrebasses. (Envoi de Rome, 1S65.)
Esmeralda, Opéra, 1865.
Pompèia, suite symphonique (musique utilisée dans les Erynnies).
Deux Fantaisies pour orchestre , Concert des Champs-Elysées,
juillet 1866.
La Coupe du roi de Thulè, 3 actes, 1867. (Musique utilisée dans
les Erynnies, Eve, Marie- Magdeleine, Le Roi de Lahore, la
Vierge.)
Paix et Liberté, cantate, 15 août 1867.
Méduse, 3 actes, 1868.
Manfred, opéra inachevé, 1869.
Introduction et Variations, pour quatuor à cordes, flûte, hautbois,
clarinette, cor etbasson, 1871. Joué à la société classique
Armingadd le 26 mars 1872.
Dialogue nocturne (A. Silvestre), duo, Paris, Hartmann, 1872.
fierons, c'est l'heure (Verlaine), duo, Paris, Hartmann, 1872.
Le Soir (L. Baillet), duo, Paris, Hartmann, 1872.
L'Adorable Bel-Bout, Cercle des Mirlitons, 1874.
Lamenta pourorchestre, suite à l'occasion de la mort de G. Hizet,
Concerts Colonne, 31 octobre 1875.
Bérengère et Anatole, Cercle de l'Union artistique, février 1876.
Mon père est oyseau, ma mère est oyselte, air pour Notre-Dame de
Paris (V.Hugo), Théâtre des Nations, i juin 1879.
35«
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOS XAIRE DU COXSERVATOIRE
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Quatuor ii cordes.
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cembre 1905.
Ch.-M. Widob. — Thaïs. Revue de Paris, 1" avril 1S94.
Méhul.
Etienne-Nicolas Méhul naquit à Givet le 22 juin
1763. Un vieil organiste du couvent des Récollets fut
son premier professeur. Puis il eut pour maître un
musicien allemand, Guillaume Hanser, directeur de
la musique à l'abbaye de Laval-Dieu.
Tout jeune encore, Méhul, comme Gounod, se crut
appelé à la vie religieuse; mais sa médiocre santé
l'obligea de' renoncer à sa prétendue vocation.
Vers 1778, il arrive à Paris; il se fait présenter à
Gluck; il assiste à la répétition générale d'Iphigénie
en Tauride: il s'enthousiasme; il travaille avec un
élève de Gluck, Edelmann; il fait exécuter, le 17 mars
•1782, au Concert Spirituel, une ode sacrée, qui est
assez bien accueillie par le public; il écrit trois so-
nates pour le piano (1783) et trois opéras qu'il ne fait
pas jouer et qu'il détruisit plus tard. Enfin, le 4 sep-
tembre 1790, à la Comédie Italienne, avec Euphrosine
ou le tyran corrigé, il obtient son premier grand suc-
cès. Voilà son nom connu, et maintenant, il n'aura
point de peine à faire accepter ses œuvres par les
directeurs de théâtre. La chute de Cora en 1791 est
compensée, dés 1792, par la durable réussite de
Stratonice.
Bientôt Méhul va devenir un des musiciens officiels
de la Révolution. Outre le fameux Chant du départ,
il composera des hymnes patriotiques en l'honneur
de la Raison, de l'Eternel, de l'Etre suprême, en sou-
venir du 14 Juillet, du t S Fructidor et du 9 Thermidor.
Le 9 décembre 1795, il est désigné pour représenter
l'art musical dans la 3e classe de l'Institut, aux côtés
de Gbétry, Mo.nsigny, Gossec, Lesueur, Cheri'hini et
Dalayrac En même temps, il est nommé inspecteur
des éludes au Conservatoire, où, plus tard, il ensei-
gnera la composition.
Le 1" mai 1797, avait lieu la première représenta-
tion de ce Jeune Henry dont l'ouverture fut immé-
diatement bissée et resta si longtemps célèbre. Pen-
dant trente ans, on l'intercala isolément dans les
programmes de l'Opéra-Comique.
Méhul songeait à se marier. Il épousa la fille d'un
original, le docteur Gastaldy, et il ne tarda point à
s'en repentir. Une séparation à l'amiable fut décidée,
et Mme Méhul vécut des lors sans aucuns rapports
avec son mari.
L'histoire de la vie de Méhul est surtout celle de ses
œuvres. Notons le succès d'Ariodant en 1799, l'exé-
cution du Temple de Mars (Chapelle des Invalides),
du beau Chant du 2.Ï messidor an VIII (14 juillet
1800).
Causant un jour avec Méhul, Napoléon lui dit :
« Votre musique est peut-être plus savante et plus
harmonieuse; celle de Paisiello et de Cimarosa a
pour moi plus de charmes. » En réponse à cette cri-
tique, Méhul écrivit L'Irato sous le pseudonyme du
signor Fiorelli. Celte pièce en un acte, fine parodie
de la musique italienne, triompha le 17 février 1801
devant un auditoire qui eut le bon esprit de redou-
bler ses applaudissements lorsqu'on vint lui nommer
le véritable auteur. Bonaparte lui-même se déclara
ravi : « Trompez-moi souvent ainsi, » aurait-il dit.
Le 1er janvier 1804, trois musiciens furent nommés
chevaliers de la Légion d'honneur, Gossec, Grétry
et Méhul. De plus, Bonaparte offrait à Méhul la place
de maître de chapelle laissée vacante par le retour
de Paisiello en Italie. Méhul refusa d'accepter seuL
ces fonctions : il aurait voulu les partager avec son
ami Cherubim : elles furent alors attribuées à Le-
sueur. Mais c'est à Méhul que fut commandée, pour
le couronnement de Napoléon Ier à Notre-Dame le
2 décembre 1804, une Messe solennelle, qui d'ailleurs
n'y fut point exécutée.
Le 17 mai 1806, l'Opéra-Comique donnait la pre-
mière représentation d'un curieux opéra de Méhul,
Uthal, sur un livret inspiré d'Ossian, d'une singulière
couleur romantique. Les violons y étaient remplacés
par des altos. « Je donnerais deux louis pour enten-
dre une chanterelle, » s'écria Grétry en sortant du
spectacle. La partition, un peu monotone, renferme
des pages remarquables.
Le 17 février 1807, paraissait sur la scène de l'O-
péra-Comique le chef-d'œuvre de Méhul, Joseph, qui
fut composé, parait-il, en deux mois. La médiocrité
du livret faillit porter préjudice au succès de la par-
tition. La beauté de la musique triompha enfin des
hésitations du public, et l'ouvrage se répandit bien-
tôt en province, puis à l'étranger, surtout en Allema-
gne, où Weber el Richard Wagner devaient en con-
sacrer la réputation par leurs éloges et par leur zèle
à en organiser des représentations modèles.
Après Joseph, le déclin commence. Les dernières
œuvres de Méhul témoignent d'un appauvrissement
de l'inspiration qui allait avec une rapide décroissance
des forces physiques. Méhul était atteint de phtisie.
Il devenait ombrageux et sombre. Les succès de ses
rivaux le rendaient inquiet. Quatre symphonies dans
le style de Haydn, bien accueillies au Conservatoire
de 1808 à 1810, ne le consolent pas du double échec
de Persée et des Amazones. « Je suis meurtri, écrivait-
il, je suis écrasé, dégoûté, découragé!... Je veux vivre
au milieu de mes Heurs, dans le silence et la retraite,
loin du monde. » A Pantin, dans sou « asile cham-
pêtre », Méhul cultivait avec passion les tulipes.
Au début de 1817, les médecins l'envoyèrent dans
le Midi. Il ne se trouve pas mieux de son séjour à
Hyères. « Seul, au bout du monde, dans une au-
berge », il s'attriste. « Les jours où il arrive des
voyageurs, le monsieur malade est un peu oublié! »
D'Hyères il gagne Marseille, et il revient à Pantin
au milieu de ses fleurs. A l'automne, il faut bien
rentrer à Paris, dans son logis de la rue Montholon.
C'est là qu'il meurt le 18 octobre 1817, à six heures du
matin.
De son temps, Méhul passait pour un musicien sa-
vant, aux elfets d'harmonie puissants et inattendus,
à l'orchestration recherchée. Un juge compétent>
Saint- Saiïns, ratifie pleinement ce jugement des con.
temporains de Méhul. Qu'on relise seulement la pre-
mière page de l'ouverture d'Ariodant pour trois
violoncelles divisés soutenus par un quatrième vio-
loncelle et les contrebasses. On sera frappé de la
nouveauté des combinaisons inventées par ce compo-
siteur.
Comparable à Gluck pour la simplicité et la gran-
deur, Méhul n'en a pas toujours la pureté ni la force.
Il est plus sensible, et chez lui se marquent déjà des
tendances romantiques qui annoncent Weber d'une
part, et César Franck de l'autre. M. Vincent dTndy
a très justement remarqué la parenté de certaines
mélodies de Ruth avec telle phrase de Méhul, et no-
tamment du duo de Ruth et de Booz avec le duo
de Jacob el de Benjamin.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Schubert aimait particulièrement les ouvertures
de Méhul. 11 s'est certainement souvenu des préludes
dramatiques de Timoléon, d'Adrien et du Jeune
Henry, quand il voulut écrire des préfaces musicales
pour Rosamonde et Fierabras.
Dans le Chant du 23 messidor, nous trouvons déjà
l'ébauche d'une de ces constructions colossales, « ni-
nivites », dont rêva plus tard Berlioz. Trois orches-
tres, trois chœurs, outre les soli de basse et de ténor,
s'y unissent ou s'y répondent. De ces trois groupes,
deux étaient disposés au centre de la chapelle des
Invalides; le troisième était placé dans le dôme et
ne comprenait que des voix de femmes, deux harpes
et un cor.
« J'aime la gloire avec fureur, » écrivait Méhul en
1793. « Son âme à la fois tendre et forte, disait un
de ses contemporains, était ouverte à toutes les
passions, et les combattait toutes, hors celle de la
gloire. »
De taille moyenne, l'allure aisée, l'œil clair, le
sourire aimable et fin, Méhul « savait faire un mot
charmant d'un simple bonjour ». Il plaisait dès l'a-
bord, et ses amis s'accordèrent toujours à louer la
noblesse et la générosité de son caractère.
1790. Euphrosine, 5, puis 4, puis 3 actes.
1791. Cora, 4 actes.
1792. Stralonice, 1 acte.
1793. le Jugement de Paris, ballet en 3 actes.
1793. le Jeune Sage et le Vieux Fou, 1 acte.
1794. Horalhis Codés, 1 acte.
1794. le Congrès des Rois, 3 actes, en collaboration avec i
autres musiciens.
1794. Mèlidore et Phrosine.
1794. Timoléon, tragédie avec chœurs, 3 actes.
1795. Doriu ou lu Tyrannie détruite, 3 actes.
1795. la Carême. 3 actes.
1795. le Jeune Henry, 2 actes.
1797. le Pont de lodi, 1 acte.
1799. Adrien, 3 actes.
1799. Ariodanl, 3 actes.
1800. Epicure, 3 actes, en collaboration avec CHERrmM.
1800. La Dansomanie, ballet en 2 actes.
1800. Bion, 1 acte.
1801. l'iralo, 1 acte.
1802. Une Folie, 3 actes.
1802. le Trésor supposé, 1 acte.
1802. Joanna, 2 actes.
1803. Daphnis et Pandrose, ballet en 2 actes.
1803. Ilelèua, 3 actes.
1803. le Baiser et la Quittance, 3 actes, en collaboration
BoÏELDIED, KREUTZER et NlCOLO.
1803. L'Heureux malgré lui, 2 actes.
1804. lesllussites, drame en 3 actes.
1806. les deux arengles rie Tolède, 1 acte.
1806. Vlhal, 1 acte.
1806. Gabriel ri'Estrées, 3 actes.
1807. Joseph, 3 actes.
1810. Persée et Andromède, ballet en 3 actes.
1811. les Amazones ou la fondation de Thèbes, 3 actes.
1813. le Prince Troubadour, 1 acte.
1814. L'Oriflamme, 1 acte, en collaboration avec Berton,
Krectzer et Paer.
1816. la Journée aux aventures, 3 actes.
1S22. Valentine de Milan (posthume), 3 actes, œuvre terminée par
Daossoigne.
17S2. Philoc/ite a Lemnos, ode de J.-B. Rousseau.
1794. le Chant du départ, paroles de M.-J. Chénier.
1794. Hymne chanté par le peuple ri la [été de Bara et de Viola, pa-
roles de d'Avrigny.
1794. Hymne du Seuf Thermidor, paroles de M.-J. Chénier.
1794. le Chant des Victoires ou Hymne ii la Victoire, paroles de
M.-J. Chénier.
1795. Chant funèbre a la mémoire rie Fèraud, paroles de Baour-
Lormian.
1797. Hymne à la Paix, paroles de C. Pipelet.
1797. le Chant du retour, paroles de M.-J. Chénier.
lsnii. Chant national du l i juillet IS00, paroles de Fontanes.
1808. Chant du retour pour la Grande Armée, paroles d'Arnault.
1810. Cantate (pour le mariage de Napoléon Ier avec Marie-
Louise), paroles d'Arnault.
1811. Le Chant d'Ossitm (pour la naissance du Roi de Rome),
paroles d'Arnault.
1811. Chant lyrique (pour l'inauguration de la statue de Napo-
léon), paroles d'Arnault.
1797-1810. Quatre Symphonies, à grand orchestre.
Ouverture pour instruments à vent ( 179 4).
Ouverture à grand orchestre (1794).
Ouverture burlesque.
Trois Sonates pour le clavecin ou le forte-piano.
ilesse solennelle à quatre voix.
Domine salram foc rempublicam, à deux chœurs et deux
orchestres.
Ode XIX d'Anacréon.
la Chanson de Roland, hymne chanté dans Guillaume le
Conquérant, drame d'A.' Duval (1803).
Mélodies.
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Monsigny.
Pierre-Alexandre Monsigny naquit le 17 octobre
1729 à Fauquembergues, petite ville du district de
Saint-Omer. Enrantnaturel,il futlégitimé quatre mois
après sa naissance, le jour même du mariage de ses
parents. Sa famille était originaire de Sardaigne et
avait autrefois connu l'aisance. C'est vers le début
du xvie siècle que les ancêtres de Monsigny élaienl
venus se fixer dans le Boulonnais, mais peu à peu
l'aisance avait disparu, et la situation de ses parents
venus de Desvres à Fauquembergues était si précaire
que, dans son enfance, le jeune Monsigny fut obligé
de garder les troupeaux : dans la solitude des pâtu-
rages, au milieu de ses bêtes, il sentit s'éveiller en
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3543
lui l'instinct musical, et un modeste violon, acheté
par son père à la foire de Fauquembergues, servit
à ses premiers essais.
Un hasard heureux permit à ses facultés musicales
de se développer. Son père étant venu à Saint-Omer
comme commis chez le fermier des droits perçus sur
l'eau-de-vie, celui-ci, nommé Butay, frappé des dis-
positions de l'enfant, associa le jeune Monsigny aux
leçons de musique qu'il faisait donner à ses fils par
le carillonneur de l'abbaye de Saint-Rertin, et le fit
entrer ensuite comme enfant de chœur à la paroisse
Saint-Denis. A leur tour, les Jésuites, l'ayant remar-
qué, sechargèrent deson éducation, et le P. Mollien
lui aurait, paraît-il, appris le violon. La mort de son
père, survenue en 1748, força le jeune homme à
pourvoir aux besoins de sa mère, de sa sœur et de
ses quatre frères.
Ici, les indications que nous donnent les divers
biographes deviennent confuses et contradictoires.
Il semble bien que Monsigny soit parti pour Paris
le 6 ou le 7 octobre 174!). Mais nous ignorons tout
des commencements de son séjour dans la capitale.
Certains nous disent qu'aussitôt arrivé, il s'occupa
de composition et que, s'inspirant des intermèdes
italiens joués à l'Opéra, il écrivit Les Aveux indiscrets.
En réalité, il s'écoula dix ans entre l'arrivée de Mon-
signy à Paris et l'apparition de sa première œuvre
(1749-1759). Eu admettant même que Monsigny eût
été poursuivi par le désir de la composition, il lui
eût été bien diflîcile, dés les premiers mois de son
séjour à Paris, de se livrer à son penchant.
En effet, il n'avait encore aucun protecteur pour
l'aider à produire ses œuvres sur une scène. De plus,
arrivé sans ressources, il lui fallait songer d'abord
à faire sa situation et à assurer celle des siens. La
famille d'un financier, Couette d'Aubonne, s'inté-
ressa à lui et lui procura un modeste emploi dans
les bureaux de M. de Saint-Jullien, receveur général
du clergé de France; cette situation lui permit de
s'installer avec les siens rue du Cherche-Midi. Déjà
il élargissait le cercle de ses relations, et parvenait
à se faire présenter au duc d'Orléans, petit-fils du
Régent, dans la maison duquel il entrait bientôt. Nul
milieu ne pouvait être plus favorable au développe-
ment de son goût pour la musique : les loisirs dont
il jouissait lui permettaient de travailler; le théâtre
était cultivé avec passion chez le duc d'Orléans ; enfin
Monsigny s'y rencontrait avec ses futurs collabora-
teurs, Collé, lecteur du prince, et Carmontelle.
Cependant, malgré son désir de se produire, Mon-
signy se rendait compte de la nécessité de compléter
son éducation musicale, que la mort de son père
avait brusquement interrompue. Il s'adressa donc à
Gianotti, un contrebassiste de l'Opéra et du Concert
Spirituel, avec lequel il Iravaillacinq mois seulement,
àen croire le témoignage de Fétis. Le peu de durée
de ses études musicales explique, semble-t-il, cer-
taines lacunes de ses œuvres. Sans doute, pour re-
prendre l'expression de Grétry, Monsigny « chante
et chante d'instinct »; il a de l'imagination, de l'é-
motion, mais la science lui manque et lui manquera
jusque dans ses dernières productions.
On s'estétonné de l'anonymat gardé par Monsigny
pour ses premières œuvres, et l'on a voulu y voir une
preuve de sa modestie. En réalité, ce ne sont pas seu-
lement les premiers opéras-comiques, mais toutes
les partitions de Monsigny qui ne portent qu'une
initiale M*". D'ailleurs, nul n'en ignorait l'auteur,
et les journaux de l'époque, le Mercure et les Specta-
cles de Paris, le désignent en toutes lettres dans leurs
comptes rendus.
Les circonstances étaient favorables pour Monsi-
gny; les nouveaux directeurs de l'Opéra-Comique,
Monnet et Favart, manquaient de compositeurs. Le
jeune musicien fut donc fort bien accueilli, et sa
première œuvre, Les Aveux indiscrets, sur un livret
de La Ribardière, fut applaudie à la Foire Saint-
Germain le 7 février 1739. Le succès du Maître en
droit (livret de Lemonnier), représenté le 13 février
1760,'se prolongea et, deux ans plus tard, la pièce
était jouée devant la cour (20 octobre 1762) :à cette
occasion, on publia une édition spéciale du libretto
et, pour corser le spectacle, on ajouta quelques di-
vertissements dansés.
Dès lors, Monsigny compte parmi les musiciens
aimés du public. Dans Le Cadi dupé (livret de Le-
monnier, Foire de Saint-Germain, 4 février 1761),
on goûte fort certains airs faciles à retenir; une
maladie fâcheuse d'une des principales interprètes,
M"0 Nessel, survenue après la quatrième représenta-
tion, n'interrompt pas le succès; la pièce est reprise,
et Sedaine, enthousiasmé par la verve de certains airs,
promet sa collaboration au musicien. 11 lui confie
le livret de On ne s'avise jamais de tout, représenté le
17 septembre 1761. Déjà la vogue de Monsigny était
telle que la cour voulut voir la pièce. Deux repré-
sentations en furent données à Versailles le 2 et
le 13 décembre, pour lesquelles on avait fait appel
à des artistes de l'Opéra, de la Comédie française et
de la Comédie Italienne.
Et cependant Monsigny, pendant un an, reste éloi-
gné du théâtre. Ce silence peut paraître étrange.
Mais déjà les nouvellistes racontent que, en colla-
boration avec Sedaine, il prépare un ouvrage plus
important et d'un genre plus sérieux, et l'on mène
grand bruit autoul de l'œuvre nouvelle. Et cependant,
c'est avec quelque réserve, avec froideur même, que
l'on accueille le Roi et le Fermier, donné à la Comé-
die Italienne le 22 novembre 1762. La nouveauté du
genre surprend. Mais bientôt, le public revient sur
son premier jugement, et le succès est si durable
que, le 23 octobre 1806, la pièce était reprise à l'O-
péra-Comique. Cette œuvre marque en effet un
progrès considérable dans la manière de Monsigny;
l'expérience lui est venue; aussi, la forme est-elle
plus ferme. De plus, on sent chez lui un effort pour
se hausser à la taille du sujet; c'est ainsi que les
divers morceaux sont plus longuement développés
que dans les œuvres précédentes.
A ce moment, Monsigny entreprend avec Favart un
travail qui l'empêcha probablement de rien donner
en 1763, et dont le résultat fut complètement nul. Il
s'agissait de remanier une pièce de Pellegnn, le
Nouveau Monde. L'œuvre ne fut jamais jouée, mais
peut-être Monsigny employa-t-il la musique qu'il
avait composée à cette occasion dans Aline, reine de
Golconde.
L'année 1764 fut marquée par l'apparition à la Co-
médie Italienne de Rose et Colas (8 mars), dont le suc-
cès s'affirma prodigieux. De nouveau, Monsigny reste
silencieux pendant deux ans; il visait plus haut et
voulait composer un opéra. Ce fut Aline, reine de
Golconde, tirée par Sedaine d'un conte du chevalier
de Boufllers (lo avril 1766). Certains biographes de
Monsigny prétendent que ce fut un échec. L'assertion
peut paraître exagérée, puisque la pièce atteignit la
cinquantième et fut reprise deux fois. Mais elle fut
reçue sans enthousiasme. Monsigny, en etfet,nerenou-
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
volait pus le genre de L'opéra; bien plus, sans doule
à cause de l'insuffisance de son instruction musicale
el de la faiblesse de ses moyens d'exécution, il se
contentait de refaire à peu près à l'Opéra ce qu'il
avait déjà fait à la Comédie Italienne.
Monsigny jouissait alors d'une situation privilégiée
dans la maison du duc d'Orléans, qui le considérait
comme un véritable confident, s'ouvrant à lui de ses
ennuisde famille, se servant deluicommeconciliateur
dans les petits différends qui pouvaient s'élever entre
Mm« de Genlis, Mme de Montesson et lui-même. Cette
situation l'amena à entreprendre, à son corps défen-
dant, un travail auquel le duc s'intéressait vivement.
11 s'agissait d'écrire la musique pour un livret de
Collé, L'Ile Sonnante. La pièce, représentée à Villers-
Coterets au début d'août 1767, n'eut pas de seconde
représentation; elle ne fut pas plus heureuse le
4 janvier 1768 à la Comédie Italienne. Collé, qui
tenait son livret en haute estime, fit retomber sur
Monsigny la faute de l'échec, et traita avec le plus
profond mépris le musicien qui avait voulu satis-
faire au désir du duc d'Orléans.
Le Déserteur, dont la première représentation eut
lieu à la Comédie Italienne, le 6 mars 1760, fut d'à.
bord froidement reçu par le public; c'était, en géné-
ral, ce qui se passait pour toutes les pièces de Sedaine.
Grimm n'avait pas assez de sarcasmes pour la nouvelle
œuvre, dont l'originalité consistait dans l'alliance du
comique avec une émotion qui allait dans certaines
scènes jusqu'au pathétique. Le Déserteur ne tarda
pas à conquérir la faveur du public, au point qu'il fut
adapté en ballet pour l'Opéra par le danseur Gardel.
Monsigny d'ailleurs semble avoir eu conscience des
progrès réalisés par lui dans cette partition : c'est
en effet la seule de ses œuvres qui 'porte une dédi-
cace (à son protecteur le duc d'Orléans).
La période qui suit semble moins féconde et sur-
tout moins heureuse pour la gloire de Monsigny. Les
obligations de la charge de maître d'hôtel de la
maison du duc d'Orléans qu'il acheta d'Augeard, au
moment de sa retraite, contribuèrent ;peut-être à
l'éloigner du théâtre. D'autre part, les livrets pour
lesquels il écrivit de la musique étaient si mauvais
que le musicien partagea l'insuccès des librettistes.
Après avoir pris une part légère à la composition
d'un ouvrage en trois actes que Favarl donna à la
cour à Fontainebleau (25 octobre 1769) et (à la Co-
médie Italienne (14 décembre), La Rosière deSalency,
Monsigny accepte de Sedaine Le Faucon, qui échoue
successivement à la cour et à Paris (19 mars 1772);
l'hostilité du public se manifeste même si vivement
que les auteurs retirent leur pièce. Un an plus tard,
La Belle Arsène, sur un livret de Favarl, échoue à la
cour à Fontainebleau (6 nov. 1773). Les auteurs es-
sayent de refaire la pièce, mais, devant la difficulté
de l'entreprise, l'avart offre à Monsigny un autre
livret, Zélis. Celui-ci refuse d'y faire resservir la
musique de La Belle Arsène, estimant, non sans rai-
son, qu'une situation dramatique ne saurait s'ac-
commoder d'une musique quelconque. Cependant
le maréchal de Richelieu, qui avait juridiction sur
la Comédie Italienne, tenait à La Belle Arsène; son
insistance faisait presque une obligation aux auteurs
de remanier leur pièce; de trois actes ils en tirent
quatre, el, le 14 août 1775, la seconde version de La
Belle Arsène était donnée à la Comédie Italienne.
La première impression fut nettement défavorable,
mais, par la suite, l'œuvre finit par gagner la faveur
des spectateurs.
Le 24 novembre 1777, Monsigny éprouvait un nou-
vel échec à la Comédie Italienne avec Félix ou l'En-
fant trouvé, en collaboration avec Sedaine. Après
cinq représentations, la pièce disparaissait de l'af-
fiche. Reprise deux ans plus tard, le 20 septembre
1779, par égard pour la situation des auteurs, elle
n'était pas mieux accueillie. Ce ne fut qu'à partir de
la Révolution que la partition de Félix fut goûtée
du public, sans qu'il soit d'ailleurs possible de dé-
terminer les causes de ce brusque revirement.
En 1777, la carrière musicale de Monsigny se ter-
mine brusquement. Il vivra encore quarante ans, il
ne produira plus rien. On a proposé de ce brusque
silence diverses explications. Quatremère de Qluncy
parle de fatigue cérébrale et morale; d'après lui,
Monsigny aurait été épuisé par la fièvre que lui cau-
sait la production. PoutFétis, il aurait été brusque-
ment privé de toute faculté imaginative; l'inspiration
l'aurait abandonné à tout jamais. Mme Ducrest, la
nièce de Mme de Genlis, propose une autre explica-
tion : Monsigny aurait craint d'être éclipsé par Gré-
try; d'autre part, la dévotion de sa femme l'aurait
tenu éloigné du théâtre. Mme Ducrest va même jus-
qu'à prétendre que, pour arriver plus sûrement à
ses fins, elle aurait brûlé trois ouvrages de son mari
complètement terminés. La véritable raison du
silence de Monsigny nous est donnée dans les lettres
de sa fille : le musicien était menacé de perdre la
vue; seul, un repos absolu pouvait lui conserver les
yeux. Aussi refusa-t-il le livret de Richard Cœur de
lion, que Sedaine vint lut offrir, avant de le confier,
sur le conseil de Monsigny, à Grétry.
Dès lors, Monsigny va vivre de la vie de famille : le
7 janvier 1784, il avait épousé une jeune fille de vingt-
cinq ans plus jeune que lui. Il eut cinq enfants, dont
trois moururent en bas âge. Après la mort du duc
d'Orléans, en 1785, il obtint de son fils le titre et les
fonctions d'administrateur de ses domaines et d'ins-
pecteur général des canaux d'Orléans, ce qui lui
permit de continuer à loger au Palais-Royal dans
l'aile parallèle à la rue de Richelieu qui donne sur
la rue Saint-Honoré. Au théâtre, on semblait même
avoir oublié sa gloire passée, el, lorsqu'il essaya de
de faire paraître à l'Opéra deux ouvrages qu'il avait
composés autrefois, Pagamin de Monègueet Baucis et
Philémon (représenté à un spectacle chez le duc
d'Orléans), il se heurta à un refus de la direction.
A la Révolution. Monsigny perd toutes ses ressour-
ces, avec sa place dans la maison du duc d'Orléans
et la pension de 2000 livres que lui avait allouée
Louis XV et que lui avait continuée le roi Louis XVI.
Il lui faut quitter son logement du Palais-Royal; il
s'installe successivement rue Culture-Sainte-Cathe-
rine, place Royale, enfin, en 1799, sans doute par
raison d'économie, à Saint-Cloud. Ce n'est qu'en
1801 que l'éducation de son fils le décide à revenir
à Paris, rue du Faubourg-Saint-Martin. Pendant toute
cette période, Monsigny semble avoir connu la gêne;
il est gravement malade en 1797; sa fortune (environ
20.000 livres de rentes) a disparu dans les désastres
financiers de l'époque; on ne lui paye plus ses droits
d'auteur; et cependant, sa situation si précaire ne
l'empêche pas de s'intéresser au sort de la veuve de
Philidor. Sans doute, les artistes du Théâtre Favart
ont décidé de [lui faire une pension de 2.400 livres
(15 août 1798); sans doute, le ministère de l'intérieur
lui alloue quelques secours (27 juin 1799) ; mais
Monsigny ne touche presque rien de ce qu'on lui
promet, el sa situation est tellement désespérée que,
TECHXIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3545
le 18 décembre 1799, il écrit à Sarrette pour lui de-
mander si on ne pourrait pas « le fourrer quelque
part ». Précisément, la mort de Piccini rendait va-
cante une des places d'inspecteur des études au Con-
servatoire. Monsigny y est nommé le 21 mai 1800,
mais la moitié des 5.000 francs de traitement devait
être payée comme pension alimentaire à la veuve
de Piccini. Après vingt-cinq mois d'exercice, Monsi-
gny quitte le Conservatoire, mais non de son plein
gré, comme l'ont affirmé quelques-uns de ses bio-
graphes. En août 1802, uneréforme du Conservatoire
amenait la suppression de trente-cinq postes de
professeurs et de trois places d'inspecteurs. Lesueur,
Martini et Monsigny étaient les trois inspecteurs sa-
crifiés.
Cependant, la situation pécuniaire de Monsigny ne
tarde pas à s'améliorer; le 15 août 1802, le ministère,
à titre de compensation, lui alloue une pension de
1.800 francs; le 31 décembre, il louche une nouvelle
pension de 2.100 fr., auxquels s'ajoutent 2.000 fr. le
13 mai 1806. Enfin le 14 juin 1810, un nouveau dé-
cret porte la totalité de sa pension à 6.000 francs.
En même temps, Monsigny, depuis longtemps presque
oublié, retrouvait la gloire; quelques-unes de ses
œuvres étaient reprises et favorablement accueillies
par le public. Enfin, trente-six ans après l'appari-
tion de sa dernière œuvre, Monsigny connaissait la
consécration officielle de son talent. A la mort de
Grétry, sans avoir lui-même posé sa candidature,
il était nommé à l'unanimité membre de l'Institut
(16 octobre 1813). Il avait quatre-vingt-quatre ans.
Affaibli par une récente maladie, il ne prit jamais
part aux travaux de l'Académie, et ne put assister
qu'à une seule séance, celle dans laquelle il remercia
ses nouveaux collègues.
Monsigny n'occupa pas longtemps le fauteuil de
Grétry. Le 14 janvier 1817, il mourait à Paris et était
enterré au Père-Lachaise.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE MONSIQNTr
Les Aveux indiscrets, 1 acte, Opéra-Comique de la Foire, 7 fé-
vrier 1759.
Le Maître en droit, 2 actes, Opéra-Comique de la Foire, 13 lévrier
1760.
Le Cadi dupé, 1 acle, Opéra-Comique de la Foire, 4 février 1761.
On ne s'avise jamais de tout, 1 acte, Opéra-Comique, 4 septem-
bre 1761.
Le Roi et le Fermier, 3 actes, Comédie Italienne, 22 novembre
1762.
Hoseel Cotas, 1 acte, Comédie Italienne, S mars 1761.
Aline, reine de Golconie, 3 actes, Opéra, 15 avril 1766.
L'Ile sonnante, 3 ectes, Comédie Italienne, 4 janvier 1768.
Le Déserteur, 3 actes. Comédie Italienne, 6 mars 1769.
La Rosière de Salency, 3 actes, Comédie Italienne, 14 décembre
1769.
Le Faucon, 1 aele. Comédie Italienne, 19 mars 1772.
Lu lielle Arsène, 4 actes, Comédie Italienne, 14 août 1775.
Félix ou t'eufanl Ironie, 3 actes. Comédie Italienne, 24 novembre
1777.
Pkitémon et Baucis, non représenté.
l'ngumin de Monrgtie, non représenté.
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Onsïow.
George 'Onslow naquit à Clermont-Ferrand le
27 juillet 1784. Parmi ses ancêtres, il comptait un
président de la Chambre des Communes et un chan-
celier. C'est au début de 1783 que son père, Edward
Onslow, avait quitté l'Angleterre. Bien accueilli par
la supérieure du couvent des Ursulines de Clermont,
il avait épousé une des pensionnaires de ce couvent,
Marie de Bourdeilles, dont la famille était apparentée
aux Brantôme. Au moment de la Révolution, il se
réfugia en'Anglelerre, et c'est là que le jeune George
commença son éducation; la musique n'y figurait
encore que comme simple accessoire, mais en pré-
sence de ses dispositions pour cet art, on le confia
aux maîtres les plus réputés de l'époque, Hullman-
del, Cramer et Dlssek.
En 1798, Onslow revenait en France; sa fortune le
dispensait de chercher une carrière; il put donc se
livrer complètement, avec toute la fougue de la jeu-
nesse, aux éludes musicales. Mais le seul attrait de
ces études n'était encore pour lui que dans le méca-
nisme lui-même et dans le plaisir de l'exécution; la
musique ne produisait sur lui aucune émotion pro-
fonde; Onslow n'était alors qu'un brillant virtuose.
En 1807, Onslow partait pour l'Allemagne, séjour-
nant à Hambourg et à Altona, où il avait la joie de
retrouver Dussek. Ce que n'avaient pu les opéras de
Mozart, une œuvre de Méhul le produisit; l'ouver-
ture de Slratonice excita dans son àme des senti-
ments non encore éprouvés. De ce jour, il sentit
vraiment la musique, et l'instinct de la composition
s'éveilla en lui.
A son retour d'Allemagne, il épouse unejeune fille
de la plus haute noblesse de province, Delphine de
Fontanges (19: juillet 1808). Libre de tout souci ma-
tériel, dépourvu d'ambition, d'un caractère bienveil-
lant et facile, il se livre tout entier à son goût pour
la musique dans son château de Chalandrat, près de
Clermont, apprenant le violoncelle, s'essayant à la
composition. Un de ses amis, le comte de Murât, qui
avait travaillé avec Catel, lui enseigne ce qu'il sait
d'harmonie. Comme exercice, Onslow met en parti-
tion les plus beaux morceaux des classiques; il com-
pose son Premier Trio, et bientôt après Trois Quin-
tettes, qu'il dédie à M. de Mirât.
Mais, se rendant compte de tout ce qui lui man-
quait au point de vue de la technique, il part pour
Paris, et, à 32 ans, il recommence ses études sous la
NCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
direction de Heic.ha, le professeur le plus capable de
donner rapidement une instruction suffisante. Son
goilt va à la musique de chambre; mais de nom-
breuses difficultés l'arrêtent, et ses lettres des années
1817 et 1818 nous font connaître ses efforts et ses
découragements.
Déjà, outre des œuvres pour piano, il avait écrit
douze Quatuors et trois Quintettes. Il se lie avec les
principaux musiciens de l'époque, et, cédantaux solli-
citations de ses amis, il lente d'écrire pour le théâtre.
Un opéra-comique, Aléa île de la Vega, adapté d'une
pièce de Calderon, est accueilli très froidement le
10 août 1824.
Cet échec ne le décourage pas; il se remet au tra-
vail, soutenu par les conseils du directeur de l'O-
péra-Comique. Le Colporteur ou l'enfant du bûche-
ron, écrit sur un livret de Planard, ne remporte, le
22 novembre 1827, qu'un sérieux succès d'estime. On
loue la science, la verve, la vigueur dramatique, le
goût irréprochable des 'mélodies et de l'orchestra-
tion; certains même félicitent le compositeur de
réagir contre le rossinisme très en faveur à l'époque.
Mais Onslow retourne à son château de Chalandrat,
où il mène une vie de gentilhomme; il revient à son
piano, à ses quatuors et à ses quintettes.
Blessé par un de ses amis pendant une partie de
chasse, après une longue et grave maladie, il est
atteint de surdité, ce qui lui valut le surnom de Bee-
thoven anglais, que certains admirateurs trop zélés
lui appliquèrent. Durant sa maladie, il continua à
travailler à son quinzième Quintette, qu'il appela, en
souvenir de son accident, le Quintette de la balle
(1829). Le 10 avril 1831, sa Première Symphonie figu-
rait au programme des concerts du Conservatoire.
Vers la même époque, sur un livret de Planard et
de Saint-Georges, il travaillait â une œuvre destinée à
l'Opéra, Guise ou les Etats de Blois. Mais les difficul-
tés qu'il rencontra, les relards dans la mise à l'étude
de sa partition lassèrent sa patience.] Il mutila son
œuvre et la transforma en un opéra-comique qui,
représenté au Théâtre Feydeau le 19 septembre 1837,
fut mis en parallèle par le journal la Paix avec les
Huguenots de Meyerbeer. Hector Berlioz lui consacra
dans les Débats un article très favorable.
Chevalier de la Légion d'honneur depuis le 2 avril,
il était nommé en 1842 à l'Institut pour remplacer
Cherubini. Une première fois en 1835, après avoir
posé sa candidature au fauteuil de Boïeldieu, il s'é-
tait effacé devant Beicha, son ancien professeur.
Dès lors, sa réputation semble solidement établie.
Lesueur lui recommande un jeune musicien d'ave-
nir, Gounod. Il protège à ses débuts le jeune Ambroise
Thomas.
Cherubini, après une audition de sa Symphonie en
ré mineur, proclame « qu'il n'y a en Europe qu'ÛNs-
low qui puisse faire aussi beau que cela ». Et la ré-
putation d'ONSLOw s'étend à l'étranger : pendant son
voyage en Allemagne, au moment des fêtes musi-
cales de 1846 et 1847, il est accueilli avec enthou-
siasme; Mendelssohn quitte son pupitre de directeur
pour l'inviter à diriger lui-même l'ouverlure du Col-
porteur. Une Symphonie nouvelle de lui est exécutée
au festival de Cologne (23 mai 18t7); une procession
aux (lambeaux va le chercher à la gare; on donne
des soirées en son honneur; on le nomme membre
du Liederlafel.
La fin de sa vie fut attristée par l'altération de sa
santé; il perd presque complètement l'usage [d'un
œil, et meurt à Clermont le 3 octobre 18b3.
Aujourd'hui, Onslow est bien oublié en France; à
peine signale-t-on encore l'utilisation d'airs popu-
laires auvergnats dans plusieurs de ses œuvres, et
dans le dix-septième Quatuor, un développement assez
intéressant sur le God save the Queen. Mais, de son
temps, il eut l'admiration des musiciens les plus
illustres, de Berlioz, de Lesueur, d'Ambroise Thomas,
de Mendelssohn. Et pendant longtemps, ses œuvres
furent considérées, en Allemagne et en Angleterre,
comme des ouvrages classiques. Jamais cependant,
Onslow ne connut la popularité, et l'un des regrets de
sa vie a été de ne pas s'entendre jouer par un orgue
de barbarie.
CATALOGUE DES ŒUVRES D'ONSLOW
MUSIQCE DE CHAMBRE
34 Quintettes.
2 violons alto, 2 violoncelles, op. 1, 2, 17, 37, 3S, 51, r.7, 58,
59, 61, 67, 68, 72 ; 73, 74, 78, 80, 82.
2 violons, 2 altos basse, op. 18, 19.
2 violons, alto, violoncelle, contrebasse, op. 32, 33, 31, 35, 39,
40, 43, 44, 45.
36 Quatuors, 2 violons, alto, violoncelle, op. 4, S, 9, 21, 39, 44,
46, 47, 48, 49, 50, 52, 53, 54, 55, 56, 62, 63, 64, 05,
66,69.
.; Symphonies, op. 41, 42, la 3° tirée de l'op. 32.
Trios pour piano, violon, violoncelle, op. 3, 14,, 20, 24, 26, 27.
Sextuor pour piano, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse,
op. 30.
Duos pour piano et violon, op. il, 15, 21,29, 31.
Sonates pourpiano et violoncelle, op. 16.
Sonates pour piano à quatre mains, op. 7, 22.
Sonates pour piano seul, op. 2.
Thèmes taries, toceales, etc., pour piano seul.
l.'Aleaileile lu Veija, opéra, 10 août 1S24.
Le Colporteur oit l'enfant tlu bûcheron, c ipéra-Comique, 22 novem-
bre 1827.
Guise ou les Étals de lllois, Théâtre Feydeau, 9 septembre 1837.
Bibliographie.
Débats. — 1827 (article de Berlioz).
Fétis. — Bint/raiihie muret-selle des musiciens.
Grove's. — Diclionanj <>f mii^w ami mii^niinis. London, 1910.
F. Halevy. — Notice historique sur la rie et les traraur de G. Ons-
low lue à la séance publique annuelle de l'Académie des
beaux-arts, C octobre 1855.
Comte de Morat. — Notice sur G. Onslnir. Séance de l'Académie
des sciences, belles-lettres et arts de Clermont, 3 novem-
bre 1853.
Nouvelle Année littéraire. 25 novembje 1827.
Hugo Riemann. — Dictionnaire de mitsiq'te. trad. Hombert, Pa-
ris, 1899.
Soubies. — Les Membres de l'Académie des beaux-arts, Paris, 1906.
Teillard. — lu grand homme eu province. — G. Onslow, l'homme
elle musicien, Paris, lS99,in-S°.
Paër.
Ferdinand Paer est né à Parme le 1er juin 1771.
C'est presque en se jouant qu'il s'initia aux premiers
éléments de la musique; un organiste et Ghiretti,
violoniste au service du duc de Parme, lui apprirent
la composition. A seize ans, il composait sa première
œuvre, un opéra boullé, La Locanda de' vayabondi,
dont la verve comique fut admirée à Parme en 1789.
I Pretcndenti burlati, qui date de l'année suivante,
établit la réputation de Paer non seulement dans
sa ville natale, mais dans toute l'Italie; son nom est
favorablement connu à Venise, à Naples et à Rome;
Paër n'avait encore que 17 ans.
Très habilement, il exploite le succès; en moins
de dix ans (1790-1796), il écrit vingt opéras qui sont
représentés dans les différentes villes de l'Italie, â
Venise, à Naples, â Parme, à Milan, à Home, à Bologne,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3547
à Padoue. Partoul Paër triomphe : à Venise, le suc-
cès de Circe, de l Molinari, de 7 Due sordi, de L'Intrigo
amoroso, de La Sonnanbula lui valent un poste de
maître de chapelle. Une pareille fécondité peut sur-
prendre, surtout si l'on songe que Paër ne donne à
l'art qu'une faible partie de son temps, qu'il profite
de ses qualités d'homme élégant et spirituel, de ses
charmes de brillant causeur, pour se pousser dans le
monde, qu'il vit parmi toutes les dissipations d'une
vie de plaisirs, fréquentant les femmes de théâtre,
trouvant dans ce milieu une cantatrice fameuse, la
signora Riccardi, dont il fera sa femme, et qui,
après s'être séparée de lui, se retirera à Bologne.
En réalité, beaucoup plus qu'un véritable artiste,
Paër ne fut jamais qu'un brillant improvisateur,
habile à exploiter le succès. Chez lui, on ne trouve
pas une volonté tenace et persévérante; il a l'instinct
de la musique, mais non le respect de l'art. Pour lui,
l'art n'est qu'un moyen de parvenir; aussi, ne com-
pose-t-il que lorsqu'il le juge nécessaire pour établir
ou pour maintenir' sa situation. Tout cela explique les
bizarreries de la carrière de Paër, dans laquelle, à
des périodes d'intense production, succèdent de lon-
gues années de complète stérilité. Tout cela explique
en même temps comment, de tant d'oeuvres, il n'a
survécu qu'un acte du Maître de chapelle*
Dans les premières années de sa vie, écrivant en
Italie, il prend pour modèles Cimarosa, Paisiello et
Guglielmi, qui jouissaient alors des faveurs du pu-
blic. La disposition générale de ses premières com-
positions dramatiques, le style même de ses mélo-
dies ne se différencient guère de ceux de ses modèles;
et c'est à peine si le génie personnel du compositeur
se manifeste dans quelques détails. Cette souplesse
à s'assimiler tous les genres, cette facilité d'accom-
modation aux goûts du public, Paër les emploie lors
de son séjour en Autriche et en Allemagne, où il
avait été appelé en 1797.
L'intluence de la musique de Mozart, qu'il y en-
tend, se fait sentir sur les œuvres de cette époque.
{I Fuoruscili di Firenze, Camilla, Ginevra degli Al-
mieri, Achille, Il Sargino), dont l'harmonie est plus
rigoureuse et l'instrumentation plus riche que celle
des opéras précédents. A cette seconde période se
rattachent une Leonora ossia l'amore conjugale, sujet
qui devait être plus tard illustré par Beethoven,
quelques opéras bouffons, de grandes cantates, plu-
sieurs oratorios, qui sont exécutés avec succès à
Vienne, à Prague et à Dresde.
Aussi, lorsque, à la un de 1801, la mort de Naumann
rendit vacant le poste de maître de chapelle, l'élec-
teur de Saxe l'appela à Dresde pour le remplacer.
Pendant quelques années, Paër semble se donner
plus complètement à l'art, et ne plus se contenter de
faciles improvisations; aussi, ses meilleures œuvres
datent-elles de cette époque. Au début de 1803, il
fait exécuter à Vienne un oratorio dans un concert
au bénéfice des veuves d'artistes. En 1804, il voyage
en Italie, où on lui réclame de nouveaux opéras.
1806 marque un important changement dans la vie
de Paër. Dresde était occupée par les Français;
charmé parla musique de son nouvel opéra, Achille,
l'empereur Napoléon l'emmène à Varsovie et veut
l'attacher à son service. Un engagement dans lequel
intervient le roi de Saxe, un contrat, revêtu de toutes
les formes diplomatiques, assure à Paër pour toute
sa vie la direction de la musique impériale; sans
compter divers avantages, le traitement stipulé était
de 50.000 francs par an.
La situation de Paër était brillante et durable ; l'art
lui devenait [inutile. Et à 36 ans, il ne produit plus
qu'à de longs intervalles; Paris n'a aucune influence
sur l'évolution de son talent, et Numa Pompilio
(1808), Cleoputra (1808), Didonc (18101, I Baccanli
(1811) n'ajoutent rien à sa renommée. Son ambition
se réduit au désir de plaire à l'empereur; il s'abaisse
pour mériter quelques faveurs; il se contente d'être
l'organisateur des représentations et des concerts
donnés à la cour.
Etait-ce manque d'inspiration, affaiblissement de
son talent? Les faits prouvent le contraire. C'est ainsi
que lorsque, en 1811, au cours d'un voyage à Parme,
on obtint de lui qu'il écrivit un opéra pour une société
d'amateurs, il composa une œuvre, L'Agnese, qui
compte à juste titre parmi ses meilleures. Après ce
triomphe, Paër ne songea même pas à de nouvelles
compositions. Sauf L'Eroismo in amore, représenté à
Milan en 1816, il faudra attendre 1824 pour trouver
un nouvel ouvrage de Paër. Mais il collaborera aux
ouvrages de circonstance qui peuvent le faire bien
voirdes nouveauxgouvernements (1814, L'Oriflamme,
1831, La Marquise de Briiirilliers).
En 1812, peut-être à la suite du succès d'Agnese,
peut-être aussi grâce à la faveur impériale qu'il en-
tretenait par toutes les platitudes de sa courtisa-
nerie, Paër était choisi pour succéder à Spontini
comme directeur de la musique au Théâtre Italien,
poste qu'il occupa jusqu'en 1814.
La Restauration compromit la situation de Paër,
son protecteur avait disparu; Louis XVIII ne se
considérait pas comme engagé par la signature de
Napoléon. En vain, Paër réclama l'intervention de
souverains alliés alors à Paris pour l'exécution de
l'engagement contracté par des actes diplomatiques;
en vain, il multiplia ses gémissements et ses plaintes,
en vain, il s'abaissa jusqu'à aller remplir chez de
simples particuliers le rôle qu'il avait joué auprès
de l'empereur, perdant sou temps à courir chez les
chanteurs et les instrumentistes pour organiser des
soirées; il dut se contenter du titre de compositeur
de la chambre du roi avec un traitement annuel de
12.000 francs.
Cependant, lorsque Mmo Catalani eut obtenu de la
maison du roi le privilège du Théâtre Italien, elle
choisit Paër comme directeur de la musique; dans ce
poste encore, Paër sacrifia les intérêts de l'art à son
propre intérêt; il se prêta à toutes les exigences
de Mme Catalani, réduisant le nombre des choristes,
diminuant l'importance de l'orchestre, se compro-
mettant aux yeux des artistes et des amateurs jus-
qu'à la clôture du Théâtre Italien en 1818.
En 1816, les intrigues de Paër l'avaient fait dési-
gner comme maître de chant de la duchesse de
Berry; quelques mois plus tard, le duc d'Orléans
faisait de lui le directeur de sa musique. En 1819,
après la faillite de Mme Catalani, lorsque la maison
du roi reprit à sa charge l'entreprise du Théâtre Italien ,
Paër fut de nouveau nommé directeur de la musique;
rendu plus prudent par son expérience précédente,
il apporta tous ses soins à la bonne exécution des
œuvres qui lui étaient confiées. Et cependant, une
fois de plus, Paër manifeste son indifférence pour
l'art en usant de toute son influence pour retarder
autant qu'il le pouvait l'apparition à Paris des opé-
ras de Rossini. Bien plus, lorsqu'il fut chargé de
mettre en scène Le Barbier de Séville pour le début
de Garcia, il s'employa, par toute une suite de ma-
nœuvres sourdes, à nuire au succès de la pièce qu'il
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
était contraint de monter. Un pamphlet, dont les
autours riaient probablement Thomas, Massé et An-
tony Deschamps, mit a jour toutes les machinations
de I'uk. et l rois ans plus lard, eu 1823, Rossini deve-
nait directeur du Théâtre Italien.
La situation de Paér était intenable; il donna sa
démission de directeur de la musique; mais elle ne
fut pas acceptée, et, pour ne pas perdre son poste
de compositeur de la chambre du roi, il lui fallut
rester attaché au Théâtre Italien, dans une position
subalterne.
Paër sentait la nécessité de se relever dans l'opi-
nion publique. Aussi songe-t-il de nouveau à la com-
position. On s'étonnait que jamais il n'eût écrit pour
une scène française. Paër parlait bien, il est vrai,
d'une Olinde et Sophronic, qu'on ne voulait pas met-
tre en scène à l'Opéra; en réalité, Paër n'en avai'
composé que quelques morceaux. En 1824, cédant à
des importunilés de salon et surtout au désir de
refaire sa popularité ébranlée par le pamphlet inti-
tulé Paër et Rossini, il écrit Le Maître de chapelle, don
le premier acte est resté au répertoire de l'Opéra-Co-
mique. Mais plutôt qu'un réveil de son talent depuis
longtemps endormi, c'est encore un simple caprice
d'amateur.
En 1826, après la retraite de Rossini, la direction
du Théâtre Italien est rendue à Paër; le théâtre était
dans un état lamentable; il n'y avait plus de chan-
teurs. Le répertoire était usé. Paër fut tenu res-
ponsable des fautes imputables à l'administration
précédente. Et en août 1827, le vicomte de La Roche-
foucauld, chargé des beaux-arts au ministère de la
maison du roi, le destitua de sa charge; la mesure
fut approuvée par la presse de l'époque. Mais Paër
se disculpa de toutes les négligences dont on l'accu-
sait, dans une brochure parue en 1827.
Depuis quelque temps déjà chevalier de l'Eperon
d'or, Paër était nommé chevalier de la Légion d'hon-
neur en 1828; en 1831, il succédait à Catel à l'Aca-
démie des beaux-arts; en 1832, Louis-Philippe le
choisissait comme directeur de sa chapelle. Paër
mourut le 3 mai 1839, après une longue maladie,
conséquence de la vie de plaisirs qu'il avait menée
autrefois.
catalogue des œuvres DE I'AER
MUSIQUE DRAMATIQUE
1789. La Locanda de' vagabondi, Parme.
1790. / Preleudeiiti Imrluli, Parme.
1791. Circe, Venise.
1792. Saidossia il Seruglio, Venise.
1793. IMoliuari, Venise.
1793. VOro > liillu. Milan.
LuodU
1794. // Tempo fa qiusli
Idomeneo, Florence.
Vno in hcne ed /tan in maie, Rome
L'Amante servitore, Venise.
En e leanûro, Naples.
L'Or fana riconasciuta, Florence.
La Rnssana, Milan.
L'intrigo amoroso, Venise.
La Testa riscaldala, Venise.
Grisel'la, Parme.
Tamerlano, Milan.
/ due Soriti. V.-iiis.j .
Sofonista, Bologne.
La Sunnatnbiila, Venise.
// Suoto Figaro, Parme.
Cinna, l'adoue.
Il Principe ili Taranto, Parme.
Il Fanatico m berlina, Vienne.
i.'.aaiiila. Vienne.
1799. // Mario vivo. Vienne.
1 800. La Donna camlnatn, Vienne.
1800. / Fuoruscili ili Firen:-e. Vienne.
isiii. C.inevra degli Maiieri, Dresde.
1803. // Sargino, Dresde.
1804. Tulto il mate vien liai buco, Venise.
1804. Le Aslirie aianrose, Parme,
isoi. /; Uaniscalco, Padoue.
1805. Leonora ossia l'amore conjugale. Dresde.
1806. Adulte. Dresde.
1808. Numa Pompilio, Paris, théâtre de la Cour.
isus. Cleo/mira. P:iris, théâtre de la Cour.
1810. Diilone. Paris, théâtre de la Cour.
1811. / Baceanti, Paris, théâtre de la Cour.
1811. L'Agnese, Parme.
1816. L'Eroismoin amore, Milan.
1824. Le Muilre île chapelle, Paris.
is:;i. l'n Caprice de femme, Paris.
(Ilmde cl Sophriinie, inachevé.
31 janvier iS 14. L'Oriflamme, en collaboration avec Bf.kton,
Kreutzer et Méhdl. Opéra.
31 octobre 1831. La Marquise de Brinrilliers, en collaboration
avec Adber, Batton, Berton, Blangini, Boïeldieo,
Caiiaea, Cherobini et Hérold, Opéra-Comique.
1803. /; San Sepolcro, Vienne.
1804. Il Trionfo délia cbiesa, Parme.
1S10. Lu Passione di Giesii Cristo.
Motel, 3 voix et orgue.
Offertoire, grand chœur.
Are Regina eali, 2 voix et i
// Prometeo. — Baeco ed Ariana. — La Conrcrsazionc tmnonica. —
Europa ni Crrtu. — Elu/sa cd Abelardo. — Diana ni Endi-
mione. — L'amor timido. — Deux Sérénades, h trois et qua-
tre voix avec harpe ou piano, cor, violoncelle et contre-
basse. — LAddio di Etlorc. — Misse e Pénélope. — Saffo.
Six Duos, h deux voix, Vienne. — Six petits Duos italiens, Vienne
et Paris (en deux suites). — 42 Arielles italiennes, en di-
vers recueils. — 6 Caralines de Métastase. — 12 Romances
françaises. — :> Recueils d'exercices de chant pour soprano
et ténor.
MUSIQUE INSTRUMENTALE
Sijmphonie bacchante pour orchestre. — l'ire Henri IV. — Grandes
marches militaires pour harmonie à ld et 17 parties. — Six
Valses pour harmonie à 6 et 10 parties. — La Douce Victoire
pour piano, 2 flûtes, 2 cors et 2 bassons. — Trois Sonates
pour piano et violon avec violoncelle ad libitum. — Plu-
sieurs thèmes canes pour piano seul.
œuvi
E d'apologie personnelle
Pair, ex-directeur du Théâtre Italien, à MM. le
1S27, in-S°).
dileltanli
(Paris,
Bibliographie .
ONYME.
bé Beivi
— Paer e
ini. — Di.
Rossini (Paris, 1820).
ionario slorieo crilico degli ■
criltori di
nu sic a
Pale
lSej.ISi-,.
Choron et Fayoli.k. — Dictionnaire des musiciens,
Fétis. — Biographie itnircrsclle des musiciens.
A. Pougin. — Supplément a la Biographie universelle.
Grove's. — llictinnanj of music and musicians, London, 1910.
H. Quittard. — Paer, dans la ti Grande Encyclopédie ».
Hugo Rikmann. — Dictionnaire de musique, trad. G. Humbert,
Paris, Perrin, 1899.
Emile Paladilhe est né le 3 juin 1844, aux envi-
rons de Montpellier. Il eut pour premier maître son
père, docteur en médecine, qui aimait la musique, et
Jouait de la flûte. En quelques semaines, il parcourut,
sous sa direction, les Solfèges d'Italie et leurs leçons à
changements de clés. En 1850, l'organiste de la cathé-
drale de Montpellier, Uom Sébastien Boixet, prêtre
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3549
espagnol, contraponliste émérite et improvisateur
remarquable, s'intéressa à l'enfant si bien doué du
D1' Paladilhe et le prit pour élève. Son enseignement
était celui des anciennes maîtrises d'Espagne. Pen-
dant quatre années, le jeune musicien fil des études
de contrepoint et de fugue libre ou d'imitation. Entre
temps, un vieil ami de la famille lui prêtait deux
sonatines de Mozart, les pièces d'enfants de Schu-
mann (peu connues en France à cette époque), quel-
ques préludes de Stephen Heller et les préludes et
fugues de Bach. Le petit Paladilhe était encore un
très médiocre exécutant, il jouait d'instinct; toutes
sortes de défauts paralysaient sa virtuosité. Cepen-
dant, il parvint à apprendre par cœur les préludes et
fugues de Bach, et même à exécuter en différentes
tonalités ceux ou celles qui lui plaisaient'le plus. Avec
quelles contorsions de mains et quels fantaisistes
doigtés, on l'imagine aisément de la part d'un pia-
niste aussi peu expérimenté. De temps à autre, l'or-
ganiste d'une petite paroisse de la ville lui permettait
d'aller « jouer les vêpres » à sa place. Il s'exerçait
ainsi à de courtes improvisations. Ses premiers essais
de composition furent un cantique à deux voix et
un 0 salutaris pour trois voix d'hommes. A la fin de
1854, la ville de Montpellier envoyait le jeune Pala-
dilhe à Paris pour y suivre, si possible, les cours du
Conservatoire. Mais il arriva trop tard pour prendre
part au concours d'entrée dans les clauses de piano; il
ne devint élève de MarmOiNtel que l'année suivante.
Puis Halévy le prit dans sa classe : il dut recommen-
cer toutes ses études, après avoir parcouru ses exer-
cices de contrepoint et de fugue d'après le traité de
Cherubini. Plus tard, il travailla l'orgue avec Bemoist
et fit partie de la classe d'ensemble instrumental de
Baillot. En 1860, il sortait de l'Ecole avec le prix de
Rome.
De janvier 1861 à octobre 1863, l'Italie donnait à
Paladilhe « les plus grandes, les plus vives, les plus
belles émotions de sa vie d'artiste ». Ce fut pour
lui un tel enchantement qu' « il songeait sincère-
ment à tenter le concours de paysage historique de
1866 »! Ce concours n'avait lieu que tous les quatre
ans. Mais sa suppression radicale vint réduire à néant
des espérances sans doute un peu chimériques.
De 1863 à 1866, Paladilhe fut chef de chant au
Théâtre Lyrique (direction Carvalho).
En 1871, du Locle, l'un des deux directeurs de l'O-
péra-Comique, lui demanda un acte. Il donna Lo
Passant, en collaboration avec Coppée.
Puis vinrent l'Amour africain (1875), Suzanne (1878),
Diana (1885).
En 1880, Paladilhe avait demandé à Sardou l'au-
torisation de mettre en musique Patrie. Mais Verdi
l'ayant déjà sollicitée et obtenue auparavant, Pala-
dilhe dut attendre près d'un an le désistement du
célèbre compositeur italien. La représentation de ce
nouvel ouvrage eut lieu à l'Opéra, en décembre 1886,
avec un grand succès. L'incendie des décors inter-
rompit le cours des représentations, qui furent repri-
ses en 190ii.
Deux partitions de Paladilhe sont restées iné-
diles, Dalila, que Carvalho mettait en répétition au
moment où il mourut, et Vanina.
Le 2 juillet 1802, Paladilhe était nommé membre
de l'Académie des beaux-arts. Il succédait à Guiraud
dans le fauteuil précédemment occupé par Gossec,
Auber, Massé et Delibi s.
Paladilhe est mort à Paris, le 7 janvier 1926.
ÏS ŒUVRES DE E. PALADILHE
l.e Chevalier Bernard. 1 acte.
Un opéra-comique, 2 actes.
La Reine Mathilde, 3 actes.
Le Passa»* (1872), 1 acte.
L'Amour africain (1S75), 2 actes.
Suzanne (1S7S), 3 actes.
Diana (1885)', 3 actes.
Pairie (1886), 5 actes.
Vanina, 4 actes.
Dalila, 3 actes.
Les Saintes Maries de la mer, légende en i parties (2 parties ont été
exécutées à la Société des Concerts du Conservatoire).
3 Messes solennelles arec orchestre (les deux dernières ont été exé-
cutés à Saint- Eustache par les soins de l'Association des
artistes musiciens).
Slabal Mater, chœurs, soli et orchestre (Société des Concerts).
Il) motets.
0/fertoire pour grand orgue.
Marche processionnelle pour grand orgue.
Symphonie.
Amiante et Scherzo pour orchestre.
Scherzo en fa pour orchestre.
Prélude pour orchestre.
Marche de fêle pour orchestre.
Canzonelta pour violoncelle.
Invocation pour violon.
Prière pour violon.
Concertino de violes pour deux altos et violoncelle.
? morceaux de concours pour hautbois.
Morceaux ie lecture pour lès concours du Conservatoire.
:,:' pièces /mur piano, à 2 et à 1 mains.
S chirurs, sans accompagnement.
.' cantates, soli, ch'eurs el orchestre.
Ilo mélodies ou morceaux de chant a une ou deux voix.
Bibliographie.
Gkovk's. — Diclionary of music and musiciens, London, 1910.
A. I'uuoin. — Supplément a ta biographie universelle îles aiusiaeus
de Fétis.
Hugo Rikmann. — Dictionnaire ie musique, trad. G. Humbert,
1913.
Julien Tiëbsot. — Un Demi-Siècle de miisii/ue française, Paris,
Alcan, 1918, dans la collection des Maîtres de la musique.
Henry Rabaud.
M. Henri- Benjamin Rabaud naquit à Paris le
10 novembre 1873. Sa famille comptait déjà de
nombreux artistes. Son grand-père maternel, Dorus,
avait été un flûtiste de grand talent, sa grand'tante,
Mme Dorus-Gras, fut la première interprète de l'Alice
de Robert le Diable, et chanta avec beaucoup de suc-
cès de nombreux rôles de Meyerbeer et cTHalévy.
Son père, violoncelliste réputé, enseigna au Conser-
vatoire jusqu'en 1910. Dans sa famille, M. Henri Ra-
baud put recevoir une solide instruction musicale.
Mais la musique ne l'empêcha pas de poursuivre ses
études classiques au lycée Condorcet, et ce n'est
qu'une fois bachelier es lettres qu'il entra au Con-
servatoire. Il y travailla la composition sous la
direction de Massenet et de Gédalge. En 1894, à
vingt et un ans, il obtenait le premier grand prix de
Rome avec une cantate de Charles Raffalli, Daphné.
M. Henri Rabaud tut à la t'ois un compositeur et un
chef d'orchestre. Comme chef d'orchestre, il dirigea
au Chàtelet l'exécution de sa Seconde Symphonie;
après ses trois ans passés à la Villa Médicis, il entre-
prit avec son ami Max d'Olon.ne une suite de con-
certs à Rome et à Vienne; au programme figuraient
surtout des œuvres françaises; la Symphonie en ut
mineur de Saint-Sakns, la Symphonie de César Franck,
le Wallenstein de V. d'Indy, diverses œuvres de Lalo,
Chabrier, Bruneau, Dukas. Pendant la maladie de
G. Cheyillard, il conduisit plusieurs fois l'orchestre
3.-,:,0
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Lamourei'x. l'.n 1908, il entrait à l'Opéra, dont il deve-
nait bientôt premier chef d'orchestre; il y dirigea
tout Wagner et an grand nombre d'œuvres du ré-
pertoire. Après la guerre, il dirigea pendant la sai-
son de 1918-1919 l'orchestre de « Boston Sym-
phony ».
Comme compositeur, M. Henri Rabaud s'est essayé
et a réussi dans les genres les plus différents. « Sans
se laisser influencer ni par le wagnérisme, ni parle
debussysme, conservant entière sa robuste person-
nalité, fervent partisan de l'art classique, tout en se
révélant comme un des représentants de l'art mo-
derne », M. Henri IUbaud est aujourd'hui connu et
admiré du grand public, surtout depuis la représen-
tation à l'Opéra-Comiquede Marouf (I91i), dont on a
loué la verve et la gaieté qui contrastent avec l'aus-
térité et la sévérité des œuvres précédentes. Parmi
ses œuvres, on peut citer deux Symphonies, la pre-
mière donnée chez d'Harcourt, la seconde chez
Colonne, et depuis, dans de nombreuses sociétés
de France et de l'étranger; La Procession nocturne,
qui figure encore aujourd'hui au programme de
nombreux concerts; une Eglogue, poème virgilien;
un Divertissement sur des chansons russes. Un oratorio,
Job, un de ses envois de Home, compta Saint-Sakns
parmi ses plus fervents admirateurs. Outre un
Quatuor, un Trio, des Mélodies, on cite encore de
M. IUbaud le Psaume IV pour soli, chœur, orchestre
et orgue; la Fille de Roland, une tragédie musicale
donnée à l'Opéra-Comique; le Premier Glaive écrit
pour les Arènes de Béziers; un Deuxième Poème lyri-
que sur le Livre de Job pour baryton et orchestre,
exécuté aux concerts Colonne et Lamoureux.
Depuis la guerre, M. IUbaud a écrit la musique de
scène pour le Marchand de Venise de Népoty, d'après
Shakespeare, et pour Antoine et Cléopàtre du même
auteur, joués aux représentations Gémier (Théâtre
Antoine). Enfin, il est l'auteur de V Hymne à la France
éternelle sur le poème de Victor Hugo, exécuté au
Panthéon au cours de la solennité du transport du
cœur de Gambetta et du corps du soldat inconnu.
Le 28 décembre 1918, M. IUbaud avait été élu
membre de l'Académie des beaux-arts , eu rempla-
cement de M. Widor, devenu depuis 1914 secrétaire
perpétuel. Le l" octobre 1920, il prenait la direction
du Conservatoire de musique et de déclamation.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE M. H. RABAUD
ŒUVRES DE THÉÂTRE
Marouf. i >prra-Comique.
Le Marchand de Venise, musique de scène, théâtre Antoin
Antoine et Clèopâlre, musique Je scène, théâtre Autoine.
ŒDVRES D ORCHESTRE
Première Symphonie, Concerts d'Harcourt.
Deuxième Symphonie, Colonne.
Lu procession nocturne , poème symphonique d'aprèsNicolas 1
Eijloijue, poème virgilien.
Un crissement sur des chansons russe*.
ŒUVRES DE CHANT
Job, oratorio.
Psaume IV, soli, chœurs, orchestre, orgue.
Deuxième Poème lyrique sur le Livre de Joli, baryton et orchestre.
Hymne ù ta France éternelle.
Mélodies.
MOSIQUE DE CHAMBRE
Bibliographie.
Monde musical, 1914.
Rennes et Comœdia, au moment de la représentation de Marouf
(1914).
H. Reber.
Napoléon-Henri Reber naquit à Mulhouse le 21 oc-
tobre 1807. Sa famille le destinait à l'industrie, et
ses premières études furent tournées vers les scien-
ces. De là, lui vinrent sa culture d'esprit et cette
délicatesse de goût qui le rendirent si difficile pour
tout ce qu'il écrivit plus tard. Mais Reber se sentait
poussé vers la musique par une vocation irrésistible;
il avait appris à jouer du piano et de la flûte, ins-
truments sur lesquels il ne fut jamais qu'un très
médiocre virtuose; il avait essayé de s'initier seul
aux secrets de l'harmonie et aux mystères de la
composition.
A vingt et un ans, il entra au Conservatoire dans
la classe d'harmonie de Reicha, alors tenue par les
répétiteurs Seuriot et Jelensperger. Deux ans plus
tard, il devenait pour la composition élève de Le-
sueur. L'influence de l'enseignement officiel semble
avoir été bien faible sur la formation de son talent;
Saint-Saëns constate, en effet, qu'il est impossible de
retrouver trace des leçons de Lesueur dans la ma-
nière de Reber. D'ailleurs, comme élève, sa carrière
fut peu brillante; en 1829 et en 1830, il concourut
sans succès pour le prix de fugue. Sans doute même,
se monlra-t-il fort négligent, puisque, en 1830, il était
rayé de la liste des élèves de contrepoint et de fugue,
et qu'en 1832, il quittait de la même façon la classe
de composition et le Conservatoire lui-même. Il
devait, en 1831, y rentrer comme professeur. Grâce
à ses relations et à l'éducation qui avait fait de lui
non seulement un homme du monde, mais même
un érudit et un lettré, il eut bien vite accès dans les
cercles les plus cuutivés. Rientôt, parmi ses admira-
teurs et ses amis, il compta Ingres, la famille Bertère,
le chanteur archéologue Delsarte, et Sauzay qui se
fit le propagateur zélé de ses œuvres. Est-ce à l'in-
fluence de cette société, est-ce à ses solides croyances
religieuses et à l'austérité de son protestantisme
qu'il faut attribuer l'orientation de son talent vers la
musique instrumentale, dédaignée généralement à
cette époque pour la musique dramatique?
D'autres causes expliquent le faible retentissement
d'une œuvre peu considérable malgré le long temps
pendant lequel il a écrit. Ennemi du bruit dans l'art
comme clans la vie, haïssant l'attirail du succès et
peut-être le succès lui-même, Reuer eut toujours le
tort de fuir la popularité avec autant de zèle que les
autres mettent à la rechercher, « Domi mansit, mu-
sicam fecit. » Il demeura chez lui et lit de la mu-
sique, a dit de lui Blaze de Bury De plus, en pleine
période romantique, il resta fidèle aux classiques,
qu'il prend pour modèles; il conserva la vieille ma-
nière française, et Sai.nt-Saëns a pu le comparer à
un Marivaux de la musique, tandis que Hugo Rie-
mann note les analogies de ses œuvres avec celles
des grands classiques allemands. Enfin, amoureux
de la perfection, il redoutait les caprices et les infi-
délités des exécutants; une seule fois, il consentit à
donner une audition de ses œuvres au Conserva-
toire; et il est vraisemblable que ses deux premiers
trios n'auraient pas eu de successeurs, s'il n'avait
pas trouvé un groupe d'artistes disposés à travailler
sous sa direction avec une entière docilité.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LTNSTITUT DE FRANCE 3551
Cependant, à intervalles assez éloignés, sacrifiant
à la mode de l'époque, il écrivit pour le théâtre. Le
-23 septembre 1840, l'Opéra jouait de lui un ballet,
le Diable amoureux, écrit en collaboration avec Be-
noist. A quarante ans seulement, il vit s'emr'ouvrir
les portes de l'Opéra-Comique; la Nuit de Noël, sur un
livret de Scribe qui ne présentait pas grand intérêt,
fut jouée en 1848, en pleine révolution, devant une
salle vide; et l'hiver suivant, la direction ne trouva
jamais l'occasion de reprendre l'œuvre ainsi sacrifiée.
On devait une réparation à Reber ; elle lui fut donnée
quatre ans plus tard par la mise à l'étude du Père
Gaillard, « La première représentation, dit Saint-
Saëns, fut un triomphe, d'autant plus étonnant que
rien ne l'avait préparé, et que les amis de l'auteur n'en
furent pas moins étonnés que ses ennemis. » Certains
airs de la partition connurent même la gloire d'être
adoptés par les orgues de Barbarie. Reber donna
encore les Papillotes de M. Benoist à l'Opéra-Comique
en 1853, et à l'Opéra en 1857 les Dames capitaines, qui
furent jouées en plein été. Enfin, une dernière oeuvre
dramatique, Naïm, resta inédite; seule l'ouverture
en fut exécutée.
Très vite d'ailleurs, Iîeber semble avoir renoncé
au théâtre, où il était peu apprécié des directeurs,
pour se donner complètement à l'enseignement. Le
1er juin 1851, il avait été nommé professeur d'har-
monie à la place de Colet. Membre de l'Académie
des beaux-arts, où il succéda à Onslow en 1853,
chevalier de la Légion d'honneur en 1854, il fut
choisi pour occuper au Conservatoire la chaire
d'HALÉvv pour la composition; un peu plus tard, il
devint inspecteur des succursales de province du
Conservatoire; Reber mourut le 24 novembre 1880.
CATALOGUE DES ŒUVRES DE H. REBEU
MUSIQUE DRAMATIQUE
Le Diable amoureux, ballet, Opéra, 23 septembre 1840, en collabo-
ration avec Benoist).
la Nuit de Noël, Opéra-Comique, 11 février 184S.
Le Père Caillant, < ipéra-Comique, 17 septembre 1S52.
Les Papillotes de il. Benoist, Opéra-Comique, 28 décembre 1853.
Les Dames capitaines, opéra-Comique, 3 juin 1857.
Le Ménétrier n lu cour, opéra-comique, non représenté, mais dont
les ouvertures ont été gravées.
Naîm, opéra, non représenté, mais dont les ouvertures ont été
gravées.
Roland, scènes lyriques extraites du poème de Quinault.
MUSIQUE INSTRUMENTALE
4 Symphonies (3 exécutées par la Société de Sainte -Cécile, la
dernière jouée au Conservatoire.
Suite île morceaux pour orchestre (arrangement pour piano à
4 mains).
Quintette, pour 2 violons, 2 altos et violoncelle, op. 1.
./ Quatuors pour 2 violons, alto et violoncelle.
5 Trios pour piano, violon et violoncelle.
Valses pour piano et violon.
t) Valses pour piano et violon ou violoncelle.
Pièces de différents caractères pour piano et violon ou violoncelle
en 3 suites.
Pièces de différents caractères pour piano t
violoncelle en 3 suites.
Les mêmes pour piano à 4 mains.
Pensée musicale pour piano.
Variations sur un air suisse pour piano.
!> Pièces de différents caractères en forme de valses pour pian.
6' Valses expressives pour piano.
6 Pièces de différents i,.raclères pour piano en 3 suites.
6 Pièces pour piano.
Pensée et Souvenir pour piano.
Bagatelles, 30 petites pièces pour piano.
MUSIQUE VOCALE
ou flûte OU
Collection de 33 mélodies pour chant.
Vocalises pour soprano ou ténor.
Ave Marin pour 2 sopranos, ténor et basse avec orgue.
Agnus Dei pour 2 sopranos, ténor et basse avec orgue.
Le Soir, chœur à 4 voix d'homme et piano.
Chœur des pirates, à 3 voix d'homme et piano.
Traité d'harmonie, Paiis, Colombier, IS62 in'édilé plusieurs fois).
Bibliographie.
Th. Dubois. — Notes el éludes d'harmonie pour servir de supplément
au traite de M. Reber.
Fétis. — Biographie universelle des musiciens.
A. Pougin. — Suppléaient à la Biographie universelle.
Grove's. — Diclionanj of miisic and miisicians, London, 1910.
H. Qoittard. — Article dans la Grande Encyclopédie.
Hugo Riemann. — Dictionnaire de la musique, trad. G. Humbeet,
Paris, Perrin, 1899.
Saint-SaKns. — Notice sur M. Beher, Paris, Didot, 1881, in-4°.
Revue des Deux Mondes. — Le Dialile amoureux, 1er octobre 1840.
Les Papillotes de M. Benoist, 1" février 1854.
Antoine Reicha.
Antoine Reicha est né à Prague le 27 février 1770.
Son oncle, Joseph Reicha, violoncelliste et compo-
siteur, était maître de concerts chez l'électeur de
Cologne à Bonn et chef d'orcheslre au théâtre de
cette ville. A neuf ans, Antoine Reicha entrait comme
enfant de chœur à l'église de la Croix-du-Seigneur,
où il commença à apprendre la musique et les élé-
ments du latin, avant de suivre les cours de l'Uni-
versité. A seize ans, il était à Bonn, chez son oncle
Joseph, et il y poursuivait seul ses études musicales,
avec le secours du traité de la fugue de Marpurg et
du livre de Kirnberger sur la composition pure. A
dix-sept ans, il dirigeait lui-même l'exéculion de sa
première Symplionie.
En 1794, on le trouve à Hambourg, où il écrit la
musique d'un opéra français, Godefroid de Montfort :
Rode, qui se trouvait alors à Hambourg avec Garât,
en dirigea les répétitions, et M. de Fombrune, un
émigré français, conseilla à l'auteur défaire entendre
son œuvre à Paris. Pour se procurer les ressources
nécessaires à un pareil voyage, Reicha se mit à
donner des leçons.
Au début de 1799, il arrivait à Paris, où il se fai-
sait aussitôt connaître avec une Symphonie exécutée
aux concerts de la rue de la rue de Cléry. Le succès
de cette œuvre fut tel qu'il lui fil obtenir le livret
d'un opéra destiné au Théâtre Feydeau. Malheureu-
sement, lorsque la partition fut prête, le Théâtre
Feydeau avait fermé ses portes. Découragé, déses-
pérant, en présence de la faillite du Théâtre Favart,
de pouvoir faire représenter son opéra, Reicha quitta
Paris pour Vienne. Il s'y lia d'amitié avec Haydn,
Albrechtsberger, Salieri, Beethoven, et y composa
avec plus de facilité que de génie un grand nombre
d'ouvrages de tout genre. De cette époque aussi,
date la première de ses œuvres théoriques : un Re-
cueil de 36 Fuyues pour le piano, dans lequel il pré-
tendait réformer le genre; en réalité, et ce sera
l'erreur ordinaire de Reicha, qui semble avoir ignoré
tout ce qui s'était fait avant lui, les Italiens du
xvne siècle et Langlé, dans son Traité de la fugue,
avaient composé des fugues dans lesquelles la ré-
ponse au sujet n'était pas nécessairement présentée
à la dominante. A en croire Heicha dans une notice
du Dictionnaire historique des musiciens, sa tentative
aurait eu grand succès. Comme, trente-huit ans
plus lard, on retrouva chez le successeur de Steiner
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
presque tous les exemplaires gravés en 1803, ou est
•en droit de supposer que les 36 Fugues de Rbicha se
vendirent fort mal, et ae produisirent pas autant
d'impression que le prétend l'auteur.
Cependant, il menait à Vienne une existence heu-
reuse; la composition et les leçons lui fournissaient
■des ressources suffisantes. La guerre et l'occupation
,le Vienne par les Français en 1805 compromirent
cette situation. Aussi, en 1808, les craintes d'une nou-
velle guerre décidèrent Reicha à quitter Vienne et à
venir, en octobre, se fixer à Paris.
Les encouragements d'amis qu'il y retrouva, le
succès d'une de ses symphonies à un concert du
Conservatoire lui firent espérer de prendre place
parmi les compositeurs dramatiques. Un premier
essai fut malheureux; Cagliostro, en collaboration
avec Dourlen, tomba dès la première représentation
à l'Opéra-Comique en 1810. D'autres tentatives dans
la suite n'obtinrent pas un meilleur succès : Natalie
en 1816 ne réussit pas mieux que Sapho, qui échoua
en 1822; ce fut le dernier essai de Reicha dans la
musique dramatique. Il se contenta, par la suite,
d'écrire de la musique instrumentale; ses Quintettes
pour instruments à vent eurent leur heure de vogue
vers 1815, mais sont aujourd'hui tombés dans un
profond oubli, d'où ne saurait les tirer une certaine
habileté de facture.
C'est plutôt comme théoricien que Reicha se
croyait quelques titres de gloire; c'est ce qu'il pro-
clamera bien haut au moment de son élection à
l'Académie des beaux-arts. Malheureusement, son
ignorance absolue de l'histoire de la musique, son
mépris pour toutes les études antérieures, sa négli-
gence à se documenter l'amenèrent à commettre de
grossières erreurs. Dès 1812, sa réputation de grand
professeur était solidement établie; il avait trouvé
■une méthode rapide pour enseigner aux élèves ce
qui pratiquement leur était indispensable. Cette
réputation grandit en 1814, après la publication
d'un Traire de la mélodie, dans lequel il proclamait
que rien n'avait encore été écrit sur la question,
ignorant ou négligeant les ouvrages de Duni, de
JNichelmann et de Mattheson. En 1817, Reicha fut
choisi pour succéder à Méhil comme professeur de
contrepoint à l'Ecole royale de musique. Il publia
alors son Cours de composition musicale ou Traité
complet et raisonné d'harmonie pratique, suivi, en
1S24, du Traité de haute composition musicale, qui lui
attira une sévère critique de l'abbé Baini dans son
ouvrage sur Palestrina.
Plusieurs fois Reicha, qui s'était fait naturaliser
Français le 20 mars 1829, s'était présenté à l'Aca-
démie. Mais l'usage de la compagnie était de n'ad-
mettre que les compositeurs qui s'étaient fait un
nom au théâtre. En 1831, après la mort de Catel,
Reicha protesta contre cette coutume. Dans une
Lettre ouverte à MM. les Membres de l'Académie, il
réclama en faveur des théoriciens; et les allusions
étaient si claires qu'il était facile de reconnaître le
théoricien qu'il glorifiait aux dépens des composi-
teurs. « Un professeur d'un talent distingué, écrivait-
il, qui contribua à la gloire nationale en enseignant
et en propageant les doctrines d'une bonne école,
qui dota la France d'élèves instruits, et publia en
même temps des ouvrages d'une utilité générale, ne
mérite donc point de siéger à l'Académie des beaux-
arts? » MM. les membres de l'Académie ne furent
pas convaincus et choisirent Pa.br. Cependant, en
octobre 1835, Reicha finit par être élu pour succéder
à RoiELDiEU. Un au plus tard, le 26 mai 1836, il mou-
rait à Paris.
i:.\TALin;l'K liKS (]■! VI1KS \> A. KKlr.ll \
Éludes nu théories pour le piuuo- forte dirigées d'une manière nourrit,-,
Imbault, Paris, 1S00, in-4°.
Truite île mélodie, obstruction fuite de ses rapports avec l'harmonie,
lors/pie la première doit être prédominante, Paris, 181-1, in-
40, B« édition, 1S32.
Cours de eooiposiliou musicale ou Traite complet et raisonne d'har-
monie pratique, Paris, s. d. (1818), in~i°.
Truite de haute composition musicale, faisant suite nu Cours d'har-
monie pratique et au Traite de mélodie, Paris, s. d. (1S24-
1826), in- i" (traduction allemande avec notes de Czerny;.
Art du compositeur dramatique ou Cours complet décomposition vocale,
divisé en quatre parties et accompagné d'un volume de
planches, Paris, 1S33, in-i".
Petit Traité d'harmonie pratique.
[rlicles de musique pour VEueqelopedie des gens du monde.
Observations philosophieo-praliques pour les exemples pratiques \Phi-
losophisrh-prahtische Anmerl.ungcn,. ..) ras. a la Bibliothè-
que du Conservatoire.
MUSIQUE INSTRUMENTALE
Symphonies, op. 41-42.
Ouverture, op. 24.
Octuor, 2 violons, alto, basse, hautbois, clarinette, cor et basson.
op. 96.
3 Quintettes, 2 violons, 2 altos, basse, op. 92.
Quatuor, 2 violons, alto, violoncelle, op. 20.
Trios, violon, alto, violoncelle.
Duos pour deux violons, op. 45, 53.
:',' Quintettes, pour flûte, hautbois, clarinette, cor et basson.
Quatuor pour 4 flûtes.
ù Quatuors pour flûte, violon, alto et basse.
Trios pour flûte.
Duos pour 2 flûtes.
Quintette pour clarinette, violon, 2 altos et violoncelle.
0 Livres de trios pour 3 cors.
Quatuor pour piano, flûte, violoncelle et basson.
Trios pour piano, violon et violoncelle.
Sonates pour piano et violon.
Sonutcs pour piano seul.
Études et Fugues pour le piano.
Variations pour le piano.
L'Art de varier ou 57 Variations sur un Ihei
MUSIQUE HRAMATIQUK
179 i. C.odefraid de Mont fort. Vienne.
isii). Cugliuslrn, 3 actes, < ipéra-Comique (en collaboration avec
Bibliographie.
Abbé Baini. — ilemorie slorico-erilichc delta rila e dd.'e opère di
C. Pierlingi da Pulcstrinu, t. II.
J.-A. Dei-aire. — Notice sur Heicha, musicien compositeur et tkèo-
rieieu. 1S37.
Fétis. — Biographie iinirersrllc des musiciens.
A. Pocgin. — Supplément il la Biographie iniirerselle.
Grove's. — Dicliouiiry of iniisie and musicians, London, l'.'ln.
Michaod. — Biographie.
II. Riemann. — Dictionnaire de musique, trad. Humbert, Paris
Perrin, 1S99.
Soubies. — Les Membres de I Académie des he.iu.r-iirts.
Ernest Reyer.
Louis-Etienne-Ernest Rey, dit Krnest Reyer, est
né à Marseille le 1" décembre 1823. La vocation
musicale se manifesta chez lui de bonne heure, et
ses parents, pour le détourner d'une carrière qu'ils
jugeaient trop périlleuse, l'exilèrent auprès d'un
oncle à Alger. Leur intention était d'en faire un
comptable. Reyer avait alors seize ans. Le jeune
homme ne cessa point de composer, et fit même
exécuter à la cathédrale d'Alger, en 18 'il, une messe
solennelle qui eut un certain succès. Et puis, un
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3553
beau jour, n'y tenant plus, Reyer partit pour Paris.
Il y trouva une excellente femme, sa tante,
Mme Louise Farrenc, pianiste et compositeur elle-
même, qui lui donna les meilleurs conseils et resta
toujours pour lui une amie sûre et dévouée. 11 se
lia avec Méry, Louis de Cormenin, Maxime du Camp,
Gustave Flaubert, et la plupart des artistes d'alors.
La tante de Reyer, Mme Farrenc, fut son seul
maître, et il semble bien que ses études techniques
n'aient jamais été très poussées. Dès le 5 avril 1850,
il faisait exécuter son ode-symphonie du Sélam, où
il avait rassemblé quelques-unes de ses impressions
d'Algérie. Son premier ouvrage fut assez bien ac-
cueilli, et, le 20 mai 1854, Maître Wolfram remportait
à son tour au Théâtre Lyrique un succès assez flat-
teur. Re\er débutait en somme heureusement, et
pouvait concevoir les plus belles espérances.
Le 14 juillet 1858, Sacountalfi réussissait à l'Opéra,
et le 11 avril 1801, au Théâtre Lyrique, la Statue
enthousiasmait un public qui lui resta lidèle pen-
dant deux années. Désormais, Reyer était désigné à
l'attention des directeurs, et il put sans peine faire
jouer en 1862, au théâtre de Bade, son Erostrate, qui
lui valut de nouveaux applaudissements.
Alors commence pour Rêver une période d'attente
qui se prolonge au delà de toute prévision et de
toute vraisemblance. Cet artiste, qui avait si brillam-
ment conquis la faveur des Parisiens dès ses pre-
miers essais, ne trouve plus un directeur de théâtre
prêt à accepter l'œuvre de sa maturité : Sigurd.
Fièrement, Reyer refuse toute concession aux pré-
tendues exigences du public; et s'il a fait un opéra
qui bouscule les traditions et renouvelle le genre,
c'est pour qu'il soit représenté tel qu'il l'a cornu.
Son heure viendra, il en est sûr.
Cependant, ses fonctions de bibliothécaire de l'O-
péra et de feuilletoniste des Débat» lui permettent
de vivre. Aux Débats, il faisait d'utile besogne, met-
tant généreusement sa critique ardente au service
de l'art désintéressé.
Les voyages furent une de ses consolations pen-
dant tant d'années où il eut à souffrir, comme ar-
tiste, de l'inintelligence et de l'ingratitude humaines.
Il passait l'été en Alsace, dans les Vosges, dans la
Forèt-.Noire, plus tard dans le Dauphiné. Une mis-
sion dont il fut chargé lui permit de visiter l'Alle-
magne et l'Autriche, le Tyrol, la Lombardie, Venise.
Pour la première représentation d'Aïda au Caire, il
fut l'invité du Khédive, et eut ainsi l'occasion de
connaître l'Egypte.
De loin en loin, on jouait un fragment de Sigurd
dans les concerts. Et c'était un réconfort pour Reyer.
Le 11 novembre 1870, Reyer eut la joie d'être admis
à l'Académie des beaux-arts, où il succédait à Ber-
lioz, le maître qu'il avait toujours tant admiré et
dont il contribua plus que tout autre à imposer le
nom et les œuvres.
Enfin, le 7 janvier 1884, eut lieu à Bruxelles la pre-
mière représentation de Sigurd, avec un tel succès
que l'Opéra de Paris s'empressait de l'olfrir à son
public le 12 juin 1885. Salammbô suivait de prés Si-
gurd, et les mêmes applaudissements l'accueillaient
à Bruxelles le 10 février 1890, et à Paris le 16 mai 1892.
Puis ce fut tout; le maître avait près de soixante-
dix ans : il crut bon de songer à la retraite. Il vécut
encore jusqu'à sa quatre-vingt-sixième année, et
mourut le 1« janvier 1909.
Reyer était un musicien sincère, personnel, sur-
tout dans le charme et la tendresse, d'une sensibi-
Copyrirjht by Librairie Delagrave, 1930.
lité délicate et vive, d'une imagination très poétique.
Bien Français comme Go'ukod, il a contribué pour sa
part au relèvement du goût musical en France dans
le dernier tiers du xix= siècle.
CATALOGUE DES PRINCIPALES ŒUVRES DE REYER
liesse pour l'arrivée du duc d'Aumale à Alger (1847).
Chœur îles buveurs, à 4 vuix d'hommes.
Chœur des assièges, i i voix d'hommes.
10 Chansons anciennes, harmonisées.
Le Selam. symphonie orientale en i parties, texte de Théophile
Gautier (1850).
Maître Wolfram, opéra-comique en 1 acte, texte de Méry (1851;.
Sucountala, hallet-panlomniii? i'n 2 actes, scénario de Th. Gau-
tier (1858).
La Statue, opéra-comique en 3 actes, paroles de Michel Carre et
J. Barbier (1861).
Chant des paysans, chœur à 2 voix d'hommes, pour te drame de
Victor Séjour : les Voient lire 1861).
Erostrate, opéra en 2 aeles de Mér> . t !■:. r , :,. ! Isfl2).
L'Hymne du Rhin, cantate, p; mie* ■ !■■ M-r\ !-.'..
La Madeleine au désert, por-ie d'Ed. Iilau, scène pour voix de
basse avec orcheslre t -< T i .
Sigurd, opéra en i actes, texte de C. du Locle et A. Blau (1884).
Sulammbi, opéra en 5 actes, texte de C. du Licle, d
bert (1890).
Marche l:-ir/ouc pour orclu'slrr.
W Mélodies.
tO Mélodies.
Tritteue, poésie d'Ed. Blau (1864).
L'Homme, poésie de Georges Boyer (1S92).
G. .l-i Locle(1896).
'."""'■
Ci nzo . : i
S75).
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Bibliographie.
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Paris, Librairie de l'Art, 1S92 et 1894.
— Ernest Reyer, Paris, collection « les Musiciens célèbres »,
Laurens, 1910.
Saint-Saëns.
Camille Saint-Saëns est né le 9 octobre 1835,
d'une famille originaire de la Normandie. Sa mère,
qui était peintre, voulut faire de lui un musicien, et
ce fut sa tante qui lui mit les doigts sur le piano.
Déjà, il manifestait de rares dispositions pour la mu-
sique et une sûreté de goût qui lui faisait refuser de
jouer tous les morceaux spécialement composés poul-
ies commençants. Haydn, Mozart, Grétry furent les
premiers auteurs qu'il connut. Plus tard, Rameau le
séduit par sa netteté toute scientifique, par sa clarté
et sa précision; déjà Saint-Saëns se sentait de la
même famille que le grand musicien du xvmé siècle.
Dans tous le cours de sa carrière, ses idées ne va-
rieront pas; véritable classique, et classique à la
française, il considérera toujours la forme comme
l'essentiel de l'art, et subordonnera toujours à la
raison qui ordonne, et construit, la sensibilité dont
les entraînemenls peuvent être dangereux pour la
perfection esthétique d'une œuvre. Aussi, Beethoven
l'étonné- t-il d'abord; aussi, ne comprend-il pas
d'abord là profondeur de sa sensibilité et n'est-il
sensible qu'aux parties les plus lumineuses de ses
compositions. A sept ans, élève de Stamaty, Saint-
Saëns acquérait rapidement et sans peine sur le piano
une prodigieuse virtuosité, qui explique la prédilec-
tion qu'il conservera toute sa vie pour cet instrument.
223
3...V.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le 2 juin 1846, il donnait à la salle Ple.vcl son pre-
mier concert, au programme duquel figuraient le
Concerto en si bémol de Mozaht, une l'ugue et un Air
varié de Haenhel, un Concerto de Bbbthovin»
Sous la direction de Maleden, il commence alors
l'étude de l'harmonie et du contrepoint ; à quatorze
ans, il entre dans la classe' d'orgue de Benoist et étu-
die Bach et HaéNdbl. La majestueuse architecture de
l'art religieux plaît à sa raison, mais il reste peu
sensible à toul ce qui dans ce genre de musique
peut émouvoir ou loucher. Dans sa vie, comme dans
sou art, la passion jouera un rôle très secondaire;
le sentiment sera toujours sacrifié à l'ordre, à la
beauté de l'expression, à tout ce qui est purement
intellectuel.
Les œuvres de Meveubeer, qu'il entend à l'Opéra,
n'exercent pas sur lui une grande inlluence, malgré
la vogue dont elles jouissaient à cette époque. Gluck,
Mozart restent les modèles qu'il se proposera au
théâtre. Mais à cette époque, il ne songe pas encore
à l'opéra, et sa première œuvre est une symphonie
(1853). Liszt, qu'il connaît à la même époque, le
séduit par son extraordinaire talent; avec Berlioz,
il est pour le jeune compositeur le grand initiateur
de l'art moderne.
Klëve pour la composition d'abord d'HALÉw, plus
tard de Reber, enfin de Gounod, Saint-Saêms tente
sans succès le concours pour le prix de Home. Cet
échec ne décourage pas l'artiste, qui, à vingt-cinq ans,
avait déjà écrit une Ode à sainte Cécile (1852), trois
Symphonies (1853, 1856,1859), ['Oratorio de ZVoèi(1858),
un Quintette pour piano et instruments à cordes
(1855), un Concerto de piano (1858), un Concerto de
violon (1859).
D'ailleurs, Saint-Saëns ne s'était pas borné à étu-
dier la musique. Véritable « honnête homme » dans
le sens du xvne siècle, il s'intéressait à tout, aux
lettres, à la philosophie, aux sciences et particuliè-
rement à l'astronomie. Il écrivait des vers, lisait
Auguste Comte, Flaubert, Taine, se signalait comme
un des disciples les plus fervents de l'école positi-
viste, aimait la peinture, faisait des aquarelles.
En 1800, un concert de ses oeuvres donné chez
Erard faisait connaître au public son Quintette, ses
Bmûs pour piano et harmonium, une Fantaisie pour
clarinette, un Concerto de violon.
En 1865, l'exécution du Trio en fa op. 18 marquait
dans l'histoire de la musique de chambre française
une date importante : grâce, fraîcheur, élégance,
pureté de lignes, sobriété de touche, toutes les qua-
lités de Saint-Saëns se révélaient dans ce merveil-
leux bijou musical, peut-être le plus parlait qu'il ait
ciselé.
Après les malheurs de 1870, Saint-Saëns se donne
tout entier à la restauration et au développement de
la musique française; il contribue à l'organisation de
la Société Satinante de musique et en devient, avec
Bussine, le premier président. C'est alors une période
de production intense; en dix ans paraissent les
quatre Poèmes symphoniques (1871, 18::;, 1874, 1877),
la Sonate pour violoncelle (1872), le Quatuor op. il
(1875), le Quatrième Concerto pour piano (1875), le
Déluge '187.')), Samson et Dalila (1877), le Requiem
(1878), Etienne Marcel (1878), la Lyreet la Harpe (1873),
le Septuor (1881).
Successivement, paraissent au théâtre la Princesse
jaune (187° ,/e Timbre d'argent (1877 . Etienne Marcel
(Lyon, 187;»,, Henry VIII (1883), Proserpine (1887),
I miô (1890), Phrynê (1893).
Longtemps discuté, Saint-Saëns triomphe enfin de
toutes les oppositions, surtout après la reprise de
Samson et Dalila k l'Opéra en 1892. Dès lors, il s'im-
pose définitivement non seulement en France, mais
en Angleterre et en Allemagne. Comblé de tous les
honneurs et de toutes les distinctions que peut rece-
voir un musicien, il apparaît aux étrangers comme
le plus grand des musiciens français, comme le re-
présentant officiel de la musique française. Son heu-
reuse carrière, à la courbe harmonieuse et logique,
que troublèrent seules quelques passagères inquié-
tudes pour sa santé, se poursuit dans une auréole
de gloire : autour de lui, Camille Saint-Saëns voyait
prospérer cet art symphonique qu'il avait tant con-
tribué à créer en France. 11 est mort à Alger, le
16 décembre 1921.
CATALOGUE DES (Kl/YRES DE SAINT-SAENS
Sir Huuutetles. op. '■'■, lsr.y, Taris, Durand, 1S56.
ire Mazurka, op. 21, 1862 ('?'), Tari», Durand, 1868.
Carolle. op. 23, 1S71. < irehestréo. Paris, Durand, 1872.
S« Mazurka, op. 84, 1871, Paris, Durand, 1872.
Roma/iœ sans paroles, 1S71, Pans, Joubert, 1872.
Six Éludes, op. 52, 1877, Paris, Durand, 1877.
Menuet et Valse, op. 56, 1878. Paris, Durand, 187S.
.V Mazurka, op. 68, 1882, Paris, Durand, 1883.
Album, op. 72, 1SS6, Paris, Durand, 1881.
Souvenir d'Italie, op. 80, 1887,Paris, Durand. 1887.
Les Cloches ttu Soir, op. 85, 1889, Paris. Durand, 1SS9.
Valse canariole, op. 88, 1890, Pans, Durand, ÎS'.IU.
Suite, op. 90, 1891, Paris, Durand, 1892.
Thème rarië, op. 97, 189 i. Palis, Durand, 1894.
Stiureuir il'lsmalaia, op. lue, 1895, Paris, Durand, 1S95.
Valse mignonne, op, 104, 1896, Parte, Durand, 1896.
Valse nonchalante, op. 110, 1898, 'Paris, Durand, 1898.
Sir retîntes {■><= livre!, op. 111. 1899, Paris, Durand, 1899.
Valse lanaoïireiise, op. 120, 19M3, pans Durand, 1903.
PIANO A QUATRE MAINS
huetihin, ,,p. il, 1855, Pans, Hamelle, 1861.
Kaniii llaml,! //(/r>,„rM'.ijirr, a kiilade de Henri Heine), op.
ISSO, Berlin, Bote et Bock, i 380
FiuiUel ifdUtm, op. 81, 1887, Paris, Durand, 1887.
l'as redoublé, op. si;, [«87, Pans. Durand, 1890,
Berceuse, op. lu:., 1890, Pans, Durand, 1S96.
Variations sur iiatheme ,le Iteelhorea. op. :i:., 187 1, Paris, Durand,
1874.
Polonaise, op. 77, 1886, Paria, Durand. 1886.
Scherzo, op. 87, 1889, Paris, Durand,
Ca/inee arabe, op. 96. IS'.'i. P. m-, liur.ind, 1891.
Capnee lierai, jiie. op. 106, 1898, Paris, Durand, 189s.
ÎIMIMONUIM
Trois Morceaux, op. 1, 1852, Paris, Girod, 1S58.
Sir Duos pour harmonium et pu op. v 1858, Pans, Fromont,
13, IS65, P
Fantaisie, lsr.d, Paris, Coslallat, 1S75.
eanliques brelans, op. 7, ls66
rand, 1866.
Uelieilietian niirl',1 e. ,> ,. '.'. 1 'VI. Pans, Durand, 1*66.
Trais l'relit.les et Fugues (,1« livr>e, op. 99, 189 i, Paris, Durand,
1894.
Fantaisie, op. lui, 1S9Ô. l'un. Durand. 1895.
Marche religieuse, op. 107, l897,Paris, Durand, 1898.
Trois t'relmles ,: . p. ne', 1S98, Paris, Durand,
1S9S.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE
(Juinlette pour piano, 2 violons, alto et violoncelle, op. 1 1, 1,-05.
Paris, Hamelle, 1865.
Sérénade pour piano, orgue, violon, alto (ou violoncelle), op. 15,
1S66, Paris, Choudens, 1868.
Suite pour violoncelle et piano, op. 16, 1862, Paris, Hamelle. 1866.
I" Trio, en fa majeur, piano, violon et ïioloncc I ,cu). ls. 1863,
Paris, Hamelle, 1S67.
Romance pour piano, orgue et violon, op. 27. l8os. Paris, Du-
rand, 186S.
ire Sonate, en ut mineur, pour piano et violoncelle, op. 32, 1872.
Paris, Durand. 1S73.
Berceuse, piano et violon, op. 3S, 1871, Paris, Durand, 187 1.
Quatuor, piano, vi..l..n, allô et violoncelle, op. il, ', s 7 r, , r,.n-.
Allé
1S77
ioloncellè et piano (ou orchestre), op. 43
urand, 1S75.
iolon et piano (ou orchestre , 1874, Paris
violoncelle et piano, op o), 1877, Paris
iloiicelle. op. 65
Septuor, trompette, piano, 2 violons, alli
1SS1, Paris. Durand, 1881.
fe Sonate, piano et violon, op. 75, 1SS5, Pans. Durand, IS85.
WeMma-Cake, caprice-valse, pour piano et quatuor d'archets,
op. 76, 18S5, Paris, Durand, 1886.
Caprice sur des airs danois et russes, pour flûte, hautbois, clari-
nette et piano, op. 79. 1897, Paris, Durand, 1SS7.
I.e t'.i/iiae. mélodie ;i..iir m ...c ■:!.■ ei piano. Extrait du Carnaval
des animé r, 1887, Paris, Durand, 1887.
Chant sapkique, pour violon lie el piano, op. 91, 1S92, Paris,
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Morceau de concert peur cor > i oi.iiio. >p. 01, 1887, Paris, Durand,
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Durand, 1896.
Barcarolle, pour violon, violoncell , harmonium et pi, nie, op, 108,
189 :, Paris, Durand, 18 ■-.
Quatuor h cordes, op', IIS, 1899, Paris, Durand, 1S99.
:"' Sonate, en (a majeur, violoncelle et piano, op. 123, 1905, Pa-
ris, Durand, 1905.
Fantaisie pour violon et harpe, op. 124, 1907, Paris, Durand,
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L-SIQUE
SIQI S
!"-■ Symphonie, en m bem il, - p. 2, 1853, Paris, Durand, 1855.
Symphonie eu fa majeur. î --,;. Non publiée.
Tarentelle pour flùleet cl.uineiie avec accompagnement d'orches-
tre, op. 6, 1857, Paris. Durand, 1S57.
Sijmitli'inie en /r majeur, i-5'>. Non publiée.
Spartacnx, ouverliire, ISt,3. Non publiée.
Rapsottie bretonne, op. 7 Ms [sur les motifs de la lriJ el la 3e rap-
sodie de l'op. 7, 186 1 91, Paris, Durand. 1892.
Ier Concerto pour piano el orclie-lre. op. 17, 185s, Paris, Durand,
1875.
(«r Concerto pour violon et orchestre, op. 20, 1859, Paris, Ha-
melle, 1S68.
:"' Concerto, en sot mineur,pout piano et orchestre, op. 22, 1868,
Introduction el fl i pour violoaavec accon
d'oroh ,op. i , i aris, Durand. 1870.
S» Concerto en wi bém I, pom piano et orchestre, op. 29, IS69,
Le Rouet dOmphale, poème symphonique, op. 31, 1871, Paris,
Durand, 1S72.
I1'' Concerto en /.; mineur pour violoncelle et Orchesti
1872, Paris, Durand, 1-7;:.
M.ir.i,c licvh/ae, op. 31. 1871,1 iris, Durand, 187 I .
Romance en fa majeur, pour cor avec accompagne!
1874, Paris, Durand, 187 1.
Romance, en re bémol. :e, -.. •./.;,- ,iv,-l aeeompa2nouieiil d'oiclies-
tre.op. 37. 1871 1. ri ' . :.!. 1874.
Phaélon, poème syraph niqu 1873 Paris, Du
LaDanse macabre, | ne symphonique, op. 40, 1874, Paris, Du-
trand, 1875.
,' Concerto en ut mineur pour piano et orchestre, op. il, 1-75.
Paris, Durand, 1877.
Suite i rorchestre op. 19, 1863, P ris, Durand, 1877,
l.a Jeunesse d'Hercule, ]»., me sv:n ehoiiejue, op. 50, 1877, Paris.
Durand, 1877.
»e Symphonie, enls mineur, op. 55, 1-859, Paris, Durand, 1S78.
."■ Concerto en ut majeur, pour violon et orchestre, op. 5-, 1858,
Paris, Durand, ls7'i.
'Suite algérienne, op. 60, 188 i, Paris, Durand, 1881.
3° Concerto en .m mineur pour violon et orchestre, op. 61, 18!
Paris, Durand. 1881.
Morceau de concert pour violon et orchestre, op. 02, 1880, Pai
Jurand,
r ad libitum;, op.
tSSl, Pa-
ît orchestre, op. 70, 1884, Paris,
et orchestre, op. 73, 1884, Paris,
orgue, op. 78, 1886, Paris, Du-
Alleoro appas
Durand. 1RS*
Rapsodie d'Anvii <t pom pi
.;" Symphonie en nt mineur,
rand, 1886.
le Carnaval des Animaux (non publié, sauf le Cygne, 1887, Paris
Durand, 1887).
Havanaise pour violon et orchestre, op. 83, 1887, Paris, Durand
1888.
Africn, fantaisie pour piano et orchestre, op. 89. 1 391, Paris,
Durand, 1891.
Saraliandeet Rigaudon, op, 93, 1892, Paris, Durand 1892.
5e Coticerto en/7/ majeui pour piano el oreh ■'• - • p. 109, 1890,
Paris, Duran I, l'896,
Marche du Couronnement d'Edouw ■■« M I, op 117,1 ! Paris, Du-
rand, 1902.
, ei, i et o ih e, op. 1 19
: is, Durand, 1902
Caprice andalou, pnui M ii et ..ainsiiv, op. 122 1904, Paris
Durand, 190 i.
La Musc et le Poète, pour violon et violoncelle avec orchestre,
op. 132. 1909, Paris, Durand. 1910.
Ouverture de Trie, op 133, 1909, Pans, Durand, 1910.
OB.CH1 STRB
Orient el Oc e.'.eo', m n lie. ,,;,. 25, 1S69,
Hymne fran P ois, Duran
Sur les /e.r./.N du \il, marche militaire, op.
Guitare, 1851 . Paris, Ch >u tens, 1870.
Rêrcnc, 1851, orchestrée, Palis. Durand, 1852.
I.e l'axd'ar. /.■ ,2. orchestrée, Paris, Durand,
l.a l-'euille de peusi er. i-33, Pans, Durand, 1S51.
L'Attente. \ei> 1-55. Paris, Durand, 1856.
La Cloche, vers 1855. Orchestrée, Paris, Durand, 1856.
I.e I.erer.le, '. 1855, Pans, Durand, 1856.
La lladonna col Bambino, vers 1855, Paris, Durand, 186S.
Pastorale, duettino, 1855, Paris, Durand, 1856.
Plainte, vers 1855. Paris. Durand, 1856.
Le Sommeil des- /leurs, 1855, Pan-, Durand, 1- ■ ;,
Vieux, duettino, vers 1855. Paris, Durand, 1850.
l.a Mort d'Ophelie, vers 1857. Pari-, Durand, l-5s.
LcSnirdexcruds.irlne--l.ne, barcarolle a 2\oi\, 1857, I
Durant. 1858.
.8,. renoue
liloile du
Te stesse.
.1 flloi Oui.
Mun/itixe,
Durand, Isa».
O.Paris, Durand. J879.
aris, Durand, 1869
nai.d, 1864.
1866.
strée. Paris, Durand, I
; ter, 1868, Paris Choudens, :
: 1S96.
-. Choudens. 1870.
, Durand, 1S77.
569, Paris, Choudens
is, ver.- 1869, Paris, I
1870, Paris, Durand
. 1870, Pan-, Durai
71, Londres, Auoene;. 1-71.
;.-. Durand, 1895.
), Paris, Durand, 1891.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONXAIRE DU CONSERVATOIRE
91, Paris, Durand, 1892.
Il, Paris, Durand, 1891.
pagnemenl de piano .< i m
lurand, 1x92.
Pai s, Durand, 1892.
le Rossignol, 1898, Paris, Durand, 1892.
Fiérebeaulè, 1893, l'an-. Durand, 1893.
Primaient, {-.'■■. ru •-, Pi.i..ud, IS93.
;« Seréiliie, 1893, Paris, Dur I, L895.
l'//,' Paris, Pire In Fronce, 1893, Paris, M irgueritat, 1894.
La Libellule, tM'i. iiirh.-nv,-. Paris, Durand, 1891.
Peut-être, 1894, Paris, Durand, 1894.
Pourquoi rester ieuletle, 1894, Paris, Durand, 1895.
IV««», dii.i. IS'.H!. Par:'. Durand, 1X90.
.4//.I fllci (.(■•/ 7'e
DuranJ, 1S99.
Si je l'osais, 18
l
1, 1S9S.
Smmet, 1898, 1
tes Vendanges, 1
' popu
aire
1898. drcheslré.
Paris,
Durand
189S.
les Clocha de h
mer
1900,
Par,
, Durand, 1900.
Nocturne, 1900,
Par
s. Dui
ind,
1900.
Thème varié, Pa
i-, l
191
Désir d'amour, 1
Dur
ind, 1901.
E//e, 1901, Par
-. I1
19 'l
I.Arlue. 1903,
d, 1
)03.
■s'.mii' .!««.•. 190
. 1903.
L'Étoile, 1907,
,:
907. '
U Amour Ouïe i,
rand, 1908.
Soir romantique,
190
. Pari
, Du
rand, 190S.
Violons dans te si
r, a
ce viol
mol
lige, 1908, Paris
Duran
J, 190S
Sérénade d'hiver, 4 voix d'hommes, sans accompagnement, 1867,
Paris, Durand. 1868.
/ s Soldais le Gédèon, double chœur à 1 vois d'hommes, sans ac-
comp ignement, op 16, 1876, P iris, Durand, 1876.
; i i . roi d-p( re, deux voix de remmes;
■j. i Ire, baryton s i el chœur d'hommes,
Deiu: chœurs : 1. C«/me des naite, i voix mixtes. — 2. Les /leurs
et les arbres, i voix mixtes, op. 68, 1882, Pari-. Durand,
1SS3.
Deux chœurs : 1. 1rs Marins de Kermor, 4 voix d'hommes sans
ace pagnement — 2. /.e.< fi/sus, i voix d'b m - ins
accompaqnement, op. 71, 1884, Paris, Durand. 1884.
les Guerriers, i voix d'hommes sans accompagnement, op. S4,
1888, Paris, Durand, 1888.
Madrigal, ténor, solo et chœur d'hommes, 1S97, Paris, Durand.
Cha
Pur
•une, quatre voix d'hommes sans accompagnement,
3, 189a, Paris, Durand, 1S99.
in i, solo el chœur de femmes, op. 114, 1900, Paris,
Coinanee / soir. 4 voix mixtes sans accompagnement, op. IIS,
1002, paris, Durand, 1902.
Ode d'Horace, i voix d'hommes sans accompagnement, 1905,
Paris, Durand, 1905.
Le Mutin, i voix d'hommes, op. I'-"'. I "i> - . I' , i,s. Durand. 1909
La Cloue. ,\ 131, I 909, Paris, Durand. 1909.
A deux, petit canon à 2 voix pour enfants (supplément a la Revui
musicale, 15 septembre- 1e' octobre i
CANTATES, ORATORIOS, SCÈNES LYRIQUES
0iie „ sainti Cécile, 1852. Non publiée.
Scène d'Horace, 1860, op. 10, Paris, Durand, 1861.
Les Xoeei de Pramelliee, !Sti7,op. 19, Paris. Ilauielle, 1--,:.
ide Hoche, SSjuin
Le TMm/e. {s::.. ,,p. 15, Paris, Durand, 1x70.
La Lyre et la Harpe, 1879, op. 57, Paris, Durand, 1879.
Suilpersane d'après Top. 26), 1891, op. 26 bis, Pa
1892.
I.o Fiuneer du Timbalier, 1887, op. 82, Pari-, Durand, ;
l'a/las Uhéné, 1891, op. 98, Paris, Durand. 1894
Lever de soleil sur le Nil, 1S9S, Paris, Durand. 1898.
le Feu céleste, 1900, op. lia, Paris, Durand, il
Lola, 1900, op. 1 16, Paris, Durand, 1900.
La Claire ,le Corneille, 1900, op. 120, Paris, Duran I,
Messe solennelle, à i vo
Tanlitni tr
Oratorio ,le \'oet, 185.x,
lUSIODE RELIGIEUSE
x, 1856, op. i, Paris, Dm and, i
56, op. 5, Pari-, Durand, 1868.
ip. 12, Paris, Durand, 1S63.
O Salnlaris (si bémol), motel à 3voix, 1858, Paris, Durand. 1866.
Yen,. Creator [ut), motel à i voix, 1858. Paris, Durand, 1S68.
Are Maria si bémol), vers 1859. Paris, Durand, 1806.
Ave Maria [mi majeur;, vers 1859. Pans, Durand, 1,800.
Ave Maria la majeur), pour 2 voix, 1860'. Paris, Durand, 1805.
Ave Vernm [mi bémol), 4 voix mixtes, vers 1860. Paris. Durand,
1865.
Heureux qui du cœur de Marie, vers ÎSOO. Paris, Durand, 1865.
i) Sainl Autel, 3 voix égales et soli, vers 1SS0. Paris, Durand,
il Saluions [la majeur), vers 1S00. Paris, Durand, 1805.
Pour vous bénir, Seigneur, 3 voix égales et soli, ver- 1860. Paris,
Durand, isoe.
Reine iescieux, vers 1800. Paris, Durand, 1866.
Su h tu uni, à 2 voix égales, vers lxoo. paris, Durand, 1805.
Tantum ergo, à 3 voix égales, vers 1S60. Paris. Durand, 1S66.
Ave Verum si min.), a 2 voix égales, vers 1863. Paris, Durand,
Are Veritni (ré maj.) à -1 voix égales avec accompagnement d'or-
gue et cor chromatique obligé, s. d. Paris, Durand.
Aie Maria (lu majeur), 1865. Paris, Durand, 1S65.
Inriolnta, 1865. Paris, Durand, lxo7.
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Pauline Savari. — Le Musée Sainl-Saeusa Dieppe. Cuide musical,
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Locis Schneiiier. — Lu l'riuresse. Jaune. Le Théâtre, n° 191,
décembre 1906.
Ch. Tenroc. — If. C. Saint-Saêns nous parle île Déjanire. Comœ-
dia, 29 mars 1910. Cf. Revue musicale, 1-15 septembre
Ji-ut-N Tiersot. — Lu Sijmpliinne. en I rame, bulletin mensuel
île la Société lutrin. iIh mile de Musique, juillet 1902).
Jcan n'i'niNE. — Saint-Sains, Courrier Musical, 15 juin 1908.
Spontini.
Louis-Gaspard-Pacilique Spontini, comte de Sant'-
Andrea, naquit le 14 novembre 1674 à Majolatti, dans
les Etals romains (marche d'Ancône). Il était le
deuxième lils de cultivateurs qui eurent cinq enfants;
trois de sis frères ftsrent prêtres, et l'aîné occupa
pendant vingt-sept ans le poste de curé à Majolatti.
Tout jeune, il fut, lui aussi, destiné au sacerdoce, et
comme il était de sanlé délicate, ses parents le con-
fièrent à un de ses oncles. Joseph Spontini, curé de
la succursale de Jesi. C'est sous sa direction que,'dès
l'âge de huit ans, il commença ses études littéraires
peur entrer plus tard au séminaire.
Un hasard lui révéla sa véritable vocation. Tandis
qu'il se trouvait chez son oncle, un facteur d'orgues,
Crlideli, fut appelé à Jesi pour y construire des or-
gues. Logé chez le curé, il y avait fait transporter un
clavecin, dont il jouait à ses moments de loisir. La
musique produisit sur le jeune Spobtlni une impres-
sion profonde, et lui-même essayait parfois d'imiter
sur le clavecin ce qu'il avait attentivement écouté.
Ceu'deli, frappé des dispositions de l'enfant, en parla
au curé; mais celui-ci menaça son neveu de le punir
s'il abandonnait la profession que ses parents lui
avaient choisie. Pour éviter le châtiment, Gaspard
s'enfuit à Monte-San-Vito, un château du district
cUAncône où habitait un frère de sa mère. Celui-ci le
recueillit et le mit sous la direction de Qointiliani,
le maître de chapelle de l'endroit.
Après avoir passé là un an, Gaspard retourna chez
son oncle Joseph. Impuissant à lutter contre une
pareille vocation, renonçant à faire de son neveu
un prêtre, l'oncle Joseph le confia au chanteur Ciaf-
folatti et à l'organiste Menghini. Puis il le fit entrer
dans l'école de Bartoli, maître de la chapelle de .( esi ,
et plus tard dans celle de Bonanni de la chapelle de
Masaccio. Ln 1791, Gaspard était admis au Conser-
vatoire de la Pieta dei Turchini à Naples : Sala el
Tritta y furent ses maîtres de contrepoint; ses pro-
grès furent si rapides que bientôt il était attaché an
Conservatoire avec le titre de maestrino. C'est l'é-
poque où Spontini compose ses premières Cantates et
ses premiers morceaux de musique religieuse, qu'il
fait exécuter dans les couvents de Naples et des en-
virons.
En 1796, Sismondi, un des 'directeurs du théâtre
Argentina à Home, ayant entendu la musique de
Spontini, l'engage à quitter en secret le Conserva"
toire de la Pieta, à l'accompagner à Iîome et à écriie
une partition pour son théâtre. La .proposition pou-
vait séduire un jeune homme de vingt-deux ans.
Spontini l'accepta et écrivit en peu de temps I Pun-
iigli délie donne, qui remporta un brillant succès â
Rome. Piccinni s'intéressa au jeune musicien; grâce
à la protection du maestro, Spontini obtint, malgré
sa fugue, de reprendre son poste,' de maestrino à Na-
pies. Mais dès lors, il compose surtout pour le théâtre ;
les œuvres se succèdent avec une rapidité extraordi-
naire, favorablement accueillies sur les principales
scènes italiennes. Ln 1797 c'est l'Eroismo ri'liml,, .,
Rome; en 1798, à Rome, Il Finto Pittore; àJFIorence,
// Teseo riconosciuto, l'Isola disabitata el Chi pire
guarda menvede; en 1799, à Naples, l'Amore segrelo,
la Fii'i'i in mcmhera et la Finta F-ilosofa.
Cependant, les Iroupes françaises avaient envahi le
royaume de Naples. Répondant à l'appel de la cour,
qui n'avait pu décider Cimarosa, malade alors, à
quitter l'Italie, Spontini se rend ,à Palerme, où il
compose / Quadri Parlanti, Sofronia e Olindû, Gli
Elisi delusi en 1800. Pour augmenter ses 'ressources,
il donne des leçons de chant, mais, vers [la lin de
1800, une maladie l'oblige à quitter la Sicile.
Kn 1801, il est à Rome, où il écrit Gli Amanti in
cimento ossia il Geleso audace. Bientôt appelé à Ve-
nise, il y compose pour la cantatrice [Morichelli, la
Principessa d'Amalfl, qui devient ensuite [deima
Senese et le Metamorfo&i di Pasquali. — De Venise, il
ramène son père à Jesi, puis retourne â Naples, d'o :
il s'embarque pour Marseille. La période italienne de
sa vie était terminée.
Jusqu'en 1820,Spontini va vivre en France. Pendant
son séjour à Marseille, il fréquente des n
el des banquiers, qui lui donnent des lettn de ]
commandation pour Barillon, Michel, Recamiei el
autres financiers français, au moment de son départ
pour Paris en 1803. Aussi ses débuts y sont-ils rela-
tivement faciles; dans le inonde des affaires, il trouve
non seulement des appuis qui lui seront précieux,
mais aussi de nombreuses leçons. Soucie
poser en musicien de théâtre, il l'ait représenter au
Théâtre Italien la Fintm FUosofa, qui y est !,i>. irable-
inent accueillie.
Au témoignage des anciens biographes, le premier
opéra-comique fiançais de Spontini aurai!
un acte représenté sans aucun succès en mars ISO t.
Spontini aurait repris son œuvre, en aurait corrigé
la musique et l'aurait fait reparaître le 12 mais 1805
sous un nouveau titre, Julie ou le Pot de fleurs.
Cette assertion est erronée; les biographes oui
confondu deux œuvres différentes et onl attribué â
Si'ontim tm opéra-eomiqae, représenté en mars 1804,
dont la musique était d'un aulre composileur. La
chronologie des œuvres françaises de Spontini doit
donc être rétablie ainsi : 12 mai 1804, la Peti
sur un livret de Dieulaloy et Gersaint; 2"
1X04, Mition; 12 mais 1805, Jvlie ou le "
Certains ont parlé aussi d'une cabale menée à celle
époque par les professeurs et les élèves du Conser-
vatoire contre les compositeurs italiens et la mu-
sique italienne, cabale qui aurait amené l'échec de
certaines œuvres de Spontini; on affirme même que
la Petite Maison n'aurait pas pu être jouée jusqu'à
la fin, que la première représentation aurait été
troublée par des scènes tumultueuses. Rien n'est
moins certain que l'existence de cette cabale, el, en
tous cas, il est actuellement démontré que v .ir i
3.MH'
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
n'a jamais donné d oratorio aux concerls spirituels
de l'Opéra italien.
Cependant, en présence d'une certaine hostilité
qui se manifestait plus ou moins ouvertement contre
ce qui était italien et que traduisait Vlrato de Méhul,
Spontini avait jugé prudent de s'assurer une protec-
tection puissante. Abandonnant ses leçons de chant,
H êtail parvenu, grâce à ses relations, à obtenir le
poste de directeur de la musique de l'impératrice
Joséphine. Dès lors, il ne néglige aucune occasion
d'attirer sur lui l'attention de l'impératrice et de
gagner ses faveurs; après la victoire d'Austerlitz,
il demande à lîalocchi le texte d'une cantate qui est
exécutée au théâtre Louvois le S février 1806, Ec-
celsii gai a.
Cependant, la protection de Joséphine semble, au
moment de l'affaire de la Vestale, avoir été impuis-
sante contre la mauvaise volonté de l'empereur.
Depuis quelques années déjà, Spontini travaillait
sur un livret de Jouy que Cherubini avait refusé. Mais
lorsqu'il voulut faire représenter sa nouvelle œuvre,
la Vestale, il se heurta à une violente opposition de
la part de l'administration de l'Opéra. Au mépris
des droits acquis, l'empereur exigea la priorité d'a-
bord pour le Triomphe de Trajan, ensuite pour la
Mort d'Adam de Lesueur. Mais lorsqu'on voulut
donner au copiste l'œuvre de Lesueur, la partition
n'était pas prête, et Spontini profita de ce relard
pour reconquérir son tour. Cependant, pendant les
répétitions, le compositeur se heurta encore à de
nouvelles préventions. Les difficultés de sa partition,
l'obscurité de certaines pages provoquèrent le mé-
contentement des chanteurs et des musiciens de
l'orchestre, et l'auteur dut retoucher certaines par-
ties pour éviter des critiques trop violentes.
Enfin le 15 décembre 1807, la Vestale était repré-
sentée à l'Opéra. Le succès fut énorme; l'enthou-
siasme du public fut tel que, pendant quelque temps,
il détourna les esprits des préoccupations de la po-
litique extérieure. Cependant la critique ne désarma
pas; elle s'attacha à démontrer les imperfections
matérielles de l'ouvrage, mais ne put modifier le
jugement du public. Aussi, lorsque vint l'époque du
rapport de l'Institut sur les ouvrages dignes d'obte-
nir les prix décennaux, malgré la présence dans le
jury de nombreux adversaires de Spontini, il parut
impossible de ne pas donner la préférence à la Ves-
tale sur les Bardes de Lesueur qui dataient de 18Ô4.
Tel fut l'avis de Grétry, de Gossec et de Méhi l, dont
le rapport parut au Moniteur de l'Empire.
La situation de Spontini semble alors solidement
établie. Depuis quelques années déjà, il est entré dans
la puissante famille des Erard par son mariage avec
la fille de Jean-Baptiste Erard, la nièce de Sébastien.
Le 28 novembre 1809, Fernand Cortez triomphe à
l'Opéra; en 1810, Spontini obtient la direction de
l'Opéra italien, qui venait d'être placé au théâtre de
l'Odéon et qui, réuni à la Comédie sous la direction
de Duval, avait pris le nom de Théâtre de l'Impé-
ratrice. Les débuts sont très brillants : Spontini re-
crute une excellente troupe de chanteurs et de
chanteuses; il a l'honneur de faire entendre pour
la première fois à Paris le Don Juan tel que Mozart
l'avait écrit; il s'attache à varier le répertoire, donne
une série de concerts fort bien accueillis du public.
Malheureusement, des dissentiments s'élèvent entre
Spontini et Duval, le directeur de la Comédie; le
musicien se plaint de voir toutes les recettes de
l'Opéra employées à combler les déficits de la caisse
de la Comédie qui périclite. La tension entre les
deux directeurs devient si aiguë qu'une décision
officielle intervient : en 1812, M. de Itémusal, surin-
tendant des théâtres impériaux, enlève à Spontini la
direction du Théâtre Italien. Malgré tous ses efforts,
Spontini continuait à être mal vu du gouvernement
impérial.
La Restauration veut réparer l'injustice dont il
venait d'être victime, et, dès 1814, le ministre de la
maison du roi lui accorde le privilège du Théâtre
Italien. Mais Mm« Catalani l'ayant sollicité et PaërIuI
ayant promis sa collaboration, Spontini, pour des
raisons demeurées inconnues, se retire moyennant
une indemnité payée par Mme Catalani.
Spontini restait sans emploi; il songe alors de
nouveau au théâtre, et écrit pour l'Opéra Pelage
ou le Roi de la Paix, qui réussit médiocrement, le
23 août 1814; Les Dieux rivaux, un opéra ballet
représenté le 21 juin 1810 à l'occasion du mariage
du duc de Berry, contient quelques parties dues à
la plume de Spontini, mais dans la composition de
cette œuvre sa part est fort mince à côté de celles de
Berton et de Kreutzer- En 1817, Persuis, qui venait
de remplacer Choron à la tète de l'Opéra, fait appel
à Spontini pour réparer les chutes d'un grand nom-
bre d'œuvres pendant l'année précédente. Une re-
prise de Fernand Cortez, le 8 mai, est bien accueillie
du public; Spontini travaille ensuite au rajeunisse-
ment de la partition des Danaïdes de Salieri; enfin,
il entreprend deux œuvres nouvelles, la Colère d'A-
chille et Olympie. Ce dernier opéra, représenté le
15 décembre 1819, ne répond pas à l'attente du pu-
blic, et semble marquer une certaine décadence du
talent de Spontini.
Mais déjà depuis quelques années, sur les sollici-
tations du roi de Prusse, Spontini songeait à quitter
la France. Et c'est dans sa vie une nouvelle période
qui s'ouvre, la période allemande.
Dès I s 1 4, pour remercier le roi de Prusse de sa
bienveillance, il avait écrit plusieurs morceaux pour
la musique de la garde prusienne. Enthousiasmé par
une représentation de Fernand Cortez, Frédéric-Guil-
laume III résolut, en 1818, d'attacher le compositeur
à son service. Les premières propositions furent
faites par le général de Wilzleben, premier adjudant
du roi, et le contrat fut signé en août 1810; Spontini
devait partir aussitôt après la représentation d'O-
lympie qu'il espérait donner fin octobre. Mais les
lenteurs de l'administration ayant retardé jusqu'au
lo décembre l'apparition du nouvel opéra, la saison
d'hiver se trouvant abus trop avancée pour entre-
prendre le voyage de Berlin, Spontini obtint de re-
tarder son départ jusqu'au printemps suivant. Il
occupa les mois qui lui restaient à modifier quelques
parties à'Olympie et "à établir le plan d'un Louis IX.
demandé par le ministre de la maison du roi et qui
ne fut jamais achevé.
Spontini arrivait à Berlin, investi d'un pouvoir
dictatorial sur toute la musique. Il avait exigé, en
effet, non pas le titre de maître de la chapelle royale
qu'on lui offrait, mais celui de directeur général de la
musique en tout ce qui tenait au service de la cour.
Cette fonction lui donnait la charge de compositeur
de la cour et lui conférait la direction générale de
toute la musique, opéra, musique de chambre,
musique militaire, musique religieuse. Son traite-
ment, sans compter un certain nombre d'avantages
secondaires, était fixé à 10 000 écus de Puisse, ce
qui représentait environ 37 500 fr. Lu pareil pou-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3561
voir accordé à un étranger n'était pas sans inquié-
ter sérieusement les artistes allemands; aussi, avant
môme l'arrivée de Spontini, une opposition s'était
marquée, soutenue de tout le crédit du comte de
Bruhl, intendant du Théâtre Royal et de la chapelle,
seul maître avant l'arrivée de Spontini. Sous des
noms d'emprunt, il avait rempli de ses doléances
les colonnes de la presse saxonne; il se savait puis-
sant, puisque c'est lui qui disposait des faveurs de
la subvention. Cependant, tout ce qui dépendait
immédiatement du roi se soumit sans murmurer,
et, dans les débuts, Spontini ne se heurta pas à de
sérieuses difficultés.
Pour l'anniversaire de la naissance du roi, Spon-
tini écrit une Marche et un ('liant qu'il dirigea lui-
même le 3 août 1820, et qui lui valent les félicitations
de Frédéric-Guillaume. La Vestale figurait déjà au
répertoire du théâtre de Berlin. Spontini y avait fait
exécuter Fernand Cortez le 28 juin 1820; il fait tra-
duire en allemand parHolfmann son opéra à'Olympie;
il y apporte quelques modifications, refait sur un
plan nouveau le quatrième acte et donne cet ouvrage,
le 14 mai 1821, avec un luxe inaccoutumé de décors
et de costumes. Pendant l'hiver de la même année,
les fêtes de la cour à l'occasion de la visite du grand
duc et de la grande duchesse Nicolas lui sont une
occasion pour composer, d'après un poème de Tho-
mas Moore, l'opéra-ballel de Lalla Rookh. Ecrit en
huit semaines, il est favorablement accueilli.
En 1N-J2, il profite de son congé annuel pour retour-
ner en Italie et, de là, à Paris, où Jouy l'engage à
reprendre son opéra Les Athéniennes, dont il n'avait
encore écrit que quelques airs. Mais, en dépit des
changements faits par Philarète Chasles. jamais le
livret ne le satisfit, et, après sa mort, on ne retrouva
que quelques fragments destinés à cet opéra.
. En janvier 1823, Spontini était de retour à Berlin.
Dans le courant de 1823, le roi lui demanda un opéra
pour le mariage du prince royal. La difficulté était
de trouver un livret; aucun ouvrage allemand ne sa-
tisfaisant le musicien, on l'autorisa à faire venir un
collaborateur de Paris. Théaulon, mandé en hâte,
n'avait rien de prêt; on finit par découvrir un ancien
livret d'opéra-féerie de Hochon de Chabannes, Alci-
dor. Mais les difficultés d'un remaniement furent si
grandes que bientôt il fut évident qu'on ne serait pas
prêt pour la date fixée 15 octobre); il fallut donc se
contenter d'une cantate suivie d'un ballet. Apres le dé-
part de Théaulon, Spontini relit lui-même le scénario,
et Alcidor fut joué sans grand succès le 22 mai 182.'>,
pour le mariage de la princesse Marie-Louise, troi-
sième fille du roi. Interrompue après huit représen-
tations par le départ d'une des interprètes, Mmc Mil-
der, l'œuvre fut reprise sans plus de succès en 1829,
en 1833 et en 1836.
Un Hymne d>' fête, demandé par le roi de Prusse à
l'occasion du couronnement de l'empereur de Russie,
fut exécuté le 18 janvier et le 9 mai 1827. La même
année, le jour de la fête du roi, Spontini donnait le
premier acte d'un opéra, Agnès de Hohcnstaufen, qui
ne fut achevé que deux ans plus tard. En effet, à cette
époque, Spontini était détourné de la composition par
les soucis d'une polémique violente.
L'opposition qui s'était manifestée avant même
l'arrivée de Spontini à Berlin, n'avait jamais complè-
tement désarmé. Une querelle du directeur de la
musique avec un journaliste, Rellstab, la réveilla, plus
violente que par le passé. Rédacteur à la Gazette de
Voss, Rellstab publie contre Spontini àz violents ar-
ticles, et fait paraître une brochure sur l'adminis-
tration théâtrale de Spontini ; il y accusait son adver-
saire d'écarter systématiquement de la scène les
ouvrages des compositeurs qui auraient pu lui porter
ombrage; Rellstab prétendait que, lorsqu'il était
obligé d'en faire jouer quelqu'un, il négligeait de
parti pris la mise en scène. Supprimée par la censure,
celte brochure fut suivie, dans le quatrième volume
de Çsecilia, des Extraits des papiers d'un jeune ar-
tiste, et dans le sixième volume, de Julius, une nou-
velle dans laquelle il n'était pas difficile de recon-
naître Spontini. Enfin, dans un article de la Gazette
de Voss sur Agnès de Hohenstaufen, Rell=lab prétend
que la comparaison de cet opéra avec les premières
œuvres de Spontini démontre que jamais Spontini
n'a écrit lui-même la Vestale, ni Fernand Cariez.
L'affaire fut portée devant les tribunaux; Rellstab
fut condamné à quelques mois de prison; mais la
publicité du procès, la condamnation même aug-
menlèrent l'importance des attaques du journaliste.
Bientôt, il devint évident que derrière Rellstab se
cachait tout un groupe d'adversaires de Spontini. Se
sentant soutenu, Rellstab profite de la publicité que
lui avail donnée le procès pour redoubler ses atta-
ques; une brochure parait à Leip/.ig : Sur mes rap-
ports comme critique avec M. Spontini, en sa qualité
de compositeur et de directeur général de la musique de
/;. rlin. Commencée en 1826, la querelle agitait encore
le public en 1830, date où paraissait une défense de
Spontini, vraisemblablement attribuée à Dorn; en
1833, Charles-Frédéric Mùller résumait toute la ques-
tion dans une brochure intitulée Spontini et !'<' llslab.
Tous les torts n'étaient pas du cùlé de Spontini,
qui s'élail activement employé à améliorer le sort
des artistes de Berlin; il avait institué une caisse de
secours pour les musiciens du Théâtre Royal, four-
nissant les premiers fonds pour son établissement et
consacrant tous les ans à cette œuvre le produit du
concert qu'il pouvait, comme maître de chapelle,
donner à son profit. 11 avait donné aux chanteurs et
aux chanteuses de précieux conseils sur l'art de res-
pirer et de poser la voix.
Le premier engagement contracté avec le roi pour
dix ans expirait le 30 mai 1830. 11 lut renouvelé pour
une nouvelle période de dix ans.
En 1838, Spontini part pour Paris pour se présenter
à l'Académie des beaux-arts, la mort de Pu a avant
rendu vacant un des fauteuils; sous la promesse de
revenir à Paris à l'expiration de son contrat, il est
élu sans difficulté. Au cours d'un voyage en Italie.
il fait don à la ville de Jesi de 30 000 francs pour le
rétablissement du mont-de-piélé; au milieu de no-
vembre, le cardinal Ostini, évêque de Jesi, le présente
au pape, avec lequel il s'entretient d'un projet de res-
tauration de la musique religieuse. Il s'occupe même
de publier une grande collection de musique sacrée;
mais comme il ne trouve personne capable de diriger
une pareille entreprise, il abandonne le projet qu'il
avail formé. Après avoir visité Naples, il retourne en
Prusse en passant par Paris.
Le 24 juin 1840, à l'occasion de la mort de Frédéric-
Guillaume III, il dirigeait à Potsdam l'exécution du
De Profundis de Gluck, du Requiem de Mozart et de
quelques pages de Haendel. Frédéric-Guillaume IV
aurait souhaité le conserver à sa cour; mais, fidèle
à la promesse faite à l'Institut de France, las des
campagnes menées contre lui, il se retire, conservant,
avec tous ses titres, une pension de 16 000 francs.
Telle est la version la plus favorable à Spontini.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Au témoignage d'autres biographes, Spontini, abusant
de son autorité, serait entré en conflit avec l'inten-
dance générale; après ses violences et ses impru-
dences, il aurait même été sur le point de se faire
punir d'arrêts de forteresse. Son séjour à Berlin se
sérail terminé assez tragiquement; le public, qui le
détestait, l'aurait forcé, pendant une représentation
de Don Juan, à quitter son pupitre et à se retirer. Il
aurail été mis à la retraite en 1841, perdant à la fois
titres et traitements, et serait revenu en France en
1-842.
Le séjour de Spontini à Paris est marqué par de
nouvelles difficultés avec l'administration de l'Opéra.
Aux termes de son cahier des charges, Duponchel, le
directeur, était tenu de reprendre d'anciens ouvrages.
En 1841, le tour de Fernand Cortez étant venu, Du-
ponchel refusa- d'accepter la nouvelle version de l'o-
péra; et Spontini dut lui faire défense, par ministère
d'huissier, de jouer son œuvre. L'affaire vint devant
le tribunal de commerce, qui donna gain de cause
au musicien; mais, en appel, Spontini perdit son pro-
cès, et Fernand ('"riez fut joué de la manière la plus
pitoyable. En 1*4.'!, Duponchel donna une nouvelle
preuve de son mauvais vouloir en objectant le goût
du jour pour différer la reprise de la Vestale.
La lin de la vie de Spontini fut attristée parla ma-
ladie; il devint sourd, il perdit la mémoire. Espérant
qu'un nouveau voyage en Italie (le dernier datait de
juillet 1842) le rétablirait, il partit pour Jesi, puis
pour Majolatti. C'est là qu'il mourut le 24 janvier
1851, des suites d'un refroidissement pris à l'église-
Jamais artiste ne fut comblé de plus d'honneurs
et de distinctions que Spontini. Directeur général
de la musique de la cour de Prusse, docteur en phi-
losophie et en art de l'Université de Halle (après un
festival dirigé par lui), membre de l'Académie des
beaux-arts, membre associé de la classe des beaux-
arts de l'Académie de Belgique, membre de la société
autrichienne des Amis de la musique, de l'Académie
de Stockholm, de l'Académie de Sainte-Cécile de
Rome, de la Société de Hollande pour les progrès de
la musique, il avait été nommé par le pape comte de
Sanl'Andrea ; il était officier de la Légion d'honneur,
décoré des ordres de Saint-Grégoire-le-Grand, de
Léopold de Belgique; il était aussi chevalier du Mé-
rite de Prusse et de la troisième classe de l'Aigle
rouge, chevalier de l'ordre de Danebrog, de François I
de Naples, commandant de l'ordre de Hesse-Darm-
stadt.
Et sans doute cette lis le de ses dignités reste-t-eHc
très incomplète.
CATA.LOG1 E DES CEI VRES DE SPONTINI
1707. / l'uulu/li ilelle ilmiiie. Hume.
L'Eruismu ruliculn. Rmne.
1798. // flnto Pittore. Ro a
// Teste ricoMseiuto : i rence.
L'Isola disabilala, I .
CM put gserda men i edi. Florence.
L'Amoresegreto. Naples.
1799. La F,i,,uiu mtitcher,,. Naples.
La Fait l ofa. Naples.
1800. Iquadripai anti. Pal : ne.
Sofronia e OH ■ i i. Pal irme.
G/i Elis, ,ici,is,. l'alerme.
1801. eu Amanti in cimento. Home.
Lu l'riucipesstt il'Amiilli mi Atlcliiiu Seitese. Venise.
/.c Mrlitmiirfnsi ,li l'usi/uuli. Venise.
12 mai txe.4. La Petite Maison. Paris.
27 novembre 1S01. bliltim. Paris.
12 mars isir,. Julie mt le fui Je fieurs. Paris.
15 décembre 1807. Lu Vestale.
ïs novembre l'-O'.i. Fernuuil Cartel.
23 août 1814. Pelage o% le Roi et la fuir.
15 décembre 1819. Olvmpie.
1881. Lullii Rookh. Cour de Berlin.
85 mai 1885 Atcidor. Cour de Berlin.
1887. Agnès de Hohenstaufen (1er acte; achevé 2 ans pi
rel'.u
337).
Autres opéras : Let Athéniennes; Surin, thaï l'it lu Fêle île l<t ruse
île Cachemire pour lequel il emploie quelles airs Je Lalla
Rookh.
ŒUVRES DE CIRCONSTANCE
S février 1 Soc,. Cantate après Austerlilz, Eeeehn r/iiru.
21 juin 1816. Les Dieux rivaux (en collaboration avec Bekton
rrzBn).
IS1 1. Un relie, j.nur la musique .le la sar-le prussienne.
;i août 1820. Marche ei chant (Preussischer Volksgesang mit Volls-
iiiuJi... .
5 octobre 1S2 i. Cantate et ballet.
1S janvier 1827. Ilijninc ,le fêle.
Bibliographie.
Blaze de Bdrï. — Musiciens contemporains. Paris, 1S56.
Ciiobon et F.ve; if, — l >iei iim H,,: re historique ,1e, musiciens.
Fetis. — /; ■ - "■ ■ ii,,it,r, elle îles musiciens.
Artiick Pougi> . — Supplément à la Biographie universelle 'les musi-
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Geoffroy. — l, Sèbals, li mai 1804.
Grovb's. — Dicl; murij ,<{ mitsic and musiciuns. Lon.lon. loin.
Louis de LoMEME. — il. Sptinliui pur un humme île rien. Paris,
1841, in-12.
Montasari. — El, gin ilel cavalière t'.it,ptirn Spuulini. Ancona.
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Alcjbiaee Moretti. — YUa di Gasparo Spontini. Imola, 1875
Œttingeb (E ioi u.i. -Marie). —Spontini. Leipzig. 1843, in-io.
A. Podgin. — Chronique musicale, octobre 1875. Les commence'-
mais de Sponlini [1774-1 501
II QCITTARD. S
I lueur, li, ./.v e , ■ iienario di Sponlini. Jesi, in- 1 s .
Kobert. — disparu Sptwtiui. Berlin, lss;\
Haoul Rochettf. — Eluqt prononce h l'Académie îles nanti -Arts.
1858.
Soubibs. — /..•< Membres de l'Académie des Beaux-Arts. Pari-,
Flann: 19 'i. 1906, 1911.
RieiiARr. W i ,m ... — t dures en prose. Pau-, i e-la_r.,\ e, un:!.
I. V et VI.
Spontini in Dettts, . and (appréciation impartiale de ses procédé!
peu i . '. dernières années .le „m séjour en ce
pa\ - . . .. i S30, in-8".
/, La Vestale, vril 1851.
Ambroise Thomas.
Charles-Louis-ÀMBHOISB Thomas naquit le 5 avril
1811 à Metz. — Ses parents y étaient professeurs
de musique: son père était même correspondant de
l'Ecole impériale de musique de Paris. C'est sons sa
direction que, des l'âge de quatre ans, Ambroise
commençai! ses études musicales et particulièrement
l'étude du solfège, qu'il continua pendant sept ou
huit ans; son père le mit ensuite au violon et au
piano. En 1828, il entrait au Conservatoire dans la
(lasse de ZlMMBRMANN, et dès l'année suivante, à sou
premier concours, il remportait le premier prix. En
1830, comme élève de Dourlen, il obtenait le pre-
mier prix d'harmonie et d'accompagnement. Cepen-
dant, eu dehors de l'enseignement officiel, il avait
reçu les conseils de Iïalkbrenner pour le piano et
ceux de Harrereau pour le contrepoint.
11 entrait dans la classe de composition de I.e-
sueur; en 1831, il obtenait une mention honorable
au concours poor le prix de Home, et en 1832, le
premier grand prix avec la cantate Hermanet Ketty.
Ile ses deux concurrents, l'un, Elwart, avait été mis
hors concours pour avoir changé le texte du mar-
quis de Pastoret, l'autre, Lv.itw i , mourut de déses-
poir de n'avoir pas le prix.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L INSTITUT DE FRANCE 3563
A la villa Médicis, Ambroise Thomas rencontra
Prévost, Berlioz et Montfort. Il y était encore lors-
que, en 183V, Ingres fut nommé directeur de l'Ecole
de Home ; on connaît le goût du peintre pour la mu-
sique; aussi, prit-il en affeclion Ambroise Thomas,
« jeune homme excellent, du plus beau talent sur
le piano et qui a dans son cœur et dans sa tête tout ce
que Mozart, Beethoven, Weber... ont écrit », disait-il
dans une de ses lettres.
Ambroise Thomas profita de son séjour à Home
pour visiter l'Italie; on le trouve à Naples,à Florence,
à Bologne, à Venise, à Trieste, d'où il pousse jus-
qu'à Vienne. Cependant, ces voyages ne l'empêchent
pas de travailler : il écrit beaucoup pendant cette
période et fait exactement les envois réglementai-
res. En octobre 1836, après son retour de Home,
on exécute, à une séance de l'Institut, un Duo italien
de lui, dont Berlioz l'ait l'éloge clans la Gazette mu-
sicale. A la même époque, il publie un recueil de Sir
Mélodies italiennes avec traduction française, Souve-
nirs d'Italie (Nina, la Serenala, Vavia, Lisa, Buona
Hotte, la Barchetta); les critiques y relèvent d'ingé-
nieuses recherches d'harmonie et d'accompagne-
menl.
Mais, à l'exemple de presque tous les composi-
teurs d'alors, Ambroise Thomas songe au théâtre,
comme au moyen le plus sur d'établir sa réputation
auprès du grand public, plus sensible à la musique
dramatique qu'à la musique de chambre ou de con-
cert. Et dès sa première œuvre, la Double Echelle,
opéra-comique en un acte sur un livret de Planard,
il trouve le succès : la pièce, représentée le 23 août
1837, est jouée deux cents fois, chiffre énorme pour
l'époque. L'année suivante, le 30 mars 1S3S, il donne
à l'Opéra-Comique le Perruquier le la H / ruse, dont
Berlioz fait l'éloge, reprochant seulement à l'auteur
o -de sacrifier à la mode en employant trop souvent
les trombones et la grosse caisse ».
Dans les années qui suivent, Ambroise Thomas s'es-
saye dans les genres les plus variés ; au ballet la
Gipsy succèdent le Panier fleuri h l'Opéra-Comique
(6 mai 1839) el une Messe de Requiem. Ambroise Tho-
mas cherchait l'œuvre dans laquelle il pourrait
déployer pleinement son originalité. Aucune ne
donnait encore la mesure exacte de son talent. La
Double Echelle n'était qu'un ingénieux pastiche de
la musique du xvme siècle. Découragé de n'avoir pu
obtenir depuis sa première pièce un succès franc
et décisif, Ambroise Thomas abandonne le genre de
l'opéra-comique pour l'opéra. Mais le Comte de Car-
magnola (19 avril 1849) n'est joué que cinq ou sis
fois. Le Guérillero (2 juin 1842) réussit un peu mieux
et va presque jusqu'à la cinquantième.
Ambroise Thomas n'a pas encore trouvé sa voie;
de nouveau, il revient à l'opéra-comique avec Angé-
lique et Médor (10 mai 1843), avec Mina ou le Ménage
a trois(lÙ octobre 1843), deux œuvres très ternes, qui
n'ajoutent rien à sa gloire; à l'Opéra, le 10 juillet
1816, il donne un ballet, Betty, dont la musique n'est
pas plus caractéristique.
Dans cet état d'incertitude et de découragement,
il écrit une œuvre dans laquelle il ne voit qu'une
charge et qu'une rapsodie de la musique italienne.
Il écrit un chef-d'œuvre de verve et de franche gaieté,
un ouvrage dans lequel le public reconnaît des qua-
lités bien françaises.
Le 3 janvier 1849, Ambroise Thomas tenait enfin un
vrai succès avec le Caïd.
Le Songe d'une nuit d'été, qui lui succède sur la
scène de l'Opéra-Comique (20 avril 1850), est joué
plus de cent fois à Paris, et le talent du musicien
reçoit une consécration officielle; en 1 8r> 1 , les mem-
bres de l'Académie des beaux-arts le préfèrent à ses
concurrents Berlioz, Félicien David, Clapisson, Kie-
dermeyer et l'appellent au fauteuil laissé' libre par
la mort de Spontiki.
Mais de nouveau, après ce double succès, il connaît
une nouvelle période de tâtonnements et de découra-
gements. Raymond ou le Secret de lu reine est très froi-
dement accueilli à Paris (5 juin 1851), peut-être à
cause de la mauvaise distribution des rôles, puisque
la pièce réussit en province. La voix de M"" L'galde,
dont ce fut la dernière création, esl impuissante à
compenser l'obscurité et le vide du livret de la Tonelli
(30 mars 1853). La Cour de Célimène (11 avril 1835),
Psyché (26 janvier 18571, qui devait être reprise avec
d'importants changements le 21 mai 1878, le Carna-
val de Venise (9 décembre 1837), le Roman A' l'Ai ire
(3 février 1860), n'obtiennent que de médiocres ap-
plaudissements. Entre temps, en 1856, Ambroise
Thomas avait été nommé professeur de composition
au Conservatoire et peu après inspecteur des succur-
sales de province. Pendant sept ans, soit à cause
des obligations de sa nouvelle fonction, soit par dé-
couragement du peu de -
ouvrages, Ambroise Thomas reste muet.
Et tout à coup, à quinze mois de dislance, sur la
scène de l'Opéra et sur celle de l'Opéra-Comique,
Ambroisi Thomas triomphe. Wignon 17 novembre
1866) et Hamlct (9 mars 1868; lui conquièrent les
suffrages de la foule et portent sa réputation par
delà les frontières françaises, dans l'Europe entière.
Dès la première répétition d'orchestre, la partition
i'Hamlet, lue d'un bout à l'autre sans un accroc,
était acclamée par les musiciens.
Après ce triomphe, la carrière d'AMBROiSE Thomas
est pour ainsi dire terminée. Nommé directeur du
il .' h la morl d'AuBi r en 1871, il s'efforce
d'y il vti le niveau des études et entréprend d'utiles
réformes. Comme compositeur, il ne rencontrera
plus |,. succès 'I' Mignon el d Hamlet. I.e 22 avril
1874, l'Opéra-Comique représente un acte de lui,
composé depuis longtemps déjà, '■! il le représente
contre son gré. Ambroise Thomas, en etlét, ne trou-
vant pas les circonstances favorabl ss à une œuvre
dont la verve comique rappelait celle du Caïd, se
refusait à laisser jouer Gil . Mais l'au-
teur du poème, Thomas Sauva.-, ne comprenant pas
les scrupules de son collaborateur, pi — de voii
jouer son œuvre, s'adressa aux tribunaux, qui lui
donnèrent gain de cause. Gilles et Gillotin fut donc
donne par autorité' de justice, mais sans aucune
parlicipaiion du musicien, qui refusa de s'occuper
de la mise en scène et des répétitions.
Le sujet de Françoise de Rimini (Opéra, 1882 I ni
peu théâtral, le livret était mal construit. La musi-
que se ressentit de ces défauts et réussit médio-
crement. Découragé, sentant se produire dans la
musique française une évolution à laquelle il était
demeuré étranger, Ambroise Thomas n'aborda plus la
scène qu'une fois avec la Tempête, un ballet en trois
actes donné à l'Opéra,en 1889. 11 vécut encore quel-
ques années, et mourut à Paris le 12 février 1896.
Son œuvre a été très sévèrement jugée par cer-
tains critiques; Hugo Riemann parle du « manque
de conscience et de conviction artistique dont les
œuvres d'AMBROisE Thomas font preuve ». Un pareil
jugement semble bien dur. Sans doute, la musique
ENCYCLÙPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
du Caid, de Mignone\ à'Hamlet peut paraître démodée
aujourd'hui. Sans doute, A.MBROISE Thomas u'a p is en-
richi l'ail de formes nouvelles. Mais si on lui refuse
du génie, au mpins osl-il juste de lui reconnaître
du talent.
CATALOGl I M - ŒUVRES D'AMBROISE THOMAS
, 1 acte, i ipéra Comique.
mal 1838. Le P • la R g n'i e, 3 actes.
.'< janvier 1839. I t, Ci/M t, ballot, 3 actes. Opéra.
10 ma! 1843. Angélique et Mèior, 1 acte. Opéra-Comique.
10 octobre IM3. Mina on le Ménage n trois, 3 actes, Opéri
Comique.
111 juillet ISio. Uett i. ] ■ ;i 1 ]. ■! . 2 actes. Opéra.
3 janvier 1842. Le CaM, 2 actes. Opéra-Comique.
20 avril 1850. Le Songe d'une mut d'été, 3 actes. Opéra-Comiqu
5 juin 1851. Raymond ou le Secret de la reine, 3 actes. Opér
le a.o'il IsV_'. i.'-i'/.'/i'ir l'inautjuratinn île lu statue île l.coicii
• Ipera-Comiqu
i juin 1SS9. La Tempête, ballet, 3 actes. Opéra.
MUSIQUE REI [GIEUSE
Mes e île Requiem 1; m -, Pai :-, Richault.
22 novembre lsr.7. Messe s, 'tenue/le. Saint-EustachO.
■ r, ii i eir.e, Noire-Dame.
Trois Mulets.
MUSIQUE INSTRUMENTALE
Grand Quintette (2 violons, 2 altos et basse).
Quatuor à cordes, op. I. I. ipzig, Hofmeister.
Trio ; i m- | , viol . t vi iloncelle. Paris, Richault.
op. -i.
Dei( i Nocturnes.
I< i" or ]u mo a qualre mains.
MUSIQUE VOCALE
Si.i Romances italien e avec traduction frança
Choeurs pour voix d :
Bibliographie.
A. Aium. — Feuilletons ,le l'Assemblée
P. Fac
■ Arlieli-sur Hum/cl fon* la r.io,, rapine tic.
■listes. Paris, 1868, in-8".
-'.'»... «;•,'««/; rfi /'. f'uasftBi, \ enise, mai
I'KTis. — litoarajilae iinircrscllc tics musiciens.
A. l'or., in. — Supplément a la Biographie ut
Grove's. — Iktittmanj ,.; mnsic ami mtmeians, I.-.n.t-.ii. loin.
Hyacinthe Ktrcii. — llamlel... étude littéraire cl o , i
1872. in-18.
A. Pouoin. —Musiciens du dix-neuvième siècle. Paris, Fisehbache
HCGO RlEM,
Pari
Sccdo. — <;
.1. TlERSOT.
un- i/r
•'■/"«'. trad. il. Hcmuert.
"•»/,', ■' v.,1. Paris, 1859.
ufe Encyclopédie. Un Demi-Siè-
iii ères. Alcan, collée-
I"' juin et 15 novembre ISJ1 ; la Cour ,le Ccliiucne.
1855; Psyché, 1e» février 1857; le Carnaral île
15 décembre 1857; /e Songe d'une nuit d'été, 15
1859; /c Bomon d'Elvire, 15 mars 1860; Mignon,
cembre 1866; Hamlet, l« avril 1868; article d<
HuiiY, 15 i
1882.
. Article deJDL
îars '
M. Charles-Marie Widor naquit à Lyon le 22 ou le
24 février l84o (ses biographes donnent les deux
dates). Sa famille, d'origine hongroise, s'était fixée
d'abord en Alsace, où son grand-père était facteur
d'orgues, puis à Lyon, où son père devint organiste
à l'église Saint-François. Dès son enfance, la vocation
musicale de M. Widor trouva dans sa famille une
atmosphère propice pour se développer et s'épa-
nouir : tout jeune, parait-il, formé par les leçons de
son père, il improvisait déjà avec une grande habi-
leté sur l'orgue de l'église Saint-François.
Mais son esprit était ouvert à toutes les manifes-
tations de la beauté; dans sa jeunesse, il lit de la
peinture, et de ses études classiques il conserva cette
précision du style, cette légèreté de plume qu'il ma-
nifesta plus tard dans les articles qu'il signait à VEs-
laf'elte du pseudonyme d'Aulélès ou de Tibicen, dans
ses chroniques du Piano-Soleil, et dans les nom-
breuses éludes que ses fonctions de secrétaire de l'A-
cadémie des beaux-arts l'amenèrent à écrire.
Son édution musicale, commencée au foyer pa-
ternel, se poursuivit au Conservatoire de liruxelles :
Lemmens fut son professeur d'orgue, Fétis, l'auteur de
la Biographie universelle des musiciens, lui enseigna
la composition.
Organiste de l'église Saint-François à Lyon, il s'ac-
quit rapidement une telle réputation, qu'il était ap-
pelé comme expert pour présider aux inaugurations
d'orgues en France et même à l'étranger. En 1*09,
il devenait organiste de Saint-Sulpice, poste qu'il
occupe encore aujourd'hui. Directeur et chef d'or-
chestre de la Concordia, société chorale où fut exé-
cutée en particulier la Passion selon suint Mathieu do
Bach, successeur de César Franck comme professeur
d'orgue au Conservatoire en 1891, nommé en 1896
dans la chaire de composition en remplacement de
M. Théodore Dubois, M. Union était élu membre de
l'Académie des beaux-arls de Berlin en 1906, membre
de l'Académie de Bruxelles en 1 907, membre corres-
pondant de l'Académie de Stockholm en 1909. Le
29 octobre 1910, il était choisi par l'institul pour occu-
per le fauteuil de Lenepveu, el le 18 juillet 1914, à
l'unanimité, ses collègues de l'Académie des beaux-
arts le désignaient comme secrétaire perpétuel de la
Compagnie.
Très répandu dans le monde, agréable causeur,
travailleur acharné, exécutant remarquable non seu-
lement à l'orgue, mais aussi au piano, M. Widob a
tout abordé, théâtre, symphonie, musique de cham-
bre, mélodies.
Ses œuvres de théâtre L'ont fait connaître du grand
public; le ballet de la Korrigane, en collaboration
avec Coppée, représenté à l'Opéra en issiu; Jeanne
d'Arc, une pantomime donnée a l'ancien Hippodrome,
Cttnlc d'Avril adapté par Dorchain de la Soirtfe des
rois de Shakespeare, joué à l'Odéon en 1S85, con-
nurent la meilleure fortune. Ma'Ure Ambros, sur un
livret de Coppée et de Dorchain, étonna un peu le
public à son apparition à l'Opéra-Gomiqi n 1886.
Enfin, en 1905, M. Wiuou donnait sur la même scène
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L INSTITUT DE FRANCE 3565
les Pécheurs de Saint-Jean. Un opéra, Nerto, en colla-
boration avec Mistral, dont Imbert annonçait la com-
position, n'a jamais été terminé.
La réputation de ses œuvres d'orchestre et de sa
musique de chambre franchit les frontières; Liszt
joua à Weimar la Sonate pour piano et violoncelle;
M. Widou lui-même dirigea à Londres l'exécution de
quelques-unes de ses œuvres.
Mais dans l'opinion commune, l'organiste a éclipsé
le compositeur. Nourri de J.-S. Bac», dont il a entre-
pris une grande édition avec le concours de Schweit-
zkr, du haut de son buffet d'orgue de Saint-Sulpice,
M. Widor a vu se heurter les grands courants de la
musique; mais au-dessus de la mêlée, sans nulle ma-
nie roulinière, il est resté fidèle à l'esprit classique,
au style de contrepoint où il excelle. Lui-même a
expliqué, dans une préface, la genèse de ses sym-
phonies pour orgue. « L'orgue moderne, dit-il, est
essentiellement symphonique. A l'instrument nou-
veau, il faut une langue nouvelle et un autre idéal
que celui de la polyphonie scolastique. » Toutes ces
symphonies sonl écrites pour son orgue à lui, pour
le cadre de son église, comme la Messe à deux orgues
ei a deux chœurs avait été composée pour les res-
sources dont il disposait à Saint-Sulpice (les qua-
rante exécutants de la maîtrise et les deux cents
voix du séminaire). A travers l'ampleur des dévelop-
pements, les quatre premières symphonies conser-
vent encore quelque chose de la simplicité classique ;
les quatre suivantes marquent une étape nouvelle
el conduisent aux deux dernières, la Gothique et la
Romaine, qui commentent deux chants liturgiques,
V Introït de Noël et le Iiaee dies de Pâques.
CATALOGUE DES ŒUVRES HE M. WIDOR
nrnuune. ballet ''il deux actes. Opér
3 ai i"-. ' ipéra-Comique.
Jeanne J Arc, p ml ime. Ancien Hippodrome.
1 1 .'■.-. • i , i : ■ r.r l'JO.V Les Pêcheurs de Suiul-.tenu . ("péi
MUSIQUE D ORCUESTIIE
Trois Symphonies : Symphonia sacra, avec orgue; Symphonie an'
tique, avec chœurs : La Vu ' de Walpurgi , caprice sym-
phonique en :J parties.
Concerto pour piano et orchestre (Chàtelet, 19 novembre i re,
Concert i pour piano et orchestre.
Fantaisie pour piano et orchestre.
Ouverture espagnole.
Chorai el variations pour harpe et orchestre.
(■..,,, ■,,■! s», /,• m mi mineur pour violoncelle et orchestre.
Le Chant séculaire pour -"1" et chœurs.
Marche nuptiale.
MUSIQUE DE CHAMBRE
S
5 lise.
Suite polonaise.
Scènes de bal, op. 20.
Carnaval.
6 Morceaux de salon, op. 15.
Air de ballet, op. i.
Valses, op. 11.
Valses caracteristie/ues, op. 26.
Pages intimes.
Prélude, .\ndaute ?t Final, op. 17.
Andunie élégie.
Seherso brillant, op. 5.
Sérénade, op. 6.
L'Orientale, scherzo, op. 12.
I-J Feuillets d'album en 2 livres, op. 31.
la Barque, fantaisie italienne.
19.
Quatuor.
: Quintettes (avec piano ri mineur, op. : .
Sérénade pour piano, flule, violon, violoncelle, harmonium,
op. 10.
S Pièces pour violoncelle el pian.., op. 21.
4 Duos pour violon et violoncelle.
4 petits Trios.
Soirs d' A/sure.
5 Huas pour piano et orgue.
MUSIQUE VOCA1 G
Chœurs à quatre voix, sans accompagnement, op. 25.
6 Mélodies, op. 11.
o' Mélodies, op. 22.
S Mélodies pour baryton, op. ls.
Duos pour soprano et contralto, op. 30.
MUSIQUE RELIGIEUSE
Psaume CXIt pour 2 choeurs, 2 orgues et orchestre.
Messe pour 2 chœurs et 2 oi gués.
Motets.
S Symphonies d'orgue.
La Gothique, sympl l'oi »ue.
La Romane, '; mp ton
ARTICLES ET 1 1: I
Teelinl./iie de f orchestre moderne (Complément ;.u traité d'orchi 3-
li .i ti. .h de Berlioz).
Articles dans rEsiafe/te 'Aulei--:, le Piano-Soleil, le Correspondant
Préfaces.
v '"■ i r ■ icn re pei pétuel de
s, ! ond m. 1910.
I . - Portraits et étude.. 1'., I
Paul Locard. — Larousse mensuel, novembre l'J15; Musiea. dé-
' cembre 1919,
II. Riemann. — Dictionnaire de Mus,,/,,,-, Ir.i.l. 11 J
1899.
Reynaud (abbé Hector . — L'Œuvre de Ch. )i . 11
Girod, 1900.
Revue des tieui Monde., in Korrigane, 15 . i nbre issu; La
Pêcheurs de Saint-Jean, l :. janvier 1906.
L'ACADÉMIE DE FRANCE A ROME
4. — Ifistoriqne.
L'Académie de France à Rome fut fondée en 1666
grâce à l'initiative de Golbert. Ses commencements
sont obscurs, llien des années s'écoulèrent avanl qu ■
fussent constitués ses règlements définitifs. 11 n'en
est pas moins vrai que, dès le début du règne de
Louis XIV, de jeunes artistes ayant manifesté des
dons remarquables furent envoyés à liome pour y
étudier des modèles que l'on considérait alors comme
les seuls dignes d'être proposés à l'imitation de fu-
turs maîtres.
Sous l'ancien régime, l'Académie de Rome ne re-
çut que des peintres, des sculpteurs el
lectes.
Elle fut supprimée par la Convention en août 1793.
Mais un décret du Directoire du 3 brumaire an IV
(25 octobre 179o] la rétablit. Parce décret, le séjour
des lauréats en Italie était lixé à cinq années. Le
concours pour les prix de peinture, de sculpture el
d'architecture, institué en 179G, eut lieu pour la pre-
mière fois en 1797. Le directeur de l'Académie, Suvée,
ne s'installa à Rome qu'en 1801, et, quelques années
plus tard, il échangeait l'ancien palais de Nevers ou
palais Mancini qu'il avait d'abord occupé conlre la
:!.-.r,r.
ENCYCLOPÉnrE de ia musique et dictionnaire nu conservatoire
villa Médicis, qui, depuis lors, est restée le siège
officie] de l'Académie et la résidence des pension-
naires. Voici la liste des directeurs successifs de
L'Académie :
{<,',:;
- 1S28.
: schn [787-1 S70 — «8*0 et 1852.
S. Alauj i:- 1S6J — 1846.
■) Robert-Fleurv 1797-1890 — 1866.
!,,' m 1817- — 1867 et 1885.
11. Lenepveu 1819-1898) - 1873.
12. Cab : 12 1893 - 1879.
13. GuUla une 1822-1905) - 1891.
14. CarolusDuran (1837-1917) — 1904.
15. Albert Besnard (1849- .... — 1913.
16. Denys Puech (1S55- )... . — 1921.
Le prix de composition musicale ne fut institué
qu'en 1803.
S. Règlmicnt île l'Académie de France
â Rome (1008).
SOMMAIRE. — Chapitre I. Personnel de l'Académie à Rome. — 1.
Du Directeur. — 2. Des pensionnaires. — 3. Du traitement des
pensionnaires. — Des voyages. = Chapitre II. Travaux des pen-
sionnaires. — 1. Etudes générales. — 2. Etudes spéciales for-
mant les envois obligatoires. — Envois : a) des peintres ; b) de:
sculpteurs , c) des architectes; cl) des graveurs en taille-douce
e)des graveurs en médailles et en pierres fines: f) des compo-
siteurs de musique. = Chapitre III De l'exposition des envois
à Rome et à Paris. — Du rapport de l'Académie des beaux-arts
sur les envois. = Chapitre IV. De la retenue. — Des mesures
que peut entrainer la non-exécution des envois obligatoires.
= Chapitre V. Règles d'ordre établies à l'Académie de France à
Rome.
Chapitre I. — Personnel de l'Académie de France
a Rome.
1. Du directeur. — Article premier. — L'Académie
de France à Rome est placée sous l'autorité d'un di-
recteur, nommé pour six ans, par décret rendu sur
la proposition du ministre et choisi sur une liste de
trois candidats établie par L'Académie îles beaux-
arts.
Art. 2. — Le directeur, indépendamment de ses
fonctions administratives, exerce un contrôle sur les
travaux obligatoires des pensionnaires. Llcorre pond
avec l'Académie pour tout ce qui
vaux et intéresse l'art et les études. Il lient un re-
gistre spécial snr lequel sont inscrits, chaque année,
Les sujets des envois avec l'indication des
de ceux-ci, ainsi qu'il est dit à l'article 22.
Le directeur peut accorder aux pi
L'autorisation de voyager dans t'ir leurs
études. II peut leur accorder des congi 5. !1 devra
aviser immédiatement le ministre et l'Académie
des beaux-arts de toutes les autorisations de ce
genre qu'il aura données aux pensionnaires.
2. Des pensionnaires. — Art. 3. —
qui ont remporté les premiers Grands Prix de Rome
sont pensionnée par l'Etal, à savoir les peintres, les
sculpteurs, les architectes, les -laveurs en taille-
douce et les compositeurs musiciens pendant quatre
années; les graveurs en médailles et eu
troi années ' ,
Art. 4. — Tout pensionnaire est tenu de quitter
Paris au plus tard le 1er décembre; de justifier de
sa présence à Florence et de se trouver à Rome au
plus tard avant la fin de janvier. Faute par lui de
remplir ces obligations, il perdra son titre et ses
droits de pensionnaire, par arrêté ministériel rendu
après avis de l'Académie.
Art. 5. — Les pensionnaires en arrivant à Rome
doivent se présenter au directeur : ils ne peuvent
être reconnus par lui en qualité de pensionnaires
qu'autant qu'ils sont pourvus des documents officiels
établissant leur qualité de Grands Prix de Home. Ces
pièces sont enregistrées et remises ensuite aux titu-
laires. A la suite de cet enregistrement, le directeur
donne lecture aux pensionnaires du règlement qui
les concerne et leur en remet un exemplaire.
Art. 0. — Pendant leur séjour à Home, les pen-
sionnaires sont tenus d'habiter le palais de l'Acadé-
mie et d'y prendre leurs repas à une table commune.
Art. 7. — Les artistes mariés ne pouvant être ad-
mis au concours pour les prix de Home ni, par con-
séquent, devenir pensionnaires, le pensionnaire qui
se marierait pendant la durée de sa pension perdrait
le bénéfice de eeLte pension2.
Art. 8. — Tout pensionnaire désirant faire un
voyage d'études, exécuter des envois ou compléter
son exposition dans des conditions non prévues par
le présent règlement, devra en faire la demande au
directeur.
Le directeur pourra lui donner toute autorisation
à cet é^ard, sans cependant lui accorder aucune
indemnité supplémentaire.
3. Du traitement des pensionnaires; des voya-
ges. — Art. 9. — Chaque pensionnaire, en quittant
Paris pour se rendre a Rome, reçoit une somme de
600 francs pour les frais de son vo\ âge ;.
Art. 10. — Il est annuellement alloué à chaque
pensionnaire, pendant son séj our à Home, une somme
totale de 3.310 francs qui se décompose de la ma-
nière suivante :
i° Traitement annuel 2.310 fr.
Cette somme esl payée au pensionnaire dans les
ter - détermini ci-api
2,010 fi mes à raison de 167 fr. 50 par mois, qui
m m: .-il .- iiiij-i . i.;n ■ pensionnaire pour
-ii!-»' ai: . ■ -i-'- el i son enti - tien .
Kl 300 francs qui foi rm-iil uni.' retenue au fends de
réserve dmil il e-l lenu rumntè au pensiimi
fin de sa pension, comme il esl dil au chapitre tv du
présent ivrjlenienl.
2° Indemnité .le table 1.200 fr.
Une somme de 1,2 -h... m-- pai tête poui indem
nité de table de i lia ,- ouée au
directeur qui en l ■ ■ i* r . .mpie nu p (.-i-muaire à rai-
son de 100 francs par mois.
Tota)
En outre, les pensionnnaires reçoivent .:i La lin de
chaque ani une indemnité de frais d'études ré-
glée dans les proportions suivantes :
1. Nonobstant le retr im ni m
ensionnairea di 1 \. adéi li ! rance a Rome p u led
- i lu lion mue p ir le décret lu novembre i .-'
ctuellement en vigueur, l'Académie ala contkim ■ ie les dispositic
des anciennesorc) tan [ui i» ii. al p .urli - p lintre le
|.- .i elnleetes, t.- .- .i. i lit.- loin- et les i ompOSitl '" S il ■
musiquei la durée île la peu-i. n .1 eui | années el "i ipeitie .lus pour
I,-- peniti-"s Je p " -•' -■■- ' f '-- ■-' " --"i - > > n. i ni
fines seront remises en vigueur lorsque Les raisons d'économie 'tout
-',-,1 inspiré te dernier .1. I Ura-li'i I plu-.
J. I et .irtieie u été lilie par le iléri-el il
stipule iiuc les artistes mariés peuvent c rir pour le prix de
Il ■ I outefois li" peu iuini lires ai i expre
,lo Inirer un rlelnirs de I i vilU Me, II- i-. ni i- - eu 1 ur famille les aè-
de loger en dehors de 1 1 villa ilédic
ip tgnerail S Rome.
,: Ce chiffre a éU lifi* en
au retour seul porli r. N. 0. L. D.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 35CT
Petofcesfinde \ lr° ct 2° 5" / Pour frais
(S ^,de la copie peinte.
Sculpteurs Ire,2c, 3e 50
_ à= 300
S.rchilectes lre et 2° 50 )Bour frais de fouille
_ ..'"' 3e 600'. a l'occasion
— 4° 300 I de la restauration.
.,-,,, i Sans compter
Graveurs en médailles et l,c c , .,,, / les frais d.achat
P'erres "nei I de pierres fines.
i 1" 30 i pour frais d'achat
jrs en taille-douce.
Musiciens- Compositeur*
Pour frais de cop
de chaque envoi
[La situation des Grands Prix de Rome, en 1929, est la sui-
vante.
Pensions 20 ( francs.
Frais d'études :
Peintres, 1" année 2900 francs.
2= — 3 500 —
3= — 4 000 —
Sculpteurs, 1" année 2 900 —
2» — 3 500 —
30 — 4 000 —
Voyage en Grèce 3000 —
Indemnité marbre 12 000 —
— copie marbre 2 400 —
Architectes, 1» année -'son —
2e — 4 000 —
3e _ ' ' 5 000 —
Voyagi en Grèci 5 ) —
Graveurs en médailles,
iro année 2 000 —
ge — 2 000 —
3° — '. 2 000 —
Graveurs en taille douce.
ire année 1200 —
2o — 2 100 -
3= — 1 200 —
Musiciens, («année 500 —
■>■ — 500 —
:;■■ — 570
N. I". L. D.]
Art. 11. — Chaque pensionnaire,, à l'expiration de
sa pension, reçoit une indemnité de retour en France
de 600 lianes. Cette somme lut est versée à Rome1.
Art. 1:!. — Lorsque les pensionnaires sonl en
voyage, leur traitement leur est pavé à raison de
267 fr. :10 par mois par les soins du directeur -.
Art. 13. — route al --ace non autorisée par écrit
par le Directeur pourra entraîner, pour le pension-
naire, la perte de sa pension, prononcée par arrêté
ministériel, aptes avis de l'Académie des beaux-arts.
En tout cas, il n'aura droit, pendant la durée de toute
absence non autorisée, à aucun traitement, la somme
retenue devant faire retour au Trésor.
Nul pensionnaire ne peut quitter Rome, même
pour quelques jours, sans l'autorisation du direc-
teur de l'Académie.
Nul pensionnaire ne peut aller en Fiance que dans
des circonstances exceptionnelles. Les autorisations
de ce genre ne set ont accordées que d'après l'avis
de l'Académie des beaux-arts et sur le rapport favo-
rable du directeur.
Art. 14. — Les autorisations de voyager ne pour-
ront être données que dans des conditions de temps
telles que l'exécution des travaux obligatoires de-
meure assurée.
)>'-■>- uclueileimni -: ' [■ i 1
Art. 13. — lin ce qui concerne les musiciens com-
positeurs, après deux années passées à Rome et en
Italie, ils devront visiter l'Allemagne, l'Autriche-
Hongrie, et y séjourner au moins une année. Quant
à la dernière année de leur pension, ils la passeront
soit à l'Académie de France, soit dans le pays qu'ils
auront ebeisi, après en avoir fait part au directeur.
Les pensionnaires musiciens, à partir de l'époque
où ils auront quitté Rome, n'étant plus placés sous
l'autorité1 immédiate du directeur de l'Académie de
France à Rome, devront faire parvenir les travaux
constituant l'envoi de l'année au secrétariat de l'Ins-
titut, a Paris, le 6 juin, sous peine de perdre la rete-
nue imposée à tous les pensionnaires, comme ga-
rantie de leurs travaux et de leurs obligations.
Après que les pensionnaires compositeurs auront
définitivement quitté' Rame, cette retenuede garantie
sera renvoyée par le directeur au Ministère et ne
sera restituée aux pensionnaires que sur l'avis de
l'Académie des beaux-arts constatant que ces pen-
sionnaires ont rempli leurs obligations.
Chapitre II. — Travaux des pensionnaiuks.
Art. 16. — Les pensionnaires exécutent chaque
année des travaux dont le caractère, la nature et
l'ordre sont déterminés ci-api es.
Art. 17. — Les travaux des pensionnaires consis-
tent : 1° en des études générales propres ,i déve-
lopper l'instruction et le talent; 2° en des études
spéciales concernant chaque art et dont les résultats
constituent les envois.
1. Etudes générales. — Art. 18. — La bibliothè-
que de l'Académie esJ ouverte tous les jours aux
pensionnaires. L'entrée leur en est exclusivement
réservée, sauf les autorisations qui pourraient être
accordées par le directeur.
2. Etudes spéciales. — Art. 19. — Les études
dont le résultat constitue les envois et qui ont un
caractère rigoureusement obligatoire sont réglées,
pour chaque section et pour chaque année de la pen-
sion, de la manière suivante :
Art. 20. — En principe, tout pensionnaire qui,
ayant obtenu un deuxième premier grand prix,
n'aura a jouir que de trois ou de deux années de pen-
sion, devra, pour remplir ses obligations, exécuter
les travaux demandés par le règlement aux pension-
naires, à partir de la seconde ou de la troisième
année de leur pension.
Les musiciens, pendant leur séjour à l'Académie,
sont tenus de faire savoir au directeur quels sont les
sujets qu'il se propose de traiter.
L'acceptation de ces divers sujets d'envoi, de leur
développement et de leurs dimensions, sera inscrite
sur un registre spécial. l'Ile sera contresignée par
chaque pensionnaire en ce qui le concerne.
Si, dans le courant de l'année, un pensionnaire
est amené à changer le sujet de son envoi, il doit en
faire la déclaration au directeur. Dans ce cas nou-
veau, il est procédé ainsi qu'il a été dit ci-dessus.
Tous les ans, avant le 15 janvier, le directeur
adresse à l'Académie un rapport indiquant l'état
d'avancement des travaux de tous les pensionnaires :
à cet elTel, ceux-ci devront faciliter au Directeur les
constatations qui lui seront m cessaires...
Pensionnaires compositeurs de musique. — Le
pensionnaire musicien devra :
Dans la première année de sa pension :
1° Composer une œuvre importante de musique
'NCYC.I.OPÉniE OE LA MUSIQUE ET DICTIOXNAIRE OU CONSERVATOIRE
de chambre à son choix, de p
pour instruments à cordes;
■rence un quatuor
2° Composer six pièces de courte durée pour chant
à une ou plusieurs voix, avec accompagnement d'or-
chestre et réduction séparée pour chant et piano.
Dans la seconde année :
1" Composer soil une symphonie en quatre parties,
soit une œuvre symphonique, en deux parties au
moins, représentant la même somme de travail, avec
réduction de piano à deux ou à quatre mains en
partition ;
2° Composer soit une scène dramatique à un, deux
ou trois personnages, sur des paroles françaises ou
italiennes avec orchestre; soit un molet également
avec orchestre et réduction séparée, pour chant et
piano ;
3° Chercher dans les bibliothèques, parmi les
œuvres peu connues des xvie, xvne ou xvm" siècles,
vocales ou instrumentales, une œuvre intéressante,
la copier ou la mettre en partition, en la traduisant,
s'il y a lieu, en notation moderne.
La copie du pensionnaire sera déposée à la Biblio-
thèque du Conservatoire.
Dans la 3e année :
io Composer un oratorio sur des paroles fran-
çaises, italiennes ou latines : ou bien, à son choix :
soil une messe solennelle, soit une messe ieRequiem,
soit un Te Dcum, soit un grand Psaume; ou encore
une œuvre vocale et symphonique avec soli, chœurs,
et orchestre, en deux parties au moins, sur un poème
nouveau ou ancien; ou enfin un opéra, soit tragique,
soit comique, en deux actes au moins, sur un livret
nouveau ou ancien, pourvu que ce poème ou livret
ait été approuvé, soit par le directeur de L'Académie
de France à Home, soit par la section de composi-
tion musicale de l'Académie des beaux-arts.
Une réduction séparée, pour chant et piano, devra
accompagner L'œuvre envoyée;
2° Composer le morceau symphonique destiné à
être exécuté au commencement de la séance publi-
que annuelle de l'Académie, après avoir été préala-
blement soumis au jugement de la section de com-
position musicale.
Vnc réduction de ce morceau devra être faite pour
le piano à deux ou à quatre mains.
Dans la quatrième année :
1" Même programme que pour la première partie
des obligations qui incombent aux pensionnaires de
troisième année, en observant toutefois que le tra-
vail devra porter sur un sujet d'un genre différent;
2° Chercher dans les bibliothèques françaises,
parmi les œuvres de l'école française des xvie, vrii*
"ou xvme siècles, vocales ou instrumentales, une œuvre
intéressante, la copier ou la mettre en partition, en
la traduisant, s'il y a lieu, en notation modei ne.
La copie du pensionnaire sera déposée à la Biblio-
thèque du Conservatoire1.
Lrt. 32. — Les pensionnaires musiciens sont au-
torisésà intervertir l'ordre de leurs'envois. Toutefois,
l'envoi de troisième année devra toujours comporter
le morceau symphonique destiné à être exécuté au
commencement de la séance publique annuelle de
l'Académie des beaux-arts.
Si un pensionnaire entreprend un ouvrage impor-
tant : opéra, drame lyrique, oratorio, poème lyrique
et symphonique avec chœurs, etc., d'au moins trois
parties, il est autorisé à en répartir les envois, par
moitié environ, sur deux années consécutives de sa
pension.
En ce cas, ce travail se substituera à celui exigé'
par les premiers de la troisième et de la quatrième
année.
Nota. — Les pensionnaires compositeurs de mu-
sique jouissent de leur entrée aux théâtres lyriques
nationaux pendant le temps de leur pension qu'ils
sont autorisés à passer à Paris.
Chapitre III.
Exposition des
et a Paris.
1. Les p «
pliraient p;»*
raient déchu:
Pioette.
es musiciens sont avcrlis que ceux q
ngagemeots avec une scrupuleuse eia
. Jruils ,i la pension et au bénéfice de 1
,lr^. 33. — Les travaux obligatoires doivent être
mis à la disposition du directeur chaque année, le
Ier mai.
Art. 34. — Il y a tous les ans, au 8 mai et pen-
dant huit jours, exposition publique à l'Académie de
France des travaux obligatoires des pensionnaires
peintres, sculpteurs, architectes, graveurs en laille-
douce, graveurs en médailles et graveurs en pierres
fines.
Les travaux exécutés par les pensionnaires pein-
tres, sculpteurs, graveurs en taille-douce, graveurs
en médailles et graveurs en pierres fines de première
année, depuis leur arrivée jusqu'au mois de mai,
pourront figurer à cette exposition avec l'approba-
tion du directeur de l'Académie.
Cette exposition est. [précédée par l'exécution de
morceaux de musique de courte durée composés par
les musiciens de première et de deuxième année et
faisant partie de leurs envois.
Les pensionnaires musiciens de Ire année pourront
présenter à cette exécution deux des pièces de courte
durée, avec accompagnement d'orchestre, qu'ils au-
ront composées depuis leur arrivée.
.1/7. 3o. — Les pensionnaires musiciens de iro et
de -" année devront remettre leurs envois au direc-
teur de l'Académie à l'époque réglementaire, c'est-
à-dire le L« mai de chaque année. Les pensionnaires
musiciens ayant achevé leurs deux aimées de séjour
, R ime, ne pourront quitter l'Académie qu'après
avoir Livré au directeur leur travail de 2e année.
Les pensionnaires de Ie et L-« année sonl tenus de
raii i pai renir leurs envois le 6 juin au plus lard au
secrétariat de l'ïnslitut.
Tout pensionnaire qui n'aurail pas satisfail aux
clauses du règlement perdra ses droits à l'exécution
ivres au Conservatoire de musique.
i,7. 36. - Se sonl admis en principe h L'exposi-
tion du 8 mai que les travaux demandés par l : rè-
glement.
Toutefois, les pensionnaires qui se seronl com
plètement acquittés de leurs travaux n glementaires
pourront être autorisés par le directeur a exposer, en
même tempsjque ces travaux, les travaux supplémen-
taires qu'ils auraient exécutés.
Si ces travaux supplémentaires sonl soumis à
l'examen de l'Académie des beaux-arts, ils pourront
être exposés a Paris en même temps que 1rs envois.
Les pensionnaires de 4e année pourront être auto-
risés par l'Académie des beaux-arts à exposer à
Paris, en même temps que leur dernier envoi, leurs
envois précédents, ainsi que l'ensemble de leurs
travaux, études, compositions, etc.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 356
Art. 37. — Immédiatement après l'exposition de
Rome, les travaux des pensionnaires seront expédiés
à Paris pour être examinés par l'Académie des beaux-
arts, puis exposés pendant une semaine à l'Ecole
Nationale des beaux-arts. Cette exposition aura lieu
dans la seconde quinzaine du mois dejuin.
Art. 38. — Le rapport de l'Académie des beaux-
arts sur les envois des pensionnaires est adressé au
ministre, qui le fait insérer au Journal officiel. Copie
en est transmise au directeur de l'Académie de France
à Home, pour que chaque pensionnaire ait par ses
soins connaissance des parties de ce document qui
le concernent.
Chapitre IV. — De la retenue. — Des mesures oie
PEUT ENTRAÎNER LA NON -EXÉCUTION DES TRAVAUX
OBLIGATOIRES.
Irt. 39. — La retenue mensuelle exercée sur les
traitements des pensionnaires étant destinée à ga-
rantir l'exécution de leurs travaux, nul d'entre eux
n'aura droit à toucher le montant de cette retenue
avant le terme de sa pension et avant qu'il ait rem-
pli toutes les obligations réglementaires.
Art. 40. — Toutefois, si un pensionnaire justifie
auprès du directeur du besoin qu'il a d'une partie de
sa retenue pour terminer son travail de dernière
année, il pourra en obtenir une partie qui, en aucun
cas, ne dépassera la moitié de la somme totale. Le
solde de la seconde moitié' ne pourra être touché-
avant que le dernier envoi soit accepte par l'Acadé-
mie des Beaux-Arts1.
Art. il. — Tout pensionnaire qui n'aura pas exé-
cuté son travail de dernière année ou ne l'aura pas
livré au directeur de l'Académie pour être exposé à
Home ne touchera pas sa retenue.
Art. t2. — Lorsqu'un pensionnaire aura laisse s'é-
couler deux années sans satisfaire à ses obligations,
sa retenue, ou la partie restante de sa retenue, fera
retour au Trésor.
Art. 43. — Quand un pensionnaire n'aura pas rempli
ses obligations pendant deux années, l'Académie des
beaux-arts sera saisie du fait par le directeur. Elle en
fera l'objet d'un rapport au ministre en demandant
que le pensionnaire soit privé de sa pension, sauf le
cas où il pourrait invoquer un cas de force majeure.
Ch,
?ITRE V. — RÈGLES D'ORDRE ÉTABLIES
a l'Académie de France a H ime.
Art. 44. — Le temps des pensionnaires devant être
exclusivement consacré à l'étude, il leur est interdit
de se livrer a aucun travail de spéculation.
Art. ï'i. — La distribution des chambres et des
ateliers se fait par le directeur de l'Académie, à rai-
son de la nature de chaque art, et en tenant compte
du droit d'ancienneté de nomination des pension-
naires.
Les pensionnaires ayant terminé leur pension de-
vront rendre libres les locaux qu'ils occupent, aussi-
lét apiès l'exposition des envois de Rome.
Un état de.- lieux est dressé à l'arrivée de chaque
pensionnaire.
Art. 46. — 11 est expressément interdit d'emporter
hors du Palais de l'Académie les livres et autres
objets appartenant à l'établissement.
Art. 47. — Il est expressément défendu de trans-
porter les plâtres de la galerie de sculpture et d'ar-
chitecture hors du lieu où ils sont placés pour l'é-
tude commune, sans l'autorisation du directeur.
Art. 48. — Chaque pensionnaire est responsable
pécuniairement du mobilier de sa chambre et de son
atelier; il doit, avant son départ de Rome, le repré-
senter au complet et en bon état au directeur de
l'Académie.
Art. 49. — Les pensionnaires se réunissent aux
heures indiquées à une table commune pour le
déjeuner et le dîner. Les repas sont servis dans la
salle destinée à cet usage. Les pensionnaires ne peu-
vent invitera leur table aucune personne étrangère
à l'Académie.
Il est interdit de prendre les repas dans les cham-
bres, à moins d'indisposition constatée par le service
médical.
Art. 50. — 11 est interdit aux pensionnaires de
retenir pendant la nuit dans le Palais de l'Ai adérajé
de France qui que ce soit, sous quelque prétexte que
ce soit.
Pour le maintien de l'ordre et la sûreté, les portes
du Palais doivent être fermées à minuit.
Art. ai. — Les pensionnaires, placés sous la pro-
tection du gouvernement de la Répub/iqu
n'oublieront jamais que leur conduite doit être
irréprochable.
Art. 52. — , Tout pensionnaire qui aurait commis
une infraction grave aux lois du pays dans lequel
il se trouvera, pourra, sur le rapport du directeur de
l'Académie adressé au ministre, être privé de sa
pension.
:i. Liste des lauréats des concours
au Grand Prix de Itoiuc.
i. 'imposition musicale'. — Alcijoae, scèi.-a
citoyen Arnault. — Grand Prix : A
Paris, en 1781, élève du citoyen Gossec.
Grand Prix. —
le 8 avril 1780, élève
Paul), né ;i bunkerque, le 3 1
ihe. — Pas de
i), né àNaples,
Victor-Cliai'k-s-
: de M. Gossec.
1805.
— Cupiion pleurant Psyché, par M. Arnault.
'a Dunker-
.-.,■.
i r80, ilèved mm. Gossec et Cvtel.
1806.
i
tor. — Grand Prix
1788, élève ■!" M. ' ■ ■ . — Second Pri
i -ure.
1807.
né à Givel Ardennes
—
Iil.OSDE.U- AU
de M. Mêhcl.
1808.
Marie Stuiirl ,
Prix : Bloxdi ■ ■ .
élève de M. M: econd Prix.
: ... — ■
. (Joseph), né à Givel
s.-.-i
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
21 juin 1790, élève de M. Muni.. — Seconda Prix : Beaulieu
(Marie-Désiré-Martin), né ii Paris, le il avril 1791, élève de
M. Mi ht-i ; Vidal (Jean-Jacques), né à Sorèze(Tarn), le 7 mars
1789, i lève de M. Gossec.
1810.
Hèro, cantate, p ir M. de Saint- Victor. — Grand Prix : Beau-
.ii i Marie- DésiréTMartin), né à Pan», le il avril 1791, élève,de
M. Meuul.
1811.
Ariane, cantate, par M. de Saint-Victor. — Grand Prix : Che-
lari. (Hippolyte-André-Jean-Baptiste), né à Paris, le 1" février
1789, élève de M. Gosskc. — Second Prix : Cazot (Félix), né à
Orléans, en 1790, élève de M. Gossec.
1812.
ta Duchesse île La Vallière, cantate/par M.d'Avrignj . — Grands
Prix : Hérold (Louis-Joseph-Ferdinand), né à Paris, le 29 jan-
vier 1791, élève de M. Méhul; Cazot (Félix), né à Orléans, le
6 avril 1790, élève de M. Gossec.
1813.
Herminie, scène lyrique, par M. Vieillard. — Grand Prix : Pan-
i , \a.u-io. Mathieu), né à Paris, le 20 avril 1795, élève de
MM. GossEcJet Berton. — Second Prix : Roll (Pierre-Gaspard),
née Poitiers, le 5 octobre 1787, élève de MM. Reicha et Berton.
1814.
Atttitt, cantate, par M. Vieillard.— Grand Prix : Roll (Pierre-
Gaspard), né à Poitiers, le 5 octobre 1787, élève de MM. Reicha
et Berton.
1815.
CEnone, scène lyrique, par M. Vieillard. — Grand Prix : Be-
noist (François), né à Nantes, le 10 septembre 179-5, élève de
M. Catel.
•1816.
Les deniers nuane ,: ■ ' Ta; .e, cantate, par M. de Jouy. — Pas
de Grand Prix. — Seconds Prix : Batton ^Désiré-Alexandre), né
a Paris, le 2 janvier 1798, élève de M. Cherubini; II.vi.évy (Jac-
ques-Fromental-Elie), né a Paris, le 26 mai 1799, élève de
M. Cherubini.
1817.
Mort d'Adonis, cantate, par M. Vinaty. — Grand Prix: Batton
trhr , né à Paris, le 2 janvier 1798, élève de
M. Cherubini. — Second Prix : Halévï (Jacques-Fromental-
Elie , ni a Paris, le 26 mai 1799, élève de M. Cherubini.
1818.
Jeanne d'Arc, cantate, par M. Vinaty. — Pas de Grand Prix.
sec md Prix : Leborne (Aimé-Ambroise-Simon), né à Bruxelles,
le 29 décembre 1797, élève de M. Cherubini.
1819.
Ileiiiiinie. cantate, par M. Vinaty. — Grands Prix : Halévt
(Jacques-Fromental-Elie), né à Paris, le 26 mai 1799, élève de
M. Cherubini: Massin, 'lit Turina (Pierre-Jean-Paul-Crépin),
né à Alexandi ie.le ; : I T ■ ■ T . élève de M. Reicha. — Second
Prix : Poisso ri . nt-René , né à Paris, le 8 juin 1796,
élève d i M. l: ■ . — Médaille d'argent : Defhange (Benoît-
Kmmanuel). né à l'a: eu i;:i:,, ,'■ I .'_■ v .- . I . ■ M. Reicha.
1820.
:
Victor-Etienne),
M. Berton.
; .
(Kd.mar.
ud Prix :
9 dècem-
:T(Louis-
1821.
M. Vinaty.— Grand Prix : Rifact (Louis-
à. Paris, le 11 janvier 179S, élève de
1822.
ni. scène lyrique, par M. Vinaty. — Grand
t iseph- luguste . né • Vi rsailles, en juin
rsi r.i-R. — Seconds prix : Barbereaï (Au
P embre 1799,
Fontmii m i : Hippulyte-Honoré-
î(Var), le 25 juin 1799, élèvede M. Chelard.
- Grands Prix : Boilly
799, élève de MM. Boïel-
é .i Gand, le 27 décem-
ndsPrix : Simon (Maxi-
eve de M. I.esueur; La-
1805, élève de MM. Boïel-
li.ion (Al-
FÉTIS.
lillet 1803,
1825.
scène lyrique, par M. V
et FÉTI'
6 mars
à Pari-
— Grand Prix :
de MM, Berton
rix : Paris (Claude-Joseph), né à Lyon, le
M. Lesuedr ; Adami Adolphe-Charles), né
03, élève de MM. LI.iiei.uied et Reicha.
Herminie, cantate, par M. Vinaty. — Grand Prix : Paris (Claude-
Joseph), né a Lyon, le 6 mars 1901, élève de M. Lesuecr. —
Seconds Prix : GciRAUD(Jean-Baptiste),né à Bordeaux, en 1803,
élève de M. Lesceur : Bienaime (Paul-Emile:, né à Paris, le
7 juillet 1802, élève de MM. Berton et Fétis.
1827.
. Berton. — Grand Prix : Guiraud
aux. en 1803. élève de MM. Lescecr
: : Ross-Despréadx I Guillaume . né a
ptemli.e 1801 , élève de
Orphée, cantate, pa:
(Jean-Baptiste), néà Bi
et Reicha. — seconds
Clermunt (Puy-de-Dô
M. Berton; Gilbert (Alphonse:, né à Paris, le 29 janvier 1S04
élève de M. Berton.
1828.
Herminie, cantate, par M. Vieillard. — Grand Prix : Ross-Des-
preaux (Guillaume), né a Clermont (Puy-de-Dôme), le 20 sep-
tembre 1801, élève de M. Berton. — Seconds Prix : Berlioz
(Louis-Hector), né à la C.jte-Saint-André (Isère), le 11 décembre
1803, élève de MM.Lesui i b el Reicha ;Narseot (Pierre-Julien ,
né à Paris, le 8 juillet 1799. élève de MM. Les. sur et Reicha.
1829.
Clèàpûtre, cantate, par M. Vieillard. — Pas de Grand Prix. —
Premier Second Prix : Prévost (Eugène), néàParis, le 23 avril
1809, élève de M. Lesuecr. — 1 xieme >econd Prix : Mont-
fort (Alexandre . néà Pan-, le 12 mai 1803, élève de MM. Ber-
ton, BoTELDIEU et FÉTIS.
1S30.
Sarianapale, cantate par M. Gail. — Grands Prix : Berlioz
(Louis-Hector), né à la Cole-Saint-André (Isère), le 11 décem-
bre 1S03, élève de MM. Lesuecr et Reicha; Montfort (Alexan-
dre), né à Paris, le 12 mai 1803, élève de MM. Berton, Boeïl-
diei el Fétis. — Second Prix : Millault (Laurent-François-
Edouard), né à Paris, le 13 février 1S0S, élève de MM. Boïel-
DIEU, Lescelu et FÉTIS.
1831.
Bianca Capello, cantate par m. le comte de Pastoret. — Grand
Prix: Prévost Eugène), ne., Paris, le 23 avril I
M. Lesie.r. — Seconds Prix : Lagrave (Pierre), néà Paris,
le 10 mai îSl l . i : vi '•: [. Iertos el Fétis ; El wart (An-
toine), né à Par s, 1 i ibi 1808, i lèvede M \i
et Fétis. — Mention honorable : Phomas (Ambi -
Metz (Moselle), le 5 août 1811, él. ! MM. Lksui
1S32.
Hermann el h !
- Grand Prix :
élève de MM. Li
kan (Charles-Val
de M. ZlMMERMA
.m. il . le ; déc
■ m. le comte de Pastoret.
ne a Metz, le è aofil 1811,
Mentions h . i
I 813, .lève
: , né , M H
I. I. I ' I 1.
I e Contrebandie ■ espa moi, s. eue i, rique, iai M de Pastoret,
_ Grand Prix : ["hys (Alphonse , né àParis, le 9 m u - 1807 .
élève de MM. B .; on el Bienaime, I Grand Prix : Le-
Ldolphe-Claii . n i i
de MM. Lbsubi e el Fi ris,
1834.
/ EnlrUenhttt par M. Gail G ind Prix : Elwart (An-
toine . né e i ' VI Lesoei u
el fi. u-. — Second Grand Prix : Coli t (Hue. ly te Ra; od ,
né à Nîmes (Gard), le 5 novembre 1808, i ve I MM. Berton
et Reicha. — Deuxième Second Gr. u 1 !■.■•■ . l: blot (Xa-
vier . né a Mei:l: 'Mot, le .: .!■■, emle • 1 s 1 1 élève d MM. Ll -
sdei r. ei Fbtis. — Mention : l'n, i i (lieii i, m i .. ... -
(Seine), le I 1 octobre 1816, élevé de MM. Li sdei c. et Réoipo.
1835.
Achille, scène lyrique, par M. Paulin. — Grand Prix : Bol
langer (Ernest-lienri-Ale.v.ii.liv , ne a pan-, le 16 -cptembi,
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3571
1S15, élève de MM. Lesueur et Halévy. — Second Grand Prix :
Db Lacour (Vincent-Conrad-Félix),néà Paris, le 25 mars 1808,
élève de MM. Berton, Fétis et Boily.
1836.
Vellédu, scène lyrique, par M. Bignon. — Grand Prix : Bois-
selot (Xavier), né à Montpellier (Hérault), le 3 décembre 1S11,
élève de MM. Lesueur et Fétis. — Second Grand Prix : Be-
sozzi (Louis-Désiré), né à Versailles, le 3 avril 1S14, élève de
MM. Lesueur et Bahbereau.
1837.
Mttrie-Sluart et Rizzio, scène lyrique, par M. Léon Halévy. —
Premier Grand Prix : Besozzi (Louis-Désiré), né a Versailles,
le 3 avril 1S14, élève de MM. Lesueor et Barberbau. — Pre-
mier second Grand Prix : Choli.et (Louis-François), né à Paris,
Ie5 juillet 1S15, élève de MM. Berton et Zimmermann aine. —
Deuxième second Grand Prix : Gounod (Charles-François), né
à Paris, le 17 juin 1818, élève de MM. Reicha, Halbvt et LE-
SUEUR.
1838.
La Vendetta, cantate, par M. le comte de Pastoret. — Premier
Grand Prix : Bousquet (Ange-Georges-Jaccfues), né i> Perpi-
gnan (Pyrénées-Orientales), le limais 1*1$, élevé île MM. Ber-
ton et Le Borne. — Second Grand Prix : Deldevez (Edme-
Marie-Ernest), né à Paris, le 31 mai 1817, élève de MM. Ber-
ton et Hai.evy. — Deuxième second Grand Prix : Danci.a
(Charles-Jean-Baptiste), né à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Py-
rénées), le t9 décembre 1 s 17 , . |. \e I MM. Berton et Halévy.
— Mention honorable : Rooer (Alexis-André), ne à Chàteau-
Gontier, le 11 juin 1S14, élève de MM. Lesueur et Pair.
1839.
Feriiand, scène lyrique, par M. le comte de Pastoret. — Pre-
mier Grand Prix : GooNon (Charles-François), né i lui-, I.
17 juin 1818,élèvede MM. Lesueur, Reicha, Paér et Halévy.
— Second Prix : Hvzin (François-Emmanuel-Joseph), né à
Marseille, le -1 septembre 1816, élève li MM. Berton el Haléï i
1840.
Uètoïse de Uontfort, cantate, par M. F. De3Champs. — Premier
Grand Prix : Bazin (François-Eminanuol-Joseph), né à Mar-
teille.le ^septembre 1816, élève de MM. B i ton et Halévy. —
Deuxième Gi ind Pris : Bâti li I le-Ed mard), né à Paris,
le 28 mars 1820, élève de M. Halévy. - Mention honorable:
Coreldi de Garaudi Alexis-Al né a Choisy-le-
Roi (Seine), le 27 octobre 1821, élèvi de M. Paér.
1841.
Lionel h'oaeuri, cantate, par M. le marquis île Pastoret. — Pre-
mier Grand Prix : Maillard [.oui- , né à Montpellier, le
2 1 mai- 1817, élève de MM. LeBorne etBARBEREAU. — Second
Grand Pi t : Mo i Dési é-Théod ri , né à Paris, le 25 janvier
i*:-, le MM. B el Halévy; — Deuxième Second
Grand Prix : i i.reldi ne Gui.m m Ah-xis-Albcrt-Gauthier), né a
Choisy-le-Roi (Seine), le 27 octobi 1821, élève de MM. Pu i, el
Hai.evy.
1842.
Lu Reine flore, ballade des rives du Mein, par le marquis di
Pastoret. — Premier Grand Prix : Roger Ab\i--Au lu' . ne ..
Château-Giron (Mayenne), le 17 juin 1814,' élève de MM. Ha-
i.evy et Carafa. — Second Grand Prix : Masse (Félix-Marie, dit
Victor), né à Lorient (Morbihan . I : mars 1822, élève de
MM. Halévy et Zimmermann.
1843
Le Chevalier enchanté, cantate, par M. le marquis de Pastoret.
— Pas de Grand Prix. — Second Gi m I Prix : Duvernoy 'Henri
Louis-Charles), néà Paris, le 16 vetri : 1820, élève de M. Ha-
lévy. — Mention 1 rable M . .. \ las-Alexandre), né
a Bourmont (Haute-Marne), en IS19, ève leM. Fetis.
1844.
Le Renégat de Tanger, cantate, par le marquis de Pastoret. —
Premier Grand Prix : Missi l-v;.\-Marie. dit Victor:, né à Lo-
rtenl Morbil le 7 mars IS22, llève de MM. Halévy et Zim-
mermann. — Ii.-iim m p i Prix : Renaud de Vil-
■ .... i Montpellier, le 3 juin IS29, élève de M. Halévy.—
Second Grand Prix Msm is lean-Henri), né à Paris, le
3 janvier 1819, élève de M. Calai i.
1845.
Imagine, cantate, par M. Vieillard. — Pas de Premier Grand
Prix. — Second Grand Prix : Ortolan (Eugène), né à Paris, le
1" avril 1824, élève de MM. Berton el II Llévy.
1846
Velasquez-, cantate, par M. C. Doucet. — Premier Grand Prix :
Gastinel (Léon-Gustave-Cyprien) , né à Villiers-les-Pots (Côte-
d'Or), le 13 août 1823, élève de M. Halévy. — Mention honora-
Cha
M. Ci
Josepb-
icy, le 24 jar
1-27,
1847.
L'Ange et Toiie, cantate, parM. Léon Halévy. — PremierGrand
Prix : Deffés (Pierre-Louis), né à Toulouse", le 25 juillet 1819
élève de M. Halévy. — Premier second GrandPrix : Crèvecœur
(Joseph-Eugène), né à Calais, le 12 janvier 1819, élève de
M. Colet.— Deuxième Second Grand Prix : Ch.iri.ot (Joseph-
Auguste), né à Nancy, le 21 janvier 1S27, élève de M. Carafa.
1848.
Vamoclés, cantate, par M. Paul Lacroix. — Premier Grand
Prix : Duprato (Jules-Laurent), né à Nimes, le 26 mars 1827,
élève de M. Le Borne. — Premier Second GrandPrix : BazillÈ
(Auguste-Ernest), néà Pari-, le 27 août 1828, élève de M Ha-
lévy. — Deuxième second Grand Prix : Mathias (Geor»es-
Amédée-Saint-Clair), né à Paris, le li octobre 1826, élève" de
1849.
Antonio, cantate, par M. Camille Doucet. — Pas de Premier
Grand Prix. — Premier Second Grand Prix : Cahen (Ernest),
i Paris le 1- .Hun 1S2S. élève de MM. AaiMetZiMMKR
Deuxième Second Grand Prix : Johas !
Pan
le -i mais 1827, élève de M. Ci
1850.
Emma et Eginhard, cantate, par M. Bignan. — Premier Grand
Prix : Charlot (Joseph-Auguste), né à Nancv, le 21 janvier
1S27, élève de MM. Carafa et Zimmermann. — Second Grand
Prix : Morhange-Alkan (Napoléon), neà Paris, le 2 I
élève de MM.ADAMel Zimmermann. — Deuxième Second Grand
Pl'\ : HloN Vltl, Je Ml Polli- A I'l - 1 1. 1- • .■ , Ile 11 Nalilc, |o L'O mal
1822, élève de M. Halévy.
1851.
Le Prisonnier, cantate, par M. Edouard Monnais.— Premier
GrandPrix : Delehei.lé (Jean-Charles-Alfred), né a pans le
12|anvier H2C, élevé de MM. Adam et Colet. — Second Grand
Prix : Galibert (Pierre-Christophe-Charles>, né à Perpi-nan
le 8 août 1S2<5, élève de MM. Halévy et Bazin. — Deuxième
Second Grand Prix : Cohen (Léonce), né a Paris, le 12 février
1829,i ce de M. Leborne.
Li Retour de Virginie, cantate, par M. Rollet. — Premier Grand
Prix : Cohen (Léonce), né à Paris, le 12 févriei I -
M. Leborne. — second Grand Prix : Poise [Jean-Alexandre-
Ferdinand , né à Nîmes, le 3 juin 1828, élève de MM Adam et
Zimmermann.
1853.
Le Rocher ,1 Appenzel, caniate, pai M. Edouard Monnais.—
Premier Grand Prix : G, i i, , : , ,. t., -Charles), né
a Pi iin-1. au. le - août IS26, éb ve i MM. Haï ... , et Bazin'. —
" ! Prix : Di n.iNi. 1 m: . :., , ~ ,;n t-Brieuc, le
16 février 1S30, élève de MM. Halévy et Bazin.
1854.
/ mcesi a de Ritnini, cantate, par M. Emile Bonnaure. — Pre-
mier Grand Prix : Barthe (Grat-Norbert), né à Bavonne (Bas-
ses-Pyrénées), le 7 juin 1828, élève de M. Leborne. — Secon 1
Grand Prix : Delannoy (Victor-Alphonse), né à Lille, le 2 sep-
tembre 1828, élève de M. Halévy. — Deuxième Second Grand
' itée, cantate, par M. Camille du Locle. — Premier
Grand Prix : Conte (Jean), né à Toulouse, le 12 mai 1830, élève
de M. Carafa. — Second GrandPrix : Gizos, dit Chéri (Victor1',
né a Auxerre (Yonne), le li mars 1830, élève de MM. Adam
et Zimmermann.
1856.
itate, par M. Gaston d'Albano (M"o Chevallier de
- Pas de premier Grand Prix. — Premier second
Grand Prix: Bizet ( Alexandre-César-Léopold , dit Georges),
né à Paris, le 25 octobre 1S3S, 'élève de MM. Halévy el Zim-
mermann. — Deuxième second Grand Prix : Lachemié (Eugène),
né à Paris, le 7 juin 1831. élève de MM. Halévy et Barbereau.
— Mention honorable : Faubert (Pierre., né à Toulouse, le
21 novembre 1S2S, élève de M. Carafa.
1857.
Clovit el Clolilde, cantate par M. Ain. Burion. Premier Grand
Prix: Bizet (Alexandre-César-Léopold, dit Georges1, né i
Paris, le 25 octobre 1S3S, eleve de MM. Halévy et Zimmer-
mann. — Deuxième Premier Grand Prix: Colin (Charles-
Joseph), né à Cherbourg le 2 juin 1832, élève de MM.Ambroise
Thomas et Ad. Adam. — Second Grand Prix : Faubert (Pierre),
né a Toulouse, le 21 novembre 1S2S, élève de M. Carafa. —
3372
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Menti")i l...n..raliU- : Culro, yrier (Edmond-Marie . né .1 Sablé
(Sarthe), le 7 février 1831, élève de M. Leborke.
1858.
Jephtt, cantate, par M. Emile Cécile. — Premier G an I Prix
David Si tel - aé B Paris, le 12 novembre l-
MM. HALÉn el Bazin. ■ Second Grand Prix: Chbrouvrieb
(Edmond-Marie . né il Sablé (Sarthe), le 7 février 1831, eleve de
M. Lehorxk. — M. mlion honorable: Pill-evessi Jules-François),
,„■. a Belleville (Seine), le 11 novembre 1S27, élevé de MM. Ca-
rafa et Rbber.
1859.
Bajtnel el te joueur de Jlute, cantate par M. Edouard Monnais.
_ iTrinii'i iiraii.1 Prix : Giikacd Ernest), né a la Xouvelle-
Oriéans, Il 23 juin 1837, élève de NI M. IIviiay ,-t l'-i »"'■.
— Second Grand l'ii\: l'nnois ■ :i . • • 1 1 . 1 1 ! ; i . n ..- : - - 1 S •*■**■• .
THOMAsel Bazin.— Première Mention honorable : Palaoilm
(Emile), né à Montpellier, le 3 juin 1844, eleve de M. Halhaa.
Deuxième Mention tionoralile : Deslandes ;'Adolphe-l-.d,,uaid-
Marie), né a Batignolles-Monceaux, le 22 janvier 1840, élève de
M. Leborne.
1860.
le Csar Ivan IV. cantate, par M. Théodore Anne. — Premier
Grand Prix : Paladilhe (Emile), né à Montpellier, le 3 juin
1844, élève de M. Halévy. — Second Gland Prix : Deslandes
(Adolphe-Edouard-Marie), né a Balignollcs-Moiiceaux. le 22 jan-
vier 1840, élevé de M. I.khop.ne. — Mention honorable ; I.koocix
(Isidore- Edouard), né à Paris, I" t« avril 1834, élève de
MM. Thomas et Reber.
1861.
Alttla, cantate, par M. Victor Roussy. — Premier Grand Prix :
Dcbois (Clément-François-Théodore), né à Rosnay (Marne), le
24 août 1S37, élève de MM. Ambr. Thomas et Bazin. — Premier
Second Grand Prix : Sai.omk (Théodore-César), né à Pans. |„
20 janvier 1834, élève de MM. Thomas el Bajih. — Deuxième
Second Grand Prix : Anthii ni Eugène-Jean-Baptiste), né à
Lorienl (Morbihan), le 19 mars 1836, élève de MM. Carafa et
Elwart.
1862.
Louise de Mêsiéres, par M. Edouard Monnais. — Premier
Grand Prix: Bonn, in.i-1» en, dm aï !.. on -- AII.-ji t ., né a. Nantes.
le 2 lévrier 1 - i 1 1 . élève de M. Ami, mise Tii„v„-, - st,,:,,]
Grand Prix: Danhatjsbr (Adolphe-LéopoH , né à Paris, le 26 fé-
Menlion honorable : Massenet (Jnle-Kmib:-F rédéric), né à
Monteaul (Haute-Loire), le 12 mai 1S42, élève de MM. Ambroise
Tbomas et Reber.
1863.
David Rizzio, pal M. Gustave Chouquet. — Premier Grand
Prix • Ma i ■ i -'i,!''- lin; -Frédéric), né à Monteant (Haute-
l.mre li' ' . ' 1-12. ,' 1- MM. Ambr. Thomas et Reber.
_ secon ! ' rand Prix Constahttn (Titus- Charles . né b Mar-
,i ,. r |s.:-,, ,.l,-v,' de M. A,nl,r. Tbomas. — Mention
honorable : Uriz Gustave-Rapha, 1 , ne ;, \
élève de M. Li borne.
1864.
Pendant huit années, de 1864 à 1871 inclusivement, les juge-
ninil- di ■ i ne m - i r les m ix de B -
décret Lnrpéi il du 13 1863
vlémie p. -i ,l- -I r *■ il: nu, s ;', lin jui v m
Composition musicale- — fmnhoè, par M. \ ici r ftoussy. —
Grand Prix: Sieg Charles-Victor), né à Turckheim (Haut-
Rhin), le -s 1 >:■■.:. élève ,1e M. Ambroise Tn
1865.
Bemnitt ,/,., ' ■,/,-, par M. C. du l.ocle. — Grand
Prix : Lekepved (Charles-Ferdinand , m- à Rou n, le i octobre
1810, élève de M. Ambroise Thomas.
1866.
\] louard Vierne. — Grand P
!• nu 1, ■ l...in-Fortuné . né à Montmartre (Semé), le 29 mai
1S43, elèvo
1867.
/,,' ilrruit'r des .[iieiieerimes, p:n M. i:,, nie Ocile. — Pas de
prix.
1868.
Daniel, par M. Emile
Rabdteao Vii : i . né à Pan-, le 7 jui il ie de
M. Ambrois • i i /« rilleb (Eugène
(Bas- H l,in . le V.'. déee nibre 1S i i, eleve ,1e M. Ai, i
1869.
'■■ nimini, par M. Georges Cliazal. — Grand Prix
■ li mi . né à Perpignan Pyré-
née^-iMienlab . le -iaoï'it 1846, élève de M. Reber.
Le Jugement de Dieu, par M. H. Dutheil. — Grands prix : l.
Maréchal (Charles-Henri), né à Paris, le 22 janvier 1842, élève
de M. Victor Massé; — 2. Lefebvrb (Charles-Edouard), né à
Paris, le 19 juin IS43, élève de MM. Ambroise Thomas et Godnod.
1871.
Jeanne d'Are, par M. Jules Barbier. — Grand Prix : Serpette
(Hcnri-Charles-Anloine-Gastoiij, né i Nantes, le 1 novembre
1846, élève de M. Ambroise Thomas. — Accessit : Salyavre
(Gervais-Bernard), né à Toulouse, le 24 juin 1847, élève de
M. Ambroise Thomas.
1872.
Par décret du 1 :î novemb:e t >7 1 . b - dispositions du décret
du 13 novembre 1863 -•■m ■'■• igées, el les jugements des con-
cours de Rome rendus à l'Académie des beaux-arts.
: Vicl H -sa. — Premier Grand Prix : Sal-
vayre (Gerrais-Bernard), ne à Toulouse, le 24 juin 1847, élève
de MM. Ambroise Thomas et Bazin. — Second Grand Prix :
Erhart (Léon), né à Mulhouse (Alsace , le 11 mai 1854, élève
de M. Reber.
1873.
Museppa, cantate par M. de Lauzières. — Premier Grand
Prix : Puget (Paul-Charles-Man, m 23 juin 1S4S,
élève de M. Victor Massé. — ■second Grand Prix : Hii.lemacher
IPaul-Joseph-Wilhelm), né à Pans le 23 novembre 1S32, élève
de M. François Bazin. — Mention honorable : Marmontel
(Antoine-Emile-Louis), né à Paris, le 24 novembre ÎS.'.O, élève
de M. François Baztn.
1S74.
Acis et Galalhèe, cantate, par M. Adenis. — Premier Grand
Prix : Erhart (Léon), né à Mulhouse (Alsace), le 11 mai 185i,
élève de M. Reber. — Second Grand Prix : Véronge de la
Nnx (Paul), né k Fontainebleau, le 29 juin 1853, élève de
M. François Bazin. — Million honorable : Wormser Amlré-
Alphonse-Toussaint), né à Paris, le lor novembre ism. lève de
M. François Bazin.
1875.
Clylemnestre, cantate, par M. Roger Ballu. — Grand Prix:
Wormser (André-Alphonse-Toussainl . né à Paris, le Pr no-
vembre 1S51, élève de M. Franco,- Bazin. — Mention hono-
rable : Dctacq (Amédée-Jean), né a NeuiuVj (Seine), le 18 juillet
[848, élève de M. Reder.
1876.
Judith, cantate, par M. Paul Alexandre. — Pren
Trix : Hillemacuer (Panl-.lo-eph-Yï ilh e|m ), né à Paris, le
25 novembre 1852, élève de m. Fran.-,.;, Bazin. — Deuxième
Premier Grand Prix : Véronge de i a Nrx Paul), né à Fontai-
nebleau, le 29 juin ls'33, élève île M. François Bazin. — Pre-
mier Second Grand Prix : lu rv ., ', ■ .!,■.■ I< an1, né à Neuilly
(Seine), le 18 juillet 1848, élève de M. Reber. — Deuxième
Second Grand Prix : i :
Neuve-Maison Aisne), le 11 juin 1853, eleve de M. François
Bazin.
1877.
Relieccii ii lu .'.iiiine, ,-uii.iiè. par M. pierre Barbier. — Pas
de Premier Grain! Prix. — Se,.. ml Grand l 'rix : Blani
ne à Lyon, le ïi.l mai - 1
Mention boi ' - né a i irehies
(Nord), le i niais 1851, élève de M. Vicl
1878.
Lu Fille île Jrpiile, cantate, par M. I M ird P.iiiiiand. — Pre-
mier Grand Prix : i:ie.i iihi ■- Nord .
i,. i mai 1S51, élève de M. Vicl ir M ssi — Denxièmi Premier
Grand Prix : R, îeai - ' :.■ a N eiive-Mais,.n
(Aisne), le il i 553, i re te M. 1 i B
m iiiiuii nom i,,biè : n :■ ,- ■ »es vd. Iphe), né b Ver
-ailles, le 6 mai 1858, élève de M. Ri : a — Deuxième mention
h rable : Dallieb Hem I
1379.
Hue (Georges- \,b,lph, , ,,,■ a \ ,.,■>, ,,,.,, r-
m i;. ai ■■ Sei 1 Grand l 'n - : ■ , i ., ■ ■■
Joseph-Edoi de m. Mvs-
SENET. — Melllioll I"
Paris, le 16 mai 1860, élève de M. M
1880.
Fitigal, cantate, par M. i lh irles Darcourt. -Pi
Prix : lin i ' ' nir.l'. né , Pans, le
10 i.iiiviei [860, élève d i M . M c nd Grand Pnx :
1
M. Massenet.
TECHMQUE, ESTIIÈTIQCE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3573
1881.
Gtaaiève, cantate, par M. V.. Guinand. — Pas de Grand Prix.
— Premier Second Grand Prix : Bruseau (Louis-Charles-Bona-
venturc-Alfred). aé à Pans, le 3 mars 1857, élève de M. Mas-
sbnet. — Deuxième Sec. nid Grand prix : Vio.u.(Paul-Antonin),
né à Toulouse, le 16 juin 1863. élève de M. Massenet. —
Mention honorable : Missv Ueau-I. nuis-Edmond), né à Reims
(Marne), le 12 juin 1861, élève de M. .Massenet.
1882.
Edilh, cantate, par M. Guinand. — Premier Grand Prix :
Mirtï (Eugène-Georges), ne à Paris, le 16 mai 1860. élève d"
M. Massehbt. — Deuxième Premier Grand Prix : Pishné (Henri-
Constant-Gabriel), né à Melz.le 16 août ISSU, .'-l-'\ .■ .le M. Mis
senet. — Mention honorable : Lekui x Xavier-Henry-Napoléon),
né a Rome, le 11 octobre 1863, élève de M. Massenet.
1883.
;..■ Gladiatenr, cantate, pai M. Emile Moreau. — Premier
Grand Prix : Vidai. Paul-Anlmini), né à Toulouse, le 16 juin
Isd:i. élève de M. MisM.NEr. - Premier Secuiid Grand Prix :
Debussy (Achille-Claude), né à Saint-Genn un-eu-I.aye , le
22 aoùl 1862, élève de M. Guiraud. — Deuxième Second Grand
Prix : René dit Bibard (Charles-olivier . né a Paris, le 6 mai
I S63, eleve de M. Léo DELIEES.
1384.
L'Enfant prodigue, cantate, pai \, Guinand. — Premier Grand
Prix: Debussy (Achille-Claude . né a Sainl-Gei main-en-Laye,
le 22 août 1862, élève de M Gdiradd. — Premii [ ^e »nd Grand
Prix : René dit Bibvri. m.. ! o i ai i Paris le 6 mai
1863, élève de M. Délires. — Deuxième M'i I Grand i i ■
Leroux (Xavier-IIemv-Nap. de, n , n H le 11 octobre
1863, élève de M. Massenet.
1835.
Endijmion. cantate, par M. Au.-e de Las-us. — Pj
Prix : Leroux (Xavier-Henry-Napoléon . né a Moine, le II oc-
tobre 1863. élève de M. Miss net. — Second Grand Prix :
Savard (Marie-Emmanuel-Aïu'iistin', iv à Paris, le 15 mai
1861, élève de M. Massenet. — Menlion lioiwr iMe '
(André), né à Paris, le 27 décembre 1856, élève de M. G tira éd.
1886.
La Vision de Siiiil, cantate, par M. Eugène Adenis. — Premier
Grand Prix : Savard Marie-Emmanuel-Augustin , né à Paris,
le lf. mai 1861, élève de M. Massenet. — Premier Second
Grand Prix : Kaiser Henri-Charles), né à Nancy (Meurthe-et
Moselle), le 11 mai 1861, élève d,. M. Massenet. — Deuxième
Second Grand Prix : Gèdalge i André), né à Paris, le 27 dé-
cembre 1856, élève de M. Guihaud.
1887.
Union, cantate, par M. Auizé de Lassus. — Premier Grand
Prix : Charpentier (Gustave), né le 26 juin 1860, k Dieuze
(Lorraine), élève de M. Massenet. — Premier Second Grand
Prix : Bachelet Georges), né Paris, le 26 février 1861, élève
de M. Goiraud. — li ai i Second Grand Prix: Erlanger
(Camille), né à Paris, le 25 mai IS63, élève de M. Deubbs.
1883.
Yellëda. cantate, par M. Fernand Beissier. — Premier Grand
Prix : Erlanger (Camille), né à Paris, le 25 mai 1863, élève
de M. Léo Delibes — Premier Second Grand Prix : DukaS
(Paul-Abrahami,né k Paris, le toroci0bre 1865, élève de M. Gui-
RACI).
1889.
Simêlè, par M. Eugène Adenis. — Pas de Grand Prix, ni de
Premier Second Grand Prix. — Deuxième Second Grand Prix :
Fournies (Emile-Eugène-Alix), né à Paris, le 11 octobre 1864,
élève de M. Léo Dei.ibes.
1890.
Cléopùlre. cantate, par M. Fernand Beissier. — Premier Grand
Prix : Carraud (Michel-Gaston), né au Mée (Seine-et-Marne),
le 20 juillel 1864, élève de M. Massenet. — Deuxième Premier
Grand Prix : Bachelet (Alfred-Georges), né à Paris, le 26 fé-
vrier 1S6S, élève de M. Goiraud. — Premier Second Grand
Prix : Lotz ( Charles-Gustave-Heàry ) , né à Biarritz (Basses-
Pyrénées), le 29 mars 186i, élève de' M. Goiraod. — Deuxième
Second Grand Prix : Silver (Charles', né k Paris, le 16 avril
1868, élève de M. Massenet.
1891.
VliderdU, cantate, par M. Edouard Noël. — Premier Grand
Prix : Silver (Charles), né k Paris, le 16 avril 1868, élève de
M. Massenet. — Premier Second Grand Prix : Fourxier
(Emile-Eugène-Alix), né k Paris, le 11 octobre 1S6S, élève de
M. Delibes. — Mention honorable : Andrès (François-Joseph-
Camille), né à Ingersheim (Alsace), le 5 mars 1S64, élève de
1892.
Amadis, canlate. par M. Edouard Adenis — Pas de Premier
Grand Prix. — Premier Second Grand Prix : Busser (Paul-
Henri), né il Toulouse, le 16 janvier 1872, élevé de M. Goiraud.
— Deuxi.-ine sec.ind Grand Prix : Bloch (An Irè . né à Wissem-
bourg (Alsace-Lorraine), le 18 janvier 1873, élève de M. Gci-
1893.
Anlifjoîh', cantate, par M. Fernand Beissier. — Premier Grand
Prix : Blocu (André . né a Wissembourg (Alsace-Lorraine), le
18 janv. 1^73. eleve de MM. Guiraud et Massenet. — Deuxième
premier Grand Prix : Bosser (Paul-Henri), né à Toulouse, le
16 janvier 1872. élevé de M. Guiraud. — Premier Second Grand
Prix : Lia vue (Charles-Gaston), né à Paris, le 3 janvier 1869,
élève de M. Massenet. — Mention honorable: Bonval (Jules-
Henry), né .i Toulouse, le 9 juin 1867, élève de M. Massenet.
1894.
Daplmé, cantate, par M. Charles Ralïalli. — Premier Grand
Prix : Rabaud .Henri-Benjamin . né a Paris, le 10 novembre
1873, él.-ve île M. Massenet. — Premier Second Grand Prix :
la ie, i 0 i,. ii . m le i mai 1S73, k Chalon-sur-Saône, élève
deM. Th. Dubois. — Mention honorable: Mouquet Jules-
Ernest-Georges), né à Paris, le 1S juillet 1867, élève de M. Th.
Dubois.
1895.
me, cantate, par M. E. Noël. — Pi ■
Prix : Letorev (Orner), né à Chalon-sur-Saône, le I
élève de M. Th. bcnots. — Premier Second Grand Prix : D'Ol-
lone (M.ixii.iilien-Paul-Marie-Félix), né à Besançon (Doubs),
le 13 juin 1875, élevé de M. Massksbt.
1896.
il M. F. Beissier. — Premier Grand Prix :
Mouquet 'Jules-Ernest-Georges), né k Pari-, le m jfuillel 1867,
élève de M. Th. Dubois. — Premier Second Grand Prix : Richard
dTvrv (Charles-Frédéric-Marie de), né a Ivry (C
27 octobre 1867. élève de M. Th. Dubois. — Deuxième Second
Grand Prix : Halphen (Ferdinand-Gustavei. né à Paris, le
IS février 1872, élève deM. Massenet.
13D7.
cantate, par M. Charles Morel. — Premier Grand
E Maxiniilien-Paul-Marie-Fi'lix i, né à Besançon,
le 13 juin 1875, élève de MM. Massenet et Ch. I.enepveu. —
Premier Second Grand Prix : Crocb-Spinelli Bernard- Louis),
né à Paris, le 18 février 1871. élève de M. Ch. Lenepveo. —
econd Grand Prix : Schmitt (Florent . né à Bla-
in .m Meurthe-et-Moselle), le tt 70, élève de
MM. Massenet et Facré.
1898.
par M. Paul Collin. — Pas de Premier
Grand Prix — Premier Second Grand Prix : Malherbe (Edmond-
Paul-Henri . aé a Pans, le 21 août 1870, eleve de MM. Mas-
senet el F
1899.
Callirh-oé, cantate, par M. Eug. Adenis. — Premier Grand
Prix : Levadé (Charles-Gaston), né à Paris, le 3 janvier 1S69,
élève de MM. Massenet et Ch. Lenepveu. — Deuxième Premier
Grand Prix : Malherbe (Edmond-Paul-Henri), né a Paris, le
21 a it 1870, élève de MM. Mvssenet et Fauré. — Premier
Second Grand Prix : Moreau (Léon), né à Bresl, le 13 juillet
1S70, élève de M. Ch. Lenepveu. — Mention honorable : Bris-
ait t.ouis-Henri-Lucien-Camilleï, né à Cnnslantine AI
le 25.10.il 1-72. eleve de M. Cil. I .EN EPV If .
1930.
Sêmiramis, cantate, par MM. Lue. el Ed. Adenis. — Premier
Grand Prix : Schmitt (Florent), né k Blamont (Meurthe-et-Mo-
selle), le 28 septembre 1870, élève de MM. Massenet et G. Faire.
— Premier Second Grand Prix : Cunq, dit Kun
Marie-Joseph), né à Toulouse, le 20 juin 1S77. élève de M. Ch.
Lenepveu. — Mention honorable : Bertelin (Albert), né k Paris,
le 26 juillel 1872, élève de M. Widor.
1901.
Hyrrha, cantate, par M. Fernand Beissier, — Premier Grand
Prix : Caplet (André-Léon), né au Havre, le 2:: novembre 187s.
-■levé de M. Ch. I.enei>veu. — Premier > éiiel Grand Prix:
Dupont (Gabriel-Edouard-Xavier), né k Caen, le I" mars 1878,
élevé de M. Widor. — Deuxième Second Grand Prix : Ravei.
(Joseph-Maurice), né k Ciboure Basses-Pyrénées), le 7 mars
1875, élevé de M, G. Fauré.
1902
Alcyone, cantate, par MM. Eug. et Ed. Adenis. — Premier
Grand Prix : Cunq, dit Kunc (Aimé-Marie-Gabriel-Joseph), né
k Toulouse, le 20 juin 1877, élève de M. Charles Lenepveu. —
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Premier Second Grand Prix : Ducasse (Gabriol-Kdouard-Xavier),
né a Caen.le 1" mars 1878, élève de M. Fauré. — Deuxième
Second Grand Prix : Bertblis (Albert), né a Paris, le 26 juillet
1872, élève de MM. Th. Dubois et Widor.
1903.
Alyssa, cantate, par M«« Marguerite Confier. — Premier
Grand Prix: Laparra (Raoul-Louis-Félix-Mary), né à Bor-
deaux, le 13 mai 1876, élève de M. Gabriel Fauré. —Premier
Second Grand Prix : Pbcb (Raymond-Jean), né à Valenciennes,
le 4 février 1876, élève de M. Ch. Lenepveu. — Mention hono-
rable : Pierné (Paul-Marie-Joseph), né à Metz, le 30 juin 1S74,
élève de M. Ch. Lenepveu.
1904.
tlèdora, cantate, par M. Edouard Adenis. — Premier Grand
Prix : Pech1 (Ravmond-Jean), né à Valenciences, le 4 février
1S76, élève de M. Ch. Lenepveu. — Premier Second Grand
Prix : Pierné (Paul-Marie-Joseph), né à Metz, le 30 juin 1S71,
élève de M. Ch. LbnÈpveo. — Deuxième Second Grand Prix :
M1" Fleura (Hélène-Gabrielle), née à Carlepont (Oise), le
21 juin 1S76, élève de M. Widor.
1905.
Mata, scène lyrique, par M. Fernand Beissier. — Premier
Grand Prix : Gallois (Victor-Léon), né à Douai (Nord), le
10 mars 1880, élève de M. Ch. Lenepveu. — Deuxième Premier
Grand Prix: Rodssbau (Marcel-Auguste-Louis), né à Paris, le
1S août 1S82, élève de M. Ch. Lenepveu. — Premier Second
Grand Prix : Gauberi Philippe), né h Cahors (Lot), le 5 juillet
1879, élève de M. Ch. Lenepvbu. — Deuxième Second Grand
Prix : Dumas (Louis-Charles), né à Paris, le 24 décembre 1877,
élèvede M. Ch. Leni
PVEU.
1906.
Isma'U, cantate, pa
Dumas (Louis -Charle
de M. Ch. I.
(André-Charles-Sam
M. Charles Lenepvi
M. Eug. Adenis. — Premier Grand Prix
- . né à Paris, le 24 décembre 1877, élèv
— Premier Second Grand Prix : Gailiivr
on . ii" à Paris, le 29 juin 1885, élève d
r. — Deuxième Second Grand Prix : L
Boucher (Maurice-Georges-Eugène), né à Isigny (Calvados),
le 25 mai 1882, élève de MM. Gabriel Fauré et Widor.
1907.
Selmii, cantate, par M. Georges Spitzmuller. — Premier Grand
Prix : Le Boucher (Maurice-Georges-Eugène), né à Isigny (Cal-
vados), le 25 mai 1SS2, élève de MM. Gabriel Fâché et Widor.
— Premier Second Grand Prix : Mazki.lier (Jules-Marius), né à
Toulouse, le 6 avril 1879, élève de M. Ch. Lenepveu. (Pas de
Second Grand Prix ni de Mention honorable.)
1908.
Lu Sirène, cantate, par MM. Eugène Adenis et Gustave Des-
\e.iii\-Yé] ité. —Premier Grand Prix : Gailuard (Andi ■■■ Charle--
Samson), né à Paris, le 29 juin 18S5, élève de M. Charles Le-
nepveu. — Pas de Premier Second Grand Prix. — Deuxième
Second Grand Prix : M"' Boulanger (Juliette-Nadia), née le
16 septembre 1S87, élève de MM. Gabriel Fauré et Widor. —
Mention honorable : Flament (Edouard), né à Douai, le 2: aoùl
1880, élève de M. Charles Lenepveu.
1909.
l,n Roitssalktt, canlate. par MM. Eugène Adenis et Fernand
Beissier. — Premier Grand Prix : Ma-zeli.iek (Jules -M irius), né
à Toulouse, le 26 avril 1879, élève de M. Ch. Lenefvbc. — Pre-
mier Second Grand Prix : Gallon (Noël-Jean-Charles-André .
né k Pari-, le il septembre 1891, élève de M. Gh. Lenepveu. —
Deuxième Second Grand Prix : Toornier (Marcel-Lucien , ne
à Paris le 5 juin 1879, élevé de M. Ch. Lenepveu.
1910.
Acis et Galatée, cantate, par MM. Eugène Roussel el Alfred
Coupel. — Premier Grand Prix : Gallon (Noel-Jean-Charles-
André), né à Paris, le 11 septembre 1891, élève de M. Ch. Lenep-
veu. — Premier Second Grand Prix : Paray [Paul-Charlcs-
Marie , né au Tréport, le 21 mai 18S6, élève de M. Ch. Lenep-
veu. — Deuxième Second Grand Prix : Delmas (Marc), né à
Saint-Quentin, le 28 mars 1885, élève de M. Ch. Leni ivi r.
1911.
Yunitzii, cantate, par M. Georges Spilziiinlb'r. — F: '.ran.l
Prix : Parav (Paul-Charles-Marie . ué an rré] ■ . m d
1886, élève de MM. Ch. Lenepveu et Paul Vidal.— Premiei Se-
cond Grand Prix : Delvincourt (Claude-Etiei -Ed mard-Ma-
rie), né à Paris, le 12 janvier 18S8, élève de M. Wid-ir. —
Deuxième Second Grand Prix : Dick .Wladimii ", naturalisé
Français, né à Odessa, le 19 mars 1S82, élève de M. Widor.
1912.
Fulvia, cantate, par M. Paul Collin. — Pas de Premier Grand
Prix. —Premier Sec. .ml Grand Prix : Mignau (Edouard-Charles-
Octave), né à Orléans, le 17 mars 18S4, élève de M. Paul Vidal.
1913.
Ftniti et Hélène, épisode lyrique d'après le Second Faust de
Goethe, par M. Eugène Adenis. — Premier Grand Prix : M"1' Bou-
langer (Marie-Juliette), née à Paris, le 21 août 1893, élève de
M. Paul Vidal. — Deuxième Premier Grand Prix (disponible de
1012): Delvincoi i r Claude-Etienne-Edi l-Marie),néa Pa-
ris, le 12 janviei 1888, »e le M. Wido . — Premier Second
Grand Prix : M. Delmas Marc-J an-B iSaint-Quen-
tin, le 2S mais 1-s:., cl >\ e ,i.. m. paul Vidai, et, préi édemment,
de M. Ch. Lenepveu.
1914.
Psyché, cantale, par MM. Eug. Koussel et Alfred Coupel. —
Premier Grand Prix : Dupré (Marcel-Jean-Jules), né à Rouen,
le 3 mai 1886, élève d ' :. Wn ■ . Pi mil r S îd Grand
Prix : de Pezzer (Rai nond-1 nd-1 ien . d à Niort, le
23 juin 1886, élève 'i'- M. W R. — Deuxième Second Grand
Prix : Laporte (André-AIbert-Victor-Louis),néàParis,lel9 mai
1889, élève de M. Paul Vidal.
L'Académie des beaux-arts a prorogé, jusqu'à la fin des hos-
tilités, ses concours pour le prix de Rome.
1919.
I.c Vmic cl In /Vr. cantate par M"" Juliette Portron. — Premier
Grand Prix : Delmas (Marc-Jean-Baptiste), né à Saint-Quentin,
le 2S mars lSs-,, ,'■ i , ■%-..- de M. Paul Vidal. — Deuxième Premi ir
Grand Prix (disponible par suite du décès en 1917 de M11" Juliette
Boulanger) : Ibert (Jacques-François-Antoine-Marie), né à
Paris, le 15 ooùt 1S00, élève de M. P. Vidal. — Premier Second
Grand Prix : M"' C\nu (Marie-Marguerite-Denise), née à Tou-
louse, le 29 janvier 1890, élèvede M. P. Vidal. — Premier Se-
cond Grand Prix : Dure (Jean-Marie), né à Niort, le 23 juillet
1886, élève de M. Widor.
1920.
Don Juan, scène dramatique d'après Molière, par M. Eugène
Adenis. — Premier Grand Prix : M"° Canal (Marie-Marguerite-
Denise . née a Toulouse, le 29 janvier 1890, élève de M. P.
Vidal. — Deuxième Second Grand Prix : de la Presle (Jac-
ques), né à Versailles, le r. juillet 1SSS, élève de P. Vidal. —
— Deuxième Second Grand Prix : Ddssabt (Robert), né à Paris,
le 19 septembre 18 ■•'.. élève d i M. Widor.
1921.
Ilcrmiaiic, canl.de, d'après Racine, par MM. Eugène Adenis et
Desveaux-Venle. — Premier Grand Prix : Jacques di i iI'iumi
né a Ve,-ai!|.- le 5 juillei 1888, élève de M. Paul Vu, m . —
I Prix , B I i
19 septembre 1896, élève de M. Widor. — Deuxième Seoond
Grand Prix : Fine i- Boi sqi i i. né a Marseille, le 9 septembre
1890, élève de M. Widor.
1922.
Le Prétendant, par M. Jean Gandrey-Réty. - Pas de Premiei
Grand Prix. — Premier Sec n d Gra id Pi ix, Fr mi -
ne ,, m trseille, le 9 scph-nibio 1- '0, ■ ' . d M. Wi >oi . -
Deuxième Second Grand Prix : timé Steck, i l Constanline, li
21 novembre F892, élève de M. \\'i ■ i. Me; , n. .nu. mie
M11- Jeanne Lbcli r.c, née a Saint-Mihiel, le 29 d
élève de M. Widor.
1923.
BeatrU; canlate, par M. Jean Gandrey-Réty. — Pi
Prix : M" Jeanne Lbleu, née à Saint-Mihiel, le
1898, élève de M. Widor. — Deuxième Premier Grand Prix :
Francis |;,irs.,.riîr, né a Mai .-ille, !.■ o -eplembre lson, élève de
M. Widor. — Deuxième Second Grand Prix : \ves ni n Cvsi-
niere, né ;'i Angers, le 1 1 février 1893, élève de M110 Nadia Bou-
langes et de M. M. d'i Ili one.
s Aimn'i ..'.' 1 /■■■•■ o. par MM. Eugène Adenis el Dcsieanv
i ■ . .d Prix Robert Di ssadt, né a Pans, le
septembre 1896, élève de M. W r. — Prei r Second
i,l Prix : Edmond Gaujac, né i Toulouse, le lOféi
• de M. P. Vidai . — Mention honorable : Roberl Guili on,
Rennes, le :: ..cl. .lue 1903, élève de M. Widor.
I.,i ilnrl <f Adonis, canlate, par M. Marcel Belviane. —Grand
Prix : Louis Fourestier, ne à Montpellier, le :',| mai 1892,
élève de M. P. Vidal. — Premier Second Grand Prix : Yves de
la Casinieue, né à Angers, le 21 février 1893, élève de MM" N-
Boulanger et de M. M. d'Oi.i.one. — Mention honorable : Mao
rice Franck, né à Paris, le 20 avril 1897, élève de M. Vidai..
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'INSTITUT DE FRANCE 3575
1926.
de Forge. — Grand Prix : René Guillot-,
ne a Rennes, le s octulire 1903. élevé Je M. Vidor.
Second Grand Prix : Maurice Franck, né à Paris, le 20 avril
1897, élève de M. Vidal.
1927.
Cori ilan, cantate, par M. Guy de Téramond. — Grand Pris :
Edmond Gadjac, né à Toul.ni-.-. le in février 1S95, élève de
M. Vidal. — Premier Second Grand Pris : Henri TomAsi, né a
Marseille, le 17 avril 1901, élève de MM. Vidai, et Cadssade. —
Deuxième Grand Pris : Raymond Loucheur, né à Tourcoing, le
1" janvier 1S99, élève de MM. Vidal et d'Ôllonk.
1928
Heraklès h Delphes, par M. René Pu iux. —Grand Prix : Ray-
mond Loccurn r, ne à Tourcoing, le ! ■' janvier 1S99, élève de
MM. Vidal el d'Ollone. — Pas de Premier Second Grand Prix.
— Deuxième .second Grand Pris : M"0 Eisa Barrawe, née a
Paris, le I3 février PU», élevé de M. Paul Iitkvs. — Mention
honorable : Marc Vacboorgocin, né à Bordi tux-Caudéran, le
10 mars 1907. élève deMM. v. i D
1929.
La Vierge guerrière, cantate, par M. A. F .iirher. — Grand Prix :
Ml'0 Eisa Barraine, m
P. Doras et Bossr.R. — Premier Second Grand Prix : Tony
Aubin, né à Paris, le 8 décerné; I . >I P. Duras
et X" I fi.u.i.'is — lie'ixn h. Second Grand Prix : Sylver Caf-
i ot, né â Manti B, le l1 ■' I icembi i i 103 ■ ■'. ■ M. Vidal.
MODIFICATIONS A APPORTER AU TEXTE DES REGLEMENTS
l'âge ::'iM), colonne de gauche. Chapitre l", substi-
tuer à la rédaction de l'art. '■'<, le texte suivant :
« Art. 5. — Pour être admis à prendre part aux
concours des Grands Prix, il faut être Français ou
naturalisé Français, n'avoir pas dépassé, au 1er jan-
vier de l'année où s'ouvre le concours, 27 ans révo-
lus, en ce qui concerne les artistes peintres, sculp-
teurs, architectes et compositeurs de musique ; 30 ans
révolus en ce qui concerne les graveurs en taille-
douce et les graveurs en médailles. Les candidats
peintres, sculpteurs, architectes et compositeurs de
musique qui, à l'inscription, pourront justifier qu'ils
n'ont pas pris part à un ou plusieurs concours, en
raison de leur présence sous les drapeaux, sont ad-
mis à participer à un concours supplémentaire; de
plus, tout candidat doit être porteur d'un certificat
délivré par son professeur ou par un artiste connu,
attestant qu'il est capable de prendre pari, au con-
cours.
« Les artistes mariés peuvent concourir. Toutefois,
les pensionnaires mariés sont expressément tenus
de loger en dehors de la Villa Médicis, au cas où
leur famille les accompagnerait à Home. » (Décret
du 20 octobre 1928, § i.)
Mémepage, même eolonn . ai '. 8. Actuellement, les
dates de l'ouverture des premiers concours d'essai
sont fixées chaque année.
Page 3431, colonne de gauche,
Les concours ne se font plus à Compiègne; ils ont
lieu au palais de Fontainebleau.
(N.D.L. D.)
ADDENDA
Page 3521, colonne de droite, lign 32, ajouter après « commandeur de la Légion d'honneur » : et, en
1920. à celui de grand officier.
Catalogue des œuvres de Gabriel Fauré, ajouter les œuvres suivantes, composées de 1913 à la mort de
l'auteur.
PIANO A DEUX MAINS
\ 104 (i l), 1913, Paris, Durand.
-. op. 10 i n° 8), 191 3, Pan-, Durand.
1 1' Barcarolle, op. 105, 1914, Paris, Durand.
. o i. 10 i ; 16, Paris, Durand.
'.' \ ■■ 107, 1916, Pai -. Durand.
/ it orchestre, ip. 111, 1919, Pai
I i: . 1.-116, 1921, Paris, Durand.
I I Noctui . , ■ i. 119, 1928, Paris, Durand.
le Jardin clos iS mélodies . op. 106, 1915, Paris, Dura
Mirages (i mélodies . op. 113, 1928, Péris. Durand.
' . op. ! 1 i. 1920, Paris. Durand.
i:tlnn:o:i , hh/irriquc, op. IIS, 192;;. Pari-, Durand.
Ajouter a la Biblio le Gabriel Facré ; L, Vi
■ G DE CHAMBRE
je Sonate, piano et violon, op. 108, 1917
: . 1 15, 1921, Paiis Durand.
;' Sonate, piano el violonci Ile i<i>. II..'::
Trio, op. 120. 1923, I
:iarpe
Une Châtelaine en sa tour, op. 110, 1918, Par:-. Durand.
Ml SIC :
G. Fauré et son <
.-. Durand.
L'ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE EN FRANCE
ET LES CONSERVATOIRES DE PROVINCE
Par Edmond MAURAT
D1RECTECR DU CONSERVATOIRE NATIONAL DE MUSIQUE DE SAINT-ETIENNE
Il serait d'un faible intérêt de dresser l'état de la
situation présente des Ecoles de musique de nos
provinces si l'on ne déterminait, par le moyen de
considérations historiques et sociales, les aspects
préalables que les mœurs, les idées et l'évolution
des formes de l'art donnèrent conjointement, et suc-
cessivement, à son enseignement. Quel qu'il soit, un
état de choses est une résultante, une connexion de
forces, parfois obscures, dont le sens est fait du jeu
de leurs réactions. Celles-ci, à l'analyse, décèlent
les modes d'orientation et de convergence finale des
phénomènes observas et, conséquemment, le schéma
de leur processus.
Rien ne sera donc moins arbitraire que le plan de
ce travail. Partant de la confrontation des données
de l'histoire avec les faits qui marquèrent, en France,
les phases de l'enseignement musical, puis considé-
rant, dans la nation, les variétés de sa fonction so-
ciale, nous ne traiterons qu'en dernier ressort de
la constitution organique, administrative et tech-
nique de nos Ecoles de musique. Enfin, pour termi-
ner, un bref résumé, précédé d'une notice mono-
graphique, opérera la synthèse des conclusions par-
tielles.
APERÇUS SUR LES FORMES DE L ENSEIGNEMENT
MUSICAL EN FRANCE. — SCHÉMA DE SA PHILO-
SOPHIE HISTORIQUE.
L'enseignement des arts est intimement lié à l'his-
toire de leurs progrès techniques et aux fonctions
variables que leur assigne, au cours des âges, l'évo-
lution des civilisations. L'état social et politique d'un
peuple commande sa vie spirituelle.
Celui de la Gaule, après l'occupation romaine, était
essentiellement primitif. A l'écroulement de la puis-
sance latine une profonde nuit avait envahi le monde
d'Occident. L'Eglise, dépositaire de l'ordre, de la dis-
cipline, des principes et d'un corps de connaissances
savantes, se trouva être le lieu de convergence des
traditions intellectuelles. C'est par elle que s'opéra
la lente et occulte transfusion de l'esprit gréco-latin,
et ce qui fut alors sauvé de l'art musical antique
comme ce qu'il en advint, demeura sensiblement
son œuvre. Ce faisant, l'Eglise n'obéissait pas seule-
ment à un besoin propre de sa vie extérieure. En
s'assimilant les formes originelles de l'art antique,
elle accomplissait encore sa fonction de suprême
mainteneuse et de régente des spéculations univer-
selles de l'esprit.
La première organisation delà musique religieuse
fut l'œuvre, au ive siècle, à Milan, de saint Asibroise
(340-397). Au v» siècle, le pape Léon Ier (440-461) ré-
glementa un rite romain, né au début du siècle pré-
cédent, à une époque où, dit M. Maurice Emmanuel,
« le régime sonore que les nations avaient hérité
des Grecs était encore, rythmique exceptée, à peu
près intact1 ». Au vie siècle, saint Grégoire le Grand
(540-604) corrigea et modifia le plain-chant ambro-
sien et fonda la célèbre Schola Cantorum, véritable
Académie de musique sacrée. Il est « le grand maître
de chapelle du monde entier. Il dirige, à Rome, de
sa personne, la maîtrise par excellence, et ses en-
voyés vont par toute la chréLienté modifier le chant
des autres églises et le ramener à l'unité2 ».
Telle est l'origine, en notre ère, de l'enseignement
musical qui, par l'Eglise, nous vint d'Italie.
Ce plain-chant romain était, en Gaule, le chant
étranger, celui de la conquête. Son intronisation et
sa substitution au vieux chant gallican furent lentes
et difficiles.
Au cours d'un séjour que le pape Etienne II
(752-757 1 fit en France, Pépin le Bref, frappé de la
beauté du chant grégorien, décida de l'établir dans
toutes les églises de son royaume. Sur sa demande,
le pape Paul I1' (757-767), frère et successeur d'E-
tienne II, lui adressa l'un de ses plus habiles musi-
ciens, Siméon, qui ouvrit une école de chant à Rouen,
où l'évêque Rémi, frère de Pépin, plaça un grand
nombre d'élèves destinés, par la suite, à se répandre
dans les provinces pour y enseigner.
Quelque rude que fût la volonté de Pépin, les ha-
bitudes nationales et les rivalités des musiciens
eurent tôt fait de corrompre le chant romain ainsi
importé. Charlemagne, peu après le voyage qu'il fit
à Rome, en 787, reprit l'œuvre de son père en vue
de réaliser l'unification du chant religieux et de
substituer la psalmodie grégorienne aux mélodies
gallo-romaines. Il fonda deux écoles musicales : à
Metz et à Soissons, et confia la direction de l'école
Palatine, au palais impérial, au grand Alclun. A Lyon,
l'évêque Leydrade fondait, en sa cathédrale, une école
où l'on devait chanter de fort bon matin, puisqu'elle
reçut le nom de Manécanterie. A Avignon, à Tours,
à Strasbourg, et dans la plupart des villes de l'Em-
pire, d'aulres foyers d'enseignement ne tardèrent
pas à s'ouvrir.
C'est à ces anciennes institutions, où il faut voir
1. TraitèdeVaccompagnemi'}! (Janin,6d
2. Dupré et OTlcndorlf, Traité Je I adminittratittn Jes lieai
(Duponl, éd., 1885).
TECH.XIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3577
l'origine des maîtrises, que sont dus les progrès de
l'art musical en ces temps lointains.
Il ne semble pas douteux que, pour Charlemagne,
l'easeignement de la;musique n'ait eu des fins à la
fois religieuses et sociales. L'Ecole mère de Metz,
comme celle de Soissons, servait à la formation
musicale des prêtres; niais ces prêtres étaient aussi
les maîtres des écoles publiques, et l'on sait que le
1,'rand empereur considérait la musique comme une
partie intégrante de l'instruction générale.
Sous l'influence de Charlemagne, l'enseignement
musical avait pris un important essor, aux vine et
ix" siècles, dont témoignent les traités des premiers
théoriciens : Aihélien de Réoiiê, Rèmï d'Aixerre,
Kégino de Prum, Odo.n \oe Cluny, et le célèbre llic-
bald, qui fut successivement élève et directeur de
l'école de chant de Tournai. La musique savante est
seulement religieuse, et elle n'est que la survie, plus
ou moins amendée, de l'art judéo-grec1.
L'organisation politique de la France n'est pas
alors assez fortement constituée pour que se mani-
festent les formes des idées nouvelles dont la gesta-
tion se fait sourdement. Des racines profondes rat-
lachent encore le moyen âge aux temps anciens. Mais,
en même temps que s'instaure le ferme pouvoir des
Capétiens, le corps social de la nation opère une
sorte de repli sur lui-même et de concentration de
ses énergies.
Les xe et xie siècles sont la période la plus sombre
de ces âges ; cependant, la monarchie française s'em-
ploie, avec un rare bonheur, à ordonner les forces
qui fermentent et annoncent obscurément l'avène-
ment des temps modernes.
L'enseignement subit à ce moment, un temps d'ar-
rêt. Sur la fin du xie siècle il fut remis en honneur.
C'est alors que Geravold, chapelain de la reine Uer-
trade, seconde femme de Philippe Ier (1052-1 1 ISi,
fonda la célèbre école du monastère de Saint-Wan-
drille, dont il était abbé. « Aux xii" et xme siècles,
dit Lavoix-, les écoles abondaient où la musique
était enseignée avec soin. On en vit une à Soissons,
qurrivalisait avec Metz, d'autres à Poitiers, à Orléans,
à Clermont, àAix, etc.; il n'était pas une cathédrale
qui n'eût sa maîtrise, pas une abbaye qui n'eut son
école de musique. Il ne faudrait pas croire que seules
les églises et les abbayes eussent leur part dans ce
fructueux labeur. A peine établies, les universités
avaient inscrit la musique dans leurs programmes. »
Ainsi, de l'école de la simple abbaye à l'université,
qu'elle dirige, l'Eglise dispense un enseignement
musical étendu, mais spécial.
Dans le même temps, les patients travaux des
moines accroissent les découvertes acoustiques et
instrumentales. Les progrès réalisés dans la facture
des orgues, notamment, ont des conséquences im-
menses. L'instrument à clavier donne naissance à la
diaphonie. Un art s'élabore lentement, qui n'élève
pas encore des monuments dont la splendeur soit
a l'image des cathédrales surgissantes, mais il essaye
ses forces et cherche ses règles. En attendant, la
musique religieuse conserve la trame sonore de l'art
antique, et les prières, parées de ses formes souples
et colorées, ajoutent à la pompe du service divin.
Hors du temple, l'Eglise régente tout ce qui est
laïc. Elle tend à capter jusqu'aux manifestations de
1. Cf. Amédee Gastodé, Les Origii
i., 1907).
i. Histoire de lu Musique (Ouantia,
l'art {profane et à faire tourner à sa gloire même
la passion des hommes pour les spectacles. Les par-
vis des églises sont le berceau du théâtre lyrique.
On y représente, dès le xie siècle, des sortes d'opé-
ras liturgiques composés sur des mélodies du plain-
chant, auxquelles se mêlent des accents profanes.
Dissimulant leur robe sous des travestis, les prêtres
montent sur des tréteaux, et l'on voit jusqu'à des
chanoines incarnerdes personnages féminins, la tête
revêtue de leuraumusse, ad sitirilitwlinem iniilicntin,
comme dit le rituel 3.
Dans cette collusion du sacré et du profane, celui-
ci devait nécessairement absorber celui-là, pour des
raisons où l'enseignement de l'histoire et celui de
l'esthétique trouvent également leur accord.
Lorsque, au xui* siècle, les trouvères apportèrent
à la scène les histoires d'amour, l'Eglise dut se dé-
tourner des spectacles que son égide ne parvenait
pas à [maintenir dans les limites, même étendues,
Ja domaine religieux. II était, alors, déjà trop tard
pour qu'elle pût contenir les élans de l'art .profane,
qui faisait subir les plus graves altérations au style
de la musique proprement liturgique. La »ogne
s'étail répandus, aux xive et xv< sièeles, des messes
composées sur les mélodies des chansons
licencieuses, et, il ne fallut pas moins que la parole
austère de Lctber et de Calvin, anatliémisanl If pa-
ganisme de la religion romaine, pour que les papes
missent ordre à cet état de choses. «Ils :
dorénavant toléré que le plaiu-chant pur, écrit La-
voix4, si Palestrina, dans la messe dite du pape
Marcel, exécutée en 1565 devant le pape Pie IV, n'eût
fourni le modèle du nouvel art religieux. Cette date
ferme 1ère des messes musicales écrites sur des
paroles profanes. >> Elle ouvrait, pour un siècle, celle
de la polyphonie vocale, qui marqua le terme de la
fructueuse influence de l'Eglise sur les progrès de
l'art. On peut dire, en effet, qu'à partir du milieu
du xvne siècle, la musique profane, instrumentale et
vocale est définitivement entrée eu possession do
gouvernement des destinées musicales. Des raisons
spécifiques ne nous permettent pas de penser qu'il
eût pu en être autrement, et nous tenons à nous en
expliquer.
Quoi qu'ait pu en dire un illuminé et un mystique
tel que Tolstoï, l'art religieux ne représente qu'un
aspect de l'art, son aspect originel. Il se trouva
qu'au moyen âge il en fut sensiblement l'unique et
vivante image; mais l'évolution des civilisations
montre qu'il en est des arts comme des gouverne-
ments,dont les formes, originairement théocratiques,
passent par le stade monarchique avant de parvenir
à l'état démocratique. D'abord religieux, l'art s'é-
vade peu à peu des temples; il devient profane et
aristocratique; enfin, privé de discipline et d'ordre,
il voit ses principes se dissoudre au milieu des extra-
vagances qui marquent l'agonie des âges, des em-
pires et des peuples. Telle est l'image rythmée de
nos institutions.
.Nous allons, ici, saisir sur le vif le mécanisme du
second de ces phénomènes, comme nous discer-
nerons plus loin les prodromes du dernier.
11 est au domaine sacré des bornes spirituelles. A
vouloir les étendre outre mesure, l'Eglise fut con-
duite à des errements. L'impropriété de frit des an-
S;,7S
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ciens régimes Ihéocratiques tient à leur incapacité à
délimiter les frontières du sacré et du profane, au
fur et à mesure que, par le recul des révélations
initiales, la foi va s'alfaihlissant. La primauté de
l'idée religieuse dérive de son sens éternel et sur-
naturel; sa nature et sa sauvegarde ne souifrent pas
qu'elle soit indifféremment mêlée à celles des choses
humaines dont les fins sont immédiates. Sans doute
l'organisation et lu direction de la société civile ne
peuvent-elles être indifférentes aux religions. Mais
l'Eglise romaine n'a précisément jamais tenu sa
puissance temporelle comme l'instrument néces-
saire, ou principal, du gouvernement des âmes. La
suprématie de son pouvoir spirituel est la règle de
sa véritable action, et c'est pour cette raison que la
papauté considère sans prévention fondamentale les
formes diverses des gouvernements. Telle est la con-
dition de l'universalité et de la pérennité de la doc-
trine catholique.
L'histoire de la musique religieuse illustre, sur un
plan secondaire, ces essentielles considérations.
Lorsque la défaveur des circonstances contraignit
l'Eglise à abandonner la régence temporelle qu'elle
exerçait, par interposition, sur la chrétienté, elle se
limita, en son œuvre, à la sauvegarde des fins stric-
tement religieuses qu'il convenait de préserver des
atteintes profanes. Il devint nécessaire de fixer, une
fois pour loutes, les caractères de l'art musical sacré,
c'est-à-dire de l'arrêter, en le soustrayant aux
influences mobiles de la musique dramatique et
instrumentale. En effet, nulle digue ne pouvait l'isoler
davantage que le vide spatial, chaque jour agrandi,
qui résulterait de sa stagnation illimitée et de la
marche incessante de l'art profane. Profondes vues,
en vérité! qui accordent les objets particuliers avec
les plus hautes et les plus vastes raisons.
Plastiquement, le chant liturgique, une fois établi,
exclut toute invention : son expression est circons-
crite à jamais par la prière; son objet universel
exige qu'il soit fixé en ses échelles, et sa pratique
ne se concilie qu'avec les formes de la monodie vo-
cale. Or, l'art n'est qu'invention.
Aussi bien l'immutabilité de la doctrine romaine
exige de ses manifestations extérieures, de son chanl
et de l'art qui l'ordonne, une pareille immutabilité.
Matériellement, la musique religieuse estdonc inapte
à assimiler les éléments nouveaux de la langue mu-
sicale, qui relèvent de plus en plus de la technique
instrumentale. Pour demeurer soumis à son objet,
l'art religieux devait rompre toute attache avec la
musique profane. La rupture fut brusquement con-
sommée du point de vue spéculatif; elle ne devait
l'être que par degrés, et lentement, dans ses effets.
L'Eglise, au sortir du moyen âge, est détentrice,
en même temps que des traditions savantes, de toutes
les institutions enseignantes. Un immense réseau
d'écoles de musique couvre le royaume; ces écoles,
ce sont les maîtrises des cathédrales, des chapitres,
des abbayes et des monastères. Compositeurs, or-
ganistes, chanteurs, professeurs se forment pour la
plupart dans ces écoles, d'où sortent de nombreux
musiciens fortement éduqués. Les élèves y sont
entretenus en commun et y reçoivent une solide
instruction générale. Les maîtrises enseignent la
composition, le contrepoint, le chant, et aussi quel-
ques instruments, peu nombreux, utiles pour l'ac-
compagnement des voix. Elles sont, en somme, les
véritables conservatoires de nos artistes. La musique
profane bénéficie, non moins que la musique reli-
gieuse, de cet enseignement, et il n'est pas jusqu'aux
théâtres qui ne lui doivent, en parlie, leurs chanteurs.
Les maîtrises contribuèrent ainsi grandement aux
progrès de l'art musical aux xvic, xvu° et xvmc siècles-
Toutefois, ainsi qu'on s'en rendra compte, leur en-
seignement très spécial, conditionné par des fins
particulières de plus en plus étrangères aux formes
de la musique profane, cessa de satisfaire aux
besoins de celle-ci, dès la fin du xvn" siècle. C'est à
cette époque que remontent les premières tenta-
tives d'enseignement laïque. L'enseignement des
mailrises justifiait les critiques dont il fut, après
coup, l'objet. Il en sera parlé, plus loin, dans un
document d'un contemporain1, dont nous extrayons,
présentement, le tableau ci-contre, qui montre l'im-
portance qu'avait cette antique institution sur la lin
du xvme siècle.
I.B.W- M'PEOXIMAIIF I> s •■; ;■ NSF.S RELATIVES
ES CORPS DE MUSIQUE DE LA CHAPELLE ET DE LA CHAMBRE
ET MAÎTRISES AVANT 17S9.
Chapelle et Chambre du Roi et de la Reine . . . 407.300 fr.
Cathédrale de Paris, Sainte-Chapelle ri
avant musique ou maîtrise 674. 100
— de Chartres 100. S00
— d'Amiens 66.100
— de Dijon 70.000
Sainte-Chapelle de Dijon 105.000
-oiut-Mai-lin d" l'ours SI.'.
Cathédrale d'Angers 80.000
— de Strasbourg 250.000
— deRouen... SI. 900
— de Toulouse 100.000
— de Rennes 80.000
— de Cambrai 130.000
— de Tournai 90.000
— de Langres 100.000
Environ 100 églises ayan i se i imposée
musique, i 88.500 francs i m !.. 10 380 000
6.000 •■■- inisl s ndans l'autre. . . . 3.600.000
i peut ■ » iluei les 1 ; - de la Belgique
el des p ivs r unis i i.O 10 de francs au
plus bas 4.000.000
Total 20.342.500 fr.
A la veille de la Révolution, l'Eglise entretenait,
en gros, plus de 430 écoles de musique; 15000 musi-
ciens étaient attachés aux cathédrales et aux cha-
pitres, et le budget affecté à l'entretien des maîtrises
dépassait vingt millions de francs de l'époque. Dut-
on faire la part des prébendes ecclésiastiques, il
n'en demeure pas moins qu'à aucun moment l'en-
seignement musical ne fut plus richement doté et
plus répandu.
S'il ne paraît pas douteux que les passions anti-
cléricales eussent suffi, après 1780, à consommer la
ruine de l'enseignement musical religieux, il con-
vient néanmoins d'observer, qu'eu égard aux som-
mes qui leur étaient affectées, les maîtrises ne rem-
plissaient que très imparfaitement l'office d'écoles
de musique. « A mesure que le goût chang
Lavoix-, que la musique progressait, l'enseignement
un peu spécial donné dans les maîtrises ne suffit
plus; on vit successivement Lilly, Hameau et Gluck
être obligés de former eux-mêmes les chanteurs el
les chanteuses à leur nouveau style. » Dès la fin du
.\viic siècle, des écoles théâtrales s'étaient ouvertes
Projet d'orgiuvs'itiKi : ' *</!<<?, soumiaen l'an IX
publique ,1 . . par Bernard
J. La Musique française, loco
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 357
à Paris, annexées à l'Opéra; nous verrons ulleneu-
rement, qu'avant même la Révolution, un ensei-
gnement officiel et profane s'était institué dans la
capitale. Les événements de la fin du wm" siècle
hâtèrent et brusquèrent un dénouement qui était, en
réalité, inéluctable. En 1791,1a Révolution lit rentrer
les revenus des maîtrises dans le Trésor public. Ainsi
supprimées, quelques-unes purent se reconstituer
sous le premier Empire et sous la Restauration ; elles
jouèrent un rôle amoindri, mais encore sensible,
jusqu'à la fin du xixe siècle. Nous les retrouverons,
alors, dans un profond état de délabrement et
d'abandon, précurseur de leur prochaine disparition.
Préalablement, il importe de considérer l'action
royale dans les effets qu'elle eut sur le développe-
ment de la musique profane, et les répercussions
qui en résultèrent sur ses modes d'enseignement.
Les manifestations et les progrès de l'art furent,
dès l'origine, encouragés par la royauté française.
Longtemps, il est vrai, l'action royale se confondit
avec celle de l'Eglise. Lorsque Clovis (465-511) lit
venir près de lui le chanteur Acoride, choisi par
Boèce, c'était afin qu'il instruisît ses prêtres et ses
chantres. Comme lui Childebert I" (-1-558), Clo-
laire II (584-628) et Dagobert (602-638) appelèrent à
leur service des chanteurs et des instrumentistes,
qu'ils attachèrent à l'oratoire royal. Peu après, Pépin
le Bref donna à ce corps une constitution spéciale,
et, en 750, la chapelle des rois de France se trouva
définitivement instituée. Enfin Charlemagne réalisa,
comme nous l'avons vu, l'organisation d'un ensei-
gnement étendu delà musique religieuse.
Jusqu'à la Révolution, la monarchie favorisa de
tout son pouvoir les entreprises de l'Eglise en ma-
tière d'enseignement musical. On peut même dire
qu'elle lui abandonna, sur ce terrain, une part im-
portante de son pouvoir de gouvernemeul. Mais si,
en fait, la royauté ne prit aucune part dans l'orga-
nisation de l'enseignement de la musique, elle ne
fut pas cependant sans exercer sur lui une influence
indirecte très sensible. Cette influence s'opéra par
l'intermédiaire de la musique profane, dont l'avène-
ment et les progrès furent, en parlie, l'œuvre de la
cour de France.
« Il faut, disait l'antique loi galloise, à un noble
Gaulois une femme vertueuse, un coussin sur sa
chaise et une harpe bien accordée. » Ainsi transmise
par tradition domestique, la musique profane jouis-
sait de la faveur du peuple et, bien que condamnée
par les conciles, les rois l'encourageaient; mais l'en-
seignement, base de toute science, lui faisait entiè-
rement défaut.
Les premiers ménestrels, jongleurs, trouvères et
troubadours étaient de pauvres musiciens-poètes,
sans instruction, ne possédant vraisemblablement
qu'un certain don de la mélodie. Lorsque les guer-
riers des croisades revinrent d'Orient, ils rappor-
tèrent de leurs voyages des besoins nouveaux, où la
part du luxe et des plaisirs était grande. Le goût se
répandit des récits et des aventures merveilleuses, et
les concerts des trouvères et des troubadours, chan-
teurs d'amour et chanteurs de guerre, remplirent
les châteaux des seigneurs et les palais des rois. La
faveur qu'ils connurent à cette époque eut une réper-
cussion considérable sur l'évolution de la musique
profane. « Les trouvères et les ménestrels, écrit
Lavoix', voyageaient par les villes, s'arrètaunl en
temps de carême, à l'époque où tout chant joyeux
devait cesser, et là, enseignaient à qui voulait les
apprendre, chansons et refrains. Les plus grands
seigneurs envoyaient leur personnel chantant et mu-
siquant à ces écoles, dites de ménestrandie ou scholap
rn.imor.um, pour renouveler leur répertoire et appren-
dre de nouvelles mélodies.» Ces écoles ambulantes
et populaires se tenaient tantôt à Bourg-en-Bresse,
tantôt à Lyon, à Genève, à Cambrai, à Arras. Trou-
vères et troubadours rivalisaient d'émulation, ins-
tituaient des concours, appelés Puys de musique,
et proclamaient des lauréats. C'est ainsi que la mu-
sique profane, issue du peuple, pénétra dans les
palais des rois. Sur la fin du moyen âge, elle accom-
pagnait les carrousels et les mascarades et, en ces
milieux policés, elle s'affina et se perfectionna.
Avec la Renaissance, elle conquit, à la cour, son
autonomie et ses premiers titres de noblesse lors-
que, en 1543, François I" attacha spécialement à sa
chambre un corps de musiciens indépendants du
service divin, composé de chanteurs et de quelques
instrumentistes.
L'état social de la France s'est alors profondément
modifié. Le théocratisme féodal des siècles précé-
dents a fait place au pouvoir absolu de la monar-
chie. En politique, comme en art, l'évolution qui se
manifeste marque l'avènement des temps modernes.
Ce qui caractérise, en effet, la Renaissance, c'est 1 i
prééminence de l'esprit profane, sous des dehors
encore pleins de religiosité. L'antiquité, remise en
honneur, donne naissance à une sorte de mysti-
cisme païen et de préromantisme dévot, dont la
Réforme est la violente réaction.
Les lettres et les arls sont en grand honneur à la
cour. En 1570, Charles IX accorda au poète Jean-
Antoine de Baïf le privilège d'une Académie de mu-
sique et de danse, qui, malheureusement, ne lui
survécut pas. Henri III et Henri IV, Louis XIII et
Louis XIV réglementèrent à nouveau et accrurent les
corps de musiciens attachés à leur chambre et à leur
chapelle; toutefois, au milieu du xvuc siècle, il
n'existe pas encore d'enseignement musical laïque
organisé.
L'arl, c'est-à-dire la musique savante, est circons-
crit aux milieux aristocratiques. Les grandes
charges, mises au concours, sont tenues par des
Maîtres que les élèves viennent solliciter. L'enseigne-
ment privé est seul en laveur dans les familles
riches, et les maîtrises sélectionnent et instruisent
ceux qui se destinent à la profession de musicien.
Les spectacles somptueux et les concerts de la
musique profane nécessitaient le concours de nom-
breux artistes et d'instrumentistes qu'il fallait, le plus
souvent, aller chercher à l'étranger. Peu après que
Lilly eut été appelé, par la faveur du roi, à diriger
la bande de ses violons, des lettres patentes conférées
à Pierre Perrin, en 1659, consacrèrent la fondation
de l'Opéra, qui, dans la pensée royale, ne devait pas
être un théâtre, mais une Académie, titre qu'il porte
encore aujourd'hui, c'est-à-dire une compagnie et
une école d'art.
La création de l'Opéra est le fait le plus important
dû à l'action royale qu'il convient, ici, d'enregistrer,
en raison de ses conséquences médiates sur l'ensei-
gnement de la musique.
3580
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Perhin dut recruter ses sujets chantants dans les
maîtrises des églises; mais, outre que les voix de
femmes y faisaient défaut, l'instruction musicale de
ces sujets ne correspondait nullement aux emplois
auxquels ils étaient destinés, et lorsque Lully suc-
céda à Perrin, il fonda à l'Opéra, en 1072, une école
de chant et de déclamation. En 1698, M11" Marthe le
Rochois, qui venait de se retirer du théâtre, ouvrit une
seconde école supplémentaire, rue Saint -Honoré-
Cette école, qui fut fermée en 1726, produisit plusieurs
Sujets remarquables pour la scène. On ouvrit ensuite,
rue Saint-ISicaise, dans les magasins de décors de
l'Académie royale de musique, l'établissement connu
sous le non d'Ecole du Magasin, et qui portail offi-
ciellement le litre d'Ecole de chant de l'Opéra.
C'est pour les élèves femmes de cette école, commu-
nément appelées filles du Magasin, et qui étaient
autoritairement désignées pour l'Opéra, que le cor-
niste Rodolphe écrivit, en 1772, ses célèbres leçons
de solfège. Enfin un arrêt du Conseil d'Etat du roi,
du 3 janvier 1784, substitua à celte école une école
royale de chant et de déclamation, qui fut ouverte
le 1er avril suivant dans l'hôtel des Menus-Plaisirs,
et dont Gossec reçut la direction : « le roi ayant re-
connu que ce qui pourrait contribuer le plus effica-
cement à donner à un spectacle aussi intéressant
pour le public un nouveau degré de perfection, ce
sérail d'établir une Ecole où l'on pût former toul à
la fois des sujets utiles à l'Académie royale de mu-
sique de Sa Majesté, etc., ordonne...» Ces considé-
rants laissent fort bien voir la conception que se
faisait l'ancien régime du rôle de l'enseignement
musical, qui élait celui d'un enseignement profes-
sionnel étroitement restreint; une seule école étai1
annexée à un théâtre, et, entre tant de matières, le
chant seul y élait professé.
On ne pouvait, on en conviendra, moins faire.
L'Opéra palliait au manque de personnel instrumen-
tal en faisant venir d'Italie et d'Allemagne les ins-
trumentistes à archet et à vent qu'on ne trouvait pas
en France; mais il va de soi qu'à une époque où le
français était la tangue universellement prééminente,
la seule décence imposait à l'Académie royale d'ins-
truire des sujets chantants. Le privilège de l'Opéra, qui
ne fut pas sans inconvénients sur l'essor de la musi-
que française, se trouva ainsi favoriser la création,
à Paris, de l'Ecole royale de chant. Quant aux
soixante- quinze théâtres que l'on comptait alors
dans les provinces, nul secours ne leur était apporté.
L'initiative très étroite et isolée qu'encourageait
la royauté ne devait avoir pour bénéficiaires que
l'Opéra et le service particulier de Sa Majesté.
Si l'on considère, dans son ensemble, la situation
en laquelle se trouvent la musique et l'enseignement,
avant la Révolution, on est frappé de constater la
disparité des progrès de l'une et de l'autre. Un siè-
cle après Lully, après Rameau, après Ghucie, alors
que l'art lyrique vient d'être doté de chefs-d'œuvre
retentissants, l'enseignement de la musique est en-
core ignoré des pouvoirs publics.
En quel état précis se trouve-t-il donc?
L'Eglise entretient de très nombreuses écoles de
musique. On leur doit le seul enseignement public
qui soit, alors dispensé, et les services qu'elles ren-
dent sont appréciables; mais cet enseignement, très
spécial, est en marge de l'évolution de la musique
et ne correspond pas à ses besoins. L'Eglise, tournée
vers un objet sans contact avec l'art profane, ignore
ce dernier.
La royauté protège el encourage les arts, les spec-
tacles sont indispensables à l'éclat des fêtes; mais
l'idée qu'elle s'en fait ne va pas au delà de cette notion
mondaine: Quelque insuffisante que soit celle-ci, la
compréhension de sa mise en œuvre l'estencore davan-
tage. La musique profane est à peu près exclusive-
ment lyrique; composée pour une société aristocra-
tique et brillante, elle franchit à peine le cercle étroit
de la cour et des salons. Son action limitée restreint
ses besoins. Aussi, tandis que les nations étrangères
entretiennent des conservatoires prospères, la France
n'a-t-elle qu'une modeste école de chant pour son
premier théâtre.
L'enseignement instrumental est totalement inor-
ganisé. On ne peut citer que pour mémoire les écoles
de musique militaire des régiments des troupes de
ligne, car ces écoles ne formaient pas précisément
des musiciens instruits et lecteurs. Leur objet était
de faire exécuter aux élèves, au bout de quelques
mois, des marches et des morceaux militaires. Il
n'existait, enfin, aucune école pour l'enseignement
des instruments à cordes, el nulle direction n'était
donnée aux talents dans les hautes matières de la
composition.
Les ressources nationales, inexploitées par l'Etat,
étaient livrées à elles-mêmes, et la musique, consi-
dérée comme une spéculation privilégiée, en partie
inaccessible au peuple, demeurait une sorte de bien
réservé.
11 est d'un puissant intérêt de démêler le jeu des
réactions intellectuelles qui préparèrent les événe-
ment de 1789 et qui, ultérieurement, après les suc-
cès de l'émeute, suscitèrent les mouvements d'idées
auxquels s'attachent, aujourd'hui, les appellations
d'esprit et de tradition révolutionnaires.
Les conquêtes violentes du pouvoir et les luttes
usurpatrices qui n'ont pour mobile que l'ambition,
la jalousie et les rivalités humaines, ne sont, en
quelque manière, que des révoltes de maires de
palais; elles affectent peu, sur le moment, les états
sociaux des peuples.
Toute autre est la signification des renversements
de régime ayant pour objet des fins religieuses, phi-
losophiques ou sociales, et où la révolution politique,
encore que nécessaire, a rang de fait accessoire.
Tel fut le cas de la Révolution française, qui, la mo-
narchie renversée, bouleversa un ordre de choses
plusieurs fois centenaire.
Nous allons tenter de discerner les origines des
idées qui eurent sur la musique, et sur ses moyens
d'enseignement, une action caractéristique.
En sa qualité de plus proche taéritièFe de la civili-
sation latine, l'ancienne terre de Gaule avail été le
centre et le foyer d'une lente reconstitution 90ciaL .
Le génie de la royauté française avait eu pour ron-
ronnement le siècle de Louis XIV, comparable, en
notre ère, à ce qu'avaient été, pour Rome, le siècle
d'Auguste, et, pour la Grèce, celui de Périclès. Jean
Moréas, oe grand poète français de l'Attique, disait
que ce qui demeurait le plus suprenant, en ce siecfe,
c'était qu'après les' Grecs, et sur leur modèle, il eût
produit quelque chose qui le cédât à peine aux chefs-
d'œuvre antiques. Ce génie français n'était que le
génie grec renouvelé, à nous transmis par Kome.
Tout ce que cette culture gréco-latine comportait
d'individualisme païen et de libéralisme philosophi-
que fut soumis, un certain temps, à la discipline
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3581
religieuse, puis à l'autorité royale. Sur la fin du
moyeu âge, et même après la lieuaissance, ces deux
forces étaient puissamment établies en France1.
Au xvju" siècle, L'affaiblissement de la foi, la dimi-
nution du prestige royal et le relâchement des
mceurs brisèrent en partie cette autorité et cette dis-
cipline. Les écrivains et les philosophes, héritiers de
la forte culture gréco-latine que les hommes des xvie
et xvne siècles avaient si merveilleusement adaptée
au christianisme, revinrent au sentiment païen el
matérialiste de la souveraineté de la nature et, con-
séquemment, de l'homme, considéré, en son individu,
comme le maitre à l'usage duquel elle a été créée.
Le matérialisme de Voltaire et des Encyclo-
pédistes engendra, par réaction, le romantisme
philosophique, politique et littéraire, de Roi ssi kl
Une sensibilité exacerbée à l'égard des droits de
l'individu s'y manifestait pour la première fois, sous
les dehors les plus fallacieux, mais aussi les plus
séduisants. La conjonction de ces états divers des
esprits était faite, pour une part, de détachement
religieux, et, pour l'autre, d'individualisme païen.
De là l'explosion, chez les hommes de la Révolution,
d'un lyrisme idéologique et phraséologique directe-
ment inspiré de l'antiquité, de là cette technique de
l'art entièrement nouvelle, de là cette dévotion aux
abstractions et ce mélange si curieux de mysticisme
et de réalisme qui instaurait, en même temps que
la religion de l'Etre suprême, un véritable culte de la
patrie. Pour entretenir le feu ardent de tous ces
autels il n'était pas de ressources qu'il ne convint
d'exploiter. L'histoire des peuples anciens n'ensei-
gnait-elle pas que les spectacles et les chants étaient
les grands sustenteurs des énergies'? Tout concou-
rait ainsi à faire tenir à la musique un emploi occa-
sionnel prééminent, et c'est ainsi, au nom d'exem-
ples empruntés à la Grèce, qu'elle fut appelée à jouer
un rôle social dans la nation, incorporée à la vie
civique et, partant, enseignée. À cette différence près
que la technique de l'art est entièrement nouvelle,
l'objet pour lequel l'enseignement s'instituera est
celui-là même qui pourrait recevoir le nom de mu-
sicopédie platonicienne.
L'opposition entre les idées dominantes sous la
fin du règne de Louis XVI, et celles qui se manifes-
tèrent au lendemain de l'avènement de la Répu-
blique, en matière d'art et d'enseignement surtout,
est fort nettement marquée dans les écrits et par les
faits.
Lorsque, en 1 786, Gossec, directeurde l'Ecole royale
de chant fondée deux ans aupai avant, sentit cette
institution menacée par l'idée défavorable, à son
endroit, que la mauvaise foi tentait d'accréditer en
de hauts lieux, il écrivit une lettre à M. de la Ferté,
intendant des Menus-Plaisirs, pour justifier la néces-
sité de conserver cette école. Dans ce document re-
marquable2, Gossec ne fait état que des arguments
susceptibles d'être pris en considération. Ces argu-
ments confondent les destinées de l'école et de
l'Opéra; eu les rendant solidaires, Gossec laisse en-
trevoir que la fermeture de celle-là consacrerait la
ruine de celui-ci : « L'Académie, dit-il, quoique com-
posée d'hommes sages et gens à talent, ne voit donc
pas le malheur dont elle est menacée? Comment
k, jusque dan
: Je la fantaisie romanesque et de la pure iraaginatlot
u doniiue à tel i
î de l'ulé s.-ance ;i l'autorité du Sou
une Académie peut-elle être ainsi au jour le jour,
ne pas voir l'avenir '.'... Puisque l'Opéra prétend
pouvoir se passer d'une école, que n'a-t-il des sujets'.'
Que n'en produit-il ?... Il dira sans doute qu'il n'en
existe pas dans le royaume. qu'il en a fait la recher-
che à prix énormes; il dira vrai, Or, s'il n'en existe
pas, il faut en forger; pour en forger, il faut une
école. »
Des intérêts généraux de l'art, de l'enseignement
complémentaire des multiples éléments nécessaires
aux spectacles musicaux, de la valeur éducative de
l'instruction, il n'est trace en ce long mémoire. Visi-
blement, Gossec se contient et se limite à l'emploi de
la seule raison dont dépend le sort de son école:
1*1 ipei a ne peut se passer d'une école, se passera-t-on
de l'Opéra'?
L'Académie ne voulait pas de l'école royale de
chant, parce qu'elle voyait une atteinte dangereuse
à son privilège, une sorte de restriction à son mono-
pole. Telle était la situation, matérielle et morale,
en laquelle se trouvait l'enseignement, au cœur
même du royaume.
Survient la Révolution.
Le capitaine d'état-major de la garde nationale
de Paris, Bernard Sarrette, ayant groupé 4o musi-
ciens des gardes françaises au lendemain du 14 juil-
let 1789, la municipalité de Paris prit aussitôt a sa
charge ce corps de musique, et un arrêté, du 9 juin
1792, porta établissement de l'école gratuite de
musique de la garde nationale parisienne. L'école
devait instruire 120 élevés tenus à concourir au ser-
vice des l'êtes publiques. Le 18 brumaire an II |8 no-
vembre 1793), Sarrette obtenait un décret de la Con-
vention portant formation d'un Institut national de
musique qui devait être employé, sous le rapport de
l'exécution, à la formation d'élèves dans toutes les
parties de l'art musical. Le lu' thermidor an III
(3 août 1795), la Convention rendit une loi supprimant
la musique de la garde nationale el l'école de chant
et de déclamation, et promulgua le même jour une
loi organisant le Conservatoire national et le
destinant à enseigner gratuitement la musique à
600 élèves des deux sexes, choisis proportionnelle-
ment dans tous les déparlements.
Tels sont les faits, et voici quant aux idées.
Six jours avant la promulgation de cette loi, le
lu thermidor an III (29 juillet 1793), Chénier avait
présenté à la séance de la Convention un rapport où,
au nom du comité de l'instruction publique, il for-
mulai! la doctrine et les principes du nouvel étal de
choses:
«... Et telle est, dit-il. l'emprise de cet art (la mu-
sique!, de tous les arts le plus universellement senti,
qu'il ne faut qu'une âme et des oreilles pour en
jouir. Malheur à l'homme glac ■ qui ne connaît pas
son charme irrésistible. Malheur au politique im-
prudent, au législateur inhabile, qui, prenant les
hommes pour des abstractions et croyant les faire
mouvoir comme les pièces d'un échiquier, ne sait
pas qu'ils ont des sens; que ces sens forment des
passions, que la science de conduire les hommes
n'est aulre chose que la science de dirù u
sensibilité; que la base des institutions humaines
est dans les mœurs publiques et privées, et que les
esprits qu il est bénévolement u : constitutif
ti.'ii dramatique.
Cf. C. Pieuke .: '
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
beaux-arts sont essentiellement moraux, puisqu'ils
rendent l'individu qui les cultive meilleur et plus
heureux!... Ce bel art charme aussi l'étude, et la
philosophie aime à lui sourire. Socrate, au moment
de boire la ciguë, le cultivait dans sa prison. Pla-
lon, qui connaissait son pouvoir et sa moralité, le
mêlait à toutes les institutions de sa République,
comme les ministres des différents cultes l'ont intro-
duit, avant et depuis Platon, dans toutes les céré-
monies religieuses... Si donc cet art est utile, s'il est
moral, si même il est nécessaire pour les armées,
pour les fêtes nationales, et, ce qui comprend tout, pour
la splendeur de la République, hâtez-vous, représen-
tants, de lui assurer un asile... Il sera glorieux pour
vous de prouver à l'Europe étonnée qu'au milieu
d'une guerre immense, qui n'a élé pour la République
qu'une suite non interrompue de triomphes, con-
tenant à la l'ois, dans l'intérieur, le terrorisme anar-
chique et le terrorisme royal, décrétant pour les siè-
cles une constitution sage et républicaine, vous savez
encore donner quelques instants à l'encouragement
d'un art qui a gagné des victoires et qui fera les
délices de la paix... »
Ce qui s'exprime dans les observations de Chénier,
c'est l'affirmation que les arts, et la musique en par-
ticulier, ont une valeur sociale éducative, que la né-
cessité s'impose au législateur, comme au politique,
d'ordonner cet enseignement et de le dispenser lar-
gement. L'heure est venue, comme le dira Sarrettf,
dans le haut sens du mot, de donner une «existence
politique » à la musique.
Cette existence avait pris corps avec le Conser-
vatoire le 18 brumaire de l'an II. Sarrette, com-
missaire chargé de l'organisation, en détermina les
fondements •et les modalités dans le discours qu'il
prononça à l'ouverture de l'établissement, le 1er bru-
maire an V (22 octobre 1797), et dont il convient
de citer les parties essentielles :
« Citoyens,
« L'époque est arrivée où la musique, par la réu-
nion des hommes qui la professent avec le plus de
distinction, va se régénérer, en prenant avec énergie
un essor digne de la puissance de la République
française.
« Sept ans de travaux et de persévérance sont enfin
couronnés des plus heureux succès, puisque le Con-
servatoire de musique de France, la plus vaste école
de ce genre qui ait élé créée en Europe, s'ouvre
aujourd'hui en conséquence d'un décret de la Con-
vention nationale, et sous les auspices d'un gouver-
nement protecteur des arts.
a En décrétant la formation du Conservatoire, la
Convention nationale a voulu, par ce grand établis-
sement, donner à la musique l'asile honorable et
l'existence politique dont une ignorance barbare
l'avait trop longtemps privée ; elle a voulu créer un
foyer reproducteur pour toutes les parties dont se
compose cette science; elle a voulu que, centre de l'é-
tude de l'art, il renfermât des moyens assez étendus
et assez complets pour former les artistes néces-
saires â la solennité des fêtes républicaines, au ser-
vice militaire des nombreuses légions de la patrie,
et surtout au théâtre, dont l'intluence est si impor-
tante aux progrès et à la direction du bon goût;
enlin en établissant le Conservatoire de musique, la
Convention nationale a voulu, non seulement, con-
server des talents dignes d'illustrer la République,
mais obtenir de leur rapprochement des dissertations,
utiles à l'agrandissement de l'art et à la meilleure
direction qu'il convient de donner à l'enseignement
de ses parties.
« La Convention nationale a voulu; mais sa vo-
lonté resterait inexécutée si l'enseignement ne devait
suivre une marche raisonnée, plus complète que celle
employée par les anciennes écoles, et dégagée des
erreurs et de l'habitude qui la dirigeaient. Toutefois,
avant d'entrer dans les détails d'un nouveau plan
d'études , il faut retracer les vices principaux de
celui qui était en pratique avant la Révolution; ses
défauts reconnus produiront nécessairement des
leçons utiles pour l'avenir.
« Le chant, cette partie si essentielle de la musi-
que, a toujours été mal enseigné en France : les maî-
trises des cathédrales étaient les seules écoles qui
existassent pour cette partie, sous l'ancien gouver-
nement, et il parait que le but de ces établissements,
créés et entretenus pour le service du culte, dont le
besoin principal était de remplir par des sons volu-
mineux un immense vaisseau, faisait aux maîtres
qui les dirigeaient un devoir de ne montrer à chanter
qu'à pleine voix; méthode qui naturellement devait
tendre à l'exclusion des nuances et de l'expression. On
ne peut parler de la ci-devant Ecole de chant et de
déclamation, ses bornes étroites et sa mauvaise ins-
titution n'ayant pu permettre aux habiles professeurs
qui la composaient aucune réforme sensible dans la
manière de chanter.
« Les théâtres, contraints de tirer leurs chanteurs
des écoles des chapitres, furent toujours asservis au
genre adopté pour le culte; et ce ne fut qu'avec un
travail opiniâtre, en frondant l'habitude et les mau-
vais principes, que les grands maîtres qui, depuis
I rente ans, ont orné la scène lyrique de leurs chefs-
d'œuvre, parvinrent à les faire comprendre à ceux
qui devaient les chanter.
« Cependant, des artistes italiens vinrent en
France; ils y firent entendre, dans les productions
des génies de l'école d'Italie, une manière de chanter
agréable et expressive : ce genre fit sensation parmi
les artistes français et les amis de la mélodie; il fut
admiré, et bientôt des chanteurs, ayant senti les
vices de l'école française, crurent la régénérer en
cherchant à imiter les Italiens; mais ils ne réussirent
pas, parce que le sentiment est inimitable. Ils
avaient entendu un chant orné, ils en outrèrent la
manière; et le chant français fut surchargé d'agré-
ments dont le bon goiit réprouvait l'abus et qui
n'offraient, dans notre langue, qu'une ridicule cari-
cature de la grâce du chant italien. A travers ces
écueils néanmoins, et ultérieurement guidés par un
goût exquis et le sentiment du beau, des artistes
justement célèbres ont su créer un genre indépen-
dant et convenable à la langue française.
« Que ne doit-on pas espérer de l'école qui s'éta-
blit, puisque le plus grand nombre de ces artistes
sont chargés de l'enseignement de cette partie im-
portante!
« Le chant ne fut pas seul négligé : les instruments
à vent, poussés au plus haut degré de perle 'ion par
quelques artistes distingués, sont restés en général
dans une médiocrité qu'on ne peut reprocher aux
instruments à cordes.
., Il semble que cette médiocrité vient moins des
moyens employés au développement de leur méca-
nisme que de la mauvaise direction donnée à leur
étude : les régiments de l'ancienne troupe de ligne
(auxquels on doit en partie la naturalisation de ces
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3533
instruments, venus pour la plupart de l'Allemagne),
afin de hâter leur jouissance, ne faisaient parcourir
aux élèves qu'ils formaient qu'un petit cercle d'en-
seignement, proportionné à leurs besoins : on n'exi-
geait pas, dans ces écoles, que les élèves fassent
entièrement musiciens; on les portait avec précipi-
tation vers l'exécution des marches et autres mor-
ceaux militaires; c'était le but auquel on les faisait
tendre, et qu'ils atteignaient ordinairement après
quelques mois de travail; ensuite, ils pratiquaient
par métier. Si des élèves nés pour la musique cher-
chaient à sortir de ces pépinières d'ouvriers (et il
en est qui sont devenus des modèles pour toutes les
Ecoles); s'ils cherchaieut à s'élever au niveau de
l'art, ils avaient à vaincre les obstacles que leur
opposait l'absence entière d'ouvrages élémentaires et
de bonnes pièces pour l'étude de leurs instruments-
Il n'en était pas de même des instruments à cordes,
lesquels, après avoir été guidés par d'excellentes mé-
thodes, avaient pour exercices les productions des
plus grands maîtres, soit sonates, duos, trios, qua-
tuors, etc. Enfin, dans l'emploi qui leur était assigné
dans les orchestres, les iutruments à cordes, chargés
des parties principales de l'harmonie, trouvaient
dans la lecture entière des ouvrages dramatiques
le moyen de former leurs talents, pendant que les
instruments à vent, qui, par leur nature, ne pou-
vaient cHre employés que comme accessoires bril-
lants, entraient dans l'exécution et ne sortaient sans
être initiés dans la marche générale de l'harmonie,
et conséquemment sans pouvoir en suivre l'applica-
tion aux passions, ainsi que les instruments à cordes,
(jui exécutaient l'ouvrage dans son ensemble.
« Mais les nouvelles institutions du gouvernement
républicain dans l'instruction publique font un de-
voir au Conservatoire de diriger ses soins vers la
perfection et la multiplicité des instruments à vent.
En effet, la célébration des fêtes nationales, devant
se faire en plein air, ne laisse aucun doute sur l'im-
portante utilité de ces instruments : on sait que leur
volume de son et la résistance qu'ils opposent à
l'intempérie de l'air ne permettent aucune compa-
raison avec ceux à cordes. Chargés du service des
fêtes publiques, les instruments à vent ont une nou-
velle carrière à parcourir; alors prenant la place des
violons et des basses, soit dans la symphonie, soit
dans l'accompagnement des hymnes, leur partie
devient entièrement principale. Ce nouvel emploi,
et la nécessité de propager et d'étendre les moyens
de ces instruments (dont les excellents artistes que
renferme le Conservatoire ont si souvent fait con-
naître et admirer le charme), réclament impérieu-
sement un système d'enseignement beaucoup plus
étendu que celui qui jusqu'ici fut pratiqué par les
Ecoles de musique militaire. Mais, quel que soit le
mode d'enseignement adopté pour celte partie, il est
deux puissants moyens qui doivent être employés
pour multiplier les grands artistes que la Nation
possède dans ce genre : le premier, c'est de donner
aux instruments à vent, arrivés à un certain degré
de perfection, la pratique d'un instrumenta cordes,
afin que l'élève introduit dans l'exécution des bons
ouvrages consacrés à cette partie, puisse y prendre
le sentiment de la bonne musique, et devenir lecteur
à force d'occasions de lire; le second, d'inviter les
harmonistes à écrire plus souvent qu'ils ne l'ont fait
pour cette utile portion de leur art. Après avoir jeté
un coup d'œil rapide sur quelques défauts remar-
quables dans certaines branches de l'exécution, si
on examine quels étaient les moyens d'études à la
disposition des jeunes artistes qui se livraient à la
composition, on voit qu'après avoir reçu les pre-
miers éléments de l'harmonie, ces artistes n'avaient
aucune espèce de facilité pour former leur talent
d'après la comparaison des modèles créés par le
génie des hommes qui ont ouvert ou prolongé la
carrière de la science musicale. Les belles produc-
tions, si on en excepte celle des contemporains que
le goût du public fixait alors au théâtre ou dans les
concerts, leur étaient presque entièrement incon-
nues : non seulement, ils ne pouvaient jouir de. ces
ouvrages par l'exécution, mais ils n'en trouvaient
nulle part la réunion olferte à leurs méditations; et
la faiblesse de leurs moyens pécuniaires a trop sou-
vent été un obstacle à la possibilité de procurer la
portion qui en avait été gravée.
« Tel était l'état de la musique en France, qu'avec
plus de cinq cents écoles, et environ dix millions de
revenus annuels provenant de fondations laites pour
former et entretenir des musiciens, cet art si con-
venable au goût et au caractère des Fiançais est
cependant resté chez eux, dans quelques parties (Si
on en excepte néanmoins les hommes de génie pour
qui il n'est point d'entraves), à une très grande dis-
tance de la perfection, et surtout de la popularité
qu'il a acquise chez les Allemands et les Italiens.
Les causes de ce retard se trouvent toutes dans la
coupable impéritie que l'ancien gouvernement ap-
portait à tout ce qui intéressait les progrès et la
gloire de cet art. En elfel, où sont les ouvrages élé-
mentaires raisonnes, première et principale base
d'un bon enseignement.' Quels étaient les encoura-
gements otl'erls aux savants qui auraient traité la
théorie générale de l'art et ses rapports avec les
autres sciences? Enfin, dans quels lieux les pères de
la musique se réunissaient-ils, comme ceux de la
poésie, de la peinture et de l'architecture, pour fixer
les modes de l'étude, désigner au public les élèves
qui se dislinguaient dans les différentes parties, et
se communiquer mutuellement les résullats de leurs
travaux pour le reculement des bornes de l'art? Rien
de ce qui pouvait être utile à la musique ou aux ar-
tistes qui faisaient admirer sa puissance n'avait été
fait : la cour jouissait des délices de la plus brillante
exécution et accablait d'un insolent mépiis l'humble
mais célèbre exécutant; elle applaudissait aux enivres
savantes de la composition, et laissait l'estimable
compositeur végéter dans l'indigence, avec la certi-
tude cruelle de mourir au besoin. Enfin, par un
accès d'ineptie difficile à croire, la cour de France,
qui ne protégeait que par ton un art spécialement
honoré chez tous les peuples policés, avait porté le
ridicule jusqu'à décorer du titre fastueux d'Académie
Royale de Musique, le premier spectacle sans doute,
mais un spectacle, quelque grand qu'il lût, pouvait-
il être une Académie dans l'acception accordée a ce
mot? Et sans parler de cette inconvenance, qui, sentie
par tout le monde, provoqua tant de sarcasmes,
l'Opéra pouvait-il jamais rien faire qui ressemblât
aux fonctions d'une Académie? Mais, cessant de s'ap-
pesantir sur les misérables causes qui, en empêchant
les meilleurs résultats, tendaient insensiblement en
France à l'anéantissement de l'art utile et moral de
la musique, il faut s'attacher aux moyens qui peu-
vent réparer le mal produit par l'ignorance et la
plus coupable insouciance : ces moyens sont confiés
au Conservatoire de musique... »
Cette pensée ferme et brusque, ce style précis et
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
mordant témoignent de la volonté sûre, de la foi
ardente, non pas seulement d'un homme, niais de
l'esprit public des révolutionnaires. Cette même foi
enflammée inspirait toutes les déclarations et tous
les actes de la Convention et de ses commettants.
Le député de Maine-et-Loire Leclerc, dans le rap-
port fait au Conseil des Cinq-Cents, à la date du
7 frimaire an VII (27 novembre 1799), l'appelle tout
d'abord qu'en 1791 Talleyrand et Mirabeau intro-
duisirent l'enseignement de la musique, l'un dans
son Institut, l'autre dans son lycée national,
o L'entrée de la musique dans la patrie, poursuit-
il, date précisément d'une des époques les plus bril-
lantes de la dévolution, celle des travaux au Champ
de Mars. Les philosophes mesurèrent alors le degré
d'exaltation que les chants d'allégresse et des con-
certs populaires peuvent donner aux mouvements
de la liberté. Des fêtes se retracèrent à leur imagi-
nation, et, dès ce moment, ils prédirent le temps
où la Fiance républicaine reproduirait ces jours
d'éclat et de prospérité; mais il n'était pas temps
encore de si hautes espérances.
« Une seconde époque, plus glorieuse encore que
la première, acheva de nationaliser la musique.
« De nombreux ennemis envahirent le territoire
de la France; elle appelle des défenseurs; l'hymne
des Marseillais crée en quelque sorte des bataillons...
Etonnée de son pouvoir, et (1ère d'une aussi belle
influence, la musique acheva de se dévouer. Des
artistes formèrent spontanément des écoles gra-
tuites... L'imagination des législateurs et des écri-
vains, enflammée, créa des projets sur l'organisation
et le perfectionnement des fêtes nationales. Tous
attestèrent, sans détour, l'importance de l'ensei-
gnement de la musique... Ainsi sa consécration,
sa régénération et sa propagation seront le but des
écoles spéciales dont le rapporteur vient d'exposer
les vues politiques et morales. S'il en est qui vous
paraissent trop spéculatives, il en est d'assez posi-
tives pour vous déterminer.
« La reconnaissance vous engage envers la mu-
sique; la prévoyance vous oblige à la surveiller; enfin
l'exécution de vos propres lois vous fait un devoir de
la propager... »
Le ton de l'opinant est celui de l'idéologue jacobin,
mais la pensée et la doctrine demeurent les mêmes.
Plus substantielles et plus directes sont les obser-
vations sur l'état de la musique en Fiance par le
directeur du Conservatoire, lues à l'assemblée géné-
rale des membres du Conservatoire le o ventôse an X
(23 février lSOt^. sarrette, partant de la critique
des anciennes méthodes d'enseignement, établit une
série de propositions constructives où l'ampleur et
la variété le disputent à la justesse et à la fécondité
des vues :
« Le principe d'organisation de ce vaste établisse.
ment (le Conservatoire), qui excite l'acharnement de
ses ennemis, en raison des succès qu'il obtient, et
en raison des atteintes que ces mêmes succès peu-
vent porter à leurs calculs, exigeait la proposition
de mesures absolument nécessaires à son complé-
ment; ces mesures, qui consistaient dans la création
lin nombre d'Ecoles préparatoires, sonl ren-
fermées dans le projet d'organisation qui a été remis
au gouvernement. On est fondé à croire
projet pouvait être réalisé, les institutions qu'il
propose a ure Lient la régénération complète de
l'art musical en i rance,
« La difficulté de faire en ce moment la dépense I
nécessaire pour son exécution peut seule arrêter.
Mais il est bon de remarquer, en passant, qu'au total,
cette dépense serait moindre que ne l'était, dans la
seule ville de Paris, celle de l'entretien des maitrises
salariées pour la Cathédrale, la Sainte-Chapelle et
les autres établissements du culte. Enfin, le Conser-
vatoire et cinquante-cinq écoles placées sur divers
points de la République seraient défrayés avec envi-
ron o07U00 francs.
« Les résultats de ce nouveau système d'enseigne-
ment seraient deux mille six cent cinquante élèves
instruits dans toutes les parties de la musique. En
supposant que, sur ce nombre, six cents seulement
soient destinés par la nature à devenir musiciens;
en évaluant la durée de l'éducation de chaque indi-
vidu à six années, et opérant par terme moyen, on
obtiendrait chaque année cent élèves qui serviraient
à entretenir l'art dans la société, qui recruteraient
les nombreux corps de musique militaire, fourniraient
les moyens d'exécution pour les fêtes publiques, et
alimenteraient les théâtres.
« Alors on réunirait le triple avantage :
« 1° De remplacer avec une grande économie et
d'une manière infiniment plus fructueuse les moyens
si imparfaits d'instruction musicale qui existaient
autrefois;
2° De créer, avec un système d'enseignement d'au-
tant préférable à celui des cathédrales qu'il serait
complet, une école de chant, qui pourrait par la
suite rivaliser avec celles d'Italie;
3° De nous rendre indépendants des écoles alle-
mandes, où, jusqu'à l'époque de la fondation du
Conservatoire, on a été obligé île puiser les musi-
ciens instrumentistes employés dans les régiments
et les spectacles.
« Le Conservatoire de musique, n'ayant eu que
très peu de voix d'hommes à cultiver, n'a pu trouver
dans celte partie, comme dans toutes les autres, la
bonté du système d'enseignement qu'il pratique. Ce-
pendant, les talents qu'il a pu produire pourraient
déjà être cités avec honneur; les dispositions qu'il
cultive donnent beaucoup d'espérances, et il faut con-
venir que ce n'est pas là le seul but que doit atteindre
cet établissement.
« Avant tout, il faut trouver des voix. En plaçant
les Ecoles dans les départements méridionaux, ou
les organes sonl plus favorablement disposés pour
le chant, on découvrira sans doute des élèves pro-
pres à recevoir avec succès le bienfait des lionnes
théories... Cette recherche exige du soin et de l'acti-
vité; mais pour réussir plus complètement, il fau-
drait placer sur les principaux points de la popu-
lation des examinateurs dont la mission serait de
découvrir les voix propres à la culture.
« Les professeurs des écoles de musique seraient
ces examinateurs permanents; ils rendraient compte
régulièrement des dons de la nature, asse
ce genre; le Conservatoire les recueillerait el les
développerait. »
Le rapport envisage, dans sa dernière
produit commercial que la France tirera d
pagation de l'art musical. I
a cessé d'être tributaire de l'Angl
pianos, de l'Allemagne pour s à cordes
et à vent, et le commerce de la mu
appartient également.
laui de justes observations montrent l'a
prodigie i esprit de Sarbbi i i ,
Son plan d'organisation de l'enseignemenl musi-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3585
cal dans les départements prévoyait la création de
55 écoles de musique préparatoires au Conservatoire.
Deux projets avaient été élaborés peu avant le'sien.
Le premier, émanant du citoyen Daunou, envisageait
l'entretien de 12 écoles spéciales de musique.
« Organisation des écoles de musique. — Ecoles de
•premier degré. — Il y aura dans l'étendue de la
République trente écoles de musique dites de pre-
mier dei;ré ; ces écoles seront placées dans les com-
munes de Cologne, Anvers, Gand, Deux-Ponts, Cam-
brai, Metz, Amiens, Troyes, Besançon, Caen, Alençon,
Le Mans, Brest, Lorient, Angers, Poitiers, La Ro-
chelle, Angoulème, Bourges, Chalon, Périgueux,
Bazas, Cabors, Perpignan, Rodez, Le Puy, Grenoble,
Gap, Avignon, Aueli.
« Chacune de ces écoles sera tenue par un profes-
seur de solfège chargé de l'enseignement de quinze
élèves.
« Ecoles de deuxième degré. — Il y aura quinze
écoles de second degré placées dans les villes de
Lille, Mayence, Trêves, Reims, Nancy, Rennes, Or-
léans, Tours, Moulins, Limoges, Genève, Le-Puy-en-
Velay, Pau, Nice.
« Chacune de ces écoles sera composée de quatre
professeurs chargés de l'enseignement du solfège,
du chant, du violon et du violoncelle.
« Quarante élèves des deux sexes recevront l'ins-
truction dans chacune des écoles de second degré.
« L'un des quatre professeurs remplira, dans
chaque Ecole, les fonctions administratives.
« Ecoles de troisième degré. — Il y aura dix écoles
de musique de troisième degré; elles seront placées
dans les villes de Bruxelles, Rouen, Strasbourg,
Nantes, Dijon, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Mont-
pellier, Marseille.
« Chaque école sera composée de quinze profes-
seurs, entre lesquels l'enseignement sera réparti
ainsi qu'il suit:
Clrtnt '
Clarinette.
Compositior
"a reporte
Total
« Chaque école recevra cent vingt élèves des deux
•sexes. Il y aura un inspecteur de l'enseignement et
un sous-inspecteur de l'enseignement; le premier,
chargé de professer la composition, et le second,
l'harmonie. Les professeurs seront divisés en deux
classes; il y en aura six de la première, et sept de la
seconde.
« Il y aura dans chaque école une administration
composée de l'inspecteur de l'enseignement, du
sous-inspecteur et de trois professeurs pris indis-
tinctement parmi ceux de l'école; ces trois profes-
seurs seront nommés par leurs collègues et renou-
velés par tiers chaque année.
« Cette administration sera chargée de l'exécution
du règlement et des actes des autorités constituées
relatifs à l'école. »
Suivent les dispositions relatives au Conservatoire
de musique, seule école de quatrième degré, puis à la
nomination des professeurs et à leurs traitements.
Entre ces deux parties sont insérées d'intéressantes
dispositions générales :
« 11 y aura unité d'enseignement dans toutes les
-écoles de musique.
Copyrigth by Librairie Delagrave, 1930.
« Il sera annuellement distribué des prix aux élèves
des écoles de musique.
« Les élèves qui auront remporté des prix dans les
écoles de premier et de deuxième degré seront de
droit admis dans celles du troisième dej/ré, et les
élèves de ces dernières, qui y remporteront des prix,
seront de droit admis au Conservatoire pour y
achever leurs études.
« L'élève qui aura remporté le prix de composi-
tion au Conservatoire de musique voyagera pendant
cinq années, aux frais de la République; la quotité
de la pension qui lui sera allouée à cet effet sera égale
à celle accordée, dans l'Ecole de France à Rome, pour
les arts du dessin, aux pensionnaires de la Répu-
blique... Chaque école de musique aura dans son sein
un dépôt renfermant les ouvrages traitant de l'art,
ainsi que la musique et les instruments nécessaires
à l'étude...
« Vingt pensions annuelles, de 1000 francs cha-
cune, seront spécialement affectées à des élèves des
deux sexes qui réuniront les qualités propres à l'é-
tude du chant et qui se destineront à faire leur état
de cette partie; ils suivront leurs études au Conser-
vatoire de musique. »
Le projet de Sarrette ne put être réalisé. Les évé-
nements politiques et militaires ne le permirent pas
alors, et, depuis, la cause de l'enseignement musical
n'eut plus, au même degré, l'oreille des Assemblées
et des gouvernements. Mais telle était la justesse des
idées de Sarrette que nous les verrons reprendre,
à près d'un siècle de distance, par la commission
qui élabora l'organisation actuelle des écoles de mu-
sique de province. Faute encore de pouvoir réaliser
ce projet primitif, la commission dut rechercher un
mode d'adaptation conforme aux nécessités, aux
circonstances et aux possibilités matérielles de
l'heure, et dont il sera parlé.
Sarrette ne put donc ouvrir les écoles qu'il pro-
jetait d'établir dans les départements. Mais ces
écoles n'allaient pas tarder a surgir d'elles-mêmes,
isolément, lentement, et à solliciter un rattache-
ment, fùt-il même assez fictif, au Conservatoire.
Initiatives privées et municipales vont se disputer
l'honneur de suppléer à la carence de l'Etat.
C'est au début duxixe siècle qu'eurent lieu les
premières tentatives d'institution, dans les dépar-
lements, d'un enseignement musical laïque.
Nous devons à la publication récente du livre du
Centenaire du Conservatoire de Lille1, de pouvoir
montrer, par l'exemple de la première en date des
écoles de province, la façon dont l'enseignement
musical s'est organisé, en France, sous l'inlluence
des idées nouvelles, des besoins et de l'opinion pu-
blique.
Le 7 frimaire an XI (28 novembre 1802), les com-
missaires de la Société du concert de Lille - adres-
saient à M. Blarenberghe, député de la ville de Lille à
Paris, une lettre où, après avoir rappelé les titres et
le lustre attachés à cet établissement, le dépérisse-
ment dans lequel il était tombé et la « consolation »
1. L'Académie et le Conservatoire Vat ■ < de musique de Lille,
succursale >hi Conservatoire National </. Mmvp/> , t ,!<■ U <■/,>■■ <>-
tionde Paris, de tSIôà I9IS (Imprimerie ilu Progrès du Nord, Lille,
1923).
2. Cette société avait été créée le 24 mars 1733.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
à. lui rendue depuis trois ans par le gouvernement
que préside le premier consul Bonaparte, il s'expri-
nij il ainsi :
La société ne fournit pas seulement à la dépense
de ses plaisirs, elle en l'ait une qui la rend bien re-
commandable, c'est de faire instruire dans une
école gratuite de musique douze jeunes demoiselles
et douze jeunes garçons dont elle fournit à la dé-
pense et à l'entretien, guidée seulement par la bien-
faisante intention d'étendre et de perfectionner l'art
de la musique... Ces considérations, Monsieur, nous
déterminent à vous prier, au nom de la Société, de
solliciter le brevet de Conservatoire de musique de
la ville de Lille, secondaire du Conservatoire de
Paris, qui continuera à être régie et administrée
par cinq commissaires pris dans le sein de la Société
et choisis par elle. »
M. Blarenberghe et une délégation du conseil mu-
nicipal eurent audience du ministre de l'intérieur.
Le ministre regarda l'effet de la proposition comme
une demi-mesure. Il ne l'accueillit point, mais con-
seilla de faire la demande d'une école spéciale de
musique. Cette réponse s'inspirait très certainement
du souci où l'on était de ne pas abandonner à une
institution privée, fût-ce sous un patronage officiel,
l'organisation de l'enseignement musical.
Le 16 nivôse an XI (7 janvier 1803). le conseil mu-
nicipal, faisant état de l'existence de l'école gra-
tuite de la Société, du Grand Concert et de trois
autres sociétés d'amateurs ou d'élèves, et que, « par
Conséquent, une école spéciale de musique trouve-
rait à son établissement à Lille un émulation déjà
disposée et une reconnaissance parfaite de la part
des habitants », décida qu'il serait adressé au mi-
nistre de l'intérieur les plus pressantes sollicita-
tions pour l'établissement d'une école de musique
en cette ville.
Le 8 prairial an XI (28 mai 1803), une société en
tontine fut constituée en vue d'acquérir un terrain
et de faire construire une salle. En 1808, le conseil
municipal prit un arrêté établissant une école de
musique vocale et instrumentale, lisant le nombre
des professeurs à trois et déterminant leurs traite-
ments ; mais le règlement d'organisation de cette
école ne fut jamais publié, et l'arrêté ne reçut aucune
exécution.
En 1811, les commissaires de la Société du Concert
adressèrent une demande à l'empereur; les préoc-
cupations politiques et les événements empêchèrent
cet appel d'être entendu.
Enfin en 1810, le 24 mars, le conseil municipal
invita la Société du Concert à présenter un plan
d'organisation d'une Académie de musique. Soumis
le 7 mai au conseil municipal, ce plan fut adopté le
11 du même mois. Sur autorisation du ministre de
l'intérieur, un arrêté du préfet, daté du 31 juillet,
approuva les délibérations du conseil municipal, et
l'Académie de musique de Lille se trouva définitive-
ment instituée, en qualité d'école municipale. L'Aca-
démie pouvait donner des concerts, des bals, et les
élèves y avaient des exercices de musique. Une com-
mission de dix membres, sous la protection et la
surveillance du maire et du préfet, régissait l'ins-
titution.
Ses débuis furent modestes : elle recevait une
somme de 1800 francs du conseil municipal et une
subvention de même importance du ministère de l'in-
térieur. Deux professeurs étaient attachés à l'école,
l'un pour enseigner le chant, l'autre pour le solfège.
Un jury d'examen admit 13 élèves pour la classe de
chant el 40 pour le cours de solfège. En 1817, l'Aca-
démie de musique fut autorisée à prendre le titre
d'Ecole royale. La commission administrative reçut
communication du règlement de l'Ecole royale de
musique et de déclamation de Paris et prépara un
règlement. En août 1818, M. Pla.xtade, professeur
de chant de l'Ecole royale de Paris, vint inspecter le
nouvel établissement. En 1819, les subventions du
conseil municipal et de l'Etat fuient augmentées,
afin de favoriser l'ouverture d'une classe de violon-
celle et d'une classe pour instruments à vent.
Nous croyons intéressant de reproduire les rensei-
gnements qui nous sont donnés su i l'enseignement,
à cette époque, par la précieuse notice de MM. Paul
Pannier et Emile Haïe/, actuellement vice-président
de la Commission administrative et directeur du
Conservatoire de Lille.
En 181',), l'école de Lille comptait cinq classes :
l°une classe de vocalisation et de perfectionnement;
2° une ciasse de solfège; 3° une classe de principes
élémentaires; 4° une classe d'instruments à vent;
o° une classe de violoncelle.
40 demoiselles et autant de garçons étaient admis
dans les classes de solfège et de chant. Les élèves
n'étaient admis dans la classe de goût (vocalisation
et perfectionnement) qu'après avoir terminé leurs
études de solfège. On ne s'occupait dans la classe de
chant que de la vocalisation et de l'étude des mor-
ceaux d'ensemble. L'étude des chœurs et de la par-
tition se faisait dans la seconde classe, la première
heure de la leçon étant toujours consacrée au sol-
fège. Dans la troisième classe, on s'occupait de l'é-
tude des principes de la musique et de celle des
premières leçons de solfège.
Huit élèves pouvaient être reçus dans chacune des
classes d'instruments. Dans la classe des instruments
à vent, on enseignait la flûte, la clarinette et le bas-
son. 11 était défendu aux professeurs de mettre à
L'étude dans leur classe d'autres musiques que celles
tirées des auteurs classiques, lesquelles étaient dési-
gnées tous les mois par l'administration et affi-
chées dans chaque classe. Le 1er de chaque mois, il
y avait réunion générale de l'école pour exécution
des choeurs ou autres parties d'ensemble, en pré-
sence des membres de l'administration. En 1821, le
nombre des élèves de l'Académie fut fixé à cent.
La force d'une idée, servie par une volonté tenace
des pouvoirs locaux, réalisait ainsi, sous une loi nie
approchée, le projet de Bernard Saurk.tte. Une école
s'était ouverte dans une grande ville île province,
où se donnait l'enseignemeul gratuit de la musique
vocale et instrumentale; relie école avait sollicité
l'appui moral et financier du pouvoir central, elle
portait le titre d'école royale, et un professeur de
l'Ecole royale de Paris était venu l'inspecter. Il res-
tait à donner un statut légal à une situation de fait
encore unique, et à consacrer un élat de choses qui
était la conséquence des conceptions nouvelles ap-
portées par la Révolution sur le rôle et la fonction
de l'enseignement musical. Il est piquant d'observer
que le cours des événements politiques devait faire
du i.'ouvernementdu roi Charles \ l'exécuteur de la
pensée des hommes de la Convention.
Ce fut, en effet, une ordonnance royale qui ins-
titua la charte primitive des Ecoles nationales de
musique.
Un certain nombre de villeé, dans les vingt-cinq
premières années du xixe siècle, avaient ouvert des
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PRO VINCI
cours graluits d'enseignement musical. Dès 1806, la
municipalité de Douai avait subventionné une pelite
école; à Abbeville, le violoniste Eloy de Vicq avait,
en 1818, créé une institution analogue qui recul, en
1821, l'appui de la municipalité; a Itoubaix, une
école de musique s'était ouverte en 1820; celte
même année, le conseil municipal de Toulouse, par
délibération en date du 13 mars, avait décidé de
l'ouverture d'une école gratuite, qui reçut presque
aussitôt une subvention de l'Etat de 3000 francs.
L'école faisait alors une pension de 1500 francs, pour
trois années, à l'élève qui donnait le plus d'espé-
rances; à Marseille, M. Barsotti avait fondé, en
1822, une institution particulière qui devint institu-
tion communale en 1830, époque où tous les frais
furent pris à charge par la ville.
C'est en de telles conditions que, sur le rapport du
duc.de Doudeauville, surintendant des beaux-arts,
l'ut rendue l'ordonnance, en date du 20 décembre
1826, qui érigea les écoles de Lille et de Toulouse
en succursales de l'Ecole royale de musique et de
déclamation de Paris, Voici en quels termes :
« Charles, par la grâce de Dieu, Roi de France et
de Navarre :
« Sur le rapport qui nous a été fait, par notre aide
de camp, chargé du département des beaux-arts,
du désir manifesté par les écoles de musique éta-
blies dans nos bonnes villes de Lille et de Toulouse,
d'obtenir le titre de succursale de l'Ecole royale de
musique et de déclamation de Paris, et prenant en
considération les avantages qui peuvent en résulter
pour la prospérité des théâtres lyriques,
« Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
« Article premier. — A l'avenir, à dater du 1er jan-
vier 1827, l'Académie royale de musique de notre
bonne ville de Lille, et l'école gratuite de musique
de notre bonne ville de Toulouse seront considérées
comme succursales de' l'Ecole royale de musique et
de déclamation de notre bonne ville de Paris, et elles
seront autorisées à en prendre le titre.
« Article II. — Les directeurs ou administrateurs
de ces deux établissements corespondronl avec le
directeur de l'Ecole royale, et tiendront à sa dispo-
sition les élèves qui, désirant se vouer à la profession
théâtrale, lui paraîtront susceptibles d'être appelés
à Paris, pour y perfectionner leur éducation musi-
cale et dramatique.
« Article III. — Noire aide de camp, chargé du
département des beaux-arts, est chargé «le l'exé-
cution de la présente ordonnance.
« Signé: Charles.
« 20 décembre 182G. Le duc de Docdeauville. »
L'enseignement musical continuait à se répandre
en France grâce aux initiatives locales, privées ou
municipales. La ville d'Arras ouvrait une école de
musique en 1828, Boulogne-sur-Mer en 1830; à Metz,
M. Desvignes, compositeur et chef d'orchestre, obte-
dait du conseil municipal l'établissement d'une
école, en 1840 celui-ci demandait son érection en
succursale de l'Ecole royale de Paris, et une ordon-
nance du 16 août 1841 lui donnait ce titre ; plus
de 200 élèves y recevaient gratuitement l'enseigne-
ment, et une centaine d'autres élèves payaient une
rétribution scolaire peu élevée; à Caen, la Société
philharmonique du Calvados fondail, en 1835, une
école de chant, qu'un arrêté du 15 juillet plaçait
sous l'autorité du maire; en 1835, également, la mu-
nicipalilé de Valenciennes instituait une Académie
de musique; à Saint-Omer, une école s'ouvrait en
1836, à Perpignan en 1812; en 1844 c'était, a Nantes,
le sieur Bivessler qui prenait l'initiative de la fon-
dation d'une école, que la municipalité subventionna
et qu'une ordonnance du l<" septembre 1846 érigea
en succursale de l'Ecole royale de Paris: à Dijon, un,
école de musique était établie en 1845; un décret impé-
rial la rattacha au Conservatoire de Paris en 1868"
à Aix-en-Provence, en 1849, M. Lapierre ouvrait un
cours public de musique vocale, dans un local fourn
par la municipalité, qui, en même temps, accordait
une subvention; en 1856, des classes d'instruments
à vent et à archet étaient adjointes au cours primitif;
à Bordeaux, en 1852, la ville subventionnait l'école de
musique fondée par la Société des concerts de Sainte-
Cécile; etc.
Sous le second Empire, les Ecoles se multiplièrenl
assez, rapidement. En 1830, leur nombre n'excédail
pas une vingtaine, eu y comprenant les cinq succur-
sales de Lille, Marseille, Metz, Nantes et Toulouse.
En 1862, on relève l'existence de 75 écoles munici-
pales. Fondées par des initiatives privées ou par les
assemblées communales, elles fonctionnent sans
méthode et sans unité. Mal logées, faiblement sub-
ventionnées, dépourvues d'instruments et d'oil\ rages
d'enseignement, ce sont de médiocres établissements
d'instruction primaire. La plupart implorent en vain
l'assistance de l'Etat; la dépense annuelle portée au
budget de la France pour l'enseignement de la mu-
sique eu province est alors de Î2.600 francs! Seules.
les écoles succursales, quoique d'importance diffé-
rente, donnent quelques résultats méritant atten-
tion.
Les divers gouvernements qui se sont succédé
depuis le premier Empire laissèrent dans un état à
peu près stationnaire le maigre budget affecté à
l'enseignement musical par la Restauration. A dé-
faut de subventions, on doit toutefois au gouverne-
ment de Juillet et au Second Empire un règlement
pour les écoles succursales, des instructions sur
l'enseignement et un règle ut de police intérieure.
Ces documents1 sont remarquablement conçus. Le
premier traite de l'administration; de l'enseigne-
ment; des comités d'enseignement; des correspon-
dants honoraires; des professeurs; des classes et
de leur lenue; des élèves, de leur admission et de
leurs devoirs; des examens; des concours et des prix;
des exercices et concerts.
Le second précise les directives à donner dans les
principales matières d'enseignement. Nous croyons
utile et intéressant d'en reproduire ici les paragra-
phes strictement pédagogiques, dont la valeur est
demeurée entière.
■< Instructions sur l'enseignement. — Solfège.
L'enseignement élémentaire de la solmisation simul-
tanée est interdit dans l'école spéciale de musique;
de même, il est interdit aux professeurs de faire sol-
fier les 'élèves en changeant la tonalité de la leçon
sans changer le nom des notes.
« Chaque professeur de solfège a deux séries
de classes : la première série les jours pairs, la
seconde les jours impairs... L'emploi du temps est
divisé ainsi qu'il suit :
« 1° Etude des principes élémentaires, récitation.
>ue et de dëclamauou. le
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
dictée des principes sur l'ardoise ou le tableau et
composition notée.
« 2° Lecture du solfège séparément. Les élèves qui
se destinent au chant doivent d'abord apprendre la
clef de la nature de leur voix, en même temps que
la clef de so/ella clef de fa, essentielles toutes deux
pour l'étude du piano.
« Pour exciter l'attention et l'émulation des élèves
et leur donner leçon ensemble d'une matière fruc-
tueuse, eu évitant les graves inconvénients de la sol-
misatiôn simultanée, le professeur choisit dans sa
classe un certain nombre d'élèves à peu près d'égale
force; puis, désignant chaque élève par un numéro,
il fait commencer la leçon par un numéro, tandis
que les autres suivent mentalement; lout à coup, il
interrompt le numéro qui a commencé, et désigne
un numéro quelconque, lequel continue la leçon
sans altérer la mesure, ni les valeurs, ni les intona-
tions, jusqu'à ce qu'une nouvelle interruption sur-
vienne pour faire attaquer un autre, et ainsi de
suite. De cette sorte, tous les élèves ont pris une
part active à la leçon. Le professeur a soin pour
cela de faire reprendre chaque élève entre une
période et une autre.
« Les élèves doivent toujours solfier debout, et vis-
à-vis le professeur, qui doit veiller à ce qu'ils pren-
nent un bon maintien et ouvrent convenablement la
bouche.
« Le professeur doit aussi s'appliquer à surveiller
la justesse des intonations, particulièrement les demi-
tons, à faire phraser et respirer convenablement. Il
doit éviter d'accompagner à l'unisson la mélodie que
solfie l'élève.
« Vocalisation et chant. — Les professeurs de voca-
lisation et de chant ne font travailler d'airs et de
morceaux avec paroles à leurs élèves que lorsque
ceux-ci ont la voix bien posée et égalisée, et qu'ils ont
acquis de la flexibilité dans les exercices gradués de
la vocalisation, ce qui sera au préalable constaté par
le comité d'enseignement et à la suite des examens
trimestriels. L'élève, comme dans les classes de
solfège, sera toujours placé debout, devant le profes-
seur, afin que celui-ci puisse rectifier ce qu'il y a de
défectueux dans sa manière d'ouvrir la bouche et
dans son maintien.
« Les élèves des classes de vocalisation et de chant
sont tenus de copier les morceaux que le professeur
indique pour l'étude, afin, non seulement d'avoir
deux copies pour que l'élève puisse être placé comme
il a été dit plus haut, mais encore de fortifier l'élève
dans ses études, en l'obligeant à copier de la mu-
sique.
« Le nombre d'élèves dans chaque classe de voca-
lisation et de chant est fixé à six... Les élèves des
classes de chant doivent suivre la classe élémentaire
de piano, d'harmonie et d'accompagnement.
« Etude élémentaire du piano et harmonie pratique.
— Le professeur d'études élémentaires de piano et
d'accompagnement enseigne l'étude du clavier afin
de mettre l'élève en état de plaquer des accords,
d'accompagner la basse chiffrée, et quelques mor-
ceaux de chant et de partitions faciles.
<( Cette classe est accordée préférablement aux
élèves qui feront des progrès dans les classes de
chant... Dès qu'un élève delà classe d'accompagne-
ment sera reconnu en état d'accompagner la basse
chiffrée à l'examen trimestriel, le directeur pourra
le mettre à la disposition d'un professeur de solfège
ou de vocalisalion et de chant ou de classe d'en-
semble pour continuer ses études et mettre à profit
les leçons qu'il reçoit ou qu'il a reçues.
« Musique d'ensemble. — Le professeur de musi-
que d'ensemble fait travailler aux élèves des deux
sexes, assez lecteurs, les solfèges à deux, trois et
quatre voix, des morceaux d'ensemble, des chœurs,
de la musique sacrée. Le professeur de cette classe
doit s'attacher à bien faire observer les mesures
indiquées... Tous les élèves des diverses classes, déjà
lecteurs, doivent suivre assidûment la classe d'en-
semble.
« Cette classe doit avoir lieu six fois par semaine
et durer deux heures.
« Le nombre des élèves n'est pas limité.
« Nota. — Pour toutes les autres classes qui se
formeront par la suite, on donnera des instructions
sommaires pour l'enseignement.
« Instructions pour les examens et les concours. —
A l'examen préparatoire du concours et au concours
de solfège, chaque élève est tenu de lire à première
vue une leçon à changements de clefs, et composée
exprès par le directeur ou par un des membres du
comité, et choisie par le comité au moment même
de l'examen ou du concours... Le comité ou le jury
établit une série de questions sur les principes élé-
mentaires, qui doit être adressée à chaque élève.
« Pour le concours d'écriture sous la dictée mu-
sicale, auquel tous les élèves des classes supérieures
de solfège sont appelés à prendre part, le jury fait
choix d'un fragment de morceaux inédits dont un
des membres donne l'intonation et la mesure, soit
avec la voix, soit avec un instrument.
« Le même programme est imposé aux élèves des
classes de vocalisation sur une leçon en forme de
vocalise dite à première vue, indépendamment de
celle travaillée avec le professeur.
« Pour les concours de chant, le professeur, sur
l'avis du directeur, doit faire choix d'airs sur des
paroles françaises seulement, renfermant les qua-
lités nécessaires à la vocalisation et à l'expression
dramatique. Le même morceau doit être exécuté
par plusieurs élèves lorsque la nature des voix le
permet.
« Les élèves de la classe élémentaire de piano et
d'accompagnement pratique doivent accompagner
une basse chiffrée composée de marches harmoni-
ques et faite exprès pour l'examen ou le concours;
exécuter un morceau élémentaire de piano et un
fragment d'une partition facile. Les élèves de la
classe d'ensemble lisent à première vue un solfège
à deux ou trois voix sans doubler les parties. Un
morceau avec paroles, de même à deux ou trois
voix, doit être lu à première vue. »
Des arrêtés ministériels, en date du 10 juin 1852 et
du 26 avril 1S.S7, apportèrent quelques modifications
aux dispositions administratives primitives. La no-
mination du directeur de l'école fut retirée au préfet
du département et dévolue au ministre d'Etat;
l'institution des commissions de patronage passa,
en outre, du pouvoir du maire en celui du préfet,
qui requiert l'approbation ministérielle, etc.
Tel fut le régime sous lequel vécurent les écoles
succursales jusqu'en 1884. Leur nombre était alors
de six, l'école de Marseille, redevenue municipale,
avait été remplacée par celle de Dijon, et l'école de
Lyon était venue s'adjoindre au groupe des cinq
écoles primitives. Les subventions totales qu'elles
recevaient de l'Etat ne dépassaient toujours pis
22 600 francs.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3589
C'est alors qu'une commission fut nommée dans
le but de procéder à une enquête sur l'état de l'ensei-
gnement musical en province et de soumettre un
projet d'organisation nationale plus étendue. Cette
commission, présidée par M. Kaempfen, directeur
des beaux-arts, était composée de MM. Schlœcher,
sénateur, vice-président; Casimir Fournier, séna-
teur; Antonin Proust, député; Logerotte, député;
Ambroise Thomas, membre de l'institut, directeur
du Conservatoire; Cbarles Goumod, membre de l'Ins-
titut; Des Chapelles, chef du bureau des tliéùlres;
Réty, chef du secrétariat du Conservatoire, et Henry
Régnier, sous-chef du bureau des théâtres, secrétaire
rapporteur.
Nous allons reproduire les passages les plus
importants du mémoire1 où sont consignés les ré-
sultats de l'enquête à laquelle il fut procédé, d'une
part, et, d'autre part, les propositions qui furent
adoptées et soumises à l'agrément du ministre. C'est
aux travaux de cette commission que sont dus les
progrès qui furent réalisés dans la diffusion de l'en-
seignement musical public, en France, au cours de
ces quarante dernières années.
S'adressant au ministre, son rapporteur écrit :
« Le premier soin de la commission que vous avez
chargée de déterminer l'emploi le plus utile à faire
du crédit de 300 000 francs inscrit au budget de
1884, pour être affecté à l'enseignement spécial de la
musique, a été de s'enquérir de l'état actuel de cet
enseignement et de son organisation.
« Cette organisation, nous avons eu le regret de
le constater, est bien loin de répondre aux besoins
de notre temps.
« Ebauchée, en effet, sous la première République,
qui avait senti la nécessité de classer la musique
au rang des matières que l'on doit enseigner à la
jeunesse, mais à qui le temps fit défaut pour par-
faire une œuvre dont le plan avait été tracé avec une
rare perspicacité, elle est restée à peu près station-
najre depuis quatre-vingts ans...
« Pour être complet dans cette nomenclature, et
ne pas présenter un tableau inexact de l'enseigne-
ment musical en France, il convient de mention-
ner, en regard des Ecoles du gouvernement, deux
groupes distincts d'établissements indépendants :
« 1° Un certain nombre d'écoles créées dans les
départements par l'initiative des municipalités;
2° Les maîtrises des cathédrales, qui sont de véri-
tables écoles au sens propre du mol.
« Mettant à part le Conservatoire de Paris, dont
il suffit de constater l'intérêt à une réforme qui doit
lui donner son complément nécessaire, nous nous
bornerons à montrer les conditions d'existence de
ces diverses écoles, leur fonctionnement, la nature
de l'éducation qu'elles donnent, et les services
qu'elles rendent. »
La commission produit alors le tableau des cinq
écoles succursales, et son rapporteur poursuit :
« Ces écoles sont placées tout à la fois sous la
direction de l'Etat et des municipalités, et adminis-
trées conformément à des règlements approuvés par
l'administration supérieure.
« Quels sont les résultats qu'elles produisent?
« Pour en donner exactement l'indication, nous
1. Rapport fait le 13 juin ISSS au nom de ta commission chargée
d'organiser l'enseignement musical, par Henry Régnier (ministère
.le l'instruction publique et des beaux-arts, Imprimera Nationale,
1883).
ne pouvons mieux faire que de consigner dans ce
rapport les appréciations dont ces écoles ont été
l'objet, de la part du musicien éminent à qui in-
combe, chaque année, le soin de les inspecter.
« Selon M. Ernest Rêver, elles donnent, à des
degrés divers, tous les résultats qu'on peut attendre,
de leur situation présente, et, de ce chef, elles ne
méritent aucun reproche.
« Est-ce à dire pourtant qu'il y ait lieu de se
tenir pour satisfait? Sur ce point, il convient de for-
muler les réserves les plus expresses.
« Il suffit, en effet, de signaler le défavorable état
des théâtres lyriques établis dans les régions où
elles sont instituées, pour montrer que ces écoles
sont impuissantes à leur fournir tout le personnel
vocal, choral et instrumental indispensable à ces
sortes d'entreprises.
« D'autre part, créées en vue de devenir les pépi-
nières où le Conservatoire national pourrait re-
cruter des sujets aptes à recevoir avec profit l'en-
seignement supérieur, il est à remarquer qu'elles
s'acquittent insuffisamment de cette partie de leur
tâche, en n'envoyant à Paris que des élèves dont le
mérite ne compense pas le petit nombre...
« En résumé, la situation générale est des plus
précaires; sous peine de la voir s'aggraver encore,
il est urgent de relever la dotation des succursales.
« Mais il faut ajouter qu'il y aurait un grand inté-
rêt à ce que le secours qui leur serait prêté vint de
l'Etat.
.< La modicité de sa contribution à leur entretien
nuit sérieusement à la prépondérance qu'il doit con-
server dans leur direction, et devient souvent la
source de contlits 1res préjudiciables aux éludes.
« Nous ferons remarquer que c'est à la suite d'un
conflit de la nature de ceux dont nous venons d'in-
diquer la cause, que l'importante école de Marseille
a rompu tous les liens qui la rattachaient au Con-
servatoire national, et, sans insister sur cette con-
sidération, nous allons montrer que la situation de
l'enseignement libre ne laisse pas moins à désirer
que celle de l'enseignement officiel.
« Ecoles municipales. — Ces écoles, disséminées
sur divers points du territoire, sont en nombre con-
sidérable.
« On n'en compte pas moins de soixante-quinze;
le total des ressources qui leur sont affectées se
monte à une somme d'environ 430 000 francs.
« Mais ce serait une grave erreur de croire à
l'identité de leur situation.
« Elles présentent entre elles des dill'érences sen-
sibles au point de vue de leur constitution, au poii t
de vue budgétaire, enfin au point de vue des résul-
tats de leur enseignement, dont la spécialité est
commandée par les dispositions particulières des
populations au milieu desquelles elles sont établies.
« C'est ainsi que les écoles du Midi sont plus par-
ticulièrement adonnées à la culture des voix, tandis
que celles de l'Est et du Nord de la Erance font la
part la plus large à l'étude des instruments.
« En somme, d'importance très variable, s'il en
est dont la constitution présente de grandes ana-
logies avec celles des succursales du Conservatoire,
comme les écoles de Caen, de Besançon, de Nancy,
de Saint-Etienne, etc., qui donnent l'enseignement
secondaire, la grande majorité ne dépasse pas le
niveau d'établissements d'enseignement primaire.
« Quelques-unes d'entre elles comptent déjà un
grand nombre d'années d'existence, mais la plupart
FM.YCI.OPÈDlE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
son! de création récente, attestant ainsi, sous la
forme la plus sérieuse et la plus significative, l'in-
tensité du mouvement qui porte la France vers les
études musicales sérieuses.
« Nous voudrions pouvoir dire que tous les efforts
qui vous ont été signalés par l'enquête, dont vous
avez bien voulu nous communiquer les résultats,
ont été couronnés de quelque succès; nous sommes
malheureusement obligés, sauf quelques exceptions,
d'en constater la stérilité... Aucune de ces écoles
n'est organisée de manière à pouvoir faire face aux
besoins en vue desquels elle a été créée... Quelques-
unes sollicitent le titre de succursales du Conserva-
toire, et les avantages qui y sont attachés; toutes,
par l'organe des sénateurs, des députés ou des pré-
fets de leur département, implorent l'assistance de
l'Etat.
« Il nous reste à dire un mot des :
« U.//,t/.si's. — Elles ont été longtemps les seules
écoles de musique qu'ait possédées la France : leur
Importance considérable sous l'ancien régime, qui
ne s'était jamais préoccupé de constituer un ensei-
gnement laïque, avait déjà sensiblement diminué.
depuis la création du Conservatoire et de ses dépen-
dances; un vote des Chambres supprimant, à partir
de cette année, les crédits qui leur étaient affectés,
vient de l'annuler presque complètement.
Toutefois, cette suppression est trop récente pour
que nous puissions nous dispenser d'examiner le
n'ili' qu'elles remplissaient et d'en apprécier l'u-
tilité.
« Instituées en vue de fournir aux bas chœurs des
cathédrales les interprètes indispensables à l'exécu-
tion des grandes compositions de la musique sacrée,
elles étaient astreintes, par obéissance aux règle-
ments du clergé, qui interdisent l'emploi des voix
de femmes dans les églises, à recruter leurs soprani
parmi les jeunes garçons.
« ... On s'est appuyé, pour refuser de leur fournir
désormais une subvention, sur ce fait, que leur en-
seignement, à raison de sa destination, était d'une
nature toute spéciale, et trop limitée pour pouvoir
concourir au progrès des études musicales. Ce n'était
exact que dans une faible mesure, et l'on pourrait
s'en convaincre aisément en consultant leurs pro-
grammes qui comportaient l'étude du solfège et
des premiers éléments de l'harmonie, c'est-à-dire des
matières qui forment la base même de l'éducation
musicale.
« Mais les maîtrises, se fussent-elles bornées à n'en-
seigner que le plain-chant, avaient encore des litres
sérieux à l'appui de l'Etat.
C'étaient, en effet, les seules écoles adonnées à cette
nature d'enseignement, et il ne faudrait pas croire
que la faculté de déchiffrer une notation quia cessé
d'être usuelle soit le seul bénéfice qu'il y ait à retirer
de leur fréquentation.
Le grand mérite des maîtrises n'était pas seule-
ment de transmettre la notion d'une graphique
propre à une certaine époque, mais bien d'inculquer
au musicien le sentiment mélodique du texte même
du plain-chant; de l'initier, de l'accoutumer à une
espèce particulière d'harmonisation; de lui donner la
clef d'une langue que l'intérêt bien compris de l'art
commande de ne pas laisser tomber à l'état de
langue morte; de perpétuer enfin les traditions pré-
cieuses dont elles sont demeurées les seules gar-
diennes, et de la conversation desquelles découle,
comme élément essentiel d'une éducation musicale
sérieuse, une instruction spéciale et profonde des
principes mêmes de l'art.
» Il es! manifeste, par exemple, que l'étude des
différents modes du plain-chani peut seule prédis-
poser l'esprit et l'imagination à bien comprendre
l'art antique dont ils proviennent directement.
« Le maintien des maîtrises présente donc un véri-
table Intérêt historique : hâtons-nous d'ajouter que
ce n'est pas le seul qui soit en jeu, et qu'il faut encore
envisager leur enseignement sous un autre aspect,
au point de vue de l'action dont il est succeptible
sur les développements des artistes qui s'adonnent
plus tard à la musique profane...
" Voilà l'originalité de l'enseignement des maî-
trises.
« Voilà les services dont on lui est redevable.
«Il n'est donc pas excessif de dire qu'eu èteignanl
ce puissant foyer d'inspiration, la décision des Cham-
bres, si elle était définitive, porterait un coup funeste
à l'ait musical. »
Cette revue de nos institutions terminée, la com-
mission formule les principes auxquels devrait être
subordonnée la réforme a préparer : « Nous en
avons trouvé la définition dans un document qui
émane de la première République, et qui n'est autre
que le projet d'organisation de l'enseignement mu-
sical soumis en l'an IX au comité d'instruction publi-
que du Corps législatif.
« Ce projet émane de Bernard Sarrettf. : le nom du
fondateur et du premier directeur du Conservatoire
le recommandait à notre attention; un examen
attentif de ses dispositions l'a imposé à notre con-
fiance. »
La commission rappelle les dispositions princi-
pales du projet de Sarrette : « C'est sur des bases
à peu près identiques que nous avons fait reposer
le projet de réorganisation que nous avons l'hon-
neur de vous soumettre. » En conséquence, estimant
que la centralisation de l'enseignement peut seule
conduire à ta décentralisation de l'art, la commis-
sion pose le principe de l'unité de direction à donner
à l'éducation musicale, et l'institution d'un contrôle
vigilant exercé par des inspecteurs compétents. Elle
préconise la relation des différentes écoles avec le
Conservatoire, leur division en établissements d'en-
seignement primaire et d'enseignement secondaire,
et la mise en réserve d'une partie des crédits pour
distribuer des bourses d'études. Elle propose de ré-
partir les fonds entre les succursales du Conserva-
vatoire, les maîtrises1 et certaines écoles munici-
pales, au nombre de 33, dont les subventions com-
munales forment un total de ^TobiO francs, et que
fréquentent plus de 7 000 élèves.
La commission demande que des conditions soient
imposées aux maîtrises, comme aux écoles, aux-
quelles l'Etat viendrait en aide. Pour ces dernières,
elle estime nécessaire l'acceptation d'un règlement
élaboré par l'administration des beaux-arts, la con-
formité de leur enseignement à un programme d'é-
tudes tracé par le Conseil supérieur du Conserva-
toire et l'acceptation du contrôle des inspecteurs.
nombre de seize : Rouen. Ail, Besa
Nevers, Carcassonne, Cambrai, Lyon,
Le Mans, Montpellier. Les subvcnlioi
seize maîtrises s'élevaient ejnltaleme
tait 799 élevés. Les rensei^ iiemeats rerueillis
Irises alors existantes autorisaient a les considé
UV. Le, le/, Alias. |l||o|l
lées jusqu'en 1881 a ces
S0 fi mes, On i comp-
TEC US In UÉ, ES T/1ËT1QUE ET PÉDAGOGIE
Elle fait enfin connaître le mode de répartition au-
quel elle a cru devoir s'arrêter, et précise les chiffres
adoptes par elle.
Quelles furentles conséquences de ce rapport?
Voici ce que, sur l'heure même, écrivaient MM. Du-
pré el Ollendorff dans leur remarquable traité de l'ad-
ministration des beaux-arts, que nous avons déjà
« Au moment où le budget des cultes perdait les
300 000 francs annuels qui lui étaient accordés
pour subvention annuelle aux maîtrises, le ministre
des finances s'engageait à demander aux Chambres,
l'année suivante, le report de ce même crédit en
faveur de l'administration des beaux-arts, qui serait
chargée, non plus de subventionner la musique reli-
gieuse, mais de la répartition des fonds accordés par
les Chambres à tous les organes d'enseignement
musical qui paraîtraient mériter le patronage de
l'Etat et qui consentiraient à accepter son contrôle...
« Trente-quatre écoles municipales et seize maî-
trises avaient été désignées par la commission spé-
ciale comme dignes de toute l'attention de l'admi-
nistration supérieure. La commission comptait alors
sur le maintien intégral des crédits des budgets
antérieurs. Mais la réduction de ers crédits de
32i»ooo à 200 000 francs força l'administration à
réduire ses propositions. Elle dut se contenter d'éri-
ger quatre des écoles municipales en succursales du
Conservatoire et de nationaliser les quinze autres
écoles municipales et les six maîtrises que nous avons
énumérées plus haut1 ... Comme pour l'enseignement
du dessin, l'étude exacte de la situation de chacune
des écoles, de l'organisation de l'enseignement
donné-, des méthodes employées, des ressources de
toute nature, de l'état matériel des classes, de l'état
moral du personnel, des résultats obtenus, des
besoins en instruments, partitions, livres, etc., avait
été conliée à des inspecteurs spécialement désignés
pour celte mission préliminaire, et leur travail a
servi de hase à la répartition des crédits entre les
différentes écoles, proportionnellement à leur im-
portance el aux sacrifices des bugets locaux.
« Ce corps d'inspection a été non seulement con-
firmé, mais consolidé par un arrêté ministériel du
28 janvier 1884, créant à titre définitif, pour les
besoins du contrôle périodique annuel de toutes les
écoles nationales, un inspecteur général el six ins-
pecteurs-, tous choisis, selon le vœu de la com-
mission spéciale, parmi des artistes musiciens ex-
périmentés. Les trente établissements, succursales
du Conservatoire comprises, sont inspectés au moins
une fois par an. C'est à la suite des rapports des
inspecteurs que sont accordées les subventions éven-
tuelles en primes, bourses, instruments et livres que
l'Etat s'est réservé de donner comme encouragement
au développement des écoles et au succès de l'ensei-
gnement, et c'est ainsi qu'en 1884, une somme supé-
rieure à 65 000 francs a été consacrée à ces subven-
tions spéciales et particulières en matériel scolaire,
c'est-à-dire en instruments.
« Tous ces efforts datent d'hier, et on peut déjà
considérer l'enseignement musical en France comme
sorti de la période d'incohérence et d'oubli. L'unité
d'enseignement est constituée en principe par l'unité
CONSERVATOIRES DE PROVINCE
1. Ce sont : 1" les écoles d Av
2fl écoles d'Aix-en-F'rovence, Bavt
béry, Digue, Douai, Le M
in, le Havre, Nancy, et Rennes
yonne, Boulogne-sur-mer, Caen, Chara
, .Nimes, Perpignan, Roubaii, Saint
delà direction et de l'inspection. La matière en-
seignée varie, au contraire, et, sauf une large pari
d étude commune, celle de la science musicale elle-
même, cette matière d'enseignement doit varier avec
les régions. Ici le chanl dominera, là les instru-
ments; ici ce qu'on appelle la musique profane,
ailleurs la musique sacrée; ici la musique drama-
tique, ailleurs la musique symphonique. »
Les écoles municipales qui avaient fait l'objet
d'une proposition de subvention et qui durent être
abandonnées à leur propre sort, furent celle. ,1 Ure-
sur-Adour, Amiens, Arras, Cambrai, Carcassonne,
Carpentras, Cette, Digne, Nice, Orléans, Oran, Saint-
Quentin, Tourcoing et Valence. En dessous de ces
écoles se trouvaient encore d'assez nombreux établis-
sements municipaux sans valeur appréciable.
Depuis iS84, l'enseignement musical n'a subi
aucune transformation organique. L'histoire de cet
enseignement prendrait fin ici, si nous n
encore considérer un fait important, survenu au
cours du xix° siècle, qui eut une influence particu-
lière sur la formation et, ultérieurement, sur le
fonctionnement des écoles de musique. ,;
l'introduction de la musique au nombre des ma-
tières d'enseignement des écoles primaires.
L'article premier de la loi du 2S juin 1833 men-
tionne, pour la première fois, l'incorporation de la
musique dans les programmes de l'enseignement pri-
maire : « L'enseignement primaire supérieur com-
prend... des notions de sciences physiques et natu-
relles applicables aux usages de la vie : le chant,
etc.» Peu après, l'enseignement du chant fut rendu
obligatoire dans les écoles élémentaires, mais relie
mesure demeura sans doute inopérante, car la loi
de 1850 rendit cet enseignement facultatif. L'n anété
du 30 janvier 18Go le rendit à nouveau obligatoire
dans les écoles normales primaires. Le 8 févriei 1867,
un nouvel arrêté institua un comité de patronage
chargé de développer dans les écoles l'enseigne-
ment du chant. Enfin, un arrêté- du 23 juillet 1883 fit
entrer définitivement cet enseignement dans toutes
les écoles primaires. Des instructions précisèrent les
notions qui devaient être enseignées à tous les de-
grés des cours.
Ces notions furent-elles enseignées ? Etait-il même
possible qu'elles le fussent? Elles ne l'ont pas été et
elles ne pouvaient pas l'être. Il n'y eut que des ten-
tatives isolées. Les instituteurs furent bien requis
d'enseigner le chant à leurs élèves, mais le décret
demeura inopérant; la plupart des instituteurs ne
connaissaient pas la musique. On imposa alors
l'enseignement musical dans les écoles normales,
mais, d'une part, tous les maîtres ne sortaient pas
des écoles normales, et, d'autre part, les programmes
reposaient sur des données pédagogiques très d
tueuses, telles que celle du galinisme. Enfin, l'épreuve
musicale imposée à l'examen du brevet et au cer-
tificat d'études primaires était non seulement
vaine en elle-même, mais inopérante, celte épreuve
ne comportant pas de sanction effective. C'est en cet
état d'inorganisation qu'est demeuré l'enseignement
musical primaire. La loi n'est pas appliquée, et elle
ne peut pas l'être.
L'enseignement musical fut également introduit.
Etienne, Saint-Omer, Tours et Vaienciennes; 3° les maiti
Langres, Montpellier, Moulins, Nevers, Reiras et Rodez.
2. Le nombre des inspecteurs a été réduit à cinq, ulterie-i
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
en 1865, dans les établissements d'enseignement
secondaire, lycées et collèges1.
« C'est, disent Dupré et Ollendorff, un milieu où
l'art pénètre encore difficilement. La surcharge des
programmes des lettres et des sciences est l'excuse
de cette espèce d'ostracisme... Quant à la musique,
l'Université pratique tout au plus à son égard une
scepticisme bienveillant.
« Les maîtres sont exclusivement choisis, agréés
et éliminés8, le cas échéant, par les proviseurs... Tout
est laissé à l'intelligence et aux bonnes volontés
locales : liberté de méthodes et d'exercices.
0 nant aux lycées de jeunes filles, « l'Université
s'est bornée jusqu'à présent à leur étendre à peu
près les dispositions adoptées pour les lycées de gar-
çons. L'enseignement du solfège et du chant n'y est
obligatoire que dans la première partie des études...
Enfin, ni dans l'enseignement primaire, ni dans
l'enseignement secondaire, nous ne trouvons encore
1'inspeclion des éludes musicales organisée. »
Nous terminerons ces observations adventices en
rappelant que, depuis 1833 où Wilhelm en prit l'ini-
tiative, la Ville de Paris a institué dans ses écoles un
enseignement musical confié à des professeurs spé-
ciaux et soumis à une inspection technique perma-
nente.
Les particularités constitutives des écoles de mu-
sique des départements résultent des causes, mé-
diates ou immédiates, incluses dans les faits histo-
riques que nous venons de passer en revue. De leur
synthèse critique se dégage une notion dont on peut
dire, métaphoriquement, qu'elle est la pierre angu-
laire de la situation présente de l'enseignement mu-
sical.
Des origines à la Révolution, cet enseignement a
exclusivement un caractère spécial et technique. Il
a pour objet la formation des musiciens profession-
nels indispensables aux manifestations musicales
religieuses. Les enfants instruits dans les maîtrises
les quittent jeunes, à l'âge de la mue, et l'enseigne-
ment très particulier qu'ils y reçoivent a peu de
portée pratique pour ceux qui se destinent à exercer
leurs talents dans le genre profane.
Avec la Révolution, la musique se nationalise; elle
tend à s'incorporer à la vie de la nation. Ce fait nou-
veau a pour conséquence, au milieu du xix° siècle,
l'introduction de la musique dans l'enseignement
primaire, à titre éducatif. L'enseignement musical
acquiert, dès ce jour, une valeur inconnue jusque-là,
qui est sociale, avant que d'être proprement musicale.
Cette valeur dépasse son propre objet, et il devient
nécessaire de préciser, à cette place, les fonctions
fondamentales de l'enseignement de la musique en
l'état actuel de la société.
FONCTIONS SOCIALES DE L'ENSEIGNEMENT
MUSICAL
Tout enseignement est susceptible d'avoir deux
fonctions sociales principales, selon que son carac-
tère est exclusivement spécial et technique, ou que,
1. On ncp.Mil manquer de rappeler, à celle occasion, que lorsque
Tondorcet avait prépose a la I à.uvention la création île neuf lvcées
nationaux, il prévoyait dans chaque lycée un professeur qui aurait
enseigné la théorie et 1 1 composition de la musique.
i. Depuis d'assez nombreuses années, les professeurs de musique
conjointement, il participe à la formation générale
publique de la collectivité, à titre éducatif.
En disant d'un enseignement qu'il est spécial et
technique, nous entendons exprimer que son objet
est de former un corps professionnel. Un petit
nombre de centres universitaires, sinon un seul,
suffisent, en pareil cas, à remplir cet office.
Lorsque, au contraire, l'enseignement ne tend, sous
la forme de notions élémentaires, qu'à l'éducation
première des masses, il s'ensuit, vers la base, une
multiplication considérable des foyers d'instruction.
La complexité des nécessités sociales a ainsi en-
gendré les ordres d'enseignement. De l'un à l'autre
il y a moins une différenciation de degré que de
nature, c'est-à-dire d'espèce. L'enseignement pri-
maire dispense les connaissances éducatives stric-
tement nécessaires pour la satisfaction des besoins
généraux de l'individu moyen; l'enseignement se-
condaire, par une gymnastique intellectuelle pro-
longée, a pour mission de préparer les cadres de
la société ; enfin la tâche échoit à l'enseignement
supérieur de transmettre et d'accroître les connais-
sances savantes et de donner un cerveau au corps
social.
Les trois ordres d'enseignement représentent, dans
leur succession, les aspects gradués d'une fonction
complexe, dont les termes extrêmes sont l'éducation
générale publique et les hautes spécialisations indi-
viduelles.
Si l'on considère les matières des programmes de
l'enseignement primaire, on constate qu'elles sont,
depuis un siècle surtout, en accroissement constant.
Si limitée que soit, en définitive, une telle extension,
celle-ci s'accuse encore sensiblement de nos jours.
L'accroissement et l'évolution des besoins collectifs
ont conduit à introduire dans l'enseignement pri-
maire des matières qui, antérieurement, n'étaient
pas appelées à joue* un rôle éducatif. Après avoir sa-
tisfait aux préoccupations utilitaires, il était naturel
qu'une part fût faite aux aspirations de l'être intime
pour l'agrément, l'embellissement et l'ornement de
la vie. Lorsqu'il ne suffit plus que l'enfant apprit à
lire, à écrire et à compter, des notions complémen-
taires furent empruntées à la littérature, à l'histoire
et aux sciences, puis aux arts du dessin et de la mu-
sique. Nous avons dit quand et comment, et aussi
l'échec de cette tentative.
Cet échec est le fait important qui doit être re-
tenu, car il a déterminé un véritable dédoublement
des fonctions sociales des écoles de musique. Ecoles
spéciales et techniques, à l'origine et par destina-
tion, elles ont dû devenir, conjointement, des centres
d'éducation populaire. Qui plus est, c'est en cette
qualité que, depuis le milieu du xixf siècle, la plu-
part de nos instituts musicaux ont été créés et que,
par un effort méritoire, quelques-uns se sont haussés
jusqu'au rang d'école d'art.
En quelque sens qu'on la considère, cette con-
trainte est le fondement même du problème que
pose l'examen de notre enseignement musical, dont
les fonctions sociales se sont modelées sur les idées
générales prédominantes des trois grandes périodes
de notre histoire.
doivent être, autant que possible, tiliduies du icrlilicat d'aptitude à
l'enseignement du chant. Leur nomination est soumise, par les chefs
d'établissements, à l'approbation du recteur. L'enseignement musical,
par une singulière anomalie, n'est d'ailleurs dc-i que dans les classes
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3593
Des origines à la fin du moyen âge, période théo-
cralique, la fonction sociale de l'art est religieuse;
de la Renaissance à la Révolution française, période
d'absolutisme monarchique, elle est aristocratique
et mondaine ; depuis la Révolution et l'avènement
de la démocratie, elle est, en outre, éducative et uni-
verselle. De ces observations, qui offrent à la critique
spéculative un champ d'études étendu, nous ne re-
tiendrons que la notion, nullement transcendantale,
mais pour nous essentielle, du double objectif, édu-
catif et technique, de nos écoles de musique.
LES RÉGIMES ADMINISTRATIFS DES ÉCOLES
DE MUSIQUE
Les écoles de musique des départements ressortent
adminislralivemenl aux trois catégories suivantes :
1° écoles privées; 2° écoles municipales; 3° écoles
nationales.
Nous allons examiner, comparativement, les par-
ticularités de ces divers régimes.
Écoles privées.
On ne saurait reconnaître la qualité d'école de
musique aux innombrables cours instrumentaux et
vocaux disséminés sur toute l'étendue du territoire.
Il importe de définir ce qu'il faut entendre par ce
terme, et de marquer le caractère distinctif des
écoles.
Un établissement d'enseignement musical ne peut
être considéré comme une école qu'autant : 1" que
l'enseignement est donné collectivement; 2° que
l'ensemble des classes est ordonné et gradué de
façon à constituer un tout, plus ou moins complet,
mais cohérent et harmonieux; 3° que les études
comportent des sanctions indépendantes des intérêts
particuliers qui peuvent se trouver en jeu.
Le nombre des établissements privés de cet ordre
est forcément très restreint. Leur création exige une
mise de fonds dont le rapport est fort aléatoire, en
raison du nombre limité des élèves pouvant sup-
porter les frais d'une rétribution scolaire rémuné-
ratrice. Les initiatives privées, auxquelles nombre
d'écoles sont redevables de leur existence, se trou-
vent ordinairement contraintes de solliciter, à bref
délai, une subvention municipale, en [retour de la-
quelle les écoles, tombant en partie sous le contrôle
des assemblées communales, perdent de la sorte
leur caractère primitif.
En fait, une école privée ne peut subsister que si
elle est patronnée et subventionnée par une société
civile, ou une personnalité, consentant tous les sacri-
fices pécuniaires nécessaires. En ce cas le régime de
ces écoles est sous l'entière dépendance de leur con-
seil d'administration : budget, personnel directeur
et enseignant, programme des concours et toutes
dispositions scolaires sont, en dernier ressort, réglés
par celui-ci, sinon par une personne investie d'un
rôle prépondérant, et souvent éphémère, au sein de
ce conseil.
Ce régime peut être le meilleur, ou le pire, qui
soit. Il présente le maximum d'aléas, tant par son
manque de stabilité, de continuité, et, d'une ma-
nière générale, de garantie pour tous ceux qui lui
sont soumis, que par la primauté inéluctablement
accordée aux considérations matérielles et finan-
cières en opposition avec les intérêts supérieurs et
les fins de l'enseignement.
Le régime des écoles privées est, en France, le
régime d'exception. Il n'en est pas de même dans
nombre de pays étrangers. Chez nous il apparaît,
ordinairement, comme un régime momentané et
transitoire. Cela tient à nos mœurs, au peu de con-
fiance que le Français accorde aux initiatives privées"
sinon à la méfiance qu'inspire un enseignement sans
contrôle, sans caractère officiel, et effectivement livré
à lui-même. Il ne faut pas oublier, en effet, que le
professorat de la musique est libre, et qu'on peut lui
appliquer une formule célèbre en disant que n'im-
porte qui peut, n'importe où, et n'importe comment,
enseigner n'importe quelle matière musicale. Funeste
privilège, dont les méfaits, dans l'enseignemen
privé', sont considérables.
Écoles municipales.
Les écoles municipales sont, dans le cadre de
l'administration communale, essentiellement auto-
nomes. Toutes, cependant, sont régies sensiblement
de la même façon. Les différences qu'elles présentent
sont, en partie, étrangères à leur mode d'adminis-
tration; leur importance et les résultats qui y sont
obtenus dépendent étroitement de causes locales, ou
personnelles.
Le régime administratif municipal se définit en
deux propositions : 1° le budget de l'école, dépenses
et recettes, est partie intégrante du budget com-
mun;! 1: 2° aucune autorité étrangère, ou non subor-
donnée à l'administration municipale, n'exerce de
droit de regard sur le fonctionnement de l'école.
L'école reçoit ses subsides de la ville, qui encaisse,
s'il y a lieu, la rétribution scolaire; elle est logée
par ses soins; directeur, professeurs et personnel
de service sont nommés par le maire; les uns et les
autres sont employés municipaux, cornmissionnés
ou non, selon les règlements locaux. La gestion ad-
ministrative et financière est identique à celle des
autres services municipaux. L'autorité du maire n'a
pour limites que celles incluses dans les lois géné-
rales de l'administration publique, et dans la mesure
seulement où son exercice ne dépend pas de l'allo-
cation d'un crédit que l'assemblée communale de-
meure toujours maîtresse d'allouer ou de supprimer.
Au-dessous du maire, ou de son adjoint délégué,
est institué un conseil d'administration ou de per-
fectionnement, et, parfois aussi, un comité d'ensei-
gnement, composés, pour une part, de conseillers
municipaux et, pour une autre part, de personna-
lités choisies et nommées par le maire. Ces conseils
ont pour mission de contrôler la gestion administra-
tive et technique de l'école. Ce dernier contrôle est
plus fictif que réel, en raison de l'insuffisante com-
pétence du conseil à l'égard du directeur et des pro-
fesseurs. En quelque occurrence que ce soit, conseil
ou comité conservent, au surplus, le caractère d'une
simple commission consultative.
Les écoles municipales de musique ont généra-
lement pour statut un règlement administratif
approuvé par un vote du conseil municipal. Ce règle-
ment, qui ne peut, bien entendu, offrir aucune
garantie quant au niveau des études, peut exercer,
cependant, s'il est bien fait, une influence sensible
sur la marche de l'école. Il fixe, ordinairement, les
prérogatives et attributions particulières du conseil
d'administration, du directeur et des professeurs, la
nature des matières enseignées, la composition des
classes, les devoirs et obligations des élèves, la durée
ENCVCL0PÉ&1E DE LA MUSIQUE ET D1CTI0.X.XAIRI1 DU CONSERVATOIRE
de la scolarité, la fréquence et les programmes des
examens el des concours, les conditions d'attribution
des récompenses, etc. En un mot, il appartient à ce
règlement d'ordonner la vie de l'école, de lui donner
son rythme et sa physionomie.
ence de la carence de l'Etat qui, en pro-
vince, n'assure nulle part l'enseignement musical, il
semble que le régime administratif municipal soit le
régime normal des écoles de musique. La plupart
d'entre elles ont été créées par l'initiative des muni-
cipalités, et. sans les subventions allouées par ces der-
nières, aucune ne pourrait subsister. Cependant, le
nombre des écoles municipales ne représente pas
sensiblement plus du tiers du nombre total des écoles,
particularité d'autant plus surprenante que toutes
sont, en fait, entretenues avec les crédits des budgets
communaux. Dans la pratique, il s'avère, en effet,
que ce régime présente de nombreux inconvénients.
Deux graves critiques peuvent être formulées à
son encontre.
Administrativemenl, un pouvoir local et politique
ne jouit pas de l'indépendance et de la liberté d'ac-
tion qui sont nécessaires pour gérer souverainement
un organisme délicat et complexe, dont le fonction-
nement dépend d'nn petit nombre de valeurs indivi-
duelles rivales et, pour tout dire, en état de lutte et
de concurrence incessantes.
Techniquement, les municipalités n'ont à leur dis-
position aucun moyen de contrôle sur l'enseigne-
ment, sur la valeur professionnelle du personnel et
sur la qualité des résultats obtenus.
Sans doute, l'autorité momentanée d'un homme,
en de certains cas, peut-elle suppléer à cette double
carence; il n'en demeure pas moins que la valeur
d'un régime ne peut être confondue avec l'apprécia-
tion d'un cas particulier. L'absence d'un contrôle
technique étranger à l'école, mais responsable et
qualifié, est la cause principale des mécomptes que
les municipalités éprouvent du fait de leurs écoles
de musique, en dépit de leur bonne volonté et de
leurs libéralités. Ce défaut d'autorité supérieure
livre directeur et professeurs à eux-mêmes, permet
aux intérêts personnels de prendre le pas sur l'in-
térêt général, et entraine une rupture d'équilibre
dont les répercussions perturbent les cadres de
l'école, l'ordonnancement des classes et les pro-
grammes des études. Ainsi le niveau des cours s'a-
baisse au fur et à mesure que croit le nombre des
récompenses décernées!
Si l'on ajoute encore que les écoles municipales,
sans relation d'aucune sorte avec les autres écoles de
musique, vivent d'une vie isolée dont l'horizon est
étroitement borné, on se rendra compte des raisons
pour lesquelles ces écoles se trouvent plus ou moins
ravalées, dans les petites villes, à jouer le rôle de
simples pourvoyeuses de l'harmonie municipale.
Enfin, il ne faut pas oublier que la politique locale
peut exercer une influence dangereuse pour les
écoles, sans aucun tempérament possible; danger
d'autant plus grand que, créées par les municipa-
lités, mais dotées de ressources modiques, les écoles
ont une vie précaire et fragile.
11 n'est pas rare, en de telles conditions, qu'elles
manquent à leur double mission, impuissantes
qu'elles sont à donner un enseignement technique
professionnel, comme à remplir leur office, plus
modeste, d'éducatrices publiques. Qu'arrive-t-il en
cette occurrence? Certaines disparaissent, quelques
autres, diversement improductives, végètent. Alors,
souvent, et comme en désespoir de cause, les muni-
cipalités implorent le secours, l'aide et le patro-
nage de l'Etat.
C'est ainsi que s'est constitué lentement le grou-
pement, aujourd'hui très important, des écoles
nationales de musique, dont le régime, assez parti-
culier, mérite un examen attentif.
Éeoles nationales.
Celte appellation d'école nationale de musique est
à la fois inexacte et malencontreuse : inexacte en
son sens littéral, les écoles nationales n'apparte-
nant pas à l'Etat, comme en >on sens figuré, car leur
action demeure locale ou, exceptionnellement, régio-
nale ; malencontreuse en ce qu'elle enlève nomina-
lement et indûment leur titre de propriété à leurs
véritables propriétaires, fait qui, avant toute appré-
ciation sur le bien fondé de ce régime administratif,
indispose à son égard les pouvoirs publics intéressés,
mais insuffisamment avertis.
Les écoles nationales ne sont, en effet, que des
écoles municipales, patronnées, contrôlées et généra-
lement très faiblement subventionnées par l'Etat. Il
serait équitable et judicieux que cette appellation
fût modifiée. Ce n'est pas là une vaine querelle de
mots, les mots devant être l'expression exacte et
rigoureuse de l'objet qu'ils représentent; mais, néan-
moins, c'est cet objet qu'il convient, ici, de consi-
dérer.
Le régime adminislratif des i coles nationales de
musique repose sur une convention type liant réci-
proquement les villes à l'Etat. Les observations que
nous aurons à consigner sur les effets de celte con-
vention trouveront leur place naturelle après la lec-
ture de son contexte :
Contention pour la transformation 'l'une école
de musique municipale en -rôle note, mile.
Entre le ministre de l'instruction publique et
des beaux-arts, agissant au nom de l'Etal, d'une
part, et M. le maire de... agissant au nom de la ville,
spécialement autorisé, à cet effet, par délibération
du conseil municipal, en date du..., d'autre part, il a
été convenu ce qui suit :
Article premier. La ville consenlà la transforma-
mation de son école municipale de musiqi u i sole
nationale.
Article II. Elle s'engage à porter annuellement à
son budget, et à prélever sur ses ressources propres
une somme égale à celle inscrite au budget actuel
de la commune, pour les dépenses de l'école, soit
une somme de...
Cet engagement est pris sous la réserve expresse
que la ville ne pourra être tenue à augmenter Dette
part contributive pour quelque motif que ce puisse
être, et à la condition que l'Etat interviendra dans
les dépenses annuelles pour une somme de...
Articte III. Le budget de l'école de musique, com-
prenant la rétribution du personnel administratif
et enseignant, ainsi que les divers frais de matériel,
sera soumis, avant l'ouverture de chaque exercice, à
l'approbation du ministre.
Article IV. La ville s'engage à fournir à l'école le
local nécessaire.
Article V. L'école sera soumise à l'observation
d'un règlement et à l'application d'un programme
d'études établis par le ministre sur les bases d'un
projet préparé par la municipalité.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 35
Ce règlement et ce programme d'études, une fois
revêtus de l'approbation du ministre, ne pourront
plus être modifiés sans son consentement; ils seront
annexés à la présente convention.
Article VI. Le directeur sera nommé par le mi-
nistre sur la présentation du préfet, et après avis du
maire.
Les professeurs seront nommés par le préfet, sur
la présentation du maire.
Article VII. L'école sera soumise au contrôle des
délégués du ministre.
Article VIII. La municipalité s'engage à adresser,
tous les trois mois, au ministre un état du personnel
enseignant et des élèves et un état de la situation
financière de l'école indiquant les dépenses faites
sur le budget de cette institution dans le cours du
trimestre précédent.
ArticleXJ. Le maire de... soumettra les termes de
la présente convention à l'approbation du conseil
municipal; l'extrait de la délibération dans laquelle
aura été donnée la ratification dudit conseil devra
être approuvé par le préfet de... et transmis par lui
au ministre.
Fait en double à Paris le...
Le maire de...
Le ministre de l'Instruction Publique
et des Beaux-Arts...
Aux termes de l'article II, le contrat présente, pour
les écoles, un avantage important: il les met à l'abri
d'une réduction éventuelle de leurs ressources bud-
gétaires. Huant à la participation de l'Etat, en ma-
tière financière, il est douloureux, à l'heure actuelle,
de devoir en faire mention. A l'origine, elle attei-
gnait de 20 à 30 °/0 du budget global des écoles.
Depuis près de vingt ans, les réductions opérées par
les Chambres sur les crédits affectés à l'enseigne-
ment des beaux-arls ont rendu absolument fictive la
contribution de l'Etat dans les dépenses des écoles
nationales nouvellement rattachées. Le ministère
alloue annuellemeut a celles-ci la somme de cent
francs.
L'assentiment du ministre, requis à l'article III,
pour tout changement dans le budget de l'école est
assimilable à un simple visa administratif. S'ap-
puyant sur l'autorité technique des inspecteurs, l'in-
tervention ministérielle tend à éclairer les munici-
palités sur les avantages ou les inconvénients que
peut présenter telle ou telle mesure.
L'article IV n'est opérant qu'au moment du pas-
sage de la convention. Il contraint les communes à
ne pas laisser les écoles dans des locaux insalubres
ou insuffisants.
L'obligation, inscrite à l'article V, de soumettre
l'école à l'observation d'un règlement et à l'appli-
cation d'un programme d'études, l'un et l'autre
approuvés par le ministre, est particulièrement im-
portante. Ici encore, sur les suggestions des inspec-
teurs, le pouvoir central peut utilement conseiller les
pouvoirs locaux. Son intervention permet, en outre,
dans une certaine mesure, d'apporter, à défaut d'une
unité réelle dans l'enseignement des écoles, certaines
équivalences et, tout au moins, la continuité des
vues et la stabilité dans la gestion de chaque établis-
sement.
L'article VI stipule que la nomination du directeur
appartient au ministre, et celle des professeurs au
préfet. Il a pour objet de soustraire les intéressés
■aux influences de la politique locale. Il est au nombre
des plus importantes dispositions de la convention,
et, si son application ne laisse pas que d'être déli-
cate, elle apporte d'assez sérieuses garanties dans le
recrutement du personnel dirigeant et enseignant.
Enfin l'article VII sauvegarde l'ensemble des inté-
rêts les plus importants. Il soumet les écoles au
contrôle des inspecteurs de l'enseignement musical.
Ce contrôle technique, permanent et responsable,
est, en définitive, la clef du voûte du i .
écoles nationales. C'est par lui que sont assurées
toutes les clauses du contrat ; il satisfait aux nécessités
générales et spéciales propres ù assurer leur pros-
périté et la meilleure utilisation des ressources de
chacune.
Les autres dispositions de la convention ont un ca-
ractère administratif purement acci
A ne considérer que la libellé de cette convention,
on constate qu'elle alfecte davantage la forme d'un
contrat d'assurance que celle d'un transfert de pou-
voirs d'une autorité à une autre. Elle supi rpose • I
additionne, en quelqne sorte, po ir les
tager, les responsabilités, en donnant à celles de
l'administration centrale un caractère préventif et
immunisateur. Elle laisse aux écoles leur qualité
de fondations et d'établissements municipaux, mais
elle tend à les préserver des risques que leur font cou-
rir les insuffisances et les lacunes inhérentes i I ui
nature.
La seule analyse d'une convention administrative
ne suffit pas à montrer ce qu'elle est dans si
Il est intéressant de considérer ceux-ci de plus pris,
de les saisir sur le vif, c'est-à-dire dans leui réalité
pratique et usuelle. La valeur propre d'un -
n'est pas indifférente, mais la façon dont il est appli-
qué agit à la manière d'un coefficient susceptible
d'être affecté d'une valeur positive ou négative. Il
convient donc de voir comment l'administration des
beaux-arts comprend son rôle dans ses rapports
avec les pouvoirs locaux municipaux, el I
une sorte d'état moral des relations qui sont la par-
ticularité et la pierre d'achoppement éventuelle du
régime en cause.
L'histoire des écoles de musique de province,
considéré'- sous son aspect administratif, pp'-seiilf
ordinairement un synchronisme évolutif très carac-
téristique. Fondées par les municipalités, ou de fon-
dations privées devenues municipales, les écoles de-
meurent quelques années soumises à ce régime. Vient
un jour où, la détresse de leur situation s'aggravanl,
les municipalités sollicitent l'intervention de l'Etat,
seul moyen qui demeure pour obvier à leur ferme-
ture.
L'intervention de l'Etat, c'est l'acceptation de la
convention de nationalisation, à la manière, sinon
d'une carte forcée, du moins d'une contrainte iné-
luctable. Cette acceptation se heurte à bien des ré-
sistances : il y a, nous l'avons dit, l'impropriété
du terme, mais aussi les apparences d'une forme
d'abdication partielle de l'autonomie communale.
Or, les municipalités ne sont pas seulement jalouses
de leurs prérogatives, elles ne cessent encore de
réclamer une extension de leur indépendance admi-
nistrative. Enfin, par delà ces points de vue où les
mots jouent un rôle fort grand, il est un fait brutal :
les municipalités, dépossédées du droit de nomina-
tion du directeur et des professeurs, se voient con-
traintes à payer un personnel soustrait à leur auto-
rité directe. Une logique simpliste, et telle est celle
des hommes insuffisamment avertis d'une question,
■•!.-,%
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ne peut que fort mal s'accommoder d'un tel ordre de
choses.
Un bref examen montre cependant combien une
telle disposition est justifiée. « Dura lex, sed lex; •>
c'est une dure loi, mais une loi salvatrice. Les mu-
nicipalités sont des corps politiques; il leur appar-
tient de disposer souverainement des deniers com-
munaux et de prendre toutes les décisions ayant
trait à ce que l'on pourrait appeler la Législation
communale. Là s'arrête le pouvoir politique, essen-
tiellement distinct du pouvoir administratif. De
l'un à l'autre, il y a une différence d'espèce. Le pou-
voir politique est le représentant ou le mandataire
des inlérèts et de la volonté les plus généraux de la
collectivité; lespouvoirs administratifs sontles agents
techniques d'exécution de ce corps politique. 11 n'ap-
partient pas aux parlements de gérer les services
publics créés par eux et recevant d'eux les crédits
qui leur sont nécessaires. Une assemblée politique
exprime une volonté anonyme et impersonnelle, dont
les limites de la compétence demeurent en deçà des
nécessités de réalisation, qui sont, elles, inséparables
des connaissances techniques. Plus particulièrement,
la confusion des pouvoirs politique et administratif
est d'autant plus dangereuse qu'elle se produit dans
un cadre étroit tel que celui de l'administration
communale. Gomment cette dernière ne serait-elle
pas fort gênée, à tout moment, pour prendre position
de son propre chef dans le jeu de compétitions aux-
quelles elle ne peut être étrangère, de par les rela-
tions personnelles qui existent entre notables d'une
même ville'? Si ces vérités ne sont pas toujours
comprises à l'origine, la rude logique des faits con-
duit, un jour, à les reconnaître.
Le principe de la nomination du directeur et des
professeurs par une autorité extra-municipale une
fois admis, il convient d'observer que le choix du
ministre ou du préfet s'exerce sur une liste de pré-
sentation des candidats établie par le maire. Qui
plus est, l'Etat accepte l'insertion, dans le règlement
des écoles, d'une clause réservant aux maires la
faculté d'instituer des concours pour l'attribution
des emplois vacants, auquel cas l'intervention minis-
térielle ou préfectorale se réduit à l'apposition d'une
signature de légalisation.
Pour des raisons que nous allons dire, il convien-
drait d'assimiler la nomination des professeurs à
celle des directeurs, c'est-à-dire de retirer celle-là
au préfet pour la confier au ministre. L'intervention
d'une troisième autorité, entre le maire et le mi-
nistTe, ne présente aucun avantage et comporte des
inconvénients. Les considérations qui justifient l'at-
tribution de cerlains pouvoirs à l'autorité supérieure
qualifiée pour les exercer sont inapplicables, en l'es-
pèce, à l'égard d'un fonctionnaire n'ayant aucun
service technique à sa disposition pour l'éclairer, et
de l'autorité duquel les municipalités sont davantage
incitées à se montrer jalouses.
Des considérations d'un autre ordre, et du plus
haut intérêt pour l'essor des écoles de province,
viennent encore s'ajouter aux précédentes. Le recru-
tement du personnel enseignant des écoles présente
de très grandes difficultés. Les ressources locales
sont toujours étroitement limitées, lorsqu'elles ne
font pas défaut. Inversement, il y a, à Paris, plé-
thore d'artistes éminenls. Il semble que s'il appar-
tenait au ministre de nommer les professeurs et de
faire connaître aux élèves et aux anciens élèves du
Conservatoire les situations offertes dans les écoles
de province, un grand service serait rendu à celles-
ci et à ceux-là. Un plus juste équilibre s'établirait
dans l'utilisation des valeurs individuelles, ici trop
peu nombreuses, incomplètes ou routinières, et là,
réduites, pour vivre, à l'acceptation d'emplois infé-
rieurs et indignes d'elles-mêmes.
Quoi qu'il en soit, considérons le fonctionnement
des écoles après leur nationalisation. Une disposi-
tion administrative de la convention stipule qu'elles
seront annuellement inspectées par les délégués du
ministre. Cette inspection serait-elle la seule consé-
quence du rattachement qu'elle suffirait à assurer
la prée.xcellence de ce régime. L'inspection affecte
intimement la vie des écoles. Elle les soustrait à l'iso-
lement, à la stagnation et à l'affaissement sur soi-
même ; à son occasion, directeur et professeurs enten-
dent une voix autorisée, sont soumis à un jugement
et confrontés en leur œuvre avec leurs collègues des
autres écoles. Professeurs et élèves ont le louable
désir de se faire mutuellement honneur, d'obtenir
un encouragement d'une personnalité éminente, de
se voir proposés pour une distinction.
Au cours de leur visite, les inspecteurs mentionnent
dans leur rapport les noms des élèves susceptibles
d'être présentés au Conservatoire de Paris, et aux-
quels le ministre accorde ordinairement une bourse
de voyage. En outre, le règlement du concours
d'admission au Conservatoire leur donne un droit
de priorité, à valeur égale, sur les concurrents ne
provenant pas d'une école nationale.
L'inspection fournil encore aux directeurs l'occa-
sion de solliciter les avis et les conseils d'hommes
qui, par leur situation, connaissent ce qui se fait
d'heureux, ici ou là. Ainsi peut se trouver suscitée
une sorte d'émulation lointaine et indirecte entre des
écoles similaires, mais qui s'ignorent.
L'inspection a des conséquences médiates non
moins profondes. Par leurs conversations avec les-
représentants des municipalités, par les rapports
consécutifs à leur visite, les inspecteurs ne sonl pas
seulement d'indispensables informateurs techniques,
ils sont aussi d'utiles conseillers, dont la parole
autorisée se fait heureusement entendre. Il leur est
loisible de suggérer et d'éveiller des idées, de pro-
duire des exemples, de documenter, au besoin de
couvrir de leur autorité technique un acte admi-
nistratif en suspens, sinon de le provoquer. Ils aident
les villes à doter leurs écoles des instruments et des
ouvrages nécessaires, en proposant au ministre de
faire tel ou tel don en nature. La direction des beaux-
arts, sur l'avis des inspecteurs, répartit chaque année
un crédit spécial entre les écoles qui méritent parti-
culièrement d'être encouragées. Ces dispositions
suscitent une heureuse émulation, qui favorise dans
leurs desseins les municipalités soucieuses déjà bonne
gestion de leurs écoles.
Sans doute la valeur intrinsèque de l'inspection
tire-t-elle un accroissement du fait que le corps des
inspecteurs est un corps d'élite, composé d'artistes
aimant profondément la musique, désireux de la
voir propager, de la défendre contre l'envahissement
des médiocrités ou des imcompétences et qui, con-
naissant la valeur des services rendus, dans toute la
France, par tant d'obscurs professeurs de talent,
apportent une indulgence bienfaisante dans l'accom-
plissement de leur délicate mission.
(Juelles critiques peut-on adresser à cette insti-
tution? On doit, ici, se placer à deux points de
vue, selon que l'on considère une autorité dans les
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE
effets dus autant à son action qu à son inaction.
Laissant de côté ce qui, étant exceptionnel, de-
meure un fait individuel, nous annulerons, dans
l'un et l'autre sens, l'élément « risque humain ».
Ordinairement l'inspection évite ou résout nombre
de conflits. Il peut arriver qu'elle en suscite. L'his-
toire des Ecoles nationales de musique montre que
si leur nombre suit une progression ascendante, il
en est, toutefois, qui ont rompu le contrat les liant
à l'Etat. Dans ce petit nombre, la majorité a rede-
mandé, après quelques années, le patronage du
pouvoir central, constataiion péremptoire si l'on
considère que des deux seules Ecoles dénationali-
sées sans retour une seule subsiste, l'autre ayant été
définitivement fermée.
11 est dans la logique des choses que, dans un con-
flit ayant pour origine le refus par une municipalité
de prendre une mesure demandée par l'inspection,
ou, fait plus fréquent, le refus par l'autorité supé-
rieure d'approuver une proposition municipale jugée
contraire à l'intérêt de l'école, les torts ne soient pas
■du côté de l'autorité et de la compétence techniques.
Il n'y a là, en dernière analyse, qu'un de ces risques
inévitables qui résultent du heurt de deux pouvoirs
superposés. En pareil cas l'erreur du pouvoir poli-
tique est davantage à craindre que celle de l'auto-
rité administrative et technique. Mais ces conflits
sont rares, et on peut dire qu'ils n'affectent pas le
régime en cause.
Si l'on prend eu considération, non plus les consé-
quences administratives de l'inspection, mais celles
exclusivement techniques et artistiques, on peut
regretter la trop grande réserve du service à l'égard
de maints objets non dangereux. C'est ainsi que
beaucoup d'écoles ont un règlement suranné, in-
complet, mal établi, qu'il serait aisé d'amender. En
réalité, le service d'inspection compte un trop petit
nombre d'inspecteurs, ce qui ne lui permet pas de
faire face à tous les besoins. Ses investigations de-
meurent, dans la pratique, trop limitées. 11 convien-
drait, notamment, qu'il pût s'assurer de la valeur
des programmes des classes, des matières des exa-
mens et des concours, de la graduation de l'ensei-
gnement, en un mot de toutes les dispositions et
manifestations qui donnent rang à une école. En
ces matières règne, trop souvent, en guise d'ordon-
nancement, un empirisme aveugle et facile.
Les budgets des écoles nationales sont soumis à
l'approbation ministérielle. L'insignifiante partici-
pation de l'Etat rend son ingérence, en cette matière,
à peu près impossible. Les pouvoirs municipaux de-
meurent justement souverains. 11 en résulte un état
très divers des situations du personnel. Cet état de
choses met obstacle à l'avancement des fonction-
naires par voie de mutation. Les directeurs, bien
que nommés par le ministre, ne peuvent être envoyés
d'une ville dans une autre, non moins que les pro-
fesseurs, nommés par le préfet, sinon eu perdant le
bénéfice de leur ancienneté et des règlements locaux,
et en risquant, par une démission nécessairement
préalable, de perdre leur emploi sans garantie de
compensation.
La situation du personnel est locale : les traite-
ments sont sans péréquation, les avantages divers;
telle ville n'admet que le personnel administratif
à verser à la caisse municipale des retraites, telle
autre assimile les professeurs aux fonctionnaires
municipaux, et telles autres encore, les plus nom-
breuses, excluent les uns et les autres de toute par-
ticipation. Ce n'est pas sans un profond regret qu'il
nous faut constater de telles dissemblances, qui por-
tent préjudice à de nombreux artistes, fonctionnaires
peu rélribués, au grand dam des intérêts généraux
des écoles.
Une solution d'ensemble exigerait la prise à
charge, par l'Etat, des écoles nationales. On ne
saurait l'envisager. Par contre, certaines mesures
palliatives pourraient, semble-t-il, rentrer dans le
cadre de la nationalisation. Au nombre de celles-ci
il y aurait lieu de faire figurer la fixation d'un trai-
tement de base pour les directeurs et pour les pro-
fesseurs proportionnel à l'importance de l'école, et
le droit à verser aux caisses nationales de retraites.
Ces dispositions permettraient d'effectuer des dépla-
cements de personnel en manière d'avancement et
contraindraient les villes insoucieuses à mieux ré-
munérer les fonctionnaires dont les services sont
précieux. Afin de les conserver, les villes pourraient
adjoindre une indemnité locale de résidence au
traitement de base.
La seule hiérarchie qui existe présentement entre
les écoles est purement nominale. Elle réside dans
l'attribution du titre de succursale du Conservatoire
national de Paris.
Lorsqu'une école présente un ensemble homogène
de cours, lorsque le niveau des études y est suffi-
samment élevé, le ministre de l'instruction publique
et des beaux-arts, s'appuyant sur les propositions
des inspecteurs, soumet à la signature du président
de la République un décret érigeant l'école natio-
nale en succursale du Conservatoire. C'est pour cette
raison que l'usage s'est établi de réserver la déno-
mination de Conservatoire aux écoles succursales.
Ce rattachement à l'école mère est malheureuse-
ment purement verbal. Il y aurait intérêt à ce que
les rapports et les échanges fussent multipliés entre
nos grands établissements des déparlements et le
Conservatoire de Paris ; à ce que les directeurs et les
professeurs fussent invités et astreints à venir pren-
dre des instructions; à ce qu'ils eussent accès auprès
des Maîtres qui y professent.il y aurait encore
avantage à ce que les inspecteurs des beaux-arts
réunissent sous leur présidence les directeurs des
écoles de province, à ce que des sous-comités soient
constitués pour l'étude des questions administra-
tives et pédagogiques, afin que plus de discipline
et d'ordre régnent dans nos instituts officiels d'ensei-
gnement musical. La réalisation d'un tel vœu est
aisément opérable. N'existe-l-il pas des congrès an-
nuels pour l'enseignement du dessin ? Les frais
occasionnés par les déplacements de personnel
seraient volontiers assumés par les villes qui, accou-
tumées à déléguer leurs agents techniques à de telles
réunions, savent l'intérêt qu'elles ont à consentir
une faible dépense pour un tel objet.
A titre d'indication sommaire, nous nous conten-
terons de compléter celte étude du régime adminis-
tratif des écoles nationales par l'énoncé des titres
de chapitres du règlement organique d'une école
succursale :
Chapitrb I. But de l'Ecole.
— II. Organisation.
— III. Conseil d administration.
— IV. Direction.
— V. Secrétariat et personnel.
— VI. Corps enseignant.
— VII. Répétiteurs et orcnmptignateurs.
— VIII. Dispositions relntires a l'ensenjn:menl.
— IX. Élèves et auditeurs.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQIE ET DICTIONS' AIRE DU CONSERVATOIRE
x. I. wmens el concours.
— XI. Bibliothèque el matériel.
— XII. Dispositions diverses.
V.ÎI1SÎ -'■ présentent, dans leur examen critique, les
divers régimes administratifs des écoles de musique.
Il nous reste à considérer objectivement l'enseigne-
ment qui y est donné.
DE L'ENSEIGNEMENT
L'origine el la constitution autonomes des écoles
les rendent fort diverses. On ne peut, en aucune ma-
nière, les considérer, dans leur ensemble, à la façon
de nos lycées ou de nos collèges qui sont régis avec
une unité de vues et d'objet absolue. L'enseignement
musical, dans nos établissements, présente au con-
traire la double particularité de n'obéir à aucune
directive précise, et de n'avoir aucun objectif déter-
mine [iar des sanctions uniformes, comparables à
ce que sont les certificats, brevets, baccalauréats et
autres examens des divers cycles d'enseignement.
S'ensuit-îl que nous nous trouvions en présence
d'un état inorganisé des choses, d'un régime où cha-
cun l'ait ce qu'il peut, ou ce qu'il veut? Il est fort
regrettable que l'enseignement, dans nos écoles spé-
ciales, se révèle sous de telles apparences. Cepen-
dant, si l'on confronte les écoles entre elles, on ne
tarde pas à se rendre compte que, réserve faite des
catégories de classement auxquelles elle donnent
lieu, l'enseignement n'y est pas aussi hétérogène
qu'on serait tenté de le croire. En réalité il se plie
et se soumet à des contingences de lieu, de
milieu et de circonstances qui correspondent à des
réalités sensibles.
11 est dilicile, pour cette raison, de présenter une
vue synthétique des résultats de cet enseignement.
Il n'existe aucune classification des écoles, et il n'en
peut guère exister. Telle école possédera une ou deux
classes de premier ordre, mais isolées, mal en-
cadrées et insuffisantes pour donner à l'ensemble
de l'établissement une qualité bien définie. Inverse-
ment, une autre école pourra ne présenter aucune
qualité exceptionnelle, mais avoir une valeur d'en-
semble supérieure et plus aisément appréciable, en
raison de la cohésion et de l'homogénéité de ses
classes. Si l'on excepte les premiers de nos conser-
vatoires des départements, l'enseignement manque,
dans nombre d'écoles, de stabilité; les maîtres qui
y exercent et s'y succèdent sont très divers. Une hon-
nête moyenne demeure le lot et le partage de ces
écoles, et cette appréciation, loin de prendre dans
notre pensée une acception péjorative, laisse entières
des valeurs qu'il serait profondément injuste de
mésestimer. Certaines offrent même, dans leur ensei-
gnement, des exemples assez remarquables pour
qu'on puisse les donner en modèles.
U est incontestable que les règlements et les
statuts élaborés lors de l'institution des premières
succursales du Conservatoire, et dont nous avons en
partie donné connaissance, s'inspiraient de vues
pédagogiques étroitement coordonnées et précises.
Celte réglementation, doul nous n'avons pu retrouver
la date exacte, remonte certainement à ia seconde
moitié du règne de Louis-Philippe, puisqu'il y est
parle: du Conservatoire royal. Elle imposait aux
succursales des provinces un Règlement organique
et de police intérieure auquel étaient jointes des
nslructions pour l'enseignement. Un arrêté du mi-
nistre d'Etat du 26 avril 1857 n'y apporta que de
légères modifications. Ces dispositions, assez i Cou-
reuses, se heurtèrent-elles à des impossibilités de
réalisation ou tombèrent-elles progressivement en
désuétude? Il est malaisé de le dire aujourd'hui.
Nous inclinons à penser qu'elles ne furent jamais
appliquées. Ce qui demeure certain, présentement,
c'est qu'il n'existe pas de programme général d'en-
seignement dans nos écoles nationales, municipales
ou privées. Individuellement, certains directeurs ou
professeurs élaborent, il est vrai, des plans d'études;
mais aucun règlement d'école n'en porte trace.
Quelques-uns se bornent à fixer les matières des
examens et des concours, sans jamais entrer dans
des considérations proprement pédagogiques.
Les instructions sur l'enseignement de l'arrêté pré-
cité du ministre de l'intérieur stipulent, à l'article IV
du chapitre 11, que l'enseignement est ordonné par
le directeur et le comité, qui se conformeront tou-
tefois 'à celui qui est adopté par le Conservatoire
royal de Paris. Cette disposition, qui assimile les
succursales au Conservatoire dans la hiérarchie de
l'enseignement et qui, dans la réalité, ne correspond
pas à leurs états divers, est du moins rendue plausible
par un ensemble de mesures accessoires. L'article 11
du litre I énonce que les directeurs doivent commu-
niquer directement avec le directeur du Conser-
vatoire de Paris; l'article II du chapitre 111 crée des
correspondants honoraires dans les départements où
sont situées les écoles; enfin, les instructions péda-
gogiques tempèrent grandement la rigueur de celte
assimilation.
Aujourd'hui, les dispositions pédagogiques incluses
dans la plupart des règlements des Ecoles se ra-
mènent exclusivement à l'insertion d'un article
ainsi conçu : » Le plan des études el les programmes
de l'enseignement sont semblables à ceux du Con-
servatoire national de Paris.
Il conviendrait de dire beaucoup de choses de ces
derniers, mais, notamment, que ce ne sont nulle-
ment des instructions pédagogiques : ce sont des
statuts organiques. Décréter que renseignement de
nos Ecoles est établi sur le modèle de celui du Con-
servatoire de Paris, c'est éluder un difficile problème
d'une manière aussi simple, et expéditive, que bril-
lante. Le Conservatoire de Paris reçoit, du monde
entier, des sujets soigneusement sélectionnés et
préparés; les écoles des provinces doivent former
complètement une population scolaire restreinte
et nécessairement composée d'éléments disparates.
Leur tâche est autre que celle du Conservatoire.
La confusion que l'on établit ainsi est d'autant plus
grande que toutes les écoles des départements sont
privées des liens qui devaient, à l'origine, les rat-
tacher au Conservatoire et des directives pédago-
giques jadis annexées à leur règlement. C'est donc
sur le fait qu'il convient de les considérer, en toute
justice, el pour leur plus grand avantage, par sur-
croit.
Organisation de l'enseignement.
L'enseignement donné dans les écoles de musique
est, en France, gratuit. Cette gratuité caractérise
très nettement le but assigné aux écoles par leurs
fondateurs. L'enseignement y est donc, d'abord,
éducatif, c'est-à-dire primaire; mais, par la force
des choses, un enseignement secondaire s'est en
quelque sorle gretïé sur cet enseignement prnnane.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3599
Les écoles ont ainsi pris, peu à peu, dans tous les
centres importants, le double caractère d'établisse-
ments primaires et secondaires.
Leurs faibles ressources pécuniaires, la multipli-
cité des offices qui leui incombent, le fait aussi que
renseignement secondaire musical ouvre aux élèves
les portes de la profession artistique ont diversement
concouru à favoriser- l'établissement d'une rétribu-
tion scolaire. Celle-ci est loin d'être générale; une
grande moitié des écoles s'en passe. Là même où
elle est institué'.', la rétribution scolaire comporte
de nombreux tempéraments. Elle ne s'applique or-
dinairement qu'aux cours de piano, de violon, de
violoncelle et de chant. Elle n'est jamais appliquée
aux classes d'instruments à vent, et très raremen
aux cours de solfège. Le taux de la rétribution es
d'ailleurs peu élevé; il varie entre 10 et 50 francs par
trimestre. Des exonérations sont facilement accor-
dées aux familles qui en font la demande, lorsque
leur situation la justifie. Pour ces différentes raisons,
la rétribution scolaire ne constitue qu'une somme
très modique de ressources pour les écoles. Elle
n'excède ordinairement pas un vingtième du budget
total et demeure le plus souvent fort en dessous.
11 résulte de ce qui vient d'être dit que la clientèle
scolaire des écoles de musique des départements est
Extrêmement variée. Toutes les classes de la société
y sont représentées, mais il importe, pour nous, de
voir à que! classement cet ensemble donne lieu du
point de vue pédagogique.
Il y a lieu de discerner (rois catégories d'élèves :
n) élèves fréquentant les établissements d'instruc-
tion primaire, secondaire, supérieure ou technique
(écoles, collèges, lycées, facultés, etc.); 6 élèves
exerçant une profession étrangère à la musique
(ouvriers, employé-, etc.;] e) élèves professionnels
(c'est-à-dire se préparant à l'exercice des carrières
artistiques : professorat, théâtre, etc. i.
Les deux première.- catégories représentent, dans
l'effectif total, une proportion très variable, mais qui,
dans le cas le plus favorable, atteint pour le moins
les trois quarts de la population scolaire. Il en ré-
sulte que, dans la majorité des écoles, les cours ont
lieu entre 16 et 22 heures.
C'est à la sortie des classes, des ateliers et bureaux
que les élèves des divers enseignements, les jeunes
gens et les jeunes tilles adultes, viennent dans les
écoles de musique. Dans les grands centres, des
classes ont lieu aux autres heures de la journée,
mais elles ne sont accessibles qu'aux élèves libres
d'occupations étrangères, c'est à-dire aux profes-
sionnels et aux amateurs fortunés. Ce n'est cepen-
dant que dans ces classes que le niveau des études
peut atteindre un degré supérieur, en raison de leur
composition, de la somme plus grande du travail
fourni par les élèves et du meilleur rendement de
1'enseignemenl, qui se trouve donné aux heures où
la latine des occupations journalières n'est pas à
son point culminant. Ajoutons encore que, dans ces
cours, l'apport individuel des élèves est beaucoup
plus grand et sérieux.
Les cours instrumentaux et vocaux ont lieu de
deux à trois fois par semaine; leur durée est ordi-
nairement de deux heures, et le nombre des élèves,
par classe, est limité à dix ou douze. Les mêmes
dispositions s'appliquent aux classes d'harmonie,
de solfège, de déclamation lyrique et de déclama-
tion dramatique. Les classes d'ensemble vocal, d'en-
semble instrumental, d'orchestre et les cours d'his-
toire de la musique sont hebdomadaires. Les classes
de solfège n'ont souvent qu'une durée d'une heure
et demie; le nombre des élèves y est beaucoup plus
élevé que dans les autres classes; il est en moyenne
de 20 élèves dans les cours de solfège de! instrumen-
tistes, mais il atteint et dépasse parfois le double
dans les classes des adultes, qui sont de grands
cours du soir, ainsi que dans les cours élémentaires
d'enfants.
L'enseignemenf nu ■:, est aujourd'hui, partout,
prédominant. Seuie : et de sol-
fège sont divisées en classes d'hommes et de femmes.
Dans les classes de piano et «les instruments à archet,
la diversité de moyi L féminins exerce
une heureuse influence réciproque. Mais c'est sur-
tout l'accroissement très sensible du nombre des
élèves femmes et la diminution de celui des élèves
hommes qui rend nécessaire la fusion des deux
groupes.
La graduation des études est dilféremment réglée
inde s el les petites écoles. Elle e
sairement fonction du nombre des élevés. Les classes
uniques comportent généralement une division élé-
mentaire et une division supérieure : tel est le cas
des cours d'harmonie, de chant, de violoncelle, de
contrebasse, de harpe et des instruments à vent.
Par contre, dans les écoles importantes, l'ens àgni
ment du sollèye, du piano et du violon est réparti
entre des classes distinctes, à deux ou trois degrés :
élémentaire lou préparatoire) et supérieur, ou élé-
mentaire, moyen et sup i I es 'lasses distinctes
sont, suivant les besoins locaux, tantôt doublées,
tantôt triplées. Chacun de ces degrés devrait corres-
pondre, en dehors de toute question d'âge ou d'an-
cienneté, à un objet précis : celui du cours élémen-
taire étant de donner à l'élève les principes et les
fondements de la technique; celui du cours moyen
ayant pour objet le développement des moyens
mécaniques, l'éveil de la sensibilité artistique et
l'ébauche du style; celui du cours supérieur compor-
tant um.' révision générale, une mise au point d'en-
semble, l'éducation du goût et la formation de la
personnalité.
On doit reconnaître que. le plus souvent, la clas-
sification des cours n'exprime qu'un degré différent
des études.
La durée des études, ou scolarité, est fixée par
les règlements des écoles. Elle varie d'une matière
à une autre. La fréquentation moyenne de chaque
degré de l'enseignement est de trois à quatre années,
auxquelles il convient parfois d'ajouter un ou deux
ans pendant lesquels un aspirant a été admis à suivre
le cours en qualité d'auditeur. Toutes les écoles ne
possèdent pas un auditorat, et, là ou il existe, il
n'est pas toujours compris ou organisé de la même
façon.
La caractéristique de l'auditorat est un sélection-
nement provisoire, limité à la durée de l'année sco-
laire, qui laisse l'auditeur hénéticier de la fréquenta-
lion des cours, sans lui permettre de participer au
concours de fin d'année. Ce régime od're de très
grands avantages lorsque les auditeurs sont, sous
le rapport du travail, assimilés aux élèves titulaires,
c'est-à-dire lorsqu'ils jouent et reçoivent person-
nellement l'enseignement du professeur. L'auditorat
constitue alors une sorte de pépinière pour le recru-
tement des élèves; il permet de prendre des can-
didats à l'essai, sans risquer d'introduire définitive-
ment dans les cours des élèves inaptes. Il constitue,
NCYCL0PËD1E DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
en outre, un mode précieux d'émulation lorsque
les règlements autorisent les jurys des examens
d'études à promouvoir élève titulaire l'auditeur qui
a suffisamment progressé. Si le rôle de l'auditeur est
celui d'un assistant muet, ne participant pas direc-
tement au travail du cours, cette institution devient
à peo près sans utilité. Les Conservatoires de pro-
vince ont partout le plus grand intérêt à étendre et à
améliorer le recrutement de leurs élèves.
Telles sont les conditions d'organisation des cours
où sont professées les nombreuses matières d'ensei-
gnement que nous allons passer en revue.
Solfège. — Le solfège est enseigné dans toutes les
écoles. La fréquentation des cours est obligatoire,
sauf les cas de dispense individuelle. Là où le nombre
des élèves est suffisamment élevé, il existe des cours
de solfège de jour, réservés aux élèves instrumen-
tistes, et des cours du soir fréquentés par les adultes
et les chanteurs. Les premiers sont d'un niveau
supérieur aux seconds. L'enseignement comporte
trois degrés : élémentaire, moyen et supérieur.
Le solfège a pour objet l'éducation de l'oreille1, la
pratique usuelle du chant, la connaissance et l'in-
terprétation des signes de l'écriture et des principes
théoriques fondamentaux propres aux faits musi-
caux.
Les principaux exercices pratiqués sont: la dictée,
la solmisation, la lecture, la transposition et l'étude
de la théorie.
La dictée mélodique, ou à une voix, est partout
donnée; la dictée rythmique et la dictée harmonique,
à deux, trois et quatre voix, ne sont pas en usage
dans toutes les écoles. La pratique de la dictée à
deux voix est fréquente; quelques conservatoires ont
au programme du concours de leurs classes supé-
rieures de solfège des dictées à trois et quatre voix.
La lecture de toutes les clefs est imposée dans la
majorité des écoles. A défaut, l'étude des clefs est
au, moins étendue à celle des clefs de sol l" ligne, fa
4" ligne, et ut l'°, :r et i' lignes.
La transposition vocale, ou instrumentale, est
moindrement pratiquée; elle ne figure, comme ma-
tière de concours, que dans un petit nombre d'écoles.
Beaucoup de professeurs, il est vrai, l'enseignent
accidentellement et obtiennent même, parfois, des
résultats tout à fait remarquables.
L'enseignement de la théorie est demeuré très
livresque et de forme catéchistique ; il s'adresse
davantage h la mémoire qu'à la raison et à l'intelli-
gence. Ses errements peuvent prêter à de nombreuses
critiques.
Harmonie Contrepoint. Fugue. Composition. —
Quoique très général, l'enseignement de l'harmonie
n'est pas donné dans toutes les écoles; celui du
contrepoint, de la fugue et de la composition est
exceptionnel.
Le très grand nombre des élèves de piano qui se
destinent au professorat et qui ne peuvent que diffi-
cilement se passer de certaines connaissances har-
moniques pratiques, "permet, presque toujours, l'ou-
verture d'une classe d'harmonie. Mais ces classes
diffèrent très sensiblement, d'un établissement à un
1, Il ne nous cil pas possible, à ce sujet, .le passer sous silence
l'erreur initiale et générale qui réside dans le fait que l'étude des
signes et de l'écriture n'est pas un moyen d'éducation musicale. Cette
étude doit être précédée d'une éducation sensorielle auditive, sans
laquelle la connaissance des signes de l'écriture musicale demeure
sans relation avec le fait dont elle n'est que la représentation gra-
phique, c'est-à-dire le symbole.
Ces données du s -us co.nmun ont été mises en évidence, d'une ma-
autre. Suivant les cas, l'enseignement de l'harmonie
ne va pas au delà de la connaissance des accords,
des principes de leur enchaînement et de la réalisa-
lion de la basse chiffrée, ou, au contraire, accuse un
développement complet impliquant, pour les con-
cours de lin d'année, la réalisation d'une basse et
d'un chant donnés, sur le modèle de ceux en usage
au Conservatoire de Paris.
On trouve, en certaines grandes écoles, quelques
élèves de contrepoint et de fugue. L'étude de cette
matière ne s'impose pas au même titre que celle de
l'harmonie pour l'exercice du professorat. Selon les
cas, le professeur d'harmonie conduit les meilleurs
de ses élèves jusqu'à la pratique des différentes
espèces de contrepoint simple, à deux, trois et qua-
tre parties, à l'exposé des principes du contrepoint
renversable, double, triple et quadruple et du méca-
nisme de l'exposition de la fugue; plus rarement, il
arrive que des élèves parviennent jusqu'à l'écriture
de la fugue entière. Nos écoles n'ont guère, en ces
matières, de concours réguliers, car celles-ci ne
sont, en réalité, accessibles qu'aux élèves composi-
teurs.
L'enseignement de la composition n'existe pas à
proprement parler dans les écoles de province, par
défaut d'élèves. Quelques très grandes villes présen-
tent bien des ressources restreintes, mais ces rares
élèves vont de bonne heure à Paris poursuivre ces
études supérieures. L'évasion de ces éléments, peu
nombreux, supprime, pratiquement, les possibilités
de ce haut enseignement, résultant de la présence
de musiciens et de compositeurs éminents à la tête
de nos meilleurs conservatoires.
Chant. — Toutes les écoles, à peu d'exceptions
près, ont des classes de chant; certaines ont, en outre,
une classe de vocalises, préparatoire à la classe de
chant proprement dite. Parmi les matières d'ensei-
ment musical, le chant est certainement celle qui
est la moins ordonnée, celle dont la pédagogie est la
plus diverse, La plus hésitante et la plus défectueuse.
Autant de professeurs, autant de méthodes. Cela
lient à bien des causes, mais principalement à la
nature particulière de l'instrument vocal, instrument
individuel et caché, qui ne se façonne qu'à l'usage,
outil ou machine dont il faut se servir avant qu'il ne
soit formé et qui, maintes fois, est brisé ou détérioré
en ses éléments avant que d'être. L'enseignement du
chant est encore tributaire de contingences extrinsè-
ques. Il est des régions où les voix sont rares, les orga-
nes rudes, la prononciation défectueuse. Les résultats
que l'on constate sont très différents. Les régions du
midi de la France bénéficient des avantages de leur
climat; la qualité des voix y est meilleure. Ce sont les
écoles de ces contrées qui apportent le plus fort
contingent dans le recrutement des classes du Con-
servatoire de Paris et des artistes de nos grandes
scènes. On ne peut pas ne pas rappeler tout ce que
l'art lyrique doit d'illustrations à une école comme
celle de Toulouse.
Si, dans l'ensemble, l'objet des études est uni-
forme, si les concours imposent partout aux concur-
renls l'exécution d'un ou de plusieurs airs et, par-
fois aussi, de vocalises, rien n'est plus diversifié que
nière définitive, dans l'enseignement de la musique, par M. André
Gèdalge, professeur au Conservatoire et Inspecteur de l'enseignement
musical, dans son remarquable ouvrage : L'Enseignement île In mu-
sique par l'éducation méthodique de l'oreille. La réalisation pratique
de ces idées, dans plusieurs Conservatoires des départements, a con-
sidérablement modifié et agrandi le domaine propre du solfège.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3601
les moyens employés par les professeurs de chant
dans leur enseignement. Les résultats en cette ma-
tière sont loin de valoir ceux que l'on obtient pour
l'enseignement instrumental. Il n'en était pas de
même autrefois. Y eut-il ici progrès et là décadence?
Peut-être. Ms
pas surtout une erreur de
destination dans l'emploi de la voix humaine, erreu
qui a ruiné les anciennes méthodes de l'art vocal?
L'évolution des formes musicales est, depuis long-
temps, instrumentale. N'a-t-on pas dépassé le point
limite où la voix peut tenir, dans le concert instru-
mental, un rôle eu conformité avec sa nature et ses
moyens, qui sont invariables? La musique survivrait-
elle à la décadence ou à la perte de l'art vocal, qu'y
aurait-on gagné, eu égard à un tel désastre? .Mais
c'est là un problème d'art, plus encore que d'ensei-
gnement.
Déclamation lyrique. — Les classes de déclama-
tion lyrique sont très peu nombreuses. Quelques
Conservatoires seulement disposent des ressources
nécessaires pour donner cet enseignement. Le recru-
tement des professeurs est diflicile, et une lourde
tâche leur incombe. L'éLude du répertoire comprend
le grand opéra, le drame lyrique, l'opéra-comique
■et l'opérette. Au nombre et à la variété des sujets et
des voix s'ajoute la prise en considération, pour le
recrutement de ces classes professionnelles, des apti-
titudes physiques et scéniques, et aussi des préven-
tions des familles.
En dehors des élèves qu'elles fournissent au Con-
servatoire de Paris, les classes d^ déclamation lyrique
tonnent directement des artistes pour les théâtres
de province. Les scènes municipales ne sont pas tou-
jours, dans la mesure où il conviendrait, les auxi-
liaires de cet enseignement. Il est fréquent que, dans
une même ville, les différents services des beaux-arts
souffrent mutuellement d'un manque de coordina-
tion. Les théâtres locaux doivent être le débouché
naturel des classes de théâtre; cela correspond à un
intérêt sensible et permanent, ce qui n'implique
pas qu'il soit entrevu, ou satisfait, là où il le fau-
drait.
Diction. Déclamation dramatique. — Les .lasses
de diction et de déclamation dramatique ont été
plus nombreuses qu'elles ne le sont actuellement.
Pénurie de maîtres qualifiés, insuffisance de l'ins-
truction et de la formation première des élèves, mé-
diocrité des résultats : telles sont les causes de leur
dépérissement. On y étudie le draine, la comédie
de mœurs ou de caractère, parfois aussi la tragédie.
Il semble qu'à les considérer moins sous un aspect
scolaire que sous celui de petits théâtres d'avant-
garde, elles pourraient permettre, parfois, des réali-
sations locales intéressantes.
Les concours de déclamation dramatique, ou
lyrique, consistent en l'interprétation d'une scène
principale imposée et une réplique donnée aux autres
concurrents.
Piano. — L'enseignement du piano occupe, dans
toutes les écoles, une place prépondérante par le
nombre et la qualité des classes. Nulle part les bons
professeurs ne sont plus nombreux. Cela tient à la
nature même de cet incomparable instrument. Il
exige, pour être pratiqué avec bonheur, un ensemble
de connaissances techniques, harmoniques et orches-
trales, qui donnent à la formation pianistique une
valeur de premier ordre.
Les cours de piano sont généralement de trois
degrés : élémentaire, moyen et supérieur. Les pro-
grammes sont riches et bien ordonnés. La pédagogie
pianistique est la plus précise et la plus complète. Le
répertoire est immense, il comprend les œuvres
des clavecinistes, des maitres classiques, romantiques
et modernes. Instrument complet, le piano est Un
orchestre, et la musique de piano n'est étrangère à
aucun des aspects variés et des formes nombreuses
de l'art musical.
Les études pianistiques sont longues et absor-
bantes; le prix de l'instrument devient de plus en
plus prohibitif. Le piano tend à devenir un instrument
aristocratique. Les élèves de piano sont encore très
nombreux, mais la composition des cours est presque
exclusivement féminine. Le professorat du piano
s'adapte très heureusement aux aptitudes et à la
condition sociale des femmes : il est, en outre, ré-
munérateur.
Les élèves pianistes sont au nombre de ceux
dont l'éducal - et l'instruction sont les
plus développées. Ils se recrutent surtout dans les
classes moyennes, là où la culture de l'intelligence
est presque une tradition domestique. La majorité de
ces élèves vient chercher dans les écoles de musique
un enseignement professionnel. Les classes de piano
préparent principalement au professorat, mais elles
font encore recevoir d'assez nombreux élèves au
Conservatoire de Paris, d'où sortent plus spéciale-
ment les virtuoses c meertistes.
Le niveau des classes supérieures de plusieurs de
nos Conservatoires provinciaux est fort élevé. Les
épreuves des concours sont, en de certaines écoles,
particulièrement intéressantes. Concurremment avec
un morceau d'exécution obligé, plusieurs autres
œuvres sont imposées, choisies dans des écoles diffé-
rentes, et dont partie est jouée par voie de tirage au
sort. Des dispositions semblables sont appliquées
aux concours des dusses supérieures de violon, de
violoncelle et de chant. Si elles ne sont pas encore
générales, elles s'étendent néanmoins à un nombre
croissant d'établissements. Une épreuve de lecture à
vue est de règle dans toutes les épreuves instrumen-
tales et parfois même dans les concours de chant,
sous la forme du déchiffrage d'une leçon de solfège
spéciale. Dans les cours moyens et élémentaires, il
n'est donné qu'un morceau de concours, et un texte
facile à lire à vue.
Orgue. — Peu d'écoles possèdent un grand orgue.
L'enseignement de l'orgue, en province, est sans
correspondance avec celui donné au Conservatoire
de Paris, où l'élève, bon harmoniste, est instruit des
méthodes d'accompagnement du plain-chant et
initié à l'improvisation de la fugue et d'un morceau
libre.
Les classes d'orgue des départements n'ont guère
d'autre objet que l'exécution des œuvres écrites
pour l'instrument. Fréquentées surtout par des élèves
de piano, ceux-ci s'y familiarisent avec l'emploi du
pédalier, de la registration et de quelques autres
particularités techniques. A notre connaissance, ce
n'est que fortuitement qu'on y peut aborder des ma-
tières plus étendues.
Harpe. — Les classes de harpe, plus nombreuses
que celles d'orgue, sont surtout féminines et reçoi-
vent un fort contingent d'élèves de piano. L'ensei-
gement de la harpe à pédales domine, mais il exisi-
quelques classes de harpe chromatique. Cet élégan!
instrument, aux ressources restreintes, estasse
laissé. Il fut jadis en grande vogue; on ne l'entend
plus guère, aujourd'hui, en dehors de l'orchestre.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le coftt élevé de la harpe la rend de moins en moins
accessible aux amateurs, et l'existence des classes des
écoles des départements est assez précaire.
Violon. — L'enseignement du violon est compa-
rable à celui du piano; classes nombreuses, sembla-
blement graduées, sûreté des méthodes, étendue du
répertoire, tout permet celte assimilation. La pro-
portion des élèves hommes, beaucoup plus élevée
que dans les classes de piano, accuse une régression
sensible depuis une quinzaine d'années; inversement
les jeunes filles s'adonnent de plus en plus à ce bel
instrument.
L'élude du violon n'est pas beaucoup moins longue
que celle du piano. Si les ressources de l'instrument
sont moins variées et moins riches de matière mu-
sicale, son enseignement est plus subtil, malaisé,
et fort ingrat à ses débuts. La littérature violonis-
tique a surtout une valeur technique ; la part faite
à la virtuosité y est prépondérante. La musique de
violon est impropre à éduquer l'élève. Les formes
musicales monodiques, incomplètes, demeurent en
marge de la musique; mais la fréquentation obligée
des classes d'ensemble instrumental et d'orchestre
contribue grandement à parfaire la formation des
instrumentistes à archet.
Si l'on considère le répertoire du violon d'un point
de vue purement pédagogique, sa valeur intrinsèque
est inestimable. Un cycle d'œuvres innombrables
permet à l'élève d'acquérir toutes les connaissances
utiles à ses divers emplois.
La modicité de son prix d'achat fait du violon
l'instrument démocratique par excellence. Les apti-
tudes qu'il exige ne sont malheureusement pas éga-
lement données en partage. Cependant, grâce à de
nombreux et excellents professeurs, de bons instru-
mentistes sortent, chaque année, des classes de nos
écoles de musique. Le Conservatoire de Paris en
accueille, la carrière professorale en retient un
nombre important, d'autres trouvent à s'employer
dans les orchestres des théâtres, des cinémas et des
établissements de tous genres.
Alto. — 11 y a à peine un tiers de siècle qu'une
classe d'alto fut ouverte au Conservatoire de Paris.
Faut-il s'étonner que le nombre en soit peu élevé
encore dans nos écoles'? A défaut d'un cours spécial
d'alto, un professeur de violon est ordinairement
chargé de rendre familiers, à quelques élèves de
violon, les doigtés de l'instrument et la lecture de la
clef A'ut :i" ligne. Ce moyen de fortune permet de
compléter les pupitres des classes d'ensemble et
d'orchestre. Mais ce n'est là qu'un expédient.
L'alto n'est pas seulement un violon grave. Il a
une physionomie propre et une qualité particulière
d'expression qui ne s'acquièrent pas sans une étude
spéciale et suivie, dont nul violoniste, recevant une
solide formation, ne devrait être dispensé. L'alto est
encore injustement considéré; il n'a cessé de faire
figure de « minus habens ». Cependant, le temps
n'est plus où de médiocres violonistes suffisaient
pour tenir une partie d'alto. Les compositeurs lui
font jouer un rôle à l'orchestre, qui, par l'impor-
tance et la difficulté, n'a rien à envier à celui de son
illustre rival le violon. Le répertoire de l'alto s'est,
depuis peu, considérablement augmenté. Des com-
positions et des études spéciales, jointes à d'excel-
lentes transcriptions, constituent un fonds important
d'œuvres variées.
Les classes d'alto sont composées d'élèves de vio-
lon, en majeure partie. Exceptionnellement, on y
rencontre quelques élèves ne s'adonnant qu'à l'alto.
Le concours de lin d'année comporte toujours un
morceau d'exécution imposé et un morceau de lec-
ture à vue; parfois, aussi, un choix de traits ou de
passages difficiles d'œuvres orchestrales ou de mu-
sique de chambre.
Violoncelle. — Toutes les écoles ont une classe de
violoncelle; classeunique et de niveau assez variable,
en raison du nombre restreint des élèves et du
manque d'émulation qui en résulte. L'étude du vio-
loncelle, bien que difficile, est fréquemment écour-
tée, soit que l'instrument ait été commencé plus tard
que le violon, soit que les violoncellistes puissent plus
aisément se passer de la haute virtuosité propre aux
instruments suraigus. La technique du mécanisme
est, de ce fait, l'objet d'un travail moins poussé, dans
l'ensemble des classes de violoncelle, que dans les
classes de violon. D'autre pari, les élèves amateurs
sont ici plus nombreux que les professionnels. Les
élèves femmes étaient jadis rares, mais il n'en est
plus de même.
Le répertoire violoncellislique est infiniment moins
riche que celui du violon. Les productions nouvelles
sont très limitées, seul le choix des œuvres ancien-
nes est assez étendu.
Les classes de violoncelle sont souvent subdivisées
en cours élémentaire et cours supérieur. Pour l'un
comme pour l'autre, les programmes des concours
sont identiques à ceux des classes similaires de
piano ou de violon.
Contrebasse. — Bien qu'indispensable, la contre-
basse est, avec le basson, l'instrument qui jouit de
la moindre faveur. Les élèves contrebassistes sont
d'un recrutement difficile et précaire. Aussi ne trouve-
l-on de classes de contrebasse distinctes que dans les
écoles d'une certaine importance. Ailleurs, c'est au
professeur de violoncelle qu'échoit l'obligation d'en-
seigner cet instrument aux rares élèves qui se pré-
sentent. Le niveau de ces cours, ou simili-cours,
laisse, un peu partout, fort à désirer. L'étude de
l'instrument est limitée aux méthodes spéciales et à
quelques morceaux originaux. Il conviendrait sur-
tout de travailler dans ces classes le répertoire si
important de la musique d'orchestre, la seule où la
contrebasse prenne dignement place.
Les programmes des concours sont identiques à
ceux de l'alto : on y retrouve le morceau imposé,
l'épreuve de lecture à vue et, quelquefois, un choix
de traits d'orchestre.
Flûte. Hautbois. Clarinette. Basson. — Les petits
instruments à vent sont, au même litre que le violon,
l'alto ou le violoncelle, des instruments concertants,
de musique de chambre et d'orchestre. Ni leur va-
riété, ni la beauté de leur timbre, ni l'originalité de
leur structure ne leur ont conquis la laveur qu'ils mé-
ritent auprès du public des amateurs de musique.
Pendantlongtemps, leur construction imparfaite et un
mécanisme insutfisant les ont mis en état d'infério-
rité par rapport aux instruments à cordes ; employés
surtout à l'orchestre, comme adjuvants, ils appor-
taient des diversions aux sonorités prépondérantes du
quatuor des archets. Les immenses progrès réalisés,
au xix° siècle, dans la facture instrumentale de ces
voix, ont transformé les données primitives de l'ins-
trumentation et de l'orchestration. .Nos instruments
actuels ne le cèdent pas, en intérêt, au groupe des
instruments à cordes, soit par la justesse, soit par
l'étendue, la richesse des combinaisons de leurs
doigtés et la qualité de leur timbre.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3603
Peu à peu une littérature s'est formée à leur usage.
Cependant, elle n'est encore que ce que serait celle
du violon, ou du violoncelle, si cette dernière n'eût
pris date que depuis moins d'un siècle. L'âge d'or
du solo instrumental et de la musique de chambre
était achevé lorsque les instruments à vent acquirent
leurs titres de noblesse.
S'ils n'avaient trouvé leur emploi dans celle nou-
velle forme d'orchestre, encore méconnue, et née
précisément des progrès de la lutherie, qu'est l'or-
chestre d'harmonie, il ne se trouverait sans doute,
en France, que bien peu de classes d'instruments à
vent. Il en existe, fort heureusement, un très grand
nombre, et souvent remarquables, notamment dans
les régions du Nord, où les sociétés instrumentales
populaires sont supérieurement organisées.
Tandis que les élèves des classes de piano, de vio-
lon, de violoncelle proviennent, en majeure partie,
des milieux constitués par les professions libérales,
les fonctionnaires et le commerce, c'est principale-
ment dans les familles d'employés de toutes caté-
gories que les cours des petits instruments à vent
puisent la plupart de leurs éléments. Ces jeunes gens,
de quatorze à vingt ans, leur journée de travail
achevée, viennent dans les écoles de musique ac-
quérir les notions qui feront d'eux tantôt des ama-
teurs, tantôt encore des artistes de métier.
De telles classes ont une réelle valeur sociale.
Leur prospérité est intimement liée à celle des so-
ciétés instrumentales, mais, réciproquement, ces
dernières, sans le secours de nos écoles, seraient
privées de leurs meilleurs éléments. Plus encore
que pour les autres classes, le nombre et la qualité
des cours d'instruments à vent dépendent du milieu
ambiant. Il en résulte, d'une école à une autre, des
différences plus sensibles que pour les classes préci-
tées. Selon l'importance des écoles, ou les habi-
tudes locales des populations, on trouve des orga-
nisations scolaires différemment adaptées : ici cha-
que instrument est représenté par une classe, là un
seul cours reçoit les différentes catégories d'élèves.
Dans l'un et l'autre cas, les résultats de l'enseigne-
ment ne peuvent être que dissemblables.
Quelque peine qu'il y prenne, le professeur unique
ne peut obtenir, en dehors de sa spécialité, un ren-
dement de même qualité. Dans la classe unique, le
très petit nombre des élèves de chaque catégorie
d'instruments rend instable, non pas seulement le
niveau des concours, mais leur existence même.
Travaillant et concourant sans émulation, les élèves
se trouvent placés dans des conditions très désavan-
tageuses. Seule une organisation logique et ration-
nelle peut donner un rendement effectif.
L'entretien d'un ensemble complet de classes
d'instruments à vent est, pour une ville, assez oné-
reux; mais, sans ces dernières, combien de profits
essentiels sont perdus ! L'art musical est un art de
solidarité. Il ne faut que deux bassons, ou un seul
harpiste, dans un orchestre de soixante exécutants,
pour jouer une symphonie de Beethoven ou un poème
symphonique de Liszt, mais, sans celui-ci ou ceux-là,
ni l'un ni l'autre ne sont exécutables. Telle est l'é-
troite relativité des composantes de ce tout.
Les classes de flûte, de hautbois, de clarinette, cette
dernière étant souvent la plus nombreuse, comp-
tent de huit à douze élèves chacune, en moyenne;
la classe de basson manque , parfois, aux côtés
des précédentes. Exisle-t-elle, il est rare d'y trouver
plus de trois ou quatre élèves; l'instrument est dur
à jouer, diflicile, il ne trouve d'emploi obligé qu'à
l'orchestre symphonique, et son prix d'achat est très
élevé, environ 3.500 francs. On ne sauvera cet ensei-
gnement qu'en prêtant des instruments aux élèves.
Mais combien d'écoles peuvent se permettre un tel
luxe?
Toutes ces classes sont généralement subdivisées
en degrés élémentaire et supérieur; les concours
consistent en l'exécution d'un morceau imposé et
d'une pièce de lecture à vue. La fréquentation des
cours oscille entre quatre et six ans.
Cor. Cornet à pistons. Trompette. Trombone. — La
famille des instruments en cuivre prête aux mêmes
considérations que la précédeute. Notons seulement
que, le prix des instruments étant moindre et leur
étude moins longue, ces classes sont davantage fré-
quentées par les enfants des familles ouvrières,
jeunes gens de 15 à 20 ans. Les élèves de trompette
sont les moins nombreux. Le trombone à coulisse
est à peu près seul en usage, ainsi qu'il sied. La
subdivision des classes et les épreuves de fin d'année
sont semblables à celles des petits instruments à
vent. Nombre d'écoles, par manque d'éléments ou
de ressources budgétaires, doivent se contenter
d'avoir une classe unique.
Saxhorns. Saxophones. — Ces instruments ne ren-
trent pas dans la composition usuelle de l'orchestre
symphonique. Ils appartiennent, en propre, à l'or-
chestre d'harmonie. Ils ne sont pas enseignés au
Conservatoire de Paris. En province, les classes de
saxhorn et de saxophone ne sont pas rares; elles
sont surtout groupées dans les départements du nord
de la France. Leur répertoire comprend peu d'œuvres
originales, mais il est assez riche en transcriptions.
Les instruments de ces deux familles sont ceux qui
exigent le plus court temps d'études.
La grande majorité des élèves d'instruments à
vent du Conservatoire de Paris proviennent des
écoles de province. C'est dans les classes des dé-
partements que d'habiles maîtres, exploitant les
aptitudes spéciales de nombre d'enfants du peuple,
les éduquent et leur permettent d'accéder à des car-
rières qui, autrement, leur seraient fermées. Ainsi,
tandis que les écoles du Midi ont une prépondé-
rance marquée au point de vue vocal, les écoles du
Nord sont surtout instrumentales. Mais, ici et là,
toutes opèrent, dans les couches profondes de la
nation, une sélection des capacités.
Ensemble instrumental. Ensemble vocal. Orches-
tre. — Les classes d'ensemble remplissent dans
l'enseignement un office essentiel : elles mettent les
élèves en contact avec les grandes formes de la mu-
sique. Chanteurs ou instrumentistes n'ont, par eux-
mêmes, qu'une connaissance limitée et), disons le
mot, assez fausse de l'art des sons. Toute spéciali-
sation, sans relation avec le général, fait apparaître
des images étrangement déformées. Le cycle des
exercices, des études et des concertos, qui sont le
pain quotidien indispensable des uns et des autres,
ne prépare pas à la juste notion, à la connaissance
et à la compréhension des monuments de l'art. C'est
pour ces raisons que les classes d'ensemble instru-
mental, où se jouent les pièces de chambre, d'en-
semble vocal, qui groupent les chœurs d'hommes et
de femmes, et d'orchestre, où s'exécutent ouvertures,
suites et symphonies, sont le couronnement néces-
saire de l'édifice pédagogique.
Toutes les écoles ne possèdent pas cet ensemble
complet de classes qui exige des éléments nom-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
breux et de qualité. La rareté des voix d'hommes
rend souvent difficile la constitution d'un ensemble
vocal. Les classes d'orchestre sont assez nombreuses,
mais de valeur et d'importance très variables; par
contre, toutes les écolespourraient avoir une classe
de musique de chambre. Ces divers cours n'ont pas
seulement une valeur éducative technique, ils ont le
mérite de mettre en évidence le caractère collectif
et social de la musique, seul art qui groupe et disci-
pline des forces individuellement sans action sen-
sible et qui, parle moyen d'une solidarité unanime,
crée une ambiance émotive à nulle autre comparable.
Histoire de la musique. — Celte matière n'est
enseignée que dans peu d'écoles; sou utilité n'est pas
négligeable, cependant. La principale difficulté ré-
side dans le choix des professeurs. Les maîtres plus
lettrés que musiciens, comme les musiciens sans
lettres, sont également peu qualifiés. Les vues
étroites et fermées du snobisme et du dilettantisme
mondains constituent en outre de réels dangers. Le
défaut se fait ici sentir d'un ouvrage d'histoire mu-
sicale conçu spécialement et qui, mis entre les
mains d'un professeur qualifié par sa formation
générale, [lui apporterait la documentation néces-
saire pour tenir un tel emploi. Ce disant, nous pen-
sons aux collaborateurs précieux que nos écoles
pourraient trouver parmi les professeurs de lettres
des lycées, et aussi aux exemples qui nous sont don-
nés par l'enseignement de l'histoire de l'art dans les
écoles des beaux-arts de province.
Exercices publics. Concerts. — Les écoles pro-
duisent leurs élèves dans des exercices publics, des
concerts de chambre ou d'orchestre. Quelques-unes
donnent des auditions d'une haute tenue, qui méri-
teraient de jouir d'une plus grande faveur auprès du
public. Ce dernier a d'injustes préventions à l'égard
des groupements d'élèves. Entre toutes, la critique
parisienne frappe d'ostracisme,|à toute occasion, les
élèves du Conservatoire, et souvent fort à tort. Le
provincial , moins bien servi , craint en outre de
passer pour un béotien, et chacun sait que nul n'es
prophète en son pays. La solidarité du public e
des exécutants est la première condition du pro
grès des groupement artistiques.
Bibliothèques. — Quelques vieilles écoles ont de;
bibliothèques d'une richesse exceptionnelle, mais
ordinairement, les bibliothèques ne sont composées
que des ouvrages et des partitions nécessaires à l'e
seignement. Elles ne sont pas toujours ouvertes au
public. Elles servent principalement aux professeurs
et aux élèves; encore convient-il d'ajouter que grande
est la misère de beaucoup d'entre elles.
Examens. Concours. — Les examens et concours
se répartissent en diverses catégories; ce sont :
1° les examens d'entrée, ou d'admission provisoire,
qui ont lieu au mois d'octobre; 2° les examens d'é-
tudes, où se confirme l'admission provisoire, qui ont
lieu au début du second trimestre de l'année sco-
laire; 3° les examens d'admission aux concours de
lin d'année, qui ont lieu au mois de mai: 4° les con-
cours, qui ont pour objet l'attribution des récom-
penses et qui clôturent l'année scolaire.
Telle est l'organisation du contrôle et des sanctions
de l'enseignement dans les grandes écoles. A leur
suite, toute une graduation s'établit, depuis celles
qui n'ont d'examens d'entrée que pour certaines ma-
tières, jusqu'à celles qui n'en ont pour aucune, et
dont le concours de lin d'année est le seul mode
de sélection et de classement»
Quelle valeur représentent, dans la pratique, ces
diverses épreuves? Les examens d'admission n'exis-
lent que pour les classes instrumentales et vocales.
L'accès des cours élémentaires de solfège ne peut,
bien entendu, être subordonné à un examen; quant
aux autres cours de solfège et aux classes d'ensem-
ble, les élèves des classes instrumentales y sont
affectés d'office.
L'examen d'admission est de niveau variable selon
les matières d'enseignement, dans une même école.
11 n'est presque qu'une simple formalité, permettant
de s'assurer que le candidat sait lire la musique,
pour les aspirants des classes de contrebasse, de
basson, de cor, de trompette et de trombone. Par
contre, un certain choix peut s'exercer à l'égard des
llùlistes, hautboïstes, clarinettistes et des chanteurs.
Le niveau des examens d'entrée de piano, de violon
et de violoncelle est, au contraire, nettement défini,
pour chaque école, mais il demeure impossible
de lui assigner une valeur absolue. Selon l'impor-
tance des villes et le nombre des candidats, les écoles
font débuter les élèves dans toutes les parties de
l'enseignement, ou seulement dans quelques-unes,
ou encore ne les admettent qu'autant qu'ils ont at-
teint un certain degré de formation. Le plus souvent,
les candidats présentent au jury d'examen deux
morceaux d'exécution de leur choix, et subissent
une épreuve de lecture à vue ou de solfège.
Nulle part, pas même à Paris, on ne s'enquiert de
l'instruction générale des élèves, et c'est, selon nous,
un tort. A l'étranger, les élèves entrent plus tardive-
ment qu'en France dans les écoles de musique; non
pas à partir de sept ou huit ans, mais à partir de
treize ans environ. On exige, en Allemagne notam-
ment, que les élèves soient pourvus de certains
diplômes et, jusque dans les écoles de musique, les
programmes des cours font une place à l'instruction
générale. Sans tomber dans les erreurs de la lourde
pédagogie germanique, comment ne pas déplorer
qu'un premier prix du Conservatoire de Paris, exé-
cutant distingué, puisse êlre démuni des connais-
sances, même orthographiques, les plus communes
et les plus usuelles?
Les examens du second trimestre de l'année sco-
laire servent à prononcer l'admission définitive des
élèves nouveaux et à contrôler le travail effectué
dans les classes. Le programme en est arrêté
par le directeur, sur les propositions des professeurs,
et comporte un choix de morceaux et d'études diffé-
rent pour chaque élève.
Les examens d'admission aux concours de fin
d'année ont un programme identique au précédent.
Nous avons dit, antérieurement, quelles étaient les
matières des concours dans chacune des branches
de l'enseignement, nous n'y reviendrons pas.
Les examens et les concours de solfège, d'harmonie,
de contrepoint et de fugue ont lieu à huis clos. Les
concours des classes de chant, de déclamation et
d'instruments sont publics. Les récompenses décer-
nées sont de plusieurs catégorie- : prix, médailles,
accessits et mentions; elles n'ont qu'une valeur
nominale et, par conséquent, relative. La détermi-
nation d'un étalon est matériellement impossible,
mais il serait aisé de remédiera certains abus. On
devrait, notamment, éviter de donner la dénomina-
tion de premier prix à la plus haute récompense
d'un cours élémentaire nu moyen; il en résulte un
discrédit des récompenses des classes supérieures,
qui porte préjudice à la réputation des écoles.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE
Certaines succursales du Conservatoire sont auto-
risées, par le ministre, à délivrer un diplôme dé-
nommé certificat d'aptitude à l'enseignement du
piano, du violon, du chant, etc. ; ce diplôme est ré-
servé aux élèves ayant obtenu un premier prix dans
un cours supérieur et qui, l'année suivante, satisfont
à un examen spécial. Cet examen comprend ordi-
nairement une composition française sur un sujet
d'histoire de la musique, des épreuves pédagogiques
et d'exécution.
Le palmarès du Conservatoire de Paris témoigne
du nombre important des élèves qui proviennent des
écoles nationales. Le nom des lauréats de ces écoles
est toujours suivi de la mention : « et précédem-
ment élève de l'école nationale de musique de... »
Enfin, il faut encore mentionner les examens de
l'Etat et de la ville de Paris, auxquels se présentent
les élèves de nos écoles qui postulent aux emplois
de professeurs de musique dans les lycées, collèges,
écoles normales et écoles de la ville de Paris.
Jurys. — Les jurys d'examens et de concours sont
composés conformément aux dispositions des règle-
ments des écoles, qui, sur cp point, différent très
sensiblement, en raison de la diversité des ressources
et des situations locales.
Les jurys peuvent être constitués soit exclusive-
ment de professeurs de l'école, soit de professionnels
qui lui sont étrangers, soit de seuls amateurs, soit
encore de la fusion de tout ou partie de ces groupes.
Les jurys composés exclusivement de professeurs
de l'école sont exceptionnels. Le manque d'indépen-
dance des professeurs vis-à-vis de leurs élèves les
prive d'autorité morale, et l'opinion publique les ré-
prouve. Il ne faut pas oublier, en effet, que les pro-
fesseurs des écoles sont presque toujours les profes-
seurs particuliers des élèves.
Les jurys de professeurs étrangers à l'école ne
sont pas toujours mieux qualifiés. Indirectement, les
jurys apprécient, par delà les élèves qu'ils jugent,
la qualité de l'enseignement qu'ils reçoivent, qui est
celle des maîtres. Il n'apparaît pas qu'il convienne
de faire juger les professeurs d'une école par des col-
lègues concurrents, et, qui plus est, ayant été leurs
rivaux malheureux dans l'obtention des places qu'ils
occupent.
Les jurys d'amateurs échappent anx critiques
applicables aux précédents. Leur compétence tech-
nique est moindre, mais il est juste de dire qu'ils
ont une supériorité sous le rapport de la culture
générale et, partant, un sens moins étroit d'apprécia-
tion des valeurs. Psychologiquement, l'amateur oscille
entre deux positions contradictoires : ou il incline
a juger avec son cœur, paternellement, ou, s'il ré-
cuse ce dernier, il oppose dans son esprit l'élève au
virtuose et condamne le premier au nom du second.
Un concours scolaire est autre chose qu'une fête de
famille ou un concert. Il est donc nécessaire que les
jurys d'amateurs soient guidés et dirigés; privés de
cette direction, ils ne sont pas sans danger; avec elle,
ils peuvent être excellents.
Restent les jurys mixtes. Ce sont les meilleurs si,
par la limitation du nombre des musiciens profes-
sionnels, le corps enseignant des écoles en étant
exclu, la constitution de coalitions intéressées est
rendue impossible. Des raisons d'opportunité déci-
dent des méthodes dont il convient, suivant le cas,
de s'inspirer.
La présidence des jurys appartient de droit au
directeur de l'école; elle ne peut, sans dommage
pour celle-ci, être assumée par une autre personna-
lité. Cependant, il est des cas où le directeur peut et
doit se récuser. Tel est celui qui résulle du cumul
de ses fonctions avec le professorat particulier,
situation en elle-même fâcheuse qu'impose le plus
souvent l'insuffisance des traitements et du personnel.
Le directeur de l'école est, en effet, la seule per-
sonne susceptible de juger avec esprit de suite le
travail de tous les élèves, de garantir une certaine
équivalence entre les récompenses de même degré,
d'une matière à une autre, ou d'une année à l'autre;
d'appliquer ou de faire prévaloir les dispositions
réglemenlaires utiles et de sauvegarder, en même
temps que les intérêts individuels des concurrents,
ceux, plus généraux, de l'école.
Les modes de délibération des jurys ne sont pas
réglementés. Les récompenses peuvent' être attribuées
par l'addilion des cotes des membres du jury. Ce
système comporte les aléas qui résultent, tour à
tour, d'une majorité de cotes hautes ou de cotes
basses. Il est aisé de s'en rendre compte : deux con-
currents sont unanimement jugés comme devant
être différenciés par le degré de la récompense, une
majorilé de cotes hautes peut cependant donner au
plus faible le quorum requis pour l'obtention de la
plus haute récompense; inversement, le plus fort,
s'il y a majorité de cotes basses, peut ne pas attein-
dre ce quorum. Le dommage s'exerce aux dépens
des concurrents.
Il est d'autres cas. Le niveau d'un concours est
sujet à des fluctuations; l'épreuve peut être moins
difficile une année que celle qui la précédait, les
concurrents, avantagés, excelleront ; il y a toutes
probabilités pour qu'ils soient cotés haut et que des
récompenses élevées, inférieures aux précédentes en
qualité, soient décernées. Ce seront l'enseignement
et l'école qui seront lésés.
Le système des moyennes des cotes est préférable,
mais encore très imparfait.
Le jury peut encore voter pour dire s'il y a lieu
de décerner telle récompense, et à qui elle doit être
décernée. Cette manière de procéder est exemple
des inconvénienls signalés plus haut, mais il est
utile que le vote soit précédé d'un échange général
de vues sur le concours et ses relations avec les
multiples intérêts en cause.
Les concours donnent lieu à de nombreux inci-
dents et soulèvent d'innombrables récriminations.
On parlera longtemps encore de les supprimer, mais
ils sont .fort utiles. Il est d'usage d'incriminer les
jurys, et on ne peut en effet s'en prendre qu'à ceux qui
assument des responsabilités. L'opinion publique
est chose anonyme, et nul ne se prive de parler en
son nom, ce qui n'est pas malaisé. Que les jurys
soient eux-mêmes jugés et parfois injustement, n'est-
ce point l'honneur d'une fonction et d'un devoir qui
ne sont jamais plus estimables qu'en ces mo-
ments-là?
Personnel enseignant. — Toutes les valeurs se ren-
contrent dans le corps des professeurs des écoles de
musique. Il ne convient pas de considérer les excep-
tions, ni dans le bien ni dans le mal; celles-ci sont
regrettables, celles-là sont des grâces du ciel. La
grande généralité des professeurs accomplit arec
conscience, probité et intelligence, un lourd et obscur
devoir. Beaucoup n'en tirent qu'un faible profil ma-
tériel. L'amour de l'art et de leur mélier-vaut parfois,
à quelques-uns, de ces satisfactions élevées auxquelles
aspire le cœur de tous ceux qu'une flamme a, un
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
jour, touchés. Qu'à cet honneur soit jointe l'expres-
sion de la gratitude publique, et ce sera bien peu
encore pour tant de bienfaits dispensés.
Sans eux, Paris serait privé de la moitié de ses
artistes, compositeurs, acteurs et exécutants; nos
théâtres et nos concerts de province n'existeraient
pas, et c'en serait fait de cet essor de l'art français
qui, parti de notre territoire, franchit ses frontières.
Les services rendus par le corps enseignant de nos
écoles ne peuvent être que très chers à tous ceux
qui aiment profondément la musique, et ce n'est que
justice d'en dire le rare mérite.
MONOGRAPHIE DES ÉCOLES DE MUSIQUE
Les écoles ont été classées par ordre alphabétique
dans chacune des trois catégories déterminées par
leur régime administratif. En tète sont placées les
écoles succursales du Conservatoire de Paris, puis
les écoles nationales proprement diles; en second
lieu, les écoles municipales; enfin les établissements
privés, peu nombreux, qui sont effectivement des
écoles de musique selon le sens que nous avons re-
connu à ce mot.
I. Écoles nationales de musiqne.
Les écoles nationales, placées sous le contrôle
du ministre de l'instruction publique et des beaux-
arts, ressortissent aux services de la direction des
beaux-arls, bureau des théâtres, conservation des
palais et du mobilier national. L'autorité adminis-
trative supérieure dont elles dépendent est ainsi
constituée :
M. Pierre Marraud, ministre de l'instruction publi-
que et des beaux-arts.
SOUS-SECRÉTARIAT D'ÉTAT DES DEAUX-ARTS
Sous-secrétaire d'Elat : M. Eugène Lautier.
M. Paul Léon, C. &, directeur des beaux-arts;
M. liené Gadave, <$, ife, sous-directeur, adjoint au
directeur.
BUREAU DES THÉÂTRES, CONSERVATION DES PALAIS
ET DU MOBILIER NATIONAL
M. René Gadave, %, Q, chef de bureau, commis-
saire du gouvernement près les théâtres subven-
tionnés ;
M. Caillot, sous-chef de bureau.
COMMISSION CONSULTATIVE DE L'ENSEIGNEMENT MUSICAL
M. le minisire de l'instruction publique et des
beaux-arls, président;
M. Paul Léon, C.$, directeur des beaux-arts,
vice-présidenl;
M. Henri Hauaud, 0.%, membre de l'Institut, direc-
teur du Conservatoire.
Membres : M. René Gadave, %-, chef du bureau des
théâtres, commissaire du gouvernement près les
théâtres subventionnés;
M. Alfred Bruneau, C. %, inspecteur général de
l'enseignement musical;
MM. Paul Duras, 0.*, Paul Vidal, 0.*, André
Bloch, &, Haoul Laparra, &, inspecteurs de l'ensei-
gnement musical.
M. Eugène Berleaux, %, sous-chef du bureau
des théâtres, secrétaire.
A. Succursales du Conservatoire national
de musique et de déclamation.
AMIENS
Directeur : M. Pierre Camus.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, cla-
rinette, basson, saxophone, cor, cornet, trompette,
trombone.
Nombre moyen des élèves : 373. Budget annuel
(1930) 162.000 francs.
L'école remonte à 1801. Elle fut tout de suite
transformée en école nationale. Complètement dé-
truite pendant la guerre, alors qu'elle venait d'être
installée dans un immeuble neuf, elle a rouvert en
1919, et a été érigée en succursale du Conservatoire
de Paris en 1925. L'enseignement est gratuit.
BOULOGNE SUR-MER
Directeur : M. Charles Gripois.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, alto,
violoncelle, contrebasse, llùte, hautbois, clarinette,
basson, cor, cornet, trompette, trombone, ensemble
vocal, ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 300. Budget annuel
(1030) 177.000 francs.
Une petite école de musique fut fondée en 1830;
en 1876, elle reçut le litre d'Académie communale
de musique. Transformée en école nationale en
1882, elle fut érigée en succursale du Conservatoire
de Paris en 1908. La bibliothèque compte environ
deux mille cinq cents ouvrages. Les locaux ont été
récemment transformés et aménagés. La fréquenta-
tion des cours est gratuite.
cambrai
Directeur : M. Albert Lély.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, piano, violon, alto, violoncelle et
contrebasse, flûte, hautbois, clarinette, saxophone,
basson, instruments en cuivre, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 400. Budget annuel
(1930) 122.000 francs.
L'école fut créée en 1821, nationalisée en 1 00:> el
érigée en succursale du Conservatoire de Paris en
1920. Incendiée pendant la guerre, bibliothèque et
instruments détruits, elle s'est rapidement relevée de
sa ruine totale. L'enseignement est gratuit
DIJON
Directeur : M. Louis Dumas.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, tlûte, hautbois,
clarinette, basson, saxophone, cor, cornet, trompette,
trombone, harpe, ensemble instrumental, ensemble
vocal, orchestre, déclamation lyrique.
Nombre moyen des élèves : .'ioO. Budget annuel
(1930)20o.000 francs.
Créée en 1845, l'école fut érigée en succursale du
Conservatoire de Paris en 1868. Elle possède une
bibliothèque importante.
Directeur : M. Victor Gallois.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, piano, violon, alto, violoncelle, con-
trebasse, flûte, hautbois, clarinette, basson, saxo-
phone, cor, cornet, trompette, trombone, saxhorn,
ensemble instrumental, orchestre, histoire de la
musique.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3007
Nombre moyen des élèves : 500. Budget annuel
(1930) 177.000 francs.
Fondée en 1806, subventionnée par la municipalité,
l'école fut nationalisée en 1884, et érigée en succur-
sale du Conservatoire de Paris en 1911. Fermée
pendant la guerre, réquisitionnée par les Allemands,
l'école, lors de sa réouverture, ne possédait plus ni
matériel, ni musique. Sa reconstitution rapide lui a
rendu sa prospérité d'antan. Il n'y a pas de rétribu-
tion scolaire.
Directeur : M. Alfred Françaix.
Enseignement: harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, basson et saxophone, cornet, trompette,
trombone, ensemble instrumental, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 250. Budget annuel
(1930) 121.000 francs.
Fondée, en 1882, sur l'initiative du conseil muni-
cipal, l'école a été nationalisée en 1884, et érigée en
succursale du Conservatoire de Paris en 1920. L'en-
seignement est gratuit.
Directeur : M. Emile Ratez.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, piano, orgue, violon, alto, violoncelle,
contrebasse, llûte, hautbois, clarinette, basson, saxo-
phone, cor, cornet, trompette, trombone, ensemble
instrumental, ensemble vocal, orchestre, déclama-
tion lyrique.
Nombre moyen des élèves : 300. Budget annuel
(1930) 233.000 francs.
L'origine de l'école remonte à 1803. Municipali-
sée en 1816, elle fut érigée en succursale du Con-
servatoire de Paris en 1826. La bibliothèque de
l'école est importante. Ses locaux, anciens, ont été
considérablement agrandis et sont bien aménagés.
L'enseignement est gratuit.
LYON
Directeur : M. G.-M. Witrowski.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, déclamation lyrique, piano, orgue,
violon, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, basson, cor, cornet, trompette, trombone,
harpe, ensemble instrumental, ensemble vocal, dé-
clamation dramatique, histoire de la musique, his-
toire de la littérature dramatique.
Nombre moyen des élèves : 530. Budget annuel
(1930) 286.000 francs.
L'école a été fondée par la municipalité en 1872,
et érigée en succursale du Conservatoire de Paris
en 1874. Sa bibliothèque est très complète. Elle est
sise dans le Palais municipal des Beaux-Arts, qui fut
édifié à son intention. Il n'y a pas de rétribution
scolaire.
Directeur : M. René Delaunay.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, basson, cor, trompette, trombone,
ensemble vocal, orchestre, histoire de la musique.
Nombre moyen des élèves : 300. Budget annuel
(1930) 2oa. 000 francs.
L'école, fondée en 1832, a été érigée en succursale
du Conservatoire de Paris en 1841. Très florissante
en 1870, elle périclita sous la direction des Allemands
qui supprimèrent les classes de solfège et d'instru-
ments à vent. Lors du retour de .Metz à la France, on
n'y enseignait plus, depuis longtemps, que le piano,
le violon, le violoncelle et le chant. Entièrement
reconstituée, grâce à l'initiative de la municipalité,
dès 1919, elle a repris son rang de succursale du
Conservatoire-de Paris en 1922. L'enseignement est
payant.
MONTPELLIER
Directeur : M. Maurice Le Boucher.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, basson, saxophone, cor, cornet,
trompette, trombone, harpe, déclamation drama-
tique.
Nombre moyen des élèves : 280. Budget annuel
(1930) 266.000 francs.
L'école a été fondée par la municipalité en 1883,
et érigée en succursale du Conservatoire de Paris en
1890. Elle occupe les locaux de l'ancienne faculté de
droit et possède une bibliothèque assez importante.
Il n'y a pas de rétribution scolaire.
NANCY
. Directeur: M. Alfred Bachelet.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, piano, orgue, alto, violoncelle, con-
trebasse, llûte, hautbois, clarinette, basson, cor,
trompette, trombone, ensemble instrumental, dé-
clamation dramatique, histoire de la musique.
Nombre moyen des élèves : 450. Budget annuel
(1930) 382.000 francs.
L'école, fondée en 1881, est, depuis 1884, succur-
sale du Conservatoire de Paris. Elle a une biblio-
thèque et de bons locaux. L'enseignement est gratuit.
NANTES
Directeur : M. Louis Brisset.
Enseignement : composition et fugue, harmonie,
solfège, chant, piano, violon, alto, violoncelle, con-
trebasse, llûte, hautbois, clarinette, Ibasson, cor,
cornet, trompette, trombone, ensemble instrumental,
ensemble vocal, orchestre, histoire de la musique,
déclamation dramatique.
Nombre moyen des élèves : 300. Budget annuel
(1930) 210.000 francs.
L'école, fondée en 184t, a été érigée en succursale
du Conservatoire de Paris en 18 40. Elle es! installée
dans un hôtel particulier et possède une biblio-
thèque. La rétribution scolaire est peu élevée.
NIMES
Directeur : M. Lucien Fontayne.
Enseiguement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, tlûte, hautbois,
clarinette, basson, saxophone, cor, cornet, trom-
pette, trombone, harpe chromatique, ensemble ins-
trumental, ensemble vocal, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 300. Budget annuel
(1930) 103.000 francs.
L'école a été créée, par la municipalité, en 1863.
Transformée en école nationale en 1884, elle a été
érigée en succursale du Conservatoire de Paris en
1903. Elle possède une bibliothèque et occupe une
partie de l'ancien Evèché. devenu, depuis 1912, palais
des Beaux-Arts. L'enseignement est gratuit.
ORLÉANS
Directeur : M. Antoine Maiuotte.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQl'E ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
violon, alto, violoncelle, llùte, clarinette, basson, cor,
trompette, trombone, contrebasse, ensemble ins-
trumental et vocal.
Nombre moyen des élèves : 300. Budget annuel
[1930) lli. (ton francs.
La municipalité ouvrit des cours gratuits de mu-
sique en 1868, une école fut constituée en 1874. La
direction ayant été supprimée en 1901, il ne sub-
sista que des cours autonomes jusqu'en 1920. C'est
alors que la municipalité réinslitua une direction
et que l'école fut nationalisée. Elle a été érigée en
succursale du Conservatoire de Paris en 1925. L'en-
seignement est gratuit.
Directeur : M. Simon Sine.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, cor, cornet, trompette, trombone.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
(1930) 49.000 francs.
Fondée en 1842, devenue école nationale en 1884,
l'école a été érigée en succursale du Conservatoire
de Paris en 1892. Il est perçu une très légère rétri-
bution scolaire.
RENNES
Directeur : M. Jean-Baptiste Ganave.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, contrebasse, llùte, hautbois, cla-
rinette, basson, saxophone, cor, trompette, trom-
bone, saxhorn, ensemble instrumental, ensemble
vocal, orchestre, histoire de la musique, déclamation
dramatique.
Nombre moven des élèves : 300. Budget annuel
1930) 208.000 'francs.
La municipalité subventionna de 186b à 1881 un
cours de musique vocale qui fut alors transformé en
école municipale, elle-même érigée en succursale
du Conservatoire de Paris en 1884. L'Ecole possède
une bibliothèque d'une certaine importance. L'en-
seignement est gratuit.
Directeur : M. Francis Bousquet.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, piano, orgue, violon, alto, violoncelle»
contrebasse, llùte, hautbois, clarinette, basson, saxo"
phone, cor, cornet, trompette, trombone, saxhorn,
ensemble vocal, orchestre, déclamation dramatique.
Nombre moyen des élèves : 700. Budget annuel
(1930) 289.000 francs.
Ecole municipale fondée en 1820; transformée en
école nationale en 1884, elle a été érigée en succur-
sale du Conservatoire de Paris en 1902. Elle est ins-
tallée dans de beaux locaux. L'enseignement est
gratuit.
SAINT-ETIENNE
Directeur : M. Edmond Maurat.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
analyse, solfège, chant, déclamation lyrique, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, basson, saxophone, cor, cornet,
trompette, trombone, saxhorn, ensemble instru-
mental, ensemble vocal, orchestre, histoire de la
musique.
Nombre moyen des élèves : 500. Budget annuel
(1930) 288.000 francs.
Des cours de musique vocale furent subventionnés
par la ville dès 1839, une école municipale de mu-
sique fonctionna de 1867 à 1871. Rétablis en 1876, les
cours de musique vocale furent complétés par des
cours de musique instrumentale en 1878, et érigés
en école en 1881 ; celle-ci fut nationalisée en 1884 et
dénationalisée en 1891. Ecole municipale jusqu'en
1910, nationalisée à nouveau à cette époque, elle a
été érigée en succursale du Conservatoire de Paris en
1914. Bien installée dans de vastes locaux, sa biblio-
thèque compte plus de quatre mille cinq cents ou-
vrages. L'enseignement est gratuit.
Directeur : M. Joseph Grégoire.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, basson, cor, trompette, trombone.
Nombre moyen des élèves : 223. Budget annuel
(1930) 133.000 francs.
Fondée par la municipalité, en 1900, l'école a été
nationalisée en 1903, et érigée en succursale du Con-
servatoire de Paris en 1923. L'enseignement est
gratuit.
TOULOUSE
Directeur : M Aimé Kunc.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, décla-
mation lyrique, piano, violon, alto, violoncelle,
contrebasse, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor,
cornet, trompette, trombone, harpe à pédales, harpe
chromatique, déclamation dramatique.
Nombre moyen des élèves : 330. Budget annuel
(1930i 438.000 francs.
L'école a été créée, par la municipalité, en 1820, et
érigée en succursale du Conservatoire de Paris en
1826. Elle est très bien installée, possède une biblio-
thèque de dix mille ouvrages et un musée d'instru-
ments. Il n'y a pas de rétribution scolaire.
TOURCOING
Directeur: M. Lucien Niverd.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, basson, saxophone, cor, cornet, trompette,
trombone, saxhorn, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 375. Budget annuel
(1930) 223. 000 francs.
La création de l'Académie de musique remonte à
18i2, mais les cours ne prirent une certaine extension
qu'à partir de 1882, date où ils furent transformés
en école municipale. Celle-ci fut nationalisée en
1913, et érigée en succursale du Conservatoire de
Paris en 1923. L'enseignement est gratuit.
Directeur : M. Louis Gravr\ni).
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clarinette,
basson, saxophone, cor, cornet, trompette, trom-
bone, saxhorn, ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
\'XMv< 305.500 francs.
Fondée par initiative privée en 1S75. munieipa-
lisée, l'école a été nationalisée en 1886, et êrigit en
succursale du Conservatoire de Paris en 1923. L'en-
seignement est gratuit.
valençiennes
Directeur : M. Fernand Lamy.
Enseignement ; contrepoint et fugue, harmonie,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
solfège, chant, piano, violon, alto, violoncelle, con-
trebasse, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor,
cornet, trompette, trombone, ensemble instru-
mental, orchestre.
Nombre moyen des élèves : +00. Budget annuel
(1923) 23 4.000 francs.
L'Académie de musique fondée en 1835 par la
municipalité, transformée en école nationale en
1884, a été érigée en succursale du Conservatoire de
Paris en 1921. L'école a une bibliothèque importante.
Elle est logée dans un bel édilice datant du second
empire. L'enseignement est gratuit.
B. Écoles nationales de musique.
Directeur : M. Edmond Braut.
Enseignement : solfège, piano, violon, alto, vio-
loncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clarinette, ins-
truments en cuivre, ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 230. Budget annuel
(1930) 31.000 francs.
Créée par initiative privée, en 1818, subventionnée
parle conseil municipal en 1821, l'école d'Abbeville
a été rattachée à l'Etat en 1809. Elle est sommaire-
ment installée. L'enseignement est gratuit.
Directeur : M. Joseph Poncf.t.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, flûte, hautbois, clarinette, basson,
instruments en cuivre, ensemble instrumental, en-
semble vocal, histoire de la musique.
Nombre moyen des élèves : 350. Budget annuel
(1930) 116.000 francs.
Eondée par initiative privée en 1840, munici-
palisée en 1856, l'école a été nationalisée en 1884.
L'enseignement est gratuit.
ANGOILF.UE
Directeur : M. Georges Martinet.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, alto,
violoncelle, flûte, hautbois, clarinette, cor, cornet,
ensemble vocal, ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 350. Budget annuel
(1930) 25.000 francs.
Ancien cours gratuit de musique vocale et instru-
mentale; fondée, par initiative privée, en 1882, puis
subventionnée par la municipalité, l'école a été na-
tionalisée en 1887. Il n'y a pas de rétribution sco-
laire.
AVIGNON
Directeur : M. Charles Allô.
Enseignement : harmonie, solfège, 'chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, instruments en cuivre, ensemble
instrumental.
Nombre moyen des élèves : 350. Budget annuel
(1930) 159.000 francs.
L'école est passée par de nombreuses vicissitudes.
Créée en 1828, fermée en 1829 ; rouverte en 18.35,
fermée en 1836; rouverte en 1845, fermée en 1848;
rouverte en 1853, fermée en 1870; rouverte en 1871,
elle resta municipale jusqu'en 18S4; alors érigée en
succursale du Conservatoire de Paris, elle redevint
municipale en 1889 et le demeura jusqu'en 1916.
Depuis lors, elle est école nationale. Elle possède une
petite bibliothèque et est installée dans l'ancien Hôtel
des Monnaies. L'enseignement est gratuit.
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3G09
BAYONNE
Directeur: M. Ermend Bonnal.
Enseignement : solfège, chant, piano, orgue, vio-
lon, violoncelle, contrebasse, instruments à vent
en bois, cornet et trompette, trombone et tuba, en-
semble vocal, ensemble instrumental, histoire de la
musique.
Nombre moyen des élèves : 130. Budget annuel
(1930) 33.000 francs.
L'école a été fondée parla municipalité en 1876,
et rattachée à l'Etat en 1884. L'enseignement est
gratuit.
BOURGES
Directeur : M. Henri Yivet.
Enseignement: solfège, chant, piano, violon, tlùte,
hautbois, clarinette, saxophone, cornet, trombone,
saxhorn.
Nombre moyen des élèves : 100. Budget annuel
(19.10) 54. 000 francs.
L'école, créée en 1900, a été érigée en école natio-
nale en 1921. L'enseignement est gratuit-
Directeur : Arthur Rilland.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
violoncelle, clarinette, cor, cornet, trompette, trom-
bone.
Nombre moyen des élèves : 180. Budget annuel
(1931)) 41.000 francs.
L'école a été fondée, par la municipalité, en 1921,
et nationalisée en 1926. Il n'y a pas de rétribution
scolaire.
Directeur : M. Georges Dequin.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, tlùte, haut-
bois, clarinette, basson, cor, cornet, trompette, trom-
bone, saxhorn, ensemble instrumental, ensemble
vocal, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 275. Budget annuel
(1030) 119.000 francs.
Fondée par initiative privée en 183:;, mais placée
sous l'autorité du maire, l'école demeura municipale
jusqu'en 1884. Ecole nationale de 1884 à 1885, elle
fut à nouveau municipale jusqu'en 1909 où elle re-
demanda et obtint la nationalisation. Elle occupe des
salles de. l'hôtel de ville. L'enseignement est gratuit.
Directeur : M. Emile Camvs.
Enseignement: harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, llùle, haut-
bois, basson, clarinette et saxophone, instruments
en cuivre, orchestre, histoire de la musique.
Nombre moyen des élèves : 500. Budget annuel
(1930) 140.000 francs. L'enseignement est gratuit.
CHAMHÉRV
Directeur : M. Marins Bayoud.
Enseignement: solfège, chant, piano, violon,
violoncelle et contrebasse, instruments à vent en
bois, instruments en cuivre.
Nombre moyen des élèves : 150. Budget annuel
(1930) 42.000 francs.
L'école a été fondée en 1865, par la municipalité.
Elle a été érigée en école nationale en 1884. Elle
;ncyclopêdie de la musique et dictionnaire du conservatoire
Possède une petite bibliothèque. Il n'y a pas de ré-
tribution scolaire.
CLERMONT-FERRAND
Directeur : M. Louis Gémont.
Enseignement: harmonie, solfège, chant,' piano,
■violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, basson, instruments en cuivre, en-
semble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 250. Budget annuel
(1930) 124.000 francs.
L'école a été créée, par la municipalité, en 1909,
et rattachée à l'Etat en 1911. L'enseignement est
gratuit.
HÉrJIN-LIÉTARD
Directeur : M. Emile Dufrenne.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, contrebasse, clarinette, saxophone, cornet,
trompette, trombone, saxhorn.
Nombre moyen des élèves : 320. Budget annuel
(1930) 25.000 francs.
L'école a été créée en 1925, par initiative munici-
pale, et nationalisée en 1926. Il n'y a pas de rétribu-
tion scolaire.
LORIENT
Directeur : M. Marius Ghol.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon
et alto, violoncelle, flûte et hautbois, clarinette, cor,
ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 250. Budget annuel
(1930) 26.000 francs.
Créée en 1905, par initiative privée, municipalisée,
l'école est devenue nalionale en 1912. L'enseigne-
ment est gratuit.
Directeur : M. Aristide Belin.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon et
alto, violoncelle et contrebasse, instruments à vent
en bois, instruments en cuivre, ensemble vocal, or-
chestre.
Nombre moven des élèves : 250. Budget annuel
(1930)19.000 francs.
Née d'une initiative privée, en 1887, municipalisée
en 1892, l'école a élé nationalisée en 1893. Il y a une
légère rétribution scolaire.
Directeur : M. Félix Cazenave.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clari-
nette, basson, cor, cornet, trombone, ensemble ins-
trumental.
Nombre moven des élèves : 160. Budget annuel
(1930) 54.000 francs.
Fondée en 1920, par la municipalité, l'école a élé
nationalisée en 1922. L'enseignement est gratuit.
SAINT-AMAND-LES-EAUX
Directeur : M. Robert Garon.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, tinte, hautbois, clarinette, saxophone, cor,
cornet, trompette, trombone, saxhorn.
Nombre moyen des élèves : 190. Budget annuel
(1930) 35.500 francs.
Un groupement musical, dont l'origine remonte à
l'organisation des gardes nationales, pendant la Ré-
volution, fut ultérieurement transformé en société
philharmonique. En 1866, un arrêté municipal réor-
ganisa la société et institua un enseignement du
solfège et de divers instruments. En 1921, le conseil
municipal créa l'école actuelle, qui a été nationalisée
en 1928. L'enseignement est gratuit.
SAINT-BRIEUC
Directeur : M. Louis Foirmer.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
alto, violoncelle, contrebasse, instruments à vent
en bois, instruments en cuivre, ensemble vocal,
ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 150. Budget annuel
(1930) 21.500 francs.
Instituée par délibération du conseil municipal, en
1919, l'école a été nationalisée eu 1923. L'enseigne-
ment est gratuit.
Directeur : M. Henri Filleul.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clari-
nette, basson, instruments en cuivre, ensemble
vocal, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 275. Budget annuel
(1930) 63.000 francs.
L'école a été érigée en école nationale en 1884.
L'enseignement est gratuit.
Directeur: M. Sylvain Torre.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, contrebasse, flûte, hautbois, basson, clari-
nette, instruments en cuivre, ensemble instrumen-
tal, orchestre, histoire de la musique.
Nombre moyen des élèves : 350. Budget annuel
(1930) 70.000 francs.
Fondée par la municipalité, en 1882, l'école a été
nationalisée en 188V. Klle possède une bibliothèque ;
ses locaux, petits, sont bien aménagés. L'enseigne-
ment est gratuit.
Directeur : M. Brard.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vie-
loncelle, llûte, clarinette, instruments en cuivre, en-
semble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
(1930) 42.000 francs.
Créée en 1894-, municipale jusqu'en 1921, l'école
est nationale depuis lors. L'enseignement est gra-
tuit.
TROYES
Directeur : M. Amable Massis.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
orgue, violon, alto, violoncelle, contrebasse, tlùte,
hautbois, clarinette, basson, cor, trompette, trom-
bone, harpe chromatique, ensemble instrumental,
orchestre, ensemble vocal, histoire de la mu-
sique.
Nombre moyen des élèves :] 200. Budget annuel
(1930) 113.000 francs.
L'école, fondée en 1920, par initiative privée, n'a
reçu primitivement qu'une faible subvention de la
ville. Municipalisée en 1925, elle a été nationalisée
la même année. Il y a une rétribution scolaire.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3M
licipnlcs «le niusiqnf
Direcleur : M. Norbert Canouet.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, tlûte, instruments à anche, cor, cornet,
trompette, trombone, ensemble vocal, orchestre.
Nombre des élèves : 300. Budget annuel (1930)
34.000 francs.
L'école a été fondée en 1919, avec le concours de
la municipalité, qui, en 1923, l'a prise à sa charge.
Une petite rétribution scolaire est perçue.
Directeur : M. Jean Gay.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, contrebasse, flûte, clarinette, basson, saxo-
phone, cornet, trompette, trombone.
Nombre moyen des élèves : 450. Budget annuel
(1930) 57.000 francs.
L'école a été fondée par la municipalité, en 1890.
L'enseignement est gratuit.
Directeur : M. Eugène Leleu.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, tlûte, haut-
bois, clarinette, basson, saxophone, cor, cornet,
trombone, saxhorn.
Nombre moyen des élèves : 320. Budget annuel
11930) 58.000 francs.
Des cours de musique furent créés, vers 1830, par
la Société symphonique la « Philharmonique d'Ar-
ras ». Ils furent érigés en école municipale en 1850-
Leur fréquentation est gratuite.
Directeur : M. Georges Naquet.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio
loncelle", flûte, hautbois, clarinette, saxophone, ins
truments en cuivre.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
(1930) 12.500 francs.
L'école a été ouverte en 1920. L'enseignement est
gratuit.
RELFORT
Directeur : M. Lucien Ciievaillier.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, instruments à vent en bois et en
cuivre, ensemble instrumental, ensemble vocal.
Nombre moyen des élèves : 230. Budget annuel
(1930) 70.000 francs.
Fondée en 1926 par M. et M"1(î Thiault, l'école a été
municipalisée en 1928. Il existe une rétribution sco-
laire. Une bibliothèque est en voie de constitution.
Directeur : M. Fernand Datte.
Enseignement: harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, basson, saxophone, cornet, trompette,
cor, trombone, ensemble vocal, ensemble instru-
mental.
Nombre moyen des élèves : 370. Budget annuel
11930) 92.000 francs.
L'école a été fondée par la municipalité en 1S00.
L'enseignement est payant.
BORDEAUX
Directeur : M. Bernard Crocé-Spinelli.
Enseignement : contrepoint et fugue, harmonie,
solfège, chant, déclamation lyrique, piano, violon,
alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, cla-
rinette, basson, cor, cornel, trompette, trombotte,
harpe, déclamation dramatique, histoire de la mu-
sique.
Nombre moyen des élèves : 320. Budget annuel
(1930) 247.500 francs.
L'école a été créée, en 1852, par la Société des con-
certs « Sainte-Cécile ».
Subventionnée par la ville depuis longtemps, elle
a été municipalisée en 1920.
BRUAY-EN-ARTOIS
Directeur : M. André Gest.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, clarinette, saxophone, instru-
ments en cuivre, ensemble instrumental, histoire de
la musique, diction.
Nombre moyen des élèves : 325. Budget annuel
(1930)52.000 francs.
L'école a été fondée parla municipalité, en 1023
Tous les cours sont gratuits.
CONSTANTWE
Directeur : M. Edouard Bion.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, basson, cor, déclamation.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
(1930) 35.000 francs.
Fondée au début de 1928 par l'orphéon « les En-
fants de Constantine », l'école a été municipalisée à
la fin de la même année. L'enseignement est payant.
DUNKERQUE
Directeur : M. Alexandre Rouzeré.
Enseignement: harmonie, solfège, chant, violon,
violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clarinette,
basson, saxophone, cor, cornel, trompette, trom-
bone, saxhorn, ensemble instrumental, ensemble
vocal.
Nombre moyen des élèves : 350. Budget annuel
(1930) 61.000 francs.
L'origine de l'école remonte à 1862. L'école 'pos-
sède une petite bibliothèque. L'enseignement est
gratuit.
LIMOGES
Directeur : M. Léon Roby.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clarinette, bas-
son, cor, trombone, ensemble instrumental.
Nombre mo\en des élèves : tOO. Budget annuel
(1930) 01.000 francs.
L'école a été fondée en 1910. Elle possède une
bibliothèque et occupe les locaux de l'ancien palais
de l'évèché. Les cours sont payants.
LONS-LE-SAUNIER
Directeur : M. Emile Monot.
Enseignement : solfège, chant, violon, violoncelle,
flûte, hautbois, clarinette, instruments en cuivre.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
(1930) 17.000 francs.
L'école a été ouverte en 1921, sur l'initiative de la
municipalité. Les cours sont payants.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Directeur : M. Arthur Michaud.
Enseignement : harmonie, solfège, chant , décla-
mation lyrique, piano, violon, alto, violoncelle, con-
trebasse, llûte, hautbois, clarinette, basson, 'saxo-
phone, cor, cornet, trompette, trombone, harpe, his-
toirede la musique, diction, déclamation dramatique.
Nombre moyen des élèves : 750. Budget annuel
(1930) 45:i. 000 francs.
L'école, fondée en 1822, municipalisée en 1830,
érigée en succursale du Conservatoire de Paris en
1841, fut dénationalisée sur la fin du second Empire.
Elle sollicite présentement la nationalisation.
ORAN
Directeur : M. Francis Thtbaud.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, décla-
mation lyrique, piano, violon, alto, violoncelle,
contrebasse, Mute, hautbois, clarinette, basson, cor,
cornet, trompette, trombone. Ensemble vocal, en-
semble instrumental, orchestre, histoire de la musi-
que, diction et déclamation dramatique, danse ryth-
mique.
Nombre moyen des élèves : 1.000. Budget annuel
(1930) 120.000 francs.
Fondée en 1007, par M. Damaré, avec une subven-
tion de la ville, l'école a été, par la suite, complète-
ment prise en charge par la municipalité.
RABAT
Directeur : M. Louis Snyers.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, alto,
violoncelle, contrebasse, instruments en bois et en
cuivre, ensemble instrumental et vocal, orchestre,
diction.
Nombre moyen des élèves : 400. Budget annuel
(1930) 40.000 francs.
L'école a été fondée par M. Snyers en 1924. Elle
est patronnée et subventionnée par la Direction gé -
nérale de l'Instruction publique et des Beaux-Art s
de la résidence. L'enseignement est payant.
REIMS
Directeur : M. Jules Hansen.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clari-
nette, basson, cor, saxhorn, cornet, trompette, trom-
bone.
Nombre moven des élèves : 300. Budget annuel
(1930) 130.000 francs.
Fondée par la municipalité, en 1913, l'école a été
incendiée et complètement détruite pendant la guerre.
Rouverte en 1919 dans les locaux d'une école pri-
maire, elle possède une petite bibliothèque et se re-
constitue.
SAINT-QUENTIN
Directeur : M. Maurice Viot.
Enseignement : harmonie, contrepoint, solfège,
piano, violon, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, basson, cor, cornet, trompette,
trombone, ensemble instrumental, orchestre, his-
toire de la musique.
Nombre moyen des élèves : 370. Budget annuel
(1990) 70.000 francs.
L'école a été fondée, en 1875, par la municipalité.
Fermée en 1886, elle fut rouverte en 1889. Détruite
pendant la guerre, elle se reconstitua en 1920. L'en-
seignement est gratuit.
STRASBOURG
Directeur : M. Fritz Munch.
Enseignement : composition, contrepoint et fugue,
harmonie, solfège, chant, déclamation lyrique, piano,
orgue, violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte,
hautbois, clarinette, basson, cor, trompette, trom-
bone, harpe, ensemble instrumental, ensemble
vocal, histoire de la musique, déclamation drama-
tique.
Nombre moven des élèves : 300. Budget annuel
(19301 563.000 francs.
L'école a été fondée en 18"i5, par la municipalité.
Elle possède une bibliothèque et est très bien ins-
tallée dans l'ancien palais du Parlement. L'ensei-
gnement est payant.
TUNIS
Directeur : M. Emile Pajot.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, vio-
loncelle, instruments en cuivre.
Nombre moyen des élèves : 240. Budget annuel
(1930) 60.000 francs.
L'école a été fondée en 1886, par la direclion de
l'instruction publique et des beaux-arts de la Ré-
gence, sous la dépendance de laquelle elle est pla-
cée. Une rétribution scolaire est perçue.
VERSAILLES
Directeur : M. César Geloso.
Enseignement : harmonie, contrepoint et fugue,
chant, piano, violon, alto, violoncelle, contrebasse,
llûte, hautbois, clarinette, basson, cor, trompette,
trombone, harpe, déclamation.
Nombre moyen des élèves : 360. Budget annuel
(1930) 136.500 francs.
L'école a été fondée en 1878, par la municipalité.
L'enseignement est payant.
III. Écoles priiécs de musique.
Directeur : M. Paul Freu w \.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois,
clarinette, trompette, cuivres, diction, déclamation,
danse, ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 200. Budget annuel
(1930) 70.000 francs.
L'école doit son existence à l'initiative de M. Geor-
ges Picard, professeur au lycée de Casablanca; elle
a été fondée en 1917. Elle reçoit des subventions de
la municipalité (25.000 fr.), du cabinet civil de la ré-
sidence (5.000) et de la direction de L'enseignement
(10.000). Les cours sont payants et ont pris, depuis
peu, un développement qui permet d'augurer liés
favorablement l'avenir de cet établissement.
Directeur: M. Théophile Gilbert.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon,
violoncelle, clarinette, saxophone, instruments en
cuivre.
Nombre moyen des élèves : 130. Budget annuel
(1930) 25.000 fr. L'école, fondée par son directeur
actuel, en 1921, reçoit une subvention de 1000 francs
de la municipalité. Il est perçu une rétribution sco-
laire.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 361
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ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Directeur : M. J. M. Legendre.
Enseignement : solfège, chant, piano, violon, alto,
violoncelle, contrebasse, instruments à vent, en-
semble instrumental et vocal, histoire de la musi-
que, diction.
Nombre moyen des élèves : 250. Budget annuel
(1930) 37.000 francs.
L'école a été fondée en 1919 par M. Legendre. Elle
ne reçoit aucune subvention. Tous les cours sont
payants.
FONTAINEBLEAU '
Directeur : M. Camille Decreux.
Enseignement: composition, contrepoint et fugue,
harmonie, solfège, chant, déclamation lyrique,
piano, orgue, violon, violoncelle, harpe, histoire de
la musique, direction d'orchestre, accompagnement
au piano, diction et mise en scène.
Nombre moyen des élèves : 125. Budget annuel
(1930) 800.000 francs.
Le Conservatoire américain de Fontainebleau,
école des hautes études musicales en France, a été
créé, en 1921, dans le but de contribuer au rappro-
chement spirituel des peuples de France et d'Amé-
rique, en attirant chez nous l'élite des musiciens
professionnels américains, en leur faisant connaître
nos méthodes d'enseignement, nos artistes et nos
productions. Le Conservatoire, ouvert seulement du
25 juin au 2b septembre, possède une bibliothèque.
Les élèves payent une rétribution scolaire de 7.500
francs.
GRENOBLE
Directeur : M. A. Ccichardon.
Enseignement : harmonie, solfège, chant, piano,
violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, haut-
bois, clarinette, saxophone, cor, trombone, trom-
pette, saxhorn. Ensemble instrumental.
Nombre moyen des élèves : 225. Budget annuel
(1930) 50.000 francs.
L'école a été fondée, en 1922, par l'Association pour
l'enseignement post-scolaire de Grenoble. La muni-
cipalité lui alloue une subvention de 30.000 francs.
Il est perçu une rétribution scolaire.
MULHOUSE
Directeur : M. Georges Frey.
Enseignement : harmonie, contrepoint, solfège,
chant, piano, violon, alto, violoncelle, flûte, ensem-
ble instrumental, orchestre.
Nombre moyen des élèves : 250. Budget annuel
(1930) 48.500 francs.
Fondée en 1916 par J. B. Zaun, l'école reçoit une
subvention de 2000 fr. do la ville et 500 fr. dû dépar-
tement du Haut-Rhin.
L'enseignement est payant.
ROANNE
Administrateur général : M. Félix Dieidonné.
Enseignement : harmonie, solfège, piano, violon,
alto, violoncelle, contrebasse, hautbois, clarinette,
basson, saxophone, instruments en cuivre.
Nombre moyen des élèves : 170. Budget annuel
(1930) 25.000 fr.
L'école a été fondée en 1927, par initiative privée.
Nous mentionnons. à litre documentaire, !>■ Conservatoire amé-
n i.!c Fontainelilc au. Sa destination très spéciale le situe en dehors
objet de notre élude.
Elle reçoit une subvention de 1.500 francs de la
ville. Ses ressources sont restreintes.
Quelques écoles ne figurent pas dans la monogra-
phie et le tableau synoptique qui précèdent. Aussi
bien s'agit-il d'établissements peu nombreux et fort
peu importants, desquels nous n'avons pu obtenir
les renseignements sollicités.
Un budget global de près de 20.000.000 de francs
et 71 écoles fréquentées par plus de 22.650 élèves,
tel est le bilan de la situation matérielle de l'ensei-
gnement musical public en France et dans les colo-
nies riveraines de la Méditerranée.
Quant à la valeur de l'enseignement, on ne peut
que constater, çà et là, les plus grandes fluctuations.
Un quart de nos conservatoires provinciaux sont de
grands établissements d'enseignement secondaire,
allant jusqu'à côtoyer, en certaines parties, l'ensei-
gnement supérieur. En dessous d'eux, et en nombre
sensiblement égal, se classent les écoles de second
plan ou d'enseignement primaire supérieur. Enfin,
les petites écoles, de ressources très restreintes, sont
autant d'instituts d'enseignement musical primaire.
CONCLUSIONS
Ce n'est pas des points de vue abstraits et irréels
de l'idéal que nous apprécierons, en définitive, l'of-
fice rempli par nos .écoles de musique. Œuvre ou
aclion se jugent aux fruits qu'elles portent; mais
encore, ne convient-il pas d'attendre d'un sol bien
cultivé les richesses qui veulent un autre climat.
Ainsi les raisons de notre jugement prennent-elles
leurs assises dans cet ensemble de faits généraux et
particuliers ;que nous avons passés en revue, et qui
constituent les contingences historiques et sociales de
la condition présente de l'enseignement musical.
L'étendue et la diversité des données examinées
peuvent rendre utile une tentative de synthèse géné-
rale. Nous nous efforcerons d'y apporter la brièveté
inséparable de la clarté.
L'enseignement de la musique fut, à l'origine,
comme toutes les traditions savantes, l'œuvre de
l'Eglise. 11 la demeura jusqu'en 1789 ei. si l'on ne
peut absolument dire que l'art moderne, né sur la
fin du xvii" siècle, en est le fruit, du moins en reçut-
il le principe de vie. Cependant que, sur la lin du
moyen âge, la musique liturgique monodique n'avait
plus que la valeur d'une langue morte, qui allait en
s'altérant progressivement, sa sœur puînée, la mu-
sique religieuse, affranebiede l'asservissement rituel,
produisait avec la Renaissance cet étonnant rameau
que fut la polyphonie vocale, dont ou peut dire qu'il
servit de truchement entre l'art médiéval et l'art pro-
fane. Cet art profane, privé d'enseignement jusqu'a-
lors et bridé en son essor, s'appropria les conquîtes
des maîtres de la polyphonie vocale et en étendit le
champ. Ses progrès et ses succès créèrent des néces-
sités nouvelles, spéciales, et l'éloignement se fit peu
à peu entre l'enseignement très particulier donné
par l'Eglise et les besoins nés de la récente évolu-
tion de la musique instrumentale et dramatique. Si
le monopole d'enseignement de l'Eglise demeura en-
core entier en France, aux xyh" et xvin" siècles, ce fut
pour des raisons de fait, d'habitude, et aussi d'indif-
férence du pouvoir. Quoique très richement doté,
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
CONSERVATOIRES DE PROVINCE 3613
cet enseignement était peu productif : il restait cir-
conscrit à un petit nombre de matières fort éloignées
des fins présentes de la musique. Les quatre cents
maîtrises que l'on comptait dans le royaume avaient
une autre destination que la formation des nombreux
artistes qu'exigeaient les spectacles et les concerts,
et, bien avant la Révolution, des signes avant-coureurs
témoignaient du besoin d'instituer un nouvel ensei-
gnement.
Les événements politiques de 1780 provoquèrent
un dénouement brusqué de la sourde gestation qui
se décelait alors. La Révolution qui fut, psychologi-
quement, la manifestation d'un individualisme vio-
lent et comme affamé par une longue contention,
exprima, avec une vivacité particulière, toutes les
réalités sensibles et immédiates. La conjonction, en
apparence contradictoire, d'un matérialisme et d'un
idéalisme également oulranciers, mais tels que l'his-
toire en offre de nombreux exemples, éleva un mo-
ment la musique au rang d'une institution nationale
et la mêla à la vie civique. La prise à charge par
l'Etat de son enseignement fut la conséquence de
son utilisation comme agent d'éducation publique.
C'est ainsi que la Convention fut amenée à créer, à
Paris, un centre d'études supérieures, le Conserva-
toire, el à étudier l'organisation, dans les déparle-
ments, d'écoles spéciales de musique, secondaires et
primaires.
Les malheurs des temps ne permirent pas de réa-
liser ce dernier projet, mais une idée féconde était
entrée en jeu dont le nouvel organisme social allait
chercher les formes. Impuissante à se réaliser durant
tout le premier Km pire, cette idée prit corps au
lendemain de la paix qu'apportaient les traités de
Vienne. Sous la poussée de l'opinion publique, les
pouvoirs locaux de quelques villes des départements
prirent l'initiative d'ouvrir des écoles laïques de mu-
sique. Ces écoles, instituées avec les moyens res-
treints qui se trouvaient sur place, étaient des écoles
d'instruction professionnelle. Bien que peu nom-
breuses encore, elles tendaient à mettre l'enseigne-
ment musical à la portée des masses, elles consti-
tuaient un acheminement vers l'instauration d'un
enseignement musical éducatif, c'est-à-dire ressor-
tissant à l'école primaire. Peu après l'établissement
de la monarchie de Juillet, se produisirent, en effet,
les premières tentatives d'introduction de la musique
dans les écoles publiques, mais, mal préparées, ces
tentatives échouèrent.
Cet échec agit à la manière d'un choc en retour
sur les écoles spéciales de musique des départements.
Les municipalilés, ou, à leur défaut, des initiatives
privées, ouvrirent des cours populaires de musique
qui, bien accueillis, s'érigèrent rapidement en écoles
mi-primaires et mi-secondaires. Sans unité de direc-
tion et de formation, privées des appuis techniques
nécessaires et de ressources suffisantes, ces écoles
se multiplièrent sous le second Empire, mais elles ne
représentaient, au point de vue artistique, qu'une
très faible valeur. Elles en celaient une, fort grande,
pour l'avenir de l'enseignement musical, au jour où
celui-ci cesserait d'êlre négligé par les pouvoirs pu-
blics. Ce fut la troisième République qui entreprit,
en 1883, de venir en aide à ces écoles départemen-
tales, et qui permit à quelques-unes d'entre elles de
sorlir de l'état de marasme et d'abandon en lequel
elles se trouvaient.
On voit sous quel aspect se posa à ce moment le
problème de l'organisation de l'enseignement mu-
sical dans les écoles spéciales de musique. Un état de
choses existait, en lui-même très défectueux, mais
l'Etat, privé de moyens financiers suffisants, se trou-
vait dans l'impossibilité d'assumer l'entretien des
écoles. Son intervention ne pouvait que se borner
à améliorer leur fonctionnement et leur rendement,
en conservant à ces établissements leur destination
originelle. C'était là, en quelque manière, une entre-
prise de restauration, délicate et périlleuse et, pour
lout dire, aléatoire.
Partant de cette observation que c'est de l'ensei-
gnement supérieur que dépend la valeur et la portée
de l'enseignement primaire, il s'agissait d'adjoindre
un cycle d'études secondaires a toutes les écoles des
départements qui étaient susceptibles d'un tel essor.
Les cinq écoles succursales alors existantes laissaient
entrevoir la possibilité d'obtenir un semblable ré-
sultai.
Ce résultat, aujourd'hui acquis, fut l'œuvre du ré-
gime de la nationalisation.
Les écoles de musique, appelées à remplir un
double office, primaire et secondaire, se trouvèrent
en présence d'une difficile et lourde lâche. Pour ap-
précier la façon dont celle-ci fut accomplie, il faut
se représenter en quelles conditions, matérielles et
morales, nos écoles de province se trouvaient pla-
cées et le demeurent encore aujourd'hui.
Matériellement, la plupart de nos écoles sont mai-
grement subventionnées. Le recrutement du corps
enseignant, si l'on veut y apporter quelques soins,
en est fort difficile. Les traitements otferts sont
insuffisants, ce qui restreint à la localité les possi-
bilités de choix du personnel, pour certaines caté-
gories de classes, tout au moins. Or, le professorat
musical étant libre et sans contrôle, on peut mesu-
rer jusqu'à quel point le défaut de préparation pro-
fessionnelle se fait sentir, en dehors des très grands
cenlres, c'est-à-dire dans la majorité des cas.
Moralement, les écoles de province, très diverses,
il est vrai, sont confondues dans un sentiment de
mésestime générale ou de scepticisme indulgent.
Beaucoup de municipalités ne leur portent qu'une
attention restreinte et distraite , qui déprime les
meilleures volontés, si fréquentes et si désintéressées
en notre pays. In fait est incontestable : c'est que là
où la diligence des pouvoirs publics ne se trouve
pas en défaut, on voit se réaliser des oeuvres du plus
haut intérêt et de la meilleure qualité. La notion que
se font beaucoup de Français de la musique est celle
d'un art bourgeois d'agrément. Sa grandeur, en tant
que manifestation spéculative du génie humain, et
sa puissance d'action sociale dépassent singulière-
ment ces courtes vues.
Au total, les écoles de musique des départements
n'occupent pas le rang qui leur convient dans l'ap-
préciation morale et matérielle de leur fonction et
de leurs besoins. Tantôt elles sont victimes d'une
indulgence qui les dessert, tantôt elles sont mé-
connues ou mésestimées injustement.
Il -.'avère, pour quiconque y rétléchit, que, sans
perdre de vue les hauts buts de l'art, ce n'est pas
seulement, ni même principalement, en y référant
que l'on doit juger les écoles de musique. L'ne école
n'est pas une Académie, et nos écoles sont, avant
tout, des centres d'artisanat. 11 ne serait pas
plus juste de vouloir juger au nom de la science
pure, ou de la seule littérature, l'enseignement de
nos lycées et de nos collèges. L'art véritable,
comme la science et la littérature, est bien au delà
.Mil",
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
de toutes les limites scolaires, à quelque degré qu'on
les considère. L'art, la science ou la littérature sont
œuvre de création, c'est-à dire un fait personnel et
individuel. L'enseignement est, au contraire, par
destination, un fait commun, et collectif. De l'un à
l'autre le rapport qu'il convient d'établir est celui
d'un échange et d'une transfusion, d'un aliment lui-
même producteur d'autres aliments.
Nous n'avons pas besoin de redire ce qu'est l'ensei-
gnement de nos écoles de musique. 11 est, effective-
ment, la sauvegarde de toutes les manifestations
de la vie musicale en province, et si, d'aventure, nos
écoles venaient a disparaître, il n'est pas jusqu'à
Paris qui ne mesurerait l'importance de leurs ser-
vices perdus. Objectivement, nous ne pensons pas que
l'enseignement qui est donné dans les meilleures
d'entre elles ne puisse soutenir la comparaison avec
celui des organisations étrangères les plus favori-
sées. Relativement aux crédits affectés à l'entretien
de ces écoles, les résultats qu'elles donnent sont très
certainement sans pareils en aucun pays. Si l'ensei-
gnement musical accuse, en France, un retard sen-
sible sur les modèles que l'on peut nous proposer,
c'est surtout du point de vue éducatif, c'est-à-dire
primaire. Et il en sera ainsi tant que la musique
n'aura pas été incorporée dans l'enseignement gé-
néral. Cette situation met nos écoles spéciales en
position désavantageuse, on ne saurait le nier. Cel-
les-ci n'en ont que plus de mérite à opérer le re-
dressement que leur impose une telle défaillance.
Quoi qu'il en soit, grâce au concours de valeurs
individuelles exceptionnelles, une organisation pres-
que improvisée pare, non sans bonheur, air: besoins
essentiels. Cela est assez dans une certaine manière
française, soit! mais ce sont là des félicitations à
l'image d'une arme à deux tranchants. Quels résul-
tats n'obtiendrait-on pas de ces mêmes valeurs digne-
ment soutenues et encouragées! Car nulle opinion
n'est plus erronée que celle qui tend à accréditer la
croyance en l'inaptitudedes Français à recevoir une
éducation musicale el en leur manque de goût pour
la pratique de la musique. Mais on n'oeuvre pas sans
labeur et sans effort. Lorsque la monarchie eut une
politique des lettres et des beaux-arts, sous Charles V,
François 1er ou Louis XIV, on vit quels fruits l'arbre
porta. Bien que la musique eût, au xvin' siècle, dé-
passé la péi'iode de son adolescence, l'ancien régime
n'avait pas de politique à son égard. Celle de la Ré-
volution fut éphémère. Mais la France d'aujourd'hui
se doit d'en avoir une, et cela s'entend à la façon
dont il convient que des idées de prévoyance pré-
sident à l'exploitation rationnelle des ressources
nationales, en dehors de toute velléité de gouverne-
ment sur les artistes et leurs créations.
L'organisation de l'enseignement musical n'est
qu'une face de ce vaste problème, qui est un problème
de volonté, d'ordre, de méthode et de discipline.
Qu'il y soit joint, en outre, un peu de cet enthou-
siasme sans lequel, selon une parole célèbre, rien de
grand, en art, ne se fait, et la France produira spon-
tanément des modèles achevés. Puisse cette convic-
tion attirer à nos écoles des provinces d'agissantes
et nouvelles sympathies, qu'elles méritent, pour tout
le bien qu'on leur doit, et qui est grand.
Edmond MAL'RAT,
L'ÉCOLE DE MUSIQUE CLASSIQUE NIEDERMEYER
Par Gustave LEFÈVRE
DIRliCTEl'h DE I.'ÉCOI.E NIEDERMEYER (1865-1910
Et Madame Veuve Henri HEURTEL, née LEFÈ V RE-NIEDERME YER
ADMINISTRATEUR DE L'ÉCOLE NIEDERMEYER
CREATION DE L'ECOLE
Avant 1789, la France comptait 100 maîtrises, où
l'on enseignait le chant, la composition, l'orgue et
le clavecin. Nos meilleurs compositeurs sont sortis
de ces établissements; en 1791, les maîtrises furent
supprimées, au grand dommage de l'art musical.
A la fin de l'Empire et sous la Instauration, les
ministres des cultes tentèrent de les rétablir et sub-
ventionnèrent les bas chœurs des églises; Choron
fonda une Ecole de musique afin de leur donner un
lien et d'en former les maîtres ; mais elles ne retrou-
vèrent jamais leur ancienne splendeur, et l'Ecole de
Choron elle-même sombra.
La musique religieuse était en pleine décadence;
elle avait perdu son caractère sacré. Elle végétait
encore ainsi misérablement en 18;>3, quand le gou-
vernement résolut de mettre un terme à cet état de
choses et rechercha les moyens de relever et d'amé-
liorer la musique d'église.
Niedermeyer avait formé le projet de créer une
Ecole spéciale de musique religieuse en y appliquait
les réformes apportées par son Traité de plain-chant
et les améliorations que lui inspirèrent son vaste
savoir et la profondeur de son idéal artistique.
Il écrivit son projet à M. Fortoul, ministre de
l'instruction publique et des cultes, et il obtint l'ap-
probation de Mt'r Sibour, archevêque de Paris, à
laquelle se joignirent celles de tous les évèques. Son
ami le prince de la Moskowa, grand veneur, solli-
cita avec insistance Napoléon III pour qu'il s'intéres-
sât à l'Ecole projetée : ses démarches furent couron-
nées de succès, et, par décret du 28 novembre 1853,
l'Ecole de musique religieuse fut fondée et sub-
ventionnée par l'Etat. A dater du 1er décembre lS.'J.'î,
porte le décret, il sera accordé une allocation an-
nuelle de 18 000 francs pour l'entretien d'un certain
nombre de demi-bourses.
Niedermeyer prit la direction de l'Ecole, qui avait
pour but de former des maîtres de chapelle et des
organistes par une étude approfondie du plain-
chant, base de la musique religieuse, et des maîtres
classiques des xv°, xvi», xvnB et rym1 siècles. Or
seul encore, Niedermeyer avait le goût et la compé-
tence voulus pour atteindre un but si élevé. La ré-
forme de la musique religieuse requérait une édu-
cation tout à fait particulière. Né à Nyon en 1802,
Niedermeyer, élève de Moschelès pour le piano et de
Copyright by Librairie Delagrave, 19-V).
Forster pour l'harmonie, avait reçu, pour le contre-
point et la composition, les conseils et les avis de
FiORAVAMi.de ZiNGARELLi, tous deux maîtres de cha-
pelle de Saint-Pierre de Home, compositeurs reli-
gieux éminents ; prés d'eux, il s'était épris de la belle
musique religieuse italienne, dans laquelle on re-
cherchait la pureté mélodique, des harmonies clai-
res; près de ces maîtres qui conservaient le culte de
la beauté antique et qui, par un scrupule peut-être
exagéré, se refusaient à pratiquer les procédés mo-
dernes de la composition, il se créa un idéal de
musique sévère, grave et noble, donl il est inutile
de faire remarquer les convenances el les rapports
avec la musique sacrée. Personne autre en France
ne possédait à ce degré une éducation aussi adé-
quate au but poursuivi, car, d'une part, il s'agissait
île former des compositeurs de musique liturgique;
d'autre part, il fallait, en même temps, former des
maîtres de chapelle appelés par leur fonction à diri-
ger des chantres, des enfants de choeur; il fallait
avoir passé par la forte discipline de l'école italienne
pour pouvoir réussir à transmettre son enseigne-
ment, sa gymnastique vocale; c'était un avantage
inappréciable, même une nécessité, qui fit le succès
de NiEDERMr.ïER et de son école.
PROGRAMME DE L'ECOLE
Bien que subventionnée par l'Etat, l'Ecole est libre,
et la direction est indépendante pour le programme
des études, qui, on le verra, ont subi quelques chan-
gements; les cours ont, en ell'et, été augmentés el
agrandis. L'Ecole de musique religieuse ou Ecole
Niedermeyer (du nom de son fondateur) est le premier
modèle (appliqué à l'art musical) de ces écoles libres
et indépendantes que l'on a vu éclore à la fin du
xixa siècle, el qui s'appellent Ecole des Hoches, Col-
lège de Normandie, etc.; écoles libérales, maîtresses
d'elles-mêmes, non assujetties à un programme uni-
forme et rigide, et pouvant s'adapter facilement aux
nécessités d'une éducation et d'une instruction spé-
ciales.
Ainsi, l'Ecole de musique religieuse, tout en don-
nant l'enseignement musical des conservatoires, eu
permettant aux élèves de faire « leurs humanités
musicales », leur fournit en même temps l'occasion
de poursuivre tel ou tel but particulier, selon leurs
besoins ou leurs capacités.
'.NCYCLOPÈDIE DE LA MrSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
L'enseignement de L'Ecole esl triple : religieux,
général, musical.
L'enseignement général, confié à des professeurs
de l'Université, comprend la langue et la littérature
françaises, — l'histoire et la géographie, — les élé-
ments des sciences et du latin.
L'enseignement musical comprend : le solfège, —
le chant, — la musique d'ensemble, — le plain-
chant et son accompagnement, — le piano, — l'orgue,
— l'harmonie, — le contrepoint, — la fugue, — la
composition musicale, — l'harmonie pratique, —
l'accompagnement de la partition, — l'improvisa-
tion, — l'histoire de la musique.
Le succès de l'Ecole fut très grand, le programme
rempli, même dépassé; et le gouvernement conti-
nua de favoriser l'institution, accorda des éloges à
sou éminent directeur, créa des diplômes d'orga-
nistes pour les élèves qui satisfaisaient aux examens,
et, par un arrêté du 1" juillet 1854, fonda trois pre-
miers prix pour la composition musicale, l'orgue et
l'accompagnement du plain-chant.
L'histoire de l'Ecole est l'histoire de la musique
religieuse depuis cinquante ans. Niedermeyer et l'E-
cole ont sauvé les traditions de la saine musique
religieuse, sauvé le plain-chant, sauvé les vieilles
tonalités de la musique polyphonique du xvi° siècle,
d'abord en restaurant l'étude de l'harmonie, en pro-
pageant une nouvelle méthode d'accompagnement
modal du plain-chant, en créant la Maîtrise, enfin
en publiant et en exécutant les œuvres des maîtres
de la Renaissance française, italienne, en envoyant
dans les principales maîtrises des cathédrales de
France des organistes habiles et instruits.
Le choix des professeurs fut toujours fait avec la
plus remarquable sagacité; nommons les plus connus
et les plus célèbres : Saint-Sains, Scumitt, Dietsch,
LORET, DE BÉRIOT, GÉDALGE, VlARDOT, G. HOL'DAUD, DE
Ménil, Philipp, Déco. Quelques-uns, Gigout, Laussel,
Marlois, G. Fauré, Busser, Letorey, Messager, Flan-
chet, J. Stoltz, Bellenot, A. Georges, Caffol, Mas-
suelle, J. Froment, H. Expert, Bollaéi\t, comptent
narrai les anciens élèves de l'Ecole; mentionnons
encore Audran, V. Roger, Vasseur, Périlhou, Liita-
cuer, Kotzul, Missa, Henri Lutz, Boellman.n, Colin.
Ces élèves honorent par leur talent les maîtres
qui les ont formés. Tous ont puisé à l'Ecole les
moyens de se créer une position honorable, ou y ont
reçu de sages leçons et une instruction musicale
fort précieuse.
Parce qu'un certain nombre d'élèves, et surtout
les mieux doués comme compositeurs, se sont adon-
nés au théâtre, il ne faut pas en tirer une consé-
quence fausse et dire : l'Ecole a manqué son but et
n'a pas rempli son programme. L'Ecole forme d'a-
bord des musiciens : de ces musiciens, elle fait en-
suite des organistes, des maîtres de chapelle, des
professeurs; par là, elle a une destination spéciale.
La plupart des élèves ont suivi cette dernière voie
avec profit, avec honneur. Les autres également ont
été organistes ou le sont même encore, malgré les
succès remportés au théâtre. Or, loin de nuire à leur
vocation pour l'art dramatique, les fortes humanités
musicales qu'ils ont faites en vue de la musique re-
ligieuse classique ont nourri d'une moelle spécifique
leur intelligence musicale, elles lui ont donné une
saveur originale qu'elle n'aurait pas eue autre-
ment. Ainsi dans les lettres, on a vu des élèves de
séminaire, au lieu de s'engager dans l'état ecclésias-
tique, rentrer dans le monde et y montrer comme
écrivains des qualités supérieures de slyle, d'expo-
sition, de composition, que seule la forte discipline
latine el grecque avait fait éclore : Renan en est un
exemple célèbre. Donc, l'Ecole de musique classique
et religieuse ne faillit point à sa destinée pour ceux
de ses élèves qui vivent en marge de l'église.
HISTOIRE DE L'ECOLE
Niedermbyer, l'Ecole créée et organisée, y consa-
cra son existence. Toute sa sollicitude était pour
les élèves, qui arrivèrent en nombre. Nous avons
dit plus haut les noms des plus célèbres. Malgré les
charges fort absorbantes de la direction, .Nieder-
meyer s'était réservé les classes de plain-chant el de
composition musicale, le cours supérieur de piano.
Il apporta un soin minutieux à remplir le plan des
études; il l'exposa aux maîtres avec une telle con-
viction que, quoique non écrit, son programme fut
appliqué exactement, et son programme s'est con-
servé jusqu'à nous parla tradition, respectueuse des
intentions du fondateur.
Une bibliothèque musicale choisie qui renfermait
les grands classiques du piano et de l'orgue, une
importante collection des chefs-d'œuvre des xvr,
x\iie, xvinc et xixe siècles, fut mise à la disposition
des élèves; mais tout livre de mauvaise musique
était impitoyablement proscrit de l'Ecole.
Pour stimuler les élèves au travail, et en même
temps pour ne pas être accusé' de donner des
diplômes de complaisance à des élèves médiocres,
Niedermeyer établit à la fin de l'année des concours
passés en présence d'un jury composé d'artistes
étrangers à l'école. Ces concours oITraient des diffi-
cultés véritables. Des œuvres de J.-S. Bach devaient
v être exécutées. Quelques années à peine d'un tel
régime, et déjà d'excellents maîtres de chapelle,
d'habiles organistes étaient envoyés dans les princi-
pales églises de France.
La direction de l'Ecole, le professorat ne suffi-
saient pas à remplir la vie si active de Niedermeyer.
à éteindre son zèle pour la réforme de la musique
religieuse, pour la diffusion du grand art classique;
il fonda et dirigea un journal, la Maîtrise. M. Joseph
d'Ortigue fut désigné- comme rédacteur en chef. Le
plain-chant, Palestrina, Bach formèrent la trinilé
d'un programme grandiose de musique
u Nous nous etlorcerons, écrivait Nikdkhyikw-h. de
signaler tout ce que l'on tente pour le maintien des
saines traditions liturgiques, grégoriennes et musi-
cales, et dans les églises de Paris, e1 dans toutes
celles de France et de l'étranger. Nous voudrions
que notre journal fût comme l'écho fidèle des accents
^ui s'élèvent de tous les sanctuaires, pour que tout
ce qui se fait de bien, de conforme à l'esprit de l'E-
glise, fûl à l'instant connu, imité-, répété' sur tous les
points... Cette œuvre n'est pas une œuvre de critique
et de dispute : c'est avant tout une œuvre de fonda-
tion, d'édificatioo et Je propagation. »
La Maîtrise a paru pendant trois années (1837-
1838, 1858-1839, 1859-1860) dans un grand format
in-quarto avec huit pages de texte, trois morceaux
de chant et trois morceaux d'orgue. Elle l 'pandit
les théories i I les idées «le IN'iedermeyer el de l'Ecole-
Elle fut le véhicule de la vraie musique religieuse;
par les remarquables écrits du fondateur, puis de
iJOrtigi i , de Schmitt, de Laurentie, des abbés Vsax,
Jorvi-, Stéphen Morelot, de Goussemaker, de Sigia-
TECHNIQUE, ESTHËTIQLE ET PÉDAGOGIE
L'ÉCOLE NIEDERMEYER 3619
mond Newkom, elle établit le code de la musique
sacrée, du jeu de l'orgue; par les plus belles com-
positions d'ÛRLANDE diî Lassus, de Palestrtna, de
Vittoria, de Giovanni Croce, de Durante, de Mar-
cello, de Mozart, de Haendel, de Frescobaldi, de
Scarlatti, de Rinck, de Clérambault, de J.-S. Bach,
de Rossini, d'AuBER, de Goungd, d'Ambroise Thomas,
de Loret, de Lefébl-re-Wi ly. de Th. Dubois, de Ge-
vaert, etc., elle répandit dans le public le goût d'une
musique élevée, purifia le sanctuaire des ineptes
médiocrités qui l'infestaient. Le répertoire idéal de
la musique d'église était créé.
Parla parole et pai a ; lume, l'art religieux était
restauré. Il fallait, pour achever l'œuvre, sauver le
plain-chant du dédain el du mépris qu'il rencontrait
partout. Dès l'année 1840, treize ans avant la fonda-
tion de l'Kcole, Niedermeyer avait créé avec le prince
de la Moskowa la Société de musique vocale et clas-
sique, dans le but de faire connaître les maîtres des
xvi", xvii° siècles et les modes usités à la Renais-
sance. Onze volumes de cette musique inconnue ou
oubliée parurent; les esprits étaient préparés de
Longue date, et il devenait désormais possible de re-
monter à la source de ers anciens, modes, au plain-
chant dont ils découlaient tout naturellement. NlE-
di-.rmeyer se décida alors à publier son Traité histo-
rique et pratique île ruer,,mpu:iueuieiU ..'« plain-chant,
tel qu'il le professait à l'Kcole, car J. d'Ortigoe ne
prêta son concours que pour la rédaction : l'idée et
les théories du Traite appartenaient en propre au
maître. «C'était un véritable problème à résoudre,
écrit Saikt-Saëns, que c lui de l'accompagnement
de ces chants si éloignés de nos habitudes. Le plain-
rhani, né dans un temps où l'harmonie n'existait
pas, est par son essence même rebelle à tout accom-
pagnement... Niedermeyer imagina... de plier l'har-
monie moderne à la forme des modes antiques; con-
ception léconde autant que hardie, conservant au
plain-chant son caractère, en ouvrant à l'harmonie
des voies nouvelles. Ce système a été naturellement
très contesté,... il n'en demeure pas moins le plus
ingénieux et le plus rationnel qu'on ait trouvé pour
résoudre une question en apparence insoluble. »
Le succès de l'ouvrage a été universel, son influence
énorme. Aujourd'hui, sa base fondamentale demeure
inébranlable; les perfectionnements, les modifica-
tions qu'y apporteront des artistes supérieurs comme
GicouTne détruisent en rien son principe génial. Le
plain-chant, dans sa tonalité, fut sauvé d'une ruine
inévitable, sauvé par l'harmonie, harmonie emprun-
tée aux polyphonistes des xv°-xvi« siècles.
Le but de Niedermeyer est atteint : l'Ecole est
debout, organisée dans son enseignement, ses mé-
thodes, ses publications. Les résultats apparaissent
brillants, Niedermeyer pourrait restreindre son zèle
à la diriger. Non, cela ne suffit pas, et il écrit
l'Accompagnement pour - de l'Eglise,
2 volumes in-i°, il se livre à la composition de mes-
ses, de motets, il est membre de la commission de
surveillance du chant dans les écoles de la Ville de
Paris, il s'occupe des orphéons, écrit à leur usage
des chœurs fort beaux; pour lui, ces œuvres suréro-
gatoires sont comme la continuation de l'Ecole; le
chaut à l'école primaire, le chant populaire sont les
annexes naturelles de l'Ecole. Il se dévoue tout entier
à l'enseignement de son art favori, sans repos, sans
relâche, heureux d'un glorieux passé; l'avenir s'an-
nonce plus brillant encore, quand une mort presque
subite vient le terrasser le ti mars 1861.
La surprise d'un événement si brusque paralysa
pendant un moment les volontés et les cœurs. Mais
sa fille aînée, Ml|e Eulalie Niedermeyer, qui avait
aidé et soutenu son père, pleine d'énergie et de foi
dans l'œuvre entreprise par lui, se ressaisit et prit
la résolution de continuer son œuvre coûte que
coûte. Joints à elle, professeurs et élèves entreprirent
cette tàrlie de pieuse reconnaissance envers le no-
ble aitiste qui avait eu confiance dans l'avenir.
Dietscb consentit à remplir les fonctions d'ins-
pecteur des études, le prince de la Moskowa et le
prince l'oniatowski, à présider le comité des éludes,
les professeurs demeurèrent à leur poste, Sai.m-
Saëns se joignit à eux pour le piano, et l'Ecole pour-
suivit ainsi sa route avec ardeur jusqu'en 1865; à
cette date, Gustave Lefèvre, ayant épousé la fille
aînée de Niedermeyer, piit la direction de l'Ecole.
Lefèvre avait alors trente-quatre ans. Ancien
élève de Maleden, son éducation musicale le mit en
mesure de continuer mieux que quiconque l'œuvre
de son beau-père. Ce fut pour l'Ecole la même ar-
deur, la même passion; pour les élèves le même
dévouement, pour l'art classique la même admira-
tion, la même estime; pour l'enseignement les
mêmes méthodes, enrichies encore de moyens pro-
pres au nouveau directeur, qui étaient le fruit d'un
travail et d'une expérience personnels. Ces nouveaux
moyens, résultats d'études longues et approfondies
sur les périodes musicales, le rythme, l'art des mo-
dulations, donnèrent aux élèves une compréhension
encore plus nette de la langue musicale et leur
apprirent à la parler avec clarté et élégance.
Comme l'illustre fondateur de l'Ecole. Lefèvre
professait à l'égard des vieux maîtres un culte par-
ticulier; sa vénération pour les polyphonistes fla-
mand-, français et italiens était réelle autant que
raisonnée et éclairée. Elle n'était pas le fruit d'un
enjouement passager, mais la conséquence d'une
forte el saine culture musicale.
Aussi quand, par une direction sage et active, l'E-
cole eut pris d'elle-même une marche régulière et
eut quitté, en 1860, son local primitif de la rue Neuve-
Fontaine aujourd'hui la rue Fromentin , pour aller
s'installer dans un endroit plus tranquille et plus
vaste du passage de l'EIysée-des-Beaux-Arts, nom
prédestiné, Lefèvre songea à rétablir les concerts
de musique ancienne, fonda la Sociéfé de musique
vocale classique sur le modèle des précédentes so-
ciétés créées par Choron, le prince de la Moskowa et
Niedermeyer. On était en 1870; or, pendant douze
ans, jusqu'en 1882, la Société lit entendre non seule-
ment les œuvres religieuses de Palestrina, de Vit-
toria, d'ÀLLEGBi et autres, mais encore les œuvres
profanes des musiciens de la Renaissance, la Bataille
de Maiijnan; elle révéla les clavecinistes trop long-
temps dédaignés et cependant si curieux, si plai-
sants à écouter pour des oreilles françaises éprises
de bon sens, de simplicité claire; leur grâce char-
mante, leur finesse ailée, leur ingénuité tendre ob-
tinrent les faveurs d'un public distingué et d'artistes
surpris tout à la fois et de leur ignorance et de tant
de merveilles.
Chaque année, six concerts étaient donnés soit à
l'Ecole, soit à la salle Henri Herz. Le lundi saint, à
la Sainte Chapelle, lieu propice à l'évocation des
mélodies religieuses, la Société exécutait les célèbres
offices delà Sixtine; pour quelques heures, la Rome
papale du xvie siècle était transportée à Paris.
1 Si la société mondaine ne pouvait en quelques
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
séances seulement que ramasser les miettes d'un
enseignement musical si fortifiant et s'en trouvait
réconfortée, revivifiée dans son goût pour le grand
art, on peut facilement s'imaginer la valeur, l'in-
fluence heureuse, unique, de cet art pour ceux qui
en vivent journellement durant des années entières-
En 1895, toujours sous la direction de Lefèvre,
l'Ecole s'agrandit encore et s'installa à Boulogne,
dans une magnifique propriété (18, rue des Pins,
9, boulevard d'Auteuil), au milieu d'un jardin de
1000 mètres, en face des pépinières de la Ville de
Paris; si l'atmosphère musicale y fut toujours excel-
lente, l'atmosphère du bois de Boulogne, du jardin
et des pépinières ne fut pas moins propice à la santé
des élèves.
La situation physique de l'Ecole est parfaite, l'en-
seignement est prospère, les élèves toujours nom-
breux et studieux, s'essaimant, leurs études termi-
nées, dans toutes les régions de la France, où ils
obtiennent d'excellents emplois de professeurs, de
maîtres de chapelle, d'organisles, mais aussi les
années de directoriat et de professorat s'appesan-
tissent de plus en plus lourdes sur Lefèvre. Il ne
songe pas à la retraite, au repos, mais il réunit
les notes de son cours d'harmonie à l'Ecole, et il
écrit son Traité d'harmonie.
Après la mort de Mmo Lefèvre, 28 septembre 1897,
G. Lefèvre, tout en restant à la tête de l'Ecole tant
que sa santé le lui permit, concéda la propriété de
l'Ecole à sa fille et à son gendre M. et Mme Henri
Heurtel. Le 2 août 1900, le ministre des beaux-arts
agréa M. Heurtel comme administrateur de l'Ecole.
Lefèvre obtint une médaille d'or à l'Exposition uni-
verselle pour son Traité d'harmonie.
Loret fut remplacé comme professeur d'orgue par
Gigout, auquel succéda plus tard H. Dallier, puis
Périlhou. M. Gédalge devint titulaire des classes de
fugue et de composition, qui avaient été faites jus-
que-là, depuis 1863, par Gustave Lefèvre.
Puis, la Nouvelle Maîtrise est créée afin de défen-
dre les intérêts de l'Ecole, dont on atteint le cin-
quantenaire en mars 1903. Ce cinquantenaire fut
célébré en juin 1902; on l'avança de quelques mois
afin de le faire coïncider, par une délicate pensée de
pieuse reconnaissance, avec le centenaire de la nais-
sance de NIEDERMEYER.
La Nouvelle Maîtrise publia d'excellents articles de
MM. G. Lefèvre, F. de Ménil, G. Houdard, Henry
Expert, J.-L. de Bruneval, etc.
L'année scolaire 1903-1904, qui, le cinquantenaire
écoulé, commence une nouvelle période d'existence
que nous souhaitons aussi longue, aussi glorieuse
que la première, a vu l'Ecole élargir son programme
d'études et le cadre de son enseignement. Elle a
ouvert de nouveaux cours pour l'étude du chant
neumatique, pour le violon, elle s'est adjoint un ex-
ternat, qui reçoit non seulement les jeunes gens à
tous les cours, mais encore les dames, les jeunes
filles et les enfants. Les cours de chant et de sol-
fège pour ces derniers ont été confiés à Mme André
Gedalge, premier prix du Conservatoire; le cours
spécial de violon à M. Paul Viardot; le cours de
musique neumatique à M. G. Houdard. AI. Heurtel
et G. Lefèvre, en créant tous ces cours nouveaux,
répondirent aux besoins d'une époque qui cultive
de plus en plus l'art musical, et mirent à la portée
de tous un enseignement méthodique et élevé.
Les tonalités du plain-cliant, auquel Niedermeyer
portait un intérêt tellement grand qu'il devint la
cause première de la création de l'Ecole, furent sau-
vées d'une ruine totale par l'harmonisation d'édi-
tions simples, abrégées et pratiques. Mais son rythme
originel était demeuré Inconnu, parce que les plain-
chantistes qui le recherchaient étaient ignorants des
principes de la rythmique musicale même moderne,
et s'ingéniaient naïvement à appliquer à la mélodie
dite grégorienne la carrure musicale, de même qu'a-
vant Niedermeyer, ils la recouvraient des accords les
plus dissonants, des modulations les plus chroma-
tiques. Un vrai musicien, élève des frères Hillema-
cher, de Massenet, se donna comme lâche de retrou-
ver le rythme des neumes; son système parait le
plus probable. C'est à ce musicien que Lefèvre s'a-
dresse pour enseigner le rythme de ces musiques
d'origine orientale.
En 1908, l'Ecole prend officiellement le nom de
son fondateur : elle restera « l'Ecole Nedermeyer >•
et le 40e anniversaire de la direction de G. Lefèvre
est célébré.
Il a la grande joie de voir arriver aux plus hauts
sommets Gabriel FAue.É, nommé directeur du Con-
servatoire de Paris, alors que M. Le Boucher obtient
en 1906 le premier Grand Prix de Home.
Le 17 mars 1910, Dieu rappelle à Lui sa belle âme;
il laisse à ceux qui l'ont connu de grands exemples
et un impérissable souvenir : il avait dirigé l'Ecole
pendant quarante-cinq ans.
Voici en quels termes M. G. Renard, maître de
chapelle de Saint-Germain-l'Auxerrois, précise, en
même temps que le rôle éminent de son maître
Gustave Lefèvre, la caractéristique formelle de la
pédagogie pratiquée à l'Ecole Niedermeyer depuis sa
fondation jusqu'à nos jours :
« Gustave Lefèvre, qui fut pendant quarante-cinq
ans, directeur de l'Ecole Niedermeyeii, doit être tenu
pour un esprit supérieur dont l'influence a été con-
sidérable sur plusieurs générations d'artistes. L'u-
nique but de sa vie, si longue, si laborieuse, si
désintéressée, fut de maintenir, de développer, d'exal-
ter même dans certains cas l'idéal du fondateur de
l'Ecole, Louis Niedermeyer.
« Dès le principe, l'enseignement du piano et celui
de l'orgue furent établis sur les œuvres puremenl
classiques. En ce domaine, l'Ecole peut revendiquer
la gloire d'avoir été la première eu date et en in-
fluence à professer le culte des œuvres d'orgue de
J.-S. Bacu.
« L'enseignement théorique, harmonie, contre-
point et fugue, dont G. Lefèvre conserva, presque
jusqu'à sa mort, l'exclusivité jalouse, étail i
logique et de clarté.
ii Pour l'harmonie, G. Lefèvre utilisait une méthode
de chiffrage imaginée, pense-t-on, par l'abbé Vo-
gler (1749-1814) et codifiée par Goltfried Webeb
(1779-1839). Pierre de Maleden, disciple de ce der-
nier, la transmit à ses deux remarquables élèves,
Camille Saint-Sabns el Guslave Lefèvre.
« Nous avons ainsi la filiation naturelle du système
particulier de chiffrage exclusivement pratiqué à
l'Ecole Niedermeyer. Gustave Lefèvre eut la ténacité
indispensable pour implanter ce graphisme supé-
rieurement évocateur, mais non officiel; il eut, en
outre, le mérite, au cours de sa longue carrière péda-
gogique, d'en découvrir et finalement d'en signaler,
dans son Traité d'harmonie, les conséquences et les
applications extrêmes.
« A l'Ecole Niedermeyer, la théorie du contrepoint
fut toujours restreinte aux formules des maîtres ita-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ÉCOLE NIEDERMEYER 3621
liens, dont l'idéal se trouve réalisé dans les œuvres
polyphoniques de l'époque palestinienne. C'est dire
avec quel souci de pureté académique dans le des-
sin, G. Lefèvre résista aux tentations offertes par
les œuvres postérieures; c'est expliquer aussi pour-
quoi les œuvres d'un J.-S. Bach, qui étaient prati-
quées couramment à la classe d'orgue, ne furent
jamais introduites à la classe d'écriture, G. Lefèvre
estimant que leur liberté cnntrapontique ne pouvait
être que dangereuse dans la période première de
L'éducation du compositeur.
« Le résultat d'une gymnastique aussi rigoureuse
s'est fait sentir tout naturellement dans les qualités
françaises qui distinguent « l'esprit » de l'Ecole Nie-
dermeyer. Si on les retrouve, magnifiées, dans l'é-
criture incomparable d'un Gigout, elles sont aussi à
la base de la langue élégante et claire de tous les
compositeurs sortis de l'Ecole Niedermeyer. Elles
n'ont pas d'autre origine que la contrainte rigou-
reuse dans laquelle ont été élevés de jeunes musi-
ciens devenus plus tard un Gabriel Fauré, un
Alexandre Geoiiges, un André Messager, un Henri
Busser, etc.
« Cette constatation de la variété de ces talents
divers est la plus belle louange que l'on puisse
adresser à une discipline, et à celui qui en fut le
gardien sévère, incorruptible, très vénéré et très
aimé, Gustave Lefèvre1. »
fil. Heurtel s'adjoignit comme directeur des élu.
des M. Périlhou, et M. Henri Mulet fut nommé pro-
fesseur d'orgue.
A la suite de la séparation des Eglises et de l'Etat,
en 1910, la subvention accordée sous forme de parts
de bourse aux élèves, fut supprimée pour la fin de
l'année, sous le prétexte que l'Ecole, formant des
organistes et des maîtres de chapelle, devait être
assimilée aux maîtrises. M. Marcel Sembat, député,
développa cette thèse à la Chambre des députés
(13 février 1910); sa motion fut vot^e, et M. Heurtel
fut averti (in juillet que la subvention était retirée.
Les élèves privés de la part de bourse qui leur
permettait de profiter de l'enseignement de l'Ecole
devaient donc la quitter fin décembre : la désolation
des familles était extrême.
M. Heurtel, profondément attaché à l'Ecole, ayant
promis à son beau-père de la soutenir, et très affec-
tionné à ses jeunes élèves, n'hésita pas, bien que
chargé de huit enfants, à sacrifier ses ressources pé-
cuniaires personnelles pour continuer aux élèves les
bourses qu'ils avaient eues.
Il s'adressa à l'épiscopat. Les cardinaux Amette,
Luçon, Charost, Maurin, Andrieu, les évèques l'en-
couragèrent dans la voie qu'il avait choisie : ne pas
laisser disparaître un établissement qui rendait de
si grands services, et ils l'aidèrent dans la mesure
qui leur fut possible pendant deux ans.
De nombreux députés et sénateurs, de hautes
personnalités, même étrangères à l'Ecole, protestè-
rent contre la suppression de la subvention. Toutes
ces preuves de sympathie décidèrent M. Heurtel à
continuer les sacrifices qu'il avait si généreusement
commencés.
La vie morale et intellectuelle de l'Ecole, les élu-
des, les concerts se poursuivirent.
En 1914, pendant la guerre, l'Ecole fonctionna
aussi normalement que le permirent les circonstan-
ces; nombre de ses élèves furent mobilisés, mais
l'instruction musicale des jeunes élèves fut assurée
tant que durèrent les hostilités.
En 1913, M. Périlhou fut remplacé comme direc-
teur des Etudes par M. Mariciîelle, professeur de
composition, de fugue, de contrepoint, auquel suc-
céda, en 1919, l'éminent compositeur M. Henri Bis-
ser, premier prix de Rome, chef d'orchestre de l'O-
péra, l'un des élèves préférés de G. Lefèvre.
En 1922, l'Ecole, le 15 janvier, quitta le Parc des
Princes, et s'installa à lssy (Seine), dans une pro-
priété située sur la hauteur, jouissant d'une très
belle vue, d'un air excellent et munie de tout le con-
fort moderne.
Les jeunes élèves sortis de l'Ecole se font peu à
peu connaître : MM. M. Le Boucher, Henry Defossf,
G. Gloez, A. Seutin, R. Péneau, M. Faure, P. Lucas,
J. NOYON, B. QuiGNARD, H. iNlUELLE, J. MASUELLE,
M. Imrert, J. Frome.nt, etc.
Les présidents successifs des études furent : Saint-
Sains, Gabriel Fauré, André iMessager.
M. Henry Defosse est nommé professeur de com-
position, fugue, contrepoint, harmonie, M. Banès,
l'érudit bibliothécaire du Conservatoire, fait aux
élèves, sur l'histoire de la musique, les conférences
les plus intéressantes.
En 1923, un groupe nombreux d'anciens élèves se
réunit à l'Ecole pour fêter le 70° anniversaire de sa
fondation.
Des élèves d'Algérie, de Tunisie, du Maroc, des
Seychelles, de Madagascar sont à l'Ecole, attestant
combien s'est répandue sa réputation.
Le i janvier 1928, un externat annexe est fondé à
Paris dans l'immeuble de la nouvelle salle Pleyel,
et M. Henri Heurtel, arrière-petit-fils de .Niedermeyer,
élève de l'Ecole, où il a fait de brillantes études, est
nommé sous-directeur de l'Ecole.
Le 28 mai suivant, M. Heurtel est enlevé subite-
ment par une embolie que rien ne faisait prévoir,
laissant atterrés sa famille, ses élèves, ses amis.
Administrateur remarquable, profondément bon
et juste, bienveillant à la jeunesse, il a aimé l'Ecole
de toutes ses forces et jusqu'à son dernier soufile.
Il a su la diriger, dans la période la plus critique
de son histoire, avec le plus noble désintéressement
et la plus vive intelligence de ses besoins. Sa veuve,
film» Heurtel. née Lefèvre-Niedermeyer, continue son
œuvre, aidée par ses huit enfants, tous élèves de
l'Ecole, dont cinq sont organistes, et dont l'aînée,
MmeCR0MBÉ, a épousé un ancien élève.
Le corps enseignant se compose de MM. Henri
Mulet, Henry Defosse, Henri Libert, Henri Heurtel,
Dumoulin, de l'Opéra, Narçon, de l'Opéra, M. Delvin-
court, Mllos Madeleine Heurtel, Henriette Heurtel,
Sonia Heurtel, Simone Hersent, R. Liard.
Deux mots caractérisent l'historique de l'Ecole :
tradition et progrès : on respecte le passé, on l'étu-
dié; on met à profit toutes les découvertes du pré-
sent, on regarde avec confiance l'avenir.
Gustave LEFEVHE.
1. Communication
I. fieorges Renard.
vrlop.nli,
V" Henri HEURTEL,
née Lefèvre-Niedermeyer
LA SCHOLA CANTORUM
Par Vincent d'INDY
HISTORIQUE ET ORIGINES DE LA SCHOLA
Au mois d'avril 1892
sainte, Charles Bordes '
pionnier de l'art musical
du gr nul éducateur qui
l'idée de grouper en se
'issue de la semaine
■i909}, cet infatigable
des plus jeunes élèves
10m César Fbajmi s, eut
corporative les cho-
ristes qu'il venait d'employer à une série de grandes
exécutions dans la \ieille église deSainl-Gervais, dont
il était maître de chapelle depuis déjà plusieurs
années. Sur quatre-vingts chanteurs sollicités, vingt-
quatre seulement acceptèrent. Ce fut là le noyau de
la célèbre Association des Chanteurs de Saint-Gei 1 ais,
qui se donna pour mission première la reconstitu-
tion et l'exécution des chefs-d'œuvre de l'art poly-
phonique des xvc et xvie siècles, œuvres admirables
connues seulement des lettrés et enfouies jusqu'a-
lors dans des collections ou des bibliothèques.
Deux ans plus tard, Ch. Bordes, non content d'ins-
truire et de former ses Chanteurs à l'interprétation
de la véritable musique d'église, tenta avec succès
de les produire au dehors, en augmentant leur ré-
pertoire d'œuvres religieuses, mais non liturgiques, et,
pour la première fois dans des concerts publics à
Paris, furent exécutées, en 1804, trois cantates de
J.-S. Bach et nombres d'œuvres de Schûtz et de Ca-
rissimi.
Les deux principes fondamentaux de la future
Scliola Cantorum étaient trouvés :
1° Education spéciale de musiciens dépourvus jus-
qu'alors de toute notion de style, par le moyen du
contact journalier avec les belles manifestations
d'art du passé;
2" Présentation par ces mêmes musiciens, réunis
en concert, d'œuvres vraiment intéressantes au poinl
de vue artistique et encore inconnues du public.
A la fin du printemps de celte même année ISO i,
Ch. Bordes, continuant son œuvre, provoqua, sous le
vocable : Schola Cantorum, un groupement de toutes
les bonnes volontés s'intéressant à la restauration
du chant religieux, dans le but de créer, par l'étude
approfondie de celte musique, des centres d'exécu-
tion non seulement à Paris, mais aussi et surtout
en province.
Cette entreprise réussit d'une façon si rapide que
des chanteurs affluèrent, venus de tous les côtés de
la France pour s'adjoindre à la Corporation de Saint-
Gervais, et que plusieurs jeunes compositeurs mani-
festèrent le désir de compléler leur éducation par
l'étude de la musique médiévale et du grand mou-
vement polyphonique qui prit naissance en Flandre
française pour arriver en Italie à une complète et
triomphale floraison.
Une école de composition et d'exécution s'imposait.
Ch. Bordes, loutant jamais de son étoile, fonda
cette école dans un local composé de irois pièces,
rue Stanislas, en face de l'église N.-D. des Champs.
Le loyer était d'un prix assez élevé, et Ch. Bordes
n'avait alors en caisse que tr ntc-sept francs cin-
quante centimes... Néanmoins, il n'hésita pas, ayant
confiance dans la nécessité de celle institution, el
l'avenir lui donna raison pleine et entière.
Pour l'aider dans son entreprise hardie, Ch. Bordes
s'était adjoint deux collaborateurs : Alexandre Gim>
uant, le noble artiste qui ne refusa jamais son con-
cours à une œuvre généreuse, et celui qui écrit ces
lignes; l'un lut chargé il" l'enseignement de L'orgue,
l'autre de celui de la composition.
Et, le 15 octobre 1890, l'école donnait sa séance
d'ouverture.
L'enseignement, plus particulièrement dirigé vers
l'étude et l'exécution de la musique religieuse d'é-
glise et de concert, était divisé en :
Coins gratuits : solfège, chant grégorien, étude du
clavier el ensemble vocal, donnés par MM. de Bois-
ions, l'abbé Vii-.oiREL, A. Pirro, Ch. Bordes, — et :
Cours pai/unls : histoire et paléographie, orgue,
harmonie, contrepoint el composition, donnés par
MM. A. PlRRO, A. GUILMANT, F. DE LA ÏOMBELLE et
Vincent d'Indy.
L'école, qui s'intitulait alors : Ecole de chant litur-
gique et de musique religieuse, ouvrit avec du élèves
payants; à la lin de l'année 1896, elle en comptait
vingt et un.
Les cours gratuits, chose assez difficilement com-
préhensible, périclitèrent bientôt, tandis qu'au con-
traire le nombre des élèves payants augmenl iil de
jour en jour, si bien que les fondateurs furent obli-
gés de créer de nouveaux cours d'orgue prépara-
toires, un cours de piano supérieur, dont le titulaire
filt M. J. Albéniz, et un cours spécial de contrepoint
préparatoire à la composition qui fut confié à M. P. df
Bréville.
En 1899, les bénéfices permirent de fonder sept
bourses pour les élèves ne pouvant payer leurs cours.
L'école comptait alors soixante-cinq élèves, dont
trente -quatre fréquentaient les cours d'orgue, et
trente-neuf le cours de composition.
Mais, malgré d'ingénieux arrangements intérieurs
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SCHOLA CANTORUM 3623
pratiqués par Charles Bordes dans les bâtiments de la
Schola, afin de créer de nouvelles classes de plus en
plus nécessaires en raison de t'affluence des élèves, le
local de la rue Stanislas était devenu manifestement
insuffisant. Aussi, à l'issue d'un conseil tenu par les
trois fondateurs et les principaux professeurs, il fut
décidé que l'enseignement verrait son programme
considérablement élargi, et que l'élément féminin
serait admis dans le nouveau local, ce qui était im-
possible à la rue Stanislas.
Ch. Bordes se mit donc en quête d'un bâtiment
approprié à un pareil développement et eut la bonne
fortune de le rencontrer rue Saint-Jacques, dans un
ancien prieuré des Bénédictins anglais qui recueillit,
au xvue siècle, Jacques II exilé, et qui, malgré la ré-
volution, resta et est encore « bien de mainmorte
étranger ». L'ancienne chapelle fut convertie en
salle de concert, et le grand salon de réception du
prieur, pièce de style Louis XIV d'une rare puretéj
fut affecté aux conférences et aux cours supérieurs.
La Schola cantorum ainsi transformée prit le titre
d'Ecole supérieure île musique et, bien que gardant
comme base, aussi bien dans les cours de composi-
tion que dans ceux d'exécution, l'étude de l'art re-
ligieux médiéval et polyphonique, elle étendil son
enseignement à toutes les branches de l'art musical,
sans en excepter aucune.
Les ressources étaient fournies par trente-deux
amicales souscriptions, par les versements des élèves
et aussi par le bénéfice des concerts périodiques
dont le personnel d'orchestré, de chœurs et de so-
listes se recrutait en grande partie parmi [es élèves,
les professeurs et l'Association des chantent s de Saint
Gervais, toujours bienveillante pour la jeune Schola,
qui était, il est vrai, u:, peu de sa famille.
L'expansion des idées d'art émises par la Schola
fut telle que, très peu de temps après la fondation
de l'école parisienne, des associations se fondaient,
toujours sous le titre de : Schola cantorum, en
diverses villes de province, dans le but de procéder
à des exécutions périodiques, et de faire connaître
les belles œuvres que la Schola de Paris avait mises
en lumière. Ces sociétés, centres d'exécution plutôt
qu'écoles, correspondent, tout en vivant de leur vie
propre, avec l'aima mater parisienne, dont elles tirent
de précieux conseils et qui leur procure le matériel
nécessaire à leurs concerts.
Les plus florissantes de ces institutions furent la
Schola d'Avignon, la plus ancienne en date, celles de
Saint-Jean-de-Luz, de Marseille.de Nantes, de Lyon,
de Montpellier, de Montluçon, etc.
Mais les charges de l'école croissant au fur et à
mesure de son développement, et la santé du vail-
lant fondateur Ch. Bordes ne lui permettant plus de
s'occuper d'une façon aussi active que précédem-
ment à rassembler les ressources nécessaires, l'ini-
tiative de quelques amis de la Schola, auditeurs
assidus de ses concerts, permit de prendre une me-
sure qui assure pour longtemps la vie de l'école.
Au mois de février 1904, une société anonyme est
fondée sous le nom de : Société de la Schola canto-
rum; le capital est restreint, mais suffisant pour ga-
rantir l'équilibre du modeste budget de l'école, et
cette fondation a eu cela de précieux qu'elle permet
à l'œuvre d'enseignement artistique, non seulement
de vivre, mais de grandir et de se développer sans
que des préoccupations d'ordre pécuniaire viennent
se mêler aux idées d'art.
L'école proprement dite est confiée à M. Vincent
d'Indy qui prend le titre de : Directeur général des
études, tandis que Charles Bordes, avec une adminis-
tration tout à fait séparée, reste à la tète de la pro-
pagande par le concert en province et à l'étranger.
La Schola cantorum comptait, en 1897 : 21 élèves;
en 1899 : 611 élèves;
en 1902 : 157 élèves;
le nombre des élèves dans l'année 1904 a été de
292'.
L'organisation de la Schola cantorum comprend
trois catégories d'élèves :
1° les élèves payants;
2° les élèves bon , i
3° lesêlèves exécutants de concert.
Aux premiers, il n'est demandé que la contribu-
tion jugée nécessaire pour l'équilibre du budget.
Les militaires en activité de service sont admis
moyennant un tarif intime.
Le désir des fondateurs ayant toujours été d'ac-
cueillir et d'encourager tous les jeunes gens qui, par
leurs dispositions naturelles, semblent appelés à
suivre la carrière artistique, il a été institué annuel-
lement un certain nombre de box
bourses, dans le !mt de favoriser les élèves méritants
et assidus auxquels leur situation ne permet pas de
s'acquitter entièrement du prix des cours.
De plus, ceux des élèves, instrumentistes d'or-
chestre ou chanteurs, qui, après examen, ont été
reconnus aptes à prendre part aux exécutions île
concert, peuvent, sur leur demande, être admis à
suivre les cours de l'école dans des conditions par-
ticulières qui en facilitent considérablement ['accès.
La Schola compte actuellement quarante-huit pro-
fesseurs; tous sont, au point de vue du traitement,
sur un pied d'égalité parfaite, et le directeur des
études ne peut que porter un témoignage ému du
dévouement avec lequel des artistes de talent ont
accepté une mission bien au-dessous de leur mérite,
si l'on ne considère que les émoluments, mais dent
ils s'acquittent avec un zèle et un entrain qu'on ne
saurait trop louer. Il en est même qui, poussant le
désintéressement à l'extrême limite, ont refusé toute
rétribution, se tenant pour assez payés par les pro-
grès et l'affection de leurs élèves. Ces professeurs de
bonne volonté sont au nombre de douze.
ENSEIGNEMENT
Le directeur des études, estimant que l'art n'est
point un métier, mais que la connaissance préalable
du métier est toutefois indispensable à celui qui
veut faire des études artistiques, a divisé l'enseigne-
ment de la Schola cantorum en deux degrés, au moins
pour les cours les plus fréquentés, laissant au pre-
mier degré les cours de technique spéciale, l'étude
du mécanisme vocal et instrumental pour les chan-
teurs et les instrumentistes, la mécanique de l'écri-
ture (harmonie, contrepoint) pour lesêlèves se des-
tinant à la composition, le métier, en un mot, et
affectant aux cours du second degré tout ce qui re-
garde l'interprétation, la connaissance du style des
différentes époques, l'étude chronologique des œu-
vres importantes écrites pour la voix et les divers
instruments, en résumé, tout ce qui confine à l'art.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le Cours de composition musicale (second degré)
comporte un mininum de cinq ans d'études, non
comprises les études préalables du premier degré :
chant grégorien, harmonie, accompagnement et
improvisation, contrepoint. L'instruction y suit pas
à pas le développement si logique des formes musi-
cales, qui est démontré aux élèves non pas seule-
ment au point de vue théorique, mais par la pré-
sentation et l'analyse des hautes manifestafions
d'art se rapportant à ces formes, qu'il n'est point
permis à l'artiste producteur d'ignorer.
C'est ainsi que l'élève étudie, dans la première an-
née de composition, les formes purement rythmiques
et mélodiques delà Monodie grégorienne et du Chant
populaire, puis, les formes polyphoniques du Motet
et du Madrigal, s'arrèlant au commencement du
wiic siècle.
La deuxième année comprend l'étude de la Fugue,
qui est enseignée non point comme exercice d'écri-
ture, mais comme une des belles et harmonieuses
formes de la composition musicale; puis, successi-
vement, l'étude de la Suite instrumentale, de la Sonate
dans sa triple manifestation (ancienne sonate ita-
lienne, sonate beethovénienne et sonate moderne de
forme cyclique).
Dans la troisième année, l'élève est instruit dans
la technique de l'orchestre et de l'instrumentation,
et prend alors connaissance des formes du Concert
et du Concerto, de la Symphonie, de la Musique de
chambre, du Quatuor d'archets, de la Variation, de la
Fantaisie, de l'Ouverture et du Poème symphonique.
Les deux dernières années sont consacrées à l'é-
lude du Drame musical, la quatrième année prenant à
la naissance de l'Opéra au xvne siècle et parcourant
le cycle des œuvres dramatiques italiennes, fran-
çaises et allemandes jusqu'à la lin du xvme siècle, et
la cinquième année continuant cetle étude raisonnée
et critique jusqu'aux plus récenles productions mo-
dernes.
De cette façon, l'élève est mis à même d'établir
en pleine connaissance de cause motet, fugue, suite»
sonate, symphonie, quatuor, scène dramatique, et
sa personnalité s'y révèle d'autant plus facilement
qu'il est moins embarrassé par la construction de
la pièce qu'il est appelé à écrire, et dont il a étudié
la forme en des exemples empruntés aux Maîtres de
la musique.
L'enseignement vocal et instrumental est, toutes
proportions gardées, basé sur les errements que
nous venons d'exposer, tous les professeurs s'effor-
çant de façonner non point des virtuoses infatués
de leurs mérites, mais des artistes conscients de
leur mission de dévouement absolu à l'œuvre d'art
qu'ils ont l'honneur d'interpréter, et plaçant au-des-
sus de toutes choses l'amour désintéressé de la mu-
sique.
La vanité est donc bannie de la Schola cantorum,
et c'est pour sauvegarder ce principe qu'on n'y a
point introduit le système des concours. Par deux
fois, dans l'année scolaire, en janvier et en juin,
le directeur des études fait, lui-même, subir à tous
les élèves de l'école un examen approfondi sur les
diverses madères qu'ils ont étudiées, et distribue
des notes d'examen réglées au moyen de coeffi-
cients, ainsi que des mentions spéciales à ceux qui
ont fourni le meilleur travail.
Lorsqu'un élevé a complètement terminé ses études
dans l'un des cours qu'il fréquente, le directeur lui
décerne un Diplôme de sortie de classe constatant
que 1 élève n'a plus rien à apprendre dans ce cours;
le diplôme du premier degré implique naturelle-
ment Je passage au cours du second degré de même
nature.
Les cours ont lieu deux fois par semaine, à l'ex-
ception des cours d'orgue supérieur et d'instruments
à vent.
Ils sont distribués comme suit :
36 Cours du premier degré : Solfège (théorie, lec-
ture, dictée, transposition); Chant grégorien (lec-
ture, théorie, accompagnement); Chant (pose de la
voix, mécanisme, agilité); Harmonie, Contrepoint,
Accompagnement et improvisation (basse continue,
choral); Orgue (jeu lié, études, pédale); Piano (mé-
canisme, agilité); Violon, Alto, Violoncelle, Contre-
basse, Flûte, Hautbois, Clarinette, Basson, Cor, Trom-
pette, Trombone, Harpe.
9 Cours du second degré : Déclamation lyrique
(articulation, accent, style, expression); Orgue (exé-
cution des œuvres des maîtres); Orgue supérieur
(exécution, registration, improvisation, fugue); Piano
(style, accenl, expression); Violon, Violoncelle.
8 Cours de composition.
3 Cours d'ensemble : Musique de chambre, Ensemble
vocal, Ensemble d'orchestre.
Ml
EXECUTIONS DE CONCERT
Nous avons exposé eu commençant les deux prin-
cipes générateurs de la Schola; le premier : « édu-
« cation spéciale des musiciens au moyen du contact
« journalier avec les belles manifestations d'art »,
trouve son application dans le programme d'ensei-
gnement qui a fait l'objet du précédent chapitre;
il nous reste à voir comment l'école est arrivée au
complet développement de son deuxième principe :
« présentation effective et respectueuse d'œuvres
« intéressantes au point de vue artistique et encore
<c méconnues du public ».
L'école a atteint ce but par ses concerts périodi-
ques.
Les concerts de la Schola cantorum ont cela de
particulier que l'orchestre, les chœurs et les solistes,
recrutés, nous l'avons dit, à de rares exceptions près,
dans le personnel des élèves et des professeurs, sont
appelés à interpréter uniquement de belles œuvres
que l'on ne pourrait entendre ailleurs. Et pourquoi
ces exécutions de la Schola, si elles sont loin d'at-
teindre à la perfection des grandes sociétés de con-
cert, sont-elles cependant si expressives, si vivantes,
si vibrantes, pourrait-on dire? C'est que tous les élè-
ves qui y participent sentent et aiment vraiment ce
qu'ils font; c'est qu'ils sont bien convaincus qu'ap-
pelés à l'honneur d'interpréter une œuvre de génie,
ils ne peuvent moins faire que d'y mettre tout leur
cœur, c'est que l'éducation reçue à l'école leur a
donné l'enthousiasme et la Foi artistique.
Mais, en outre de ce personnel exécutant, il existe
un autre orchestre, moins exercé, puisqu'il est com-
posé de tous les élèves instrumentistes de première
année et de ceux qui ne sont pas encore de force à
figurer dans les exécutions de concert. C'est ce qu'on
nomme le cours d'ensemble d'orchestre, qui se réunit
chaque semaine pour lire et travailler des sympho-
nies classiques, et qui constitue aussi un véritable
cours de direction, voici comment :
Les élèves de composition et ceux des autres cours
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SCHOLA CANTORUM 362E
qui paraissent aptes au métier de dirigeant, sont
conviés tour à tour, sous la surveillance du direc-
teur des études, à venir faire travailler cet orchestre
de commençants ; ils entreprennent ainsi leur appren-
tissage de chef, de façon à ce que, à défaut de l'un
des directeurs attitrés, un élève compositeur puisse
prendre le bâton et conduire un concert de l'école
sans crainte ni embarras, cas qui s'est déjà fréquem-
ment présenté.
IV
BUT ET AVENIR DE LA SCHOLA
Malgré la jeunesse de l'école, les résultats de son
travail ne se sont point fait attendre. De sa pépi-
nière de jeunes chefs d'orchestre, plusieurs sont
déjà sortis qui tiennent un rang honorable dans le
monde musical militant; les instrumentistes qui y
ont termirié leurs études ont trouvé aussitôt, même
à la suite de concours, des postes enviés dans les
orchestres de concert ou de théâtre et aux tribunes
d'orgue des églises; enfin certains élèves de compo-
sition se sont déjà fait un nom comme producteurs.
L'influence de cet enseignement d'art théorique et
pratique n'a pas tardé non plus à se faire sentir un
peu partout, et maint chef de Société, maint direc-
teur de théâtre important, n'ont songé à monter
certains chefs-d'œuvre inconnus de leur public ou
sortis depuis de longues années de leur répertoire
qu'après que la Schola eût pris l'initiative de remet-
tre ces chefs-d'œuvre au jour.
Pour nous résumer, nous pouvons dire que la
Schola cantorum s'est donné pour but de former des
artistes dignes de ce beau nom, des artistes élevés
dans le mépris de l'égoïste ambition qui caractérise
trop souvent les virtuoses, et sachant mettre le culte
de leur art au-dessus de celui de leur propre per-
sonnalité, des artistes refusant d'acheter le succès
au prix de sacrifices faits au mauvais goût et au
faux style.
Quel rôle notre école sera-t-elle appelée à jouer
dans l'avenir? Nous ne pouvons le présumer. Elle
devra certainement subir les lois naturelles de trans-
formation qui régissent toutes choses; il est même
à souhaiter qu'elle ne s'atrophie pas en de passa-
gères formules d'enseignement qui, efficaces aujour-
d'hui, peuvent être inutiles et même nuisibles demain"
Mais ce qui, nous le croyons, constitue la véritable
torce de la Schola cantorum, ce qui lui donnera la
vie et la durée, c'est l'union cordiale et intellec-
' tuelle de tous les élèves, leur désir de s'entr' aider
mutuellement à bien faire, en suivant sans hésita-
tion la voie ascendante vers l'étemelle Beauté, désir
et union provenant tout naturellement d'un sys-
tème d'éducation qui, répudiant les vanités stériles
et les honteuses compromissions, a su éveiller en
ces jeunes esprits la haute conscience artistique et
le pur et sincère amour de l'Art.
Vincent d'INDY.
Ces lignes ayant été écrites en 1904, il nous reste
à dire que pendant les vingt-cinq années écoulées
depuis lors, la Schola s'est employée à réaliser le
programme de sa fondation et que, dans tous les
domaines de son activité, les résultats les plus pro-
bants ont couronné ses efforts.
De 21, le nombre des élèves s'est élevé à 600. Les
cours se sont multipliés suivant les besoins du re-
crutement : on en compte maintenant 80. De nou-
velles catégories de classes ont été créées : des classes
intermédiaires, entre le 1" et le 2e degré, en éten-
dant la durée des études, permettent aux élèves d'at-
teindre un niveau technique plus haut; des classes
supérieures sont réservées aux instrumentistes sor-
tis des cours du 2= degré avec une note approchant
du maximum, et désireux de se perfectionner encore,
en envisageant d'une manière plus élevée l'inter-
prétation musicale et en se créant un vrai réper-
toire de concert. Nous ne voulons pas citer de noms
ici, mais la liste des artistes formés par la Schola,
soit comme compositeurs, soit comme exécutants,
est édifiante, et démontre surabondamment que les
musiciens confiés à nos soins ont trouvé rue Saint-
Jacques un milieu vraiment éducateur et des mé-
thodes propres à mettre en valeur leurs talents.
En ce qui concerne les concerts, l'élévation du niveau
des études nous a permis de constituer un orchestre
très amélioré, par rapport aux premières ami es, et
de donner salle Gaveau des exécutions remarquables
d'oeuvres présentées en 1|C audition, ou peu souvent
entendues, ou encore entendues par ailleurs avec
une interprétation qui ne nous semblait pas judi-
cieuse. Citons l'Orfeo et Le Couronnement de l'oppée
de Monte verdi; la fleur des opéras français anciens
de Lulli à Gluck, et notamment Orphée avec le rôle
principal confié à un ténor; la Messe en si, 1rs Pas-
sions, et de nombreux oratorios et cantates de Bach;
la Messe en ré et la Neuvième Sijmphonie ;l'Euryanthe
et le Frcischiïtz de Weber ; Le Roi Arthus de Chaus-
son, VEtos vainqueur de P. de Bkévuxe, Les Béati-
tudes, Le Chant de la Cloche, etc.
Parmi les filiales de province dont il a été ques-
tion plus haut, plusieurs ne purent se maintenir, et
succombèrent sous le coup des difficultés matérielles;
mais des masses d'autres foyers se créèrent partout,
au fur et à mesure que de bons ouvriers de l'art
musical quittaient l'école pour aller propager au
loin et mettre en action l'enseignement reçu (le
Havre, Caen, Pau, Bordeaux, Arles, Nancy, Brest,
Moulins, Auxerre, etc.). Il en est de même à l'étran-
ger, et nous nommerons particulièrement la Rou-
manie, la Suisse, l'Espagne, les Etats-Unis, l'Amé-
rique du Sud.
A cette propagande agissante, il faut ajoulei i Ile
de l'édition. Au point de vue de la musique reli-
gieuse notamment, les éditions de la Schola canto-
rum, tant par leurs propres publications que par les
fonds rachetés, tiennent une place de tout premier
plan. Leur programme n'a cessé d'être celui que le
pape Pie X a recommandé dans le célèbre Motu pro-
prio de 1904, et que son successeur actuel Pie XI a
confirmé dans une récente et impérative Constitution
apostolique.
Et c'est ainsi que la Schola, tout doucement, sans
se presser, n'a point cessé de gravir les pentes
fécondes de la montagne artistique. Elle est devenue
une florissante pépinière d'artistes experts en leur
métier, conscients de leur mission éducatrice et,
avant tout, respectueux de leur art, qu'ils aiment
et savent comprendre.
L'ÉCOLE NORMALE DE MUSIQUE
Par Auguste MANGEOT
ÏÏCTEUR DR I,'i;COU: NORMALE !)[■: MUSIQUE
ORGANISATION GENERALE
L'Ecole normale de musique a été fondée en 1919
par MM. Alfred Cortot et Auguste Mangeot, avec
l'approbation du ministre de l'instruction publique
et des beaux-arts. Le ministère des affaires étran-
gères lui a accordé en 192s -un patronage.
' Cette Ecole admet des élevés de toutes nationa-
lités, sans limite d'âge, sans concours d'admission,
et elle forme des professeurs de musique, des exécu-
tants et virtuoses, des chanteurs de théâtre et de
concert, des organistes, des compositeurs, des chefs
d'orchestre.
L'enseignement de l'Ecole normale de musique est
basé sur une pédagogie rationnelle. Cette pédagogie
repose sur le principe physiologique suivant : l'ac-
tion des muscles étant commandée par le cerveau,
les muscles n'agissent bien que s'ils sont bien com-
mandés.
Une lionne technique des doigts ou du gosier
dépend donc d'une bonne technique intellectuelle,
c'est-à-dire d'une perception spontanée de la mu-
sique.
De celte technique musicale intellectuelle dépend
toute la valeur du musicien. Les génies musicaux,
ou les prodiges, la possèdent instinctivement. Les
autres peuvent L'acquérir progressivement par l'é-
tude du solfège, de l'anahse harmonique, de la
construction musicale, elc.
Il convient donc de mettre à la base de l'enseigne-
ment d'un instrumenl ou de la voix et à tous les
degrés, un enseignement général de la musique, qui
dote les élèves d'une technique intellectuelle. Elle
est la Heur dont la technique manuelle est le fruil.
L'enseignement de l'Ecole normale de musique
n'en est pas moins aussi libéral et universel que
possible. Il respecte la personnalité de chaque élève,
conserve aux étrangers leur caractère national, et
leur fournit le moyen de le développer et de l'expri-
mer librement.
D'autre part, l'enseignement de VEcole normale
est organisé de telle sorte qu'il existe une liaison
permanente entre toutes les classes suivies par un
même élève.
Les études sont sanctionnées par des diplômes qui
correspondent aux trois degrés d'enseignement :
Enseignement préparatoire : brevet d'aptitude.
Enseignement secondaire : diplôme d'enseigne-
ment et diplôme d'exécution.
Enseignement supérieur : licence d'enseignement
et licence de concert.
Les diplômes sont délivrés à la suite d'examens
qui comportent les épreuves suivantes :
Brevet d'aptitude. — Solfège (théorie, lecture,
dictée), exécution, lecture à vue, analyse harmoni-
que, construction musicale, histoire de la musique.
Diplôme d'enseignement. — Mêmes épreuves que
ci-dessus, d'un degré plus élevé, et, en outre, exé-
cution d'une œuvre de musique de chambre et
leçons de solfège et d'instrument à donner a un
élève.
Diplôme d'exécution. — Exécution de cinq mor-
ceaux difficiles et d'une œuvre de musique de cham-
bre; accompagnement à première vue d'une œuvre
vocale ou instrumentale. Analyse harmonique et
construction musicale d'une des œuvres exécutées.
Licence de concert. — Exécution d'un récital de
concert, d'une œuvre de musique de chambre, ana-
lyse harmonique et essai d'interprétation d'une œu-
vre désignée une heure d'avance.
Licence d'enseignement. — Exécution d'œuvres
île haute difficulté. Lecture à vue. Leçon à un groupe
d'élèves. Transposition. Réalisation à vue au piano
d'une basse chiffrée et harmonisation à vue au piano
d'un chant donné. Analyse d'une œuvre. Musique
d'ensemble à vue. Thèse sur un sujet d'histoire ou
de pédagogie.
En dehors de ses cours réguliers, qui ont liée du
premier lundi d'octobre au 1" juillet, VEeo'le nor-
male a créé des séries de cours d'interprétation des-
tinés aux élèves ayant terminé leurs études dans un
Conservatoire ou une grande Ecole de Krance ou de
l'étranger, et à de jeunes artistes qui désirent se
perfectionner auprès des plus illustres maîtres. Ce
furent de 1925 â 1928 :
Piano : Alfred Cortot.
Violon : Jacques Thiuaud, E. Ysaye, Georges Enesco.
Orgue : Marcel Dupré.
Chant : Mm« Croiza, Ninon Vai.i.in.
Ces cours admettent des exécutants et des audi-
teurs faisant ou non partie de l'Ecole normale.
Présidée par M. Alfred Cortot, l'Ecole est dirigée
depuis sa fondation par M. A. Mangeot, et elle est
pourvue d'un conseil de professeurs composé (en
1928| de 13 membres1.
1. Composition du conseil en 10:8 : M. P.uil Ucm* conpOsiMul
M'1- Na. lia li.n um.i ii (harmonie el contrepoint), Alfred C.mror, La/un-
I.IVY, M"10 (JHIAUD-LaïAUSK (piailo), JaCqUOS TlIlBAI 0, M.Uiricr ll\Y"l.
Jtttes I [violon), Pâblo Casals, l>. Iuhm" vtolonC«8s
M- II. i.iiuod, il. Ch. r\N/vi.M,l,.,,,t., Uarcal Bopw M««o).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ECOLE NORMALE DE MUSIQUE 3027
Etahlie en 1020 rue Jouffroy, l'Ecole est installée
depuis 1927 dans un vaste immeuble, 114 bis, boule-
vard Malesberbes, auquel a été adjointe, en 1929,
une salle de concerts de cinq cents places construite
sur les plan-; de M. Auguste Perret, architecte.
ENSEIGNEMENT
Enseignement g(
l-:!i.
L enseignement
donné progressioen
tituepasuncomph
la hase essentiell
qu'il doit précéder
Solfège. —Théo
leurs de sons, de
st obligatoire. Il est
les élèves. Il ne cons-
des, mais, au contraire,
enseignement spécial,
suivre.
mis de durée, des hau-
es, des tonalités, des
modes, des rythmes, des mesures, etc Lecture dans
toutes les clés, relations des clés, transposition. Lec-
ture mentale.
Audition. Développement de l'ouïe. Dictées mélo-
diques. Dictées harmoniques. Audition mentale.
Théorie du son. Formation du son. Vibrations.
Eléments d'acoustique.
Analyse harmonique. — Accords de 3, 4 et o sons
et leurs renversements. Chiffrage. Notes acciden
telles, relards, pédales, broderies, appogiatures,
notes de passage, échappées, anticipations, etc.
Construction musicale. — Etudes des formes :
Fugue, Suite ou Parfita, Sonate, Théine varié, etc.
Histoire de la musique. — Histoire de la musique
de l'Antiquité à nos jours. — Les grandes époques
de la musique. — La vie et les œuvres «1rs grands
compositeurs. — La musique dans l'histoire de la
civilisation. — Conférences sur la musique moderne
suivies d'auditions d'œuvres avec le concours des
auteurs.
Musique d'ensemble. — Sonates pour deux instru-
ments. — Trios, Quatuors, etc. — Accompagne-
ment. — Duos, Trios et Quatuors vocaux.
Lecture à vue, déchiffrage, accompagnement. —
Musique symphonique. — Exécution des sympho-
nies classiques, romantiques et modernes et des
poèmes symphoniques, à deux pianos, ou avec ré-
duction d'orchestre.
Musique chorale. — Ensemble choral. — Exécu-
tion des chœurs à une, deux, trois, et quatre voix.
Enseignement général facultatif.
Gymnastique rythmique. — Langues française
et étrangères. — Français (pour les étrant
glais, italien, allemand, espagnol, etc.
Instruction générale. — Grammaire frai
Orthographe. — Syntaxe. — Rédaction. — Arith-
métique. — Histoire. — Géographie. — Sciences
naturelles.
(Ce cours est destiné aux élèves qui, a
instruction générale insuffisante, ont besoin de la
compléter.)
Enseignements spéciaux.
Piano, orgue, violon, alto, violoncelle, contre-
basse, harpe, instruments à vent.
Chant. — Technique. — Interprétation. — Décla-
mation lyrique. — Mise en scène. — Art lyrique
(étude des poèmes, des personnages, style, esthé-
tique).
Composition musicale. — Harmonie, contrepoint,
fugue, orchestration.
Cours d'interprétation pour artistes
et virtuoses.
V Ecole ion mole a adjoint à son ensi
quotidien des séries de cours d'inlerprétal
nés aux élèves ayant terminé leurs études dans un
Conservatoire ou une grande Ecole de Fian i m de
I étrangei , el à déjeunes artistes qui désin
fectionner auprès des plus illustres maîtres.
Ces cours, dont le nombre varie de 6 à 12, ont
lieu généralement au mois d'avril, mai ou juin et
durent chacun de deux à trois semaines.
Il suflit, pour indiquer la valeur el la rareté d'un tel
enseignement, de rappeler que, de 1920 à 1922, ces
cours ont été faits à l'Ecole normale de musique par :
Piano : Alfred Cortot, Wanda Landowska, Margue-
rite Long, 1. Philipp, Blanche Selva.
Violon : Jacques Thipai-d.
Violoncelle : Pablo Casals, André IIerkino.
Orgue : Marcel Dupré.
Chant : Croiza, Reynaldo Hahn.
Ces cours admettent des exécutants et des audi-
teurs faisant partie ou non de l'Ecole normale.
Les dates des cours, les programmes, etc., sont
publiés chaque année au début de la saison et
envoyés a toute personne qui en fait la demande.
A. Mangeot.
LES ÉCOLES DE LA LÉGION D'HONNEUR
Par E. PESSARD
MAISONS NATIONALES D'ÉDUCATION
DE LA LÉGION D'HONNEUR
L'ordre de la Légion d'honneur a été institué le
10 mai 1802 (29 floréal an X), mais c'est seulement
le 3 décembre 1805 qu'on décida de créer des mai-
sons d'éducation destinées à élever gratuitement les
filles légitimes des légionnaires sans fortune. Le
10 juillet 1806, un décret impérial ordonna que l'an-
tique demeure du connétable Anne de Montmorency,
le château d'Ecouen, en Seine-et-Oise, « serait dis-
posé, sans délai, de manière à recevoir les filles des
membres de la Légion d'honneur auxquelles l'em-
pereur jugerait convenable d'y accorder une place »,
et le 5 décembre 1807, Napoléon nommait Mmc Cam-
pan directrice de cette maison. On y admettait des
élèves gratuites ou payantes, selon l'étal de fortune
des parents, mais le plus grand nombre étaient des
filles d'officiers. Le succès de cette création fut
grand parmi les légionnaires, et bientôt le château
d'Ecouen fut reconnu insuffisant : les demandes d'ad-
mission affluaient et le nombre des orphelines aug-
mentait sans cesse, en raison des guerres meurtriè-
res de cette époque.
Un décret du 25 mars 1800 décida que l'ancienne
abbaye de Saint-Denis (Seine), avec ses jardins, parc
et dépendances, moins l'église et les bâtiments dits
du Trésor, serait cédée à la Légion d'honneur pour
y établir une seconde maison d'éducation destinée
aux filles et orphelines des officiers supérieurs, et
que la directrice de cette maison, nommée par le
grand-maitre de l'ordre sur la proposition du grand
chancelier, porterait dorénavant le titre de surinten-
dante. Le nombre réglementaire des élèves, tant
gratuites que payantes, fut fixé à 300 dans chaque
maison, mais le nombre des demandes d'admission
dépassa tellement ce maximum réglementaire que
l'empereur prescrivit immédiatement la création de
trois succursales pouvant chacune contenir 200 or-
phelines. Il les plaça sous la direction de la supé-
rieure de la congrégation de la Mère-de-Dieu, et le
décret du 15 février 1811 organisa ces succursales,
qui s'ouvrirent rue Barbette au Marais (établisse-
ment dit le Corberon), près de Fontainebleau (éta-
blissement dit tes Barbeaux), et en pleine forêt de
Saint-Germain en Laye (établissement dit les Loges).
Il était question de créer encore trois autres succur-
sales, mais les événements ne le permirent pas.
1 Xous adrcsson
Après la chute de l'Empire, la Restauration res-
titua à la famille des Bourbon-Condé le château
d'Ecouen, dont les élèves furent jointes à celles de
Saint-Denis, et une ordonnance royale du 31 juil-
let 1814, arrachée par surprise à Louis XVIII, sup-
prima brutalement les succursales réservées aux
orphelines pauvres, jetant sur le pavé près de six
cents jeunes filles sans argent, sans pain, sans se-
cours et sans foyer. Eclairé par la supérieure de la
congrégation de la Mère-de-Dieu qui, les larmes aux
yeux, alla se jeter à ses pieds, le roi, comprenant
que cette mesure, prise en haine des serviteurs fidè-
les du régime déchu, allait frapper injustement des
veuves et des enfants, rapporta son ordonnance,
supprima la succursale de Fontainebleau, mais main-
tint les deux établissements de Paris et de Saint-
Germain, dans lesquels furent réparties les élèves
des Barbeaux.
Naturellement, pendant les Cent jours, Napoléon
s'empressa de réintégrer les élèves à Ecouen et à
Fontainebleau, et naturellement aussi, la seconde
Restauration apporta le même empressement à les
en déloger. Ce n'est qu'en 1830, qu'un procès, sou-
tenu contre les héritiers du prince de Condé et gagné
par la Légion d'honneur, lui assura enfin la posses-
sion pleine et entière du château d'Ecouen si long-
temps disputée. En 1850, la maison de la rue Bar-
bette fut supprimée et les élèves en furent transférées
â la maison d'Ecouen, qui prit le litre de lre succur-
sale, la maison des Loges prenant celui de 2" succur-
sale, titres qu'elles portent encore. En 1881, le géné-
ral Faidherbe, alors grand chancelier, laïcisa les
succursales, en enleva l'administration à la congré-
gation de la Mère-de-Dieu, et nomma pour les rem-
placer un personnel enseignant laïque dirigé par-
deux intendantes, placées elles-mêmes sous la
haute surveillance de la surintendante de Saint-
Denis. De ce jour, l'unité de renseignement dans
les maisons d'éducation de la Légion d'honneur fut
établie. Plus tard, en 1890, le général Février, de-
venu grand chancelier, entreprit une réorganisation
des maisons, et assigna à chacune d'elles le rôle
spécial quelle devait jouer dans l'instruction de la
jeune fille : dans les trois maisons, préparation au
brevet élémentaire ou de 2S ordre de l'enseignement
primaire, leçons élémentaires de solfège, de piano-
et de dessin, de coulure, de cuisine et de blanchis-
sage. Aux Loges, échéait l'enseignement profession-
nel : coupe et confection de robes, broderies, lin-
gerie et dessin industriel.
A Ecouen, l'enseignement commercial : comptabi-
lité et tenue des livres, élude spéciale des langues
anglaise et allemande, dactylographie, sténogra-
phie, préparation aux postes et télégraphes, banques,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ÉCOLES DE LA LÉGION D'HONNEUR 362
Crédit foncier et grands établissements financiers.
A Saint-Denis : enseignement supérieur du dessin
(aquarelle, peinture à l'huile), de la musique (chant,
piano, accompagnement, harmonie, étude des œu-
vres classiques, pédagogie, etc.), préparation au brevet
de 1er ordre de l'enseignement primaire, au diplôme
de fin d'études secondaires et au certificat d'aptitude
pour l'enseignement des lettres, de la musique ou du
dessin dans les écoles normales, les lycées et les
écoles communales déjeunes filles.
Les filles des légionnaires ayant au moins le grade
de capitaine en activité de service, ou une position
civile correspondante, pouvaient seules entrer à
Sainl-Denis. Ecouen ne recevait que les filles des
capitaines en retraite et des lieutenants en activité,
tandis que les sous-officiers, marins et soldats ne
pouvaient faire admettre leurs filles qu'aux Loges,
mais, après cinq années de séjour, les élèves des
succursales pourvues du brevet de 2° ordre pas-
saient d'office à Saint-Denis, quel que fût le grade
ou l'emploi de leur père, pour s'y préparer à l'ob-
tention du brevet de î"1' ordre ou, si on leur avait
reconnu les dispositions nécessaires, pour se perfec-
tionner dans l'art du dessin ou de la musique; de
même, les élèves de Saint-Denis, dépourvues de dons
artistiques et qui ne pouvaient pas pousser plus
loin leurs études littéraires, pouvaient passer dans
une succursale pour y suivre les cours spéciaux à
chacune de ces maisons.
A la fin de la guerre, le général Dubail, grand
chancelier, modifia ce règlement touchant le mode
d'admission des élèves, lesquelles entrent toutes
indistinctement dans l'une des deux maisons succur-
sales, où elles restent trois ans, pour, de là, passer
un temps égal à la maison de Saint-Denis, où elles
terminent leurs études.
ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE
La musique est enseignée à Saint-Denis par un
professeur d'accompagnement (externe), 10 dames
professeurs, faisant partie du personnel de la maison,
et 4 jeunes professeurs stagiaires, plus trois profes-
seurs (externes) de piano, choisis par le grand
chancelier parmi les anciennes élèves des maisons
de la Légion d'honneur, et autorisées à donner des
leçons payantes de piano aux élèves qui n'ont pas
encore pu obtenir la faveur des leçons gratuites
données par les dames de la maison, où à quelques-
unes de celles auxquelles celte faveur a été retirée-
Les parents ont aussi la faculté de faire donner des
leçons payantes de violon pur le professeur d'accom-
pagnement.
A Ecouen, il y a 3 dames professeurs, 2 stagiaires
et trois professeurs externes de piano.
Aux Loges, il n'y a que 2 dames professeurs,
2 stagiaires et 2 professeurs externes de piano.
Le cours supérieur de piano et le cours supérieur
de chant sont faits dans chaque succursale par les
professeurs éminents qui le font à Saint-Denis, et
cette petite armée de musiciens est placée sous les
ordres et la surveillance artistique du directeur de
l'enseignement musical, qui, lui-même, est chargé à
Saint-Denis du cours supérieur de solfège, d'harmo-
nie et de pédagogie.
Sans s'élever au niveau du Conservatoire, les étu-
des musicales sont très sérieuses a Saint-Denis,
qu'on considère à juste litre comme une pépinière
d'agréables virtuoses et d'excellentes musiciennes
pouvant, le cas échéant, trouver dans le professorat
des moyens d'existence pour l'avenir.
Dans les trois maisons, les élèves qui oui de la
voix font partie de la classe d'ensemble vocal, placée
sous la direction d'une dame professeur (qui fait
également fonctions de maître de chapelle), lîien
n'est plus joli, rien n'est plus frais que des chœurs
de jeunes filles, mais la classe d'ensemble de Saint-
Denis, qui compte plus de cent chanteuses, dépasse
de beaucoup, pour le charme, la finesse des nuances,
l'articulation et la qualité des voix, non seulement
ce qui se fait dans les succursales, mais ce qui se fait
partout ailleurs, et les personnes assez favorisées
pour avoir pu assister à un concerl ou à une céré-
monie religieuse, dans l'intérieur de la maison de
Saint-Denis, en gardent un souvenir ineffaçable.
L'orgue de la chapelle de la Légion d'honneur à
Saint-Denis est dû à Sébastien Erard, le fondateur
de la célèbre fabrique de pianos et de harpes. Pen-
dant un de ses voyages en Angleterre, il fut frappé
de la supériorité des orgues, et voulut faire profiter
son pays des remarques qu'il avait faites sur les
procédés de fabrication employés chez nos voisins
d'outre-Manche. Il ramena à Paris en 182a un fac-
teur habile, John Abbey1, lui soumit ses projet-; et
l'installa dans son château de la Muette, à Passy.
C'est là que John Abbey construisit pour S. Erard
un orgue qui figura, en 1827, à l'Exposition du Lou-
vre et qui valut à son auteur la grande médaille
d'or. Charles X voulait l'acheter pour la chapelle
des Tuileries, mais le meuble dans lequel il était
placé était de trop grandes dimensions. Le roi com-
manda alors à S. Erard un aulre orgue approprié
au local qui devait le recevoir. John Abbey en cons-
truisit deux, en ajoutant au troisième clavier un
jeu d'anches libres expressif au toucher, inventé
par S. Erard, perfectionnement que Grétby, dans
ses Essais sur la musique itome III), signalait avec
de grands éloges. « Sans doute, disait-il, le secret
est découvert pour un tuyau comme pour mille :
plus on enfonce le doigt, plus le son augmente, et
il diminue quand on le relevé. »
L'orgue des Tuileries a été détruit en 1830, pen-
dant les journées de Juillet. Héédilié en 183 M dans la
chapelle de l'Empereur, il fut anéanti en 1871, lors
de l'incendie du palais des Tuileries par la Com-
mune2. L'autre orgue muni du jeu d'anches libres
expressif au toucher est dans la chapelle de la maison
de Saint-Denis. C'est l'unique spécimen de celte in-
vention, puisque l'orgue, construit en 1827, et donné
par Mli,e veuve Erard en 1870 au Conservatoire de
musique de Paris, ne possède pas le jeu ex
Comme nous l'avons dit plus haut, ce jeu est placé
au troisième clavier. 11 est construit en bois et muni
d'anches libres. Des rozettes, comme dans les jeux
d'anches ordinaires, permettent d'accorder les
tuyaux au ton des autres jeux de l'orgue (on sait
que les jeux d'anches libres ne suivent pas les va-
riations que les dilférences de température font subir
aux autres jeux et,]notamment, aux jeux à bouche.)
La sonorité du jeu de S. Erard est charmante,
mais le système d'expression par le plus ou moins
d'enfoncement des touches présente à l'organiste de
grandes difficultés d'exécution, et l'effet en est peu
sensible. Si on ajoule que ce système ne peut guère
I. A.Iiien de la Fige: Notice
Denis; Félix Danjod : Charles ■
de Saint-Denis.
i. LOnjue de la Chapelle 'les Tuileries (Firniin Dulut. h.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
l'appliquer qu'à un seul jeu et que l'emploi de tan-
che libre s'impose, on ne doit pas être surpris qu'il
ne soi) pas entré dans La pratique1 et que l'expres-
sion par l'emploi de la boite expressive, dont le
m h -ne offre un exemple au 2e clavier, ait pré-
valu et pris l'importance qui se constate surtout
dans les orgues les plus récentes.
si i ri Le tentative de S. Ilrard pour doter l'orgue
iion au toucher n'a pas produit les résul-
tats qu'en attendait Grktuy, il n'en est pas de même
pour les autres systèmes qu'il avait inventés, adop-
tés ou perfectionnés dans la construction de ses
trois orgues. C'est dans ces instruments qu'on vit
paraître pour la première fois : la boite expressive;
la soufflerie à lanterne avec pli renversé et pompes
alternatives; les pédales de combinaisons et d'appel;
enfin, un mécanisme basé sur des procédés absolu-
ment différents de ce qui s'était fait jusqu'alors. Ces
innovations ont été le point de départ de toute la
lacune moderne. Aussi, avons-nous tenu à associer
au nom de Sébastien Krard celui de son ami et col-
laborateur John Abbey, qui s'établit en 1830 à Paris,
et eut de nombreux travaux dus à l'incontestable
supériorité de ses instruments que tous les autres
facteurs s'empressèrent de prendre pour modèles
(c'est son propre II 1s qui, actuellement, est chargé
de l'entretien des orgues des maisons d'éducation de
la Légion d'honneur).
L'orgue de la chapelle de la maison de Saint-
Denis est donc un monument historique qui doit
être conservé précieusement : les lacunes et les bi-
zarreries qu'on peut y remarquer sont caractéristi-
ques de l'époque à laquelle il a été construit. Il se
compose de :
1. : i. clavier île -•< touches i 5 octaves moins iJ
el deux touches en haut) de sot grave a fa.
i - ■,' uni rtavi'-r de 5 S louches (dont :;.} seul<>uient sont mo-
claviei de 58 i niche; dont 5i sont mobiles du
2. Un petit pédalier en tirasses, ancien système, de 13 tou-
, h • de n/ ,i sol le 1er sol dièse grave tire au clai
dièse).
:.. un | |ié laies d'appel et d'expression.
-i. Dou
Les pédales d'appel et d'expression sont :
3. App - plus la Do
, i ■■ - l Récit , 2' clavier { pai
I jeu du 3" clavier i par inli in H" ■ ilu '• '''il;.
Les jeux sont distribués sur les trois claviers de la
manière suivante :
Premier clavier l'uaa !
i . Di ipason
8 —
s _
i. Oulcinm
•i —
.:
2 —
< B
S —
; . Di stus S
Deuxième clavier. Récit expressil
... Finie s pieds du 3« sol à fa
s — —
11. PrcstaiU i — —
nette s —
Troisième clavier, jeu expn
libres (pas de i
Il , „, i i; ■ 'l'on/ilr, loue' III. |ia i
Ki lin Ci.émkn'i aint-Jea
tii a, bulletin du
873, paga
Les 4 jeux ou plutôt demi-jeux du 2e clavier sont
enfermés dans une huile expressive munie de jalou-
sies mécaniques; le jeu du troisième clavier est ex-
pressif seulement par l'enfoncement de la touche.
Enlin, le buffet est en chêne, de style pseudo-grec et
garni, sur la façade, de tuyaux de montre factices en
bois doré.
SURINTENDANTES DE LA LÉGION D'HONNEUR
La première maison d'éducation de la Légion
d'honneur a été installée au château d'Lcouen, mais
le décret du 29 mars 1809 ordonnant qu'une maison
semblable à celle d'Ecouen serait établie à Saint-
Denis, décida aussi que la directrice de celte nou-
velle maison porterait le titre de « surintendante ».
Il n'y a eu encore que sept surinlendautes : La ba-
ronne du Douzet (1810). — La comtesse Dnquengo
(1816). — La baronne de Bourgoing (1820). — La
baronne Dannery ( 1837). — La baronne Daumesnil
11831). — L'Amirale Le Ray (1870). — M"" Hycke-
busch (1888). — Mme Huet (1913). — M"» Maratuech
(1919).— Mm° Porte (192b).
Les surintendantes portent à l'intérieur de la mai-
son le grand cordon de la Légion d'honneur en
sautoir, mais Mme Ryckebusch est la première des
surintendantes qui ait été décorée de la Légion
d'honneur. Mesdames Huet, Maraluech et Porte ont
le grade de chevalier.
GRANDS CHANCELIERS DE LA LEGION D'HONNEUR
Il y a eu, depuis la création par lionaparte de
l'ordre de la Légion d'honneur, vingi grands chan-
celiers qui furent : Le comte de Lacépède, le célèbre
naturaliste (1803). — Msr de Pradl, archevêque de
Malines (1814). — Le vicomte de Bruges, lieutenant
général (1815). — Une seconde fois, le comte de
Lacépède (1815). — Le maréchal Macdonald, duc de
Tarente (1815). — Le maréchal .Mortier, duc de Tré-
vise (1831). — Le maréchal comte Gérard (1836). —
Le maréchal Oudinot, duc de Reggio (1839 . — Le
maréchal Gérard, pour la seconde fois (1842'. — Le
général de division baron Subervie (1848). — Le
maréchal comte Molitor (1848). — Le maréchal
comte Ëxelmans (1849). — Le général comte d'Or-
nano (1832). — Le général de division Lebrun, duc
,le Plaisance (1853).— Le maréchal Pélissier, duc de
Malakolf (1839'. - L'amiral ftamelin (1860). — Le
général de division comte de Flahaut (1864). — Le
général de division Vinoy (1871). — Le général de
division Faidherbe, membre de l'Institut ^880). —
Le général de division Février '188'.» . — Le - inéral
de division Davout, duc d'Auerstaedt (1895). — Le
général île division Florentin (1901). — Le général
Dubail i I9l8i.
Les portraits des grands chanceliers de l'ordre
sont conservés dans le salon dit • des grands chan-
celiers », au palais de la Légion d'honneur, 64 rue
de Lille, et quai d'Orsay. On se sonnent qu'en 1871,
ce palais a été incendie par la Commune el qu'une
souscription, faite exclusivement parmi les légion-
naires, sur l'initiative du général Vinoy en 1871,
permit de le réédilîer.
Un livre d'or, placé dans le salon des grands chan-
celiers, conserve le nom des personnes qui ont pris
part à cette souscription, qui fut une splendide ma-
. nifestation patriotique.
E. PfiSSABD,
L'ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE
Par Maurice CHEVAIS
:.l MES 1 M i u an l UNS LBS
DE L'ANTIQUITÉ AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE
Eu France, la musique est au nombre des ma-
tières comprises dans les programmes d'enseigne-
menl des écoles primaires élémentaires, des écoles
primaires supérieures, des écoles normales, — des
classes primaires et élémentaires des lycées et col-
lèges.
Les maîtres ont deux tâches à accomplir : ils doi-
vent enseigner des chants à leurs élèves, pour tous
les avantages que présente le chant à l'école, — et
ils doivent faire l'éducation musicale des enfants,
c'est-à-dire entreprendre avec eux une culture vo-
cale, une éducation de l'oreille, une formation du
ijoùt, et, après quelque temps, une initiation à la
lecture de la notation usuelle.
De ces deux tâches, la première est lapins ancien-
nement et la plus généralement acceptée. On fait
chanter dans la grande majorité des écoles.
L'éducation musicale, au contraire, bien qu'en
progrès, est encore très négligée. Elle n'est entre-
prise qu'en un petit nombre d'écoles, et plus rare-
ment encore menée à bien.
C'est cependant cette éducation musicale qui fait
l'objet de notre étude, et c'est elle d'ailleurs dont
l'évolution présente le plus d'intérêt. Car l'évolu-
tion du chant proprement dit reste insignifiante.
L'étude des chants se fait aujourd'hui, presque par-
tout, comme elle se faisait autrefois, par transmis-
sion orale, par audition. L'enfant apprend les chants
d'école en écoutant chanter son maître, comme il
apprend les chansons populaires en écoutant chan-
ter ses proches, — et, d'autre part, la technique du
chant, même dans ses données les plus simples,
continue à être ignorée de presque tous les éduca-
teurs.
Nous reprendrons d'ailleurs plus loin cette ques-
tion du chant à l'école, et il sera parlé de la situa-
tion actuelle de l'éducation musicale.
Mais, — puisque la cause de cette éducation n'est
pas encore entendue, et que bien des maîtres justi-
fient de bonne foi leur inaction en contestant à l'art
musical toute influence heureuse, sociale ou indivi-
duelle, — il nous arrivera, dans cette étude, de nous
attarder à rappeler les affirmations des plus grands
éducateurs et des philosophes sur l'importance de
la musique à l'école, sur la valeur morale et la puis-
sance de ce moyen d'éducation. Il nous arrivera de
montrer ses lettres de noblesse, émanant non pas
de musiciens, nécessairement épris de leur art,
mais de ceux qui ont étudié l'enfance, et qui ont
recherché les moyens les plus propres à élever son
intelligence et son cœur.
Et, si nous croyons utile de rappeler que la ques-
tion de la musique à l'école a préoccupé de nom-
breux esprits parmi les plus grands, nous croyons
plus utile encore, pour d'autres raisons, de citer les
efforts de ceux qui ont entrepris des réalisations, de
faire connaître les méthodes, les procédés, désuets
ou non, des professeurs qui ont enrichi le patri-
moine pédagogique. L'examen des résultats qu'ils
ont obtenus permet de profiter de leur expérience,
de se prononcer plus sûrement sur la valeur des
théories, de prendre à chaque doctrine ce qu'elle a
de meilleur, d'éviter de pousser trop loin des essais
infructueux.
Les actuels créateurs de systèmes d'enseignement
musical, et les créateurs à venir, ont eux-mêmes
grand profit à prendre conseil de l'histoire, à con-
naître la chaîne continue qui les relie avec ceux qui
ont cherché, avant eux, les solutions possibles, puis-
que aussi bien, en pédagogie, « découvrir » ne con-
siste qu'à remettre en lumière, à rajeunir un vieux
mode d'enseignement, ou même simplement à faire
passer dans la pratique ce qui n'était pas encore
sorti de la théorie.
On s'en rendra compte : les théories d'une épo-
que ne correspondent pas aux méthodes usitées
alors. Les philosophes devancent déjà les théori-
ciens. Les propositions des théoriciens devancent la
pratique, et peut-être plus encore en éducation mu-
sicale qu'ailleurs. Aussi, notre aperçu historique de
la pédagogie musicale n'est-il qu'une présentation,
dans un ordre chronologique, des divers systèmes
d'enseignement élémentaire de la musique, présen-
tation toute théorique d'abord, suivie d'un exposé
des essais d'application, des réalisations les plus
heureuses, des premiers succès.
Certes, les philosophes grecs donnaient au mot
musique une signification qui dépasse les limites de
cet art. Pour Socrate, la philosophie n'est que le
point culminant de la musique, et Platon comprend,
sous ce terme, tous les arts du rythme. Il dit :
La musique est La partie principale de L'éducation, parce que
le nombre et l'harmonie, «'introduisant de bonne h
l'âme du jeune homme, s'en emparant, y font entrer a . .. - .;!■
3r.r2
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
la grâce, la beauté, la vertu, et dès l'âge le plus tendre, avant
que l'enfant ne Boit éclairé des lumières de la raison. Et quand
la raison sera venue, il s'attachera à elle, aussitôt, par le rap-
pel l secrol que cet art aura mis entre la raison et lui. [Rèpuliii-
que,\. III.)
Mus on ne saurait douter du grand rôle que les
Grecs attribuaient à la culture musicale proprement
dite lorsqu'ils disaient que l'harmonie el le rythme
ont comme fin dernière de purifier l'âme.
Ahistote part des mêmes constatations pour de-
mander que la musique prenne place dans les sys-
tèmes éducatifs.
Rien n'est plus puissant que le rythme et les chants pour tra-
duire fidèlement les sentiments de l'àme. Il est impossible de ne
pas reconnaître la puissance morale de la musique, et puisque
cette puissance est bien réelle, il faut nécessairement faire
entrer la musique dans l'éducation des enfants. (l'olilii/ue, I. V,
ch. v.)
Tous les citoyens d'Athènes étaient tenus d'ap-
prendre l'harmonique, la rythmique el aussi la mé-
trique en rapports directs avec l'étude de la poésie.
Au pédagogium, les enfants apprenaient même à
jouer d'un instrument. « C'est à treize ans, dit Pla-
ton, que commence l'étude de la lyre. » Les jeunes
filles — qui négligeaient l'éducation du corps et
celle de l'esprit — apprenaient à chanter.
A Sparte, la musique était considérée comme le
principal moyen d'éducation, et comprenait : chant,
musique, danse. Il fallait, en raison des nécessités
de la vie puhlique et de la vie religieuse, des fêtes
ou cérémonies où le chant et la danse se mêlaient
intimement, lui consacrer beaucoup de temps.
On sait que l'étude des divers modes grecs n'était
autorisée qu'autant que ces modes pouvaient avoir
d'heureuses influences sur le caractère et l'esprit.
L'assurance avec laquelle on condamnait certains
de ces modes était, certes, très puérile. Mais nous
pouvons trouver au moins, dans ces jugements, un
témoignage de l'importance qu'on se faisait de la
valeur de la musique comme moyen de conduire les
âmes.
11 y a peu de pédagogie romaine, même générale.
Les enfants de la Hépublique romaine sont ins-
truits dans la famille, et surtout par le père. Ainsi,
non seulement l'exécution chorale est rendue diffi-
cile, niais aussi toute éducation artistique.
Sous l'empire, l'enseignement s'organise. Le chant
y tient peu de place, surtout dans l'enseignement
donné aux hommes libres. On connaît les paroles de
Caton :
i m, appi end au ; fils el aux fill is des pati ioiens des arts tro n-
peurs el déshonnètes. Ils vonl avec les danseurs, le- music s
et les chanteur, dans les ,'■, ■,,|e- de comédiens; ils a]. prennent il
Chanter, Ce nui, d'aine, l'opinion de li„i .ni.-olre . , -| ...--II. .11 -
■ .1 peine âgé de douze ans, exécutant une danse que
l'esclave le plus abject aurait à peine osé exécuter.
Le peuple juif aimait le chant.
On chantait dans le temple de Jérusalem.
Et l'on chanta dans les églises chrétiennes. La
musique lit partie du quadrivium.
Les moines enseignèrent la musique et lurent à
peu pies 1rs seuls à le faire pendant tout le moyen
âge. Quelques écoles de musique religieuse et maî-
trises se créèrent, où se pratiquaient l'étude des
signes de notation, et l'étude du chant grégorien.
Les plus grandes écoles furent celles de Chartres, de
Toulouse, de Paris.
De tous les moyens pédagogiques dont disposait
le moyen âge, les plus connus sont ceux qu'imagina
Gui d'Arezzo, ou dont on lui attribue la paternité.
Gui d'Arezzo est parti d'un désir de faciliter les
études musicales, d'introduire quelque esprit de mé-
thode dans l'enseignement du chant ecclésiastique,
et ses géniales découvertes sont toutes provoquées
par un souci d'ordre pédagogique. Son propre en-
seignement devait être merveilleux de clarté, riche
de comparaisons concrètes. Un exemple, une phrase
de son antiphonaire, permet d'en juger :
« L'octave, dit-il, est la répétition de la même
lettre de chaque côté, comme de B en 6, de C en c, de
D en d, et ainsi de suite. Ces deux sons s'indiquent
par une même lettre parce qu'ils sont de même nature
et d'une similitude très grande. De même aussi les
sept jours de la semaine écoulés, nous les recom-
mençons, de telle sorte que nous appelons toujours
du même nom le premier et le huitième jour, ainsi
nous figurons et nommons de la même manière les
sons à l'octave, parce que nous senlons qu'ils sonnent
entre eux, en vertu d'une harmonie naturelle.
« D'où il suit que le poète a pu dire, avec grande
raison, qu'il y a sept degrés dans les sons, qui, alors
même qu'ils semblent se multiplier, ne constituent
pas une addition, mais une répétition des uns et
des autres. »
Lorsqu'il utilise les syllabes : ut, ré, mi, fa, sol,
la, pour désigner les six sons de l'hexacorde corres-
pondant aux lettres C, D, E, F, G, A, ce n'est pas pour
substituer un nom à un autre, mais pour une raison
d'éducation d'oreille, pour permettre de retrouver
le son de l'une des notes en recherchant l'intonation
correspondante dans une mélodie connue. Et s'il a
choisi, à ce dessein, les phrases de l'hymne de Saint-
Jean, c'est que le son initial de chaque phrase, cor-
respond aux six sons de sa série musicale. Ainsi,
l'exercice constitue, pour Gui d'Arezzo, une excellent
moyen mnémonique.
Il écrit en ellet, dans sa lettre au moine Michel :
«Situ veux fixer dans ta mémoire un son ou un
neume, de telle sorte qu'en quelque endroit que tu
veuilles, dans quelque chant que ce soit, connu
ou étudié de loi, lu puisses le saisir sur-le-champ
et l'articuler sans hésiter, tu dois graver dans ta tète
ce même son ou ce même neume que tu as entendu
déjà dans une autre mélodie. Et, pour chaque son
que lu veux retenir, lu dois avoir en vue une mélo-
die de même sorte, qui commence par la même note
telle que cette mélodie dont j'ai coutume de faire
usage pour l'enseignement des enfants, les plus
jeunes et les plus avancés : L't queant Iaxis ltcso-
nare libris Mira, etc. »
Ce procédé des formules, permettant de retrouver
une intonation, a été repris plusieurs fois depuis,
et nous le retrouverons dans le système du Belge
Dessirier.
C'est encore par désir de clarté que Gri d'Arezzo
utilise une portée, — car, pour lui, une notation
sans lignes ni lettres (les lettres servant de clefs)
ressemble à « un puits sans corde, donl l'eau, même
abondante, ne peut servir a ceux qui la voient ».
Il trace en général une portée de quatre lignes.
Pour éviter toute confusion, il donne à deux de ces
lignes des couleurs différentes aux lignes qui
indiquent la place des demi-tons naturels). Sur les
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE
deux autres lignes il place provisoirement deux
lettres, deux clefs, — jusqu'à ce que l'élève ne s'y
trompe plus. Alors les couleurs ne seront plus néces-
saires, et l'une des deux clefs pourra disparaître
également. *
Ces lignes, qui n'avaient été utilisées jusqu'à lui
que pour guider les copistes, restent donc tracées
pour le chanteur.
Voici un exemple de l'une de ses portées de quatre
Lianes :
(,rtle
gne est verte, et porte ut).
lth t noire, el porte A -
gne est rouge, el porte :
çne est nuire, el porte D i
Sa portée de cinq lignes, du M.nv><<:iii >/■■ Saini-
Evroult (B. N.), est ainsi courue :
(noire, pour A, lu).
(rouçe, pour /'«).
noire, : i
(verte, pour ni .
De cette introduction des couleurs dans le penta-
gramme, introduction qui semble bien due à Gui
d'Arezzo, il sera également lire parti plus tard, et
nous mentionnerons plus loin des systèmes d'ensei-
gnement qui s'y rapportent.
Nous n'avons pas à rechercher ici si Gi'i est bien
l'inventeur du système des muances, ou s'il faut
attribuer ce système à Jean Cotton. L'hexacorde de
Gu: a pu conduire, en tout cas, au système des
muances. Rappelons l'intérêt pédagogique du sys-
tème :
Quand un chant, par son étendue sortait de l'hexa-
corde : ut, rê, mi. fa, soi, la, on opérait une muta-
tion, ou muance, consistant à chanter, sur un même
son, deux noms de notes différents, pour reprendre
les notes de l'hexacorde à une autre hauteur. De
même, on recourait à la muance pour traiter voca-
lement tout intervalle d'un demi-Ion. Cet intervalle,
en effet, devait toujours être compris entre les deux
notes mi et fa, et la muance permettait de l'appeler
mi-fa, en montant, et fa-mi en descendant.
Ainsi, notre gamme diatonique eût été chantée :
Écriture :
Ht, rê, mi, fa, sol, la, mi-fa.
Pour faire exécuter l'exemple suivant
on aurait eu recours aux appellations suivantes :
Ht, rê, mi, fa, sol, la, \
Si le système des muances n'est resté en vigueur
que jusqu'au xvni0 siècle comme procédé de solmi-
sation, il a, jusqu'à nos jours, été l'inspirateur de
procédés pédagogiques qui, bien que s'appliquant
non plus à l'hexacorde, mais à la gamme complète,
présentent avec lui une très étroite parenté.
On pratiqua, aux svueet xvme siècles, a
de transposition déjà très voisin, que Hollivi- dé-
crit dans sa Méthode pour apprendre h
(1780), et qui consiste, quand se présentenl d«S mo-
dulations compliquées, à changer de clef et de toni-
que,. Qu'on ait, par exemple, à solfier en fê bémol,
Kollet place une clef de sol 2« ligne en bête de la
portée, et une armure de cinq bémols. Et aussitôt
après cette armure, il écrit une clef d'ut !'■ ligne, sans
armure, — et la tonique ré bémol est chantée d •. La
phrase sera chantée en ut majeur, le mot ut étant
attribué au son du ré .
La plupart des professeurs qui feront solfier flans
toutes les clefs sur la portée muette (voir plus loin)
pratiqueront la substitution d'une tonique à une
autre, d'une gamme à une autre.
L'école galiniste reprendra ces subslitutions, qui
s'appelleront soudures [latinistes, et s'opéreront à
l'aide de syllabes de mutation, — de muance.
WiLiiE.M, Mme II. Parent, A. GédaLge pratiqueront
ces muances non plus en substituant un nom de note
à l'autre, mais un chiffre chanté à un autre chiffre
chanté, pour préparer la modulation, qui se chan-
tera ensuite avec les noms exacts des sons corres-
pondants.
L'exemple donné ci-dessus conduit aux écritures
et aux appellations suivantes, avec l'école galiniste
et ses continuateurs :
appellailiioins, en chantant
Antre ivnlure
appellations chantées
[Syn*be
rmiUlinii
Amsique le font remarquer LicuTENTiiAL(Di-(V,/îan'i) I ris, 1882,, la gamme chromatique se chante, avec
e iBibliografia delta musica, Milan, 1826), E. David et le système des muances, sur deux noms de degrés
Malhis Lussy (Histoire de la notation musicale, Pa- I seulement, — et les systèmes qui dérivent de ces
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
muances nous ont proposé en effet, pour chanter
une gamme chromatique (la gamme chr. descen-
dante ci-après, par exemple), de dire :
Fa mi . fa mi , fa mi , fa wvi, .
ou Tiurt sept t huit Sept , huit sept .huit sept,
■VIII vil VI11 VH.Vlll Vit, VIII vu,.
Une autre forme de muance est celle que pratique
Uollet (lin du xvme siècle), et qui était sans doute
connue avant lui. Nous y revenons plus loin.
Enfin on attribue également à Gui d'Arezzo l'inven-
tion du procédé de la main musicale. Or, là encore,
il se peut bien que Jean Cotton ait été le premier à
indiquer comment on pouvait compter les notes sur
les doigts de la main. Le procédé a été décrit bien
des fois, et il n'y a pas à y revenir. Il est d'ailleurs
en harmonie avec le système de l'hexacorde et des
muances, puisque les vingt positions correspon-
daient à :
(les muances ou mutations ayant lieu sur les posi-
tions 4-7-8 — li-li-lo).
La main musicale, main harmonique, ou encore
main guidonienne, a vécu aussi longtemps que le
système des muances qui lui est attaché. Elle con-
nut quelques modifications et complications avec
Salomon (xme siècle) et Engelbert (xive).
Puis elle devient la main portée. Le grand Rameau,
en 1760, opérant ou vulgarisant une simplification
pédagogique, conseille l'usage de la main non plus
d'après le système ancien, mais en profitant de l'a-
nalogie que présentent les doigts avec les cinq lignes
de la portée. On tiendra « la main bien ouverte, dit-
il, et le petit doigt vers la terre ». (On sait que,
d'autre part, il propose une simplification dans l'in-
dication des mesures, simplification dont l'enseigne-
ment élémentaire aurait pu profiter.)
De ce procédé de la main portée, bien des profes-
seurs voudront profiter. Wilhem le recommandera,
l'étendra à l'étude des deux clefs usuelles. Toute son
école utilisera la main, sauf les adversaires, assez
irréfléchis, des phonomimies. Bien des traditiona-
listes n'auront pas d'autre procédé que celui-là pour
les exercices d'intonation et de solmisation. Des pro-
fesseurs réussiront à faire chanter leurs élèves à deux
et trois voix en utilisant la main portée.
Les procédés de la portée muette et du solfège sans
clefs, ou du « solfège dans toutes les clefs », se rat-
tachent encore aux découvertes de Gui d'Arezzo, ou
des musiciens de son époque.
La portée de deux lignes, puis de trois, de quatre
et cinq, connut aussitôt les déplacements de clefs
(lettres). Nous avons dit que Gui plaçait des lettres
au début des lignes noires. Les lettres D et A se
trouvaient posées sur les lignes 1-3 ou 2-4. Cela per-
met donc de considérer que, dès l'origine de laportée,
on l'utilisa, suivant les voix, sans attribuer déplaces
fixes aux notes de l'hexacorde.
Sur ces portées, les exercices de solmisation se
(irent soit avec déplacements des clefs, soit sans clef,
par simple déplacement de la tonique ut, — ce qui
revient au même. — Sebalde Heyden (1337), par
exemple, utilise la portée de quatre lignes sans clef,
— et aussi sans note. — Le' maître de chant, de
plain-chanl, touche, à l'aide d'une baguette, une
ligne ou un interligne, fixant ainsi la place de la
tonique. Puis, partant de ce repère, il fait solmiser à
la baguette.
L'abbé Le Bœuf, auteur d'un traité historique et
pratique du chant ecclésiastique (paru en 1741), re-
prend le procédé.
Il écrit : « Le maître touchera sur les lignes et sur
les intervalles blancs (de la portée muettel tous les
chants qu'il voudra; il faut enseigner aux élèves à
descendre et à monter suivant le progrès d'une ba-
guette qui touche tantôt sur une ligne et tantôt sur
une autre; il faudra, pour cela, laisser beaucoup de
blanc entre les quatre lignes. »
Jacob, en 1769, reprend ce même procédé, pour
faire solfier sans clef, à la baguette.
Le procédé sera repris par Galin (méloplaste), par
Wilhem (indicateur vocal), et par leurs continua-
teurs.
Soit comme inventeur, soit au moins comme ins-
pirateur, Gui d'Arezzo tient donc une première place
dans la pédagogie musicale. On voit, en effet, que ce
réformateur génial de l'enseignement de la mu-
sique a contribué puissamment à orienter bien des
créateurs de systèmes vers des pédagogies pratiques.
L'enseignement musical populaire trouvera des
défenseurs et ne sera jamais oublié dans le grand
mouvement intellectuel et artistique du xvic siècle.
Des défenseurs, il en aura parmi les partisans et
parmi les adversaires de la Renaissance; les huma-
nistes, d'un côté, Luther, de l'autre, diront toute
l'importance morale de la musique, toute la place
qui lui revient dans l'éducation des enfants. Une
première introduction de l'enseignement musical
dans les écoles élémentaires est non seulement sou-
haitée, mais parfois réalisée. Le champ des éludes
s'élargit. L'époque de la Renaissance connaît d'ail-
leurs les plus grands progrès dans l'art d'écrire pour
les voix.
Les poètes eux-mêmes favorisent le mouvement
musical, et l'un d'eux, le plus grand, reprenant une
théorie des stoïciens, affirme avec une merveil-
leuse énergie que l'amour du beau — de la musique
— se confond avec l'amour du bien. Cette affirma-
lion de Ronsard est bien connue :
Celuy, — dit-il au roi, — celuy lequel oyaiit un <l n\ u vurd
d'instrumens ou la douceur de la v,.yx naturelle, ne s'en resjouit
point, ne s'en esmeul point et de teste en pieds n'e
point, comme doucement ravy, et si ne sçay cornu:
hors de soy,
pravée, et duquel
tortue, vicieuse,
,iut donner garde, comme de celuy qui
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE
n est point heureusement né. Comment pourroit-on accorder
avec un homme qui de son naturel hayt les accords '? Celuy
n'est digne de voyr la douce lumière du soleil, qui ne fait hon-
neur à la Musique, comme petile partie de celle, qui si armo-
nieusement (comme dit Platon) agitte tout ce grand univers.
Cette phrase de Ronsard, Shakespeare la reprend,
et l'on trouve, dans le Marchand de Venise :
L'homme qui n'a pas de musique en lui-même et qui n'est
pas ému par les doux accords des sons, est fait pour les trahi-
sons, les embûches, et les larcins. Les mouvements de son âme
sont aussi sombres que la nuit, et ses passions noires comme
l'enfer. Déliez-vous d'un tel homme.
Luther, pour qui « la musique gouverne le monde ->,
écrit :
.Si j'avais des enfants, je voudrais qu'ils apprissent non seule-
ment les langues et l'histoire, mais encore le chant, la musique et
les mathématiques [Lettre nui Conseillers îles Etat-: nllemnnils,
pour les engager « fonder îles renies chrétiennes.)
Il dit, ailleurs :
Il faut absolument maintenir la musique dans les écoles.
Il^aut qu'un maitre d'école sache chanter, autrement je ne le
regarde point. Après la théologie, j'accorde volontiers à la mu-
sique la première place et le plus grand honneur.
Il donne ses « directions aux inspecteurs » et or-
ganise l'instruction en Allemagne, en laissant appa-
raître tout le prix qu'il attache à l'éducation musi-
cale. Dans les premières classes élémentaires (en-
fants qui apprennent à lire), il- demande qu'on fasse
chanter. Dans les deuxièmes classes (enfants qui
savent lire), la première heure de l'après-midi, cha-
que jour, sera consacrée à la musique et au chant.
On réunira toutes les classes pour les exécutions
chorales.
Un disciple de Luther en pédagogie, Valentin
Friedland, crée, à Trotzendorf, une école secondaire
où la musique est au nombre des sept matières en-
seignées (latin, grec, dialectique, rhétorique, musi-
que, arithmétique et religion!.
Quelques professeurs appliquent des systèmes
d'enseignement correspondant à des notations nou-
velles, ou à des appellations qui tentent de se subs-
tituer à celles que la pédagogie de Gui d'Arezzo a ren-
dues universelles. Ils méritent d'être nommés plu-
tôt dans une histoire de la notation que dans une
étude pédagogique. Rappelons cependant les noms
de Hubert Waklrant, d'Anvers (né en 1317, mort
en 1393), Van denPutte, Anselme, Bianciierini (1367),
Kalvitz (mort en 1613), Hitzler 1 1628), Antoine Par-
ran (1636), Souhaitty (1677), Sauveur, Roualle de
Boisgelou, Dumas, Demaux.
Aux xvnB et xviii» siècles, le nombre des auteurs
de systèmes « simplifiés » est si grand que J.-J. Rous-
seau peut écrire :
« Le public est aujourd'hui si indisposé contre tout
ce qui s'appelle nouveauté, si rebuté de systèmes et
de projets, surtout en fait de musique, qu'il n'est
plus guère possible de lui rien offrir en ce genre
sans s'exposer à l'elïet de ses premiers mouvements,
c'est-à-dire à se voir condamné sans être entendu. »
Est-ce bien R. de Boisgelou qui eut le premier l'idée
de donner un nom différent à chaque son de la
gamme chromatique? Il est difficile de le dire. Ceux
qui ont décrit les procédés ou qui en ont conseillé
la pratique, n'en sont pas nécessairement les inven-
teurs. D'ailleurs, la bocédisation de Hubert Wael-
rant, la proposition de Hitzler en faveur de syllabes
qu il jugeait plus euphoniques [la, be, ce, de, me, fe,
ge\ acheminaient les novateurs vers des séries de
syllabes se rapportant aux douze sons de la gamme
chromatique.
Boisgelou proposa de chanter :
ut de ré ma mi fa fi sol be la sa si
Sa proposition eut moins de succès que l'idée elle-
même, qui fut très souvent reprise.
Les Allemands, utilisant les appellations de l'al-
phabet pour la série non altérée, adoptèrent les
terminaisons is pour les sons diésés, es pour les sons
bémolisés.
Cis, dis, cis, fis, gis, nia, his (notes diésées).
Ces, des, es, fes, ges, as, B (notes bémolisées).
Les Anglais eurent leurs terminaisons. Framery,
vers 1783 (auteur d'un dictionnaire de la musique),
propose :
Ta, ra, ma, fa, sa, la,ja... pour les sons « dits »
naturels.
Te, re, me, fe, se, le, je... pour les notes diésées.
To, ro, mo, fo, so, lo, jo... pour les notes bémo-
lisées.
Miss Gloveb, vers 1812, dans son système de
Tonic-sol-fa qui représente les sept fonctions de la
gamme majeure par les sept lettres initiales : d, r,
m, f, s, I, t, fait usage des mêmes terminaisons, en
modifiant leur attribution. Elle utilise :
de, re, me, fe, se, le, te pour les dièses.
da, ra, ma, fa, sa, la, ta pour les bémols.
Galin utilisera la finale è pour les dièses (té, rè,
mè,...) eu pour les bémols (teu, reu, meu...), iè poul-
ies doubles dièses, ieu pour les doubles bémols.
Et l'idée sera reprise aussi par MM. Menchaca, Fré-
mond, Eïqueh (méthodes chromatiques).
L'année 1742 voit paraître le mémoire de J.-J. Rous-
seau sur la notation chiffrée, proposée pour faciliter
l'étude de la musique.
« J'en appelle, dit J.-J., à l'expérience sur la peine
qu'ont les écoliers à entonner, par les noms primitifs,
des airs qu'ils chantent avec toute la transposition,
pourvu toujours qu'ils aient acquis la longue et né-
cessaire habitude de lire les bémols et les dièses des
clefs qui font, avec leurs huit positions, quatre-vingts
combinaisons inutiles et toutes retranchées par ma
méthode. »
En premier lieu, dit-il pour bien marquer son
intention pédagogique, en premier lieu, la musique
sera du double ou du triple plus facile a apprendre.
Tout le monde excepté les artistes, dit-il encore,
ne cesse de se plaindre de l'extrême longueur
qu'exige l'étude de la musique.
Son Mémoire à l'Académie des sciences établit donc
la nécessité d'une réforme dans l'écriture musicale.
En 1743, paraissait sa Dissertation sur la musique
moderne où il exposait son système. Enfin, son Dic-
tionnaire de la musique paraissait en 1767.
On y trouve un exposé succinct, mais concis, de ce
système chiffré. En réalité, l'article Xotes a été écrit
bien avant 1767, peut-être même en 1730, en tout
cas assez de temps après la création du svstème de
notation pour que Rousseau en saisisse avec netteté
les avantages et les inconvénients.
Ce système a été décrit dans le tome I, deuxième
partie de Y Encyclopédie (pp. 397-398-399-400), et
nous n'y reviendrons plus loin que pour en souligner
les dispositions pédagogiques et le principe modal.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Od sai* qu'il n'obtint aucun succès du vivant de
l'auteur. Jean-Jacques le condamna lui-même, ou à
peu près, en ces termes :
Mais comme, au fond, tous ces systèmes, en corrigeant d'an-
ririi- defauLs iiuvpicU >>n e-i lout accoutumé, ne faisaient qu'en
-uii-iiiurr d'au tir < iluut i ' 1 1 : i ) ■ i [ 1 1 < 1 ■> est nie, ne :'i p rendre, je pense
que le public a tri'S SapaiH'llI l'ail de Ial-,..T les chu-r- m, >
elles sont, et dé nous renvoyer, nous et nos systèmes, au pays
des vaines spéculations.
Cependant, peu de temps avant sa mort, Jean-
Jacques Rousseau disait :
;„>lll
Nous arrivons au xi.v siècle.
L'enseignement musical va recevoir de vigoureuses
impulsions grâce à Wilhem et à son école, aux suc-
cesseurs de J.-J. Rousseau, — à Galin surtout.
11 y a progrès dans l'opinion des écrivains. Au
xvne siècle encore, un Fénelon avait pu redouter les
effets de la musique clans l'éducation des filles, affir-
mer qu'une mélodie « efféminée » est pernicieuse,
et que « le plaisir qu'elle procure est empoisonné ».
C'est maintenant l'époque où Mme de Staël con-
teste que la musique puisse être malsaine. <• La
langue musicale, dit-elle, a l'heureuse impuissance
d'exprimer un sentiment bas et de mentir. » File
ajoute : « Le malheur même, dans cette langue, est
sans irritation et sans amertume. »
Bien sûr, à côté des réalisations de quelques grands
apôtres de l'éducation musicale populaire, la plu-
part des éducateurs se borneront longtemps encore
à émettre des vœux platoniques, à rappeler la valeur
éducative de l'art, sans aller jusqu'à marquer sa
place dans les programmes scolaires. Et, parmi ceux
des pédagogues français qui auront le plus grand
désir d'aboutir à une réelle organisation des études
musicales, parmi ceux qui, s'inspirant des pensées
de Montaigne, porteront leur attention non plus seu-
lement sur la matière à enseigner, mais sur la ma-
nière d'enseigner, parmi ceux-là, même, qui voudront
descendre dans la pratique, il en est fort peu qui
essayeront de trouver une méthode propre aux en-
seignements artistiques.
Cependant, puisqu'il s'agit du xix= siècle, nous ne
pourrions plus nous contenter de signaler à leur
apparition les procédés d'enseignement, car nous
nous trouvons, dès la première moitié du siècle, en
présence de systèmes complets d'éducation musicale,
groupant toujours, autour de chaque théorie, plu-
sieurs novateurs illustres ou professeurs en renom.
Et c'est pourquoi, renonçant à faire l'exposé chro-
nologique des étapes parcourues dans l'évolution de
l'enseignement musical, nous essayerons plutôt de
mettre en lumière, avec leurs caractères propres, les
divers systèmes pédagogiques qui ont été appliqués
en France, et dont dérivent toutes les tendances
actuelles.
LES MÉTHODES
Méthodes intellectuelles. — Wilheui et son
éeole. — Les études théoriques et le solfège
dans tontes les ciels.
L'esprit de méthode et d'organisation dont Wil-
hem1 et ses continuateurs ont fait preuve, les grands
services qu'ils ont rendus à la cause de l'enseigne-
ment musical populaire, leur donnent hautement
droit à la gratitude des amis de la musique et de
l'enfance. Et si les pédagogies modernes s'éloignent
de la lipie tracée par ces fondateurs de l'enseigne-
ment musical, il est hors de doute qu'elles ne peu-
vent le faire qu'avec prudence, en considérant tous
les progrès que la méthode Wilhem a rendus possi-
bles. Il y a évolution, mais l'évolution actuelle profile
des indications de cette école de 1830, et, après un
siècle passé, il convient d'attribuer à Wilhem l'élan
même dont nous profitons aujourd'hui.
Faut-il, pour enseigner la musique aux enfants,
partir des données théoriques et s'appuyer sans cesse
sur elles, faire surtout appel à l'intelligence et aux
facultés de raisonnement, ne pas permettre un pas
en avant sans expliquer et définir? Faut-il conduire
vers l'art musical par le chemin de la science musi-
cale, chercher une progression dans l'enchaînement
théorique, rationnel, des faits musicaux? Et — à con-
sidérer le but à atteindre — doit-on viser avant tout
à donner une solide instruction musicale théorique
aux enfants des écoles, allant jusqu'à la connais-
sance de toutes les clefs?
C'est ce qu'ont cru Wilhem et ses adeptes, à une
époque, d'ailleurs, où tous les enseignements récla-
maient, dès le seuil, un volontaire etfort d'attention,
— où l'intérêt était plus rarement sollicité, — où
l'on considérait bien plus la matière à enseigner que
la façon de renseigner, et que l'enfant, le sujet à qui
on devait l'enseigner.
Pour Wiluem, le premier degré de l'instruction
musicale est celui de l'éducation de l'oreille, et aussi,
après quelque temps, celui de la lecture, donc de
l'élude des signes de notation et de la théorie — et
aussi de l'exécution vocale (ou instrumentale).
Le second degré comprend l'étude des formes mé-
lodiques, rythmiques, harmoniques et l'analyse du
discours musical, et le troisième degré l'étude de la
composition. C'est donc là un vaste programme, qui
sort vile du cadre scolaire, et qui souvent d'ailleurs
semble conçu pour des adultes, pour ceux qui peu-
vent avoir profit à connaître et à comprendre l'ex-
plication théorique de tout ce qu'ils font.
Nous examinerons seulement cette partie de la
méthode qui concerne l'initiation musicale, et les
études préparatoires. On y verra que 1rs enseigne-
ments théoriques ne font pas oublier la nécessité
première : l'éducation de l'oreille des enfants. On
verra aussi que, par ce côté, Wiluem est un moderne,
poussant l'audace jusqu'à recourir à des procédés
d'intonation d'où sont exclus les signes de notation
usuelle et la portée de cinq lignes,
Et l'on s'apercevra, à bien connaître Wiluem, que
nul peut-être n'a fait autant île recherches pour en-
richir sa méthode de tout ce qui pouvait la rendre
plus féconde en résultats. Il alla même, lui qui eut
à rompre des lances avec Galiw et ses partisans,
jusqu'à utiliser les chifires, arabes el romains, —
et jusqu'à faire chanter les gammes sur les mots :
un, deux, trois, qua.tr', cinq...
en partant de n'importe quel son pris comme Ioni-
que. Il y trouva une Utilisation plus logique du sys-
tème de J.-J. Rousseau et de Cm. in, un moyen de
traiter les modulations sans cesser d'appeler In le
son du diapason. Il ne s'attache pas exclusivement
à ce procédé qui.au milieu de t.itit d'autres, rf'esl
qu'un relief de festin, et qui contraint à recourir
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3637
trop souvent aux degrés conjoints, mais, en em-
pruntant aux galinistes et à tous ses devanciers, en
faisant, sans parti pris, un choix de procédés, en
indiquant toujours l'origine de ses emprunts, il se
montre bien plus soucieux de l'intérêt général que
de sa propre gloire, et bien digne de « faire école ».
Les « Etudes préparatoires » et celles du « Pre-
mier Cours » comprennent deux séries d'exercices :
1° Exercices des préparations vocales :
à l'aide a) de l'escalier vocal;
6) des signes manuels;
c) des échelles chiffrées, gamme et accord
parfait.
2° Exercices d'étude des signes de notation :
à l'aide d) de la main musicale;
e) des portées muettes avec ou sans clefs;
/') de l'indicateur vocal;
g) des procédés d'étude des intervalles;
h) des procédés de métrique et de rythmique.
a) L'escalier vocal, échelle oblique, remplacée par-
fois par un simple mât où figurent des noues, se
trace au tableau noir. La baguette du maître se dé-
place sur cette échelle oblique, et l'élève solfie, voca-
lise, ou chante cb's paroles, en même temps qu'il
exécute, avec la main droite, des « signes manuels » :
b) Les signes manuels, dit Wilhem, ci consistent à
représenter ostensiblement l'intervalle de ton, par
le mouvement, élevé ou abaissé, de la main droite
entièrement ouverte (la paume de la main étant
tournée vers la terre); le demi-ton se marque par la
main à demi fermée.
Les élèves utilisent ces gestes lorsque le maître
conduit, à la baguette, avec l'escalier vocal, les exer-
cices cités plus haut. Ou bien ces gestes permettent
la solmisation (sans secours d'autre chose) sous la
direction d'un moniteur, qui mime les sons, et que
les élèves imitent.
(Ce procédé de Phohomimie naturelle, ou phonomi-
mie élémentaire, & été repris. M.Cappe l'indique dans
VEcole nationale, journal pédagogique belge. Itabd
et Seguin y auront recours, i
M.Jacques Dalcroze utilisera également les signes
manuels.
Nous les préconisons, nous aussi (voir Avant le
solfège, chez Leduc), car ce procédé très simple, qui
associe les hauteurs de sons à des gestes ascendants,
descendants ou stationnaires, — permet d'excellents
exercices d'intonation, d'appui mental, de solmisa-
tion à une et deux voix, et surtout de dictée, — abou-
tit à la création d'automatismes qui favorisent la
justesse d'émission et la justesse d'audition, et offre
surtout au maître un précieux moyen de contrôle
(par l'exercice de dictée pratiqué les yeux fermés!.
Il a l'avantage de faire découvrir, et de faire agir,
— et l'emporte, en valeur pratique et en attrait, sur
le procédé de la Martinière.
c) Les échelles chiffrées remplacent l'escalier vocal.
Wilhem a recours à deux espèces de chiffres, les
notes tonales étant indiquées en chiffres romains.
La gamme s'écrit :
1 2 3 IV V 6
I iou VII
Il fait chanter ces chiffres, en « changeant l'éléva-
tion du chiffre I » comme seraient d'abord ut, puis
fa, puis si h grave, etc.
Ainsi, dit Wilhem, « quel que soit le degré d'élé-
vation du premier son de la gamme chiffrée,les deux
demi-tons sont toujours entre 3-1V et 7-1 ».
— ♦- v
Chiffres de
1 ACCORD
PARFAIT
Wilhem considère donc le chiffre comme représen-
tant un degré de la gamme diatonique, et non une
note de la gamme d'ut majeur par exempte. « Alors,
dit-il, le nom de chaque chiffre annonce le rang de
la note qu'il sonne (dont il indique le son). »
Les exercices se font à la baguette, ou par gestes.
Les gestes, comme les chiffres, se rapportent donc
aux degrés de l'échelle majeure, et non plus aux
notes du ton de do majeur.
de l'accord parfait de tonique sont isolés. Le maître
fait exécuter divers exercices à la baguette sur l'ac-
cord parfait, et réaliser l'accord par trois groupes
d'élèves qui, à un signal donné, font des échanges
de notes.
d) La main musicale (dont il a été question plus
haut), est l'un des procédés les plus chers a Wilhem.
Ce n'est pas sans fierté qu'il se dit être le premier à
« établir les deux mains en rapport avec la portée
générale des voix », à « leur attribuer des places
diésées ou bémolisées, au moyen desquelles on peut
toucher des chants modulés, analyser les diverses
espèces d'intervalles et composer les gammes dans
les deux modes », « à faire emploi d'une clef d'ut
mobile sous forme d'anneau, pour lire sur la main
aux diverses positions de cette clef, comme cela se
pratique avec les clefs mobiles de l'Indicateur
vocal ».
La main-portée de Wiluem permet donc :
ln la solmisation en clef de sol usuelle (main
droite) ;
2° la solmisation eu clef de fa S* ligne (main
gauche) ;
;!,;:!.
XCVCLOPÉDIE DE LA MUStQUE ET DICTlOS'NAItlE DU COXSERVATOIliE
3° la solmisation, en l'une ou l'autre clef, avec #
el h (main cliromatique);
4° la solmisation dans toutes les clefs (par dépla-
cement de l'anneau).
c) Les portées muettes ont le même usage que les
mains musicales, et l'on touche les notes, sur ces
portées, à la baguette, comme on touche les doigts
de la main.
Là encore, les élèves s'exercent à lire sans clef, ou
dans toutes les ciels. Mais Wilhem s'attache surtout à
Faire connaître les notes de la portée de onze lignes,
c'est-à-dire à faire lire dans les deux clefs du piano.
Son grand procédé mnémonique, pour l'étude des
notes est formulé ainsi :
« Les notes séparées par des intervalles impairs,
comme la tierce, la quinte, la septième (notes :
1-3- V-7) ont des positions analogues :
« elles sont de ligne en ligne, ou d'interligne en
interligne, comme de doigt en doigt, ou d'entre-
doigt en entre-doigt » :
P C'est une constatation sur laquelle Wilhem revient
sans cesse, pour aider à lire dans toutes les clefs,
par déplacement (mental) de la noie ut.
Mais, le maître, au lieu d'indiquer la ligne qui doit
recevoir ut, peut aussi bien désigner une ligne qui
sera celle de sol, de mi, de la, de fa, et ce sont les
élèves qui, descendant ou montant l'ut, situent im-
médiatement les cinq ou six repères :
fa la ut ml sol si
IV
f) L'indicateur vocal permet de pousser plus loin
encore les procédés de lecture dans toutes les clefs,
de transposition, d'étude des tonalités. Cet indica-
teur vocal est dessiné sur une planche percée de
trous (trois séries de quinze trous représentés sur la
figure ci-dessous). Dans ces trous peuvent se placer
des chevilles pourvues, en leur extrémité, de signes
représentant les degrés :
1 2 (ou 9) 3 IV V C -, VIII
.'.m les clefs :
-% -m- ^h
A l'aide de ces clefs mobiles, et des notes égale-
meui mobiles, on peut indiquer, pour chaque voix,
ia gamme qu'on veut utiliser. Le maitre louche, à la
baguette, pour faire chanter ses élèves, les li^nrs on
interlignes, dans l'une des trois cases (case aux notes
dites nalurelles, case des dièses, case des bémols).
(Ces trois cases correspondent aux trois phalanges
des doigts, dans la main chromatique de V\ ilhew :
(2) on
(2.)Noii
Notts béniol isies] Notes d ites natuc-ellesj Notes di_è i èes
OOO
o ! o : o
0
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
o
OOO
OOO
g) Procédés d'étude des intervalles. Sur la main
portée et sur la portée muette du tableau, se fait l'é-
tude de chaque intervalle avec les noms de notes et
avec les chiffres.
Soit à étudier la quinte juste. Le maitre fait remar-
quer que, pour la quinte, intervalle impair, les notes
extrêmes ont des positions semblables (elles sont
sur deux lignes ou en deux interlignes). On chante :
do, ré, mi, fa, sol, — un, deux, trois, quatr', cinq,
ih', sol, — un, cinq.
VA on chante, un degré plus haut :
ré, mi. fa, sol, la, — un, deux, tiois, quatr'. cinq, —
rt . la, — un. cinq.
El ainsi de suite, en partant de mi, de fa, de sol
el de la.
h) Les procédés de métrique et de rythmique occu-
pent une grande place dans les ouvrages d'enseigne-
ment de Wilhem. 11 croit être logique en faisant
commencer sa métrique par l'étude de la mesure à
quatre temps, sans doute parce que l'unité de valeur
est la ronde et que la ronde occupe entièrement une
mesure à 4 4. Ce début semblera logique d'ailleurs,
après Wilhem, à bien des auteurs de solfèges. Le rai-
sonnement est vicieux, el la simplicité pédagogique
demande qu'on débute par la mesure la plus simple,
celle que nous donne la marche, la mesure à deux
temps.
Wilhem fait donc battre la mesure à quatre temps
en faisant dire : lion, on, on, onà", ou : hlan-ancli ',
blan-anch', ou : Voir', noir', noir, noir', et repré-
sente graphiquement cet exercice de la façon sui-
vante :
ond (A-)
» anch' (4)
• Noir (3
Noir'(l)
TECII.XIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A LÉCOLE 3r,.",n
Cette analyse rythmique s'étend à loules les combinaisons pour le temps et ses multiples :
II-
On analysera ainsi : flon-on-on-ond'.
— JB/an-aneh', bl an-an cl
Noir', noir', noir' noi
— BJon-anch'-point, noir
Mais Wilhem ne pousse pas plus loin son système,
et préfère, pour la division des temps, faire compter
ces divisions.
Continuant dans le sens qu'il a tracé, MM. Drouin,
Baudot, ont utilisé beaucoup plus loin les propres
— B!an-a.nc)i', noir', noir'.
BZan-anch'-3-4 |
— ilon-on-ond', | 1-2-3-4 |
— Noir', deux, noir' quatr'.
dénominations des valeurs, pour les mesures h 2 4,
3/4, 4/4,' c'est-à-dire pour celles qui suffisent aux.
jeunes élèves pendant les premières années. Ces
ainsi qu'ils ont fait dire :
TTliJi rn-ù
li-J — i i l-J J J J J I i S i. J 1 | i. tj
Nqir' cro-che Noir' Dou-ble-cro-che Croche Tri-o-let Noir-' l
Peut-on traiter ainsi toutes les divisions du temps'.'
Non, sans doute. Mais l'étude des doubles croches et
des triolets suppose déjà des élèves capables de se
passer d'analyser autrement qu'en solfiant, et l'on
verra que les langues des durées, qui ont voulu ré-
soudre tous les cas, ont dû proposer des complica-
tions demandant, pour être étudiées, bien plus de
temps qu'il n'en faut pour traiter directement les
rythmes qu'on rencontre dans les solfèges scolaires.
La lecture rythmique est indiquée également dans
les ouvrages de Wilhem. Les élèves nomment les
notes en mesure en leur donnant leur durée.
Ce procédé est le moins intéressant, et le moins
musical. Lorsque les élèves ont déjà quelque intona-
tion, et lorsque le maître sait utiliser des suites na-
turelles de sons (celle des sons de l'accord parfait,
celle des sons de la gamme) les élèves peuvent, —
après avoir analysé rythmiquement, — lire en asso-
ciant les deux éléments : hauteur et durée On ne
saurait reprocher à Wilhem son grand souci d'isoler
toutes les difficultés. Mais on peut justement cons-
tater que l'exercice qui consiste à lire rythmique-
ment les notes, — c'est-à-dire à tenir compte à la
fois des noms de notes et des durées, — est déjà un
exercice de synthèse. Aussi, pour diviser ces diffi-
cultés, il est sage de s'en tenir d'abord à la seule
analyse rythmique qui ne porte que sur les noms
des durées (voir plus haut), — puis, sans passer par
la lecture rythmique, 'd'en venir à la solmisation, à
la lecture chantée.
Les lectures des mélanges, par contre, offrent des
avantages. Wilhem écrit, au tableau noir, les diver-
ses combinaisons possibles à deux, ou trois, ou
quatre temps. Il écrira, par exemple, à 4/4 :
Il demande aux élèves d'exécuter une gamme, en
montant d'un degré à chaque mesure. En même
temps, il montre, à la baguette, l'une des mesures
du tableau. Les élèves chanteront donc la gamme en
se servant du rythme indiqué.
Si le maître, ou le moniteur, indique successive-
ment les mesures 3, 5, 7, 2, 4, 1..., les élèves chan-
teront :
Le maître peut d'ailleurs, au lieu de demander
une gamme, indiquer une suite de sons par signes
manuels.
Wilhem est l'un des premiers à s'occuper aussi de
culture vocale, sans donner d'ailleurs d'indications
vraiment pratiques sur ce point. Mais on a pu voir,
par tout ce qui précède, la richesse de ses enseigne-
ments, — et il n'est pas étonnant que tant de créa-
teurs de systèmes n'aient l'ait que rajeunir le système
du grand Wilhem. Ce système, il put longtemps le
mettre à l'épreuve, et avant même de l'exposer pu-
bliquement, il put le compléter, le simplifier, le
modifier, l'adapter à l'enseignement mutuel dont la
forme l'avait si vivement séduit.
11 obtint de tels résultats qu'il fut nommé profes-
seur, puis directeur de l'enseignement du chant dans
les écoles élémentaires de Paris (1826).
En 1830, la musique était enseignée dans dix éco-
les parisiennes.
En 1833, création de l'orphéon. Wilhem rassemble
périodiquement des enfants des écoles élémentaires
et les fait chanter. Il crée ensuite des orphéons ana-
logues avec les élèves des cours d'apprentis et avec
des adultes ouvriers, puis avec les élèves de divers
départements.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
En [833, le conseil municipal de Paris nomme
Wilhem h directeur inspecteur général du chant »,
cl lui demande d'organiser son enseignement dans
trente écoles nouvelles.
En 1836, étaient créés, à Paris, dans trois arron-
dissements, des cours d'adultes gratuits de chant,
confiés à Wilhem et à son disciple Hubert. Le Conseil
Iioyal de l'instruction publique décidait que le chant
prendrait place dans l'enseignement universitaire.
En 1830, Wilhem devient « délégué général pour
l'inspection universitaire du chant ». Il meurt en
1842.
Son biographe dit :
Une foule considérable d'enfants dos écoles, Je jeunes gens
îles cours d'adultes, suivait le convoi qui allait grossissant a
c-'n:o[ue pas .|u, ui,l on ;i|i|jrenait que c'était celui du maître de
chant des ouvriers. A l'entrée du cimetière (Pere-Lachaise), les
répétiteurs des écoles demandèrent comme un honneur de porter
le corps jusqu'à la tombe.
Si Wilhem a quelque peu perdu de sa gloire, si ses
ouvrages sont oubliés, si sa méthode d'enseignement
a vieilli, si ses exigences solfégiques ne sont plus
les nôtres, il n'en reste pas moins le glorieux « im-
portateur » de l'enseignement du chant dans les
écoles françaises, et le fondateur de l'orphéon.
Ses adeptes et disciples furent Delaporte (1818-
1886), Choron, Ed. Jue, Hubert.
Alexandre-Etienne Choron (1772.-1834) écrivit di-
vers ouvrages d'enseignement musical primaire, fut
directeur de l'Opéra, et renonça à ses fonctions en
1817 pour fonder une école de chant choral, créer
divers cours gratuits et diverses sociétés orphéoni-
ques, et enseigner avec foi.
Edouard Jue passe plus souvent pour un disciple
de Galin que pour un adepte de Wilhem. Cependant,
l'importance qu'il accorde aux exercices sur portée
muette, dans toutes les clefs, ne le rattacherait à
Galin que par le méloplaste, et non par les autres
théories galinistes, qu'il a sans doute adorées d'a-
bord, brûlées ensuite. Il appliqua à la portée
muette, pour cette lecture dans toutes les positions,
et pour la transposition, une notation transposilive
qu'il appela monogammique, toutes les gammes se
trouvant ramenées à une seule gamme, par ce sys.
tème. C'est dans une histoire de la notation que la
séméiographie d'Edouard Jue pourrait être rappelée.
Disons qu'elle n'est, à ses yeux, qu'un procédé péda-
gogique transitoire, et que Jue déclare qu'il est né-
cessaire de conduire tous les élèves à la connais-
sance de la notation usuelle. Il eut un grand succès
à Paris à partir de 1824, et un succès moins grand à
Londres.
Hubert succéda à Wilhem en 1842, comme direc-
teur inspecteur général. Il démissionna en 1852 et
fut remplacé par Ch. Gounod.
La prospérité de l'orphéon nécessita, vers |xr„i,
la constitution de deux groupements, que dirigèrent
François Bazin et Jules Pasdeloup. 11 y eut en France
plus de trois mille sociétés chorales, groupant cent
quarante mille chanteurs. Le déclin de ces sociétés
commença avec la guerre de 1870. Par contre, le
nombre des sociétés instrumentales s'accrut à peu
près régulièrement. S'il n'y a pas à s'étendre sur ces
divers points, il convenait au moins de mentionner
le bel élan que Wilhem sut imprimer à l'institution
qui lui est due.
Bien des professeurs — surtout dans les écoles de
musique et les conservatoires — persistèrent, long-
temps après Wilhem, à utiliser les procédés qu'il
avait repris et vulgarisés, — et notamment le pro-
cédé de lecture sur la portée muette, dans toutes
les clefs, avec déplacement de la tonique sur le pen-
tagramme. Cependant, on y renonça peu à peu, et la
lecture dans toutes les clefs disparut même du pro-
gramme des classes de solfège (chanteurs) des con-
servatoires.
L'école primaire renonça de bonne heure à ensei-
gner autre chose que les positions en clef de sol
usuelle, et le procédé de la main musicale ne fut
retenu qu'en faveur de son application la plus sim-
ple, avec position fixe des sons de la gamme d'ut.
M. Radiguer reprit la plupart des procédés de
Wilhem dans ses cours de préparation au chant
choral.
A. Gédalge (1836-1026) ne s'éloigne pas lui-même
de cette méthode. Par les mêmes moyens, gammes
chiffrées et chiffres chantés, il conduit à la lecture
sur portée, avec usage simultané de toutes les clefs.
Dans son système, les premiers exercices se font
donc, non pas sur une gamme particulière comme
celle d'ut majeur, mais en utilisant une liguration
générale, chiffrée.
A. Gédalge a recours non plus seulement aux
quatre chiffres romains de Wilhem, mais aux chiffres
romains exclusivement (I, II, 111. IV, V, VI. VII,
VIII), pour mieux marquer son intention de repré-
senter l'échelle garnmale générale, et » le rang >
des degrés, suivant l'expression de Wilhem. 11 l'ail,
lui aussi (et nous retrouverons ce procédé dans le
système de Mme Parent), chanter les dénominations
numérales : un, deux...
Il accorde une grande place aux suites de sons
conjoints, et à la différenciation des tons si demi-
tons. Ces sons conjoints permettent d'épeler les
intervalles, en allant d'un degré numériqu. à an
autre. L'étude des intervalles se fait ensuite par un
procédé qui modifie celui de Wilhem. Alors que
Wilhem fait chanter, pour l'étude de l'a quinte, les
noms des chiffres sur les sons :
do, sol, — ré, la, — mi, si...
A. Gédalge fait chanter ces noms (un, cinq, — clèux,
six, — trois,sept, — ...) sur deux mêmes son.s distants
d'une quinte juste (do, sol, par exemple).
Les exercices avec sons conjoints conduisent aussi
aux modulations par un système de muance et de
soudure (déjà expliqué, voir page 3633), système
Consistant à substituer le nom d'un degré a un
autre nom. L'exécution première se l'ail en i b mi, mi
les chiffres. On chante ensuite les noms fixes des
sons correspondants (voir pages 3633 et 363'*).
C'est à cette même théorie des muances qu'a re-
cours A. Gédalge pour l'exécution des suites de
demi-tons. Le demi-ton se représente toujours par
les chiffres (3, 4 ou 7, 8 en montant, 4, 3 ou 8, 7 en
descendant). Pour exécuter une gamme chromati-
que, on chantera donc douze fois les intervalles :
trois, quatre, — ou sept, huit. (Voir l'exemple de
gamme chromatique descendante, p. 3034.)
Aux exercices préparatoires de formation d'o-
reille, — pratiqués comme il a été dit sans uv.wi-
rir à la notation usuelle, — succèdent les exercices
de lecture sur la portée, sans clef. A. Gédalge veut,
aussitôt, habituer l'enfant, par déplacemenl de la
onique sur le penlagramme, à lire dans toutes les
positions.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE m
II reprend à cet effet la règle qu'applique Galin,
pour faire lire sur son méloplaste, et que Wilhem
formule ainsi :
« Les notes séparées par des intervalles impairs,
de tierce, quinte, septième, ont des positions ana-
gues sui' la portée... » (Voir page 3638v)
Cette même constatation est parfois rédigée sous
cette forme :
« Le son I étant sur une ligne, les sons 3, o, 7,
dans l'ordre ascendant, se trouvent également sur
des lignes. »
La réserve que nécessite cette autre rédaction,
•( dans l'ordre ascendant, » souligne son infériorité
pratique.
Les exercices sur portée ont lieu d'abord avec
intonations chiffrées, ensuite avec le nom des notes.
Ces exercices comportent : lecture à une voix, à
deux voix (à l'aide de deux baguettes), étude des
tonalités, modulai ions, transposition.
La progression établie par A. Gédalge, en ce qui
concerne les hauteurs de sons, n'est pas celle de
Wilhem, quoiqu'elle parte du degré conjoint et de
la différenciation des tons et demi-tons. Elle aborde
la gamme, puis l'octave, la quinte, le ton et le
demi-ton, la gamme chromatique, les tierce, quarte,
sixte, septième, accords, tonalités, et cette progres-
sion se termine par l'étude de la gamme mineure.
Certes, aucun autre système ne retarde à ce point
l'étude de la modalité, et l'on verra quelle place lui
est accordée par l'école galiniste, école de musique
modale.
Mais A. Gédalge reste aussi longtemps que pos-
sible éloigné d'un écueil que l'école galiniste a évité.
Il base, en effet, l'étude de la tierce majeure sur l'in-
tonation des degrés I, II, III. 11 identifie l'intonation
de cette tierce a l'intonation de ce rapport, intona-
tion de I, III, qu'il déclare constante, i l cependant!, il
chiffrera également I, III la tierce mineure ef fera
chanter sur « un, trois, cinq » les sons de l'accord
parfait mineur.
L'école galiniste, au contraire, conserve sur ce
point des rapports intangibles. Eli' atft . sams
exception, les chiffrages 1, 3, — \, 6, — a, 7, à Va
tierce majeure, — et les chiffrages 2, i, — 3, ">, —
6, 1, aux tierces mineures.
9a gamme mineure est invariablement chiffrée :
6
Comme la méthode Wilhem, la inétijn.ie A. Gédalge
s'appuie constamment sur l'explication théorique,
— plus encore, même, que la méïfcode Wilhem,
qu'elle développe longuement, jusqu'à présenter le
détail des comparaisons.
C'est donc bien une méthode d'intelligence, qui
s'attache h faire comprendre tous les faits musicaux,
et à conduire aussi loin que possible l'entraînement
visuel ou solfégique.
Et c'est aussi une méthode intelligente, en ce qui
concerne l'éducation de l'oreille par les hauteurs de
sons. En revanche, elle reste inférieure à la méthode
Wilhem pour celte autre partie importante qui se
rapporte aux durées des sons, à la métrique, à la
rythmique (où d'autres méthodes modernes excelle-
ront à présenter des exercices de grande valeur édu-
cative), — et elle ne s'attarde pas à la culture vocale
proprement dite, de laquelle, cependant, dépend la
culture du goût musical.
Les conseils et constatations pédagogiques de va-
leur sont nombreux sous la plume de A. Gédalge.
C'est d'abord cette affirmation que tous les enfants
peuvent profiter d'un enseignement, musical bien
ordonné, que toutes les oreilles sont susceptibles
d'éducation. C'est cette autre affirmation que l'édu-
cation musicale gagne à être entreprise, avec les
jeunes enfants, sans recourir à la notation sur por-
tée, qui exige trop d'attention visuelle, au détriment
de l'attention auditive. C'est cette heureuse remar-
que en faveur de leçons très courtes (un quart
d'heure ou vingt minutes), mais fréquentes, quoti-
diennes si possible.
La méthode a été expérimentée dans les conser-
vatoires et en quelques écoles primaires. Dans le-
quel de ces deux cadres se trouverait-elle vraiment
à sa place? C'est ce que nous n'avons pas à indi-
quer ici.
Du reste, avant de s'intéresser à une méthode, —
pour ses côtés savants, ou originaux s'il y a lieu, ou
même pratiques, — il convient toujours de bien
déterminer le but qu'on se propose d'atteindre. Au-
trement dit, le but ne ri o i l pas être défini en fonc-
tion d'une méthode, — qui conduit où elle peut, —
et c'est plutôt la méthode d'enseignement qui doit
être choisie en considérai nui des fins possibles et
miles.
Quelles sont ces fins? Doit-on, à l'école primaire,
viser à donner un maximum de connaissances mu-
sicales? Le peut-on en restant dans les conditions
normales et sans rien sacrifier? Esl-il bon de con-
duire vers la lecture dans toutes les clefs par exem-
ple, et de s'attacher à l'aire connaître les détails de
la grammaire musicale? Ou bien, faut-il songer
avant tout à former le goût, à doter les enfants d'un
répertoire choral abondant, en se bornant d'autre
pari :i leur enseigner les premières notions de sol-
fège et l'usage d'une seule clef? Les études de sol-
fège constituent-elles un but ou un moyen? Dépasser
le but n'est-ce point le manquer?
Le conflit d'opinions ne doit donc pas s'établir
entre des systèmes particuliers, des méthodes, — et
il y a lieu de ne rien entreprendre sans avoir une
claire vision des besoins et des possibilités de l'en-
fance.
La méthode de Mme Horlense Parent dérive elle-
même du système W ilhem, et chaque étape rappelle
ses origines.
Là aussi, quelques principes pédagogiques sem-
blent d'abord éloigner son enseignement des mé-
thodes intellectuelles. Mme Parent affirme, en effet,
que l'enfant doit, par l'oreille, recevoir des notions
musicales dégagées des signes conventionnels qui
servent à les exprimer. Elle veut montrer la chose
avant le mat, le mot avant le signe usuel.
Cependant, elle demande : « Pourquoi ne pas faire
l'éducation musicale en obligeant le cerveau à com-
prendre et à analyser ce que l'oreille entend? » Et,
dès les premiers pas, les faits musicaux sont traduits
par l'image, réalisés musicalement pour frapper l'o-
reille, répétés par l'enfant pour l'exercice de la voix,
analysés avec le secours du maîlre pour développer
l'intelligence et le raisonnement. L'élève voit, en-
tend, reproduit, et comprend, — et la théorie musi-
cale tout entière se déroule pour lui, avec méthode,
pour le conduire jusqu'à l'étude de l'harmonie.
Méthode intellectuelle sans contredit, bien que
d'ingénieux tableaux, représentations en noir ou en
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
couleurs, viennent sans cesse concrétiser la théorie
musicale. Méthode d'entraînement solfégique, qui
conduit à la lecture dans toutes les ciels.
Mme Parent fait comprendre le système tonal à
l'aide d'une figuration anonyme, — une échelle re-
présentant la gamme, — la gamme majeure d'abord
(tableaux 1, 2, 3, 4), puis, sans attendre, la gamme
mineure (tableau 5), et, beaucoup plus tard, d'échelle
chromatique (tableaux 23-24). Elle a parfois recours
à une autre figuration, celle du clavier de piano.
Les exercices d'intonation et de dictée orale ont
lieu sur l'échelle ou le clavier, et l'on chante en uti-
lisant à toutes les hauteurs les dénominations :
Un, deux, trois, quatr', cinq, six, sept, huit,
pour l'élude des gammes, des intervalles, des mélo-
dies. Ces mêmes exercices sont répétés avec les noms
fixes des sons correspondants, dans toutes les tona-
lités, car Mme Parent, comme Wilhem et A. Gédalge,
craindrait de tomber dans une sorte d'anarchie mu-
sicale en ne se conformant pas de façon rigoureuse,
avec les enfants, à la théorie du son fixe.
C'est en utilisant les chiffres (les chiffres arabes,
plus simples que les chiffres romains) que Mmo Pa-
rent fait étudier les intervalles, et d'après un pro-
cédé rappelant ceux de Wilhem et de Gédalge.
Comme ce dernier, elle fera chanter « un-trois »
pour la tierce majeure d'abord, pour la tierce mi-
neure ensuite !
Elle fait lire sur la portée dans toutes les clefs, et
pour conduire à ce résultat, elle utilise des couleurs,
celles du spectre solaire, qu'elle attribue aux notes
de la gamme de do, reprenant ainsi une indication
de Gui d'Arezzo, et la comparaison de Newton, que
Dessirieb avait reprise pour son compte vers 1870).
Chaque couleur représente une note précise et non
plus un degré de la gamme générale, une fonction.
L'enfant prend l'habitude d'associer la couleur
au nom de la note (do rouge, sol bleu...), qu'il dis-
tingue aussitôt des six autres notes. Il ne s'occupe
que de la couleur et non de la clef, el peut donc
aisément solfier dans toutes les clefs, et s'habituer,
presque inconsciemment, à situer le du sur chaque
ligni nu dans chaque interligne de la portée. Il se
prépare ainsi à la lecture des notes noires, dans
toutes les clefs, — et à la transposition.
Quelques autres méthodes, reposant sur l'explica-
tion théorique des faits musicaux, partant des séries
numérales chantées, et aboutissant à la lecture sans
clef, se sont fait connaître en Suisse el en divers
pays. Elles sont issues soit de l'école galiniste, soi1
du système Wilhem.
La plus récente est celle qui est appliquée dans les
écoles de Pologne, et qui est due à Stefan Wysocki.
Alors que Wilhem et ses continuateurs prévoient
tous d'utiles études préparatoires, faites musicale-
ment, en recourant à des figurations provisoires
(escalier vocal, main portée, échelle verticale,
échelle oblique, dessin du clavier...), figurations la
plupart du temps chiffrées, qui permettent des
exercices d'inlonation , de solmisalion, d'étude
des intervalles, de modulation, — comment l'école
traditionaliste peut- elle se recommander de ce
grand éducateur, puisqu'elle renonce à ses premiers
moyens pédagogiques, utilise la notation usuelle dès
la période d'initiation musicale, n'entreprend la
formation de l'oreille qu'avec l'aide du livre de sol-
fège?
On a pu voir que Wilhem accepte de recourir,
pour l'initiation musicale des enfants, aux moyens
qui donnent des résultats, et d'aller ainsi de l'empi-
rique au rationnel. On a vu qu'il accueille les pro-
cédés qui font agir. En cela, il est moderne, peu
traditionaliste, moins loin de nous, même, que quel-
ques-uns de ses disciples.
Aussi, ne reste-t-il qu'à souhaiter ardemment que
les continuateurs et admirateurs de Wilhem se dé-
vouent, avec une foi égale à la sienne, à la cause de
l'enseignement populaire, — que leur curiosité pro-
fessionnelle, toujours éveillée, les amène à bien con-
naître l'œuvre du maître, depuis sa base logique
jusqu'à la variété des moyens indiqués, — et qu'ils
sachent, eux aussi, accroître sans cesse, parleurs re-
cherches, la somme de ces moyens qui naissent de la
pratique et de l'expérience, qu'ils en découvrent l'es-
prit, la valeur, et qu'ils les appliquent dans leurs
classes. Et s'ils courent ainsi le risque de ne plus être
considérés comme des traditionalistes, ils s'en conso-
leront en constatant la valeur des résultats obtenus.
L'enseignement traditionnel.
S'ils se recommandent à tort de Wilhem, à quelles
traditions peuvent donc se rattacher les traditiona-
listes? Ils restent fidèles à la vieille forme d'ensei-
gnement général qui, s'opposant à la méthode intui-
tive, veut qu'on parte des formules, lois et règles,
pour aboutir à la pratique.
Les purs traditionalistes ■ — parlons de ceux-là
pour mieux marquer les conceptions de cette école
— définissent, dès le premier jour, l'art et la musi-
que. Ils aiment à « plaquer » des formules, ils s'a-
dressent à la mémoire des petits pour obtenir le
« sçavoir par cœur ». Ils consacrent, la craie en
main, beaucoup de temps aux développements théo-
riques, et voient dans les faits musicaux comme
une application des règles qu'ils enseignent.
Ils ont recours, sans attendre, à la notation usuelle;
ils présentent la portée, la clef, — les clefs, parfois,
— les signes de hauteur des sons aussi, non d'après
une série musicale comme celle de l'accord parfait,
mais d'après la place que ces signes de notation oc-
cupent sur les cinq lignes.
Sans doute, ils ne méritent que rarement l'apos-
trophe bien connue que Jean-Jacques leur adresse.
Ils ne sauraient être accusés de confondre nécessai-
rement la musique avec la façon de l'écrire. Mais
dans leur enseignement, ils ne séparent pas la lan-
gue musicale de son graphique, el ils donnent à
croire que, s'ils ne mènent pas isolément l'étude de
ces deux ordres de faits : les idées à exprimer, les
signes qui les expriment, — c'est qu'ils manquent
de moyens pour le faire.
Ils justifient parfois leur pratique consistant,
même avec les jeunes enfants, à ne pas séparer
l'idée du signe. Ils disent : « L'étude de la notation
est longue. 11 faut donc l'entreprendre le plus tôt
possible. » Mais, est-ce bien la conclusion qu'il faut
tirer de cette constatation, — et ne faut-il pas dire :
« L'étude de la notation est longue lorsqu'elle com-
porte en même temps la formation de l'oreille. Il
convient donc d'entreprendre l'éducation de l'o-
reille, pour préparer à cette étude des signes et
pour la faciliter. » Ils ajoutent : « La notation es!
compliquée, et difficile à connaître. C'est ce qui
exige, des enfants, le plus grand effort d'attention.
11 faut donc l'enseigner aux plus petits. » Cette sin-
gulière pédagogie, qui réserve aux jeunes enfants la
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE 3643
tâche la plus ardue et la moins attrayante, apparaît
ainsi avec toute sa cruauté et son absence de base
psychologique. Un autre argument consiste à dire
que le signe appelle le son. Mais ce n'est vrai que si
la mémoire auditive, préalablement exercée, associe
aisément les deux idées, et il semble aussi difficile
d'apprendre aux enfants la langue des sons à l'aide
d'un graphique que leur langue maternelle à l'aide
d'un alphabet.
Le traditionaliste reconnaît vite d'ailleurs qu'il
perd beaucoup de temps à vouloir enseigner en
même temps le signe de notation et l'idée signifiée
Il éprouve alors le besoin de traiter séparément ces
difficultés, et, comme il lient surtout à ne pas re-
tarder l'entraînement visuel, il a recours à des pro-
cédés où le signe est seulement nommé. L'enfant lit
les notes à la baguette, sans chanter, et pratique
la lecture rythmique. On sait que ce ne sont là que
de fausses simplifications. En tout cas, ces exercices
n'ont pas de valeur musicale.
Mais il y a mieux : le traditionaliste se trouve
souvent contraint à recourir à ces exercices parlés,
antimusicaux, non seulement parce que l'éducation
de l'oreille n'a pas été faite au préalable, mais sur-
tout parce que les séries de signes qu'il fait étudier
en premier lieu |ne constituent pas des séries vo-
cales, musicales. En effet, l'étude des signes porte
presque toujours, avec le traditionaliste, sur trois
séries premières : les notes placées sur les lignes,
les notes des interlignes, les notes des lignes sup-
plémentaires. Au reste, bien des solfèges partent de
ces trois séries, et l'un des défauts les plus graves du
professeur est justement de suivre, sans les adapter,
les indications des ouvrages qu'il trouve dans les
écoles.
Ainsi, au départ, on subordonne l'étude aux con-
ditions d'un graphique étranger à la musique. Dans
la suite, la progression se base sur des données pu-
rement théoriques et non pas encore sur des consi-
dérations pédagogiques ou musicales. Aussi, puis-
qu'il n'est pas tenu compte des difficultés d'acquisi-
tion pour établir cette progression, on ne peut s'é-
tonner du peu de valeur des résultats généraux. On
fait un grand abus des suites de degrés conjoints,
suites qui ont pourtant l'inconvénient de créer une
routine de voix et d'oreille. Lorsque l'élève a solfié
les nombreux exercices « de secondes » qui occupent
la première partie de son livre, il apprend à solfier
les degrés disjoints, et dans un ordre qui n'a même
pas une valeur théorique : tierces, quartes, quintes,
sixtes, septièmes, octaves, intervalles redoublés. La
quinte et l'octave, les intervalles les plus simples,
les plus faciles à étudier, les premiers à connaître,
ne sont donc présentés à l'enfant qu'à leur tour,
dans un ordre qui n'est logique qu'en apparence,
après les intervalles de seconde, — alors que la
différenciation des sons se serait trouvée facilitée à
l'origine par leur éloignement.
En ce qui concerne l'étude des durées, c'est en
général par la [ronde que le traditionaliste tient à
débuter, — toujours pour des raisons théoriques.
Evidemment, c'est en apprenant à connaître les
signes de durée que l'enfant connaîtra ces durées
elles-mêmes ! L'idée n'aura pas précédé le signe, là
non plus. Cette ronde, le professeur la fera étudier
■à quatre temps, et l'enfant se trouvera donc aux
prises avec une mesure peu naturelle, et qui n'offre
pas les avantages de simplicité, d'attrait, de la me-
sure à deux temps.
Le professeur n'écarte même pas toujours, au dé-
but, l'idée si abstraite de relativité des signes de
notation (relativité des signes de hauteur, dépendant
des clefs, — et des signes de durée, dépendant des
chiffres qui indiquent l'unité de temps).
On doit donc se demander si tous ces moyens sont
bien les plus propres à satisfaire l'enfant, à l'atta-
cher à l'art musical, — puisqu'ils ne se soucient ni
de cet art ni de cet enfant, et puisqu'ils présentent
si peu d'attrait. On doit se demander aussi si un tel
enseignement profite à l'ensemble des élèves ou
seulement aux plus doués, (dans ce second cas ce
serait la condamnation du système, car le plus grave
reproche que l'on puisse faire à une méthode est de
ne pouvoir s'adresser qu'à une minorité, surtout
lorsqu'il s'agit d'un enseignement artistique dont
les bienfaits doivent et peuvent s'étendre à tous), —
si la grande majorité, ne s'accommodant guère d'un
enseignement prématuré du solfège, ne se trouve
pas réduite à l'impuissance sans ses entraîneurs, —
si, même en ne songeant qu'aux plus doués, il con-
vient de donner la première place à l' instruction
musicale, — si une méthode digne de ce nom peut
comporter un même exercice (le solfège) à tous les
âges, — s'il n'y a pas lieu de commencer par le sen-
sible et de « s'élever par degrés vers l'intellectuel », —
si le fait de mener de front trop d'études (signes,
intonations, durées, théories), de courir trop de
lièvres, n'aboutit pas à une perte de temps pour la
généralité.
El l'on peut même se demander si la méthode
traditionnelle, abstraction faite de sa valeur éduca-
tive très contestable, a bien la valeur inst) uetive
qu'on lui croit, — si l'étude du solfège, non préparée
par une patiente culture d'oreille, est profitable, et
si, tout compte fait, même dans le domaine des con-
naissances techniques, les résultats qu'obtient le
traditionaliste ne sont pas les moins sûrs, les moins
durables.
On ne fait bien que ce qu'on aime; or, à l'école
primaire, l'étude d'un art est d'autant plus agréable
qu'elle fait plus souvent appel à l'action, à l'émo-
tion, et moins souvent à l'effort intellectuel. L'en-
seignement musical adapté, varié, attrayant dans
sa forme, attrayant aussi par la valeur des exemples
musicaux, trouve, dans le plaisir qu'il provoque,
une nouvelle source de force, — et c'est une banalité
de dire que les enseignements théoriques, les exer-
cices sans valeur émotive, n'engendrent que séche-
resse et ne peuvent exciter à poursuivre une étude
artistique, qui ne saurait s'exercer à contre-cœur.
Si nous avons réservé tant de place au traditio-
nalisme, — bien qu'il ne tienne aux méthodes intel-
lectuelles que par leurs moins beaux côtés, et qu'il
n'apporte, en contribution à cette étude, aucun pro-
cédé valable, — c'est qu'il occupe lui-même une
grande place dans l'enseignement musical. Le
nombre des traditionalistes est encore très élevé,
ainsi que le nombre des livres de solfège, jeunes
ou vieux, qui leur sont dus, et qu'on utilise dans les
écoles. 11 n'y a donc pas à cacher ici un danger, qui
nous semble surtout redoutable lorsque le traditio-
naliste a la mission de former, dans une école nor-
male, des générations d'instituteurs professeurs de
chant. Il peut leur donner le goût du beau, s'il est
artiste. Mais s'il ne les dote pas d'une méthode d'en-
seignement assez pratique, assez souple pour s'a-
dapter aux milieux ruraux, il manque au meilleur
de sa tâche. Le tempérament d'artiste ne peut sup-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pléeT 5 tout, et s'il est des cas où, pour donner des
résultats, une méthode a moins besoin de valeur
propre que de professeurs actifs ou enthousiastes,
s'il est de brillants traditionalistes, formant de bons
élèves, on peut toujours songer à ce que ces mêmes
professeurs obtiendraient de ces mêmes élèves avec
un peu de pédagogie.
Méthodes île notation simplifiée.
I. — Méthodes modales.
Lorsque tout est enseigné à la fois dans les clas-
ses élémentaires des écoles, lorsqu'on commence
mal ou trop tard, il arrive que l'enseignement mu-
sical, qui devrait être le plus joyeux, le plus aimé,
rebnle des classes entières d'enfants, et ne conduit
à aucun résultat pratique ou artistique.
Devant ces conséquences, et alors qu'il faudrait
s'en prendre aux méthodes, ou aux horaires insuf-
fisants, ou à l'absence de méthode, on accuse l'é-
criture musicale de causer ce dégoût, et on accu-
mule contre elle des critiques visant les clefs, la
relativité des signes de durée, la portée et ses
lignes supplémentaires, les armures de dièses ou
de bémols.., complications qui ne sont pas toutes
du domaine scolaire.
Les enfants n'ont besoin, pour leur initiation,
d'aucune notation. Après quelque temps, lorsqu'on
a su former l'oreille et la voix, — par des exercices
méthodiques d'intonation, de reconnaissance des
sons, de culture vocale, — il est facile d'enseigner
aux enfants les signes de la seule notation usuelle.
L'important est de faire connaître, avec tout lie soin
et tout le temps voulus, les réalités, les idées sono-
res avant leurs signes conventionnels.
Cependant, ni le sentiment artistique ni la valeur
éducative de la musique n'ont partie liée avec la no-
tation usuelle, et une simplification d'écriture et de
lecture peut présenter un intérêt pédagogique, dans
une période d'initiation, et même pour' l'élude
d'oeuvres chorales. Il semble nécessaire, en revanche,
de ne considérer les notations simplifiées que comme
moyens provisoires d'enseignement musical, et leurs
partisans eux-mêmes, pour la plupart, admettent
1 ' u t i lit.- d'initier les enfants à la notation usuelle, à
l'écriture la plus universelle qui soit, à celle des
mailies de la musique, — écriture qui reprend
d'ailleurs bien des avantagés, en musique instru-
mentale surtout, sur certaines notations simplifiées.
Des esprits ingénieux ont donc entrepris de mo-
difier le graphique des musiciens, à l'usage des en-
fants, ou avec le désir de faciliter les études musi-
cales des adultes.
Nous avons e i I .'■ déjà les premiers d'entre eux et,
dans l'impossibilité de parler même rapidement de
tous les systèmes proposés, nous nous bornerons à
l'étude des deux groupes les plus importants : le
groupe des méthodes modales (méthodes qui utili-
sent une seule langue et une seule écriture pour
chaque mode) et le groupe des méthodes chromati-
ques (qui n'utilisent qu'une seule gamme, basée sur
la théorie des douze sons).
Il existe deux méthodes modales célèbres, celle
de .l.-.l. lioi sse.u- (méthode modale chiffré») et celle
de Tonic-Sol-Fa (en usage dans les écoles anglaises
et allemandes!.
Faut-il avec Douen1 faire remonter la notation
chiffrée au grammairien calviniste Pierre Devantes,
mort en 1361, ou admettre que Jean-Jacques en a
trouvé l'idée première dans la tentative du père
Souhaitty, ou dans celles de Parran, Sauveur, Du-
mas, Demaux, qu'il cite? C'est lui, en tout cas. qui,
le premier, en fait un véritable système, complet.
Nous en avons signalé l'apparition dans la pre-
mière partie de cette étude, et il resle à en indiquer
l'importance pédagogique et l'évolution.
L'écriture de Housseau est la suivante pour cinq
octaves :
1234567
1214567
-(Médium)
On peut même, dit Rousseau, se passer de tirer
aucune ligne. Et il propose de placer un point soit
au-dessus des chiffres (octave supérieure), soit au-
dessous, pour descendre. Câlin reprendra ce « point
d'octave ».
Le dièse se forme en traversant la note d'un trait
oblique, montant de gauche à droite, — et le bémol
à l'aide d'un trait descendant. Le bécarre est inusité.
L'indication des durées est très simplifiée. Citons
Rousseau :
Une noie seule entre deux barres remplit toute une mesure.
Dans la mesure à deux Teins, deux noies remplissant la mesure,
forment chacune un Tems. Trois noies font la même chose dans
la mesure a trois Tems. S'il y a quatre notes dans une mesure i
deux Tems. ou six dans une mesure à trois Tems, c'est que cha-
que Tems est divisé en deux parties égales... Poui; rendre cette
distribution plus aisée, on - pare si l'on veut les Tems par des
virgules.
Las divisions inégales se marquent avec la même facilite. Ces
inégalités ne sont jamais que des subdivisions qu'on ramène S
l'égalité par un trait dont on couvre deux ou pins
l'ar exemple, si un Tems contient une croche et deux doubles
croches, un trait en ligne droite au-dessus mi au-dessous des
deux doubles croches montrera qu'elles ne font ensemble qu'une
quaillile égale II |.i prered Mlle, el par Conséquent une croche...
Il y a dicure des subdivisions d'inégalité qui peuvent exiger
deux traits; comme, si une croche pointée était suivie de deux
triples craches... a
On aurait alors 4 . 32 | t ||
L'auteur du nouveau système emploie aussi Le point (de
prolongation)... qui n'a d'aulre valeur que cellede I
occupe, s, i,. | > .-, i ii t remplit un tems il vaut un Tems, s'il remplit
une mesure, il vaut une mesure...
T.ms les silences n '.mi besoin que d'un seul c u-aclère. c'est
Ce système a été repris et surtout précisé par
Gai.in. Mais on aperçoit déjà tout le chronomériste
de Galin dans l'exposé ci-dessus.
A ces premières simplifications, appréciables,
concernant les signes de hauteur et les signes de
durée, s'ajoute la grande simplification pédagogique
relative au principe modal. Toutes les tonalités ma-
jeures et mineures se trouvent ramenées à deux
langues, à deux modes :
le mode majeur, qui a pour gamine unique :
do
Do
le mode mineur, q
fa sol la
4 :; 6 : i
i a pour gamme uuiq ne :
é mi fa soflft) la
Ces deux gammes peuvent se chanter a toutes les
auteurs. •• Le seul mot ré mis en têle 'di(
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3«'<
J.-J. Rousseau) avertit que la pièce est en ré ma-
jeur, et comme alors le ré prend tous les rapports
qu'avait l'ut, il en prend aussi le signe et le nom ;
il se marque avec le chiffre 1. Le ré de la marge lui
sert de clef, c'est la touche ré ou D du clavier na-
turel. Mais ce même ré devenu tonique sous le nom
d'ut devient aussi la fondamentale du mode. »
(Si le mot ré n'est pas souligné, il désigne le mode
majeur de ré, le son qu'il faut appeler ut. S'il est
souligné, il désigne le mode mineur relatif : si mi-
neur, dont ce ré est médiante.)
La tonalité est indiquée maintenant de trois fa-
çons différentes. Si le morceau doit être chanté en
sol majeur, on écrit en tête :
G = l Diapason 2 Ton = SoL
(La lettre (1 qui correspond à sol, est tonique et se
chiffre donc 1 (do) et le son du diapason correspond
alors au ré, qui se chiffre 2.) Si le morceau doit être
chanté en sol mineur, on écrit en tête :
Diapason 7
Ton = soZ mineur.
(La lettre minuscule g correspond à sol. Elle est
tonique de mode mineur et se chiffre donc t> \lu\. Le
diapason correspond alors au si, qui se chiffre 7.)
C'est autour de ce principe modal — principe es-
sentiel, fondamental, de la méthode — qu'eurent
lieu toutes les discussions, souvent très âpres, entre
partisans et adversaires de La réforme.
Il y avait simplification incontestable, mais a
quel prix? Il fallait renoncer à la théorie du son
lise, à appeler la le son du diapason : ne serait-ce
par dérouter l'oreille de l'enfant? Ne serait-ce pas,
au moins pour celui qui solfie, qui lit, — sinon pour
l'auditeur, — porter atteinte à la couleur tonale?
N'était-ce pas uniformiser et banaliser la musique?
On a vu que Wilhem — partisan de la fixité des
noms de noies — avait trouvé une solution en fai-
sant chanter non plus do, ic, mi... à toutes les hau-
teurs, mais un, deux, trois...
On fit d'autres reproches, concernant d'abord l'é-
criture horizontale. Alors que, sur la portée, les noies
occupent des positions qui sont représentatives îles
hauteurs de sons, les chiffres s'écrivent de façon »ac-
tiligne. Hameau lut l'un des premiers à signaler re-
cueil. 11 disait à Rousseau :
« Vos signes sont mauvais en ce qu'ils exigent,
pour chaque intervalle, une opération de l'esprit, qui
ne peut suivre la rapidité de l'exécution. La position
de nos notes se peint à l'œil sans le concours de
cette opération. Si deux notes, l'une très haute,
l'autre très basse, sont jointes par une tirade de
notes intermédiaires, je vois du premier coup d'oeil
que l'une est jointe à l'autre par degrés conjoints;
mais, pour m'assurer chez vous de cette tirade, il
faut nécessairement que j'épelle tous vos chiffres,
l'un après l'autre, le coup d'œil ne peut suppléer à
rien. — L'objection me parut sans réplique, dit
Rousseau, et j'en convins à l'instant. » (Confessions.)
Un reproche plus grave fut formulé par les ins-
trumentistes. Lorsque le chanteur a, sous les yeux,
un texte noté :
|| 1 3 | 3 . | 3
lui est facile, tout en disant :
I mi,
Do,
1 sol -
do | sol
de chanter cette série en partant de fa, par exemple.
Mais l'instrumentiste, le pianiste, ne pourront pas
transposer aussi aisément. Ils liront donc en ut.
Tout se trouvera « unitonalisé », et les chants ac-
compagnés par ces instruments sortiront des limites
de la vois d'enfant. A cette critique, l'école galinisle
répond en affirmant qu'elle ne s'intéresse qu'à
l'enfant et au chanteur, que, d'ailleurs, elle a fait
construire, pour les écoles, de petits « guide-chant »
à clavier transpositeur qui permettent de loucher
toujours le do sur le même point du clavier, et l'on
verra plus loin qu'une nouvelle façon de noter, en
sol et en fa, avec tonique o ou i, ont été proposées
récemment.
Les autres inconvénients de l'écriture cliitliée tien-
nent à des détails, à la nécessité — dans le 53 stème
modifié — de marquer tous les temps, et parfois
même (dans les mesures à temps ternaire) tous les
battements, — ce qui peut nuire au déchîffrage, à la
rapidité de la lecture, — et obliger à utiliser parfois
un plus grand nombre île signes qu'avec la nota-
tion usuelle.
Les continuateurs de Rousseau — du moins en ce
qui touche sa réforme du graphique usuel — furent
Pierre Câlin (1786-1822), dont nous aurons a parler
pour la part qu'il prit à l'évolution de I 1
intuitive. Aimé Paris (1798-1866), de Cesli.n, A. Li -
uoine, Emile Chevé 1804-1864), M« Emile Chevé
(1800-1868), Vialay, Maurice Calvès, A. Tins, Amand
Chevé, Cauen, J. Bo.nnet. Les uns perfectionnèrent
le système d'écriture. Les autres adaptèrent à la mé-
thode des procédés pédagogiques qu'ils surent
mettre au point. Les derniers, enfin,, écrivirent des
exercices, canons, chants scolaires, ouvrages d'en-
seignement, et aidèrent à la diffusion de la mé-
thode.
Sans exposer historiquement l'évolution de la mé-
thode, rappelons quels sont les signes adoptés au-
jourd'hui :
Les trois octaves majeures se représentent ainsi :
12 34567 12345-67 1 2 3 4 5 S 7 I
Octave grave Octave du médium Octave aiguë
Les sons diésés et bémolisés se représentent comme
le voulait Rousseau, mais des dénominations spé-
ciales (rappelant les dénominations signalées déjà
plus haut, p. 3635) leur sont affectées:
Dièses * -2: -3r •* % & ?
tè ré mè fè je Lé se
Bémols ■*. 3- S- *- S. -S- ?•
teu reu m eu feu jeu leu seu
Le chronomériste de Galin reste définitif. Un son
articulé est représenté par un chiffre, une prolonga-
tion de son par un point, un silence par un zéro.
Les fractions de temps sont réunies sous une même
barre horizontale.
L'exemple ci-dessous précise ces dispositions :
p iTâ il J i-l 3. 3 1
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Les procédés préconisés par les partisans du sys-
tème de Rousseau concernent soit les hauteurs de
sons (système des points d'appui, soudure galiniste,
phonomimie Cahen, méloplaste), soit les durées des
sons (langue des durées).
Le système des points d'appui, procédé que nous
trouvons indiqué dans un ouvrage anglais de 1841,
rédigé par O'Donelly1 (D' of Academy of elementary
music) et qu'a repris plus lard Mra8 Chevé (Nanine),
est du plus haut intérêt2.
Il consiste soit à intercaler, entre deux degrés dis-
joints, les degrés conjoints (qu'on chantera d'abord,
et qu'on se contentera de penser ensuite), soit à uti-
liser comme point d'appui (mental) un seul son,
emprunté à l'accord parfait.
Ainsi, pour exécuter do-si, intervalle de septième
majeure 1 7, on peut s'appuyer mentalement sur ré-
mi-fa-sol-la.
On chantera d'abord :
12 3 4 5 6 7
puis on chantera piano les petites notes (2-3-4-
5-6),
puis on se contentera de les penser.
Enfin, on chantera 1 7 sans le secours des points
d'appui.
Et l'on pourra exécuter le même intervalle d'une
seconde façon, plus rapide, en chantant d'abord 1,
puis en pensant le do, 1 placé à l'octave du premier,
et en redescendant sur si 7.
(On trouvera, dans l'exposé de la méthode Jacques
Dalcrozr, des procédés d'audition intérieure pou-
vant également habituer à penser les sons.)
La soudure galiniste dérive, comme il a été dit,
des muances. Elle permet d'appliquer la langue mo-
dale même à une modulation, c'est-à-dire de tra-
duire, en langue d'ut majeur ou de la mineur, une
modulation assez longue.
Si une mélodie, en ut, module en soi, le sol (5)
devient tonique (1), et c'est ce qu'on indique par
5 = 1. On effectuera, sur un même son, cette muta-
tion en disant SDO (syllabe de mutation). Pour mo-
duler en fa, en quittant le son a, on écrira 5= 2, on
chantera SRK. L'indicateur o = 3 correspond à une
modulation en mi bémol, puisque le son 1 serait une
tierce majeure au-dessous de 3 (donc au-dessous du
son sol\.
A l'aide de 1=6 (dla) on va de do majeur à la
mineur.
On trouvera dans le tome I de l'Encyclopédie
(lie parti.' : Technique de la musique), à la page 399,
une transcription, en musique chiffrée, du chœur des
Pèlerin*, avec indication de soudures nombreuses.
La s lure galiniste, difficile à exécuter dans un
mouven ent rapide, — difficile même, pour les demi-
initiés, a déterminer dans certains cas,— et absolu-
ment in, jTaticable en musique instrumentale, n'est
que rai nient utilisée. Les signes d'altération per-
mettent ie s'en passer.
Phon uimie galiniste. — C'est un procédé dû à
M. i. Cahen, élève d'Amand Chevé, complété par
M. P. Guilhot. Il consiste à désigner les notes par un
nombre de doigts apparents, ou au moyen désignes
conven miels des doigts. C'est une dactylologie.
Les cinq premières notes : l-2-3-4-;>, qui s'appel-
lent toujours, en langue modale, do-ré-mi-fa-sol, se
représentent par un, deux, trois, quatre, cinq doigts
visibles.
Le la s'indique en repliant tous les doigls sauf le
pouce et le petit doigt, et le si en repliant tous les
doigts sauf le petit.
Les signes des notes du médium se font à la hau-
teur de l'épaule, ceux de. l'octave aiguë à la hauteur
de la tête, ceux de l'octave grave à la hauteur de
l'estomac.
Les notes non altérées se miment devant le corps.
Les notes altérées, sur le côté, soit en conservant le
dos de la main tourné vers les élèves (pour les bé-
mols), soit en tournant vers les élèves la paume de
la main (pour les dièses).
Les deux mains peuvent représenter des notes,
simultanément, pour les exercices à deux voix.
Les nuances s'indiquent en éloignant les mains
du corps (pour le forte) ou en les rapprochant (pour
le piano).
Si celte dactylologie a l'inconvénient de se prati-
quer à une même hauteur pour toutes les notes d'une
même gamme, — conforme en cela d'ailleurs à l'é-
criture chiffrée, — et celui de n'être en complète
logique avec les chitfres que de un à cinq, elle a l'a-
vantage de représenter visiblement les sons allérés,
et de permettre les exécutions à deux voix. Elle est
précieuse pour les partisans du chiffre, car elle a
un caractère modal évident, le do, seule tonique ma-
jeure pour les galinistes, étant toujours représenté
par un seul doigt (le pouce). Elle a, pour le mode
mineur, le même illogisme que l'écriture chiffrée
elle-même. Le doigt isolé ne représente plus la toni-
que, mais la médiante [do) qui se chiffre 1. Elle se-
rait donc en désaccord complet avec un enseigne-
ment qui ferait une place à l'étude des tonalités, puis-
que le nombre des doigts ne rappellerait plus l'ordre
des degrés. D'ailleurs, elle conduit à la lecture des
chiffres et non, comme la main-portée, à celle des
notes sur la portée.
Le méloplaste de Galin. — Galin, comme Wilhem,
trouve avantage à ce qu'on n'approfondisse pas
particulièrement l'étude d'une clef spéciale, même
usuelle. Il veut que l'élève n'attribue pas des noms
invariables à chaque ligne, et qu'il puisse lire sur
la portée en mesurant seulement les intervalles suc-
cessifs :
1. L'ou ',"' a été traduit en IS44 par M. A. de Cm îsu a. Le SJ
,,,„,,. ;m des points d'appui est eiposd page 52S.
. i ,. 1836 que M™' Emile Chkv< (Nanine) écrit : « Je <•
,l,.~ ir p, re date dans la Réforme musicale d'un moyen tn
h , i u nmense puissance, pour l'étude de l'intonation.
C'est, on le voit,, une reprise du vieux procédé de
portée muette, sans clef.
La portée muette de Galin comporte, outre les
cinq lignes, quatre lignes supplémentaires.
Avant l'exercice, le professeur indique où se po-
sera l'ut, c'est-à-dire, en système modal, la tonique
de tous les tons majeurs.
Le son qu'il convient d'attribuer à cette tonique
ut est fixé par sa place, par rapport au 2° interligne.
lequel ne peut recevoir que des noies ayant le son
du diapason normal. Donc, le chanteur fera toujours
entendre le son la du diapason (mais en lui donnant
toute dénomination possible : do, ou ré, ou mi...)
chaque fois que le maître indiquera, à la baguette,
le 2e interligne. (Par exemple, si l'ut est sur la
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3647
lr8 ligne, le fa aura le son du diapason. En consé-
quence, Vut aura le son du mi.)
L'élève solde, en suivant la baguette du maître, et
peut aborder ainsi l'étude de toutes les clefs. « 11 n'y
a qu'une note, dit Galin, mais elle est mobile; il n'y
a qu'une clef, mais elle est mobile aussi. » Ce qui
reste fixe, c'est le son attribué à chaque ligne ou
interligne de la portée, son correspondant à celui qui
est attribué lorsqu'on solfie en clef de sol usuelle.
On peut, sur le méloplaste, solfier en diverses
tonalités, moduler, pratiquer la soudure, trans-
poser.
« Non, dit Galin, quoi qu'en ait dit le célèbre Jean-
Jacques, la transposition n'est point facile sur les
chiffres. L'œil a une peine extrême à voir un chiffre
dans un autre, au lieu que sur, les portées, à cause
de la similitude de la position des notes sous les
diverses clefs, la transposition est aisée quand on
est accoutumé à ne dénommer les barreaux que
par leurs intervalles respectifs. Or, j'ai fait voir,
par l'expérience de ma méthode, qu'il est facile de
donner l'habitude de toutes les clefs en très peu de
temps. »
La langue des durées, d'Aimé Paris, est un pro-
cédé d'analyse rythmique, ayant pour but d'expri-
mer par des syllabes convenues les temps, leur divi-
sion et leur subdivision.
Elle repose sur les principes suivants :
1° Tout son articulé est représenté par une con-
sonne : T, F, lî, L, Z, M, N, suivie d'une voyelle :
A, E, I.
2° Un silence est représenté par CHU.
3° Un son ou un silence prolongés sont représen-
tés par la même voyelle que s'ils étaient articulés,
mais ils perdent leur consonne.
L'unité des temps équivalant à la noire se dit TA.
En division binaire, les croches, ou moitiés, se di-
sent : TA, TÉ.
En division ternaire, les croches, ou tiers, se di-
sent : TA, TÉ, TI :
Dm-
binaire
Ta ta té Tae a té Ta chu Ta chu Tae Ta chu.
Division ter
TaéiAtéti TaeiTaeti Tatéti Tachu-u TaèiAei
Les moitiés, divisées par deux, ou quarts (division
bino-binaire) donnent :
rm
Ta fa té fè
Les moitiés, divisées par trois, ou sixièmes (division
bino-ternaire) donnent :
JTJ.JT3
Ta ra la Té rè \i
Les quarts, divisés par deux (ou huitièmes) don-
nent : Taza, fana, Tézé, fêné. C'est la division bino-
bino-binaire.
Les tiers, divisés par deux (ou sixièmes), donnent :
Tàfa, Téfé, Tifi. C'est la division terno-binaire.
Si les tiers sont divisés par trois (neuvièmes , ils
donnent : Tarala, Térélé, Tirili. C'est la division
terno-ternaire.
On voit que cette langue des durées, qui peut ren-
dre des services pour l'analyse de rythmes simples,
sort vite du domaine scolaire, et comporte alors
des complications qui sont de nature à faire perdre
du temps.
Pour une modulation courte , l'école galiniste
renonça de tout temps à pratiquer la soudure. Elle
acceptait donc ainsi, passagèrement, une écriture
tonale. L'écriture tonale est maintenant envisagée
pour tout un même chant (voir Manuel général du
16 juillet 1927, page 815) quand ce chant est en sol
majeur ou en fa majeur. Les trois tonalités majeures
d'ut, fa, sol, suffisent à écrire, pour les enfants, tous
les chants scolaires de mode majeur. La tonique est
donc soit 1 ((toi, soit 4 [fa), soit S {sol). Les gali-
nistes peuvent, grâce à cet élargissement, et sans
renoncer aux chiffres, faire chanter dans ces trois
tonalités. Ils opèrent même alors une simplification,
les indications relatives à la tonalité devenant inu-
tiles si le son du diapason correspond invariable-
ment au la, au 6, — et les chiffres correspondent
ainsi directement aux notes de la portée. C'est — en
marge du système modal — une facilité de plus.
La méthode modale a encore de nombreux parti-
sans. Elle doit son succès à la valeur et à la foi de
ses propagateurs, au choix de procédés excellents
qu'elle a su accueillir et adapter, aux publications
très claires dans lesquelles les maîtres primaires
trouvaient enfin des directions, des plans, des exer-
cices, des chants très simples, qu'ils pouvaient faire
exécuter autrement qu'en recourant à l'audition,
plus peut-être qu'elle ne le doit au principe modal
et à une écriture qu'on ne peut considérer, à l'école,
que comme procédé provisoire.
Elle a connu son âge d'or pendant toute la durée
du professorat d'Emile Chevé d'abord, d'Amand
Chevé ensuite, fut défendue par d'éminenls partisans
comme Francisque Sarcey, Robin, Jost, Maurice Bou-
chor, E. Devinât, et attaquée par de nombreux mu-
siciens.
« Ces polémiques ardentes ont surtout embrouillé
les choses, dit Ume Pape-Carpentieh, car la vérité est
comme la flamme, elle ne brille que dans le calme. »
Cependant, la lutte était menée aussi dans le
champ des applications, et incitait les partisans des
systèmes divers à rivaliser d'énergie.
La méthode fut autorisée dans les écoles, par
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
arrêté ministériel du 23 juillet 1883, et inscrite à
Litre obligatoire dans les programmes des écoles
normales par décret du 4 aoùl 190a (art. 119).
Elle perdit de sa vogue dès le début du siècle, et
les programmes officiels de 1922, ainsi que les ins-
tructions ministérielles qui les ont suivis, n'ont plus
fait allusion aux méthodes modales.
la méthode modale TONIC-SOL-FA fut à peu près
la seule en usage dans les écoles des Iles-Britanni-
ques de 1870 jusqu'à la fin du siècle dernier. Dans
le sud de l'Angleterre, elle est encore pratiquée à
l'exclusion de toute autre méthode. Mais ce n'est
plus la méthode officielle chez nos voisins, et l'on y
a renoncé déjà dans un tiers des écoles du Royaume-
Uni. (Voir Situation de i 'Enseignement musical à l'é-
tranger.)
Due à Sarah Glover, contemporaine de Galin, la
méthode s'inspire du principe modal de la méthode
chiffrée, et les signes qu'elle utilise ne correspon-
dent pas à des sons absolus, mais à des fonctions.
Cependant, les signes sont très différents de ceux
que proposent J.-J. Rousseau et ses continuateurs,
aussi bien les signes de hauteur des sons que ceux
de durée et de division du temps. La gamme ma-
jeure s'écrit :
f s' V t' pour l'octave supérieure,
/ S / t pour l'octave du médium,
f, s, l, t, pour l'octave inférieure.
Les appellations, eu solfège, sont celles des noms
des notes :
do, ré, mi. fa, sol, la, ti.
mais, lorsque les sons sont diésés ou bémolisés, la
consonne qui sert de signe est suivie de la voyelle e
pour les dièses, et a pour les bémols de, re, m<:.
fe... (la. va, ma, fa...)
La hauteur de la tonique est indiquée par une
lettre empruntée à la série A lï G D E F G (la, si,
do, ré, mi, fa, sol) et précédée du mot Key (clavier).
Le son articulé est figuré par la lettre indiquant
en même temps la fonction, et le son prolongé par
un tiret.
D'ailleurs, tous les temps se trouvent indiqués
par des barres ou des doubles points de séparation.
Le temps fort esl précédé de la barre de mesure. Le
temps faible est précédé du double point :
A quatre temps, il est fait usage du trait vertical
entre les second et troisième temps :
I f--\r\
Si, entre deux signes de séparation des temps, il ne
se trouve aucune lettre, ni aucun tiret de prolonga-
tion, il faut faire silence pendant ce temps.
Si, entre deux signes de séparation des temps, il
se trouve deux lettres, elles valent un demi-temps
(division hinairi
un point :
plus, elles sont séparées par
S écrit
La méthode Tonic-Sol-Fa écrit donc tous les airs
majeurs avec une seule « langue ». Elle écrit les
airs mineurs avec uue autre « langue », comportant
un se (sol dièse). Elle est donc modale. Elle pratique,
elle aussi, la mutation.
Elle présente plus de complications que le sys-
tème de Rousseau, surtout en ce qui concerne la
division de la mesure en temps, et les divisions
binaires et ternaires. Elle nécessite plus de signes
que la langue chiffrée. Obtient-elle ainsi plus de
clarté?
Par contre, tandis qu'il semble illogique d'appeler
do, ré, mi... des notes figurées par 1, 2, 3... comme le
demande Rousseau, la méthode anglaise se sert des
lettres initiales d r m... que les enfants appelleront
aisément do-ré-mi... Et cet avantage est si grand
qu'il lui a valu un bien plus grand nombre de par-
tisans que le système de Jean-Jacques1.
Méthodes de notation simplifiée.
2. — Méthodes chromatiques.
Dans le système modal le nom des degrés ne cor-
respond pas à un son fixe. Que ces degrés soient
chantés sur do, ré, mi... ou sur G, D, E..., ou sur 11,
R, M..., ou même sur un, dette, trois, ils ne repré-
sentent que des owtionx et non des son-, absolus.
Quelques novateurs ont cru pouvoir concilier la
théorie du son absolu avec celle des tonalités, et
avec une représentation unique. Ils ont proposé de
ne considérer que la succession des sons par demi-
tons. En conséquence, ils ont établi une série de
signes et de dénominations pour les douse anus d'une
échelle chromatique, allant d'un son à celui qui
compte un nombre double de vibrations (octave).
Ainsi, qu'on parte de ut2 pour aller à ut,, ou qu'on
parte de fa3 pour aller à fa;, on empruntera une
suite de douze sons, avec des dénominations cor-
respondant à chaque série. Chacun de ces sons peut
devenir une tonique, mais ces sons restent invaria-
blement dénommés.
Dans celte série de douze sons, constituant une
gamme chromatique tempérée, les sons 1,3. , ti, s.
10, 12, sont ceux d'une gamme diafconiqut
et les sons 1, 3, 4, 6, S, 9, 12 ceux d'une gamme
diatonique mineure.
Les intervalles majeurs, mineurs, justes, augmen-
tés, diminués, n'existent plus dans ces systèmes, et
un intervalle se mesure au nombre de degrés ou de
demi-tons qu'il comporte.
1. La méthode Tonic-Sol-jP'a esl expos*
l'i ,■ le ! , , 1 1 _' -ne.' ■ ;u elle obtinl en Angleterre, — et non
mm- . I n.lie sur les procédés nombreux il,- le. loi- ■
Fonre-Soi Fa.svx les grands table.iux rauraui utilisés .1
anglaises On obtiendra des indications en s'adressani .
S„/-/-'rl CvUnif, Ja. Ulaoaislairy S.JUIIr, laml.in. \\ . ('..
De même, nous ne pouvons parler 'le la méthode Dj
prunle » t. Tonù Sol-Fa -<- initiales, il q li fal | rati
gitiuc, ni de la metlnale tno.l.i 1-- U . _. > -;i! a
et qui rst utilisrr encore a /m a h , ai de le ai Lhodti
tenue en Allemagne par IIi-m. < .. .1 ... IIikm Lao, ai ou
par la plupart .le- [a oh ■.-, airs .1
nienl, plus loin, ce qu'elle doit ;
a/la
si adopté
la méthode /
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ECOLE 3649
De ces principes communs partent plusieurs sys-
tèmes, qui ne présentent plus que des différences de
notation. Les appellations des douze sons, les signes
qui représentent ces sons, et aussi les signes de
durée différencient ces systèmes.
Dans le Dictionnaire de la musique de J.-J. Rous-
seau se trouve résumé le système de Roualle de
Boisgelou. Les noms proposés pour les douze touches
du clavier sont : ut, de, re, ma, mi, fa, fi, sol, be, la,
M. Menchaca propose les dénominations sui-
vantes :
la, se, si, do, dou, ré, ro, mi, fa, fe, sol, non.
M. Frémond :
do, sa. ro, pa, mo, fa, co, sa, vo, la, bo, ga.
M. Eyquem :
do, di, ré, mi, fa, fi.sol, sil, la, li, si.
Ces deux derniers novateurs utilisent un graphi-
que qui rappelle celui de l'écriture usuelle, c'est-à-
dire qui reproduit pour l'œil « la forme des ondula-
lions mélodiques ». Dans la portée de deux lignes
de M. Eyquem, les sept notes « qui correspondent aux
touches blanches du clavier » sont écrites en initia-
les majuscules : D, R, M, F, 0, L, S, et les autres
en initiales majuscules anglaises ïï), SV, \ ' , £..
Avec M. Frémond, les notes affectent des formes diffé-
rentes suivant la série d'octave à laquelle elles ap-
partiennent, et s'écrivent sur une portée de trois
lignes.
M. Menchaca offre des signes piriformes, sans
trait vertical pour l'octave centrale, avec un trail
dirigé vers le haut pour l'octave haute (et se dépla-
çant pour l'octave brillante, l'octave aiguë, l'octave
swaiguè), et avec un trait dirigé vers le bas pour l'oc-
tave tasse (se déplaçant pour l'octave grave, et les
octaves profonde, et sous-profonde).
Nous ne pouvons dire quelle est la valeur pratique,
à l'école, de ces systèmes, que nous ne voyons pas
utiliser. Les simplifications sont fort ingénieuses
d'ailleurs, et parfois d'une logique parfaite.
Les critiques ne peuvent donc porter que sur les
exposés de principes, et les premières critiques
formulées concernent le tempérament sur lequel se
basent tous ces systèmes. Il est fort difficile à un
musicien d'admettre que le la dièse (qu'il s'appelle
bo, ou li) se substitue au si bémol, et inversement
que le si bémol (qu'il s'appelle se ou sa) se subs-
titue au la dièse. Le fait que le piano est un instru-
ment à tempérament ne justifie pas ces conceptions
qui détruisent le sens tonal, même pour les pia-
nistes.
Enfin, faute d'expérimentation soutenue, ces di-
vers systèmes n'ont, jusqu'ici du moins, donné lieu à
aucune recherche de procédés pratiques.
Il est malaisé de porter un jugement d'ensemble
sur la valeur pédagogique de ces diverses notations
simplifiées, qui diffèrent les unes des autres et n'ont
ni les mêmes avantages ni les mêmes défauts.
Ce qu'on peut dire, c'est que chaque auteur de sys-
tème s'est trouvé en présence des mêmes difficultés
et des mêmes nécessités, pour représenter les hau-
teurs des sons et leurs durées. Le minimum de
signes nécessaires est à peu près le même partout,
Copyright ly Librairie Delagrave, 1930.
toutes simplifications étant opérées. Il faut de nom-
breux signes pour représenter les nombreuses idées
inéluctables, pour figurer les sons naturels, les sons
altérés, du grave à l'aigu, les tonalités (qu'on ne
peut supprimer qu'en apparence), les modes, les
durées des sons, les silences, les valeurs très diver-
ses, les rythmes, les mesures, les accentuations, les
ornements.
En tout cas, les critiques formulées au nom de
l'enfance contre les difficultés de la notation usuelle
ne peuvent être accueillies, nous le répétons, lors-
qu'elles visent — c'est le cas général — des com-
plications qui ne sont jamais entrevues à l'école.
D'ailleurs, les procédés ne manquent pas qui per-
mettent d'aborder sans peine, à l'école primaire,
l'étude des altérations, des diverses tonalités, et des
rythmes, et nous verrons que certains procédés uti-
lisés par les méthodes de notation simplifiée peu-
vent d'ailleurs être mis à profit.
La im-thoilc directe.
Delcasso. Laurent de Rill»'-. A. Dupaigne.
•I. Conibarieii.
Le chant étant, de tous les exercices que com-
porte l'enseignement musical, celui qui est le plus tôt
praticable, celui qui est le plus agréable, il peut
venir à l'idée de profiter de l'étude des petits chants
d'école pour initier aux intonations, aux tonalités,
aux mesures, aux rythmes, et à l'écriture musicale.
Quelques pédagogues ont pensé qu'il était aisé d'al-
ler du chant au solfège. La plupart demandent que
les enfants chantent d'abord les paroles des petits
chants scolaires, puis, par cœur, les notes de ces
chants, en guise de dernier couplet, — qu'ils s'exer-
cent à battre la mesure en chantant, — qu'ils ana-
lysent, sans connaître le texte musical, quelques
mesures du chant qu'ils ont appris, — qu'ils exécu-
tent la gamme du ton emprunté, — qu'ils s'exercent
à reconnaître les sons, les intervalles.
Delcasso, recteur honoraire, fut l'un des pre-
miers, vers ISoo, à recommander qu'on chantât par
cœur les notes des chants appris en classe. Il com-
posa quelques recueils de petits chants à cet effet
Hachette .
Laurent de Rillé, qui fut inspecteur de l'enseigne-
ment musical dans les écoles de la Seine (moins
Paris), et qui a composé de nombreuses pa^es cho-
rales pour les écoles et les orphéons, écrivit, lui
aussi, un petit recueil de chants scolaires très sim-
ples, gradués, permettant l'utilisation de la méthode
directe, sur le premier pentacorde d'ut majeur, sur
les quatre dernières notes {sol, la, si, do), puis sur
les notes de la gamme entière.
Albert Dupaigne, chargé de l'inspection générale
de la musique dans les écoles normales, précise
ainsi sa méthode1 :
Eli»? commencera par le chant lui-même, qui charme tout
d'abord, el par l'application constante a i
usuels des sept notes, les sept mot-; de la 1 ng
pour justifier le titre parlant de notre m.-t! 1 '■-
chant. Elle débute par donner à l'enfant l'I. ■!;' «"iuhbt,
par leur nom. les notes de tous ses chants noies qu'il apprend
d'abord par cœur; et elle aboutit à l'aire reconnaître à l'audition,
et désigner aussi par leur nom, les notes des airs vocalises ou
joués, qu'il ne connaît pas encore.
Les chants successivement appris porteront sur
deux, trois, quatre, cinq notes.
Le Solfège par le chant (Hachette),
3I-.5Q ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Sur les cinq notes du pentacorde, on pratiquera 1 horizontale, et utilise le système du chronomériale
des exercices de solfège, de lecture, en se servant de Galin pour marquer les temps, les sons prolon-
non pas de la. portée, mais du nom des notes, gés, les silences, les divisions binaires :
M. Dupaigne écrit les noms de notes sur une ligne '
S'écrit I Mi Sol | Sol Fa Mi |. Ré . Mi j Fa o | Ré Mi Fa Sol |La ..(ete)
L'enfant lit évidemment sans difficulté un exer-
cice ainsi représenté, comme il lit à la baguette sur
une échelle où figurent les noms des notes.
En même temps, se pratiqueront des exercices de
dictée orale. La maîtresse (car M. Dupaigne ne s'a-
dresse qu'à l'élément féminin) vocalise ou joue les
n»tes sur un instrument. Les enfants répondent en
chantant les notes avec leurs noms.
L'auteur insiste, et il ne saurait trop insister, sur
l'utilité des exercices de reconnaissance des sons, ou
de dictée. M. Dupaigne dit :
11 y a deux sortes d'exercices parallèles et réciproques condui-
„ i:1| -m luit, le premier étant l'introduction nécessaire au second,
qui est le plus important. Ils sont la version et le thème de la lan-
gue musicale, et la version, où l'on comprend, mène au thème,
où l'on parle. Dans le premier, l'enfant chante de lui-même les
sons dont on lui indique le nom sans chanter. C'est la lecture.
Dans le second, l'enfant trouve (et plus tard écrira) le nom des
mjiis qu'Ali lui fait entendre sans les nommer. C'est la dictée. Le
premier forme plutôt la voix, le second forme plutôtl'oreille.
Ainsi, l'exercice d'analyse ou de reconnaissance
des sons (dictée) apparaît, avec M. Dupaig.ne, comme
plus utile que l'exercice de synthèse, ou d'exécution
des sons et des durées.
Vient l'accord parfait. Puis on utilisera six, huit,
neuf, onze et douze notes. On pratiquera de nom-
breux exercices à la baguette sur un tableau repré-
sentant la « triple échelle des accords parfaits ma-
jeurs », do, mi, sol, — sol, si, né, — fa. la, do. Les
trois échelles, juxtaposées, permettent de toucher
soit les notes des accords parfaits (dans chaque co-
lonnel, soit les notes de la gamme, ou de tout exer-
cice non modulant.
Suivent des exercices sur les accords parfaits mi-
neurs, sur l'accord de si, sur les dièses et bémols, sur
les modulations et tonalités.
Et alors seulement, Al. Dupaigne passe à l'étude
de la notation usuelle. Jusqu'ici, l'élève a donc soit
chanté des notes par cœur, soit trouvé le nom des
notes d'un chant appris, soit appris une mélodie en
se servant des noms de notes.
De cinq à huit ans l'élève n'a donc pratiqué que
des exercices de formation d'oreille ou de voix. A
neuf ans, il est mis en présence de la portée muette,
du méloplaste de Galin. La méthode est donc très
lente. M. Dupaigne ne veut pas qu'on embrasse trop
de choses à la fois, qu'on aille trop vite, qu'on vise
trop haut. Il n'a pas le mépris de la simplicité. « Peu,
niais bien, » est-il prêt à dire pour son compte, et
. plutôt rien que mal ». Nous avons dit déjà que son
but est un but moral, un but d'éducation bien plus
que d'instruction.
Un autre partisan de la méthode directe, et qui
la recommanda avec passion, fut Iules Cosiisarieu-
1; -il d'abord la cause des méthodes sensorielles
lorsqu'il déclare: « L'éducation musicale devrait s'a-
dresser toujours à l'oreille et ne jamais être, par
analogie avec d'autres enseignements, une
visuelle. La pile erreur dans laquelle puisse tomber
un maître est de laisser croire que les signes gra-
phiques dont nous nous servons — portées, clés,
notes, signes d'altération, etc. — constituent la
musique. Ces signes sont l'accessoire; laissons-les
au second rang de nos préoccupations.
J. Combarieu obtiendra que l'élève parle le lan-
gage musical (parler veut dire chanter) avant de le
lire et, plus tard, de l'écrire.
Les premiers modèles seront les chansons popu-
laires, et, le plus souvent, avec leurs paroles origi-
nales (ou retouchées légèrement pour les exigences
de l'école).
Mais des chants spéciaux ont été composés par
J. Combarieu dans l'ordre qu'il à établi, et à l'usage
des débutants.
Ces chants sont d'abord chantés par imitation,
ensuite avec le livre sous les yeux, pour que l'élève
fasse connaissance avec l'écriture. Et cette méthode
directe sera, l'auteur le souhaite, employée le plus
longtemps possible.
Il admet donc, dès le début, une application du
chant à la notation usuelle, et aussi, d'ailleurs, une
part d'exercices de technique musicale et de solfège,
mais de solfège très simplifié.
Et il se pose les questions suivantes :
« Commencerons-nous par une définition générale
de la musique ou de la mélodie? — Autant vaudrait
commencer une leçon d'escrime ou de natation par
un devoir écrit.
« Commencerons-nous par la lecture des notes'/
par la distinction de celles qui sont sur les Hgnes et
de celles qui sont dans les interlignes? J'estime que
ce serait tourner le dos au bon sens. »
El cela nous rappelle les opinions — analogues,
et formulées également avec énergie — de M. Marcel
Prévost. « Pas de leçon parlée puisqu'il s'agit de
chant, pas de leçon raisonnée puisqu'il faut appren-
dre à sentir, à goûter, à aimer l'art. » (Rapport sur
la valeur éducative du chant. i El ailleurs : <> Qu'on
m'ouvre la porte du temple, mais qu'on ne nie
pousse pas dedans d'un coup de poing <•■ [L'Art d'ap-
prendre1.)
J. Combarieu demande encore :
« Commencerons-nous par une leçon sur la
gamme? — Ce serait commencer par la fin. »
t. Et encore : « Maitre qui commences ton enseigne t par une
,1, Bniti barb itive, je n ai que faire de ton n in
avec ta .luliiution et ton arrogante l'.uuui.le . iM.ua-e! P
il apprendre.)
„ L'apprentissage .!■• l'art par l'intellieen,,-, !,■ livre qui eummenee
par : n La peinture est l'art de... ■ — Née non, Cenl leis non. I.'a-
ninnell. nient rel'arlialit dis théories .a .1rs i.-l, -s, an seuil il
science, ne ni inspire qu'aversion... mais , ,s| i
bien plus grave que l,irs,|u II s ..-il ,1, -eom que de coi :ei
l'enseigne ni de la j itme m .lisaui la peintui
qui... .•(!»., Ibid
., \pprendle l.i musique par I inlrlliu née. ,-n ,le loli-ues le, .mis
1,,11111'ees ,1,' re-les, ,le , lélilll tnnis, Je ,| u..s[ |, ,nu;ii ris M,
rlllllilétique musicale, faire ut lu, le pl'einat ,■ ,! -
luit musicale, voilà le plus -m moyen ,1 étouffer tout s, ,1,111110111 ariis-
lique. » fin., Itnpi'art sac la eu/, ne .',/ ace.' ire du citant.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE 3651
L'enfant apprendra d'abord à reconnaître les ryth-
mes, à les marquer. Il le fera joyeusement, car il
aura le plaisir de l'activité. Il mettra une note sur
chaque temps, une note sur deux temps, deux notes
sur un temps. Il apprendra à battre la mesure.
En intonation, il partira des trois sons : do, mi,
sol. « Telle est la base de la musique, » rappelle
J. Combarieu. Le maître se conforme ainsi à la réa-
lité des faits, mais sans donner, de ces faits, aucune
explication théorique. Le maître doit renoncer à la
gamme.
« Commencer par épeler do, ré, mi, fa, sol, la, si,
do, en mettant tout sur le même plan, est un usage
que nous repoussons, comme contraire à la nature
des choses enseignées, comme fondé sur une base
musicalement inexistante (la gamme) et comme
étant, par surcroit, beaucoup plus difficile. Il faut
remarquer, en elfet, qu'autant les enfants sont em-
barrassés pour émettre correctement les notes de la
gamme, autant ils émettent avec facilité do, mi, sol,
do. Pour débuter par là, nous avons deux raisons,
également décisives, et dont l'une ou l'autre serait
suffisante : raison de simplification et d'agrément
pour l'élève; raison de vérité musicale. »
On peut admettre, avec J. Combarieu, qu'il est pré-
férable de commencer par la quinte et l'accord par-
fait, par des séries musicales olfrant peu de combi-
naisons, pour que les exercices de reconnaissance
des sons (dictée) puissent porter sur des étapes très
simples au début. Les combinaisons des sons de la
gamme sont nombreuses, et permettent l'étude de
tous les intervalles simples majeurs, mineurs et
justes. Il convient donc d'attendre pour aborder l'é-
tape « gamme », ce qui n'empêchera pas d'exécuter
des gammes, de bonne heure, en degrés cnnjoints,
notamment pour y appliquer certains procédés de
rythmique.
Dès qu'il connaîtra Jo, mi, sol. et qu'il reconnaîtra
ces trois sons, l'élève connaîtra deux autres accords
parfaits de l'échelle diatonique : fa, la, do, et sol,
», jv.
Ces premières études se font sans qu'on ail recours
à l'écriture musicale.
Puis s'exercera l'attention des yeux. Elle portera
d'abord sur do, mi, sol, puis sur fa, la, do, — sol, si,
ré, et enfin sur une disposition de ces note-, basée
sur leur hauteur, et qui constitue la gamme.
L'éducation musicale se poursuivra toujours à
l'aide de chants populaires, et de chants choisis, et
avec un minimum de solfège. La théorie musicale
sera constamment simplifiée. (J. Combarieu, dans ses
ouvrages, en donne l'exemple jusqu'à supprimer
l'armure d'un morceau s'il ne contient pas de notes
affectées par les altérations constitutives !i
Enfin, les élèves exécuteront surtout des œuvres
chorales à trois et quatre voix, des chœurs, des ca-
nons, fugues, chorals.
Fidèle à son principe de ne tirer les lois et défini-
tions que des faits, J. Combarieu termine son second
volume en nous apprenant ce que c'est que la musi-
que. C'est l'heure, en effet, où l'élève — le grand
élève — est apte à comprendre cette définition.
Plus encore que de tout autre système, on peut
dire de la méthode directe qu'à s'exercer seule elle
apparaît comme insuffisante. Le procédé qui con-
siste à aller du chant au solfège ne peut tenir lieu
de tout, et remplacer tant d'heureux moyens qui
ajoutent à l'enseignement musical l'attrait de la
variété. Les exercices divers de sotmisation, de lec-
ture ou d'analyse, faciles à pratiquer avec de jeunes
enfants, sont trop utiles pour qu'on renonce à les
utiliser.
Si l'on peut, si l'on doit p.i i tir du chant, — comme
nul ne le conteste, — pour aller vers l'exercice pu-
rement musical, il y a intérêt, après quelques
années, à prendre le chemin inverse, à donner le
chant comme une application des éludes musicales,
des exercices de solmisation et, aussi, des études
de solfège. Le maître doit essayer d'enseigner les
chants autrement que par audition. Il le doit pour
gagner du temps, pour amener l'enfant à se passer
d'aide et à produire un effort, pour montrer le
plus tôt possible l'heureuse utilisation pratique des
études musicales. Il se trouve contraint de renoncer
à la transmission orale pour faire étudier, avec la
précision voulue, une œuvre chorale, un chœur à
plusieurs parties. Et il peut, très vite, renoncer à ce
mode de transmission, bien avant même d'ensei-
gner aux enfants à lire sur la portée, en les habi-
tuant par exemple à suivre la baguette, à chanter
sur une représentation graphique de l'accord par-
fait, du pentacorde, ou de la gamme.
La méthode directe ferait la part un peu trop belle
au serinage, — au psittacisme, pour parler savam-
ment, — mais elle apportera, par instants, et sur-
tout dans la période d'initiation, quelques moyens
de plus qui aideront à varier la leçon, — soit qu'on
fasse chanter par cœur, en guise de dernier couplet,
les notes d'un chant appris par audition, — soit
qu'on pratique, sur la mélodie de ce chant connu,
un exercice de dictée orale, consistant à retrouver
audilivemenl les notes qui la composent. C'est alors
un exercice d'analyse de premier ordre.
Cette culture musicale directe ne pourra se faire
qu'avec des chants aidant à la culture du goût. Il
n'est pas inutile Je l'affirmer ici, car les partisans de
la méthode ont justement proposé, pour cette édu-
cation première, des petits chants souvent ridicules,
qu'ils ont écrits en s'ingéniant à rimer avec les noms
des notes, ou à mettre en vers quelques règles de
théorie musicale. On ne peut que s'attrister en en-
tendant chanter avec conscience des paroles comme
celles-ci : « Une noire — c'est notoire — vaut la
moitié — trala la — de la blanche que voilà. »
La moindre mélodie populaire ferait mieux l'af-
faire de la musique.
La méthode rythmique.
On a pu constater déjà que les auteurs de sys-
tèmes d'enseignement musical ne se sont, pour la
plupart, intéressés qu'en second lieu — ou pas du
tout — à la culture vocale. Ce n'est pas la seule
lacune à relever. S'ils s'attachent presque exclusive-
ment aux sons et à leur représentation, ils consa-
crent un examen beaucoup plus attentif aux hau-
teurs de sons qu'à leurs durées.
S'ils sont partisans d'une éducation d'oreille faite
« avant le signe », ils semblent ou ne pas savoir que
la perception des valeurs et des rythmes relève
également du sens auditif, et que les exercices de
rythmes contribuent aussi, pour leur part, à la for-
mation de l'oreille, — ou manquer de moyens pour
entreprendre une étude du rythme sans recourir à
quelque notation.
Nombreux sont ceux, parmi les auteurs de ma-
nuels, qui ne savent conseiller que le pauvre exercice
de lecture rythmique, privé d'intonation et, par con
".(,:<•:
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
séquent, de musicalité, de; vie, d'attrait. Cet exercice,
d'ailleurs, n'est possible que lorsqu'on se trouve
déjà en présence d'une portée.
Les galinistes eux-mêmes ne peuvent faire porter
leur procédé de langue des durées que sur un exer-
cice noté, en chiffres, ou autrement, malgré leur
désir d'enseigner l'idée avant le signe.
Pourquoi cette lacune à peu près générale? Nous
avons fait connaître une première raison : on man-
que de moyens à proposer pour une étude élémen-
taire du rythme. Mais il est aussi une erreur très
courante et qui se formule ainsi : « Les enfants n'é-
prouvent pas de difficultés à lire en mesure, à inter-
préterles valeurs. Seule l'intonation les embarrasse. »
Enfin, on considère trop souvent que l'étude des
rythmes n'a pas de valeur éducative, ni d'utilité im-
médiate.
11 est une expérience qui permet de constater que
les plus grands élèves des écoles, lorsqu'ils solfient un
exercice à deux parties dyssymétriques, ont plus à
craindre de la concurrence rythmique que de la
diversité des sons.
L'expérience consiste à faire solfier un exercice à
deux parties symétriques, composé seulement de
blanches. On solfie avec assurance, à première vue.
Puis le maître transforme le rythme de cette leçon
de solfège (soit en modifiant l'écriture, au tableau, —
soit par simple convention verbale). Par exemple,
dans chaque partie, et dans chaque mesure, il trans-
forme la blanche en deux noires. On solfie encore
avec assurance. A la blanche il substitue noire et
soupir, puis soupir et noire. Enfin ces deux derniers
rythmes sont utilisés simultanément, en deux par-
ties dyssymétriques1. Le maître constate alors que
les élèves sollienl sans précision, et que la dernière
combinaison les conduit même à chanter sans jus-
tesse une succession de sons facile, qu'ils arrivent à
savoir par cœur. 11 y a sans doute à cela des causes
diverses, mais, en premier lieu, l'antagonisme des
rythmes.
Il a été donné à chacun d'entendre les enfants dé-
former le rythme des chants au point de faire perdre
à la mélodie tout son caractère : le ternaire devient
binaire, ou inversement; la Marseillaise perd ses
doubles croches, les valeurs brèves s'allongent, tandis
que les longues durées se contractent (à tel point
que le refrain : « Aux armes... » est parfois chanté
à trois temps au lieu de quatre!). La complaisance
de ceux qui enseignent y est parfois pour quelque
chose, et parfois aussi leur propre impuissance à
interpréter fidèlement le rythme d'un texte musical.
On le voit, il y a des difficultés à vaincre, et une
éducation rythmique est nécessaire pour assurer
l'exactitude des exécutions chorales.
A ceux qui, d'autre part, contestent l'importance
éducative de cette étude il faut bien rappeler —
même si l'on ne peut éviter la banalité des redites
— de quelle valeur est cet élément premier en mu-
sique, élément « vivifiant et fécond » (V. d'Indt). Le
rythme facilite considérablement, pour de jeunes
enfants, la comprétension de la mélodie et du texte
poétique (lorsque l'adaptation prosodique est bonne).
Il est activité, et, comme tel, il facilite énormément
la mémoire des sons.
L'un des principes pédagogiques d'Herbert Spencer
invite à consulter la marche qu'a suivie la civilisa-
tion pour trouver la bonne méthode d'éducation,
ou mieux, la progression la plus naturelle. « La
genèse de la science, chez l'individu, doit suivre la
même marche que la genèse de la science dans la
race. » Or, le rythme semble être à la base de la
musique, — il s'y trouve encore chez les peuples les
moins civilisés. On peut donc, avec les primitifs que
sont les enfants, commencer l'éducation musicale
par les exercices de rythme. Ce sera commencer
par l'agréable et l'actif.
On verra, dans un chapitre suivant, quel parti
Mme MoNTEssoni tire, avec les jeunes enfants, — et
avec les anormaux, — des premières perceptions de
rythme, — et par quels exercices elle conduit celte
initiation.
M. Jaques-Dalcroze connaît tous les avantages
d'une éducation musicale basée sur l'étude première
du rythme. C'est du geste rythmé que, pour lui,
naîtra la mélodie. M. Jaques-Dalcroze développe
les facultés de mouvement de l'enfant, l'amené \ i te
à aimer — après le rythme — les sonorités, la
musique elle-même, le met en possession de moyens
nouveaux, tant pour comprendre la musique que
pour l'exprimer. Donc il éduque avant tout le corps,
mais pour affermir la volonté, affiner la sensibilité,
développer les facultés de perception, car le perfec-
tionnement des moyens physiques rend la perception
externe plus facile, plus précise. Il s'adresse ainsi
bientôt à l'oreille, puis au sens esthétique, qu'il cul-
tive dans l'action et dans la joie.
Toujours l'action et l'émotion précéderont l'expli-
cation. Quant à l'étude de la notation, elle ne sera
entreprise qu'après une suffisante éducation de l'o-
reille, c'est-à-dire quand l'enfant reconnaîtra les
rythmes, d'abord, et les sonorités, ensuite.
Une première année sera consacrée aux seules
études du rythme. Mais ce n'est là qu'un « départ »,
et la pédagogie de Jaques-Dalcroze forme un tout
EXERCICE A TRA-NSFOKTMATTONS
pÈmhpémkè
transformation 25 transformation 3- transformation..
oliln
ililicationscn les r„mn;in ! .1.1 1, m, en utilisant le
tableau des mélangea (V. Wilhbm), ou la dactylorylhmie voir plus
li I » ■ ' - ' ■ - rlupiiie.'. un .H-, ne à réaliser des 1 .mbinaisons de
temps à division binaire et à division ternaire, alternatives ou simul-
tanées.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3053
harmonieux et complet. « De même, dit M,le Vincelo,
(La Nouvelle Education, janvier 1920), que le rythme
seul, squelette de l'anatomie musicale, ne fait pas
toute la musique, de même le rythme seul, malgré
son importance, ne fait pas toute la méthode d'édu-
cation physique qu'est la Rythmique ». — Et nous
ajoutons : surtout quand la Rythmique se propose
de remplir un vaste programme d'éducation artis-
tique.
Le point de départ sera dans l'étude de la marche.
L'enfant différenciera les mesures en marquant les
temps forts, dans ses exercices démarche. Lesbras,
eux aussi, sont appelés à marquer les temps. On
réduira au minimum la dépense musculaire — et
non d'énergie, — sur les temps faibles.
Des commandements brusques, inattendus, qui
s'expriment par des « hop! », viennent arrêter l'en-
fant dans sa série de gestes rythmés, ou bien au
contraire le font partir, ou bien encore modifient la
série des mouvements, substituent un mouvement de
bras à un mouvement de pieds, visent à réaliser
l'obéissance immédiate du corps, à développer l'at-
tention, à donner une indépendance aux membres
en détruisant les solidarités gênantes.
Le piano est indispensable aux exercices de ryth-
mique Dalcroze. C'est le piano qui commande. L'en-
fant le suit dans toutes ses exigences de rythme ou
d'intensité, traduit ce qu'il entend, obéit spontané-
ment, répond à l'appel du pianiste improvisateur
chaque fois que changent les mesures, les durées,
les nuances. On joue piano elTenfant marche avec
légèreté sur la pointe des pieds. L'harmonisation se
fait lourde, et la démarche aussi. Le rythme rebon-
dit, et tous les enfants font comme lui.
Ainsi, il y a une assimilation, une pénétration du
rythme et de la musique en chaque être. Il y a, chez
tous, un écho immédiat de tout ce qui est musique-
Parfois, les exercices sont dirigés par l'un des
petits élèves. 11 bat la mesure à deux, trois, quatre
temps. Il ajoute des accents. Il indique des nuances.
Et le pianiste ainsi que les autres enfants lui obéis-
sent.
Un autre exercice consiste à placer les élèves en
quatre files, l'une devant être attentive aux mélodies
composées seulement de blanches (à 2/4), l'autre aux
mélodies composées de noires, l'autre, de croches, et
la quatrième, de sautilles (croche pointée et double
croche). Chaque groupe guette le retour du rythme
qu'il est chargé d'interpréter. Il n'intervient donc
pas sans être sollicité par la musique. C'est un
exercice de spontanéité, de mémoire, et surtout
d'attention.
L'enfant apprend abattre simultanément des me-
sures différentes, à représenter les divisions binaires
ou ternaires, à interpréter des rythmes irréguliers,
des canons rythmiques. (Le piano donne des thèmes
rythmiques qui sont reproduits par l'élève avec une
mesure de retard.)
Les enfants s'exercent également à suspendre la
marche pendant un certain nombre de temps, — les
silences. Ils comptent mentalement ces temps de
silence, et reparlent tous, avec une grande préci-
sion, quand les temps sont comptés, sans avoir ni
pressé ni ralenti. C'est une sorte d'audition inté-
rieure, analogue à celle que M. Jaques-Dalcroze
fait pratiquer avec les sons des gammes, et qui per-
met de constater que chaque enfant garde en lui le
battement de la mesure, qu'il réalise un certain
rythme incarné. Il y a mieux : les enfants interprè-
tent en marchant les mesures composées (par exem-
ple une mesure à 12/8) en décomposant les temps.
« Puis ils retirent une croche à chaque mesure, jus-
qu'à obtenir, à la fin, une mesure composée d'une
seule croche et de 11 temps de silence. Il faut noter
que le silence est réalisé en rythmique par l'arrêt
simultané des jambes et des bras, ce qui en com-
plique l'exécution, mais rend plus sensible la sus-
pension complète de la musique qu'il représente1. »
Les exercices portent sur toutes les difficultés de
rythme. L'une des grosses difficultés est due aux
notes syncopées. « Les fillettes sont groupées par
deux, et l'une marche les temps tandis que l'autre
marche les notes syncopées; elles parviennent ainsi,
sans effort apparent, à nous montrer des syncopes
par anticipation et par retard. Et l'image de ce
groupe se grave dans le cerveau de tous ; la syncope
se concrétise très exactement parla vision du temps
remorquant après lui la note ou étant entraîné
par elle. » (Même article.)
L'oreille s'est développée en s'exerçant à recon-
naître les rythmes, les intensités, les modifications
de mouvement. Les rythmiciens ont à leur disposi-
tion un grand instrument de perfection : une atten-
tion constamment en éveil. Cette attention, bien
fidèle, sera mise à profit au cours des études qui
suivent, et qui portent sur les sonorités, les sons, les
intervalles, les accords, les gammes, les tonalités.
L'exercice d'audition intérieure est pratiqué main-
tenant avec des suites de sons. Les élèves chantent
une mélodie ou une gamme. Le maître lance un
<> hop! » bref et inopiné. Les élèves cessent de
chanter mais poursuivent, en pensée, la série musi-
cale. Au second « hop! »,ils continuent vocalement
la série.
Les gammes, servant d'exercices d'audition inté-
rieure et de solmisation, se chantent toutes de do
à do, ou de do dièse à do dièse. Ainsi, la gamme de
soi majeur, au lieu de partir de sa tonique sol, se
chantera sur
do, ré, mi, fa$, sol, la, si. do.
Les gammes majeures constituent ainsi, parlant
de do, de nombreuses échelles, nouvelles en appa-
rence.
M. Jaques-Dalcroze s'adresse de la sorte beaucoup
plus à l'attention et à l'intelligence des élèves qu'à
leur sens musical. Mais il voit, dans ce procédé, une
occasion de différencier les tonalités et les gammes.
Les demi-tons se déplacent; l'élève observe les pla-
ces qu'ils occupent et cherche la tonique. M. Dal-
croze ajoute que toutes les voix peuvent chanter les
gammes partant de do, et que cette pratique grave
très vite dans la mémoire le son de l'ut fondamental.
Ainsi, l'analyse tonale se trouverait facilitée; l'au-
dition absolue serait favorisée; et il y a — ceci ne
peut être contesté — simplification vocale.
Des dictées orales sont faites fréquemment; M. Dal-
croze donne une progression de dictées, dans ses
ouvrages.
L'éducation musicale s'est donc faite d'une part
par l'élude des rythmes, d'autre part par l'étude des
sonorités. Ces deux séries vont se combiner, et des
exercices mixtes permettront de poursuivre simul-
tanément l'étude des sons et celle des mouvements
corporels.
.'Art à l'école, a' 85.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
L'enfant prouvera qu'il reconnaît la succession
ascendante des sons (en avançant), ou la succession
descendante (en reculant), ou l'identité des sons (en
marquant le pas).
D'ailleurs, la phonomimie élémentaire, ou natu-
relle, est également utilisée (voir les signes manuels
de Wiliiem). La main s'élèvera, de la poitrine jus-
qu'au front, avec la série ascendante, et pour con-
trôler ainsi le degré de tension des cordes vocales,
et> les diverses places où se localisent les vibrations
sonores.
D'autre pari, se pratiqueront des associations de
mouvements corporels continus, avec des sons
vocaux soutenus. Puis s'introduiront des interrup-
tions.
Les rythmes et les sons s'associeront autrement
encore : une gamme est exécutée sur un certain
rythme. Au commandement de hop! elle sera exé-
cutée sur un rythme différent (les rythmes pourront
être indiqués au tableau).
Puis viendront les exercices de dissociation, soit
que l'élève chante piano en marchant bruyamment,
soit qu'il marche à pas feutrés en chantant fort. Il
pourra aussi chanter deux notes en exécutant trois
gestes (ou quatre, ou cinq), ou faire le contraire. II
chantera une mélodie en effectuant un rythme qui
lui est étranger.
M. .L\niE--DALCROZE attache un grand prix à la
culture vocale, qu'il entreprend avec des exercices
divers de pose de voix, de souplesse, de respiration,
de concordance entre l'audition et l'émission.
Une méthode d'une telle envergure, qui comporte
encore des exercices de mémorisation, de phrasé, de
nuancé, à' accentuation, de transposition, ne peut être
connue que si l'on assiste à des démonstrations nom-
breuses, que si l'on consent même à se faire élève,
que si l'on se reporte aux nombreux ouvrages di-
dactiques de M. Jaooes-Dalcroze1.
La méthode Dessihier, partie de Belgique, n'est pas
exclusivement non plus une méthode de rythmique.
Elle prévoit aussi une culture d'oreille par les into-
nations, et des exercices graphiques pour l'étude
des signes. Ce sont même les procédés d'intonation
qui ont seuls survécu dans les écoles belges, où cette
méthode a été longtemps appliquée intégralement.
Mais, par contre, c'est la partie concernant le
rythme qui est quelque peu connue en France, où
d'ailleurs les propositions de H. Dessirier ont été
modifiées dans un sens plus pratique.
L'auteur considère trois groupes de durées :
1" les notes et les silences d'un temps,
2° les notes et les silences valant plus d'un temps
(les multiples) ;
.3° les notes et les silences valant moins d'un
temps (les sous-multiples).
Les signes de durée de la notation usuelle ont
l'inconvénient, pour l'enfant, de ne pas rappeler les
valeurs correspondantes. Ainsi, à l'examen des
figures de durée, rien ne permet de voir que la
blanche vaut deux noires. Aussi, à la notation sui-
vante :
I J J J J |J J jj. J+»
H. Dessirier préfère une notation analytique :
| J J J J,JJJJ|JJJ JlJ^Jj^
De même, les sous-multiples du temps seront notés sous leur forme analytique, et les valeurs suivantes
Cette écriture s'accompagne de signes manuels
rythmiques, pour représenter le temps et ses sous-
multiples, à l'aide des doigts, réunis ou écartés.
Ce sont ces signes, pratiques, qu'on utilise. Mais,
tandis que H. Dessirier considère que la noire vaut
quatre doubles croches, et qu'elle doit se repré-
senter à l'aide de quatre doigts réunis (tandis que
les quatre doigts écartés figureront quatre doubles
croches séparées), ces mêmes signes manuels ser-
vent maintenant à figurer le temps (un doigt) et ses
multiples. C'est, en etfet, sur ce temps et sur les mul-
tiples que portent seulement les premiers exercices
élémentaires. L'écriture en doubles croches ne se-
rait possible que si l'on recourait dès le début aux
mesures à 2/16, 3/16, 4/16, que l'on ignorera tou-
jours à l'école primaire.
La dactylorythmie — système Dessirier trans-
formé — permet des exercices de synthèse et d'a-
nalyse, — soit que les élèves exécutent (en rlmnunl
une suite de sons déterminés, comme la gamme) les
durées indiquées par les doigts du maître, — soil
que les élevés représentent eux-mêmes les durées
d'un chant qu'ils exécutent par cœur, ou des sons
que chante le maître.
La mimique se fait d'après les règles suivantes :
1. Un doigt représente un son d'un temps.
2. Plusieurs doigts séparés représentent plusieurs
sons d'un temps.
.!. Plusieurs doigts réunis représentent un son de
plusieurs temps :
I, l,< Rythmique [i roi.)'. La l". u , inim [I vol. pr iface al
lercires), — Los Cammrs ri 1-s Innahlrs , :i vol.l. Joliin, éditeur,
.uis.uiue, Suisse). — Eu l'i-ame, . lie/ Koiku't l.erolle, 80, rue il'As-
)ltR, Paris.
Les démonstrations ont lieu a^çez fréquemment, à Genève, Paris,
ondres. Des cours réguliers sont donnés dans ees villes (à Génère,
i. rue Terrassiôre).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE 3 car.
nACTYtORYTMIE A DEUX TEMPS
La main du maître.
Deux sons Un son de
dun temps deux temps
En ce qui concerne les silences, la mesure ayant
été indiquée : un doigt disparaissant (replié en de-
dans) invite au silence d'un temps ; le poing fermé
figure le_silence d'une mesure :
SILENCES A DEUX TEMPS
La mainâu maître vue osr lui :
• vue parlëlève:
m'"l ! 1 t 1 t
Son d'un temps et Silence
silence d'untemps et son.
dune mesure
Le mécanisme est toujours très simple et d'une
conception si naturelle que, après avoir utilisé les
figurations propres à la mesure à deux temps, il
n'y a pas de nouvelles conventions à prendre avec
les enfants lorsqu'on utilise les figurations à 3 et
4 temps :
DACTYL0RYTM1E A TROIS TEMPS
Lamajn du maître, vucparJui:
Vu t par J'eJeve
tl ft « f)
Trois sons Un son de Xongue Brève et
d'un temps ."trois temps et brève longue
Nous laissons de côté les figurations des silences, I se fait, là encore, à la place marquée par le doigt
trois temps et à quatre temps, puisque le silence I replié :
DACTYLORYTHM1E A ÇUATRE TEMPS.
La main du maître, vue par lui-.
vue par J'élève -.
W
Quatre sans Un son de Deux sons Longue et Deuxbrèves
d'un bemp s quatre temps de 2 temps 2 brèves etunelongue
(Peu usité) (Syncope)
La dactylorylhmie constitue le procédé le plus
simple et le plus concret permettant de connaître
Vidée avant le mot et surtout avant le signe. Les en-
fants exécutent des sons d'un temps, de deux, trois,
quatre temps, et des silences, sans savoir que ces
idées s'appelleront, à 2/4, 3/4, 4/4, des noires, blan-
•ches,... ou soupirs.
Les doigts se prêtent aisément à toutes les atti-
tudes, — avec l'aide du pouce, au besoin.
Recherche des intonations. — Pour établir son
système reposant sur l'idée des tonalités et l'appré-
ciation des fonctions tonales, Dessirier renonce,
là encore, au raisonnement, — et, quoique cette
partie de sa méthode n'ait plus de rapports avec
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
sa rythmique, il n'est pas inutile de l'examiner.
Dessirier traitera les difficultés d'intonation, dans
tous les tons, à l'aide de formules transposables, —
reprenant ainsi, pour en faire un système complet,
le procédé qui amena Oui d'Arezzo à utiliser isolé-
ment (pour retrouver les hauteurs de sons) les
phrases de l'hymne de Saint-Jean.
Dessirier — empruntant à Newton une compa-
raison bien connue — rapproche la gamme des
sons de celles des couleurs de l'arc-en-ciel. Sept
sons, sept couleurs. Les couleurs I, III, V (rouge,
jaune, bleu) sont les plus saillantes, — ainsi que les
sons I, III, V, sons primordiaux, calmes, fixes, per-
mettant un repos mélodique, et constituant l'accord
parfait de tonique. Il existe des couleurs secondaires
(II, IV, VI, VII), comme il existe des sons secondaires
dans la gamme, sons mobiles, subissant l'attraction
des notes de l'accord parfait de tonique.
De ces comparaisons, tout un système progressif
peut être tiré en faveur de l'étude de l'accord
parfait, et son utilisation comme appui mental.
En quoi consistera la recherche de l'intonation,
puisque la méthode se propose surtout de guider
cette recherche?
1° à ne jamais solfier une seule note sans en
avoir préalablement trouvé le son dans sa formule
propre;
2° à ne jamais solfier une seule note sans en des-
siner la formule.
Quelles sont ces formules, figurant encore dans
les récents programmes belges"?
Ce sont sept groupes de notes, prenant place dans
un canon à trois voix, et constituant des moyens
mnémoniques pour retrouver les divers sons.
Chaque phrase du canon — ou mieux, chaque
incise — part de l'un des trois sons primordiaux
I, III, V et comprend l'un des autres sons (secon-
daires) 2, 4, 6, 7 (nous chiffrons à la manière de Des-
sirier, en romain pour les notes de l'accord parfait,
en arabe pour les autres notes) :
1" pnrasc du canon
Formule du son I
Formule du son III
Formule SasonV
Les sons I, III, V seront donc faciles à retrouver si
l'on connaît bien les formules. Partant du son 1 (le
do, en ton d'ut majeur), on sera conduit vers la se-
conde incise, celle du son III, et vers la troisième,
celle du son V.
Les enfants sauront donc les formules par cœur,
et les appelleront constamment à l'aide.
Ces mêmes incises permettront de retrouver éga-
lement le son des notes 2, 4, 6, 7.
En effet, après avoir chanté : Do, ré, do, do, ré, do,
'enfant n'aura qu'à couper l'incise, qu'à répéter en
écho ré, do et enfin ré, pour avoir le son de la
note 2.
Avec la seconde incise, il trouvera le son de la
noie 4 eu chantant d'abord : mi, fa, mi, do, puis fa,
mi, do.
La troisième lui donnera le son 6, et le son 7. Car
de cette incise : sol, la, sol, si, do, on détachera la,
sol, si, do (son 6) ou bien seulement si, do (son 7).
Ceci fait donc, en réalité, sept formules, se notant
ainsi :
Ce canon s'apprend (quelque peu modifié) en do
mineur. Et ces deux types, l'un majeur, l'autre mi-
neur, se transposent dans tous les tons et tous les
modes.
Une écriture sténographique, représentant seule-
ment chaque degré de la gamme, permet de tracer
la formule au tableau, en chantant.
La méthode intuitive et sensorielle.
Coménius, J.-J. Rousseau, Pcstalozzi, Frœbel.
Xa'geli, balin. Itard, Seguin, B»« Pape-Car-
penlier. .Uoiitessori. — Pédagogie moderne.
A revoir les principes formulés avec insistance
par les partisans des méthodes intuitives et senso-
rielles, on peut s'étonner que ces principes n'aient
pas fait naître beaucoup plus tôt des pédagogies mu-
sicales pratiques. Mais on a longtemps songé à faire
l'éducation des sens, de l'oreille, sans toutefois re-
courir à la musique. Cependant, en 1640, Coménius
écrivait :
« Il n'y a rien, dans l'intelligence, qui n'ait d'a-
bord passé par les sens... Que l'élève apprenne à
connaître les sons, qu'on exerce d'abord les sens
(perception), puis la mémoire, puis l'intelligence,
puis le jugement. Le savoir commence par l'obser-
vation. »
Ou fera- connaître et reconnaître les sons avec
précision, ainsi que les phrases musicales, et dès"
l'école maternelle, sans se borner à enseigner aux
meilleurs élèves, car tout peut être appris à tous.
Et Coménius introduit chant et musique dans un sys-
tème d'instruction primaire qui prend l'enfant à
cinq ans.
Sa pédagogie est d'actualité, et la méthode in-
tuitive d'enseignement musical est toute en germe
dans ses ouvrages. Le « faire agir » vient de lui, —
non de nos contemporains du nouveau continent, et
il dit fort bien : « On apprend eu s'exerçant. L'écri-
ture s'apprend en écrivant, la musique en exécutant
des sons. »
J.-J. Rousseau, — dont il ne faut considérer ici
que les conceptions pédagogiques d'ordre général,
el non plus le projet de réforme de la notation, —
J.-J. Rousseau, l'auteur de l'Emile, reprend les
mêmes idées avec passion, et affirme l'importance
TECH.XIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE
de celte éducation des sens qu'il a tant contribué à
faire prendre en considération.
Il dit: « Un enfant est moins grand qu'un homme:
il n'a ni sa force ni sa raison, mais il voit et il entend
aussi bien que lui ou à peu près... Les premières
facultés qui se forment et se perfectionnent en nous
sont les sens. Ce sont les premières qu'il faudrait
cultiver : ce sont les seules qu'on oublie ou celles
qu'on néglige le plus. » Et il fait connaître tout ce
qu'on peut attendre de cette éducation sensorielle
qui servira à former le penseur ou l'artiste : « Exer-
cer les sens n'est pas seulement en faire usage : c'est
apprendre à bien juger par eux, c'est apprendre
pour ainsi dire à sentir : car nous ne savons ni tou-
cher, ni voir, ni entendre que comme nous avons
appris. » Il demande qu'on rende l'ouïe fuie, sen-
sible au rythme et à l'harmonie, — qu'on exerce la
voix non seulement à bien articuler, à prononcer
exactement, à se produire avec mesure, niais aussi
à devenir musicale, souple, égale, juste. C'est bien
là l'objet de l'enseignement musical du premier âge :
développer les deux organes du jeune chanteur-
musicien, en développant, en même temps, son goûl
artistique.
Et Rousseau s'élève avec force contre les profes-
seurs de son temps pour qui la musique n'est plus
« la science des sons », mais la science des blan-
ches, des noires et des croches. 11 dit : « Dès que
ces figures cesseraient de frapper leurs yeux, ils ne
croiraient plus voir de la musique. D'ailleurs, ce
qu'ils ont appris difficilement, pourquoi le ren-
draient-ils facile aux autres '? » (Dictionnaire de
musique.)
Un autre avantage de la méthode sensorielle c'est
que, suivant le mot de Fénelon, « elle remuera tous
les ressorts de l'âme de l'enfant». L'extrême variété
sera possible ; l'étude des sons sera rendue aimable ;
l'enfant agira; il sera sans cesse appelé à découvrir,
à l'aide de moyens qui semblent faire disparaître le
maître, mais qui font à coup sur disparaître le livre.
Cette double indication de Rousseau, sur l'objet
de la première éducation musicale el sur la méthode,
lui donne bien plus droit à noire reconnaissance que
le système de nolation qu'il a inventé ou repris,
et que toute sa musique.
Dans le grand édifice pédagogique bâti par Pesta-
lozzi (1740-1827), on reconnaît toute l'empreinte de
Rousseau.
Dès ses premiers écrits, La Soirée d'un solitaire,
Léonard et Gertrude, Pestalozzi donne une grande
place aux exercices de chant. L'enfant n'apprendra
que ce qu'il doit savoir : le chant, le calcul, l'écri-
ture, la lecture de la Bible.
Plus tard, dans son système d'enseignement, il
distinguera trois degrés dans le développement de
l'esprit : la perception, la langue, la pensée.
1° Les connaissances naissent de l'exercice de
nos facultés sur les objets qui nous entourent. « Les
yeux et les oreilles, comme aussi l'organe de la
voix, se développent de bonne heure par l'exercice
continuel auquel on les soumet. Le dessin et le
chant sont particulièrement propres à leur donner
un haut degré de perfection. » Les facultés de per-
ception se fortifieront d'autant plus vite (comme les
autres facultés d'ailleurs) que l'exercice sera mieux
adapté aux forces, plus agréable, et qu'il provo-
quera davantage l'enfant à l'action. « Le besoin de
marcher diminue chez le petit enfant qui tombe; »
un écolier se rebute et se décourage dans un ensei-
gnement sévère et au-dessus de ses forces. L'exer-
cice sera « approprié » aux forces et aux besoins de
l'enfant.
2° Mais la faculté de perception est intimement
liée à la faculté de s'exprimer, au langage. Il faut
exprimer au dehors, par des gestes et par la voix,
les impressions du dedans. Donc, après la faculté de
recevoir, la [faculté de rendre. L'organe de la voix
doit être exercé, ainsi que la connaissance des noms
des choses, et la connaissance des signes. C'est l'ap-
pel, — dans la Iecluie et dans le chant, — en troi-
sième lieu seulement, au sens visuel.
3° « La perception et la langue éveillent dans l'es-
prit une autre faculté : la faculté de penser, » la
réflexion. « L'homme observe et cherche à com-
prendre les procédés de l'art. Il s'applique ensuite à
les reproduire par imitation, puis il passe de l'imi-
tation à la liberté, et à l'indépendance dans l'ac-
tion. »
On le voit, tout un programme d'enseignement
musical se trouverait ainsi défini dans les écrits de
Pestalozzi, et nous n'aurions rien — ou presque —
à y ajouter. Nous traduirions ainsi : connaître d'a-
bord les sons et les reconnaître. Puis connaître leurs
noms. Puis connaître les signes qui les représentenl,
puis les lois qui les régissent, et tout ce qui conduit
à la recherche de l'art. Et tel est bien le développe-
ment normal des connaissances musicales.
Le disciple de Pestalozzi, Fbœbbl (1782-1852),
psychologue, pédagogue, reprend la formule : « L'en-
fant doit d'abord exercer ses sens. » Dès l'école
maternelle, l'enfant discernera, au milieu de la na-
ture, les chants des oiseaux, le bourdonnement des
insectes, les bruits divers, la chanson du vent. Et il
discernera de même les sons, sans que ne l'y aide
aucun verbalisme. Fbœbbl accompagne tous les jeux
de chants appropriés. Lui-même en a composé une
centaine (recueil : Eundert Ballieder). Le Faucheur,
le Paysan, le Colombier, le Nid,... sont les plus con-
nus. Ces chants se miment, s'exécutent en marchant,
et surtout en jouant à la balle. Le chant el le jeu ne
se séparent pas, et l'enfant apprend la joie dans
l'action, dans l'harmonie, dans « le bain moral a du
jeu. On sait toute la place que, aujourd'hui encore,
tient le chant dans les jardin* d'enfants frœbeliens
de Belgique, d'Allemagne, de Suisse, des Etats-Unis,
el, en France, de Tourcoing (avec Mlle Baudeuf), de
Porchefontaine, de Thivet.
Un autre grand disciple de Pestalozzi fui Njegeli
(1773-1836), compositeur de musique et pédagogue
éminent, le créateur du chanl populaire dans la
Suisse allemande. Il conçoit trois stades dans l'ins-
truction musicale : 1° l'étude du rythme, 2° l'étude
des sons, 3° celle de la force des tons (dynamique)
et des éléments primitifs. Des chants gradués ser-
vent d'application.
Il organise à Zurich (IS0!i) une chorale mixte, et,
malgré les réacteurs, il s'obstine à recommander la
méthode de Pestalozzi en Suisse, en Allemagne,
en France. Il compose pour les écoles et les sociétés
de chanteurs zurichois, des chœurs mixtes, chorals,
motets.
Depuis N.egeli, la Suisse est la nation où le chant
choral populaire est le plus en honneur, et où l'en-
seignement musical élémentaire est le mieux or-
ganisé.
Et, de même qu'il faut citer Rousseau dans un
historique de la méthode intuitive, de même il faut
nommer à nouveau le grand Pierre Galin, qui a su,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTION. VA! RE DU CONSERVATOIRE
dans son exposé de méthode d'éducation musicale1,
appliquer les idées de Rousseau bien mieux que
Jean-Jacques lui-même, qui n'avait entrevu que des
simplifications d'écriture et d'étude.
Lui-même autodidacte, parvenu par ses propres
moyens à découvrir les lois musicales, Câlin pro-
posera, comme Rousseau, de faire découvrir par
l'enfant tout ce qui concerne les successions de sons,
dans l'ordre mélodique et dans l'ordre rythmique.
On partira de l'observation, et non de la règle.
Grâce à la variété des procédés, on donnera à l'en-
seignement musical une forme aimable et pratique.
A ce sujet, rappelons que Galin n'a pas repris exclu-
sivement la notation de Jean-Jacques. Il accueille
toutes les écritures, et s'il a marqué une préférence
pour les chiffres, il utilisa en même temps les notes
et les lettres, et fit ITosage que l'on sait de la portée
muette. D'où que viennent les influences qui ont
agi sur lui, son œuvre le met au rang des plus grands
pédagogues. Cette œuvre mériterait donc un long
examen, mais l'exposé de Galin est si clair, son style
est si agréable et parfois même si plein de couleur,
que nul ne regrettera d'être contraint à se reporter
à l'ouvrage même pour connaître la pédagogie de
l'auteur. Les erreurs scientifiques qu'on y relève
ne sauraient être imputées à Galin. Elles sont de son
temps.
Ses procédés d'enseignement étaient connus avant
qu'il en fit lui-même l'exposé. Il dit d'ailleurs qu'une
méthode nouvelle n'est pas une somme d'idées nou-
velles, mais un nouvel arrangement d'idées connues.
Mais il a su compléter ces procédés, les rendre prati-
ques, et sa tâche de mise au point fut grande.
Moins spécialisés dans l'enseignement musical,
mais partisans déclarés de l'éducation sensorielle,
furent Itard, Seguin et Mme Pape-Carpentier.
Les deux premiers s'intéressèrent surtout aux
anormaux, mais leurs méthodes devaient produire,
avec les normaux, des résultats bien plus rapides
que ceux qui sont dus aux méthodes traditionalistes.
« C'est la méthode unique de tout enseignement, »
dira le psychologue Binet, et Mme Montessori, après
avoir complété cette méthode à l'usage des attardés,
l'utilisera avec des élèves moyens, et constatera,
elle aussi, la rapidité et la sûreté des progrès.
Itard (1774-1838), auteur du livre Des maladies de
ïoreilleet de l'audition (1821), tient à isoler le sens à
éduquer. Il annule l'exercice d'un sens au profit
d'un autre, et procède à d'excellents exercices d'au-
dition en plaçant un bandeau sur les yeux de son
élève. Tout son système serait à analyser.
Edouard Segoin, qui part de l'éducation physique,
indique, comme première compensation, la « gym-
nastique nerveuse » et l'éducation des sens. Après
avoir constaté qu'on n'a pas su faire l'éducation de
son oreille (« jusqu'à quatre ou six ans, dit-il, nous
entendions, nous n'écoutions pas »), il indique les
procédés qui permettront de faire discerner — les
yeux étant bandés — la nature des bruits, la na-
ture des sons.
Phonomimie élémentaire. — L'ingénieux procédé
phonomimique, qui se pratique surtout les yeux fer-
més, doit ce perfectionnement, ainsi qu'une part de
I. Exposition d'une mrthode pour l\
(1Ï18, Btirclêaur);
sa popularité, aux deux professeurs éminents que
nous venons de nommer. Mais il est déjà cité par
Wilhem (voir page 3637 : « Signes manuels »). Si Itard
et Seguin font fermer les yeux au cours des exer-
cices de phonomimie, c'est évidemment pour arri-
vera isoler le travail d'un sens. Nous voyons surtout
dans ce procédé l'avantage d'obliger chaque enfant
à répondre selon ce qu'il entend, silencieusement,
donc sans faire connaître sa réponse à la collecti-
vité qui, en retour, sera sans influence sur lui. C'est
ainsi le procédé permettant à chacun de donner le
maximum d'elfort, dans une consultation générale.
Mm0 Pape-Carpentier (1813-1878), qui fut inspec-
trice générale des salles d'asile, et qui écrivit plu-
sieurs ouvrages d'éducation sensorielle et d'ensei-
gnement musical, est l'apôtre de la méthode natu-
relle, de l'observation, de la leçon de choses, et
aussi de l'enseignement attrayant. Elle écrit :
« Généralement, on ne se préoccupe pas d'exercer
chez les enfants le sens de l'ouïe, de le rendre ca-
pable de reconnaître les bruits extrêmement variés
qui frappent sans cesse nos oreilles, et que nous
avons coutume de discerner moins par le sens de
l'ouïe que par l'habitude de voir les objets qui les
produisent.
« Pour un enfant dont on exerce plus ou moins
l'oreille par de bonnes leçons de musique, combien
d'autres sont entièrement laissés sans culture audi-
tive!
« ... De cette omission dans l'éducation physique
résultent des inconvénients de plus d'un genre. D'a-
bord, l'enfant ne se trouve point préparé à apprendre
la musique, et il n'est pas non plus habitué à écou-
ter, qualité pourtant précieuse et fort rare. Il reste
ainsi exposé à entendre mal, et à tirer de ses erreurs
d'audition des conséquences souvent fâcheuses. »
Elle trace ainsi le programme d'enseignement
musical dans les classes préparatoires (six ans| :
« La différence naturelle des sons de la voix hu-
maine, leur progression ascendante ou descendante,
dont les intervalles sont indiqués par les degrés de
la gamme, les rapports de ces intervalles ou degrés,
la connaissance au moins pratique de la mesure,
enfin le nom des signes ou caractères adoptés pour
retracer les modulations du chant, voilà, ce me
semble, les principaux éléments que la raison et
une sage sollicitude permettent d'enseigner à des
enfants pour la plupart au-dessous de six ans, dont
l'attention est déjà réclamée par tant (Tau très su-
jets. »
Les premières leçons indiquées par M"" I'aik-
Carpentier portent sur l'appréciation de la diffé-
rence de hauteur des sons de la voix, sans aucune
mention des notes.
« Vous annoncerez à vos élèves ce nouvel exer-
cice comme un jeu; vous intéresserez leur espril par
l'appât d'une difficulté à vaincre, puis vous \m-a li-
sent, deux notes, d'abord assez distantes l'une de
l'autre, comme do et sol, ou même vous donnerez
l'octave, afin de rendre plus sensible la différence
des sons; puis vous demanderez à vos enfants si les
sons ont été plus aigus ou plus graves, ce qu'on
exprime par les mots : montants ou descendants-.
« Quand l'oreille des enfants aura été bien i\ct-
cée, et saura distinguer sans hésitation les sons pins
élevés des sons plus graves, vous chanterez la -anime
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3059
en nommant les notes, sans les indiquer nulle part,
et en vous adressant à l'oreille seule de vos élèves.
« Dès qu'ils sauront solfier de mémoire, vous leur
ferez voir une portée de grande dimension'. »
Et Mml! Pape préconise alors le procédé de la por-
tée muette, et de la solmisation à la baguette, ainsi
que celui de la main-portée. Elle conseille aussi
l'usage d'un petit instrument appelé lepoli/plwne, ou
l'auditiculteur, boîte contenant divers objets qui
seront « frappés ou pinces ». Les enfants — qui ne
voient pas ces objets — doivent deviner les noms
des corps mis en vibration. Ce procédé — qui part
de la leçon de silence — conduit au discernement
de tous les bruits et à la reconnaissance des sons.
On peut du reste préférer, avec Gabriel Compayré,
que ces exercices se fassent sans accessoires, et ne
portent que sur les émissions naturelles.
Un livre récent, L'Education îles sens par l'activité,
dû à la collaboration de Ml,e Maicouran*t, directrice
d'école normale, et de Mm° Joly, directrice d'école
maternelle, donnera de précieuses indications au
sujet de ces premières leçons portant sur la mesure
de l'acuité auditive, et sur la distinction de la nature
des bruits, des sons, des rythmes2.
La méthode Di-chesiin-Iîoisjocse, destinée aux écoles
maternelles, et longtemps utilisée, exigeait île l'en-
fant une marche un peu trop rapide vers la connais-
sance des signes. Cependant, elle mérite de figurer
dans une étude de la méthode musicale sensorielle,
car elle reposait sur l'appréciation des différences
de hauteur des sons, sur l'étendue auditive des inter-
valles, et leur indication sur la portée, abstrac-
tion faite d'abord de la clef et du nom des notes.
Reprenant les idées chères à Mm0 Papk-Carpentier,
la doctoresse Montessoiu (contemporaine) en tirera
des applications du plus haut intérêt. L'auteur de la
Pédagogie scientifique3 part de l'initiation senso-
rielle pure. Sa première leçon — la leçon de silence
— est déjà riche en émotions et en révélations. Ce
silence qui habitue les enfants au calme, à la bonne
tenue, est plein d'un délicieux mystère que la péda-
gogue italienne1 fait goûter. L'enfant n'aime pas le
bruit; il chérit, au contraire, le calme de la paix.
Elle le prouve. Des exercices à voix basse, prati-
qués avec des enfants fermant les yeux, l'observa-
tion postant sur les bruits de la rue, le tic tac de
l'horloge, les chocs, les froissements,... puis l'étude
des sons, les exercices de rythme, formenl une pé-
dagogie musicale de premier ordre.
Après la leçon de silence viennent les exercices
d'identification des sons, exercices qui nécessitent
l'emploi d'un petit jeu de timbres sonores. Ce sont
des clochetles, ou simplement de petites plaques
métalliques, placées sur des réglettes, et qui réson-
nent lorsqu'elles sont frappées légèrement. L'élève
reçoit une seconde série de timbres, qu'il fait tinter
en les frappant. Il compare les sons et groupe, deux
à deux, les timbres dont le son est idenlique. C'est
l'exercice d'appartement.
Puis l'élève classera ses timbres suivant les hau-
teurs des sons, du grave à l'aigu. Tous les élèves
réussissent à apparier, puis à classer les timbres.
1. Enseignement pratique dans les salles d'asile, M""' Pape-Car
-. Nalhan, éditeur.
3. Deux volumes. Larousse.
4. I.cs cours du Comité national Moxtessom se font à Rome e:
dans quelques villes d'Italie. De nombreuses écoles maternelles ei
élémentaires des autres pays ont adopté les directions île M"c Mo»
ipparièr et à classer des
comme ils arriverai
étoffes de couleur.
Les élèves auront à reproduire vocalement les
sons des clochettes. Ils imiteront ces sons légers,
lout naturellement avec une voix douce, pure. Par-
fois, un seul élève frappe doucement les clochettes,
et les autres enfants reproduisent vocalement les
sons qu'ils entendent.
On en arrive à développer très sûrement la mé-
moire des sons, et à tel point que l'enfant pourra
donner le nom des timbres qu'on fera tinter dans
un ordre quelconque.
Ainsi, l'oreille est le premier organe à développer.
Puis des exercices s'adressent à la fois à l'ouïe et à
l'organe vocal. Enfin, on entreprendra l'éducation
visuelle, l'étude des signes de notation. On n'utili-
sera aucune écriture simplifiée, et l'enfant connaîtra
la portée de cinq lignes.
Mme Montessori remet à l'enfant un carton où est
tracée une grosse portée. L'enfant dispose de petits
disques en carton, blancs d'un côté, et portant de
l'autre un nom de note. L'enfant place ces disques
sur les lignes ou dans les interlignes, suivant le nom
des notes de ces disques, mais en laissant visible la
seule face blanche. Quand tous les disques sont pla-
cés, l'enfant les retourne sur place. Il peut alors,
sans secours, voir s'il a bien placé tous les disques
de même nom sur une même ligne. 11 rectifie s'il y
a lieu, et la maîtresse, d'un coup d'œil, contrôle.
En même temps, se praliquent les exercices de
rythme, qui ne sont pas sans analogie avec ceux
que préconise M. Jaques-Dalcroze. Les enfants mar-
chent autour de la classe, au rythme d'une mélodie
chantée doucement, ou d'un morceau exécuté sur le
piano. Mme Montessori demande aux maîtres de ne
marquer en aucune façon les temps forts de la mé-
lodie, mais de jouer avec autunt d'exactitude et d'art
que possible. La « mesure musicale »,qui n'est donc
pas « la mesure mécanique du métronome », se mo-
difiera au cours d'un même exercice. Le pianiste
ralentira, pressera, suspendra la mesure. Les enfants
« suivront le rythme » et marcheront non seulement
en observant les modifications de mouvement, mais
en interprétant les divers caractères des morceaux.
Les élèves sont invités à constituer un » orches-
tre >>, très simple, très original aussi. La maîtresse
est au piano, les élèves sont près d'elle; ils frappent
sur de petits tambourins, des triangles, des timbres,
pour marquer le rythme, soit en ne marquant que
les temps forts, soit en rythmant tous les temps, soit
encore en divisant les temps en deux ou en trois
parties égales.
Et ces élèves apprendront d'eux-mêmes, par intui-
tion, à battre la mesure, à deux temps, trois temps,
quatre temps. Ils devineront ces mesures.
L'enfant est pris par la musique. M'"" Montessori
cite de nombreux exemples de conversions louchan-
tes. Elle cite ce cas : « Une fois, mon pire entra dans
une salle où une petite Parisienne, qu'il aimait beau-
coup, marchait passionnément au rythme d'un air
joué au piano. L'enfant avait l'habitude de courir
au-devant de mon père. Or, ce jour-là, lorsqu'elle
l'aperçut, elle cria à la pianiste : « Arrête, arrête! »
Elle aurait voulu saluer mon père, mais elle ne pou-
vait pas le faire, parce que la musique continuait de
commander à son corps de se mouvoir selon le
rythme. >> (T. II, p. 403.)
Enfin, des auditions musicales contribuent à ras-
sembler dans l'esprit des enfants toutes leurs con_
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
naissances de rythme et de mélodie, dans une sorte
de synthèse, qui développe rapidement l'intelligence
musicale.
Il y a bien là une méthode complète, de haute
valeur pédagogique, et qui ne perd jamais de vue le
développement artistique de l'enfant. La méthode
fait appel, avec constance, depuis les premières ini-
tiations jusqu'aux grands jours des auditions musi-
cales, à l'émotion artistique.
Nous avions nommé Mme Montessori en étudiant
le système de Jaques-Dalcroze, et nous devons
maintenant rappeler que le grand pédagogue suisse
n'a recours, lui aussi, qu'à la méthode intuitive, qui
trouve une application particulière dans les exer-
cices de rythmique et les exercices sensoriels.
Albert Dupaigne, cité plus haut, et partisan d'une
méthode directe, faisait preuve du plus grand bon
sens en essayant de ramener (1901-1903-1904) l'en-
seignement musical à son véritable objet, et en fai-
sant partir cet enseignement des faits sonores et de
leur perception.
« L'essentiel, c'est l'éducation de l'oreille qui per-
çoit et apprécie les sons, et c'est l'éducation de la
voix, productrice des sons la plus parfaite et la plus
naturelle. L'essentiel, c'est de faire parler la langue
pour arriver' à la faire entendre. C'est alors, seule-
ment, qu'il sera facile de la faire lire. »
M. Dupaigne, dans la conclusion de son exposé,
apparaît comme l'un des apôtres les plus convaincus
de cette éducation de l'ouïe. 11 redit :
« Rien n'est possible si l'enfant n'a pas acquis,
dans son enseignement enfantin, la condition maî-
tresse qui fait le musicien : entendre la langue, re-
connaître et nommer les sons. Le but technique de
tous nos etforts est cette formation de l'oreille, cette
faculté qu'ont tous les musiciens de reconnaître les
sons par leur nom, et pour laquelle nous prescri-
vons l'exercice de la dictée orale... Mais notre but
véritable est un but moral, c'est un but d'éducation
bien plus que d'instruction : c'est le chant, mais le
chant qui touche et qui plaît. »
En 1909, la Grande Revue publiait, sur la question
du chant à l'école, un très remarquable article de
M. Maurice Emmanuel. M. Emmanuel sait apercevoir
les causes de l'insuccès de l'enseignement musical en
France, où « le solfège lue la musique », parce que
le solfège est seulement l'éducateur des yeux et que
le maître ne songe point à former l'oreille d'abord.
« La beauté du son, voilà la croyance inébranlable
qu'il faut avant tout exposer à l'enfant par l'exemple-
II est de nécessité que les premières leçons soient
consacrées à délecter son oreille. »
Et l'auteur indique tout le départ de l'éducation
auditive et de la culture vocale. Le maître obtien-
dra l'unisson, de tous ses élevés, sur un son du mé-
dium [mi bémol fa3). L'enfant ne sait pas le nom du
son qu'il émet. 11 chante ce son sur A.
« L'enfanta pris simplement l'habitude d'écouter,
de percevoir, d'imiter un son mezza voce, de le sou-
tenir un peu, de l'enfler légèrement, sans se deman-
der quel il est. Tout effort lui a été épargné en dehors
de l'attention. On a exigé seulement de son oreille
qu'elle s'affine, de sa bouche qu'elle se creuse, des
sons émis qu'ils soient en place et de qualité pas-
sable : le maître en a avec soin rectifié la justesse... »
La méthode proposée ne se flatte point — on sait
ce qu'une prétention de ce genre aurait de puéril —
de former l'oreille de tous les élèves d'une classe en
quelques jours, et de faire des musiciens en quel-
ques mois. II s'agit d'un véritable enseignement col-
lectif, et de longues semaines, des mois, seront
peut-être nécessaires dans certaines classes pour
qu'on dislingue un son d'un autre, qu'on apprécie
les hauteurs comparées des sons.
« Cette période de formation pour l'oreille de l'en-
fant doit être patiemment franchie. »
M. Maurice Emmanuel demande que les exercices
de hauteur des sons portent d'abord sur la quinte.
« En même temps, l'élève prendra connaissance de
l'accord, d'où la gamme est issue. Il faut que lui
deviennent familières les formules de cadence qui
organisent autour de la tonique le cortège de ses
satellites, mais par l'audition seule, sans le moindre
exposé théorique. »
Concurremment on fera l'éducation de la voix.
« Il est bon, dès le début, de donner aux enfants
la certitude que leur bouche agit comme un réso-
nateur, et il faut leur recommander de la creuser
en haut comme en bas; manière de dire, évidemment,
mais qui a l'avantage d'exprimer que la cavité buc-
cale doit avoir du creux. Quand l'élève a compris, et
que, en chantant A, il a bien aplati la langue, il lui
semble que ce son soit un corps dont il a plein la
bouche; qu'il sent écouler; qu'il peut mouler comme
il veut. Ce n'est pas illusion pure. Sitôt que l'enfant
a senti la réaction de ce moule sur le timbre vocal,
il est apprenti chanteur. »
Et l'auteur recommande les exercices respiratoi-
res; les séances courtes, mais quotidiennes, de cul-
ture vocale; l'utilisation de sons détachés, toujours
exécutés mezza voce; l'exécution, en sons tlùtés,
croissant de l'aigu au grave, de vocalises, parlant
du mi bémol 4, et descendant en s'appuyant sur les
degrés de la gamme de mi bémol. Le « passage »
devient alors à peu près insensible. L'enfant prend
ainsi l'habitude de cette voix tlùlée si jolie, et on ne
craindra plus que la voix dite de poitrine « sévisse
à l'aigu ». Alors, l'oreille étant sûre, la voix étant
cultivée, l'introduction à l'art musical est accomplie,
et les yeux sont appelés à l'aide.
<■ L'enfant, dont l'oreille est riche déjà de percep-
tions auditives, saisit le lien qui unit le son au signe, u
Ainsi, on aura sagement attendu, avant de « far-
cir les yeux de signes et la mémoire de règles ». Le
solfège et la théorie « n'ont de sens que si l'oreille
est déjà eduquée ».
Les leçons se poursuivront, fréquentes, courtes,
attrayantes. L'enfant chantera toujours avec dou-
ceur. Sa voix sortira sans contrainte. « L'en fan l
doit aimer sa voix et se plaire à la caresser. »
Une voix bien posée, au service d'une oreille exer-
cée, tel est le résultat d'un enchaînement méthodi-
que, d'un effort sagement mesuré, objet d'une sur-
veillance constante.
Dans un article publié par la Société « L'Art à
l'Ecole », M. Aug. Chai i i-, inspecteur principal de
l'enseignement du chant dans les écoles de la Ville
de Paris, se montrait partisan d'entreprendre l'.édu-
cation de l'oreille avant d'enseigner le solfège. 11
écrivait des livres de solfèges à deux vuix, pour les
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3661
écoles, en commençant par des exercices sur l'accord
parfait do, mi, sol.
La commission qui se réunissait, dès la fin de la
guerre au ministère de l'instruction publique con-
cluait à la nécessité de former d'abord l'oreille sans
recourir aux notations, et sans partir des données
théoriques.
Un congrès de professeurs de musique des établis-
sements de l'Etat, organisé par l'association des
professeurs de musique (A. P. M.), adoptait, en 1921,
un programme qui, pour les écoles primaires, com-
portait trois cycles d'études, soit :
pour les cours élémentaires, une lente et sure édu-
cation de la voix et de l'oreille, sans recours aux
diverses notations;
pour les cours moyens, une éducation continuée
de l'oreille et de la voix, à laquelle s'ajoute l'étude
des signes usuels de notation.
et pour le cours supérieur, la pratique du cbant
choral, des lectures polyphoniques, s'appuyant de
plus en plus sur l'entraînement visuel et l'étude de
la grammaire musicale.
Trois titres-formules caractérisent ces trois cycles :
1° Avant le solfège; 2° les signes; 3° polyphonie.
Nous nous excusons de rappeler les conclusions
d'un congrès (celui de 1921), dont nous étions le rap-
porteur pour la question pédagogique. Mais, en 1922,
le programme officiel d'enseignement musical s'ins-
pirait très nettement de ces conclusions, et les ins-
tructions ministérielles de 192') s'en rapprochaient
plus encore.
Ce programme et ces instructions sont publiés
d'autre part.
La méthode intuitive et sensorielle, de précision
en précision, a donc quitté le domaine spéculatif
pour proposer des moyens pratiques de développe-
ment du sens musical. Basée sur l'éducation de l'o-
reille et de la voix, elle peut faire autre chose cepen-
dant que de contribuer au perfectionnement des
organes. Elle peut prétendre à la formation du goût
artistique, à donner des habitudes d'esprit, à éveiller
le sens du beau. Ainsi, elle se soucie d'abord de
rendre plus subtils les instruments de la perception.
Elle les utilise aussitôt à des fins pratiques, a l'ac-
quisition des notions indispensables, et présentant
une valeur éducative. Mais elle veut être à la fois
réaliste et idéaliste, et donner satisfaction aux aspi-
rations les plus élevées.
Pour arriver à ce double but, elle demande qu'on
enseigne bien. On ne songera à la somme des con-
naissances à acquérir que pour choisir, parmi ces
connaissances, celles qui peuvent contribuer à la
culture esthétique. Et l'un des préceptes qu'elle
met en avant est le « faire agir », auquel elle ajoute
le « faire sentir ». Emotion et activité, telle pourrait
être la devise des partisans de cette méthode, tou-
jours perfectible, mais dont les principes semblent
appelés à vivre.
LES PROGRAMMES
Écoles primaires élémentaires. Ecoles primaires
supérieures. Ecoles normales. L'explication
des chefs-d'œuvre de l'art musical au lycée.
Les programmes officiels ont à tâche d'indiquer
la progression à suivre, d'apporter dans les écoles
de même ordre quelque unité, de tracer le chemin
pour que le piétinement soit évité, et pour qu'on
puisse aller plus directement vers un but déterminé.
Ils sont cependant assez souples et assez larges
pour que chaque maître puisse les adapter au milieu
propre dans lequel il vit, à l'école où il enseigne, —
école à une ou plusieurs classes, école de garçons,
déjeunes filles, école mixte, — et au degré de déve-
loppement intellectuel des élèves.
En ce qui concerne l'enseignement musical dans
les écoles primaires, le jalonnement tracé par les
programmes prévoit, comme nous venons de le dire,
trois grands cycles d'études correspondant aux trois
cours : élémentaire, moyen, supérieur. Cependant, à
s'en tenir à l'examen du programme pour le cours
élémentaire, on pourrait croire que l'étude de la
notation est demandée à la fin de ce premier stade.
C'est que, par les mots : gamme, portée, — il faut
entendre : séries de sons, — série de huit sons
(gamme), de onze et douze sons (échelle vocale) cor-
respondant aux signes de la portée, — et les Ins-
tructions de 1923, qui précisent les programmes de
1922, ne permettent plus aucun doute sur ce point.
C'est donc au cours moyen que se fait l'étude des
signes, l'initiation au solfège (à supposer, bien en-
tendu, que les études du premier cyle aient été faites
et bien laites).
Les programmes des écoles primaires élémen-
taires sont les plus étudiés. Ils avaient été souvent
revisés avant la refonte de 1922. Ils présentent en-
core des imperfections, puisque les trois cycles n'y
apparaissent pas avec netteté. Mais ce sont les plus
simples, les plus pratiques, les mieux adaptés de
tous ceux qui ont été établis.
Moins exigeants que les programmes de 1887, dans
lesquels toute la progression de l'enseignement
théorique se trouvait étalée, ils ont surtout le grand
avantage de partir de l'éducation sensorielle, de
l'éveil du sens musical, de la culture du goût, de
l'oreille, de la voix, et de permettre ainsi le recours
immédiat aux procédés d'action, et l'appel constant
à l'émotion artistique. Par souci de simplification, ils
laissent même trop île place au « chant appris par
audition », qui ne devrait s'exercer qu'accidentelle-
ment au cours moyen. Le chant par audition offre
des avantages, et l'on sait quelles ressources il pré-
sente aux partisans des méthodes directes; mais on
sait aussi que les moyens pratiques ne manquent
pas qui permettent d'aller, dès le cours élémentaire
même, — avant l'étude des signes, — de la solmi-
sation au chant, à l'aide d'exercices utiles.
Le texte publié dans l' Officiel du 23 juillet 1922,
arrêté ministériel du 11 juillet 1922, est le suivant :
appr.s [iar
Section préparatoire Je d à 7 ans). Chuu
mditiun.
Coure élémentaire (de 7 à 9 ans) :
1. Cluinl scolaire appris par audition.
2. Formation .le la roix el de ['oreille. Etude .les sons.
3. Elude de la gamme, des intervalles simples, de la portée.
4. Elu le d— ,(.;■ .'• • i.nd.\ Idanch", n.e.i ■ el -ilences corres-
ins)
solfège et chant à une .
3M-:
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Cours supérieur (de li à 13 ans) :
Kevi-i..n do- notions théoriques acquises antérieurement.
Hâtions élémentaires sur le rythme. Mesures composées, le
triolet Exercices de soffage, chant scolaire, chant choral à une
OU plusieurs voix.
Horaires. — Le temps consacré à l'enseignement
musical dans les écoles primaires élémentaires est
de 1 h. 14 par semaine en cours préparatoire, et de
une heure pour chaque autre cours. Ces cours doi-
vent être laits en plusieurs séances (au moins deux)
par semaine, les leçons courtes, mais fréquentes,
donnant les meilleurs résultats.
Les programmes des écoles primaires supérieu-
res, établis par les arrêtés ministériels du 18 août
19-20, sont peu favorables au développement de l'en-
seignement musical. Ils imposent, en effet, une heure
de chant, mais rendent facultatif l'enseignement du
solfège. En raison de l'encombrement des program-
mes généraux, l'heure attribuée facultativement aux
études musicales a disparu de presque tous les
emplois du temps.
De plus, tandis que la méthode d'initiation gali-
niste cesse de figurer au programme des écoles pri-
maires, elle subsiste au programme des E. P. S.,
alors que les élèves de ces écoles sont recrutés préci-
sément dans les écoles primaires élémentaires. Il y a
là une contradiction.
Texte des programmes :
Première année. — I. Enseignement obligatoire. — Chants sco"
laires. — Etude de chants scolaires à une ou deux voix. Ces
chants, directement ecnls ou préalablement tr anspo-és en <l,i ma-
jeur ou en la mineur, pourront être présentés à l'origine en nota-
tion chiffrée.
II. Enseignement facultatif. — Théorie. — Principe élémen-
taires de la musique (on n'étudiera que les gammes types de do
majeur et de la mineur, et que les mesure- -impie- .
Solfège, dictée orale el écrite. — i tei :ic - - tea tans li
gammes types de tlo maj«ur et de la mineur, a évitant toute
complication dans le mode d'écriture viiot item chiffrée et nota-
tion usuelle).
Deuxième année. — I. Enseignement obligatoire'. — Chants sco-
laires. — Chants a une et deux voix.
II. Eiisnani-metii facultatif. — Théorie. — Continuation de l'é-
iii de la lie'' .rie musicale : on passera graduelle-
ment aux tons voisins de do mapeir ou de la mineur et dans les
Trai-iic-f .."Me — !. Eu-ifianeineM obligatoire. — Chants sco-
i!. / .. ■. ' ■ ■. ..,,.,,■. -..lié , et dictée. — Exercices
fa. -des .m, différenl is tons ités.
Théorie. — Cas général des gammes avec dièses et bémols à
la clef. Commenl trouver te ton ' Comro ml transposer en do ma-
jeur et en ta mineur.' Kxeri aces d'application.
Instructions ministérielles, relatives aux program-
mes des E. P. S. (du 18 août 1920) :
Un enseignemenl
levienl fec
ledit : c'esl l'enseignent ml de la
théorie music île. M
lui-même d n i iblig itoire.
Etle Conseil snp iri
m n ;" i oir pratiqué
par les élevé, de- ée
- ivec d'autant plus
de plaisir et de goû
.' . - ... isés .l'un enseignemenl
théorique .1.. ni il- Il
[ueles • .-tractions, et dont ils
ne comprennenl pas
i • ■ tri a ex ■ i ons, Puis nos
élèves peuvent eh 'Il
■ imer le i hanl : mais tous ne
sont pas iiiu-i. a ms
il d -Me -
il para,! doue llill-
■
lemeiil qui d. e.eieerle la plupart
d'entre en \ 1 ;
rner beauco
chant. C'. •'
pandre celle pratique que le Con-
-. 1 snpéri lur a rein
e l'étude de la théorie.
Horaires. — Deux heures d'enseignement musical
par semaine dans chaque année, dont une heure
facultative.
Les programmes des écoles normales, fixés par
arrêté ministériel du 4 août 190:; et par celui du
18 août 1920, maintiennent, eux aussi, l'étude, eu
première année, de la notation chilfrée.
En dehors des prescriptions que nous rappelons
ci-dessous, les programmes comportent l'exécution
de chœurs communs aux trois années.
Texte des programmes :
première aaaèe. — Théorie élémentaire de la musique : Nota-
tion ordinaire et écriture chiffrée.
Modalité, intonation, mesure.
Dictées orales et écrites très simples.
Exercices rythmés et chantés en clé de sol.
Chants scolaires à l'unisson et à deux voix.
Exercices élémentaires de violon ou de piano.
Iiearicne année. — Continuation des exercices théoriques et des
solfèges faciles.
Continuation des dictées orales et écrites, quelques- unes avec
mesures 6/8.
Continuation des lectures rythmées et chantées en clé de sol.
Elude de la clé de fa.
Chants scolaires à l'unisson et à deux voix.
Chœurs empruntés à divers maîtres, à deux ou plus
Exercices de violon ou de piano.
Tenaient' année. — Exercices rythmés et chantés en clé des»/
et en clé de fa.
Dictées orales ou écrites.
Chants scolaires.
Choeurs à plusieurs voix.
Direction des chants, des chœurs et des exercices .1
Exercices de violon ou de piano.
Pages choisies des grands maîtres delà musique.
Horaire. — Deux heures de chant et musique par
semaine dans chaque année.
Les programmes des classes primaires des lycées,
collèges et cours secondaires sont ceux des écoles
primaires élémentaires.
Et il n'est rien prévu de plus, en faveur des clas-
ses secondaires, dans les lycées de garçons. L'ensei-
gnement musical, naguère obligatoire (depuis 1868)
jusqu'à la classe de 4'', et facultatif au delà, n'est
plus obligatoire que jusqu'en 6e (exclusivement) de-
puis [902. Iles chorales, et même des orchestres, ont
été créés dans divers lycées de garçons, et il con-
vient de citer — car ils sont trop rares encore —
des efforts aussi louables que ceux qui ont été faits
dans les lycées de Bar-le-Duc, Nancy, ftocheforë,
Paris (Louis-le-Grand, Charlemagne), Mais ces réa-
lisations sont dues à la seule initiative dos provî-
seurs et professeurs de chant, et il faut considérer
comme à peu près inopérante la circulaire du 28 no-
vembre 191 1 relative à l'institution de chorales.
La situation de l'enseignement musical dans les
établissements secondaires de jeunes filles est heu-
reusement meilleure. Le chant et la musique ont
leur place dans l'emploi du temps général, et les
chorales des lycées et collèges déjeunes lilles sonl
dirigées par des professeurs diplômés, rétribués,
régulièrement nommés. Cependant, l'absence de
programmes d'enseignement, el d'enseignemenl
technique véritable, laisse subsister encore ce que
l'on appelle depuis longtemps « la lacune de l'enset
gnement secondaire ».
I ii arrêté du 21 février L922 a introduit une
épreuve de musique dans le programme de l'es t-
nien du professorat dans les classes primaires des
lycées.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE S663
Des programmes relatifs à l'explication des chefs
d'oeuvre de l'art musical dans les lycées et collèges
ont été donnés, eu même temps qu'on invitait les
chefs de ces établissements à organiser des cours
d'art musical (Arrêté du 3 juin 1925; Instructions du
2 septembre 1925).
Les cours s'adressent aux élèves de seconde et de
première. On a prévu quatorze séances, — d'envi-
ron 80 minutes, — sept de ces séances se rattachant
au programme de seconde; sept au programme de
première. L'inscription au cours d'art musical est
facultative, mais toutes les sections y sont admises.
Programme du cours :
H»
1 ;c p.,ui lliui.ii;; l.-mi-s.-ain-.- pour II.vusi.kl). i el â.Kn
Piani e : l'opéra-comi [ue, les opéras de Bluok. 6 el 7. H v> dn et
Mo . an I 'ii si poui \iw .••.. une 3l demie pour Mo-
/, m. . 8 et 9. Beethoven une séance et de i et.SCHOBHBJ une
demi-séance). 10. L'influence de Gluck sur la musique Française.
Méhci., Rossihi, ArBiH, Metebbee». 11. Wkbeb, Beblioz.
12. Ku Allemagne : la symphonie, la musique de chaniin >■ <d !<■
lied après IIhi'iiiijven et après Scui iinr.r. Ki. Ridhard \\ iflNBK.
1 i. Kn Italie après Rossisi. En France, Gocxod. Apres I ^7U. M.is-
senkt, Bizet, Saint-Saens. L'influence de César Franck., et
son école. Nouvelles tendances : influence île l'ée.d.' iu-e, d.-
nouvelles écoles portiques; effort pouf liliérer des lv-le- tradi-
tionnelles et des systèmes l'expression de l'individuel : l'art de
INSTRUCTIONS MINISTÉRIELLES
Le texte des Instructions du 20 juin 192:!, relatives
à l'enseignement musical dans les écoles primaires
élémentaires (.annoté du 23 février 1923), permet d'a-
bord de savoir quelle était la situation de cet ensei-
gnement en 1923, — et aussi de mesurer l'impor-
tance de l'évolution pédagogique qui aboutit à l'or-
ganisation d'une éducation intuitive et sensorielle.
Voici le texte de ces instructions :
Trop souvent, la musique est négligée dans nos
écoles. Beaucoup de maîtres, qui se croient incom-
pétents, ne donnent cet enseignement qu'à regret
ou ne le donnent pas du tout. D'autres prennent
pour un enseignement musical un enseignement
théorique et abstrait qui ne tarde pas à enlever aux
élèves la joie qu'ils éprouvaient à chanter. Il importe
de réagir : une méthode plus concrète et plus vivante,
en même temps qu'elle sera aisément appliquée par
tous les maîtres, développera chez les élèves le goût
du chant et l'amour de la musique.
Cette méthode, déjà mise en vigueur par l'arrêté
du -1 juillet 1822, consiste à renverser l'ordre trop
souvent adopté dans les classes, et à faire l'éducation
de la voix et de l'oreille avant de commencer l'étude
théorique de la musique. Ce n'est qu'une application
de la méthode générale que nous recommandons en
toute discipline et qui, depuis longtemps, a fait ses
preuves. Pour enseigner la langue française, par
exemple, nous recommandons de faire parler et lire
avant d'entrer dans l'étude théorique des règles
grammaticales; ces règles doivent sortir des exemples
au lieu de se présenter comme des abstractions sans
rapport avec les réalités linguistiques. De même,
c'est de la réalité musicale que doit sortir la règle
musicale ; on ne donnera pas aux enfants de défini-
tions abstraites des termes musicaux avant de les
avoir fait abondamment chanter, avant d'avoir mul-
tiplié pour eux les expériences musicales. Bien plus,
on ne leur fera connaître les symboles graphiques
de la langue musicale qu'au moment où ils auront
acquis une pratique suffisante de cette langue. C'est
seulement lorsque l'enfant a appris à parler en en-
tendant parler ses proches qu'on songe à lui donner
connaissance, par l'apprentissage de la lecture, des
signes graphiques qui représentent pour les yeux ses
paroles. De même, l'enfant doit avoir appris à chan-
ter par audition, il doit se délecler dans ses chants
avant d'être appelé à connaître les signes visuels des
réalités sonores. Il faut qu'il soit assez mûr pour
comprendre que cette représentation visuelle sera
pour lui un nouvel instrument de satisfaction musi-
cale, et qu'elle l'aidera à faire des progrès dans son
chant. La musique est comme une seconde langue
naturelle, celle de 1 intonation, qui ne saurait être
apprise en suivant une autre marche que la pre-
mière, celle de l'articulation.
Ces principes, qui ont dicté notre réforme de
l'enseignement du chant, sont adoptés par les auto-
rités les plus compétentes. Ce sont ceux auxquels
s'est arrêtée la commission réunie au ministère de
l'Instruction publique pour examiner la situation de
l'enseignement musical.
Nous trouvons, en effet, dans le rapport de cette
commission, rédigé par M. André Ghdalge, avec la
condamnation des méthodes actuelles, des prescrip-
tions identiques à celles que nous venons de formu-
ler. Condamnation des méthodes actuelles : « Ce que
pas un maître, si novice fût-il, n'aurait l'idée de
faire, c'est-à-dire enseigner la lecture à un enfant
qui ne saurait pas parler, on le fait journellement
dans l'enseignement de la musique. Et c'est de là
que proviennent toutes les difficultés, tous les dé-
boires, tous les insuccès. Parler de musique à un
enfant dont l'oreille n'esl pas musicalement éduquée,
dont la mémoire musicale élémentaire n'est pas suf-
fisamment développée, c'est lui parler une langue
mystérieuse et incompréhensible, comme les expé-
riences journalières nous le démontrent trop... »
Prescriptions identiques à celles que nous venons
de formuler: « L'instruction musicale doit être fon-
dée sur la culture musicale de l'oreille el de la voix...
La connaissance des sons musicaux, qui est à la base
de l'instruction musicale, est elle-même en fonction
de la mémoire musicale élémentaire, c'est-à-dire de
l'aptitude à reconnaître, à dilîérencier et à retenir
les rapports de hauteur créés par la succession de
deux sons musicaux, ou, à un degré plus grand d'en-
traînement, par leur simullanéité, puis a I
duire avec la voix et à les associer vocalemeut et
plus tard mentalement aux symboles graphiques qui
les représentent. »
De même, dans une remarquable conférence faite
à la Société française de pédagogie1, M. Maurice
Ghevais, inspecteur de l'enseignement du chant dans
les écoles de la Ville de Paris, s'appuyant sur l'auto-
rité de M. Auguste Cbapuis, critique la méthode
actuelle et préconise la méthode inverse. Critique
de la méthode actuelle : « La plupart des leçons
portent, ttès le début, et bien à tort, sur les exer-
cices de lecture des notes. On apprend trop tôt où se
placent les notes sur la portée. On lit trop tôt. On
oublie l'oreille et la voix... C'est l'éducation visuelle
qui précède l'éducation de l'oreille. Ceci tourne le
dos au bon sens, à la logique, à la musique... Ces
mêmes éducateurs, pour compléter ces premières
leçons de chant où l'on ne chante pas, donnent à
l'enfant quelques notions de grammaire musicale.
L'enfant ànonne une définition de l'art, de la mu-
1. Publiée dans
lullelin de cette société, a' a, dé.a i ' i j .
E.XC.VCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
sique; il affronte dès les premiers jours cette réfri-
gérante « théorie musicale » qui le fera si souvent
huilier. Quand il sortira de l'école, il aura une tète
bien pleine de connaissances qui s'envoleront très
vite. Mais il n'aura pas l'oreille bien faite, et il em-
portera de l'école cette idée que la musique est
quelque chose de difficile, decompliqué, de sombre...
C'est l'inconvénient, et il esl grave, de l'éducation
visuelle et théorique. »
A l'inverse, l'auteur préconise une éducation au-
ditive et concrète qu'il résume en ces termes :
« C'est par le chant que commencera cette éduca-
tion, par le chant, base et aboutissant de l'enseigne-
ment musical.
« Les petits apprendront des chants à l'unisson
et à deux voix, de belles mélodies. Et quand ils
auront beaucoup chanté, ils apprendront à vocaliser
et à chanter les sons de l'accord parfait, de la gamme
et de quelques formules d'intervalles.
« Ils connaîtront et reconnaîtront les sons avant
de connaître les signes conventionnels qui permet-
tent de les représenter.
« Puis ils connaîtront ces signes. Lentement, par
étapes, en allant du simple au composé, ils appren-
dront à lire les notes, à solfier, et ils apprendront
enfin quelques lois très élémentaires de la gram-
maire musicale.
« Ils quitteront l'école avec un petit bagage de
connaissances, mais un bagage si doux à porter, si
plein de richesses, qu'ils ne s'en sépareront plus. »
Voyons, dans le détail, comment celte méthode
s'appliquera aux différents cours de l'école primaire.
École maternelle.
La pratique du chant par audition date du début
de Yécole maternelle. Elle y tient une place impor-
tante, car elle y est une source de joie et de santé
morale pour les tout petits.
Elle doit conserver ce rôle au cours préparatoire.
Aussi, choisira-t-on de préférence des morceaux
empreints de gaieté et d'entrain. Mais on se mon-
trera de plus en plus rigoureux quant à la justesse,
au rythme, à l'ensemble. On évitera de forcer les
voix et l'on assouplira les organes, on développera
leur sensibilité. On leur fera acquérir de la sûreté
sans paraître les soumettre à un véritable travail.
L'enseignement du chant, pour les enfants de six à
sept ans, doit demeurer un jeu.
Au cours élémentaire, le chant, toujours appris par
audition, continue à occuper la place prépondé-
rante. Les morceaux doivent être simples, sans que
cette simplicité dégénère eu puérilité et exclue la
beauté. On aura fréquemment recours à la chanson
populaire, prise, autant que possible, dans la tradi-
tion locale.
La formation de la voix sera poursuivie non seu-
lement à l'aide du chant scolaire, mais à l'aide
d'exercices d'intonation. On apprendra aux enfants
à passer de la voix de poitrine à la voix de tête. On
leur fera émettre des sons prolongés et des sons
courts, des sons droits et des sons filés.
L'éducation de l'oreille se composera d'exercices
d'intonation et de dictées musicales orales. On pren-
dra comme point de départ l'accord parfait, dont
les notes « forment une jolie succession mélodique,
espacée, très aisément perceptible sans confusion »
et, « chantées simultanément avec douceur, par trois
groupes d'élèves, forment un accord très simple,
1res pur », susceptible de charmer l'oreille des en-
fants. Sans renoncer à la méthode auditive, le maître
peut « faire exécuter ces trois sons en plaçant la
main à trois hauteurs différentes. Lorsqu'il les chan-
tera seul, les élèves placeront la main à la hauteur
convenable, et ce sera déjà de la dictée musicale1.»
Quand ces trois sons seront bien connus, on ajou-
tera le ré et le fa, et l'on arrivera progressivement à
la connaissance de la gamme, puis à celle des douze
ou treize sons (du si grave au sol aigu) qui corres-
pondent à la voix de l'enfant.
Parallèlement, on apprendra aux élèves les inter-
valles simples. On les habituera à chanter simulta-
nément en deux groupes les sons d'un intervalle et,
de celte manière, on leur fera sentir ce qu'on entend
par consonance et par dissonance.
Tous ces exercices devront être multipliés sans
répit, avec des revisions incessantes et improvisées,
si bien que la classe entière finisse par ne plus hési-
ter à reconnaître à l'oreille ou à entonner à volonté,
avec le secours du diapason, soit des sons isolés,
soit des sons simultanés, soit des intervalles simples,
soit des combinaisons unissant entre eux plusieurs
de ces éléments.
En même temps, on développera d'une façon pra-
tique, chez les élèves, le sens du rythme; on leur
inculquera empiriquement la notion de temps et on
les entraînera à battre des mesures à 2 4, i i et 3/4.
Cours moyen.
Au cours moyen, le chant occupe toujours la place
d'honneur. Mais il comporte une matière musicale
plus riche et il est pratiqué avec des nuances d'exé-
cution et d'expression plus délicates. L'éducation
de la voix reste l'objet de l'attention la plus vigi-
lante. L'éducation de l'oreille, qui comporte l'étude
des tonalités voisines de do majeur et celle de la
gamine mineure, se confond de plus en plus avec la
lecture musicale, c'est-à-dire avec le solfège.
L'initiation au solfège se fait à l'aide du tableau
noir. On ne se contentera pas de faire nommer les
notes sur la portée : chaque leçon de lecture sera
en même temps un exercice d'intonation. Quand les
élèves seront un peu familiarisés avec ces notions
nouvelles, on les initiera à la dictée musicale écrite,
c'est-à-dire qu'on leur demandera d'indiquer eux-
mêmes sur la portée la place de sons isolés, d'inter-
valles, d'accords de deux sons, puis de très brèves
phrases musicales, le tout exécuté vocalement.
Dès qu'ils arriveront à lire couramment, on met-
tra entre leurs mains un livre pour qu'ils en déchif-
frent les leçons de solfège, et surtout pour qu'ils y
apprennent quelques chants. Ils auront alors le sen-
timent d'avoir réalisé une conquête décisive et seront
certainement animés du désir d'accomplir de nou-
veaux progrès.
(ours supérieur.
Aucours supérieur, on abordera quelques tonalités
nouvelles; on étudiera la mesure à 6/8, la double
croche, le triolet. On fera connaître l'emploi de la
clef de fa. Mais, plus encore que ces notions, ce qui
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE
importe, à ce cours, c'est le chant. Il prend nette-
ment le caractère polyphonique; les enfsnts chante-
ront, en chœur, à plusieurs voix, et ils en éprouve-
ront une vive joie : ils naîtront vraiment à la mu-
sique. Les maitres devront veiller sans cesse à la
justesse, donner la chasse aux intonations fausses
et faire corriger immédiatement tout flottement.
Ainsi sera atteint l'objectif principal de l'enseigne-
ment musical à l'école : former des jeunes gens qui
aient le goût du chant et qui chantent avec goût.
Ils ne perdront pas, après l'école, ces bonnes habi-
tudes, et le chant choral, trop peu pratiqué dans
notre pays, s'y développera, apportant aux popula-
tions des villes et des campagnes les joies saines de
l'art musical.
Le programme et la méthode que nous venons de
décrire sont de nature à rassurer les instituteurs
sur les difficultés de l'enseignement du chant. Avec
M. Maurice Chevais, nous leur dirons : « L'écriture
musicale n'est compliquée que pour les artistes.
Pour nous elle demeure simple.
« Toute la musique peut s'écrire à 2/4 ou à 3/4, car
il n'y a vraiment que deux rythmes et deux mesures,
trois au plus, si l'on veut doubler la mesure à 2/4.
« Dans ces trois mesures, la noire vaut toujours
un temps, la blanche deux temps, etc. Les silences
ont, eux aussi, une valeur fixe. Plus tard seulement,
vous connaître/, une exception, concernant la mesure
à 6/8. Pour vous, peu de valeurs relatives; rien que
des valeurs fixes.
« Pour vous et pour l'école, il n'y a qu'une seule
clef, la clef de sol usuelle, qu'on iie déplacera jamais.
Les notes conserveront donc toujours les mêmes
sons aux mêmes places (sauf au cours supérieur où
l'emploi de la clef de fa est prévu).
« Pendant longtemps (entendons au cours prépa-
ratoire et au cours élémentaire), il n'y aura pour
vous qu'une seule tonalité, celle de do majeur, avec
son autre aspect de la mineur.
« Plus tard, vous verrez quelques autres tonalités
que vous aborderez avec gTand plaisir, curieuse-
ment, et sans difficulté. »
Ajoutons que l'instituteur peut s'aider, s'il croit
« n'avoir pas d'oreille », non seulement du diapa-
son (qui est indispensable), mais d'un instrument de
musique. Beaucoup d'élèves maitres et d'élèfes maî-
tresses jouent à l'école normale du violon ou du
piano. Cette pratique doit devenir de plus en plus
générale. Et il existe un petit instrument, le « guide-
chant », sorte d'harmonium portatif à deux octaves,
qui devrait faire partie du matériel de toute école.
Instrument à sons fixes, il rendra plus de services
que le violon pour assurer la justesse des chants.
Nos instituteurs et institutrices devraient demander
soit aux municipalités, soit aux amis de nos écoles,
de leur faire don d'un guide-chant. Grâce à l'aide
des instruments, les instituteurs ne rencontreront
plus de difficultés sérieuses dans l'enseignement,
rendu pins simple et plus concret, du chant et de la
musique. Ils y prendront eux-mêmes un vif plaisir
et sauront inculquer à leurs élèves l'enthousiasme
que mérite l'art délicat et noble qui embellit, tout
en les disciplinant, notre vie individuelle et notre
vie sociale.
Siyné : Léon Bérard.
(M. Paul Lapie étant directeur
de l'Enseignement primaire.)
DÉVELOPPEMENT DU PROGRAMME
Libelle d'interprétation et «le méthode. Les lests.
Mesure de l'acuité auditive. La progression
musicale. Les formes de l'enseignement mu-
sical. Les procédés. Les leçons pratiques,
Les programmes s'appliquent surtout, on l'a vu, à
établir un ordre dans la série des connaissances à
aborder, et laissent la plus grande liberté dans le
choix des moyens propres à donner l'enseignement.
Il ne saurait en être autrement, et si les pouvoirs
imposaient une méthode particulière, s'ils allaient
jusqu'à dire quelle forme il convient de donner aux
leçons, quels procédés il faut repousser ou adopter, le
maître, automatisé, perdrait, avec son esprit «l'initia-
tive, tout désir d'enseigner. Il nepeutprésenterlesfaits
sous des aspects souriants et tenir éveillées l'atten-
tion et la curiosité des enfants, il ne peut donner de
la vie à ses leçons, adapter son enseignement aux
âges, aux classes, aux milieux divers, que s'il peut
donner libre cours à ses qualités personnelles d'édu-
cateur.
Imposer une méthode particulière, codifier', fer-
mée, — c'est assigner un terme aux progrè de la
pédagogie. Le geste est d'ailleurs encore plus inutile
que ridicule.
Au surplus, les méthodes ne valent que ce que
valent ceux qui les appliquent, et la formule : Tant
vaut le professeur, tant vaut sa méthode, esl l'un des
plus beaux lieux communs de la pédagogie. Elle s'ap-
plique surtout à l'enseignement musical, et il est
incontestable que la formalion du goût artistique
des enfants dépend bien plus de la valeur musicale
des martres, et des exemples musicaux dont ils se
servent dans leurs leçons, que de l'application des
méthodes d'intonation ou de solfège.
Il n'en est pas moins vrai que s'il veut accroître
ses moyens, faire un choix aussi libre qu'éclairé,
être en mesure d'accueillir tout ce qui est d'utilité
pratique, — le maître doit pousser aussi loin que
possible les recherches documentaires et les expé-
rimentations.
Notre propre interprétation n'a donc aucune pré-
tention au définitif. Nous ne la donnons que pour
montrer combien il serait facile aux éducateurs,
mis en présence de tous les systèmes anciens, de
rassembler, à l'appui d'une progression musicale
raisonnée, de nombreux procédés constituant une
pédagogie personnelle ouverte, souple, doirt ils pour-
raient faire profiter tous leurs élèves.
Les tests d'éducation musicale. — Les tests col-
lectifs d'éducation musicale ne tendent nullement
— ce serait absurde — à mesurer le degré d'apti-
tude artistique de chaque enfant. Mais ils rendent
de grands services au maître qui veut (et doit) con-
naître ses élèves sous le rapport de l'audition, de
l'attention auditive, qui veut savoir de quels instru-
ments de perception ils disposent, quel est le degré
d'acuité du sens de l'ouie et de fidélité de la mémoire
des sons et des rythmes, quelle est la complaisance
de la voix à reproduire les intonations.
Les moyens de mensuration ne manquent pas.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Nous en proposons une dizaine déjà, et leur nombre
s'accroîtra sans doute1.
Comme tous les lests, ils conduisent plutôt à des
appréciations qu'à d'absolues certitudes, mais ces
premiers moyens de discerner les dispositions natu-
relles des enfants permettent d'établir une convic-
tion d'autant plus sûre que, malgré leur diversité, ils
donnent presque toujours, pour un même enfant, des
indications qui se confirment.
Leur grand avantage, d'ailleurs, c'est de ne causer
aucune perte de temps, car ils aident à initier l'en-
fant à la vie des sons, et ces moyens d'investigation
sont en même temps des moyens d'enseigner.
Ier test : perception des dilférences de hauteur des
sons; mécanisme. Le maître chante cinq fois le même
son, en disant : un, deux, trois, quatre, cinq. Il re-
commence, mais chante l'un des sons à l'octave (ou
à la 5e, ou à la 2e) le son quatre par exemple. Les en-
fants (les yeux fermés) doivent montrer quatre doigts.
Reprise, en variant.
2" test : perception des similitudes de sons. Le
maître vocalise, ou joue, lentement, une suite de
sons. Les enfants (les yeux fermés) signalent, au
passage, le retour d'un son déterminé.
3e test : perception de direction des intervalles.
Le maître vocalise ou joue (degrés disjoints). Les
enfants (les yeux fermés) lèvent l'index s'ils croient
reconnaître un intervalle ascendant, — ou dirigent
la main vers le sol, — ou marquent l'horizontale
(pour des unissons).
4e test : reconnaissance approximative de l'étendue
des intervalles. Le maître vocalise (ou joue). Si les
enfants reconnaissent des sons]rapprochés (conjoints),
ils joignent leurs mains. S'ils croient reconnaître de
grands intervalles, ils séparent leurs mains.
S' test : examen du sens tonal. Le maître vocalise
(ou joue) une gamme majeure. Puis il recommence
en altérant un degré (le fa, par ex., devient dièse).
L'élève signale le son étranger à la tonalité en levant
la main.
6' test : perception de la simultanéité des sons. Le
maître joue des sons isolés, puis deux sons simul-
tanés, puis trois. L'enfant (les yeux fermés) montre
un doigt, puis deux, puis trois. Si un son disparait, il
montre un doigt de moins.
7e test : perception du mouvement. Le maître ac-
célère ou retarde en chantant un exercice à deux
temps. L'enfant accélère ou retarde les battements
de sa main.
S" test : mouvement conservé. Le maître compte à
haute voix, très régulièrement, de 1 à 10. Les enfants,
mentalement, les yeux fermés, comptent, au même
rythme, de il à 30. Sur 30, ils lèvent la main.
L'exercice comporte plusieurs modalités. Utiliser le
pendule (silencieux) pour contrôler la régularité.
9e test : reconnaissance de la voix dite « de tête »i
de la voix dite « de poitrine ». Le maître vocalise,
empruntant l'une des deux voix. L'enfant marque ce
qu'il entend en touchant poitrine ou front. L'exercice
a des résultats pratiques : il fait apprécier la voix
dite « de tête », la seule possible à l'école.
/0e test : premières émissions vocales. Les enfants
ont à exécuter cinq sons identiques (après exemple
donné par le maître}. On fait chanter sur le do3, en
1. Voir les nombreux lests de Jaqdes-Dalcrozi: (Rouart- l.erolle_
— Jobin, Lausanne) ; Max Schof.n, The Yalidity of tests of musical tu.
lent (J. of comp. Psychologie, III, 1923); Seashore, The Measurc-
ment of musical talent [The mus. Quarterly, 1915, I); Corrélation of
factors in mus. talent and trainin-g [Ps. Rev. mon. ser.,n° 00, 1918).
utilisant la voyelle il, quatre sons brefs et un son
long. On peut juger ainsi de l'inertie auditive (provi-
soire) de cerlains élèves.
Mesure de l'acuité auditive. — Les tests permettent
déjà de connaître les enfants dont l'oreille est atone,
arythmique, ou simplement paresseuse. De plus, il
existe des appareils acoumétriques (dont nous ne
pouvons entreprendre la description), et le maître
peut se faire auriste très aisément en recourant à l'un
des procédés suivants :
La voix chuchotée. — Le maître prononce des mots
à voix chuchotée, et notamment des mots contenant
des sifflantes. L'enfant, les yeux fermés, écoute ces
mots et les répèle (examen individuel). On classe les
élèves d'après le nombre des erreurs qu'ils commet-
tent.
L'examen à la montre. — L'enfant est assis. Il ferme
les yeux. Le maître approche la montre, jusqu'à ce
que le tic tac soit perçu. Il mesure la distance de l'o-
reille à la montre.
La parole décroissante. — Le maître répète plu-
sieurs fois le même mot, mais en intensité décrois-
sante (le mot ami par exemple). Puis il marque un
temps d'arrêt. Les enfants, les yeux fermés, comp-
tent mentalement le nombre des mots qu'ils enten-
dent. Puis ils indiquent ce nombre par écrit. Com-
paraison.
Résultat : les enfants qui entendent mal seront
placés en avant, dans la classe, pour bien des raisons,
et notamment pour qu'ils voient mieux le maître
(puisqu'ils l'entendent moins bien), qu'ils aient de-
vant leurs yeux le moins possible de sujets de dis-
traction, qu'ils ne puissent copier les réponses mi-
mées de leurs camarades, qu'ils entendent mieux
les émissions justes de ceux-ci.
La progression musicale. — Les programmes con-
cernant le début de l'initiation musicale à l'école pri-
maire se contentent d'indiquer : Etude des sons. Le
détail de cette progression et son point de départ se
dégagent plus nettement des Instructions île 1923.
On procédera par petites séries avant d'aborder
toutes les combinaisons que permettent les sons de
la gamme et de l'échelle vocale (voir plus haut l'opi-
nion de J. Combariel), avec lesquelles il serait vain
de vouloir pratiquer les exercices nécessaires de
reconnaissance des sons. C'est pour faciliter cette
reconnaissance des sons à l'audition (dictée orale)
que la progression implique l'étude des degrés dis-
joints (quinte et tierces) avant celle des de^ivs con-
joints (penlacorde, gamme, échelle vocale), la proxi-
mité des degrés nuisant à leur différenciation.
La progression conseillée est celle qui a été préfé-
rée par différents pédagogues et musiciens contem-
porains, et dont les travaux .pédagogiques ont été
indiqués dans cet exposé. Elle se décompose ainsi
en ce qui concerne les hauteurs des sons (hauteurs
étudiées antérieurement à toute connaissance des
notations, usuelle ou chiffrée).
1. Exercices sur un son, le do. La tonique.
2. Exercices sur deux sons : ila. sol. La quinte.
3. Exercices sur trois sons : il,', mi, sut. L'accord parfait.
i. Exercices sur cinq sons : do, ré, mi, fa, sol. Le penlacorde.
5. Exercices sur sept et huit sons. Lu awiime.
6. Exercices sur douze ri tieize S'>ns. L' échelle vente.
les conseils de la théorie pure supposent à ceux de
la pédagogie pratique.
L'idée la plus simple est celle de temps. Les notions
qu'il convient d'associer sont celles de pas, geste,
temps, et, plus tard, de noire et de soupir. Là mesure
qui se propose en premier lieu est la mesure à deux
temps, correspondant à un mètre naturel : la marche.
En métrique, la progression logique et pratique
est donc ainsi réglée :
1° Mesures à deux temps. 2° Mesures à trois temps.
Et, ensuite seulement, mesure à quatre temps.
En ce qui concerne les durées, on étudiera d'a-
bord le temps, puis ses multiples, donc :
1° Sons d'un temps. 2° So»^ de deux temps. 3° Sons
de trois et sons de quatre temps.
Puis le temps et ses sous-multiples :
Sons d'un temps, division binaire du temps, divi-
sion ternaire du temps.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE
Les deux sons tonique et dominante jouent les
premiers rôles dans la mélodie. Ils constituent l'axe
tonal, et « c'est la quinte qu'il s'agira d'abord de
conquérir. Elle est. dans tous les temps et dans tous
les pays, l'étalon de justesse, parce que, de tous les
intervalles musicaux, elle est celui dont l'exact cali-
bre est le plus aisément aoprécié et obtenu » [M. Em-
manuel). Les deux sons do, sol ne peuvent être con-
fondus longtemps à l'audition.
Les sons de l'accord parfait de tonique constituent,
pour un grand nombre d'éducateurs, l'étape la plus
importante.
On a vu de quelle force sont, sur ce point, les argu-
ments de J. Combarieu. L'école galiniste appelle ces
trois noies les « notes cardinales», et son procédé des
points d'appui se base sur l'exacte connaissance de
dc-mi-sol. M.Maurice Emmanuel déplore qu'en France,
l'accord ne soit point encore l'objet d'un culte, et l'on
sait de quelles heureuses expressions il soutient cette
étape de la progression musicale. Benvoyons aussi
à ce que dit Dessiïuer, qui trouve, en ces sons, les
degrés calmes, fixes de la gamme, son ossature
solide, sur laquelle on peut s'appuyer pour émettre
avec justesse les degrés intermédiaires. Le pédagogue
anglais O'Donelly {The Academy ofelementary music,
1841) en fait la base de son système pour la même
raison, et voit, en do-mi-sol, u les flambeaux propres
à éclairer l'élève à travers l'obscurité de la pratique ».
Pour Lucien Bourguès et Al. Dénéréaz (Lu Musique
et la vie intérieure, Alcan), do-7ni-sol sont » les centres
psychologiques de la gamme ».-Ces trois notes don-
nent le maximum de consonance et, pour l'oreille,
l'accord parfait est déterminatif de la tonalité et du
mode. « L'initiation musicale la plus sûre, la plus
simple et la plus attrayante — dit A. Drouin, .'mi-
nent pédagogue et inspecteur de chant — est sans
contredit celle qui repose sur l'étude des notes de
l'accord parfait. C'est en même temps la plus logi-
que. » Comme le remarque aussi M. Paul Lan-
dormy, l'identification de ces sons, vocalises, se fait
aisément. « Rien de plus simple, dit-il, rien de plus
facilement perceptible que les rapports entre les sons
de l'accord parfait do, mi, sol. On obtiendra des
enfants, dans la vocalisation de cet accord, des into-
nations infiniment plus justes (qu'avec la gamme) et
avec beaucoup moins de difficulté. »
C'est trop s'étendre sur un point où l'on ne ren-
contrerait jamais la contradiction des musiciens ou
des pédagogues, si ce n'est de ceux qui sont en même
temps auteurs de systèmes.
Entre la série : accord parfait (trois sons) et la
série gamme (huit sons), il y a place pour une série
de cinq sons, ne comprenant d'ailleurs que deux
sons nouveaux ré et fa. Cette série étend le champ
des combinaisons, mais la connaissance des sons
do-mi-sol, c'est-à-dire des trois points de repère,
facilitera les exercices de solmisation à une et deux
voix et d'analyse, pratiqués avec les sons du penta-
corde.
La gamme et l'échelle vocale de douze ou treize
sons permettront d'étudier les accords parfaits ma.
jeurs : sol-si-ré et fa-la-do, et les accords parfaits
mineurs construits sur les notes ré, mi et la.
La progression concernant les durées et les mesures
ne saurait partir, nous l'avons dit, ni de la ronde n
de la mesure à quatre temps, et, sur ce point encore,
Les formes de l'enseignement musical. — A rete-
nir les moyens ingénieux et pratiques proposés par
les pédagogies musicales que nous avons étudiées,
nous pouvons reconnaître que l'enseignement de la
musique vocale à l'école revêt dix grandes formes,
s'exerçant elles-mêmes à l'aide de procédés nom-
breux.
Les qualre premières concernent l'éducation de
l'oreille par des exercices portant sur la hauteur des
sons. Ce sont :
1° la forme dictée, analyse ou reconnaissance des
sons, la plus importante dans les méthodes actives
et sensorielles. Il ne s'agit d'abord que de dictée
orale, faite par phonomimie lies yeux fermés) ou sur
l'échelle du tableau. La dictée orale se pratique en-
suite (2e cycle) sur la portée muette ou la main por-
tée. La dictée se fait enfin par écrit;
2° la forme lecture, — intonation et solmisation à
une ou plusieurs voix, — exercices qui se pratiquent
d'abord sans notation, puis sur la portée muette et
la main musicale, et qui conduisent au solfège;
3° la forme audition intérieure, — sons pensés,
séries mentales, points d'appui, lecture mentale,
reconstitutions mélodiques ou harmoniques;
4° la forme création mélodique et harmonique, —
partant de ces reconstitutions pour aller vers les
marches harmoniques, la composition improvisée,
la recherche des accords par audition, — l'orienta-
tion chorale.
Les deux formes suivantes concernent aussi l'édu-
cation de l'oreille, mais à l'aide d'exercices portant
sur les durées. Ce sont :
5° la métrique, exercices de mesure et d'analyse;
6° la rythmique, exercices portant sur le temps,
ses multiples et ses sous-multiples.
Les formes 7 et 8 se rapportent à la culture vocale :
7° la culture vocale si négligée à l'école primaire,
et cependant si nécessaire, et qui comprend elle-
même : respiration, attaque des consonnes, articu-
lation, vocalisation;
8° Le chant.
Les dernières formes concernent l'étude des signes
de notation et de la grammaire musicale. Ce sont :
9° Exercices graphiques, écriture musicale et dictée
écrite;
10° Théorie musicale.
Ces formes d'enseignement musical comprennent
des exercices qui, classés non plus suivant leur mode
'NCVCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
d'application, mais selon leur objet, leur fonction
utile, pourraient être répartis ainsi :
1" Exercices de perception des sons : analyse el
reconnaissance des hauteurs et des durées.
2° Exercices d'émission vocale : intonation, culture
vocale, chant.
3° Exercices de mémorisation : étude des interval-
les, audition intérieure, séries mentales, lecture
mentale, rappel vocal.
4° Exercices d'éducation chorale : exercices poly-
phoniques d'intonation, solmisation, solfège (à deux
et trois voix). Dictée orale à deux ou plusieurs sons
simultanés. Recherche des accords. Canons, marches
harmoniques, chorals.
5° Exercices de création musicale, d'imagination
(et d'expression personnelle). Exercices de création
mélodique et harmonique (voir plus haut).
G° Exercices d'entraînement visuel et théorique :
lecture solfiée, exercices graphiques, dictée écrite,
théorie musicale.
7° Exercices de culture du goût musical : expres-
sion, diction, — chant et chant choral, —jugement
et appréciation. — Exécutions et auditions musicales
commentées.
Les procédés. Eclectisme. — Des procédés de
toutes provenances, permettant de suivre la pro-
gression musicale, de faire appel à l'activité de l'en-
fant, de cultiver en lui oreille, voix, sens musical,
de s'adresser aux facultés diverses, d'orienter vers le
chant choral, de créer des habitudes et des besoins,
sont à la disposition des maîtres.
Nous ne pouvons songer à les décrire dans le dé-
tail de leur mécanisme, ni d'en donner les appli-
cations si variées. Nous nous bornons à les énumé-
rer et à les présenter d'un mot.
Dès le début, se proposeront les exercices que per-
mettent les enquêtes acoumétriques, les tests, les
leçons sensorielles de la méthode Mon'tessori, et
notamment la « leçon de silence », — les exercices
élémentaires de la rythmique Jaques-Daixhozk, et
ceux que permet la daetylorythmie modiliée. (V.
Dessirii h, p. 3655.)
Les idée* de durée, de métrique et de rythmique
seront ainsi connues avant les signes de durée et de
mesure.
De même, on fera connaître les idées relatives à la
hauteur des sons par des moyens actifs et empiri-
ques, sans recourir d'abord aux notes sur portée. La
phonomimie naturelle, ou élémentaire (v. signes ma-
nuels de Wilhem, Itard, Seguin), s'exerçant avec les
précautions déjà exposées (les yeux fermés, nbtam-
nienll, prendra place dans chaque leçon, avec les
avantages que l'on sait. (V. notre ouvra;
solfège, p. 17, Leduc, édit.) Ce sera le meilleur pro-
cédé de dictée orale. Ou l'utilisera aussi en solmi-
sation à une ou deux voix, ou pour l'étude des inter-
valles (avec appui mental), el aussi pour l'étude de
chants-applications.
Ces mêmes idées de hauteur, ce- mêmes intona-
tions seront reprises avec un autre procédé de
grande valeur : l'exercice à une- ou deux baguettes
sur l'échelle tracée au tableau, ou sur des séries de
noms de notes (accords ou gammes) écrites en co-
lonnes verticales, ou sur le mât qui a l'avantage de
séparer les sons lixes : 1,3, 5, des sons 2, i, 6, ;, -
ou même sur le mât chiffré des galinistes. Les ligu-
rations verticales (échelles, noms écrits en colonnes
mâts) se prêtent particulièrement aux exercices à
une voix, à deux voix, conduits à l'aide d'une ou de
deux baguettes, — aux procédés de l'appui mental,
et à la dictée (un élève étant au tableau). Les figu-
rations obliques sont moins pratiques. Ce sont :
l'escalier vocal de Wilhem, les escaliers de Duraigne
et de Costesco, les séries obliques d'initiales (Eyqi'em)
les lignes obliques de Gédalge et de Jacob.
Les procédés d'audition intérieure sont, après
l'appui mental (décrit plus haut), l'exercice des séries
mentales (séries de sons tour à tour chantés en me-
sure, pensés en mesure, chantés à nouveau) (v. p. 3653),
procédé pratiqué sur les gammes, sur les chants,
sur les exercices de solfège (lecture mentale) ou
encore à la baguette ou par phonomimie, — les re-
constitutions mélodiques (l'élève chante la note oubliée
par le maître dans une série de sons vocalises, séries
du pentacorde ou de la gamme), — les reconstitu-
tions harmoniques (l'enfant chante le son qui dispa-
rait d'un accord exécuté d'abord complètement), —
le rappel vocal (le maître indique, par phono, ou
sur l'échelle, ou sur la portée, une certaine suite de
sons; l'élève, sans chanter, enregistre cette succes-
sion dans sa mémoire, et, au commandement du
maître, rappelle ses souvenirs et chante cette série).
Les procédés de création, qui plaisent tant aux
enfants, comprennent d'abord les exercices simples
des marches mélodiques et harmoniques (marches ré-
gulières, commencées en chantant, suivant les indi-
cations de la baguette, et continuées par les élèves
sans indication), — la création mélodique, qui con-
siste d'abord à improviser, sur des paroles données,
une courte phrase mélodique, — et qui comprend
aussi l'improvisation des paroles et de la mélodie
(dialogues chantés entre enfants, compositions mu-
sicales enfantines), — la création harmonique, per-
mettant d'exécuter, bouche fermée, ou sur une
voyelle, des accords de trois sons sous une mélodie
que chante un autre groupe, — et d'arriver à accom-
pagner ainsi, empiriquement, sans connaissances
harmoniques, un chant populaire.
Les exercices de dictée orale ne se feront pas seu-
lement par phonomimie, ou sur l'échelle du tableau,
comme il vient d'être dit, mais aussi avec le procédé
des formules, et aussi sur chants appris. Le procédé
de la Wartinière, avec les ardoises, acheminera vers
la dictée écrite.
A la métrique élémentaire s'ajouteront les pro-
cédés des mesures alternantes [commandés à fi voix
ou par daetylorythmie), d'analyse rythmique (V.
Wilhem), les exercices corporels (Jaques-Dalcrozb),
éatives.
Les exercices de culture vocale comprendront des
ces de respiration nasale, d'attaque des con-
sonnes (sur séries descendantes, partant île la voix
dite « de tète », voix laryngée supérieure), de voca-
lisation, d'articulation. Ils conduiront à la pratique
de la voix dite ■ de tête », grâce aux s';ri'>s descen-
dantes et au choix des voyelles surtout nasales] et
des consonnes (labiales, dentales aidant à placei le
son en avant. Les émissions gutturales seront com-
battues.
On ne manquera pas de profiler des ressour
la méthode directe (Delcasso, Combamei , Di paigni I.
Lorsqu'on étudiera la place des notes sur la por-
tée, on utilisera la main portée et la portée muette.
Sur cette portée muette, on fera solfier à une ou deux
baguettes, penser el analyser des sons, vocaliser.
TEC UNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE
reconnaître les intervalles, apprendre des chants. On
reprendra les exercices à transformations (v. p. 3633)
pour l'étude des rythmes, et la langue des durées
(Aimé Paris), ou Igunétrique de Wilhem, et sa lecture
des mélanges (v. p. 3638).
Pour aider à lire plus rapidement et obliger les
yeux à précéder l'émission vocale dans les ex. de
solfège au tableau, on utilisera l'écran (A. Drouin)
(qui cache la mesure qu'on exécute). L'orophone (E.
Baudot) permet des exercices à deux voix, et tous les
exercices pratiqués avec la portée muette. (C'est une
tige de bois, avec cinq baguettes transversales, et
une 6e baguette très courte figurant la ligne sup-
plémentaire inférieure. Le maître fait face aux élèves
en indiquant les notes [avec ses deux index] de
chaque côté de l'orophone.)
L'Indicateur vocal (Wilhem) et le méloplaste (Galin)
conduiraient vers le solfège dans toutes les clefs si
l'on en avait le désir.
Les exercices graphiques comportent les tracés au
tableau, sur l'ardoise, et surtout la dictée écrite, qu'on
ne pratiquera dans sa forme dernière et complète
qu'après avoir parcouru les étapes de préparation.
Les explications théoriques partiront d'exemples
concrets, chantés, et bénéficieront de l'art de ques-
tionner. Elles n'occuperont de place que dans les
dernières étapes, et qu'une place réduite, si l'on
préfère s'adresser plus à l'activité et à la sensibilité
de l'enfant qu'aux facultés intellectuelles que les
autres enseignements ne manqueront pas d'exercer.
Et, à coté de tous ces moyens bien connus, très
vieux pour la plupart, les maîtres ingénieux sauront
en utiliser d'autres. Ils associeront parfois phono-
mimie et daclylorythmie, pratiqueront (s'ils dispo-
sent d'un harmonium) la dictée à plusieurs voix (bien
plus accessible qu'on ne pense), feront découvrir
leurs propres erreurs de solfège, concrétiseront bien
des explications théoriques, imagineront des gra-
phiques de plus en plus clairs, feront aisément trans-
poser un exercice de solfège, ou transposer de mé-
moire les notes d'un chant connu, sauront rendre
leur enseignement aussi artistique, aussi joyeux et
attrayant, aussi vivant et actif qu'il convient, lors-
qu'on se propose d'amener les enfants à sentir plus
vivement., et à trouver, dans l'art musical, un plaisir
supérieur.
Les leçons pratiqnes. — Les leçons, pour être
pratiques, pour mettre en jeu toutes les formes
d'activité, tous les instruments d'acquisition des
connaissances, seront donc très variées. Elles revê-
tiront facilement bien des formes elles-mêmes.
Elles feront toujours place à la culture vocale, à
l'éducation de l'oreille, à la formation du goût.
Elles seront courtes, mais fréquentes. Les métho-
des actives permettent de tirer le plus grand profit
des leçons de vingt minutes dans les cours prépara-
toires et élémentaires, d'une demi-heure dans les
autres cours. L'infériorité des résultats, dans les
écoles où l'heure de chant est donnée en une seule
fois, est bien connue des observateurs.
Elles s'adresseront à tous les élèves, particulière-
ment à ceux qui ont le plus à travailler pour arriver
à entendre, à différencier les sons, à chanter. 11 sera
toujours nécessaire de constituer au moins deux
divisions qui prendront part ensemble à tous les
exercices, mais suivant des modalités qui permet-
tront d'amener les élèves les plus faibles à produire
un effort personnel, à se passer de l'appui des plus
forts, et à progresser plus vite que par imitation.
LE CHANT A L'ÉCOLE
Première culture vocale. Répertoire «les Écoles.
Emprunts aux maîtres. Chants scolaires.
Chansons populaires. Chansons mimées. Chan-
sons-danses. Chants d'entrée et de sortie, du
malin et du soir. Influence éducative.
On a pu croire qu'il y avait eu grandeur et déca-
dence du chant dans les écoles de France, et l'on
rappelle le temps où l'instituteur, à peu près obligé
de tenir l'orgue à l'église, acquérait de ce fait une
plus grande habileté à faire chanter ses élèves. Beau-
coup d'enfants n'y gagnaient rien. Le décret de 1865,
qui invitait à consacrer cinq heures par semaine,
dans les écoles normales, à l'étude du plain-chant, ne
favorisa guère la formation professionnelle des insti-
tuteurs en ce qui concerne l'enseignement musical,
ou même l'enseignement du chant en particulier.
L'insuffisance du répertoire des écoles n'aurait
pas permis, d'ailleurs, de tirer quelque profil artis-
tique de l'activité du maître.
Les programmes des écoles oubliaient l'enseigne-
ment du chant. On ne chanta guère que sous l'im-
pulsion de Wilhem. L'enseignement du chant n'est
plus que facultatif en 1830, et disparait complète-
ment en 1867.
11 ne reparaît qu'en 1883. C'est Jules Ferry qui, à
celte date, impose le chant dans les écoles.
Les programmes du 23 juillet 1883, concernant
l'enseignement du chant et de la musique dans les
écoles maternelles, les écoles primaires, les écoles
normales, ont subi des modifications en 1887, 1893,
1905, 1909, 1922, mais le caractère d'obligation de
cet enseignement n'a jamais été remis en question.
Cependant, longtemps encore après 1883, on s'abs-
tint de faire chanter les enfants, dans la plupart de:
écoles.
Deux réformes contribuèrent à la pratique du
chant à l'école :
1° une modification de l'examen du brevet élémen-
taire de capacité, contraignant les aspirants el aspi-
rantes à présenter une liste de cinq chants scolaires,
choisis avec soin pour les besoins de l'école, appris
par cœur, el à justifier de connaissances musicales
(arrêté 147; arrêté du 3 août 1913; arrêté du 18 aoû
1920);
2° l'introduction d'une épreuve de chant à l'exa-
men du certificat d'étio/e< primaires. Cette épreuve
fut d'abord facultative (instituée pendant la guerre,
elle ne pouvait êlre imposée). Le Conseil supérieur
la rendit définitive (1923). La réforme a son plein
effet depuis 1924- (arrêté 258, 1er février 1924).
Cette épreuve oblige à faire chanter dans les écoles
primaires (au moins dans la classe préparant à l'exa-
men du C. E. P.). On chante de plus en plus. Chante-
t-on de mieux en mieux ?
L'instituteur ne peut connaître l'art du chanteur
professionnel, mais il peut savoir quelles sont les
qualités vocales essentielles (justesse, souplesse, voix
placée) qu'il peut obtenir de ses élèves.
« Chanter sans effort », tel est le précepte du bon
maître. La pratique quotidienne du chant peut con-
duire — grâce aux bonnes habitudes de respiration,
de tenue du corps, d'émission — à un rapide pro-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
grès. La condition est d'apprendre à respirer (il en
a été question plus haut), de ne chanter qu'en voix
laryngée supérieure (voix dite « de tète »).
Si l'éducateur a vite fait de connaître les préceptes
qui, pour lui, se réduisent aux formules que nous
n'avons pu que rappeler, il met plus de temps, en
général, à se décider à les appliquer. Il ne sent pas
que le fait de crier, de chanter de la gorge, cons-
titue un danger pour la voix d'abord, et pour tout
l'appareil respiratoire aussi, et qu'on ne peut en-
treprendre aucune culture musicale, aucune éduca-
tion du goût si l'on n'a pas obtenu d'abord une
voix musicale. — Cette voix musicale s'obtient dès
qu'on veut l'obtenir.
Que les enfants émettent, à mi-voix, le son du
mi 4 ou du mi bémol 4 (quatrième interligne en clef
de sol). Qu'ils descendent, en conservant une voix
« flùtée », jusqu'au son placé à l'octave, le mi 3 ou
le mi bémol 3. Qu'ils reprennent cet exercice bouche
fermée, ou sur u, i, ou même en utilisant voyelle et
consonne (comme dans les syllabes : mu, ni, vou...)-
Ils s'habitueront aussitôt aux résonances nasopha"
ryngiennes. Leur voix nasalisée répugnera aux émis"
sions gutturales.
Seule, la voix dite « de tête » permettra aux en-
fants de chanter sans fatigue, sans « baisser », sans
injustesse (l'articulation aidant), et de donner un
intérêt artistique aux exécutions chorales.
Celte technique du chant à l'école peut sembler
insuffisante à ceux qui connaissent toute la com-
plexité de la question. Mais nous croyons qu'il con-
vient de dire, sur ce point, des choses très simples-
pour qu'on se décide à tenter quelque culture vocale
élémentaire. Il serait trop tôt de se montrer plus
exigeant. ,
Le répertoire des écoles s'est considérablement
accru, depuis la fin du siècle dernier, et il s'est amé-
lioré. Quelques maîtres de la musique ont écrit des
œuvres chorales pour enfants des écoles (chœurs à
voix égales), ou pour les écoles normales, sociétés
d'anciens élèves, amicales, chorales d'adultes et uni-
versités populaires (chœurs à voix mixtes). Citons
Gounod, Bazin, Délires, César Franck, Bourgault-
Ducoudray, Laurent de Rillé, Henri Maréchal, Pes-
sard, MM. Aug. Chapuis, Jaql'es-Dalcroze.
Des emprunts directs aux œuvres chorales classi-
ques sont faits par les éducateurs, qui trouvent
parfois, d'ailleurs, des recueils constitués pour les
écoles. Aux recueils de Wilhem ont succédé ceux
de Delcasso, Gautier, Marmontel, Ranhauser, Bour-
gault-Ducoudray (recueils de Fontenay), A. Drouin
et les recueils des Poèmes de la vie humaine dont les
paroles, écrites sous des compositions classiques,
sont dues à Maurice Bouchor.
Le chant scolaire, par son esprit, sa facilité d'exé-
cution à l'unisson, sa simplicité de facture (plusieurs
couplets sur la même mélodie), est appelé à conser-
ver la plus grande place dans le répertoire des éco-
les. « Un chant scolaire, dit Maurice Bouchor, est
celui qui — sinon composé pour l'école, du moins
parfaitement adapté à ses fins — peut être mêlé à
sa vie de chaque jour et y trouver des condilions
d'exécution n'ayant rien d'exceptionnel. » Mais il est
trop souvent, hélas! l'œuvre de pauvres en art. La
niaiserie des mélodies se rencontre avec la banalité
du poème et, dans la plupart des chants édités, s'é-
tale une méconnaissance complète des moindres
qualités d'adaptation prosodique.
Il est donc à souhaiter que l'éducation musicale
des instituteurs soit telle qu'elle puisse les éclairer
dans le choix des chants, et, qu'en tout cas, la vigi-
lance des professeurs des écoles normales soit telle
qu'aucune production inférieure ne pénètre dans ce
milieu de futurs éducateurs, si ce n'est pour servir
à exercer le sens critique des élèves, sur des échan-
tillons sans valeur.
Les difficultés à vaincre sont-elles insurmontables?
Est-il impossible d'exiger qu'un chant scolaire soit
parfait sous le triple rapport de la mélodie, du
poème et de l'adaptation prosodique? Le grand et
légitime succès des chants de Maurice Bouchor est
dû à trois facteurs : à la fraîcheur, h la beauté des
mélodies populaires qui en constituent la partie
musicale, — aux poésies de ce maître, qui n'écrivait
que lorsqu'il avait une idée à exprimer, — et enfin
à son souci constant de donner au chant une unité
parfaite. Pour réaliser cette dernière condition, le
poète a demandé à la mélodie de lui dicter le sujet
du poème, et de lui dicter l'accentuation du vers.
Ainsi la musique est bien l'accent du verbe; musi-
que et poésie ne font plus qu'un, par le fond, par
la forme, par le rythme.
Le fait de remplacer les paroles des chansons po-
pulaires par des paroles nouvelles, plus descriptives,
plus scolaires surtout, n'a pas été approuvé de tous.
On s'est élevé contre ces « mutilations », sollicitées
cependant par de vrais amis de la chanson popu-
laire comme Bourgault-Ducocdray et Julien Tier-
sot. Et quoique ces mutilations remontent au moins
à François Coppée et à Fr. Bataille, elles ont été à
peu près uniquement reprochées au poète Maurice
Bouchor, plus fervent admirateur que tout autre de
la chanson populaire.
En tout cas, le désir si légitime d'entendre nos
écoliers chanter les chansons de terroir sous leurs
formes originales est né en partie du grand succès
des chants de Maurice Bouchor à l'école. Bien des
régionalisles, bien des écrivains comme G. de Ner-
val, George Sand, J. Richepin, bien des musiciens
et folkloristes ont contribué, eux aussi, à cette re-
prise des traditions. Des recueils de chants popu-
laires ont été publiés, notamment V Anthologie de
Maurice Bouchor (Delagrave), et l'Anthologie dit chant
scolaire (Heugel). « La simplicité de ces chants, dit
M. Emmanuel, les rend éminemment propres à servir
les intérêts de chaque province et, dans toute école,
les intérêts de la musique. » Et il ajoute : « Le jour
OÙ aux insipides solfèges, imposés trop tôt aux en-
fants et qui les rebutent, on substituera de courtes
mélodies, d'allure aisée et de saisissant caractère,
on aura gagné à la musique des milliers d'écoliers
qui n'y mordent pas. •>
Il y a bien longtemps que les trois moyens d'ex-
pression : parole, musique, geste, se trouvent asso-
ciés. Les jeux d'enfant s'accompagnent parfois de
chants. En retour, les chants mimés sont considérés
comme particulièrement récréatifs. C'est le jeu et
l'action, et l'on va jusqu'à dire que les gestes don-
nent aux chants narratifs ou descriptifs leur maxi-
mum de signification. Le chaut mimé, si les gestes
sont discrets et de bon goût, peut, en effet, aider par-
fois à l'expression artistique. Mais, là encore, H faut
savoir choisir. L'un des dangers maintes fois signa-
lés consiste à faire exécuter, eu chaulant, des gestes
trop nombreux, trop précipités, trop importants.
Le geste ne doit nuire ni à l'émission vocale, ni à la
respiration (les deux choses se tiennent), ni à l'arli-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3671
culation, ni, enfin, à l'expression; ce qui revient à
dire qu'on doit renoncer à faire exécuter par les
mêmes élèves le chant et les gestes de toute com-
position réclamant une trop grande dépense d'acti-
vité. 11 est toujours possible de constituer un groupe
de chanteurs — n'ayant pas d'autre tâche que de
bien chanter — et un groupe d'élèves chargés d'in-
terpréter les gestes.
La chanson dansée est d'origine populaire, et la
danse constitue un autre moyen d'expression, une
mimique ordonnée, équilibrée par le rythme. L'é-
cole peut toujours renouer la tradition, utiliser la
danse campagnarde locale comme illustration de
ses fêles de chant ou d'éducation physique. Là sur-
tout, il convient de ne pas demander aux mêmes
élèves de chanter et de danser.
On aime, dans la plupart des écoles de France, à
faire chanter les enfants dès le matin, dans la cour
de l'école ou le préau, à les conduire à leur classe
en chaulant. Les exécutions sont alors très souvent
défectueuses (dans les escaliers surtout), et il y a de
telles précautions à prendre ici qu'on ne peut guère
admettre les chants d'entrée et de sortie, si ce n'est
dans des cas exceptionnels. liien préférables sont
les chants du matin et du soir, chantés dans la classe
ou le préau, sur place, avec soin, avec gravité même,
soit pour commencer avec bonheur et calme une
journée de travail, soit pour rassembler les voix et
les cœurs des enfants qui vont se quitter1.
De tous les exercices musicaux, le chant est évi-
demment celui qui a la plus grande influence édu-
cative. C'est le premier éducateur du goût musical,
et même du goût en général. L'enfant, comme le
constate M. V. d'Indy, peut apprécier la beauté des
sons, des mélodies, des accords bien avant de recon-
naître la beauté des lignes, des couleurs, des formes.
« Dès le premier âge, dit-il, l'enfant, indifférent à la
forme d'un monument et incapable de discerner la
valeur des lignes d'un dessin, tressaille et semble
intéressé dès que son oreille perçoit une suite de
sons musicaux chantés ou joués sur un instrument-
« Plus tard, l'enfant passera devant Notre-Dame
de Paris sans même lever la tête, il est encore trop
petit pour s'émerveiller de cette immensité, mais il
s'efforcera de retrouver dans sa jeune mémoire telle
chanson qu'il aura entendu chanter.
« Nous sommes donc bien fondés à énoncer cet
axiome que la musique, et la musique seule, pos-
sède le pouvoir d'ouvrir, chez l'enfanl, la voix mys-
térieuse par laquelle l'homme conscient de sa pen-
sée sera conduit plus lard à comprendre et à aimer
l'œuvre de Beauté2. »
C'est une constatation qu'il faut faire el refaire
sans cesse pour que les éducateurs se montrent
beaucoup plus difficiles sur le choix des chants, sur
leur interprétation fidèle el expressive, et sur la
qualité vocale, puisque toute la culture esthétique
en dépend. Qu'ils reprennent pour cela, non pas
seulement la tradition des provinces, mais l'habitude
presque perdue du chant choral. C'est la polyphonie
vocale qui aidera le plus puissamment à la forma-
tion artistique de l'enfant. Le chant à une voix est
surtout récréatif. Les arrangements à deux voix
. L'Enseignement m»
. //apports du Congr
icàl. Annexe (Leduc).
s de l'art a l'école (26, qu
i Béthi
laissent beaucoup à désirer, en général. Mais le
chœur à trois voix égales ou à quatre voix mixtes
constitue l'une des plus belles formes musicales. H
est poésie, mélodie, harmonie, il est architecture
musicale. C'est la forme qu'il faut populariser inlas-
sablement, par de belles exécutions dans les fêtes
scolaires, régionales, nationales et civiques. Il est
certainement possible, sans attendre, de faire qu'on
chante en chœur dans les écoles de France et autour
de l'école, de faire qu'on chante bien et de belles
œuvres. Il est possible de demander à l'enseigne-
ment musical bien plus qu'il n'a donné jusqu'ici, et
de créer en France « une Iradition chorale popu
PERSONNEL ENSEIGNANT
Les Iiisiiiuli'iii's. Les Professeurs spéciaux.
L'Inspection des écoles. Les examens el sanc-
tions de l'enseignement musical. L'action. So-
ciétés corporatives, bulletins.
Bien des écoles normales essayent de mettre à
profit le temps (trop court) attribué aux études
musicales, pour former des maîtres capables d'en-
seigner le chant et la musique. Mais les résultais
ne répondent pas à l'elfort des maitres, surtout dans
les écoles normales d'instituteurs, parce que l'el-
fort des élèves se produit trop tard. L'initiation n'a
pas été faite en temps favorable, dès l'école pri-
maire. Ces élèves deviennent maîlres à leur tour,
et usent facilement du prétexte d'incompétence pour
ne donner aucun enseignement musical. Et leurs
élèves seront donc très mal préparés à l'enseigne-
ment, s'ils se destinent aux E. N. Il y a là un cercle
vicieux.
Cependant, l'étude d'un instrument (elle figure
au programme) et surtout d'un instrument à sons
fixes, permettrait, en trois années, de suppléer au
défaut d'initiation, et à loule insuffisance profes-
sionnelle. C'est le remède.
Les élèves-maitres sont donc faibles, à leur entrée
à l'E. N'., et il faudra consacrer à leur propre initia-
tion un temps précieux, qui pourrait être utilisé à
leur donner une pédagogie pratique, des moyens et
procédés d'enseignement, l'habitude de diriger des
chants et des chœurs, des indications sur les voix
des enfants, un répertoire choral abondant, des no-
tions d'harmonie même.
Or, actuellement, ils ne peuvent acquérir de qua-
lités professionnelles, une méthode d'enseignement
propre aux écoles primaires, que si le professeur
précisément recours à cette méthode avec eux, et
s'ils sont amenés à l'observer, à la pratiquer parfois,
dans un enseignement mutuel.
Ils peuvent au moins, par l'exercice, par le chant
d'ensemble, cultiver leur sentiment artistique, être
amenés à ressentir l'émotion d'art, à aimer ce qu'ils
auront à enseigner, à vibrer, pour pouvoir un jour
faire ressentir celte même émotion à leurs élèves.
Donc, si l'on ne peut faire un artiste de chaque ins-
tituteur, au moins peut-on en faire un homme de
goût, grâce aux auditions musicales commentées, et
grâce surtout à l'étude et à l'exécution de pages
chorales judicieusement choisies.
D'ailleurs, si la situation de l'enseignement musi-
cal, dans les écoles, est loin d'être satisfaisante, on
ne saurait s'en prendre seulement à la faible pré-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
paralion musicale des candidats aux écoles norma-
les. Les encouragements, les directions, les redres-
sements ne font-ils pas souvent défaut? Un éminent
inspecteur général, membre du Conseil supérieur de
I"I: P., M. Gilles, écrit :
« Comment les résultats sont-ils si médiocres?
Que l'école, et en particulier, dans l'école, l'institu-
teur soient en partie responsables d'une situation
assurément regrettable, c'est une opinion assez ré-
pandue et à laquelle nous pouvons tout d'abord être
tentés de nous associer, dans la mesure du reste où
elle ne met point en cause l'honnête professionnelle
du maître, et où elle n'exagère point la puissance de
son action. L'enfance se prête mieux que l'âge adulte
à l'éveil du goût musical, et puisque la famille est
encore impuissante à cette révélation, nous nous
tournons vers l'instituteur pour lui demander,
comme d'habitude, de se substituer aux parents,
et, mandataire de la nation, de réaliser le progrès
national que nous avons conçu. Et nous nous éton-
nons. « L'enfant chante naturellement jusqu'au m o-
ment où il entre à l'école (la plainte de Pécaut est
encore de saison). Entre vos mains, hélas! il cesse
de chanter. Cette expression libre et spontanée de
la vie s'arrête... » Ayant ainsi situé le mal, — mais,
prenons garde, y avons-nous bien réussi? — nous
trouverions vite le remède : communiquer aux ins-
tituteurs la foi qui fécondera leur zèle.
« Complexe est déjà le problème dont la solution
conduirait à ce premier résultat que nous devons
en effet poursuivre avec persévérance. La foi peut
se gagner par un effort obstiné de piété éclairée :
nos instituteurs ont-ils tous l'instruction qui peut
éclairer leur religion? La foi peut jaillir d'une opé-
ration de la grâce : ont-ils tous rencontré sur leur
route la manifestation capable de les émouvoir au
plus profond de leur être et de leur faire croire
désormais aux effets d'une puissance mystérieuse,
excitatrice des forces vives de rame? Il est aussi
une contagion de la foi : qui de nous n'a connu cet
élan passionné qu'accélère l'entraînement d'une
collectivité communiant dans un même idéal? Point
n'est besoin ici d'évoquer avec plus de précision les
vivifiantes campagnes d'apôtres du chant à l'école :
assez souvent, j'en ai retrouvé, au cours de mes
tournées, des traces heureuses que le temps n'avait
pas effacées. Mais ces campagnes atteignent-elles,
autant qu'il serait désirable, les ignorants, les incré-
dules, les découragés?
« Il arrive, au contraire, qu'au manque de con-
fiance en soi, aux hésitations individuelles sur l'inté-
rêt de l'activité sollicitée, s'ajoute, dans l'esprit des
instituteurs, un doute bien plus grave. Les chefs
eux-mêmes, les chefs ont-ils tous la foi? Il en est qui
ferment complaisamment les yeux sur des défail-
lances évidentes dans l'enseignement et la pratique
du chant; et les élèves savent aussi bien que les
maîtres avec quelle bienveillance « particulière »
sont notées généralement dans les examens les
épreuves musicales. »
Ne faut-il pas reconnaître aussi que le trouble
apporté dans les programmes de chant par l'adop-
tion de systèmes qui, tour à tour, ont obtenu l'appui
des pouvoirs publics, n'est pas étranger au désarroi
dont soutirent les écoles? Si les méthodes éclecti-
ques semblent vouloir garderie dernier mot, il n'en
a pas toujours été ainsi. Que vaudra l'avenir.'
L'enseignement musical est confié à des profes-
seurs spéciaux dans la plupart des lycées, collèges,
écoles normales, écoles primaires supérieures. Ces
professeurs d'enseignement musical, qu'il ne faut
pas confondre avec les professeurs de musique ins-
trumentale, qui sont autorisés à donner des leçons
particulières aux élèves de ces établissements, sont
régulièrement nommés et rétribués, et, pour la plu-
part, diplômés. Quelques professeurs d'enseigne-
ment général, de sciences ou de lettres, notamment
dans les écoles normales et dans les écoles pri-
maires supérieures, possèdent le diplôme spécial
et sont chargés du cours de chant. Le nombre des
professeurs non diplômés diminue chaque année.
Le certificat d'aptitude à l'enseignement du chant
et de la musique dans les écoles normales et primaires
supérieures est le même qu'ont à produire les candi-
dats aux postes des lycées et collèges.
Il comprend un degré élémentaire et un degré su-
périeur.
Les épreuves du degré élémentaire sont : 1. Ré-
daction sur des questions d'enseignement musical
(mélhodes et procédés). 2. Dictée musicale facile.
3. Lecture d'une leçon de solfège, en clef de sol, sans
accompagnement. 4. Exécution d'un chant scolaire,
de mémoire, désigné par la commission sur une
liste de dix chants scolaires présentés par le candi-
dat. 5. Exécution d'un morceau de chant classique
(accompagné). 6. Interrogations théoriques élé-
mentaires. 1. Leçon pratique faite au tableau noir.
8. Exécution à première vue, sur le piano ou le
violon, d'un accompagnement simple.
Les épreuves du degré supérieur sont :
1° Une rédaction sur les questions d'enseignement,
ou d'art musical, ou d'histoire de la musique;
2° Une dictée musicale, vocalisée par phrases de
deux mesures;
3° La réalisation à quatre parties vocales d'une
basse donnée et chiffrée. De plus, un chant étant
donné, le candidat écrit sous ce chant une basse,
chiffrée ou non chiffrée, qu'il peut réaliser pour le
piano, ou mieux encore à quatre parties vocales;
4° La lecture d'une leçon de solfège écrite en
clefs de sol et de fa:
5° La lecture à première vue d'un chant scolaire
inédit (le candidat chante la première partie avec
les paroles, puis il solfie la seconde);
6° L'exécution, à première vue, sur le piano ou sui-
te violon, d'un accompagnement simple, — qu'on
transpose ensuite;
7° Des interrogations sur la théorie musical,., les
éléments de l'harmonie et l'histoire de la musique :
une liste des œuvres et des auteurs sur lesquels
portent principalement les questions se rattachant a
l'histoire de la musique est arrêtée tous les trois ans;
8° Une leçon théorique et pratique d'enseignement
musical.
Ces épreuves sont notées suivant leur importance.
La dernière (épreuve pratique) jouit d'un coefficient
double, ainsi que le solfège.
Les diplômés ne sont pourvus d'un poste qne sur
leur demande et si des vacances de postes se pro-
duisent. Ils peuvent se faire inscrire soit au minis-
tère, soit au bureau du recteur de l'académie dans
laquelle ils désirent enseigner.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE sr,:
La situation qui leur est faite dépend surtout du
nombre d'heures d'enseignement qu'ils sont charges
de donner.
Dans les écoles primaires publiques de Paris, de
la plupart des villes de banlieue et de quelques villes
de province, les cours de chant sont également confiés
à des professeurs spéciaux.
1,'organisation n'est vraiment complète qu'à Paris.
Elle le sera sans doute à bref délai dans tout le dé-
partement de la Seine.
Les instituteurs et institutrices des écoles pari-
siennes doivent enseigner le chant et les premières
notions musicales dans les cours préparatoires et les
cours élémentaires, cours dans lesquels les profes-
seurs spéciaux se rendent également (depuis octobre
1030), mais pour un temps insuffisant.
Un cours normal leur permet de compléter leurs
études musicales et professionnelles.
Ils peuvent acquérir le Certificat d'aptitude à l'en-
seignement du chant dans les écoles communales de la
Ville de Paris, degré élémentaire, qui leur vaut une
allocation supplémentaire.
L'enseignement musical, dans les cours moyens,
les cours supérieurs et complémentaires, est confié,
depuis 1853, à des professeurs spéciaux des deux
sexes. Cependant, des professeurs femmes sont fré-
quemment pourvus de postes dans les écoles de gar-
çons.
Ils doivent être en possession du Certificat d'apti-
tude « l'enseignement du chant dans 1rs écoles commv.-
nalesde la Ville de Paris, degré supérieur.
L'examen a lieu irrégulièrement, suivant les be-
soins du service, pour les candidats ayant de 18 à
30 ans (aucune dispense d'âge). Il compte :
1" des épreuves écrites : a) dictée musicale, 6) ré-
daction sur un sujet de pédagogie ou d'art musical,
c) harmonie (basse non chiffrée, et chant, réalisation
à quatre parties vocales);
2° des épreuves orales : a) lecture à haute voix
d'un texte français, &) solfège à changements de ciels,
c) chant d'une mélodie (accompagné), d) leçon au
tableau hoir, e) interprétation à vue d'un chant avec
paroles, et transposition de la mélodie;
3° des épreuves pratiques, subies dans les écoles,
après un stage et des suppléances.
En 1022, 1928, 1929, le nombre des candidats à
ad-i.ettre a été limité. L'examen est donc devenu
« concours ».
Les candidats reçus aux épreuves écrites et orales
sont admis à faire des suppléances. Ils subissent
ensuite les épreuves pratiques, et sont pourvus de
postes fixes.
Leurs émoluments dépendent de la durée du ser-
vice hebdomadaire, et de leur classe d'ancienneté.
Il existe, à Paris, des cours municipaux d'adultes,
publics, pour chaque sexe. Ces cours sont confiés
aux professeurs de la ville. Ils ont lieu deux fois par
semaine, le soir, dans diverses écoles parisiennes.
Les adultes y apprennent le chant, le chant choral,
le solfège.
Les instituteurs et institutrices sont souvent invi-
tés par MM. les inspecteurs de l'enseignement pri-
maire à faire exécuter un chant d'ensemble au cours
des inspections. Cet usage se généralise.
Les professeurs spéciaux de chant des lycées et
collèges, des écoles normales et écoles primaires
supérieures sont inspectés par MM. les inspecteurs
généraux, et d'académie, qui se rendent dans ces
établissements pour y inspecter d'ailleurs tous les
enseignements. Il y eut, à diverses reprises, des ins-
pecteurs spéciaux d'enseignement musical. Tel fut
M. Dopaigne, chargé de l'inspection générale de la
musique dans les écoles normales; tel fut J. Comra-
rieu, inspecteur d'académie, chargé d'une mission
d'inspection générale du chant choral dans les lycées
et collèges de garçons et de jeunes filles, et tel est
aujourd'hui M. Ch. l'Hôpital.
L'inspection du chant dans les écoles de la Ville
de Paris comprend un inspecteur principal et trois
inspecteurs. Les inspecteurs visitent les cours d'a-
dultes, les cours du jour, les deux cours municipaux
d'aveugles (cours d'accompagnement et cours d'ac-
cord des pianos), président les examens, les concours
des écoles, soumettent les nominations et les pro-
motions des professeurs à la signature du préfet.
Les sanctions de renseignement musical ne sont
pas assez nombreuses ni assez efficaces.
A Paris, depuis 1860, ont lieu des concours de
chant choral entre les écoles. Ces concours s étendi ul
aux écoles de la banlieue parisienne.
Dans la Seine, les élevés exécutent un petit chant
à l'unisson, un chœur à plusieurs voix, el <
une leçon de solfège.
11 y eut parfois des concours d'honneur entre les
écoles ayant eu les meilleures notes aux concours
éliminatoires.
Ces épreuves n'instituent pas en réalité un concours
entre les diverses écoles, et le jury (inspecteurs et
professeurs! n'est pas limité dans le nombre des prix
à décerner.
Il a été parlé de l'épreuve de chant introduite en
1024 à l'examen du certificat d'études primaires
(V. p. 3669). Les élèves doivent présenter une liste
d'au moins trois chants scolaires, appris par cœur.
Us ont à exécuter l'un de ces chants, désigné par
l'examinateur (noté de 0 à S). Dans la Seine, les
chants sont déterminés par l'inspection du chant,
qui en fait connaître le texte dès le début de l'année
scolaire.
Les aspirants au brevet élémentaire subissent, eux
aussi, une épreuve de chant, et ont |v. p. 3069) à
prouver quelques connaissances musicales. On leur
demande donc parfois de solfier les chants dont ils
apportent le texle, ou de solfier à vue un court et
facile exercice. Parfois aussi, on se contente de leur
poser des questions de pure théorie, sans même exi-
ger d'exemples chantés, — ce qui ne permet nulle-
ment de connaître leur culture musicale. — Les
examinateurs des jurys parisiens ont été invités à
noter de 0 à 20, en décomposant ainsi : chant, de
Oà 8; choix des chants, 0 à 2; solfège, Oà S; théorie,
0 à 2.
Ces épreuves sont, et depuis longtemps, considé-
rées comme insuffisantes. Les épreuves des deux
premiers examens semblent sanctionner l'étude du
chant par audition, et il n'est que trop vrai qu'on
peut en triompher après un copieux serinat;e.
Il semble surtout inadmissible que Fépreuve de
solfège ne soit pas obligatoire, lorsque l'acquisition
d'un brevet donne le droit d'enseigner.
L'épreuve du brevet supérieur ne permet pas
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de s'assurer de la somme des connaissances musi-
cales acquises par le candidat. Elle permet encore
moins de reconnaître sa valeur professionnelle, ses
aptitudes à enseigner le chant et la lecture musicale
à ses futurs élèves. Le but a été perdu de vue.
Il est juste de dire, cependant, que celle lacune a
été aperçue, et qu'on a essayé d'y remédier en par-
lie en obligeant les instituteurs et institutrices, can-
didats à l'examen du Certificat d'aptitude pédago-
gique, à faire une « leçon de chant » à leurs élèves,
en présence du jury de cet examen, — et, d'autre
part, en faisant subir une épreuve de musique plus
complète aux candidats au professorat des classes élé-
mentaires des lycées et collèges.
Sociétés corporatives. — En 1906, fut fondée
l'A. P. M., « Association Amicale des Professeurs char-
gés de l'enseignement de la musique dans les éta-
blissement d'instruction publique », association d'in-
térêt corporatif et pédagogique, qui a son bulletin,
sa bibliothèque, sa caisse de pensions, et qui a orga-
nisé d'utiles congrès (1912-1921).
La société française l'Art à l'Ecole, fondée en 1907,
s'attache à la formation du goût par l'initiation de
l'enfant à la beauté des lignes, des couleurs, des
formes, des mouvements et des sons. Elle a organisé
deux congrès d'enseignement musical (Lyon 1912,
Paris 1923). Ce dernier congrès eut un grand reten-
tissement. Les rapports de MM. Gilles, Marcel Pré-
vost, Fhossard, V. d'Indy, Aug. Dorchain, G. Parés,
Boutin, P. Làndormy, M. Chevais, Expert, Paul Vidal,
M. Emmanuel, M. Bouchor, 11. Maréchal, Hàuchard,
J. Tiersot, Sevrette, Charles-Brun, Allard, Roger-
Ducasse, Jaqces-Dalcroze, Rey-Golliet, Ohmann
H. Régnier, J. Teillet, Aug. Chapuis se trouvent réu-
nis en un volume.
Les professeurs de chant de la Ville de Paris créè-
rent, en 1918, sous le nom de « La Solidarité », une
association amicale pour la défense de leurs intérêts
auprès de la Ville de Paris, et qui se transforma en
syndicat.
En 1921, la Société française de Pédagogie créa une
section musicale qui organise des séries de confé-
rences pédagogiques.
En 1928, naissait le Syndicat national des profes-
seurs de chant, qui se propose d'obtenir plus d'unité
dans les fonctions, traitements, horaires des profes-
seurs des diverses séries d'établissements, plus de
stabilité et de garanties, — et d'obtenir enfin un sta-
tut pour les professeurs de lycées de garçons.
Il existe une Association galiniste, pour la diffusion
' de la méthode Gaux, Paris, Ciif.vé.
Quatre de ces groupements ont un bulletin :
l'A. V. M., l'Art 'i l'Ecole, l'Association galiniste, la
Société de pédagogie.
La Solidarité et le Syndicat national utilisent Le
mensuel la Musique à l'Ecole.
Ce mensuel a été fondé en 1912. Là Musique à
l'Ecole soutient l'action professionnelle des amicales
et syndicats, aide à la diffusion des méthodes péda*
gogiques pratiques, des procédés d'enseignement.
Elle publie des études artistiques, pédagogiques, —
des documentations concernant les fêtes scolaires et
régionales, — des chants, répertoires d'œuvres cho-
rales, — favorise la publication d'ouvrages d'ensei-
gnement, de recueils de chants. Elle a un service de
préparation aux professorats de chant.
Les journaux pédagogiques, qui s'adressent aux
instituteurs et institutrices, font paraître un chant
scolaire par mois, pour la plupart. Quelques-uns ont
publié des indications propres à favoriser l'applica-
tion des programmes de 1922, et des Instructions
de 1923.
Les progrès réalisés dans l'enregistrement des
œuvres musicales et leur reproduction par phono-
graphe, ainsi que les progrés de la T. S. F., sont de
nature à favoriser grandement, dans l'avenir, la cul-
ture musicale des enfants. Le phonographe facilite
l'application des programmes relatifs à la présen-
tation des chefs-d'œuvre de l'art musical dans les
lycées et collèges, et permet d'espérer que l'idée du
concert à l'école se réalisera.
La radiodilfusion a déjà permis de donner de
petits concerts pour les écoles. Un journal pédago-
gique a créé « l'heure radiophonique ».
De nouvelles utilisations de ces deux belles inven-
tions sont certaines.
APPENDICE
A L'ÉTRANGER
Il y aurait certainement profit à connaître la situa-
lion de l'enseignement musical à l'étranger, à dire
à quels résultats on aboutit, et par quels moyens.
On ne se trouverait plus porté à conclure nécessai-
rement que nos voisins ont su organiser cet ensei-
gnement plus vile et mieux que nous-mêmes. Et
l'on s'étonnerait de voir que l'amour de quelques
peuples pour le chant choral n'est pas nécessaire-
ment en rapport direct avec les qualités de l'ensei-
gnement donné dans leurs écoles.
Mais nous ne ferons qu'un rappel sommaire de
cette situation, et pour quelques pays seulement
(ceux qui offrent le plus d'intérêt à ce point de vue).
Un peu partout, on se trouve en présence des
mêmes réalisations et des mêmes lacunes; les écoles
des diverses capitales, et aussi celles des plus grandes
villes, sont les plus favorisées; mais on ne chante
que fort peu dans les écoles rurales. D'autre part,
la méthode du chant appris par audition est celle
qui sévit le plus généralement, même en Suisse
et en Allemagne. De même, — et quoique la péda-
gogie varie d'un pays à l'autre, comme varient les
dispositions naturelles, l'instinct, le goiU des divers
peuples, — l'évolution pédagogique est analogue en
Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en
France. Partout, en effet, et depuis un demi-siècle,
on cherche vraiment à rendre les éludes musicales
plus pratiques, plus simples, moins théoriques. Il y
a un effort d'adaptation. Presque partout, on a eu re-
cours, naguère, dans le désir de simplifier, à quelque
notation nouvelle. Mais, presque partout, on est revenu
de ce qui apparaît de plus en plus comme une erreur,
et l'on a renoncé à ces divers systèmes. Seules,
l'Angleterre et l'Allemagne restent allachées au sys-
tème de « Tonic sol-fa ». Cependant, il faut constater
aussi qu'en renonçant aux notations simplifiées, on
tient à conserver les principes pédagogiques et les
procédés d'enseignement que les auteurs des diffé-
rents systèmes ont su retrouver et attacher de près
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE 3675
à leurs méthodes. On verra plus loin ce que nous
écrivent à ce sujet les inspecteurs de l'instruction
musicale d'Angleterre et de Suisse. Ce sont les mé-
thodes éclectiques d'instruction, conduisant à l'étude
de la notation usuelle, qui l'emportent aujourd'hui.
C'est en Belgique et en Hollande qu'il faillirait
chercher les meilleurs résultats. Il est plus difficile
d'y trouver un exemple à suivre, car l'enseignement
musical y est donné avec une grande diversité de
méthodes, et nulle base n'attire particulièrement
l'attention. Les autres pays du Nord ont des aspira-
lions qu'il est fort agréable de noler, mais pas encore
de réelle organisation qu'on puisse envier. Il nous a
été donné de faire visiter les écoles de Paris à des
professeurs et inspecteurs de Suède et de Norvège,
qui nous faisaient part de leurs désirs d'enregistrer,
dans les grandes villes Scandinaves, des résultats
analogues à ceux que nous obtenons. Et M. Jaques-
Dalcroze a raison de dire que le Danemark a cer-
tainement, plus que tout autre, besoin d'une réforme
dans son enseignement musical. Nous citerons plu-
sieurs fois l'opinion de notre ami M. Jaques-Dalcroze,
qui ;i beaucoup vu, beaucoup entendu, et dont les
recherches expérimentales ont abouti à des remar-
ques d'une grande pénétration; mais, avant d'exami-
ner la situation de l'instruction musicale chez nos
voisins, nous pourrions d'abord rappeler le jugement
que JJaques-Dalcroze porte sur notre propre situa-
tion musicale scolaire, et sa claire vision du bu1
qu'il faut continuer à poursuivre.
"Des qu'un Français, dit-il, se manifeste musicien,
il révèle des qualités artistiques de premier ordre,
une sensibilité très souple, un sens inné des pro-
portions et de l'équilibre et un sentiment raffiné des
nuances. Mais il importe que la musique ne demeure
pas en ce pays l'apanage d'une aristocratie, et qu'elle
pénètre — grâce à une pédagogie plus soucieuse de
la vie intime de l'enfant — dans ces couches popu-
laire? où, actuellement, elle est encore considérée
comme une aimable étrangère. »
EN ANGLETERRE
L'organisation anglaise est l'une des plus remar-
quables; précise et souple, elle laisse à chaque ré-
gion du Royaume-Uni, comme à chaque catégorie
d'écoles, une grande liberté d'inlerprélation pour
que l'adaptation aux divers besoins soit parlai le.
Le Board of Education, chargé de l'établissement
des programmes et de tout ce qui concerne l'ensei-
gnement en Angleterre et dans le Pays de Galles, a
introduit, dans les écoles enfantines (Infant Schools),
des exercices de chant et de respiration; dans les
écoles élémentaires (écoliers de 7 à 14 ans), un en-
seignement musical très ordonné, des exercices de
chant populaire et de chant choral, ainsi que dans
les écoles secondaires de jeunes filles.
Depuis quelques années, des modifications pro-
fondes apportée^ dans tout le système d'instruction
musicale ont produit des résultats qui prouvent la
valeur des méthodes intuitives. Ces résultats sont
dus surtout à l'introduction de ces méthodes dans
les écoles normales, et à l'enthousiasme suscité dans
ces écoles par la constitution d'un répertoire emprun-
tant aux traditions locales, au folklore musical, aux
danses des diverses régions. On sait que l'instigateur
de cette rénovation est M. Cecil Sharp, qui, à Stattford-
sur-Avon d'abord, à Londres ensuite, organisa des
cours à l'usage des éducateurs, des stages d'une
vingtaine de jours, permettant d'étudier les danses
et les mélodies populaires, et d'apprendre à les en-
seigner.
De 1870 à 1902, on a utilisé presque exclusivement,
dans les écoles normales, le système de « Tonie-sol-
fa » (décrit p. 3648). Aussi, s'établit-il solidement
dans les écoles primaires. Depuis 1902, les élèves des
E. N. sont obligés d'apprendre la notation usuelle, et
le système de Tonic-sol-fa, sans être délaissé, a perdu
des partisans. Cette notation simplifiée est cependant
la plus tenace de toutes. Elle le doit à la valeur des
quelques procédés qu'elle a vulgarisés, et à ce fait
que les signes qu'elle utilise rappellent aisément
les noms des noies de la gamme (ce sont les initiales
elles-mêmes de ces noms). De plus, les publications
musicales en Tonic-sol-fa sont très nombreuses et
peu coûteuses. Le docteur Arthur Someryell, Princi-
pal Inspecter ûfthusic in England and Scotland, nous
dit d'ailleurs que, tout en renonçant à la notation
par lettres initiales, il a tenu à conserver, pour les
plus petits écoliers, les meilleures applications des
principes qui, dans la méthode de Tonic-sol-fa, se
rapportent à la première initiation.
Quelques extraits des « Instructions générales aux
professeurs des écoles de toutes classes », Instruc-
tions dues au ministre de l'instruction publique,
montreront ce qu'est l'orientation de l'enseignement
musical.
« Le traitement de la musique, dans les premières
années, devrait viser à développer chez tous les
enfants la capacité de réponse à l'expression artis-
tique. On devrait leur apprendre à écouler, non par
des explications verbales, mais par une méthode
qui, lentement, forme un discernement instinctif.
Dans ce sujet, peut-être plus que dans' aucun autre,
l'expérience est supérieure au précepte...
« Il est généralement reconnu que la littérature
des chansons traditionnelles d'une nation est la fon-
dation naturelle sur laquelle la culture musicale
devrait être basée. Ces chansons sont les vrais clas-
siques du peuple, et leur survivance, dans quelques
cas seulement par transmission orale, prouve qu'elles
plaisent et qu'elles sont durables... Pour les classes
de très jeunes enfants, il y a d'excellentes chansons
enfantines et des rondes, desquelles les enfants peu-
vent passer aux chansons traditionnelles les plus
faciles, puis un folklore, dont ni la valeur ni le plaisir
ne seront diminués par l'imparfaite compréhension
des paroles...
« L'éducation de l'oreille est de la plus haute im-
portance et devrait occuper une partie de chaque
leçon de chant dans toutes les classes... Des classes
entières de jeunes enfants (non choisis parmi les
mieux doués, mais parmi ceux qui le sont moyenne-
ment), auxquels on a enseigné la musique depuis le
commencement de leur scolarité, en prenant l'édu-
cation de l'oreille pour base, sont non seulement
capables d'écrire tous les airs qu'ils connaissent,
mais ils peuvent dire avec quels accords ils sont
harmonisés ou les harmoniser eux-mêmes.
« L'enseignement et l'examen qui ne s'assurent
pas à chaque phase que l'oreille est au moins aussi
avancée que les yeux, sont sans grande valeur.
« Il est impossible de surestimer la valeur éduca-
tive d'une éducation complète en rythme musical; et
comme toutes les perceptions sont plus complètes
quand elles sont obtenues de plusieurs façons que
d'une seule, il est bon non seulement de développer
36: r.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
le s.-ns du rythme musical, depuis la plus tendre
enfance, en battant correctement la mesure d'un
morceau de musique, en en marquant le rythme et
par d'autres méthodes strictement musicales, mais
aussi en faisant agir tout le corps, en dansant, en
marchant à l'aide de divers exercices physiques... »
Les Instructions signalent l'écueil général : abus
des explications théoriques. Trop souvent, les élèves,
très renseignés sur toute la grammaire musicale,
sont incapables de lire une page de solfège. On voit
môme des élèves capables d'harmoniser un exercice,
mais incapables de reconnaître, à l'audition, ce
même exercice exécuté au piano, — ou même de
noter un air « qu'ils connaissent depuis leur plus
tendre enfance ». Ces critiques si judicieuses ont
porté leurs fruits.
M. Arthur Somervell, mieux placé que quiconque
en Angleterre pour se rendre compte des résultats
obtenus, constate l'heureux développement de l'en-
seignement musical dans les écoles qu'il inspecte. Il
nous signale la création de nombreux orchestres
composés des élèves des lycées, ou des écoles pri-
maires, et des membres du corps enseignant. Man-
chester, Coventry, ont des orchestres complets d'é-
coliers primaires.
« Des concerts spéciaux pour les enfants de la
classe ouvrière sont donnés dans quelques-unes de
nos grandes villes. Par exemple, à Liverpool, cin-
quante concerts sont donnés dans l'année, le samedi
matin (le seul jour de congé dans la semaine, outre
le dimanche). La présence est facultative, et il y a
parfois jusqu'à seize cents enfants présents. Le con-
cert consiste généralement en extraits de la meil-
leure musique de chambre de compositeurs tels que
Haydn, Mozart, Beethoven. Un conférencier fournit
des explications, et des démonstrations données par
le quatuor pour montrer la structure générale et les
thèmes; ensuite le morceau est joué.
Et M. Arthur Somervell termine ainsi le rapport
si étudié qu'il a bien voulu nous envoyer :
« Le comité consultatif du ministère de l'instruction
publique a recommandé l'élévation de la musique
au même niveau que les langues, les sciences et les
mathématiques, et comme sujet pour les examens
d'entrée dans les universités... Il semble qu'on com-
mence à comprendre dans nos pays l'importance de
l'ait dans toute bonne éducation, et que la nation
se sente de plus en plus attirée vers les arts et spé-
cialement vers la musique, comme vers un antidote
contre la matérialisation et l'abaissement du niveau
dans les manières et la morale, qui sont les consé-
quences inévitables des événements tragiques par
lesquels l'Europe a passé pendant ces dernières
années. »
EN BELGIQUE
Le programme d'instruction musicale des écoles
primaires de Belgique a été modifié eu 1023. Avant
celte date, il existait deux programmes, le premier à
l'usage des écoles où l'on utilisait uniquement la
musique chiffrée, et à l'usage des classes où l'on
partait du chiffre pour aborder ensuite la notation
usuelle, l'autre destiné aux écoles où l'on n'utilisait
que l'écriture usuelle. Le premier s'en tenait au sys-
tème modal jusqu'au troisième degré (cours supé-
rieur). Le second abordait les tons voisins de do dès
le second degré (cours moyen).
Le programme de 1023 ne permet plus l'exclusivité
en faveur de l'écriture chiffrée. Il emprunte au gali-
nisme sa progression d'exercices, qu'il indique encore
en chiffres, en même temps qu'en toutes lettres. 11
fait également des emprunts à la méthode Dessirier,
et à la méthode directe.
Mais les instructions laissent dans l'oubli les di-
verses notations.
Les exercices du premier degré (cours élémentaire)
se bornent à l'étude des chants par audition.
Les exercices du second degré ne portent que sur
le ton de do majeur, quoique la survivance du titre :
« musique modale », laisse croire que les deux
modes types sont étudiés en ce cours moyen. Les
modes (de la d'abord) et les tonalités (sol et fa ma-
jeurs) n'apparaissent d'ailleurs qu'au programme du
quatrième degré.
La méthode auditive est recommandée, moins
d'ailleurs par le programme et les instructions que
par les chefs de service. Cependant, le programme
recommande au moins, avant toute chose, de faire
chanter, d'apprendre à reconnaître les sons des for-
mules harmoniques (sur l'accord parfait) et des for-
mules mélodiques (sur le pentacorde, puis sur la
gamme simplifiée :
do-ré-mi- fa sol la || sol fa mi ré do || si do
puis enfin sur la gamme complète).
La méthode directe prend place dans ce même
programme officiel, et nous lisons : « Notes de mor-
ceaux familiers, chantées par audition, après exécu-
tion du dernier couplet. »
La théorie musicale est réduite au strict nécessaire.
Elle n'apparaît vraiment qu'avec les exercices du
4" degré, et il est dit : « Les notions théoriques
seront simples et enseignées au fur et à mesure des
besoins. Elles tendent uniquement (souligné dans le
texte) à donner aux élèves ce qui est indispensable
à la compréhension et à l'exécution convenable des
morceaux de solfège chantés. »
Les formules de la méthode Dessirier (qui ont été
rappelées p. 3656) et le système du poinl (l'appui
(qui a été lui-même exposé) sont également recom-
mandés.
Ces formules restent surtout en honneur à Gand,
mais on n'utilise plus (même à Gand) la séméiogra-
phie Dessirier, ni, d'ailleurs, l'écriture chilfrée, qui
ne survit que dans quelques écoles de Bruxelles.
C'est dans les classes du 3° degré surtout que l'é-
lève apprend à connaître la notation, portée, clef de
sol, ligures de notes et de silences, et qu'il apprend
à solfier dans les manuels.
Ce qui concerne le répertoire est à retenir. « Le
répertoire scolaire doit former une petite anthologie
où la musique et la poésie rivalisent de richesse et
de variété, d'inspiration et de rythme, de pureté et
de sentiment. A cet effet, on puisera aux sources
vitales de l'art : airs anciens et mélodies populaires,
devenus justement célèbres; chants appropriés tirés
de l'œuvre des grands maîtres; spécimens choisis,
empruntés aux chansonniers et aux auteurs moder-
nes les mieux inspirés. » Les recueils français sont
très connus en Belgique, surtout ceux de M. Bou-
chor.
Le temps consacré à l'enseignement musical dans
les écoles primaires belges est d'une heure par se-
maine.
Dans les écoles normales, l'enseignemenl de la
théorie n'est fait également que pour les besoins de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A LÉCOLE 3677
la pratique, et en liaison avec elle. On s'adresse
constamment à l'oreille.
Les exercices portent sur le rythme, l'intonation,
le solfège, le chant. Mais on s'y occupe surtout de
méthodologie, de tout ce qui doit être utile à l'ins-
tituteur-professeur de chant. Ainsi, dans les deux
années de la section préparatoire, on dotera l'élève
d'un répertoire de chants scolaires; on lui fera con-
naître les phonomimies, les formules Dessirieb, les
principes du galinisme, les procédés traditionnels.
A l'école normale proprement dite (trois années
d'études), on obtiendra que l'élève sache inventer
des phrases musicales, improviser des formules avec
des gestes phonomimiques ou au tableau noir. On
l'habituera à conduire des exécutions chorales, et
l'on reprendra, avec lui, l'ordre des exercices des
2« et 3e degrés de l'école primaire.
11 est consacré une heure par semaine à chaque
cours normal préparatoire, et deux heures à cha-
cune des trois années d'étude de l'école normale
proprement dite. L'une de ces deux heures est con-
sacrée au chant choral, à l'ensemble vocal.
L'organisation de 1923 présente donc un grand
progrès. Elle n'a pas apporté de grand changement
effectif jusqu'ici, parce cpue l'enseignement donné
dans les écoles primaires, et confié aux institutrices,
fait une part encore irop belle au chant, et trop ré-
duite aux exercices d'oreille, de voix, de lecture. Les
élèves arrivent ainsi dans les classes du 4e degré, où
ils reçoivent, dans plusieurs villes, les leçons d'un
professeur spécial qui a tout à-faire pour préparer
ses élèves à l'école normale. M. de Nobel, professeur
à Gand, nous fait part de doléances justifiées.
EN POLOGNE
L'enseignement musical s'organise en Pologne. Les
programmes, 1res pratiquement conçus, contiennent
de légilimes exigences au sujet des exercices vocaux,
de la respiration, de l'articulation, de la diction
même.
Dans les écoles primaires, primaires supérieures,
secondaires, il est attribué deux leçons de quarante-
cinq minutes à l'enseignement musical dans chaque
classe.
Dans les écoles normales, où les futurs éducateurs
passent cinq années, la première et la cinquième
année reçoivent deux leçons de quarante-cinq mi-
nutes. Les autres classes — 2=, 3% 4e — n'ont qu'une
seule leçon de quarante-cinq minutes par semaine.
L'étude du violon est obligatoire, dans ces E. .\., et
celle du piano facultative.
Une vingtaine d'écoles secondaires de garçons et
quelques écoles normales d'instituteurs possèdent
des orchestres.
En ce qui concerne les méthodes, je laisse la pa-
role à Mme Julia Baranowska-Borowy, inspectrice de
l'enseignement du chant :
« A part les méthodes relatives au chant scolaire,
appuyées sur les méthodes allemandes et françaises,
à partie système Battre ou celui de Jaques-Dalcboïe,
nous avons des méthodes purement polonaises dont
quelques-unes très intéressantes et ingénieuses. Je
mentionne celle de M. Stéphane Wysocki comme la
plus originale et la plus complète. Elle se sert de
la phonomimie et comporte une échelle de quatre
lignes, représentant l'accord parfait, dont trois dis-
posées à la même dislance et la quatrième plus éloi-
gnée (pour l'intervalle de quarte). La disposition
des lignes change avec le renversement d'accord.
Cette méthode admettant d'infinies transpositions
(chaque tonique se trouve placée sur la première
ligne), elle ne demande pas de clefs ni d'armatures.
« Une autre méthode, qui n'apporle pas de nou-
veautés au système musical, mais qui est un excel-
lent guide pour le professeur de chant scolaire, le
conduisant par tous les détails de l'enseignement,
et lui fournissant des quantités d'exercices adaptés
à ces détails, est celle de Mmes Zapolska et YVif.rz-
binska (Méthode de l'enseignement du chant à l'école
primaire).
« La production de bons solfèges est à peine à ses
débuis (solfèges de MM. P. Maszynski, S. Kaziro,
F. Piasek).
« Par contre, nous possédons des quantités con-
sidérables de recueils de chants scolaires. La chan-
son populaire — qui est une richesse inépuisable de
notre pays, et qui présente pour le musicien scienti-
fique un curieux objet d'étude au point de vue cons-
truction, rythme et tonalité — tient une grande
place dans le répertoire scolaire. »
Ce ne sont donc ni les méthodes ni les chants de
valeur qui manquent, mais bien les maîtres et pro-
fesseurs. Un grand effort d'organisation est entre-
pris. Les professeurs spéciaux actuels, nommés pro-
visoirement, ont un délai de cinq ans pour satisfaire
aux conditions du professorat.
Des cours de préparation aux examens du profes-
sorat ont été créés officiellement. Des bourses sont
accordées aux candidats. Des instructeurs-inspec-
teurs dirigent ces cours.
On exige des nouveaux professeurs, à côté d'une
instruction musicale solide, une instruction générale
et un savoir pédagogique correspondant à ceux des
instituteurs formés dans nos écoles normales. L'exa-
men comprend des épreuves théoriques (théorie, har-
monie, histoire de la musique), pratiques (exécution
de chants, épreuve d'accompagnement, déchili'rage et
transposition), et piila<joniques (direction de chœurs,
leçon donnée à une classe ou à un seul élève), selon
le grade auquel aspire le candidat. Cet examen peut
se passer par étapes et partiellement. On ne peut
enseigner alors que les matières pour lesquelles on
est diplômé.
« La pédagogie musicale, dit M™" Borowt, n'existe
pas encore comme science (les Allemands commen-
cent à peine à l'envisager de la sorte), et jusqu'au
jour où elle entrera dans les écoles de musique,
comme objet d'études particulières, nous aurons
toujours beaucoup de mauvais professeurs qui per-
dront leur temps à se taire une méthode au détri-
ment de leurs élèves, au lieu d'en être munis à la
sortie de leur école. »
Et nous avons plaisir à citer cette conclusion :
« Nous sommes un peu en retard, en Pologne,
mais nous nous acheminons vers le but avec ardeur.
L'exemple de la France, où j'ai pu (en 1923) cons-
tater les résultats brillants de la pédagogie musi-
cale, — une musicalité sure et intelligente, un vrai
amour de la musique, un goût artistique et distin-
gué, — nous sera réconfortant!
EN ESPAGNE
L'enseignement musical est encore facultatif dans
les écoles primaires de l'Espagne et dans les lycées.
Partout où il est donné, aucun programme n'est im-
367 8
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
posé, aucune méthode n'est proposée. Dans les écoles
normales, où cet enseignement est obligatoire, le
professeur conserve, là aussi, toute liberté d'initia-
tive.
Il en résulte qu'on se borne, dans la plupart des
écoles, à apprendre, uniquement par audition, quel-
ques chants scolaires et quelques mélodies populaires
aux jeunes écoliers.
La Catalogue est la région la plus favorisée, en ce
qui concerne le développement artistique en géné-
ral, et musical en particulier. Quelques orphéons y
jouissent d'une organisation parfaite, notamment
l'Orpheo Catala. La rythmique Jaques-Dalcroze est
expérimentée dans quelques écoles de Barcelone.
La méthode galiniste est à peu près inconnue en
Espagne. Mais un pédagogue-musicien de valeur,
par contre, tente d'organiser tout un système pra-
tique de culture musicale, dans les écoles catalanes.
Ce novateur, M. Borguno, directeur de l'Athénée d'I-
gualada, secondé par M. Sagrera, a bien voulu nous
communiquer son programme d'action.
Il divise les études musicales en trois cycles : pre-
mière enfance, classe élémentaire, classe supérieure.
Les jeunes élèves apprennent surtout à chanter,
et font quelques exercices de rythme élémentaire,
appliqués à la marche.
La classe élémentaire (dix ans) reçoit deux heures
un quart d'enseignement musical par semaine, en
trois leçons de quarante-cinq minutes, se subdivi-
sant ainsi : exercices de respiration (cinq minutes),
émission vocale et éducation de l'oreille (dix minu-
tes), chant (dix minutes), rythmique, étude des va-
leurs, esthétique (vingt minutes).
Les premiers exercices d'intonation se font avec
quelques sons seulement de la gamme de do majeur,
sous la forme dictée, et en construisant vocalement
des intervalles demandés, partant d'un son donné.
« Dans la période élémentaire, nous préparons
uniquement l'écolier à l'étude de la musique, lui
inculquant le sentiment de la tonalité, du rythme et
exerçant une surveillance rigoureuse sur la voix.
« C'est seulement lorsque les élèves ont neuf ou
dix ans que nous commençons l'éducation musicale
par l'étude des signes. Nous notons alors les exer-
cices au tableau noir, et nous faisons également
apprendre les notes par le procédé des cinq doigts
(main portée). »
Au cours supérieur, on se consacre surtout à l'é-
tude du solfège, mais sans précipitation, avec tout
le soin qu'exigent les points les plus difficiles pour
l'élève. En même temps, les élèves sont acheminés
vers le chant choral, à deux, trois et quatre voix.
Le maître, d'après cette discipline, use bien plus
du tableau noir que du livre d'exercices. Les élèves
prennent note de toutes les indications données au
tableau, et écrivent eux-mêmes leur livre de mu-
sique.
« La musique à l'école primaire, dit M. Borguno,
doit constituer un art et non une science. Nous ne
demandons une science musicale qu'aux élèves spé-
cialisés dans la musique. Les maîtres qui se desti-
nent à l'enseignement musical populaire ont eux-
mêmes bien plus besoin de tempérament pédagogique
musical que de science. »
Les élèves du cours supérieur se réunissent au
Conservatoire les samedi, après-midi. Là, on leur
donne quelques notions d'histoire de la musique;
puis ils chantent en chœur et exécutent les danses
populaires. Tous les quinze jours, les élèves assistent
à un concert d'une heure et demie, au cours duquel
on commente les œuvres qui vont être exécutées.
Les élèves sont ensuite invités à écrire leurs impres-
sions.
EN SUISSE
Chaque canton suisse jouit d'une complète auto-
nomie en ce qui concerne l'organisation scolaire. Le
département de l'instruction publique de chaque
canton nous a fait connaître les dispositions rela-
tives à l'enseignement musical.
Ecoles primaires : horaires, méthodes, pro-
grammes.
Il est attribué deux heures par semaine à cet en-
seignement dans les écoles primaires des cantons
suivants : Tessin, Glaris, Lucerne, Appenzell, Zurich,
Schalïhouse, Soleure, Vaud, Grisons, Argovie, Berne,
Saint-Gall, Genève, — d'une heure à deux dans le
canton de Bàle-Campagne, — et une heure seulement
dans les autres cantons.
Il est difficile de parler d'une façon générale des
méthodes préconisées, en raison de leur variété. La
rythmique Jaques-Dalcroze est pratiquée dans
quelques écoles primaires de Genève, Lucerne,
Thurgovie, Zurich et à l'école normale de Weltingen.
Diverses méthodes de solmisalion sont utilisées,
méthode Gubler (en Thurgovie), méthodes Grieder-
Zchutner et Eitz (Lucerne, Argovie et Oswald), mé-
thodes Karl Weber et Kunz (Zurich), méthode KtJ-
gler (Schaffhouse), méthode Pantillon (Neuchatel),
méthode Schnyder (Soleure). Les notations simpli-
fiées n'ont plus que de rares adeptes. On utilise la
notation neumatique pour le chant grégorien dans
le canton de Fribourg, la portée de trois lignes
dans quelques écoles de Berne, les chiffres dans les
classes élémentaires de Glaris et Soleure, les notes
mobiles et les chiffres dans le canton de Schwytz.
Dans les écoles où aucune méthode particulière
n'est pratiquée, l'enseignement musical tend à de-
venir de plus en plus concret et sensoriel. A titre
d'exemples, voici le détail des programmes du can-
ton de Vaud et du canton de Genève :
Canton de Vaud. — La marche de la leçon est dé-
terminée par les lois de la psychologie qui marquent
une progression constante de l'esprit vers l'acquisi-
tion de notions abstraites et générales. Notre esprit
suit une marche instinctive, parcourt des degrés
naturels; il s'élève, comme dit Pestalozzi, « des in-
tuitions sensibles aux conceptions claires ». Toute
leçon complète doit commencer par l'acquisition de
notions concrètes ou intuitives. Débuter par le con-
cret, par les réalités sensibles, faire entendre, tel est
le premier pas à franchir dans l'enseignement mu-
sical.
L'école primaire est nettement éducative, et ne
peut considérer la communication du savoir comme
sa tâche première. L'instruction n'est qu'une partie
de l'éducation, partie essentielle sans doute, mais
non partie unique.
Le chant est fort justement considéré comme la
branche qui est accessible à l'enfant le plus tôt et le
plus facilement. Le législateur, dans le canton de
Vaud, souligne toute la valeur pédagogique, disci-
plinaire, esthétique, moralisatrice et hygiénique du
chant. 11 fait reposer tout l'enseignement musical sur
la pratique du chant.
Puis, il songe à une minutieuse formation de l'o-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE 36:
reille, pour laquelle il conseille au maitre l'usage du
violon.
Quand tous les enfants peuvent reproduire les sons
qu'ils entendent, il restera à les exercer sur les divers
intervalles.
On utilisera d'abord l'accord parfait majeur : do-
mi-sol, puis le penlacorde : do-ré-mi- fa-sol.
Ce n'est qu'à la fin de la deuxième année du degré
inférieur que les exercices s'étendront à la gamme
entière.
Le maitre habituera les élèves à donner aux sons
leurs justes intonations, sans autre secours que celui
des « notes d'appui ».
A partir du moment où les élèves font des exer-
cices de lecture sur la portée, ils doivent battre la
mesure. On fera surtout lire des exercices bien gra-
dués, mélodiques, et courts.
Le but est de former l'oreille, exercer la voix, dé-
velopper le sentiment et le goût du beau, cultiver la
faculté esthétique pure.
Canton de Genève. — Les instructions données aux
instituteurs sont précieuses :
« Nous sommes persuadés que les méthodes nou-
velles, loin de faire perdre du temps, finiront par
en faire gagner, de sorte que l'école active soldera,
au bout du compte, par un bénéfice social, moral et
intellectuel. En tout état de cause, et s'il n'y a pas
moyen de s'en tirer autrement, que nos écoliers
sachent moins, pourvu qu'ils sachent mieux : ce
sera déjà un avantage; mais qu'ils sachent autant et
mieux, voilà quel est l'idéal. ■
« Toutes les acquisitions doivent se faire par le
moyen de l'oreille; ce n'est qu'ensuite qu'on s'a-
dressera à l'œil et au raisonnement.
« Une leçon de chant comprend un assez grand
nombre d'exercices courts. Les exercices d'intona-
tion doivent se faire très lentement, en détachant
toutes les notes.
« Pour l'étude de la portée, on commence par n'u-
tiliser qu'une seule ligne, puis on en ajoute une se-
conde... et ainsi de suite jusqu'à la portée complète.
<c En général, les notions théoriques sont données
au cours des différents exercices, au fur et à mesure
des besoins.
« La pratique des dictées est un des meilleurs
moyens de faire progresser les élèves dans l'étude
du solfège. On en retire aussi un grand avantage
pour le développement de l'attention.
« Les solfèges servent d'application aux exercices
d'intonation et de mesure; dans la règle, ils doivent
être présentés dans une leçon subséquente, alors que
les notions de mesure et d'intonation précédemment
acquises ont été assimilées.
« Enfin, dans l'exécution des chœurs, on s'attache
à obtenir une justesse parfaite, et l'on observe avec
soin les règles du phrasé, du nuancé, ainsi que la
diction; en un mot, on recherche une exécution
aussi artistique que possible, tout en restant sim-
ple. »
Ajoutons que, dans les écoles de Suisse comme
dans celles d'Allemagne, on exige la connaissance de
certains chants.
La méthode du canton de Genève s'est inspirée de
la pédagogie galiniste. Pendant de longues années,
on a exclusivement utilisé le système Galin, Paris,
Ghevé. Aujourd'hui, après une période transitoire
pendant laquelle les deux notations étaient étudiées,
la notation chiffrée est abandonnée. Mais, tout en
n'enseignant que la notation sur portée, on s'appuie
toujours sur les principes pédagogiques repris par
Galin et son école.
lre année. C'est ainsi qu'on fait un emploi systé-
matique des « notes d'appui » do, mi, sol, pour l'exé-
cution du pentacorde do, ré, mi, fa, sol, et de la
gamme, avec les élèves qui étudient les sons.
2e année. L'étude de do, mi, sol est reprise. On étu-
die sol, si, ré et fa, la, do, et les combinaisons de l'ac-
cord parfait. Vocalisation. Mesures à 2, 3 et 4 temps.
Etude des signes, lecture d'airs et de canons très
faciles. Exercices de dictées.
3e année. Etude des accords : sol, si, ré, fa, — ré,
fa, la, do, — s», ré, fi. la. Vocalisation. Division
binaire, solfège, dictée. Chants à une et deux voix.
4e année. Etude des accords de tonique, dominante
et sous-dominante, ainsi que des accords de septième
les plus usités des gammes étudiées. Vocalisation. Le
dièse, le bémol, le bécarre. Gammes de sol et de fa.
Division ternaire. Dictées, solfège. Chants à une et
deux voix.
r;c année. En plus : gamme de la mineur. Mesures
à 6 8, 9 s, 12 8.
6e année. En plus : gammes mineures. Chants à
trois voix.
7e année. En plus : Elude de la clef de fa. Nom-
breux solfèges, duos, trios.
Ecoles secondaires. — Les classes des établisse-
ments secondaires déjeunes filles reçoivent en géné-
ral deux heures de cours de musique par semaine.
Les élèves des collèges de garçons ne reçoivent plus
d'enseignement musical.
L'école secondaire et supérieure de jeunes filles
de Genève possède un programme d'enseignement
musical très complet, et de haute valeur.
Les élèves de Vil0 classe (12 ans) font d'utiles révi-
sions. Le programme primaire est repris et complété.
En VIe commence une véritable éducation musicale,
soit en suivant le cours régulier, soit en suivant le
cours de rythmique Jaques-Dalcroze.
Le cours régulier comprend l'étude du phrasé et
du nuancé, l'improvisation rythmique sans et avec
intonations d'après les morceaux littéraires connus,
la transformation, la vocalisation. A ces exercices,
inspirés déjà de la méthode de rythmique Jaques-
Dalcroze, s'ajoutent ceux de dictée (en do majeur et
tons voisins, mesures à 2/4, 3/4, 6/8, 9/8, 12/8), de
notation d'airs connus, de solfège et de chant (avec
chœurs imposés, en plusieurs langues).
Ce programme se développe très méthodiquement
en Ve et IVe, en se basant, pour l'étude des intervalles,
sur les séries des accords de trois et quatre sons. Il
aboutit d'ailleurs à une élude élémentaire de l'har-
monie.
Une chorale rassemble les élèves des diverses sec-
tions pendant une heure par semaine. Le programme
du cours mérite d'être signalé :
« Groupe choral : les divers aspects du chant cho-
ral. Notions d'émission, d'articulation, de phrasé,
d'accentuation, de nuancé. Etude de divers styles.
Exécutions d'oeuvres harmoniques et polyphoniques
à 2, 3, 4 parties, empruntées aux meilleurs auteurs
de la Renaissance, aux classiques allemands et fran-
çais, ainsi qu'à la chanson populaire de la Suisse et
de l'étranger. »
Ecoles normales. — C'est surtout dans les écoles
normales ou dans les sections pédagogiques des
écoles secondaires que se remarquent les plus grandes
variations d'horaires et de méthodes.
Les futurs instituteurs et institutrices reçoivent
3«;si<
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
6 heures de cours de musique dans le canton des
Grisons, 5 heures dans les cantons de Fribourg et du
Valais, i ou ;> heures à Berne, de 3 à S heures à
Sohaffhouse, i heures àLucerne,Saint-Gall, 3 heures
à Lausanne (Vaud), Argovie, Thurgovie, Schwytz,
2 heures à Soleure, F ri et dans le Tessin.
On y étudie, obligatoirement presque partout, le
violon ou le piano, — et parfois, simultanément :
violon, piano et orgue.
Dans toutes les écoles normales ou cours normaux,
un véritable enseignement professionnel est donné
pendant toute la durée des études; et il est prévu,
presque partout, une heure de chant d'ensemble.
La durée des études est de quatre ans. Aussi peut-
on, avec les plus grands élèves, aborder la composi-
tion et l'enchaînement des accords. Le programme
d'une classe de fin d'études (lre classe) est toujours
intéressant. Nous relevons celui-ci :
Ve classe : a) pratique : Exercice de respiration,
d'émission, de vocalisation.
Iîegistration et pose de la voix. Déclamation ly-
rique.
Etude et interprétation de chœurs.
Exercices pratiques de direction et de critique.
Concours de chant.
Etude approfondie du phrasé et de l'expression
musicale.
Elude du psautier en vue de la direction des chants
d'église.
b) théorie : Le chant d'ensemble. Notes biogra-
phiques sur les principaux compositeurs.
Toutes ces indications relatives à la culture musi-
cale dans les écoles de Suisse permettent de mesurer
la valeur des efforts qui ont été faits depuis quelques
années. Ces efforts ne sont pas généraux cependant-
M. Jaques-Dalcroze, Suisse lui-même, écrit :
« Notre pays est de ceux dont les institutions sco-
laires sont le plus unanimement admirées, grâce à
la bonne organisation qui les caractérise, grâce à
l'esprit d'initiative et d'intelligence de la plupart de
nos départements d'instruction publique. Comment
se fait-il, dés lors, que seul l'enseignement musical —
et en général l'enseignement artistique — y soit traité
en paria et abandonné à la routine? »
M. Jahues-Dalcroze, cherchant les causes de cette
infériorité, les trouve dans ces faits, que trop d'ins-
tituteurs sont incapables 'd'enseigner le chant et la
musique, et que la plupart des méthodes employées
gonl basées sur l'analyse théorique et non sur l'expé-
rimentation sensorielle.
Il ajoute :
« ( »n ne fait pas éclore dans le coîut des enfants
un véritable amour pour la musique, si on ne la leur
fait pas vivre! C'est son côté extérieur qu'on leur
enseigne et non ses qualités émotives et vraiment
éducatrices. On ne leur apprend même pas à l'écou-
ter... Et comment parviennent-ils à chanter quelques
lieds? Uniquement par imitation. Quand donc nos
autorités proscriront-elles des études le système dit
« à la perroquet »'? Quand reconnaîtront-elles l'uti-
lité d'une participation plus intime des exercices de
chant à la vie même de l'école?... »
Quelle que soit la situation, elle est supérieure
encore à celle de la plupart des Etats voisins. Nous
savons d'ailleurs que bien des cantons suisses révi-
sant aujourd'hui leurs différents programmes sco-
laires, et il n'est pas douteux que, relisant ce qu'ont
écrit tant de grands pédagogues suisses, dont la
pédagogie est toujours d'actualité, on ne comprenne
la nécessité d'une culture musicale d'un caractère à
la fois instructif et grandement éducatif. Les mé-
thodes basées sur les faits sensibles, sensations et
sentiments, et faisant sans cesse appel à l'activité de
l'enfant, à son instinct musical et non à son raison-
nement, sauront gagner les écoles de Suisse avant
les autres.
EN ALLEMAGNE
On a raison de citer fréquemment l'exemple de
l'Allemagne en ce qui concerne la place donnée au
chant choral, à l'école et dans les sociétés les plus
diverses.
A l'école, au moins dans les villes, un enseigne-
ment musical régulier est donné par des professeurs
spéciaux, qui disposent d'une heure — et parfois
de deux heures — par classe. Dans les écoles
secondaires, en plus des cours réguliers, il est sou-
vent accordé une heure aux exercices d'orchestre,
ou à l'histoire de la musique. Dans les écoles nor-
males, il est donné à chaque classe trois ou quatre
heures d'enseignement musical, — vocal ou instru-
mental. L'école normale de Colmar possédait, aus-
sitôt après la guerre, trois orgues, un harmonium,
plusieurs pianos. Les études des élèves des écoles
normales sont fréquemment contrôlées, sous le triple
rapport du chant, de l'harmonie, de l'étude d'un
instrument (piano, harmonium, violon). C'est dire
que l'enseignement est donné, même dans les écoles
rurales, par des maîtres qui ont reçu une réelle cul-
ture musicale et une suffisante préparation profes-
sionnelle.
Les méthodes des Allemands s'enrichissent sans
cesse de nouveaux procèdes pédagogiques. Le lieich,
résolument décidé à moderniser, n'a point hésité à
prendre aux pédagogies de diverses nations, aux
méthodes anglaises de Miss Glover et de Curwk.n
surtout, ce qu'elles offraient de moins abstrait, de
plus pratique. Bien des idées qui sont « dans l'air »,
en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, — et que
nous soutenons aussi en France, — sont appliquées
méthodiquement en Allemagne, où elles ont gagné
l'adhésion des professeurs et instituteurs avec une
incroyable rapidité. L'enthousiasme provoqué par
les méthodes actives est tel qu'on accepte de modi-
fier les traditions d'enseignement, les habitudes les
plus douces, et qu'on renonce même à la vieille no-
tation alphabétique et aux appellations courantes.
In congrès de pédagogie musicale — ou plutôt
un cours pour l'étude et la diffusion des méthodes
il ion musicale — s'est tenu à Berlin en 1&29.
J'ai eu la grande faveur d'être désigné par la Nil le de
Paris pour assister à ce congrès, ce qui m'a permis
de connaître toute la valeur de l'orientation donni e,
dans I Allemagne d'aujourd'hui, à un enseignement
qui tient une première place dans les programmes.
Le but envisagé ne se situe complètemenl qu'après
l'école, dans la vie sociale. L'école prépare, donne
un élan, crée une curiosité musicale, et, tout en
habituant les enfants à entendre, avec un sens qui
s'affine sans cesse, elle s'attache à former leur go Ûl
par des mélodies et des chœurs, pour la plupart
d'inspiration populaire.
Sortis de l'école, Fritz ou Michel ne pourront plus
rompre avec leurs habitudes les plus chères. Us
continueront à participer aux exécutions mus i
à chanter en chœur, comme ils continueront à lire
Leg œuvres littéraires. Ils sauront — pour les avoir
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L'ÉCOLE
ressenties — que les jouissances supérieures se
demandent aux arts. Ils trouveront dans la musique
le moyen d'exprimer joie ou tristesse, de mieux
connaître l'âme du pays natal. Ils y trouveront
aussi le lien social qui les regroupera, sous l'égide
•de Tari.
Donc, si, par surcroît, le chant rend l'école aimable
et joyeuse, si la pratique du chant a des consé-
quences scolaires immédiates, — de récréation, de
détente, de discipline, de culture physique même, —
on ne pourra que s'en réjouir en passant, mais sans
oublier qu'il faut tendre vers le chant choral érigé en
institution sociale.
Que doit-on faire pour arriver jusqu'à ce but, sans
passer à côté, sans le dépasser non plus? Tout la
programme, tout le temps dont on dispose, se laisse-
ront accaparer par une patiente culture de la sensi-
bilité artistique et du goût, — culture aux mille
formes, — et par une véritable éducation chorale,
allant jusqu'aux exercices d'harmonisation popu-
laire. Cette culture et celte éducation peuvent seules
créer, à l'école, et en prévision de l'avenir, des habi-
tudes et des besoins.
Avant toute chose, on apprend des chants par
audition. Mais l'école d'aujourd'hui veut entreprendre
une éducation musicale plus complète, permettre
l'exacte perception des sons, la reconnaissance des
intervalles, l'émission des sons entendus ou pensés,
et rendre possible l'élude des mélodies et des diver-
ses parties chorales par des moyens divers plus
rationnels.
C'est à la formation de l'oreille que l'on consacre
les premières années. L'enfant apprend à distinguer
et à solmiser do, sol et du, mi, sol, — ou plutôt la
quinte et les sons de l'accord parfait majeur, car il
ne donne à ces sons qu'une hauteur relative, el non
pas une hauteur fixe, absolue. On chantera par
exemple do, sol sur les sons ré, la ou mi, si... C'est
là un retour aux conceptions de J.-J. B.ousseai et de
Gaun. Le principe du son absolu, dit-on à Berlin,
n'intéresse pas le chanteur, car la voix humaine
n'est pas un clavier à notes fixes, c'est l'instrument
le plus souple, le plus mobile qui soit, le moins
assujetti aux conventions du diapason. On ne peut
lui demander, en partant d'un son, quel qu'il soit,
que d'exécuter des intervalles donnés.
La méthode Câlin, traduite par Stahl, a d'ailleurs
connu autrefois de nombreux partisans en Alle-
magne, et la « Gesellschaîl der Zilieristen » possède
toujours des adhérents. Mais on a renoncé au méca-
nisme des chiffres et conservé seulement le principe
modal, et quelques procédés.
Ue nombreux exercices, très variés, sont pratiqués
dans ce stade de culture auditive : exercices de sol-
misation, de dictée orale, d'éducation chorale, de
mémorisation, d'audition intérieure, de modulation
ou rnuance, de transposition, de création mélodique
ou harmonique, de métrique, de rythmique, de dic-
tion, et, à chaque leçon, des [exercices d'intonation
pratiqués soit à la baguette (sur des tableaux mu-
raux, sur des échelles d'accords, sur les sept cou-
leurs de la gamme, sur des graphiques portant les
noms de notes en colonnes verticales), — soit à l'aide
d'une phonomimie, — à une ou deux mains, — plus
compliquée d'ailleurs que la dactylologie des gali-
nistes et que les phonomimies françaises.
En recourant à ces deux grands procédés, — ou
chante donc la quinte et l'accord parfait majeur do,
mi, sol, puis deux autres accords parfaits majeurs :
Copyrigth by Librairie Delagrave, 1930.
sol, si, ré, — et fn, la, do, — puis la gamme majeure
avec toutes les combinaisons de ses sons. On pratique
ensuite la modulation, mais en conservant toujoui*
aux toniques successives le nom do, le changement de
son de cette Ionique do étant annoncé par un "este
ou un graphique (d'où le nom de la « Méthod°e —
tonique — do » donné à ce système, voisin de la
« Méthode— Tonic — sol, fa » des Anglais).
On obtient, grâce à ces premiers moyens, des exé-
cutions chorales intéressantes. On aime surtout à
chanter des canons à deux, trois, quatre voix. Ou y
voit la forme d'harmonisation la plus simple, puisque
c'est alors la mélodie qui s'accompagne elle-même,
qui est suivie de son ombre.
Mais, lorsque les enfants chantent un canon ou
suivent la baguette du maître qui indique des noms
de noies disposés en accords, ils ne font preuve que
d'attention et de mémoire. Or, on veut obtenir bien
plus de leur sens musical, éveiller en eux les forces
créatrices, les doter de moyens d'expression, les
amener à chanter et à harmoniser à leur guise, —
à créer, mélodiquement et harmoniquement.
La création harmonique est l'objet d'un soiu par-
ticulier. On s'habitue à placer sous la gamme, puis
sous des mélodies très simples, — voire primitives,
— deux ou trois voix constituant des parties d'ac-
compagnement, et cela en ne faisant appel qu'au
sentiment de justesse, de ce qui esl naturel, conso-
nant, agréable, — et sans la moindre théorie des
accords.
La création monodique comprend trois séries
d'exercices : d'abord, l'enfant essaye de placer, sous
un air connu, des phrases qu'il construit lui-ménie.
Une fillette dit ainsi, devant moi, comment il con-
vient de traverser les rues de Berlin, si l'on veut évi-
ter les accidents. Ce travail d'adaptation est difficile
el l'enfant s'en tire mal. En second lieu, les enfants
chantent, comme ils l'entendent, tel petil poènje
appris par cœur, ou telle phrase proposée. Ils s'en
tirenl assezhien. Enfin, — et il est remarquable que
ce soit le travail le plus aisé, — les enfants impro-
visent paroles et musique. Des dialogues chantés,
— des duos, — s'établissent entre écoliers.
Parfois un enfant improvise seul. Il chante la nuit,
la douce étoile!... Les improvisations de Minnesin-
ger et des maîtres chanteurs, de Wolfram et de
Hans Sachs, se retrouvent, en germe, dans ces
exercices.
Les enfants sont toujours invités à apprécier ces
improvisations. Puis ils choisissent l'une d'elles,
pour l'exécuter à plusieurs voix.
Ces exercices de composition, — que recommande
eu France la Nouvelle Education. — ont de grands
avantages. Ils récréent, familiarisent avec la langue
des sons, avec la musique qui devient « expression
de pensée », et agit ainsi du dedans au dehors, —
alors que des éludes purement solfégiques ne pour-
raient toul au plus qu'obliger la musique à agir
dans le sens contraire. La personnalité musicale se
développe, l'enfant prend conliance. Créer, c'est,
pour lui, s'élever au rang des dieux, et des maîtres
delà musique. Il arrivera vile à penser en musique,
à posséder une imagination musicale qui ne peut
qu'élargir son moi.
Bien des exercices sont conduits par les enfanls
eux-mêmes, parfois des leçons entières (après pré-
paration). L'enseignement mutuel est toujours fort
prisé à Berlin, et s'exerce à tous les âges. Au cours
de ces leçons, les enfants ne sont plus seulement
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
appelés ;i apprécier les exemples musicaux, mais aussi
à donner leur avis sur l'exécution de ces exemples,
et sur la façon de diriger du moniteur. « Nous avons
bien clianlé, dit un enfant content de lui, pourtant
nous étions mal conduits. »
Avec les élèves du cours moyen, on aborde l'étude
des signes usuels. On y a été préparé par une nota-
tion simplifiée, qui utilise, pour la désignation des
sons de toute gamme moyenne, les syllabes : do, ré,
mi, fa, so, la, ti, ou les initiales seulement (méthode
Curwen), et, pour la désignation des valeurs, les
signes de Rousseau, et du chronomériste.
Lorsqu'on apprend à lire sur la portée, on accepte
non seulement que le do se promène dans l'échelle
des sons, mais aussi que le signe qui le représente
se déplace sur la portée. La clef indiquant le do
(un d) se placera sur toutes les lignes et dans tous
les interlignes. On s'appuiera sans cesse sur ce fait
que do, mi, sol se trouvent en même temps sur des
lignes ou en des interlignes. C'est l'un des principes
chers à Wjlhem.
Le procédé de lecture avec clef mobile — peu
pratiqué du reste, et qui, dispersant l'effort, dépas-
serait vile les besoins de l'école — dérive lui-même
de l'indicateur vocal de Wilhem et du méloplaste de
Galin.
Le professeur de Berlin est aussi peu traditiona-
liste que possible, — je reviens sur ce point, — lors-
qu'il veut organiser un enseignement pratique, et il
ne se soucie que de conserver au peuple allemand
les chants qu'il préfère.
En Allemagne, l'étude du chant populaire prime
tout. Quoi que vaillent les mélodies de Wesphalie, ou
de ïhuringe, ou de Souabe, elles sont filles d'Alle-
magne, d'une muse populaire un peu rude, mais
qu'on aime. Tout est là. L'enfant ne peut donner
quelque sincérité à l'expression du sentiment que
s'il exécute ces chants de chez lui. Faire fi de cet
élément national à l'école serait l'erreur de ceux
qui méconnaissent l'enfant. Nul n'y songe à Berlin.
Le solfège (qui, au reste, se pratique fort peu)
reste lui-même étroitement lié au chant populaire.
On ne solfie que des phrases qui ont été ou qui seront
chantées avec des paroles. Un exercice de solfège —
sur les intervalles, par exemple — est escorté de
paroles, et pourra sans doute s'exécuter en canon.
Les professeurs de Berlin lèveraient les bras s'ils
savaient qu'au contraire nous introduisons dans les
écoles des livres de solfège pur, ne contenant pas
une ligne de chant! Ils feraient observer que cela
constitue une sorte d'impasse, que des exercices qui
n'aboutissent pas au chant n'ont pas leur raison
d'être et que leur sécheresse les rend stériles.
Autre chose a disparu à peu près du programme :
l'exposé théorique. On aime fort à parler, on parle
trop, et l'on ne se décidera pas demain à prendre
l'éloquence pour lui tordre le cou. Mais on ne parle
que pour présenter un chant et le commenter, on
renonce au verbiage abstrait de la théorie. Les
esprits n'ont pas à se tendre, et je crois même que
la sagesse fondamentale des affirmations repose et
calme l'auditoire. Cependant, j'ai entendu un élève
de cours supérieur parler à ses camarades, et sur un
sujet précis : la tonalité d'ut mineur. Mais il avait
eu le soin de faire jouer, par quelques élèves, au
piano, au violon, sur la flûte, quelques extraits de
maîtres, de Beethoven pour la plupart, — et per-
mettant de comparer do mineur avec do majeur, et
avec mi bémol majeur. Le début de la Symphonie en
itt mineur fut joué, repris, repris encore. On s'arrê-
tait à la première, puis à la seconde modulation.
Pour terminer, un excellent phonographe lit entendre
en entier l'allégro célèbre. Une leçon de ce genre est
bien plus d'ordre esthétique que théorique, et de
nature à réconcilier avec la théorie.
On a donc recours, et très naturellement, à tout ce
qui peut faire aimer l'art musical, d'abord en don-
nant la première place aux chants, canons, chœurs
populaires d'Allemagne et aux pages des maîtres
les plus aimés, ensuite en parlant aux enfants de ces
pages et de ces maîtres, aussi familièrement que des
écrivains dont ils lisent les pages choisies. Le masque
de Beethoven, le buste de Schuiiert et celui de Mo-
zart se trouvent en bien des classes, et les portraits
des musiciens ont remplacé, sur les murs des écoles,
ceux des souverains et des généraux de l'empire.
D'ailleurs, la plupart des écoles ont une salle de
musique, où se trouvent bibliothèque musicale,
phono, orgue, — grandes orgues parfois, — avec un
ou deux pianos. La grande salle du musée pédago-
gique permet elle-même des auditions avec orchestre
et chœurs. L'un des cours d'adultes de chant se
donne dans cette salle. Sept cents élèves s'y trouvent
rassemblés en hiver. J'ai assisté à l'un de ces cours,
le soir. Quatre ou cinq chants populaires ont été
étudiés, sans secours du solfège, puis exécutés en
canons ou à plusieurs voix. Orgue, violons, flûtes,
hautbois préludaient, ou se mêlaient aux voix, —
jouant soit la mélodie, soit des parties d'accompa-
gnement. Les élèves, comme toujours, étaient invi-
tés à apprécier les combinaisons des voix el des ins-
truments.
Des Académies et séminaires de musique forment
les professeurs de chant des écoles de l'Etat. Les
candidats à ces écoles professionnelles doivent,
avant d'être admis, acquérir un certificat de licence
(de quelque enseignement que ce soit). Ils passent
alors huit semestres — donc au moins quatre ans
— dans ces académies, avant d'être jugés aptes à
l'enseignement de la musique. Ils font donc des
études très complètes de chant, d'instrument, d'har-
monie, et, une partie de la journée, ils enseignent aux
enfants des classes annexes. Ils subissent, au bout
de ce temps, un examen très complet, pédagogique
et musical, et deviennent professeurs
Quelques-uns d'entre eux, chargés de mission,
visitent les écoles des villes et des campagnes, pour
répandre les chants populaires, « se mêler au chœur
des hommes », donner le goût du chant. C'esl là
une mission qui revêt un caractère évangélique.
A Spandau, une véritable cité, comprenant trente-
cinq grandes maisons ayant toutes un préau et un
vaste dortoir), favorise cette diffusion du chant cho-
ral. On reçoit dans ces maisons trois catégories
d'hôtes : des enfants malades, qui trouveront dans
le chant un exercice salutaire, — des enfants punis
qui se disciplineront et aideront à leur relèvement
moral par le chant, — des grandes personnes qui
viennent suivre « la semaine de musique ». Santé
du corps, santé de l'esprit, on attend tout du chant
à l'Evangelische Schule fur Volksmusik.
D'ailleurs, à l'Académie de Gharlottenburg et à
l'Ardenbergstrasse, les futurs professeurs peuvent
étudier le chant sacré et, tout en apprenant la péda-
gogie musicale, apprendre aussi le « travail d'église ».
Si des milliers d'adultes fréquentent les cours de
musique vocale, si l'on peut chanter tanl de belles
œuvres chorales dans les temples et les églises, si.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE ENSEIGNEMENT MUSICAL A L ÉCOLE 3683
l'on exécute des chœurs dans les casernes et dans
les groupes d'étudiants ou d'ouvriers, et jusque dans
les loges maçonniques, c'est évidemment — entre
autres raisons — parce que l'école fait aimer le
chant choral et sait préparer les enfants à tenir leur
place dans le chœur.
La préparation, cependant, reste imparfaite. D'a-
bord, parce que la lecture sur portée, qui ne remplace
que très tard la lecture des initiales, de la méthode
Tonique do, est trop peu pratiquée. Je sais bien qu'il
faut avant tout amener l'enfant à la chorale, qui
fera le reste. Mais je crains (tout en déplorant da-
vantage encore l'excès contraire, fréquent en France)
qu'on ne laisse passer un âge | 10-11-12 ans) favorable
à l'étude de la notation. Nous abordons trop tût l'é-
tude des signes de notation, mais les Allemands l'a-
bordent un peu lard.
Cependant, la plus grave lacune est ailleurs. On
fait chanter beaucoup, dans les écoles d'Allemagne,
mais sans se soucier assez de la qualité des voix.
La tendance générale des Allemands à chanter de
la gorge ne se trouve donc pas combattue. Un peu
de souplesse vocale est désirable, comme il est dési-
rable que s'affine le goût choral.
En se laissant aller, on pourrait trouver quelques
autres lacunes à signaler. Alors que le développe-
ment de la personnalité artistique est l'objet de laut
de soins, ainsi que la formation de l'oreille, on
éprouve quelque surprise à constater, par exemple,
que l'un des exercices qui concourent le plus sûre-
ment à cette formation, la dictée musicale orale,
se pratique encore si peu et de façon si imparfaite.
Cet exercice essentiel, d'analyse et de reconnais-
sance des sons, peut, grâce à quelques précautions,
l'emporter en valeur sur tous les autres, et s'adres-
ser vraiment à la collectivité, en obligeant chaque
enfanta un effort personnel.
Tout n'est donc pas à imiter dans la pédagogie
musicale des Allemands, et nous pouvons faire aussi
bien, grâce à notre goût latin, toujours facile à ('veil-
ler, grâce aux richesses incomparables et si variées
de notre fonds populaire qui peuvent constituer le
plus merveilleux instrument de culture du goût,
grâce enfin à notre vigilance en ce qui concerne la
culture de la voix et la formation de l'oreille. Mais je
suis tout prêt à être partial, à excuser les défauts
du système allemand, parce que je constate qu'il ne
perd jamais de vue le but social, humain, postsco-
laire, et que l'école se trouve ainsi nettement orien-
tée vers les fins utiles de l'avenir.
On s'efforce de n'établir aucune barrière entre le
travail scolaire et ce qui doit en être la continuation,
la résultante, et c'est pourquoi l'on se garde d'a-
border des études que l'enfant trouverait arides
et dont il garderait — devenu adulte — un souvenir
fâcheux, qui l'éloignerait de la chorale. On lâche
donc à ne pas faire métier d'enseigneur, on renonce
aux méthodes intellectuelles, à la raison démons-
trative, à l'entraînement solfégique pur, détaché de
la seule réalité qui compte : le chant choral. Fritz
ne sait, de solfège, que ce qui peut l'aider à lire des
parties chorales très simples, mais il aime le chant,
il goûte, il sent, et il peut même créer! Le profes-
seur souflle sur ce feu sacré pour l'entretenir, et
donne toute la place, dans les leçons, à ce qui est
musique vocale, émotion musicale, art simple et
populaire, expression du cœur.
Il y a « enveloppement musical ». Une impulsion
est donnée, irrésistible, — un appétit de plus est
créé, aiguisé, mais c'est le plus élevé de tous. L'en-
fant sortira riche d'aspirations supérieures, et verra
que la porte de l'école ouvre sur la salle de musique,
qui l'attendra toujours.
Et c'est parce que la formation de l'écolier se mue
en une véritable orientation, que l'instituteur pro-
fesseur de musique et le professeur spécial de chant
prennent rang parmi les éducateurs les plus utiles.
Ils ne sont pas considérés comme chargés d'ensei-
gner un arl d'agrément, un accessoire, celui de tous
les bruits qui coûte le plus cher. Là-bas, le minus
habens s'est redressé, et de même que l'Allemagne
ajoué un premier rôle dans le mon. le par la puis-
sance de rayonnement de sa musique, de même il
joue un premier rôle dans l'Etat, pour la prépara-
tion morale du peuple, l'ordre et la paix dans la cité,
la cohésion, l'harmonie sociale.
Puissions-nous, en France, tenir un jour en pa-
reille estime l'éducation musicale populaire et ceux
qui se chargent de la dispenser à tous, et com-
prendre enfin lout ce qu'on peut demander à la mu-
sique, au chant choral, pour favoriser le développe-
ment harmonieux des facultés de l'enfant.
Maurice CHEVAIS.
ERRATA
Paye 3633. — A la dernière ligne de la 1" colonne,
suivre à la lpe ligne de la 2e colonne :
ut, ré, mi, fa, ut, ré, mi-fa.
P. 3634. — 1« colonne, ligne 51, lire : «constater
que la portée, étant à l'origine au service des voix,
ne pouvait réserver », au lieu de : « considérer que,
dès l'origine de la portée, on l'utilisa suivant les
voix, sans attribuer... »
P. 3633. — 2e colonne, ligne 24, lire : « éléments »,
au lieu de « fonctions ».
P. 3637 et 3646. — Lire : Jaques-Dalcrûze, et
non : Jacques Dalcroze.
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS
ET LES GRANDES ASSOCIATIONS SYMPHONIQUES
Par Albert VERNAELDE
v.i:i!:'i i ■ I : o 1 i --E B
SOCIETE DES CONCEP.TS
PRINCIPAUX CONCERTS ANTÉRIEURS A LA FONDA-
TION DE LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS
Avant de retracer année par année, comme autant
d'étapes glorieuses, l'histoire de la Société des Con-
certs du Conservatoire, avant de pénétrer dans le
temple consacré au génie de Beethoven, dans le
temple qui nous apparaît aujourd'hui comme le
Panthéon de l'art musical, nous estimons qu'il est
indispensable de rappeler, en des lignes brèves, les
concerts qui préludèrent à la fondalion de l'illustre
compagnie.
Les concerts d'orchestre, c'est-à-dire ceux dans
lesquels la polyphonie instrumentale jouait un rôle
prédominant, ne remontent pas au delà du
xvme siècle.
C'est en 1725 que se donnèrent les premiers con-
certs, dits Concerts Spirituels, sous la direction de
Anne Danican-Philidor.
Ils furent inaugurés le dimanche de la Passion
aux Tuileries, dans la salle des Suisses. On y enten-
dit plus tard les symphonies des Mannheimistes,
le Gi ec et d'HAYDN, dont la symphonie n» 14 fut
publiée en 1764, chez Venier, à Paris.
Les Concerts spirituels eurent successivement pour
directeurs :
1725-1728, Anne Danican-Philidor.
1728-1734, M. de Lannoy, P. Simard et J.-J. Moiuet.
1734-1747, l'Administralion de l'Opéra.
1748-1755, Royer.
1755-1762, Caperan, veuve Royer, Mondonville.
1762-1772, Caperan, Joliveat, Dauvergne.
1772, l'Administration de l'Opéra, Dauvergne el
Berton.
1773-1777, idem, Gaviniès, Leduc aîné, et Gossec
1777-1791, Legros.
A Legros revient l'honneur d'avoir fait entendre
pour la première fois la symphonie en mi bémol de
Mozart.
Voici ce qu'à ce sujet, l'auteur écrivait à son père,
Léopold Mozart, à la date du 3 juillet 1778 :
« J'ai dû faire une symphonie pour l'ouverture
du Concert spirituel; elle a été exécutée le jour de
la Fête-Dieu, avec un applaudissement général. D'a-
près ce que j'entends dire, il en a été fait mention
dans le Courrier de l'Europe... Elle a donc plu
exceptionnellement. A la répétition, j'ai eu très
peur, car, de ma vie, je n'ai rien entendu de plus
mauvais : vous ne pouvez pas vous imaginer com-
ment ils ont, deux fois de suite, bâclé et raclé à
fond la symphonie... J'étais vraiment très inquiet...
Je l'aurais bien fait répéter une fois de plus, mais on
a toujours tant de morceaux à répéter qu'il n'y avait
plus assez de temps. Et je dus aller me coucher le
cœur inquiet et l'humeur mécontente et furieuse. Le
lendemain, j'avais pris la résolution de ne pas aller
du tout au concert. Mais il fit beau, le soir, et je
finis par me décider, avec le dessein arrêté, si cela
marchait aussi mal qu'à la répétition, de pénétrer
dans l'orchestre, de prendre le violon des mains de
M. Lahoussaye, le premier violon, et de dirige) moi-
même. Je priai Dieu qu'il me fît la grâce que tout
marchât bien, puisque tout est pour son plus grand
honneur et sa gloire, et ecce... la symphonie com-
mença. Raaff était assis à coté de moi. Juste au
milieu du premier allegro était un passage que je
savais bien devoir plaire : tous les auditeurs en
furent transportés... et il y eut un grand applaudis-
sement... Comme je savais bien, quand je l'écrivis,
quelle sorte d'effet il ferait, je l'avais ramené une
seconde fois, à la lin... même accueil du capo. Vali-
dante plut aussi, particulièrement le dernier al h gro.«.
J'avais entendu dire qu'ici tous les derniers allegro
commencent, comme les premiers, avec, tout de
suite, l'ensemble des instruments, et généralement
imisono; aussi, commencé-je avec les deux violons
seuls, piano, et pendant 8 mesures seulement...
puis, là-dessus, tout de suite, un forte... De
que les auditeurs (comme je m'y attendais) firent
chut, au moment du piano. Et lorsque soudain éclata
le forte... entendre le forte et battre des mains fut
tout un. Dans ma joie, sitôt la symphonie achevée
je m'en allai au Palais-Royal... pris une bon:
dis le chapelet que j'avais promis de dire... et restai
à la maison1. »
La critique ne se montra pas toujours très tendre
pour les Concerts Spirituels. Nous n'en voulons pour
preuve que les lignes suivantes irrites par BurnEY
au sortir de la séance qui eut lieu le 14 juin 1770 :
a J'allai au Concert Spirituel : c'est le seul amu-
sement qui soit permis dans les jours de grande fête.
Le premier morceau fut un motel de Lalande, Do-
minus regnavit, composé à grand chœur et exécuté
avec plus de force que d'expression. Le style était
celui du vieil opéra français et me parut fort en-
nuyeux, quoiqu'il fût couvert d'applaudissi menls
par l'auditoire. Il y eul ensuite un concerto de haut-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS
bois, exécuté par Besozzi, neveu des célèbres basson
et hautbois de ce nom à Turin. Je suis forcé de dire,
pour l'honneur des Français, que ce morceau fut
très applaudi. C'est faire un pas vers la réforme que
de tolérer ce qui devrait être adopté. Après que
Besozzi eut achevé son morceau, MUe Delcambre cria
VExaudi Deus avec toute la force de poumons dont
elle était capable, et elle fut aussi bien accueillie
que si Besozzi n'eût rien fait. Vint ensuite Traversa,
Ier violon du priuce de Carignan, qui joua fort bien
un concerto qu'on goûta peu. Mmc Philidor chanta
un motet de la composition de son mari; mais quoi-
que ce morceau fut d'un meilleur genre pour le
chant et pour l'harmonie que ceux qui avaient été
chantés précédemment, il ne fut pas applaudi avec
l'enthousiasme qui ne laisse pas de douter sur le
succès. Le concert se termina par un Ben/us rir.
motet à grand choeur mêlé de solos. Le chanteur
qui récitait ceux de la haute-contre beugla si fort
qu'il aurait pu le faire si on lui eût mis le couteau
sous la gorge. Je n'eus pas de peine à m'apercevoir,
parla satisfaction qui régnait sur toutes les physio-
nomies, que c'était la musique la plus convenable
pour les Français et celle qu'ils sentaient le mieux.
Mais le dernier chœur mit le comble à leur plaisir :
de ma vie, je n'ai entendu pareil charivari! J'avais
souvent trouvé que nos chœurs sont trop fournis
et trop bruyants; mais, comparés à ceux-ci, c'est
une musique douce et mélodieuse, telle qu'il la fau-
drait pour inviter au sommeil une héroïne de tra-
gédie. »
Il va sans dire que, comme le remarque Michel
Brenet, cette appréciation tendancieuse ne doit être
acceptée que sous toutes réserves'. Les travaux
entrepris, depuis une vingtaine d'aimées, par les
musicologues français, ont fait justice de semblables
jugements qui méconnaissent complètement les qua-
lités de nos artistes. On remarquera, en particulier,
que les chanteurs si décriés par Burney devaient
pourtant, quatre ans plus tard, donner satisfaction
à Gluck, dont on connaît les sévères exigences en
matière d'interprétation.
Le Concert Spirituel disparut en 1791 dans la
tourmente révolutionnaire.
Mais le succès avec lequel il avait été accueilli fit
naître d'autres entreprises musicales. En effet, dès
1769, le baron de la Haye, fermier général, et le
baron d'Ogny fils fondèrent le Concert des amateur*.
qu'ils placèrent sous la direction de Gossec. C'est à
l'un de ces concerts, qui se donnaient dans l'hôtel de
Soubise ou de l'.ohan, rue de Paradis et rue Vieille-
du-Temple, que furent exécutées pour la première
fois, en 1779, plusieurs symphonies d'HAYDN appor-
tées en France par le violoniste polonais Fontesky.
Le Concert des amateurs vécut onze années et dis-
parut en 1781. Aussitôt après sa disparition, des di-
lettantes fondèreut, en 1789, sous les auspices de la
reine Marie-Antoinette, la société de la Loge Olym-
pique. Celte société, composée d'amateurs éclairés,
donna d'abord ses séances au Palais-Royal, puis, en
1786, aux Tuileries, dans la salle des Cardes.
Elle était administrée par le comte d'Ogny et par
le fermier général de La Haye. Ses chefs d'orches-
tre furent Viotti, Nayoigille aîné et Bkrthealme.
Haydn composa expressément pour elle six sym-
phonies dites de la Loge Olympique (1784). Elle dis-
parut en 1789.
Les concerts de la rue de Cléry lui succédèrent en
l'an VII. Ils eurent pour chef d'orchestre Crasset, qui
y fit entendre, en 1801, la première symphonie de
Rèicha. Après avoir changé plusieurs fois de local,
cette société fut dissoute.
L'année 1805 vit reparaître les Concerts Spirituels
au Théâtre-Italien. Ils eurent lieu, par la suite, à la
salle Louvois et à l'Odéon, et furent enfin installés
définitivement à l'Opéra sous ladirection d'IlAiiENECK.
Ces concerts étaient donnés les lundi, mercredi et
vendredi de la semaine sainte. On y entendit, no-
tamment, les symphonies en la et en ré de Beetho-
ven-. Elwart raconte, au sujet de cette dernière,
qu'H\i'.E\'ECK ne put obtenir de la faire jouer par ses
musiciens qu'à la condition de remplacer l A niante
par ["Allegretto de la symphonie en /,/. Les Concerts
Spirituels Je l'Opéra disparurent en 1831.
Reprenant le titre de Concert des amateurs, une
nouvelle association se constitua en 1815. Les séan-
ces, qui eurent lieu au Tivoli d'hiver de la rue de
Grenelle-Saint-Honoré et, par la suite, au Wauxhall,
furent dirigées par David, Iîarbereau, Sauvage, Gué-
néf:, Vbhgnes et Tilmant.
Les membres de cette association se dispersèrent
en 1829, et tout de suite, le compositeur Chelard
fonda l'Athénée Musical, qu'il plaça sous le patro-
nage de M. Chabrol de Volvic, préfet de la Seine.
Grâce à cet appui officiel, la nouvelle société obtint
de donner ses séances à l'hôtel de ville, dans la
salle Saint-Jean. Elle eut pour chefs d'orchestre :
Barrereau, Vidal et Girard. Elle fut dissoute en 1832.
Bien que ces différentes entreprises musicales,
éphémères pour la plupart, mais cependant profi-
tables au développement de l'art, semblent avoir
montré à la Société des Concerts du Conservatoire la
voie dans laquelle elle devait s'engager, nous esti-
mons que la célèbre phalange tire surtout son ori-
gine des exercices publics des élèves du Conserva-
toire, exercices qui donnèrent eux-mêmes naissance
aux Concerts français, dont nous parlerons par la
suite.
Les premiers exercices publics d'élèves semblent
avoir été institués par l'Ecole royale de chant, fondée
par un arrêté du Conseil d'Etat du roi, à la date du
3 janvier 1784.
Nous trouvons, en effet, dans un règlement relatif
à l'organisation de cette Ecole, le paragraphe sui-
vant :
« Ils (les maîtres) leur (les élèves) feront apprendre
par cœur des opéras qu'on leur fera déclamer soit
entiers, soit par rôles différents, séparément et en-
semble; ensuite, on leur fera répéter sur le théâtre
de l'Ecole en présence des personnes qui voudront
venir les entendre, afin de les accoutumer à paraître
en public. »
L'Ecole avait pour but, dit cet arrêté. « de former
tout à la fois des sujets utiles à l'Académie royale de
musique et des élèves propres au service particulier
de la musique de Sa Majesté. »
Gossec, qui fut appelé à la diriger, paraît avoir été
l'inspirateur de ces exercices d'élèves, si on se re-
porte au mémoire qu'il rédigea quelque temps avant
l'ouverture de l'Ecole, et dans lequel il proposait,
entre autres choses, d'établir des concerts hebdoma-
daires publics et payants, où les élèves feraient en-
tendre des morceaux choisis et des airs d'opéras.
Le premier exercice public d'élèves eut lieu le
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
18 avril 1786, au théâtre des Menus-Plaisirs, avec
Roland de Piccini.
En voici la distribution :
Roland (basse) M. Dessaules.
Médor (ténor) M. Lefbvrb,
Angélique M"0 Molot.
Thémire Wlle Tuémire.
Chœurs : élèves hommes et femmes.
Voici également un extrait du compte rendu que
Les Affiches du 5 avril 1786 consacrèrent à cette exé-
cution :
« C'est pour éprouver les élèves et pour juger de
leurs progrès qu'il a été fait hier l'exercice dont nous
avons à rendre compte : ils ont représenté l'opéra
Roland avec tous ses divertissements. L'assemblée,
qui était aussi brillante que nombreuse, a paru très
satisfaite de l'exécution de ce bel ouvrage, dans
lequel M"" Mulot, qui jouait le rôle d'Angélique, a
déployé une grande sensibilité jointe à une voix
pure, flexible, étendue, à une manière de chanter
facile et expressive. On a aussi trouvé de l'âme, de
l'intelligence et une belle qualité de voix à M. Des-
saules qui a fait Roland. M. Le Fèvre a rendu avec
intérêt le rôle de Médor. Chacun des autres élèves a
obtenu, dans les dilférents personnages de cet opéra,
des encouragements mérités. On a singulièrement
été frappé de la justesse avec laquelle ils ont tous
exécuté les morceauxd'ensemble, ainsi quelesballels,
et toute cette représentation a fait grand plaisir. »
L'Ecole royale de chant fut supprimée en 1795.
L'Ecole de la musique de la garde nationale, fon-
dée en 1789, par Sarrette, reprit les exercices d'é-
lèves. Cette école se transforma successivement en
Ecole de musique municipale (1792), en Institut
national de musique (1793), pour prendre, enfin, en
vertu d'un décret rendu par la Convention à la date
du 3 août 1795 (16 thermidor an III), le titre de
Conservatoire de musique.
L'article Ier du titre V du règlement du Conserva-
toire, adopté par le Directoire, le 15 messidor an
IV (3 juillet 1796), édictait que « six exercices
auraient lieu annuellement dans la grande salle du
Conservatoire, le 20 de chacun des mois de brumaire,
nivôse, ventôse, floréal, messidor et fructidor ».
L'art. 111 ajoutait que les cent quinze membres du
Conservatoire (c'est-à-dire les professeurs) devaient
contribuer à l'exécution des exercices.
Ils n'eurent néanmoins pas lieu, pour des raisons
qu'il sérail sans intérêt de relater ici, mais on décida
qu'à partir de l'an VI, les lauréats se feraient en-
tendre tous les ans pendant la distribution des prix
du Conservatoire.
Cette décision reçut son application, pour la pre-
mière fois, le 24 octobre 1797 (3 brumaire an VI).
Voici le programme de cette séance, qui fut donnée
dans la salle de l'Odéon :
1» Ouverture du Jeune Henri Méhul.
Les professeurs.
2° Corisandre (air) Langlé.
La citoyenne Boely.
3» Concerto de clarinette Rosetti.
Létonnb.
i" Àlcesle (air) Gluck.
La citoyenne Moread.
5° Concert,i pour piano- forte H. Jadin.
La citoyenne Dumey.
6° Symphonie aouertonte Bréval.
BOULANGER, GUBRIN.
7" Elica ou le «ont-Bernard (air) Cherdbini.
La citoyenne Chbvauer.
8" Symphonie concertante Catel.
Pour flûte, cor et basson, Mondru,
Daoprat, Dossion.
9° Duo Italien.
Les citoyennes Chevreau et Georqeon.
10° Sonate pour piano-forte Cramer.
Pkadher.
1 1° Symphonie concertante . Yiotti.
Pour violon, Saovagkot, la citoyenne Lebrcn.
12° Les Danaides Salieri.
(Chœur.)
Deux exercices d'élèves eurent encore lieu par la
suite, le 15 brumaire an VIU (6 novembre 1800) et le
23 nivôse an IX (13 janvier 1801).
Les frais de ces exercices étaient imputés au bud-
get du Conservatoire, qui s'élevait à 230.000 francs,
mais, ce budget ayant été considérablement réduit
en l'an X, les exercices d'élèves auraient, faute de
ressources suffisantes, été fatalement supprimés si
ceux-ci, stimulés par les succès qu'ils avaient rem-
portés et par les encouragements qui leur furent
prodigués, n'avaient eu l'heureuse inspiration de
continuer leurs manifestations d'art en dehors des
attaches officielles du Conservatoire.
Ils fondèrent donc une société qui prit le nom de
Concerts français et s'installèrent rue de la Victoire,
dans le foyer de la Salle Olympique.
Le premier concert eut lieu le 30 brumaire an X
(21 novembre 1801|.
La société des Concerts français donna, par la
suite, du 21 novembre 1801 au 2 mai 1802, douze
concerts qui reçurent les plus précieux encoura-
gements, aussi bien de la haute société que de la
presse.
Mais l'insuffisance des ressources de la jeune
société la mit bientôt dans l'obligation de solliciter
son retour au Conservatoire. Non seulement, son
désir fut réalisé, mais elle obtint de plus que l'ad-
ministration du Conservatoire lui accordât son pa-
tronage.
Douze exercices d'élèves furent donnés du 30 bru-
maire au 11 floréal de l'an XI. Les concerts étaient
dirigés alternativement par Duret et Habeneck. Mal-
gré l'accueil chaleureux qui lui fut fait, la société
des Concerts français, faute de ressources encore, ne
put reprendre ses séances que le 4 mars de l'année
1804. Elles eurent lieu ensuite, la même année, le
18 mars, le 8 avril, le 15 avril et le 23 mai.
Les deux années qui suivirent ne furent guère plus
heureuses, mais, de 1807 à 1813, il y eut douze à
treize concerts par année.
Pendant celte dernière période, après avis mo-
tivé de Ciierubini, Méhul et Gos;E3, inspecteurs de
l'enseignement, la direction exclusive de l'orchestre
avait été dévolue à Habeneck. Elwart rapporte que ce
fut aujeours d'un de ces exercices, qu'HABENEi t lit
entendre, pour la première;fois, la symphonie en ut
de BEEBTHOVBN.La chute de l'Empire, ayant entraîné
la fermeture du Conservatoire, fit disparaître du
même coup la société des Concerts français.
Les exercices d'élèves reprirent, mais d'une ma-
nière très irrégulière, dès la réouverture de l'Ecole, qui
eut lieu le 1er avril 1816, sous le titre d'Ecole royale.
Mais ils furent supprimés après le concert du 9 mai
1824, par suite de l'impossibilité absolue de couvrir
les frais qu'ils entraînaient. Ils ne purent être rétablis
que le 31 octobre 1839.
Nous n'avons mentionné jusqu'ici que les entre-
prises symphoniques vraiment dignes de retenir
l'attention Nous nous bornerons donc à rappeler
chronologiquement, sans autres commentaires, la
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 3687
plupart des associations qui ont précédé la fonda-
tion de la Société des Concerts.
, Académie de Baif (1567-1574).
Concerts de Mauduit (1S89).
Société de Mélophilètes (1722).
Concert Spirituel de Philidor (17251.
Concerts des harmoniphiles.
Concerts de l'Opéra (1763).
Concerts des amateurs à l'hôtel Soubise (1770-1 781).
Le Concert olympique (1780-1784).
Concert du Waux-hall (1725).
Concert de l'Opéra (1781).
Société des enfants d'Apollon (1784-90).
Concert du cirque du Palais-Royal (1789-91).
Waux-hall (1790).
Concerts du Théâtre Feydeau (1791).
Odéon, Théâtre Louvois, Opéra-comique, Lycée des
arts, Tivoli.
Concerts dans les cafés, Jardin Idalie, Tiooli, Pavil-
lon de Hanovre, Fvascati.
Concerts de la rue de Cléry, du Théâtre Olympique,
Salle des redoutes (1803).
I nci rts du Conservatoire (1802-1815).
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE
Suivant Lassabathie, auteur d'une excellente his-
toire du Conservatoire, l'idée première de la Société
des Concerts serait due à Cherubini.
El a art, au contraire, en attribue le mérite à 11a-
beneck, ainsi qu'en témoigne l' anecdote suivante que
nous extrayons de l'ouvrage qu'il a publié sur la
Société des Concerts en 1860 :
« Attristé de voir à quel degré d'abandon les con-
certs spirituels étaient tombés et conservant l'espoir
que le public finirait tôt ou tard par accorder son
attention aux chefs-d'œuvre symphoniques de Bee-
thoven, s'il pouvait parvenir à les faire exécuter dans
leur intégrité par un orchestre que les opéras de
M. Kossini avaient en quelque sorte régénéré, Habe-
neck aîné, à l'occasion de la Sainte-Cécile, en
novembre 1826, invita à déjeuner chez lui un assez
grand nombre de ses amis, la plupart attachés à
l'orchestre de l'Opéra et connus de lui pour aimer
la gloire de l'Art, en les priant d'apporter avec eux
leurs instruments. Ceux-ci, croyant qu'il s'agissait
d'une aubade à donner sans doute à l'aimable com-
pagne de leur ami et chef d'orchestre, obtempérèrent
à son désir. La Symphonie héroïque (sublime aubade)
fut essayée, mais avec tant d'acharnement, que
l'heure du déjeuner se passa sans que personne s'en
aperçût. Hélait près de quatre heures du, soir lorsque
Mn" Habeneck, ouvrant à deux battants la porte de
la salle à manger, dit à ses convives : « Au nom de
Beethoven reconnaissant, vous êtes priés de vous
mettre à table pour diner. » Il était temps, car les
instruments à vent surtout étaient sur les dents, et la
contrebasse commençait à pousser des cris de canni-
bale. »
L'essai de la Symphonie héroïque causa d'abord de
l'étonnement parmi la petite phalange instrumentale
qui s'était [groupée autour cTHabeneck; mais après
quelques séances, l'étonnement fit place à l'admira-
tion ; d'autres essais eurent lieu en 1827, chez le fac-
teur de pianos Duport, rue Neuve-des-Petits-Champs
et, en dernier lieu, dans les salons du courageux
chef d'orchestre, maison Siéber, rue des Filles-Saint-
Thomas.
Cheiu'bini, ayant été instruit par Habeneck de ce
qui se passait, accueillit avec un empressement qui
honore sa mémoire, la proposition qu'il lui fil d'ob-
tenir l'autorisation de donner quelques concerts
dans la grande salle ».
Voici encore un document inédit retrouvé par
nous dans les archives de la Société des Conecrts. Il
mérite de retenir l'attention, car, bien qu'il ne porte
ni le nom de son auteur ni la date où il a été écrit,
il est hors de doute qu'il émane d'un sociétaire qui
fut un des artisans de la première heure.
Notice sur l'origine de la Société des Concerts.
— « En 1821 ou 22, sous la direction de M. Habeneck
à l'Opéra, il eut l'idée de faire jouer dans les Con-
certs spirituels les symphonies de Beethoven dont il
avait compris les beautés. Il (it faire, à cet effet,
quelques répétitions, auxquelles il fut obligé de renon-
cer par le mauvais vouloir des musiciens de l'or-
chestre, qui traitaient d'absurdes les œuvres que
depuis ils ont tant applaudies, et, il faut le dire, par
le jugement que plusieurs de nos compositeurs por-
tèrent sur ces symphonies, qu'ils traitaient de com-
positions barbares.
u M. Habeneck fit cependant exécuter la symphonie
en ré majeur, dont le succès fut médiocre, VAndanle
delà symphonie en la, qui fut demandé bis avec trans-
port, et VOratoriodu Christ au mont des Oliviers, qu'il
avait fait traduire et qui eut beaucoup de succi -
Lorsqu'il cessa de diriger l'Opéra, ce qui eut lieu en
1823, il rentra chef d'orchestre et reprit parmi les
musiciens la place qui lui appartenait. Son attention
se porta de nouveau sur les ouvrages de Beethoven
qu'il étudiait depuis longtemps, et, dans la certitude
des beautés qu'ils renfermaient, il profita de l'occa-
sion de la Sainte-Cécile pour réunir chez lui une
trentaine de ses collègues et leur faire essayer de
nouveau les morceaux que déjà ils avaient repous-
sés. Soit le désir de ne pas contrarier dans sa con-
viction Habeneck qui répétait sans cesse : « C'est
cependant bien beau », soit que, moins nombreux et
mieux placés dans un salon que dans la salle de l'O-
péra, où le travail pour les musiciens commence
toujours par l'ennui, on mit du soin à exécuter la
Symphonie héroïque et la Symphonie en la,el on finit
par trouver plusieurs morceaux jolis et croire qu'avec
une meilleure exécution que celle que l'on peut
avoir à première vue, ces deux symphonies pour-
raient produire de l'effet.
« M. Habeneck, profitant du commencement de
succès qu'il avait obtenu sur ses collègues, leur pro-
posa une association dans le but de donner quelques
matinées musicales, dont les frais auraient été sup-
portés par les sociétaires qui auraient distribué un
certain nombre de billets gratis parmi le monde
amateur de Paris, pour lui faire connaître toutes
les symphonies de Beethoven, non encore exécutées
en France. Un amateur riche et ami de M. Habeneck
s'offrait pour supporter la plus forte partie des dé-
penses, le surplus devait l'être par vingt-quatre
musiciens choisis parmi ceux à qui leur position de
fortune et de bonne volonté pour les progrès de l'Art
permettaient ce sacrifice. Le moyen adopté de ne
faire supporter ces frais que par une partie des
artistes, ayant pour but de se servir de la bourse de
ceux qui avaient un peu d'argent et du talent de
ceux moins fortunés, suscita des récriminations de la
part de ceux qui n'avaient pas été choisis pour payer,
et ce projet fut encore abandonné.
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
« A cette époque, quelques députés, lorsqu'on
venait discuter les différents budgets, voulaient tou-
jours diminuer les dépenses de l'Ecole royale de
musique, sous le prétexte qu'il n'en sortait aucun
talent marquant pour les théâtres; on avait été
même jusqu'à parler de la supprimer, et ces diffé-
rentes discussions avaient dû, nécessairement, alar-
mer les professeurs et les élèves.
« Le directeur de l'Ecole se rappela les anciens
exercices du Conservatoire, qui avaient eu beaucoup
de succès comme moyen de faire connaître au public
le résultat de l'établissement; il en causa avec
M. Habeneck qui jadis les avait conduits. Celui-ci,
qui rêvait toujours symphonie de Beethoven, accueil-
lit avec ardeur les idées du directeur et, conjointe-
ment avec lui, il demanda à M. de la Rochefoucauld
la permission de réorganiser des concerts au Con-
servatoire. Cette demande fut accueillie favorable-
ment, et M. de la Rochefoucauld promit deux mille
francs pour supporter les premiers frais; il ne
s'agissait plus que des moyens d'exécution. Or
MM. Cherubini et Habeneck comprirent que l'Ecole
royale était insuffisante pour former un orchestre
assez nombreux, il fut convenu d'appeler comme
auxiliaires aux élèves déjà choisis, les artistes qui
avaient fait leurs études, soit au Conservatoire, soit
à l'Ecole royale, et dont le talent pouvait être utile
pour le résultat désiré.
« M. Habeneck fit une liste parmi ceux dont le zèle
et le talent étaient connus, et on les réunit pour leur
faire connaître le désir de Reformer les concerts à
l'inStar de ceux connus autrefois sous le nom de
Concerts français ou Exercices du Conservatoire. Les
motifs qui furent mis en avant furent le besoin de
ramener les amateurs à entendre la musique d'en-
semble, chose que les soirées musicales, alors en
grande faveur et dans lesquelles les nocturnes, les
romances, [les fantaisies et variations paraissaient
faire oublier qu'il existât d'autre musique d'une bien
plus grande importance, ce que les vrais artistes
considéraient comme la décadence de la musique.
Ce motif fut déterminant pour la plupart d'entre eux,
et chacun donna sa signature. Seulement, il s'établit
une discussion sur le mode d'organisation des con-
certs. Plusieurs des artistes présents, qui, d'élèves,
étaient devenus, avec les années, des professeurs
distingués, pensèrent qu'ils ne pouvaient venir
comme auxiliaires d'élèves dont ils étaient les maî-
tres. M. Guillou, alors professeur de flûte à l'Ecole
royale, proposa d'élaborer, sous le titre de Société
des Concerts, un projet d'association et de règlement
pour donner des concerts dont les bases furent à peu
près ainsi posées :
« Pour être sociétaire, il fallait avoir étudié au
Conservatoire; le directeur de l'Ecole devait être
président et adjoindrait à La Société, à titre de com-
plément d'étude musicale, les élèves qu'il reconnaî-
trait capables. Ceux-ci ne recevraient aucune part
dans les bénéfices; [on proposa] que la Société serait
administrée par des Commissaires nommés par elle ;
que le titre de commissaire serait gratuit; que
chaque sociétaire recevrai! un jeton de présence,
toutes les fois qu'il serait appelé, dont la valeur
serait déterminée d'après la somme restant en caisse
après tous les frais payés; qu'il n'y aurait que le
chef d'orchestre et les solos dont le droit de pré-
sence serait compté double.
« Ce projet de règlement fut soumis à M. de la
Rochefoucauld, qui y donna son assentiment, et les
répétitions commencèrent. Elles furent longues et
nombreuses et, après bien de la peine, le premier
concert fut affiché, sans articles de journaux pour #
préparer le public à ces nouveaux concerts, l'intention
de la Société étant de faire elle-même sa réputa-
tion. »
Voici encore un document tout à fait inédit que
nous avons également retrouvé dans les archives de
la Société des Concerts :
« La Société des Concerts n'est pas sortie tout
armée du cerveau d'un Jupiter.
« Parmi les artistes de l'orchestre de l'Opéra, se
trouvait Amédée, élève de Cherubini, amoureux de
son art, heureux quand il pouvait, à l'aide de son
ancien condisciple Habeneck dont il était le Pylade,
faire de bons quatuors. Chef d'orchestre à l'Opéra,
professeur au Conservatoire, Habeneck était, avec
Baillot et Vidal, un des trois exécutants cités pour
ne rien refuser à première vue, parce que, avant de
devenir violonistes habiles, ils étaient musiciens nés.
Nous pouvions de temps en temps savourer les
chefs-d'œuvre de nos grands auteurs, chose assez
facile quand il ne faut que la réunion de quatre ou
cinq exécutants. Amédée, à cette époque, était, sinon
l'unique, du moins l'un des rares possesseurs d'une
partition des Symphonies de Beethoven, et parce qu'il
les avait lues, grande était la démangeaison d'en-
tendre ces gigantesques conceptions de l'auteur des
quatuors qui nous enthousiasmaient. Grandes aussi
étaient les difficultés de rassembler un orchestre,
même restreint, ce qui obligeait à des frais couverts
par la cotisation des exécutants mêmes.
« La suprématie, le talent d'HABENECK, le dési-
gnaient naturellement comme chef d'orchestre. Dois-
je dire cependant qu'une des grandes préoccupations
d'AMÉDÉE fut de le sortir d'une torpeur dans laquelle
sa position assez belle lui permettait de s'engourdir?
Il était loin d'entrevoir alors l'horizon qui allait le
grandir de cent coudées. Enfin, grâce à l'insistance
persévérante d'AMÉDÉE, quelques essais eurent lieu :
ce fut une révélation!...
« Amédée, après avoir persévéré en véritable pro-
pagateur du beau, a pu se trouver satisfait d'avoir
élevé un piédestal à l'amitié, quand il aurait eu le
droit de dire : Exegi monumentum. Membre du pre-
mier comité dirigeant, il apportait dans ses fonc-
tions autant de zèle qu'il en mettait à l'exécution da
sa partie de quinte. Il mourut de la maladie de
Charles IX, pendant la plus belle période des con-
certs.
« Accorder à ce modeste pionnier, aujourd'hui
inconnu, l'honneur bien mérité de 'l'initiative, c'est
établir une vérité qui ne diminue en rien la gloire
de relui . j r i i lut chef en potentat d'une société dont
un artiste célèbre (Romberc) a pu dire : « C'est
« .comme la mer; si on ne l'a pas vue, on ne peut
s'en faire l'idée. •■
« Un amateur de la vérité, membre fondateur, ex-
premier violoncelle de l'Opéra, ex-professeur au
Conservatoire, dans sa 00" année.
« 20 mai 1883. » « Vasi.in. »
Quel crédit faut-il accorder à ce document? N'y
doit-on voir qu'un dernier et rare hommage rendu
à l'amitié'.' Nous laissons au Jecteur le soin de se
prononcer.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 9689
Quel que soit d'ailleurs le rôle exact cTHaheneck,
quant à la création de la Société des Concerts, il est
incontestable, nous le répétons, qu'elle est issue
des Exercices d'élèves, et surtout de la Société des
Concerts français disparue en 1824.
En effet, on trouve déjà, en germe, dans cette
dernière, l'organisation de l'illustre compagnie. En
examinant de près le règlement de la Société des
Concerts, on constate tout de suite qu'il n'est, en
quelque sorte, que l'élargissement, imposé par le
temps, du programme que s'était tracé la Société des
Concerts français. Un comité était élu qui avait pour
mission de diriger l'entreprise, aussi bien au point de
vue administratif, qu'au point de vue artistique; le
système de l'abonnement était établi tel qu'il existe
encore aujourd'hui; enfin, et ce n'est pas son
moindre titre, la Société des Concerts français révéla
au public parisien et imposa à son admiration
trois symphonies de Beethoven. Il y a plus. En exa-
minant attentivement ses programmes, nous y trou-
vons déjà presque tous les noms qui, quelques années
plus tard, figureront aux programmes de la Société
des Concerts. Mais, tandis que sur les premiers, le
génie aimable d'HAYDN rayonnait en chacune de ses
manifestations, ce sera désormais, avec la célèbre
compagnie, Beethoven qui prendra place dans le
Temple dont il restera le dieu superbe et incontesté.
Ajoutons qu'entre la disparition de la Société de
Concerts français et la création de la Société des Con-
certs, c'est-à-dire de 1824 à 1828, les symphonies de
Beethoven ne furent plus exécutées à Paris.
Sollicité par Cherubini et Habeneck, M. de la Ro-
chefoucauld, adhérant à leur désir, avec un empres-
sement qui honore sa mémoire et perpétuera la
reconnaissance des musiciens français, prit l'arrêté
suivant qui instituait sw: concerts par an et accordait
à l'entreprise naissante une allocation de 2<>00 francs ' ,
afin, dit Elwart, de ne pas accepter les avances que
les sociétaires s'étaient engagés sur l'honneur à faire
de leurs propres deniers.
« Paris, le la février lsjs.
« Nous, aide de camp du roi, chargé du départe-
ment des beaux-arts de la maison de Sa Majesté :
« Sur la demande du directeur de l'Ecole royale
de musique et de déclamation lyrique, voulant rendre
à cette Ecole la réputation qu'elle avait acquise par
la perfection de ses exercices publics, et nous étant
assuré que ces concerts sont un moyen puissant
d'émulation pour les élèves et même pour les pro-
fesseurs,
« Avons arrêté et arrêtons ce qui suit :
« Article premier. — Il y aura tous les ans à l'Ecole
royale de musique et de déclamation lyrique six
concerts publics qui commenceront au plus tard le
1er dimanche du mois de mars. Le directeur fera en
sorte que lesdits concerts se succèdent sans qu'il y
ait entre chacun des intervalles qui puissent dépas-
ser quinze jours, i
« Art. 2. — Pourront être appelés pour concourir
à l'exécution desdits concerts, les anciens et les
nouveaux élèves de l'Ecole. En cas de besoin et pour
donner une bonne impulsion, des professeurs sont
invités à se joindre à leurs disciples.
1. Il est intéres^mt .].■ laiir remarquer .pi aujourd'hui encore, la loge
dite d'honneur est louée 2000 fr. par la présidence de la République.
Ajoutons que M. Alexandre Miller.-tnd a assist.' régulièrement à tous
« Art. 3. — Aucun artiste étranger à cet établis-
sement ne pourra se faire entendre dans lesdits
concerts, quel que soit d'ailleurs le talent qu'il pos-
sède.
« Art. 4. — Les élèves qui sont encore dans les
classes de l'Ecole royale seront obligés de concourir
gratuitement aux concerts lorsqu'ils seront désignés
par le directeur. Ceux qui se refuseraient à ce ser-
vice ou manqueraient seulement aux répétitions
pour lesquelles ils auraient été convoqués, cesse-
raient dès lors de faire partie de l'Ecole royale.
« Art. 5. — Les anciens élèves, c'est-à-dire ceux
qui ne reçoivent plus aucune leçon dans le sein de
l'Ecole, seront seuls indemnisés. L'indemnité à leur
allouer sera fixée à la fin de tous lesconcerts, à rai-
son du nombre de répétitions et d'exécutions aux-
quelles ils auront pris part.
« Les chefs de pupitre recevront une indemnité
double de celle des exécutants.
■■ Art. 6. — Les concerts auront lieu dans la grande
salle de l'Ecole royal.-.
« Le prix des places est ainsi fixé :
liai. 'lie. ileiixii-iin ■> lui; ■■
Parterre
Amphithéa
-il...-. -li ni--.'.'.
. Art. ,. — Jouiront de leurs entrées à tontes
places :
« 1° Les membres du comité d'administration et
d'enseignement de l'Ecole royale;
« 2° Les professeurs titulaires et honoraires;
.. :i" MM. les inspecteurs du département des
beaux-arts; MM. les directeurs de l'Institution royale
de musique religieuse, de ['Académie royale de mu-
sique, du théâtre royal de l'Opéra-Comique, du
Théâtre-Italien et de l'Odéon.
« Les professeurs adjoints jouiront de leurs entrées
aux deuxièmes loges et à celles du rez-de-chaussée.
« Art. 8. — A la fin desdits exercices, il nous sera
rendu compte des receltes et dépenses qu'ils auront
occasionnées.
« Art. 9. — Le directeur de l'Ecole royale de
musique et de déclamation lyrique est i
l'exécution du présent arrêté.
« Fait à Paris le la février 1828.
«Signé : Le vicomte de La Rochefoucauld.
« Pour ampliation :
« Le Chef île la division
du département des Beauz-Arts,
« Signé : Le comte de Tillv. »
Habeneck soumit immédiatement cet arrêté aux
professeurs de l'Ecole royale, ainsi qu'à un certain
nombre d'anciens élèves-lauréats qui y adhérèrent
avec enthousiasme et décidèient, séance tenante,
d'adopter le titre de : Société des Concerts. Ce docu-
ment démontre péremptoirement aussi qu'elle est
bien la prolongation des exercices d'élèves, et que,
par là, elle reste étroitement liée au Conservatoire.
Son caractère officiel s'affirme de plus par ceci, que
sous tous les régimes, elle a bénéficié du privilège
unique de la salle des concerts.
Le 9 mars 1828, c'est-à-dire moins d'un mois
•'Hi'.lo
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
après la promulgation de l'arrêté précité, avait lieu
le premier concert.
Voici le programme de ce grand événement mu-
sical.
Société des concerts.
PREMIER COSCERT
Le Dimanche '.I mars 1S28, à 2 heuTes.
Programme :
1. Symphonie héroïque de L.-V. Beethoven.
2. liaa de l'opéra Sniiirumis de M. Kossini.
Chanté par Mil" Nélia et Caroline Maillard.
3. So
lar M. Meifre
par M. Saoza
5. Concerto noureau de union, pur R,,i,r
i\. Chœur de Blanche de Provence de M.
7. Ouverture îles Abencerrages de M. Chi rubini.
S. Ki/ne el l.7on« de la Messe du Sacre, de M. Cherubihi, exécuté
à grand chœur.
L'orchestre sera dirigé par M. IUhimxk aine.
Ajoutons que la recette s'éleva à 1017 francs.
Voici quelle était la composition de l'orchestre et
des chœurs :
Artistes de l'orchestre.
Premiers
violons :
Habeneck, chef d'orchestre.
Ccyillon.
Tilmant aine, suppléant.
COLOT.
Urhan.
Girard.
Battu.
Seghers.
Auguste Tolbecqce.
Demody.
Gras.
de Rival
II ILMA.
Clément.
Sauzay.
Seconds
violons :
Clavel.
Lepoivre
Gdérin.
Straw.
Saint-Laurent.
Mis.i i.
Claudel.
Cherblas
Millault.
Javaui t.
Philippe.
Dcbrecil
Lagrave.
Baptiste To
lll Ml 1
l'ERRi:
ROLL.
Trompettes :
Dadverne. Legros.
Pavaht (ophicléide .
SCHNKITZHŒFFER.
Harpe :
Edumiul Lariviéri
Artistes du chant.
MlKORBT.
Dl JEAN.
Hyrthe.
HlRNE.
Dabadie.
Ferrand.
Dorus.
Peignât.
Frémont.
RoUFLETTE.
BlBRE.
Page
de la musique du Roi
DORSAK.
Lkcoq.
Seco
ids soprauc
Caroline Maillard.
Dœmonet.
MORI-GOSSELIN
BOLLARD.
Beck.
PEIGNAT.
Corine Letelli
Lebrun.
Emilie Mens.
Horlense Maillard
BoUVENNE.
Pagt
de la musique du Roi
Barbier.
Foulon.
ROCOPJ v-..
Fliiry.
FUCHS.
Ll R il.
Ténors :
Ni \ 1Z.
IVnchard.
Adolphe Nourrit.
Alexis Dupont.
Chevalier.
Wartel.
DOINEAU.
Leborne.
Trévaux.
Kl \ UMI .
Ch. Pi.antad::.
M issoi .
Pli MU. M.
COURTIN.
Laty.
Cornu.
.1. Tariot.
Dabadi .
I'Kl VOST.
Hurteaux.
Ferd. Prevo
Canaple.
Baroilhet.
II EN S.
BnrVENNE.
Aug. Panseroï
RlGAULT.
Brocard.
I.i MON -Il 11.
Derivis tils.
Alberl Bons
On remarquera que ce lahleau mentionne les noms
de la plupart des artistes de l'époque qui ont illustré
la scène lyrique française.
Examinons maintenant comment les feuilles du
temps commentèrent cet événement musical, qui
devait avoir une si profonde influence sur l'art musi-
cal en France :
Revue Musicale, sous la signature de Fétis :
« Le 9 mars 1828 sera inscrit comme un beau jour
dans les fastes de la musique française et comme
l'époque de sa régénération. Non seulement, l'exécu-
tion y a repris ce cachet de supériorité qui avait
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS ?691
donné au Conservatoire une réputation européenne,
mais encore une intluence morale de l'ordre le plus
élevé s'y est développée et ne peut manquer d'avoir
les résultats les plus heureux dans toutes les bran-
ches de l'art musical...
« L'enthousiasme de l'auditoire, égal à son éton-
nement, s'est manifesté par des applaudissements
bruyants et répétés. On sort rarement satisfait d'un
concert; mais ici, c'était mieux que de la satisfac-
tion; il s'y mêlait de l'orgueil national, et chacun
répétait à l'envi : Il est impossible qu'en aucun lieu
de l'Europe on exécute la musique mieux que cela.
Ceux qui avaient entendu autrefois les concerts du
Conservatoire se félicitaient de les retrouver; les
autres n'y comprenaient rien, et se demandaient avec
étonnement d'où étaient surgis tout à coup cette
masse de virtuoses. »
Les Débats :
« Après un trop long interrègne, Euterpe a res-
saisi le sceptre de l'harmonie. Sa maison de plai-
sance est toujours dans la rue Bergère; c'est là
qu'une troupe fidèle de virtuoses français rivalisait
de talent et de zèle pour déployer à notre oreille les
trésors de Haydn et de Cimarosa, de Mozart et de
Beethoven. Je devrais vous parler des anciens con-
certs du Conservatoire, faire connaître les causes
qui les firent cesser et l'inconcevable retard que l'on
a mis à leur restauration. Avec des moyens auss'
puissants, avec des éléments aussi précieux, peut-on
rester dans l'inaction et ne pas continuer une belle
entreprise commencée avec tant d'éclat et de bon-
heur? Il nous suffit de savoir que la lice est ouverte ;
la trompette a sonné et le géant Beethoven a donné
pour gage du combat une héroïque symphonie.
« Nous avons retrouvé ces anciens conservatoriens
dont les talents ont illustré l'Ecole française; leurs
jeunes émules se sont montrés dignes de combattre
à leurs côtés. La vieille et la jeune garde se sont
signalées dans ce tournoi de gaie science, et s'il est
possible de remarquer une différence entre les
anciens et les nouveaux concerts du Conservatoire,
elle est entièrement à l'avantage de ceux-ci...
o Les personnes qui n'ont point assisté aux anciens
concerts ne peuvent se faire une idée de l'étonnante
supériorité de l'orchestre qui vient d'exécuter la Sym-
phonie héroïque de Beethoven : c'est ravissant, cela
tient du prodige...
« Une révolution s'est opérée dernièrement dans
l'empire musical ; a-t-elle produit des effets nou-
veaux, des tours d'une originalité plus piquante, des
formes d'un ordre plus relevé que ceux qu'on re-
marque dans l'œuvre de Beethoven'? Et pourtant,
cette Symphonie héroïque de nom et de fait, languis-
sait dans nos bibliothèques, et notre insouciance l'a
condamnée pendant vingt ans à un silence bien
funeste pour nos plaisirs.
« Je ne tenterai pas de décrire les transports d'ad-
miration et d'enthousiasme qui ont suivi les derniers
accords de chaque morceau de cet ouvrage : sept ou
huit salves d'applaudissements ont servi d'accom-
pagnement au finale...
« Ces deux morceaux (le Gloria et le Kyrie de la
Messe de Cherubini) ont éleclrisé l'assemblée; on
applaudissait encore en défilant dans les corridors;
c'est avec regret que l'on abandonnait la place.
Lorsque l'on congédie son monde de cette manière,
il ne faut pas douter de l'empressement qu'il mettra
à revenir au temple que l'on vient de rouvrir à l'har-
monie. »
Quelques jours après le premier concert, c'est-à-
dire le 24 mars 1828, un comité provisoire réunissait,
pour la première fois en assemblée générale, les
membres fondateurs qui avaient adhéré au projet
d'H.\BENECK.
Ce comité provisoire était composé de Cherubini,
président; Habeneck, chef d'orchestre, vice-président;
Guillou, secrétaire; Dauprat, Brod, F. Halévy, Kuhn,
chef du chant; Meifred, Amédée, Albert Bonet, A. Du-
pont, Tajan-Bogé.
C'est au cours de cette séance mémorable que fut
présenté et adopté le projet de règlement élaboré
par le comité, et auquel M. Ta.ian-Hogé avait tout
particulièrement collaboré.
Notre souci d'être un des historiens fidèles de la
Société des Concerts, autant que notre profond désir
de payer un juste tribut de reconnaissance à la mé-
moire des vaillants artistes qui créèrent et établirent
définitivement, en apposant leur signature au bas de
ce règlement, une œuvre si haute et si durable, nous
fait un pieux devoir de mentionner ici les noms de
ceux qui s'étaient, avec un si généreux enthousiasme,
groupés autour de leur glorieux chef.
Ce sont, en dehors des membres du comité provi-
soire :
Panseron, Dossion, Niquet, Legros, E. Biesaimé,
Henri Deshays, Mingal, Gcinot, Miciiu, Blangy, Rick-
bans, Barizel, Cœlina, Minoret, Nermel, V. GllAS,
Chénié, Rigallt, H. Maillard, Ch. Halma, Perrin,
BOUFFIL, KlLTAN, DÉ.IAZET, HeNS, MOREAU, Hl.NHY,
Schneitzhoeffer, Charles Tolbecque, Claudel, Seu-
riot, Vaslin, Battu, Doinkau, Ch. Saint-Laurent,
Guérin, Leroux, J. Tariot, Ch. Plantade, Prévost.
Règlement de la Société des Concerts.
chapitre premier
De la formation de la Société.
Article premier. — Sous la protection de l'autorité
supérieure et avec l'assentiment de M. le directeur
de l'Ecole royale de musique, les artistes dont le
talent a été formé dans cet établissement, depuis sa
création jusqu'à ce jour, ont arrêté de fonder une
association pour donner des concerts publias.
Art. 2. — Cette société porte le nom de Société des
Concerts.
Art. 3. — La Société est régie par un comité
d'administration choisi parmi ses membres.
Art. 4. — Aucun artiste ne pourra faire partie de
la Société s'il n'a appartenu au Conservatoire ou à
l'Ecole royale de musique ; si la présence d'un artiste
étranger était reconnue indispensable, le comité
devra proposer son admission en assemblée géné-
rale.
Nul nepourra cependant faire partie de la Société
s'il n'est Français ou naturalisé.
Art. o. — Les artistes qui pourraient être néces-
saires à l'exécution des concerts de la Société et qui
ne se trouveraient pas dans le cas prévu par l'arti-
cle 4 seront choisis par le comité et payés comme
externes.
Art. 6. — Tous les élèves de l'Ecole royale de mu-
sique qui, aux termes de l'article constitutif, seront
appelés à participer à l'exécution des concerts, ne
recevont aucune rétribution et seront considérés
comme aspirants.
Art. 7. — Le nombre des sociétaires est fixé à
cent.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Art. 8. — Lorsqu'il y aura une place vacante parmi
les sociétaires, elle sera donnée, par le comité, de
préférence à un aspirant.
Art. 9. — Dans les assemblées générales, M. le
directeur de l'Ecole royale de musique présidera la
Société des Concerts.
CHAPITRE II
Un CmiiHr lïiiiliniiiistration.
Art. 10. — Le comité d'administration sera com-
posé de sept membres.
•Savon- :
I" In chef d'orchestre;
2° Un secrétaire;
3° I n commissaire du personnel;
4° Un commissaire du matériel;
5° Un agent comptable;
6e Un archiviste-caissier;
7" Un professeur des classes d'ensemble du Con-
servatoire.
8° Un membre adjoint au comité.
Du chef d'orchestre.
Art. 11. — Le chef d'orchestre convoquera et pré-
sidera le comité.
« Il dirigera l'exécution et aura seul le droit de
marquer la mesure.
La durée de ses fonctions est indéterminée.
Du secrétaire.
Art. 12. — Le secrétaire rédigera les décisions
prises par le comiLé, et lorsque, selon l'article 6, elles
concerneront les élèves de l'Ecole, il en transmettra
une ampliation à M. le directeur de cet établisse-
ment.
« Dans les assemblées générales, il donnera com-
munication des propositions du comité et du compte
annuel. Il fera le dépouillement des scrutins con-
jointement avec l'un des membres du comité ; il
dressera procès-yerbal des séances de l'assemblée
générale et en donnera connaissance à l'assemblée
suivante. Il contresignera les billets de faveur.
La durée de ses fonctions est de deux années.
Du commissaire du personnel.
Art. 13. — Le commissaire du personnel est
chargé de signer et de faire parvenir les lettres de
convocation, soit pour répétition, exécution, ou as-
semblée, le lendemain du jour où le comité les aura
arrêtées.
Il fera l'appel nominal sur l'avertissement du chef
d'orchestre, auquel il remettra immédiatement la
feuille de présence.
Sa présence étant indispensable pendant la durée
des séances, il ne pourra s'en absenter.
Les absences seront par lui constatées et affichées
à la séance suivante, pour que chaque membre puisse
faire les observations convenables à ses intérêts.
Il fera la distribution des billets de faveur. La
durée de ses fonctions est d'une année.
Du commissaire du matériel.
Art. 14. — Le commissaire du matériel doit, d'
près les ordres du comité, donner les ordres de copie
icquisitic
saires à la Société
els néces-
^ * i-j joouluicauu u'jmiu., uuunei icsuiiiii
et faire l'acquisition ou l'emprunt des obj
saires à la Société.
11 tient un registre de tout ce dont il est déposi-
taire. C'est sur ses bons que seront fournis tous les
objets mobiliers ou d'exploitation. Les fournisseurs,
employés ou gagistes devront reproduire ces bons
avec leurs mémoires quittancés, pour qu'ils puissent
être visés et enregistrés par l'agent comptable et
acquittés ensuite par l'archiviste-caissier.
Il est responsable des objets prêtés, empruntés ou
acquis à la Société.
Il doit veiller à ce que tous les objets nécessaires
à l'exécution soient en bon état et placés régulière-
ment.
La durée de ses fonctions est d'une année.
De l'agent comptable.
Art. 13. — L'agent comptable est chargé de l'ad-
ministration des recettes et dépenses: il reconnaît
les recettes de chaque concert, qu'il dépose sur un
reçu entre les mains de l'archivisle-caissier.
Il enregistre et vise les bons du commissaire du
matériel, ainsi que les mémoires quittancés qui lui
sont remis par les fournisseurs, employés ou gagistes.
A la fin des concerts de chaque année, il dresse un
état des recettes et des dépenses, en y joignant les
pièces à l'appui ; cet état doit être visé par le comité
avant d'être présenté à l'assemblée générale.
En l'absence du chef d'orchestre, l'agent comp-
table préside le comité.
La durée de ses fonctions est de deux années.
l)r l'a l
Art. 16. — L'archivisle-caissier aura le dépôt des
fonds de la Société. Il acquittera les mémoires et
fera le payement des droits sur l'émargement d'un
état qui restera aux archives. Il aura, en outre, le
dépôt et tiendra registre des pièces relatives aux
affaires de la Société. Il devra lournir tous les ren-
seignements que les sociétaires désireraient se pro-
curer.
11 remettra au secrétaire les billets de laveur,
après les avoir signés.
La durée de ses fonctions est de deux années.
Du professeur de la classe d'ensemble.
Art. 17. — Le professeur de la classe d'ensemble
est chargé des répétitions préparatoires du chant. Il
fait l'appel nominal de> sociétaires du chant au
commencement de chaque séance, et leur remet les
jetons de présence à la lin.
La durée de ses fonctions est indéterminée.
Art. 18. — Les membres du comiié sont nommés
par l'assemblée générale et par la voie du scrutin.
Ils ne pourront être réélus membres du comité
qu'une année après l'expiration de leurs fonctions.
Cette dernière disposition ne sera point applicable
à l'archiviste-caissier.
Art. 19. — Les membres du comité devront so
réunir au moins une fois par mois, et pendant la
dune des concerts, le lundi de chaque semaine.
Art. 20. — Les membres du comité, que la nature
de leurs fonctions rendrait dépositaires, sont res-
ponsables envers la Société des objets qu'elle leur
aura confiés, le cas de force majeure excepté.
Art. 21. — Le comité ne pourra délibérer que
lorsque le nombre de ses membres sera en majo-
rité. En cas d'absence de l'un d'eux, le membre ad-
joint dont il est parlé à l'article 27 devra être appelé
en son remplacement.
Art. 22. — Le procès-verbal des décisions du co-
mité et des assemblées générales devra être signé
par tous les membres du comité.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 3 693
Art. 23. — Les fonctions de membre du comité
sont gratuites.
Art. 24. — Si un membre du comité, dans l'exer-
cice de ses fonctions, employait ou mettait la Société
dans l'obligation d'employer une personne qu'il
faudrait rétribuer, les frais qu'il aurait occasionnés
seraient à sa charge.
Toutefois, dans le cas ou l'archiviste-caissier serait
forcé d'avoir recours à un employé salarié, il ne
pourrait le faire qu'après avoir obtenu l'autorisation
du comité.
Art. 25. — Tout membre du comité qui ne rem-
plirait pas les fonctions qui lui auraient été confiées
sera révocable. Dans ce cas, le comité en fera la
proposition en assemblée générale.
Art. 26. — Dans le cas où le comité jugerait né-
cessaire d'éloigner un membre de la Société, il ne
pourra le faire qu'autant qu'il y aura au moins une
majorité de cinq voix. S'il y a réclamation de la part
du sociétaire, le comité convoquera l'assemblée gé-
nérale, qui prononcera en dernier ressort.
Art. 27. — Il y aura, conformément à l'article 21,
un adjoint au comité, qui sera nommé en assemblée
générale par la voie du scrutin, et qui devra mo-
mentanément remplir les fonctions qui lui seront
indiquées par le comité, en l'absence d'un de ses
membres; dans ce cas, il aura voix délibérative.
La durée de ses fonctions est d'une année, à L'ex-
piration de laquelle il pourra être nommé à l'une
des places vacantes du comité.
Les fonctions de membre adjoint au comité ne
peuvent être remplies, deux années de suite par le
même membre.
De l'inspecteur de la salle.
Art. 28. — L'inspecteur de la salle aura la sur-
veillance de la salle et inspectera le contrôle.
La durée de ses fonctions est d'une année.
Les fonctions d'inspecteur ne pourront être rem-
plies deux années de suite par le même membre.
Des dépenses.
Art. 29. — Les dépenses se divisent en dépenses
courantes et en dépenses extraordinaires.
Des dépenses courantes.
Art. 30. — Dans cette classe sont comprises les
dépenses suivantes, savoir : 1° le traitement des
employés, les gages des contrôleurs et des gens des
portes; -2" les frais d'impression, d'affiches et de co-
pie; 3° le port et la location des instrument; 4° le
payement des externes; o° les frais d'éclairage, de
chauffage et de garde; 6° le payement des droits
des pauvres exigé par la loi des finances de chaque
année.
Art. 31. — Toutes les dépenses courantes seront
acquittées de la manière et dans la forme indiquées
au présent règlement, sans qu'il soit besoin d'en
référer à l'assemblée générale.
Des dépenses extraordinaires.
Art. 32. — Ces dépenses sont toutes celles qui
ne sont pas comprises dans l'article 30.
.1//. 33. — Aucune dépense ne pourra être faite
qu'après avoir élé proposée et adoptée en assemblée
générale.
Des devoirs des membres de la société.
Art. 34. — Les membres de la Société devront
se rendre à la convocation qui leur sera faite et être
présents à l'appel, de manière à ce que les séances
puissent être commencées à l'heure indiquée.
Art. 35. — Les décisions prises par voie de scru-
tin en assemblée générale ne seront valables qu'au-
tant que le nombre des présents sera au moins égal
à la moitié plus un des membres de la Société.
Art. 36. — Les sociétaires qui n'auront pas par-
ticipé aux répétitions ne pourront assister au
concert.
Art. 37. — Tout sociétaire qui, sans motifs vala-
bles et suffisamment justifiés, ne se conformerait
pas aux dispositions des articles du présent cha-
pitre, recevra, pour la première et la seconde fois,
les représentations du Comité; à la troisième, il
sera considéré comme démissionnaire.
Art. 38. — Trois absences non motivées par let-
tres adressées au comité sont une démission tacite.
Des amendes.
Art. 39. — Tout sociétaire qui arriverait après
l'appel sera passible d'une amende d'un quart de
son droit; celui qui abandonnerait la séance avant
qu'elle soit terminée, sans l'assenlimenl du chef
d'orchestre, perdra son jeton de présence.
CHAPITRE V
Des droits des sociétaires.
Billets de faveur.
Art. 40. — Les billets de faveur seront distribués
ainsi qu'il suit :
Au chef d'orchestre. i
A chacun des membres du com
■ tdjoinl 2
A l'inspecteur de la salle 2
A chaque solo î
Les solos qui donnent lieu au double droil sont :
air, concerto, duo, trio, quatuor, etc., et tout ce qui
sera considéré par le comité comme y donnant
droit.
Art. 41. — Tout billeL de faveur devra être revêtu
de la signature du sociétaire auquel il aura été
donné.
Partage des bénéfices.
Art. 42. — Les bénéfices se composent des
sommes en caisse après l'acquit des dépenses men-
tionnées dans le présent règlement.
Art. 43. — Les bénéfices se divisent en droits
égaux et sont répartis ainsi qu'il suit :
FONCTIO S . "' ' ' '' RÉPÉTITIONS CONCERTS
GENERALE
Chef d'orchestre 1 2 4
Solo » 2 4
Sociétaire 1 1 2
Le droit solo ne s'obtient que lorsqu'il est de
nature à être mis sur le programme.
Art. 44. — Après chaque répétition ou concert,
l'agent-comptable dépouille, à l'aide du programme
et des feuilles de présence, la quantité des droits qui
revient à chacun, et, à la un des concerts, le nombre
total des droits sert à diviser le bénéfice restant en
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
caisse. Le quotient de celte division forme le droit,
qui est multiplié, pour chacun, selon les dispositions
de l'art. 43.
Art. 43. — L'archiviste-caissier, sur la remise de
l'état des distributions dressé par l'agent comptable
et visé par les membres 'du comité, fera les paye-
ments dans la forme indiquée à l'article 16.
Art. 46. — Avant le partage des droits, le comité
proposera une réserve de fonds, motivée sur les
besoins présumés de l'année suivante.
Art. 47. _ a cet effet, le payement des droits
ne sera fait qu'après que le compte rendu aura été
approuvé par l'assemblée générale.
t,.,. ,s. — Aussitôt que les concerts d'une année
seront terminés, le comité préparera le compte géné-
ral, de manière à ce qu'il puisse être rendu quinze
jours après le dernier concert.
Art. 49. — Dans le cas où des circonstances ma-
jeures ou sans remède entraîneraient la dissolution
de la Société des Concerts, le partage de l'actif devra
se faire, par parties égales, sans aucune distinction,
dans le plus bref délai; à cet etfet, une assemblée
générale sera immédiatement convoquée, dans la-
quelle les membres du comité donneront connais-
sance des motirs qui auraient causé le démembre-
ment de la Société, rendront compte de leur gestion
et annonceront la vente du mobilier, dont le mode
sera adopté au scrutin.
Art. 50. — Dans le cas ou des modifications au
règlement seraient proposées, elles ne pourront l'être
que par dix membres au moins, qui feront parvenir
leurs propositions au comité, lequel en fera un rap-
port à la Société, qui décidera s'il y a lieu d'y don-
ner suite.
Art. 3i. _ Tout ce qui n'est pas prévu par le
présent règlement sera discuté en assemblée géné-
rale d'après la proposition du comité.
Art. 52. — A la fin des concerts de chaque année,
lors de la reddition des comptes, il sera pourvu au
remplacement des membres du comité qui, aux
termes du règlement, devront être réélus.
Ont signé :
Lrs membres de la commission chargée d re\ iser le
Règlement :
Tclou, Laty, Al. Dupont, Aug. Seubiot,
Tajan-Rogé.
En regardant de près ce vénérable document et
en le comparant avec les statuts actuellement en
vigueur, nous remarquons que, si le temps et l'ex-
périence ont nécessité par la suite des modifications
ou des additions au texte adopté en 1828, l'esprit et
le fond en ont été maintenus avec ce pieux respect
que la Société professe pour tout ce qui touche à son
institution.
Nous ne saurions, pensons-nous, faire un meilleur
éloge de ses fondateurs qui se sont montrés, en même
temps que des artistes d'une grande valeur, des
administrateurs prévoyants et avertis.
Voici comment fut définitivement composé, au
cours de l'assemblée générale du 24 mars 1828, le
premier comité de la Société des Concerts : prési-
dent, Cherubini, directeur de l'Ecole royale de mu-
sique; vice-président, chef d'orchestre, Habeneck
aîné; secrétaire, Meifred; commissaire du person-
nel, Brod; agent comptable, Dauprat; archiviste
caissier, Bonet (Albert); chef du chant, Kuhn; com-
missaire du matériel, Amédée; membre adjoint, Le
Borne.
PRINCIPAUX TRAITS DE L'HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ
DES CONCERTS
On comprendra aisément qu'arrivés à ce point de
l'histoire de la Société des Concerts, il nous est
impossible de suivre pas à pas, jusqu'à nos jours, la
marche de cette institution, en toutes ses admirables
manifestations. D'une part, nous ne nous reconnais-
sons pas le droit d'initier le lecteur à certains faits
qui appartiennent à sa vie privée; d'autre part,
parmi ces faits, il en est beaucoup qui sont d'un
ordre tout à fait secondaire et qui, au surplus, nous
entraîneraient à des développements que cet ouvrage,
malgré son souci d'être renseigné et complet, ne
comporte pas.
Nous nous bornerons donc à relever chronologi-
quement dans les procès-verbaux, et en les commen-
tant lorsqu'il y aura lieu, les faits qui peuvent pré-
senter réellement un intérêt et donner à cet article
historique toute l'impartialité et toute la fidélité que
nous tenons à honneur d'y mettre. Ajoutons qu'a-
fin de traiter notre travail d'une manière plus
méthodique, nous ferons ensuite un retour en
arrière pour montrer, par l'ensemble des programmes
de la Société, l'évolution qui s'est accomplie au cours
Je i-i'tie période de plus d'un siècle.
Nous nous faisons un agréable devoir de remer-
cier ici le comité de la Société des Concerts d'avoir
bien voulu mettre à notre disposition, avec un em-
pressement dont nous nous déclarons très flatté, tous
les documents nécessaires à l'accomplissement de
noire tâche.
14 novembre 1828. — Première séance du comité
de la Société des Concerts à laquelle assistaient :
MM. Habknrck, Meifred, Dupaat, Amédée, Albert
Bonet, Brod, Kuhn et Le Borne.
1er décembre 1828. — M. Kalkbrenner ayant
proposé à l'assemblée générale de laisser au comité
d'administration de la société des Concerts la faculté
d'accueillir les demandes de solo qui pourraient être
faites par les artistes étrangers à la Société, M. Ha-
beneck combat cette motion en déchirant qu'il sera
toujours temps de recourir à cette mesure, c< le jour
où les symphonies de Beethoven n'auraient plus la
puissance d'exciter l'empressement du publie n !
13 mars 1832. — Lettre de Chopin demandant à
être porté sur l'un des programmes de la session.
2 mars 1833. — L'n artiste (M. Legros) ayant
refusé d'auditionner devant le comité, celui-ci pro-
nonce sa radiation. L'assemblée générale, à laquelle
est faite communication de cette décision, donne
tort au comité par i6 voix contre 26. M. Habeneck
déclare alors qu'il estime avoir le droit, comme
chef d'orchestre, d'appeler à la Société, ou d'en
éloigner, dans l'intérêt de sa représentation, ceux
qui pourraient, soit contribuer à la perfection des
exécutions, soit la compromettre. Il ajoute que, ne
croyant plus, à la suite du scrutin qui vient d'avoir
lieu, jouir de la confiance des sociétaires, il donne
sa démission de chef d'orchestre et qu'il ne conduira
pas le prochain concert; les membres du comité
remettent également leur démission, à la suite de
cette déclaration.
o mars 1833. — L'assemblée générale demande
à l'unanimité que le comité rapporte l'arrêté pris à
l'égard de M. Legros, sous la condition que cet artiste
soit invité à se soumettre à une audition, soit devant
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIETE DES CONCERTS 3695
le comité, soit devant l'assemblée générale. M. Habe-
neck et le comité retirent leur démission.
7 novembre 1833. — A l'unanimité, Cherubini est
nommé président de la Société des Concerts.
24 février 1834. — Le comte de Montalivet, inten-
dant général de la liste civile, annonce que le roi
vient d'accorder à la Société une somme de 2000 fr.
pour l'année 1834.
Au cours de cette même séance, le comité décide
de donner un concert le vendredi saint, 28 mars.
2 décembre 1836. — Habeneck remet sa démission
de vice-président du comité, ses occupations ne lui
permettant plus de s'occuper des travaux adminis-
tratifs. A la suite de celle déclaration, le comité
donne également sa démission.
4 décembre 1836. — L'assemblée générale refuse
par un vote la démission des membres du comité et
décide de faire une démarche auprès de M. Habeneck
pour le prier de revenir sur sa décision.
Nota. — Le registre des procès-verbaux de 1836
ne mentionne pas le résultat de cette démarche,
mais nous voyons qu'HABENECK a repris sa place au
comité du 8 décembre 1836.
Avril 1837. — Berlioz otïre au comité de tenir les
cymbales.
4 mai 1838. — M. Kilian, membre du comité,
donne lecture d'un projet élaboré en collaboration
avec M. Meifred, pour l'établissement d'une caisse
de prévoyance ou de secours. Le principe en esl
adopté à l'unanimité. Sur la proposition de M. Seu-
riot, sociétaire, il est décidé à l'unanimité qu'une
retenue de 20 francs sera faite sur la part de chaque
sociétaire pour former le fonds provisoire de cette
caisse de prévoyance et de secours.
5 juin 1838. — L'assemblée générale décide à l'u-
nanimité que, chaque année, la recette brute d'un
concert sera attribuée à la caisse de prévoyance et
de secours.
4 décembre 1838. — Le gouvernement propose de
charger la Société des Concerts, d'une manière fixe
et régulière, et moyennant une subvention annuelle,
de toutes les exécutions musicales qui ont lieu dans
les fêtes et cérémonies publiques officielles.
28 avril 1841. — Le comité décide que le portrait
de Beethoven dessiné spécialement pour la Société
des Concerts par C.revedon, sera considéré comme
un diplôme de sociétaire et délivré exclusivement à
chaque membre de la Société.
l"mai 1842. — L'assemblée générale nomme Auber
président de la Société des Concerts.
28 décembre 1847. — La Société décide de donner
un concert à la mémoire de Mendelssohn.
7 septembre 1S48. — L'assemblée générale décide,
par 60 voix sur 63 votants, que la Société pourra,
« comme témoignage de sa haute estime et de sa
considération », accorder le titre de président hono-
raire à vie, au chef d'orchestre qui se retirera après
vingt ans de service au moins.
11 octobre 1848. — Habeneck donne sa démission,
par suite d'un désaccord survenu entre le comité et
lui. Cette démission est acceptée.
18 octobre 1848. — L'assemblée procède au rem-
placement d'HABENECK.
Les candidats en présence sont : Girard, Tilmant
et Valentino. L'élection a lieu à la majorité des
deux tiers des voix.
Votants : 72; majorité : 52.
Obtiennent : Girard, 50 voix, Tilmant, 23; Valen-
tino, 2; bulletin nul, 1 ; bulletins blancs, 2.
Aucun des candidats n'ayant atteint la majorité,
il est procédé à un second tour de scrutin.
Obtiennent : Girard, 34 voix; Tilmant, 21; bulle-
tins blancs, 3.
En conséquence M. Girard est élu chef d'orchestre.
A la suite de ce vote, M. Habeneck esl nommé pré-
sident honoraire à vie.
Avril 1854. — M. Girard donne sa démission, mais
l'assemblée générale refuse de l'accepter.
26 mai 1855. — La Société des Concerts, sur la de-
mande de l'empereur, donne un concert au château
de Saint-Cloud.
Mai 1857. — L'assemblée générale, sur la propo-
sition du comité, décide d'augmenter les prix des
places comme suit : premières et stalles de galerie,
12 francs; stalles d'orchestre, 2CS loges, rez-de-chaus-
sée, 9 fr.; couloirs, orchestre, galerie, 6 fr., stalles
d'amphithéâtre, 3e" loges, 5 fr.; parterre, amphi-
théâtre, 4 fr.; couloirs de l'amphithéâtre et loges
sur le théâtre, 2 fr.
Décembre 1858. — M. Lassabathie demande que
le jeune Sabasate, violoniste, se fasse entendre à l'un
îles concerls. Le comité regrette de ne pouvoir accé-
der à ce désir, car il est dans les habitudes de la
Société de n'accepter dans ses programmes que des
artisles dont la réputation a été sanctionnée parle
public.
Décembre 1851). — Le ministre d'Etal invite la
Société à adopler pour la session prochaine le dia-
pason normal.
Les élèves des classes de composition sont, sur la
demande de M. Auber, admis aux répétilions géné-
rales.
15 janvier 1860. — Mort de Girard.
5 mai 1860. — L'assemblée générale, par 98 voix
sur 104 votants, nomme Tilmant chef d'orchestre.
Février 1861. — M. Tilmant transmet au comité le
désir formel que lui a exprimé M. Auber de n'avoir
aucun de ses ouvrages exécuté aux concerls de la
Société, tant qu'il sera directeur du Conservatoire.
Démission de Tilmant'.
21 décembre 1863. — Georges Hainl est nommé
chef d'orchestre, après cinq tours de scrutin. Les
voix se répartissent ainsi :
Bulletins blancs ou nuls .
Février 1864. — Le comité décide de faire frapper
une médaille à l'effigie d'H.ABENECK. Cette médaille sera
remise à chaque sociétaire.
L'exécution en est confiée au graveur Borel.
1. Voici la lellre par lt;u lie Berlioz posait sa candidature :
n A Messieurs les membres eu comité de la Société des
Concerts du Cotiser!
a Veuillez informer ta Société des Concerts du Conservatoire que
je la prie de me compter parmi les artistes qui sollicitent ses suffrages
pour la place de chef d'orchestre devenue vacante parla retraite de
M. TlLMAMT.
o Je serais d'autant plus heureui que votre illustre Société me fit
l'honneur de me confier ces fonctions que je pourrais maintenant m'y
consacrer absolument et y donner tout mon temps.
o Recevez, .Messieurs, l'assumée de mon dévouement et de mes
sentiments les plus distingués. „ „ ^^
« 19 décembre 1863 ».
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTION S AIRE DU CONSERVATOIRE
4 octobre 1871. — M. Ambroise Thomas est nommé
président de la Société des Concerts. M. Théodore
Dubois est élu répétiteur du chant.
25 mai 1872. — M. Deldevez est nommé premier
chef d'orchestre par 94 voix sur 104 volants.
M. Lamourbux est nommé second chef d'orchestre.
M. Saint-Saëns s'était porté candidat aux fonctions
de chef d'orchestre, mais sa lettre de candidature
n'était parvenue à la Société qu'à l'issue de la séance.
Juin 1873. — Le comité décide d'augmenter chaque
série de deux concerts, en portant le nombre des
concerts à 18 au lieu de 14.
Novembre 1874. — L'Assistance publique ayant
émis la prétention de substituer la taxe proportion-
nelle au principe de l'abonnement, perçu depuis la
fondation de la Société, l'assemblée générale, convo-
quée expressément à ce sujet, décide d'interrompre
la session commencée dans le cas où l'Assistance
publique persisterait dans sa résolution.
Décembre 1876. — Le comité décide qu'à l'occa-
sion de la 50e session de la Société des Concerts, une
messe de Requiem, composée par Deldevi z à la mé-
moire d'HABENECK, sera exécutée dans une des églises
de Paris et que les concerts des 4 et il février seront
donnés à ia mémoire d'HABENECK.
20 mai 18S4. Assemblée générale. — MM. Gounod
et Ambroise Thomas font part à la Société d'une pro-
position de l'Institut de lui conlier l'exécution du
prix ltossi.Ni. Cette proposition est adoptée à l'una-
nimité.
23 mai 18So. Assemblée générale. — M. Deldevez
annonce à l'assemblée que l'état de sa santé le met
dans l'obligation irrévocable de se démettre de ses
fonctions de chef d'orchestre.
M. Deldevez est nommé président honoraire à vie.
2 juin 1885. — Après cinq tours de scrutin, M. Gab-
Cin est élu chef d'orchestre par 52 voix sur 98 vo-
tants.
M. Ci'iraud obtient 38 voix, et M. Godard 3 voix.
15 décembre 1888. Assemblée générale. — L'as-
semblée, répondant au désir exprimé par la commis-
sion de l'Exposition universelle, décide que la Société
prendra part à l'une des solennités qui auront lieu.
27 mai 1 S '. » 2 . Assemblée générale. — M. Garcîm,
parvenu à la limite d'âge, fait connaître à la Société
son intention irrévocable de ne pas accepter le re-
nouvellement de son mandat. La Société le nomme
a l'unanimité président honoraire.
3 juin 1892. Assemblée générale. — Après cinq
tours de scrutin, M. Taffanel est nommé premier
chef d'orchestre par 48 voix, contre 37 à M. Danbé.
30 juin 1894. — La Société est désignée par le
gouvernement pour prêter son concours à la céré-
monie funèbre du président Carnot.
Février 1896. — Mort d'Ambroise Thomas. La So-
ciété des Concerts exécute à ses obsèques le pro-
gramme suivant :
Mfirche [iuicItc île la Siim/ihnni,- Ihtuh/ii
ttiex ir,v [Rriiiiicm cl l.tirr>i,u.
R,;,«km (A:i„us)
Marche i'Hamlel
Andanle de la Symphonie ilalit'inu'. .
I'.Erni.ivrx
MOZART.
Vlulir. I'im
■I 0]
30 mai 1896. — La Société décide qu'à l'avenir,
le directeur du Conservatoire sera de plein droit
président de la Société des Concerts.
Septembre 1890. — Le conseil municipal de Paris
convie la Société à prêter son concours à l'occasion
de la réception du tzar à l'hôtel de ville.
Octobre 1890. — Mort de Garcin, chef d'orchestre
honoraire.
Juin 1897. — A la suite de l'incendie du Bazar de
la Charité, la commission supérieure des théâtres
déclare qu'en l'état actuel, la salle du Conservatoire
constitue un véritable danger pour la sécurité pu-
blique et décide, en conséquence, sa fermeture, jus-
qu'à ce que des dégagements importants aient été
pratiqués. (Ces modifications comportent la suppres-
sion d'une loge de chaque côté des fauteuils de
balcon; trois rangées de fauteuils d'orchestre; une
rangée au milieu; une rangée de chaque côté.) A la
suite de cette décision, la Société des Concerts, se
basant sur un arrêté pris par le ministre des beaux-
arts à la date du 13 octobre 1832 sous le titre « or-
ganisation de la Société des Concerts du Conserva-
toire », exprime, par la lettre suivante, adressée à
M. Roujon, directeur des beaux-arts, le vœu de voir
le ministre actuel prendre un arrêté donnant provi-
soirement à la Société des Concerts, la jouissance de
la salle de l'Opéra :
« Monsieur le directeur des beaux-arts,
« J'ai l'honneur d'appeler votre bienveillante atten-
tion sur un nouvel état de choses qui risque de com-
promettre gravement le fonctionnement normal de
ii - ' îles Concerts du Conservatoire.
« A la suite Je la catastrophe du Bazar de la Cha-
rité, M. le préfet de police, justement préoccupé des
mesures à prendre pour la sécurité du public dans
les lieux de réunion, a inspecté la grande salle du
Conservatoire ou se donnent, depuis soixante-dix
ans, les concerts de la Société. Tout en convenant de
l'exiguïté des dégagements de cette salle, nous avions
espéré que sa longue existence, sans jamais appa-
rence d'une alerte, sa réputation d'acoustique excep-
tionnelle, enfin les souvenirs glorieux qui s'y ratta-
chent, sauraient plaider en sa faveur, surtout si l'on
tenait compte que toutes les modifications que la
commission des théâtres avait exigées pour la sécu-
curité du public en 1882, avaient été strictement
exécutées. 11 n'en a pas été ainsi, et M. le préfet de
police a conclu à la démolition complète.
« Cette salle disparaissant, il nous est impossible
de compter sur la réédilicalion toute prochaine de
celle qui doit la remplacer, sa reconstruction étant
liée à celle du Conservatoire lui-même (question qui
est toujours pendante).
<( Il en résulte un très grand embarras pour nos
concerts. M. le préfet de police a bien toi
verture provisoire de la salle actuelle, sons condi-
tion d'importantes modifications pour lesquelles un
crédit est demandé en ce moment aux pouvoirs pu-
blics; mais cas changements impliquent la suppres-
sion de nombreuses places (à peu près le sixième de
la sal le). Le nombre des abonnés à déposséder s'élè-
verait à plus de 200. Pour qui connaît le prix que tes
iboaoés attachent à la possession de leurs places,
qu'ils considèrent presque comme une propriété, il
est facile de se figurer dans quelle situation inextri-
cable se trouverait l'administration de la Si
Concerts.
i \ ces pi ''occupations s'en ajoute une autre : l'o-
pinion publique étant très éveillée en ce moment
sur les dangers d'incendie, et rien n'étant négligé
pour la surexciter, nous craignons que, au dernier
moment, l'administration, malgré sa bonne volonté
à notre égard, ne se voie dans l'impassibilité de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 3697
nous laisser donner nos concerts, malgré la pro-
messe qu'elle nous aurait faite.
« J'ai donc l'honneur, Monsieur le directeur, de
vous demander de vouloir bien nous faire accorder,
par M. le ministre de l'instruction publique et des
beaux-arts, l'autorisation de donner les séances de
la Société des Concerts dans la salle de l'Opéra, en
attendant la reconstruction de la salle du Conserva-
toire.
« Veuillez agréer, etc.
« Le Directeur du Conservatoire,
■ Président de la Société des Concerts,
« Th. Dubois.
« Le vice-président, chef d'orchestre,
« Paul Taifanel.
« Pniu- le comité :
« Le Secrétaire,
« Albert Vernaelde. »
Juillet 1897. — La Société des Concerts est autorisée
à se transférer provisoirement à l'Opéra par arrêté
du ministre des beaux-arts en date du 31 juillet.
« Vu l'arrêté du 13 décembre 1832 qui institue la
Société des Conci rts du Conservatoire ;
« Vu la décision en date du 30 octobre 18a0, du
ministre de l'intérieur, qui alfecte la salle des con-
certs du Conservatoire national aux besoins de l'en-
seignement et à la Société des Concerts;
« Vu la lettre eu date du 14 juillet 1897 du direc-
teur du Conservatoire national, président de la So-
ciété îles Concerts ;
« Vu la lettre en date du 26 juillet 1897 du direc-
teur de l'Opéra;
« Vu l'art. 47 du cahier des charges du théâtre
national de l'Opéra;
« Arrête :
« La Société des Concerts du Conservatoire est auto-
risée à donner ses concerts au théâtre national de
l'Opéra, pendant la saison 1897-1898.
« Signé : A. Rambaud. »
Novembre 1897. — Mort de Deldevez.
12 décembre 1897. — Premier concert à l'Opéra.
Mars 1898. — Le ministre des beaux-arts informe
la Société qu'il a décidé de faire exécuter des travaux
de dégagement au Conservatoire; que ce projet com-
porte la suppression de loO places.
Juin 1898. — La Société prend part, au Panthéon,
à la cérémonie du centenaire de Michelet.
27 novembre 1898. — Réintégration de la Société
des Concerts dans la salle du Conservatoire.
Février 1899. — Participation de la Société des
Concerts à la cérémonie funèbre du président Félix
Faure.
Décembre 1899. — La Société des Concerts est dési-
gnée officiellement par le ministre des beaux-arts
pour participer aux auditions musicales qui auront
lieu à l'Exposition universelle.
Mai 1901. — M. Paul Taffanel donne sa démission
de chef d'orchestre. Celte démission est motivée par
des raisons de santé.
12 juin 1901. — Après cinq tours de scrutin,
M. G. Marty est nommé chef d'orchestre de la Société
des Concerts.
26 février 1902. — La Société des Concerts prend
part à la commémoration du centenaire de Victor
Hugo au Panthéon.
23 mai 1903. — L'assemblée générale fixe à 92 le
nombre des sociétaires.
30 décembre 1905. — L'assemblée générale décide
qu'à l'avenir l'orchestre et les chœurs pourront se
produire séparément en France ou à l'étranger.
25 mars 1907. — La Société prend part officielle-
ment aux obsèques de Berthelot.
Avril 1907. ■ — Concert à Anvers.
Juin 1908. — La Société se fait entendre au Pan-
théon à l'occasion de la translation des restes d'E-
mile Zola.
11 octobre 1908. — Mort de Marty.
26 octobre 1908. — M. André Messager est nommé
chef d'orchestre.
Novembre 1908. — Mort de Taffanil.
Novembre 1909. — Concert à Lille. Concert à
Amiens.
9 juillet 1909. — La Société se fait entendre à l'ex-
position universelle de Bruxelles.
17 février 1910. — Concert donné au Conservatoire
avec le concours de Paderewski, au profit des vic-
times de l'inondation.
5 novembre 1911. — La Société donne un concert
à l'Hippodrome de Lille. Elle retourne à Lille en 1912
et 1913.
11 février 1912. — Elle se fait entendre au Troca-
déi'o avec un programme où on relève la 9e Symphonie
de Beethoven, la symphonie de Saint-Saëns avec
orgue et Taillefer de Richard Strauss.
1913. — Concert delà Société à Anvers et à Lyon;
elle se déplace tous les ans dans cette dernière ville.
LES PROGRAMMES
On l'a dit souvent et nous devons le redire ici : la
Société des Concerts est, avant tout, surtout, la maison
de Beethoven et, par là, elle reste étroitement, fidè-
lement attachée à la pensée créatrice et directrice de
son illustre chef Habeneck.
Dès sa fondation, elle ouvre, il est vrai, ses portes à
Haydn Ie» concertde I829)el à Mozart :4e concert de
1828) (elle organisera même un concert à la mémoire
de chacun d'eux , mais Beethoven est tout de suite,
nou? le répétons, le dieu qui régnera dans le Temple.
Le premier concert (9 mars 1828 1 est placé sous
sa protection, et c'est, avec la première mesure, sa
gloire qu'elle chante dans la Symphonie héroïque ins-
crite en tête du programme.
Pour bien affirmer son culte, la Société consacre
son second concert (23 mars) à la mémoire de l'im-
mortel svmphoniste. Voici le programme de cette
solennité d'art :
DE.UXIÈMB CONCERT
1 :nire île L.-V. Beethoven.
Le dimanche 23 mars 1S2S.
Nota. Tous les morceaux qui seront exécutés sont des
productions de ce compositeur célèbre.
1. Symphonie héroïque 'aénéralement redm
2. i: ... chœurs et récits, chantés par Mmt Cinti-
Damoreau, Mle Nélia Maillard et MM. Alexis Dupond et
3. Premier morceau du Concerto de piano en lit mineur, exécuté
par Mme Brod.
i. Quatuor de l'opéra V '•■l'ne Cinti-Damobeau,
Mile Nélia Maillard et MM. Alcxi- I" i'"M> el Levasseur.
5. Concerto 'te violon, exécuté par M. Baillot (ce concerto n'a
jamais été entendu à Paris).
6. Le Chris! nu mont des Oliviers (oratorio avec chœurs). Les par-
ties récitantes seront chantées par Mme Cinti-Damori-au
et MM. Adolphe Nourrit et Levasseur.
232
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
De 4828 à 1832 la Société des Concerta a fait en-
tendre toutes les symphonies de Beethoven aux dates
suivantes :
Sumphou/e héroïque . . . .
— en lit mineur .
— en lu
— Pastorale.
— en si banni . .
elhrurs '
!> mar< 1828.
13 avril 182S.
1" mars 1S29.
21 février 1830.
9 mai —
25 avril —
27 mars 1831.
19 février 1S32.
Nous ne pouvons évidemment donnerici in êtKtenso
tous les programmes de la Société des Concert* de-
puis sa fondation jusqu'à nos jours. Nous renvoyons
ceux de nos lecteurs qui désireraient les consulter,
aux trois ouvrages suivants : Elwart : Histoire de la
Société des Concerts (programmes de 1828 à 1863);
Deldevez : La Société des Concerts (programmes de
1860 à 1885); A. Dandelot : La Société des Concerts
(extraits des programmes de 1828 à 1023).
Nous nous bornerons donc à donner ici la date de
la première audition des œuvres dont le temps a
définitivement consacré les noms des auteurs, en
rappelant que les plus grands artistes ont toujours
tenu à l'honneur de se faire entendre à la Société des
Concerts.
En feuilletant les programmes, nous relevons les
noms de Mendelssohn (18 mars 1832 avec le Concerto
en sol de Beethoven), Leyassel'R, Cinti-Damoreau,
Ponchard, Adolphe Nourrit, Kalkrrenner, Barroil-
het, Francbomme, Henri Hertz, Dorus-Gras, Falcon,
Dériyis, Wartel, Masset, Listz, Chopin, Couderc,
Nau, Dancla, Duprez, César Franck, Vieuxtbmps,
Viardot-Garcia, Sivori, Baillot, Roger, Godefroy,
Alro^i, Bataille, Gueymard, Marie Sasse, Balanqué,
BubsWe, Lap.orde, Miolan-Carvalho, Rosine Bloch,
Bonnehée, Ri'rinstein, Alard, Orin, Belval, Crosti,
Michot, Francis Planté, Faure, Warot, Diémer, Sax,
Joacuim, Wieniawsky, Alphonse Duvernoy, Gailhard,
Delarorde, Wertheimiier, Krauss, Nii.sonn, Bouhy,
Fidès-Devriès, Sarasate, Guilmant, Lassalle, Sellier,
M"e Richard, Bobbouresqoh, Melha, Villaret, Esca-
laïs, Adèle Isaac, Ysaye, Talazac, Bosman, Litvinne,
Hermann, Philipp, Baoul Pit,no, Rose Caron, Sander-
son, Saint-Saëns, Paderewski, etc.
/. — Symphonie en sol mineur.
i.„ Finie encknntie ouverture]
itlon). — [dominée (chœur el
3EETH0VEN —
mphonie héroïque. — 5e Symfèdnie eu ut mineur.
juverture). — Coriolan (ouverture). — Final du
Christ. - Concerto [ai mineur). — Concerto pour violon. —
Romance pour violon. — Bénédictin, Le Christ. —Gloria.
— Agnus liei.
Cbbkubini. — lis Aheneerrinies (ouverture). — Manche de Pre-
mier. — Messe du Sacre. — Air et chœur des Abencer-
rages.
1829.
Haydn. — Symphonie (sain désignation). — lu Tempête et le Calme.
— Lrs Saisons ilrau-ni'iiU . — l.u Création (frai; ni- -
Beethoven. — Symphonie eu lu. Symphonie pastorale. — Fidelio
(ouverliii ■
Weber. — Robin des bois (ouverture).
1830.
1. Dans la crainte i|ue l'exécution delà sympl»
n'it trop fatigante, on décida d'exécuter les d
uiï au début du concert et les doux autre ,t la
Beethoven. — Symphonie eu si bémol. — Symphonie eu ré. — Sym-
phonie en ut majeur.
Weber. — Euryanlhe (ouverture). — Eunjanlhe (chœur des chas-
seurs).
Mbbol. — Stratanice (ouverture). L'Irnlo (quatuor). — l.r jeune
Henri (ouverture).
1831.
Mozart. — Don Juan (sextuor).
Bebthovbn. — Symphonie urée chœurs. — Prométhée (ouverture),
— Le Roi Etienne (ouverture). — Septuor (fragment).
Fidelio (final).
Glock. — Orphée (chiviir des enfers,. — Annide (duo).
1832.
Haydn. — Symphonie, en si hémol.
Beethoven. — Symphonie inédite en (n. — Cumin en sol pour
piano, exécuté par Mem.ei.ssohn. — Quatuor [op. ."..'<).
— Quatuor (op. IS'J). — Kyrie et GIOTia do la Messe en ré.
Gluck. — Annide (le sommeil).
Chhrobini. — Are Marin.
1833.
Beethoven. — Ouverture eu ut.
Berlioz. — Rob Rôij (ouverture).
1834.
Beethoven. — Linnore (ouverture). — Fidelio (marche et cluBUr).
1835.
Mozart. — Scène des Mystères d'Isis.
Bekthoven. — Rnniunce pour te riulou. — Credo do la Messe en re.
— Gloria de la Messe en ut.
Chfhobtni. — .;■• Messe.
Weber. — Concerto, exécuté par Liszt.
1836.
Gluck. — Iphigéuie eu Tuuride (fragment du lPr aelo'i.
Méhcl. — Joseph.
1837.
Cherubini. — Soilrelle Messe des Morts.
Gluck. — Iphigenie (ouverture).
1839.
Haydn. — Symphonie en ré (on. siH.
Mozart. — 5' Symphonie.
Gluck. — Annule (ouverture).
Rossini. — Guillaume Tell (ouverture).
1840.
Bach. — Concerto jteWr te vioton. — fia Passion.
Hàendel. — Jndas Madchdbèe. — le Sonne d'Alexandre. — Le
[ricie (trio des Parques).
1841.
Gluck. — Armiilc 13" acte).
HAENDEL. — Sun). on '.
Mozart. — Symphonie eu r.\
Mi'-.i.i-i —il'. — / ' l.ro'le ,1 I i mut (.uiv.-rluri'' .
Pergoli.se. — S/abat Mater.
1843.
Haydn. — Si' Sumnlio„i: . — 1.' ■
Mozart. — Symphonie en ni (S?). —
Spandertte te Dens.
Mendelssohn. /ro Symphonie.
1844.
Beethoven. — Concerto eu mi bémol (pour piano). —
— les Ruines d'Athènes (cherur du Sacrifice et chœur
dés Prisonniers).
Mendelssohn. — Symphonie
Ia7lly. — Alceste -iTih' Se Êarvm).
1S45.
Haydn. — Symphonie en s, ' is1'). — Messe ie> 1.
GRih'RY. — les Heur Ararr.i (marche cl .'1 ■i.-im"
Si'iintini. — Lu Vestale.
fiimphonie {,-p. ■ . . Les sept pu
Sunrii et insi,. — In Clémence de Titus (mil et :
ihn. — 3° Symphonie. — foulas i
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 3699
1847.
Beethoven. — Les Ruines d'Athènes (en entier).
1848.
Haydn. — Symphonie eu ut mineur (op. 2-i).
Mozart. — Cosi fan tulle.
Beethoven. — Le Uni Etienne (fragments).
Mendelssohn. — Concerto pour violon. — Paulus (fragmt
1849.
Haydn. — Symphonie en sol (op. 51). — Symphonie (op.
Symphonie (op. 91). — Quatuor (fragments).
Berlioz. — Faust.
Félicien David. — Le Désert. — Christophe Colomb.
1850.
Haydn. — Symphonie eu „./ „p. SI).
Mozart. — Les Noces de l-'iyara.
Beethoven. — Cantate.
Grétry. — Richard Cœur île lion ffragin. du 2e acte).
Meyerbeer. — /.(• Prophète (inédit).
Rossini. — Le Siège de Corinthe (prière et chœur).
Spontini. — FernandCorte (air
1851.
Haydn. — Quatuor (op. 7). — Quatuor (op. li). — Offerloi
fons pielulis.
Mendelssohn. — Le Sonne d'une nuit d'été.
Chkhuuini. — Laudale Sion.
Rameau. — Castor et Pollux (chœur).
1852.
Mozart. — Don Juan (1er tableau
Mendelssohn. — ;<-■ Symphonie.
1853.
Mozart. — ;■' Symphonie.
Ctldcic. — Iphigènie en Aulide (air de danse).
Rossini. — Stabal ihiler.
1854.
Beethoven. — Vromcthec (frajgm. du ballet).
1855.
Bach. — Motel (double eh euer .
Beethoven. — Eymoiit (en entier).
Gluck. — Ipliiycnie en Aulide ouverture).
Rameau. — Les Fêles i'HèU (chœur).
' acte).
Haydn. — Laryo eu fa ilicse majeur. — Quatuor.
Ml ndelssoh». — Psaume double chœur). — Loreley (final du
1" acte).
1857.
1S59.
■ Annule (chœur).
— Dur lanui trio ■: a Sang
Haydn. — Concerto pour rioloucelle.
Godnod. — Près du fleuve èlran ei [cTrœur
1861.
Haydn. — Symphonie de la Heine. — Symphonie militaire.
Mozakt. — Concert < en ■ \i leur. — i
Mendi:lssohn. — Symplnone-l. ,
Gl ck. — Alctste.
Herold. — Zampa (ouverture).
1862.
Beethoven. — Léonorc (ouverture u" I . — Fantaisie arec chu
pour le piano.
H.exdel. — Jules César.
Rossini. — Moïse (introduction'.
1863.
Haydn. — U? Symphonie.
Berlioz. — Béatrice el BënedicL
A. Thomas. — Psyché (chœur).
Webeb. — Concerto pour clarinette.
1864.
Haydn. — ôi)i Symphonie. — 4S" Symphonie.
Beethoven. — Septuor
Berlioz. — La Fuit
1865.
BbBTBOVENj — Concerta pour piano ■/
Mendelssohn. — Concerto pour piano ;.« mmeuc' . — as" Psaume.
Meyerbeer. — Le Pardon de PJo&'inel ouvi rture . — Les lluytie-
nnts (scène de la bénédiction des poignards).
Orlando de Lassos. — Salve Regina.
1866.
Meyerbeer. — Adieu aux jeunes maries.
Wagner. — Tunuhauser (marche et chœur de- pèlerins).
Haydn. — S9° Symphonie (en sol).
Mendelssohn. — Athatie.
Schumann. — Symphonie en si bémol.
1868.
Beethoven. — I" Concerto en ul ma:ei
Mendi i —un. — ,:'• Psaume.
Waoner. — Lohcngrin (marche religii
1870.
Seui MANN. — Hanfred (ouverture).
1871
Goohod. — Cuttia.
1872.
Bi bthov] s. — Chant èlègiaque.
rhéodore Dubois. — Les Sept ftw _menls).
Ces u Fkahck. — Hiith (fragments).
Gluck. — Orphée (fragment symphonique).
I.enepvki. — Reyuiem fragments).
Meyerbeer. — Struensée (polonaise).
Saint-Saens. — Fragments de i .
. - Hanfred en i ntiej .
1873.
Haydn. — 44' Symphonie.
J.-S. Bach. — *
Berlioz. — Roméo et Juliette 3* partie).
Max Bruch. — Concerto de violon.
Kmiliii del Cavalière. — Oralon i.
H.endel. — Concerto pour orchestre. — Chirur île Suiil.
Lully. — Armide (chœur, aird
. ■ i
Saint-Saens. — Concerto de i
1874.
Berlioz. — Le Curuura ). — Les Francs Juges
(ouverture .
Il : — C.aiieerlo pour orehestr •• —
Schumann. — Symphonie en rc <
1875.
Mozart. — Lu Finie enchantée u <
Bizet. — L'Artésienne.
J.-S. Bach. — Messe en
Berlioz. — Lu Mort d'tlplcim.
Schumann. — Concerto
1876.
Reyer. —Sigurd (fragments).
Saint-Saens. — Le Rouet d'Omphale.
Schumann. — Symphonie en ou
Haydn. — Symphonie en ut majeur inédite).
Reyer. — Sigurd (ouverture .
Saint-Saens. — 3e Concerto m mi im 1 p mr 1 : piano.
Vieuxtemps. — Concea
1878.
Berlioz. — Roméo et Juliette 2° pari i).
Lalo. — Le Roitt'Vs (ouverture).
Massenet. — Eve (fragments).
Mendelssohn. — Elit (fragments).
Webee. — Obéron (chœur).
1879.
Bbetboven. — Les Ruines d'Athènes (avec le poème). — Le Christ
an mont des Oliviers (introduction). — Promcthée (nou-
veaux fragments).
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Berlioz. — Roméo et Juliette (5" partie).
Chopin. — /''r Concerta tlragment).
Théodore Dubois. — Ouverture symphonique.
H.kmikl. — Concerto de hautbois. — Le Messie (air).
Mendelssohn. — Elie (nouveaux fragments).
Schumann. — Symphonie en Ht.
Spontini. — Fermant Curiez (fragments).
Weber. — Eitryanthe (fragments du 3° acte).
1880.
J. Brahms. — f Symphonie en ré majeur.
Gluck. — Iphtycaie en Aultde ..uverture).
Gounod. — liesse 4e sainte Cécile (Sanctus, Benedictus, Agn
Dei).
Mendelssohn. — Elie (chœur des anges, chœur gênerai).
Palestrina. — Gloria Palri (chœur sans accompagnement).
Saint-Saens. — La Lyre et la Harpe.
J. S.
1881.
leur (Credo, Et incarnatus
■ Messe en si mu
cilixus, Et expecto).
Gounod. — Sapho (fragments).
Joncieres. — La lier (ode symphonique).
Lalo. — Allegro appassionato.
Mendelssohn. — Hymne (Ecoute ma prière).
Reyer. — Sigurd (fragm. du 3' acte).
Saint-Saens. — 4e Concerto pour te pian».
Schumann. — Geneviève (ouverture).
1882.
Félicien David. — Herculanum (fragments).
César Franck. — Les Béatitudes (n° 6).
Mozart. — Cosi fan tulle (chœurs).
Saint-Saens. — La Lyre et la Harpe (nouveaux fragments).
1883.
Gounod. — Poiyeurle (2' acte). — Saplio (tracte).
H.endbl. — Saut (fragment avec orgue).
Mendelssohn. — Riformation-symphonie.
1834.
ELbndel. — Israël en Egypte.
Lenepveu. — Yelleila (fragments).
Meyerbeer. — Struen-.ee.
Vieuxtemps. — Concerto en ré mineur pour le violon.
Richard Wagner. — Tannhaûser (ouverture .
1885.
Havdn. — 32e Symphonie.
Augusta IIoi.més. — Les Argonautes.
1886.
R. Wagner. — l.ohengrin 'marche et chœur des fiançailles).
R. Wuim-'r. — Le Vaisseau fantôme (chœur des fileuses).
Saint-Saeks. — Danse macabre.
Murs et Y lia.
- ! Concerto en re mineur (pour piano).
- S' Symphonie (en ni ■■
1888.
Hisse en ri intégr ilemenl ; on n'en avait donné
Saint-Sains. — Requiem.
R. Wagner. — Parsifal (tableau du l« acte .
1893.
Borodine. — Le Prince Igor (danses polovtsiennes avec chœurs).
Saint-Saens. — 3' Concerto eu si mineur (pour violon).
— Ane Verum (chœur sans accompagnement .
R. Wagner. — Taniihaitser (3° acte).
1894.
Schumann. —Le Paradis cl la Péri intégralement).
H. Berlioz. — Benrenuio Cellan ouverture).
Brahms. — .'.'■ Si/iuphouie eu fa majeur.
Mozart. — Concerto eu la majeur (pour piano).
R. Wagner. — Le Vaisseau fantôme (ouverture).
1896.
J.-S. Bach. — Cantate pour tous les temps.
César Franck. — Psaume CL.
Vincent d'Indy. — Symphonie (orchestre et piano).
Liszt. — Les Préludes (poèmes symphoniques).
Saint-Saens. — 5° Concerto (pour piano).
1897.
Beethov
jusqu'ici que des fragments)
J. Massenet. — Ouverture de Phèdre.
R. Schuman s. — Le Paradis et la Péri
1S90.
Brahms. — ;■■ Symphonie mi mineur).
II.eni.kl. — Ode ,i sonne Cécile.
K. I.ai.o. — Symphonie en sot mineur.
Schumann. — Faust (3e parle".
R. Wagner. — Les Hailres Chanteurs (scène finale du 3 acte).
■t. -s. Bac ii. — Messe en w mineur intégralement).
Mozart. — Concerto pour deux pianos.
Saint-Sae ;s. — Le Déluge.
R. Wagner. - Tristan et Iseull (prélude .
1892
Bizet. — Patrie (ouverture).
Théodore Dubois. — Le Paradis perdu (3e partie).
César Franck. — Psyché.
Samuel Rousseau. — Libéra me. Domine.
Saint-Saens. — La Suit persane.
Schubert. — Symphonie en ni.
1S98.
H. Berlioz. — Le Roi Lear (ouverture).
Théodore Dubois. — Concerto (pour piano).
Massenet. — Scènes alsaciennes.
Rameau. — Quant ditecla.
1899.
H. Berlioz. — La Prise de Troie (1er acte).
Brahms. — / ' '' Symphonie en ut mineur.
Massenet. — La Vierge (4° partie).
Mozart. — Concerto en mi bémol (piano).
1900.
J. Havdn. — ôi° Symphonie en mi bémol.
Guy Ropartz. — Psaume CXXXVI.
Saint-Saens. I" Concerto (pour piano).
— Marche héroïque.
R. Wagner. — Ouverture pour Faust.
1901.
Gabriel Fauré. — Requiem.
Gl i c k. — Armide yW acte).
Méhi'l. — Symphonie en sol mineur.
Mendei.ssciiis. — Rcformalion-Symph. nie iiilrur.ilc meut; il n'en
avail été donné jusqu'alors que l'andante cl le
Mozart. — tlnrerlure inédite.
Gabriel Pierné. — L'An mil (poème symphonique .
Suni'-^ai ns. — Premier Concerto (pour * ■
— Suite pour orchestre.
1902.
Théodore Dubois. — Ouverture de Frit
César FRANCK. — Rédemption.
J. Havdn. — Symphonie en sol majeur (la Si
Liszt. — I I
Palestrina. — limites amin ma cher., ■
Hameau. — In conrerleiidn ; motet pour soli, ch c
orchestre .
— Bippolyte ci Aricie (3' acte).
— Les In les f liantes airs île ballets).
Saikt-Sa ■ -. 0 1er i le tioll.
Scuçrwc — I i I
R. Wag br. — Parsifal (prélude, enchante il du vendredi
1903.
J.-S. Bach. — La Passion scion saint Jean
\ incent d'Indy. — Le Camp i
Liszt. — Orphée poème symphnuiquM.
R. Wagner. — le Vaisseau fantôme (chœ
1904.
Théodore Dunois. — Fantaisie pour harpe .
Paul Duras. —L'Apprenti ■
Janm on-., -lu Bataille de Vah
nti rali al .
; fragments).
rdie.lre.
Liszt.
CAi
rlie).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 3701
Mozart. —
Rameau. -
Concerto c i ni V n il m ijeur ((jour violon' .
Les Indes natalités (fragments).
1905.
J.-S. B\cn. — Suite eu si mineur (intégralement).
— Siulc en ré mineur.
C Debussy. — Prélude s l'Après-midi d'un faune.
Théodore Dubois. — Pièce en (orme de eiuwn de Schuman
Pal.uhi.hk. — Stabal Muter.
Rimsky-Kobsakoff. — Concerta pour piano.
ScHCMANN. — Fantaisie pour violon.
H. Wagser. — Tristan et heult (mort d'Yseult).
1906.
J.-S. Bach. — Suite en ut majeur.
— Le Défi de Phœbus et de l'an.
Gabriel Faubé. — Pellèas et itèlisande.
César Franck. — Rèbecea.
E. Lalo. — Concerto pour piano.
Saint-Saens. — Pha.'loil.
F. Shouebt. — Rosamonde (entr'acte et airs de ballets).
Sohumann. — Concerto pour violoncelle.
1907.
J.-S. Bach
Gabriel Fai-
Mozabt. —
Paul Vidal
— Oratorio de Noël.
bé. — Schylock.
Concerta en ré majeur (pour flûte).
— La Vision de Jeanne d'Are.
Hector Beblioz. — L'Enfance du Christ.
Liszt. — Cou :er/i ma enr pour piano).
Rameau.— Plat g ita
Saint-Saens. -- La Jeunesse d'Hercule.
Sohumamn. — Introduction pou;- pin w.
1909.
Gabriel Faubé. — Lu Xaissauce de Venus.
J. Haydn. — Concerto en ut majeur (pour violon).
Liszt. —Concerto en mi bémol (p lur piano).
Mozabt. — Symphonie en ri majeur (n" 35).
Palestrina. — Sanctus ri r.eucduiii-, de la Me se d*. pape Marcel.
(chœur sans accompagnement).
RlMSKY-KORSAKOFF. — Copie ,
— Saiko (tableau musical).
1910.
Debussy. — tu Damoiselle élue.
Paul Duicas. — Symphonie eu ut mineur.
Liszt. — Faust-Symphonie.
R. Wagner. — Les Maîtres Chanteurs suite du 3' acte. —Pré-
lude. Danses des apprentis. — Marche îles Corpora-
tions).
Paul Duras. — Symphonie en ut majeur.
Liszt. — Faust-Symphonie.
Saint-Saens. — La Suit (chœur pour voix de femmes et soprano
solo).
1911.
H.endel. — Israël en Eyyple intégralement).
E. Charrier. — La Sulamite (scène lyrique).
Richard Strauss. — Don Juan (poème svmphonique).
1912.
J.-S. Bach. — Cantate pour la fetc de saint Jean-liaptistc.
Rimsky-Kosakoff. — (.' mtc fcci-ii/IIC.
Max Bbuch. — Itoiuauce pour alla.
Ch. Toubnemibe. — l'sanmc pour arche il re . orgue et chœurs.
E. Chausson. — IFienne i cdii]ue (orchestre et chœurs).
Castillon. — Paraphrase du Psaume M(soli, chœurs et orchestre).
1913.
Ki'. Liszt. — Festklânge.
R. Strauss. — Mort e! Iransfigurattint \o>'çmo svmphonique).
T. de Bbéville. — Erus Vaimiucur (fragments).
L'impartialité nous oblige à mentionner ici les
critiques formulées pendant nombre d'années contre
la monotonie des programmes .le la Société des Con-
certs. Il faut bien le dire, ces critiques, si nous nous
plaçons au point de vue de l'évolulion de l'art, étaient
parfaitement justifiées. En effet, en dehors des sym-
phonies de Beethoven exécutées dans leur intégra-
lité, nous ne voyons pendant longtemps sur ces
programmes, que des fragments d'œuvres revenant
jOUJour= désespérément.
11 faut arriver jusqu'au 28 février 1847 pour trou-
ver une œuvre jouée en son entier : Les Ruines d'A-
thènes de Beethoven.
C'est donc avec raison qu'ELWART pouvait écrire
en 1843 : « Les programmes de la Société des Con-
certs sont tellement sobres de noms nouveaux, que
c'est une véritable satisfaction qu'on y lise celui de
ce compositeur (il s'agissait d'une symphonie de Sci-
pion Rousselot). »
En 1857, le même auteur revenant sur ce sujet
écrivait encore : « Plus la Société des Concerts s'é-
loigne de l'époque de sa fondation, et moins ses pro-
grammes sont variés. Son répertoire est sans doute
bien riche en chefs-d'œuvre; mais si, malgré elle, le
senliment de sa conservation, autant que son res-
pect pour le public, lui impose une grande réserve
pour l'adoption d'œuvres contemporaines, ne pour-
rait-on pas désirer qu'elle fit plus souvent une
excursion dans le domaine des maîtres français de
toutes les époques? >>
Après lui, Scudo a pu écrire : « Il est grand temps
que la Société des Concerts s'occupe sérieusement de
varier ses programmes... »
Enfin, en 1880, Arthur Pocgin écrivait : « La
Société des Concerts du Conservatoire, à qui l'on ne
peut reprocher que la grande uniformité de ses pro-
grammes, surtout en ce qui concerne les œuvres
vocales, dont le répertoire est vraiment trop res-
treint... »
En continuant l'examen des programmes, on cons-
tate, non sans un certain étonnement, que Mendels-
sohn n'y figure pour la première fois, en tant que
compositeur, avec l'ouverture de la Grotti de Fingal,
que le 20 février 1842, c'est-à-dire seulement cinq
ans avant sa mort et quatorze ans après la fonda-
tion de la Société des Concerts.
Le nom de Schubert n'apparaît, et bien timide-
ment encore, avec son lied Marguerite au Rouet
chanté par M1" Falcon, qu'en 1836.
Enfin, il faut arriver jusqu'en décembre 1867 pour
trouver au programme le nom de Schubann, avec la
Symphonie en si bémol.
11 est assez curieux de noter que, malgré la réserve
vraiment trop excessive avec laquelle la célèbre
Société consentait à élargir son répertoire, Berlioz
sut, dès 1833, forcer ses portes en faisant exécuter
son ouverture de Rob-Roy1, et qu'en 1849 elle donnait
d'importants fragments de la Damnation de Faust.
Mais si, malgré les avertissements qui lui étaient
adressés par la critique, la Société n'a pas, pendant
longtemps, tenté de varier et de renouveler son ré-
pertoire, il serait injuste de la rendre tout à fait
responsable de cet état de choses. La Société com-
prenait fort bien que les reproches formulés par la
critique, quant à la composition des programmes,
étaient parfaitement justifiés, mais elle devait comp-
ter avant tout avec ses abonnés qui ne partageaient
i la lettre qu'il écrivit alors à la Société :
« A Messieurs les membres du Con
de la Société des. Concerts du Conseri
un de vos brillants concerta ! Les p
•ie, Messieurs, dans le cas ou votr
faire parvenir le plus tôt possible.
ENCYCLOPÉDIE DE'LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pas, à de très rares exceptions près, les opinions
émises par les journaux. __
11 eûl été dangereux pour l'avenir de la Société,
aussi bien au point de vue de l'art que de ses inté-
rêts pécuniaires, de vouloir faire violence aux pré-
férences de son public.
Ce public, eu effet, étroitement, irréductiblement
attaché aux vieux classiques, n'admettait guère
qu'elle fit des incursions trop hardies dans le réper-
toire des œuvres plus avancées.
Deldevez, dans son intéressant et érudit ouvrage
sur la SacUU des Concert*, voulant donner, suivan1
son expression, « une idée du public... conserva-
teur » qui fréquentait en 1861 la salle du Conser-
vatoire, a reproduit les observations qu'un abonné
lui adressait après chaque séance. Nous en déta-
chons les réflexions suivantes : « Pourquoi de longs
morceaux? Une perle, la plus petite, si elle est pure,
est toujours une perle. »
« Mendelssohn est, généralement parlant, un très
savant homme, assommant, n'en doutez pas. Tout ce
qu'il fait a de l'intérêt pour les savants, rarement
pour le bon public. »
Nous arrêtons là ces citations. Les impressions
exprimées par ce dilettante, peut-être un peu exces-
sif, ne doivent pas être considérées cependant
comme étant des impressions isolées et absolument
personnelles. Nous savons qu'elles reflétaient très
exactement la manière de voir de la plupart des
abonnés d'alors. Nous n'en voulons pour preuve, à
l'appui de ce que nous avançons, que les lignes sui-
vantes écrites par Klwart en 1860 : « La Société des
Concerts a exécuté la plupart des symphonies des
jeunes maîtres nos contemporains, mais le public
n'a véritablement adopté que celles de Haydn, de
Mozart et de Beethoven1. »
Ce n'est donc que peu à peu, avec une extrême
prudence, que la Société des Concerts pouvait se per-
mettre de modifier ses programmes dans le sens de
la modernité.
Avec Garcin, nous la voyons ouvrir plus largement
ses portes à Wagner. En etlel, elle exécute en 1886
le chœur des Vilcuses du Vaisseau fantôme, en 1890
la scène finale du .'ie acte des Maîtres-Chanteurs, en
1891 le Prélude de Tristan et Yseult. «appelons, en
passant, que c'est à l'initiative de Garcin que la
Société dut de faire entendre pour la première fois
la Messe solennelle en ré de Beethoven et la Messe en
si mineur de J.-S. Bach.
Taffanel, à son tour, introduit au répertoire le
3e acte de Tannliauser, des fragments des Béatitu-
des: Prologue, nos 4, 5 et 8; le Psaume CL et Psyché
de César Franck; la Symplionie pour orchestre et
piano de M. Vincent d'Indy et le Chant des Parques
de J. Brahms.
Mais c'est surtout à l'audace toute vibrante de
Georges Marty que nous devons de voir la Société
des Concerts accorder enfin une large et généreuse
hospitalité aux œuvres de la jeune école.
A .Marty revient encore l'honneur d'avoir su don-
ner une ampleur plus grande aux programmes dr
la Société, en même temps qu'un rôle plus impor-
tant aux chœurs, en faisant entendre, au lieu de
fragments souvent écourtés, des ouvrages de longue
haleine.
On pourrait s'étonner de voir le public de la So-
ciété des Concerts accepter aujourd'hui certaines œu-
vres qui eussent soulevé, il y a quelques années à
peine, presque d'unanimes réprobations. Cet état de
choses repose, selon nous, sur deux raisons princi-
pales. La première est que les œuvres modernes,
recevant de jour en jour une place plus large dans
toutes les manifestations musicales rendues de plus
en plus nombreuses par la multiplication des con-
certs symphoniques, aussi bien que des soirées mon-
daines, ont insensiblement modifié l'éducation artis-
tique du public, en l'amenant à une esthétique nou-
velle. La seconde raison réside dans ce fait que la
plupart des anciens abonnés de la Société des Con-
certs, de ceux-là qui étaient restés fidèlement, obs-
tinément attachés aux vieux classiques, sont morts
en léguant, suivant une tradition constante, leurs
places à leurs enfants, plus accessibles aux acquisi-
tions de l'art moderne.
Enfin, en nous plaçant au point de vue adminis-
tratif de la Société des Concerts, disons encore qu'ac-
tuelle ment les programmes sont élaborés, au moins
dans leurs grandes lignes, assez longtemps avant le
premier concert, afin de profiter des répétitions qui
précèdent ce concert, pour procéder à. une première
étude des œuvres de longue haleine devant être donr-
nées au cours de la saison.
Mais, souvent des modifications assez profondes
s'imposent par la suite. Parmi les causes qui les mo-
tivent le plus fréquemment, il faut mentionner sur-
tout les difficultés que la Société rencontre du côté
des chanteurs solistes. Oh! les chanteurs! Ils sont la
terreur des comités, l'effroi des chefs d'orchestre!
Que de tribulations ils causent '. l'n enrouement subit,
l'obligation qui leur est imposée, à la dernière heure,
par les grands théâtres dont ils sont les pension-
naires, de prendre part à des répétitions indispen-
sables coïncidant malencontreusement avec les ré-
pétitions auxquelles la Société des Concerts les a con-
viés; le cachet alléchant, parce que élevé, qui leur
est offert par ailleurs, alors que la Société ne peut
attribuer qu'un cachet uniforme de cent francs
prévu par les statuts! Bien d'autres causes encore.
Qu'un de ces cas vienne à se produire, et voilà ré-
duit à néant tout un programme laborieusement
élaboré. Alors ce sont, pour le malheureux secré-
taire du comité, des courses folles à travers Paris et
la banlieue, — car beaucoup d'artistes, recherchant
la tranquillité après l'heure de l'action, habitent
extra muros; — ce sont des étages à gravir pour
découvrir le sauveteur qui voudra bien, au dernier
moment, assumer la lourde responsabilité de rem-
placer la ou le défaillant. Nous en avons fait person-
nellement la dure expérience, nous qui avons eu
l'honneur de remplir les fonctions de secrétaire.
Aussi, gardons-nous une reconnaissance très sincère
à M. Gaiehard d'abord, et ensuite à MM. Messa.6EB
et Huoi ss an, directeurs de l'Opéra, d'avoir, avec une
bonne grâce parfaite et guidés par l'admiration très
vive qu'ils professent pour la Société des Concerts,
mis fin à celte véritable course à l'abîme en autori-
sant spontanément les meilleurs de leurs pension-
naires à lui apporter le concours de leur talent.
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS DEPUIS 1914
Arrivé à ce point de l'histoire de la Sotiêiê des
Cmeerts étu Gmservatoire, n.uis nous disposons à
la livrer à l'impression, lorsque la guerre vint sus-
pendre la publication de l'Encyclopédie de fa Musi-
que. Depuis lors, sous la pression des événements
économiques d'une part, et de l'évolution rapide de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIETE DES CONCERTS 37
l'art musical vers une esthétique de plus en plus com-
pliquée, d'autre part, la Société des Concerts s'est
trouvée, ainsi qu'on le verra par la suite, dans l'im-
périeuse obligation de rompre avec ses traditions,
en modifiant assez profondément la ligne de con-
duite dont elle ne s'était jamais départie jusqu'à ce
moment.
Nous estimons, néanmoins, ne rien devoir modifier
aux appréciations que nous avons formulées anté-
rieurement.
Malgré les difficultés de l'heure, l'illustre compa-
gnie décida de poursuivre ses manifestations au
milieu de la tourmente qui a bouleversé la face de
l'Europe. Aussi, pour compléter ses cadres profon-
dément atteinls par l'absence de ceux qui étaient
partis d'un cœur joyeux remplir tout leur devoir,
fit-elle appel à ses anciens sociétaires et à des
externes.
De 1914 à 1917 (88e, 89e et 90e sessions), elle prête
son concours au « Matinées nationales » données à
la Sorbonne (auditions dominicales, à raison d'une
vingtaine par année). Ces auditions étaient accom-
pagnées de conférences et de déclamations. Parmi
les conférenciers les plus éminents, nous relevons
les noms de MM. Barthou, Henri Robert, Flamma-
rion, docteur Doyen, lleiriot, Boutroux, Jean Kiche-
pin, Honnoral, Edmond Rostand, Painlevé, pasteur
Wagner, Antoine, Klotz, Hanotaux, Maurice Donnay,
colonel Housset, général Malleterre, etc.
Nous n'aurions garde de négliger d'ajouter que
ces concerts furent dirigés successivement par
M. André Messager et par M. Henri Rabaud, qui
préside aujourd'hui avec une si grande autorité aux
destinées de notre admirable école du Conservatoire.
Mais là ne devaient pas se borner les vaillantes
manifestations de la Société des Concerts. Dès le
mois de mars, elle décida d'entreprendre une active
propagande à l'étranger, en faveur de la musique
française.
En mars et avril 1917, elle se fait entendre en
Suisse, dans les villes suivantes : Genève, Lausanne,
Berne, Bàle, Zurich, Neul'chùtel, puis encore à Ge-
nève et à Lausanne.
Ce n'est pas assez de dire que ces manifestations
d'art furent un succès triomphal. Quelle gamme
d'épithètes! Superbe, admirable, merveilleux, magni-
fique, exceptionnel, imposant, innui, inimaginable et,
m'écrit un vaillant artiste-musicien qui est en même
temps un lettré parfait, «jusqu'au « colossal », mais
orthographié à la française ». Voilà le ton général
des appréciations formulées par la presse et les dilet-
tantes de marque.
Ce furent de belles et fructueuses journées pour la
musique française, pour M. Messager, le chef d'or-
chestre, et pour les exécutants dont chacun est un
virtuose dans la plus haute expression du mot.
Dés son retour en France (1917-1918), la société
organise une série de dix concerts qui sont donnés
dans la salle du Conservatoire. On y entendit, no-
tamment, Souvenirs de V. d'Indy et Palais hanté, de
Florent Schmitt.
Et cela ne manquait pas dune certaine crànerie
qu'il convient d'admirer, car, à ce moment-là, on ne
saurait oublier que la barbarie allemande cherchait
à frapper la France directement au cœur, en bom-
bardant Paris! Cette manifestation, il faut bien le
dire, ne fut pas des plus fructueuses.
Une tournée en Espagne complètement organisée,
quant à la préparation matérielle, dut être ensuite
contremandée au dernier moment, vu la situation
extérieure et intérieure.
La 92e session (1918-1919) débute par une nou-
velle tournée de propagande française, cette fois,
aux Etats-Unis et au Canada. La Société se fait en-
tendre, sous la direction de M. André Message*, dans
les villes suivantes : New-York (deux concerts au
Metropolitan-Opera), Boston, Springlield (Massa-
chussets), nouveau concert à New-York (dans la salle
du Carnegie Hall), Philadelphie, Washington (deux
concerts), Baltimore, Richmond. Notons que c'est en
cette ville que les membres de la Société des Con-
certs apprirent que l'armistice était signé. Cette
nouvelle provoqua chez le peuple américain une
joie qui confina au délire, nous rapporte un témoin
oculaire. Aussi, la Société des Concerts fut- elle, ce
soir-là, l'objet d'une ovation triomphale qui restera
parmi ses plus beaux titres de gloire.
Elle se fit entendre ensuite à Charlotte, Atlanta,
Birmingham, la Nouvelle-Orléans (deux concerts),
Shrewport, Sherman, Fort Worth, Dallas, Wacco,
San-Antonio (réception au Country-Club), El Paso, sur
la frontière mexicaine, d'où les musiciens entendent
la fusillade des partisans qui se battent, à quelques
kilomètres du pont international de Juarez, San
Diego, où, par suite d'une erreur d'itinéraire, une
partie de l'orchestre manque le concert annoncé;
Los Angeles, San-Francisco, devant une salle renfer-
mant 8.000 auditeurs; Sacramento, d'où une terrible
épidémie de grippe oblige la Société des Concerts à
retourner vers l'est, où le mal est en décroissance et
permet aux théâtres de rouvrir leurs portes; Kansas
City, Minneapolis, Saint-Paul, Milwaukee; Chicago
(concert en matinée et en soirée), Indianopolis qui
l'ait une réception magistrale avec mobilisation de la
police à cheval et à pied, cortèges, réceptions au
Capitule et à l'hôtel de ville; Louisville, Cincinnati,
Dayton, Cleveland, Youngstown, Pitlsburg, Boches-
ter, Syracuse, Montréal (deux concerts, chacun com-
mençant à minuit, la salle étant occupée jusqu'à
celte heure-là), Burlington où a lieu le t • » î >■ < <-i
Ajoutons enfin que, sur les vives sollicitations
d'une grande firme américaine, la Société des Con-
certs a consenti à consacrer plusieurs matinées pour
enregistrer des disques qui sont conservés à l'égal
de reliques particulièrement précieuses.
Au cours de ces concerts, se sont fait entendre : les
pianistes Cortot et Madeleine Brard, le violoncel-
liste Paulin et M"e Gills, cantatrice.
Partie de Brest sur le transport de guerre améri-
cain, le Louisville, la Société des Concerts rentrait le
17 janvier 1919 à Bordeaux, sur l'Espagne.-
Dès son retour, le célèbre orchestre organisait
dans la salle qui fut son berceau, une nouvelle série
de dix concerts, sans toutefois y faire participer l'é-
lément choral, qu'elle s'adjoignit néanmoins peu
après, à l'occasion d'une audition donnée au Troca-
déro. Elle se fit également entendre à Bordeaux en
mai 1919.
Pour sa 93e session (1919-1920), elle désigna, par
un vote unanime, M. Philippe Galbeht pour remplir
les fonctions de chef d'orchestre, fonctions qu'il oc-
cupe encore actuellement (1929). Tous ceux qui sui-
vent aujourd'hui ses incomparables auditions ont
pu juger combien ce musicien parfait, qui s'est avéré
d'emblée comme un des premiers chefs d'orchestre
de ce temps, était vraiment digne d'occuper cette
haute situation si justement enviée. En outre, M. Â
Tracol était élu 2e chef d'orchestre.
3704 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET
Au cours de sa 94° session, la Société des Concerts,
se conformant à ses statuts, décerna à M. Henri
Rabaud le tilre de président, M. Gabriel Fauré ayant
résigné sa fonction de directeur du Conservatoire.
On sait, en effet, que la présidence de la Société des
Concerts est dévolue de plein droit au directeur en
activité. La Société donne, en mars 1920, un concert
à Rouen, puis, en mai, des concerts à Bruxelles. L'an-
née suivante, elle se fait entendre à Lyon (mars) et
à Lille.
En avril 1922, tournée à Bordeaux (2 concerts), à
Lyon et à Marseille. L'assemblée générale du 24 mai
décide la suppression de la fonction de répétiteur
des chœurs.
Puis, au mois de juin, a lieu à la Sorbonne, un
Festival en l'honneur de G. Fauré, avec le concours
de la Société qui organise une saison de concerts au
théâtre des Champs Elysées. Cette saison se conti-
nue en 1923. A la suite d'un concours pour la place
de 2--' chef, M. Eugène Bigot est désigné.
En janvier 1924, la Société va se faire entendre à
Genève, Lausanne, Vevey, Fribourg; puis, c'est le
cycle Beethoven au théâtre des Champs Elysées sous
la direction de M. Damrosch, chef d'orchestre de la
New York Symphony, au bénéfice des anciens élèves
du Conservatoire, cycle de o concerts comprenant
toutes les symphonies de Beethoven et les concertos
de piano et de violon. Concerts à Barcelone au mois
de juin.
L'assemblée générale du 30 mai 1925 décide la
création d'une caisse d'allocations de post-activité.
M. Bigot n'est pas réélu comme 2e chef poste dont,
en octobre 1925, on décide la suppression.
Le 22 mai 1926, l'assemblée générale apporte aux
Statuts des modifications relatives à la suppression
du poste de 2e chef et à la non participation de la
Société à des concerts donnés par des associations
similaires. L'année 1926 voit la fondation de la
Société des Amis de la Société des Concerts qui
compte comme présidents d'honneur MM. Millerand,
Barthou et Paul Léon, puis, en décembre, ce sont
des concerts à Rouen et à Anvers.
Le 22 mars 1927, la Société célébrait le centenaire
de Beethoven, par un concert donné à la Sorbonne,
où on entendait la 5e symphonie du maître, dirigée
par M. Rabaud et la 9e dirigée par M. Vincent d'iNDY.
Elle célébrait aussi, son propre centenaire, avec un
programme composé comme il suit :
Symphonie héroïque I " mouv' Bbi
(Cette symphonie fut exécutée au l" concert de la société.)
Allocation de M. II. Rabaod, président de la
société.
Allocution de M. G. Risler, président des Amis
de l,i Société des Concerts.
I I < errages 0
(Président de la société à sa fondation).
te Rouet d'Omphale Saint- Saens.
Pellèas et Métis/mie (prélude Pileuse) G. Fâché.
Quatrième Béatitude '. C. Franck.
Es gue H. Rabaud.
Prélude a l 'après-midi d'un Faune C. Debussy.
Le Ciiniural humain H. Berlioz.
En mai 1927, elle ouvrait, avec 3 concerts qui
eurent un immense succès, l'Exposition internatio-
nale de musique de Francfort. De même, lors de l'Ex-
position internationale de musique de Genève, tou-
jours en 1927, elle se produisait dans cette ville par
des concerts et participait à des représentations de
l'?tlras et Mélisande, et d'Ariane et Barbe -III 'rue de
DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Paul Duras. Au mois d'octobre 1927, nous signalerons
ses concerts à Bilbao et à Saint-Sébastien. Enlin, en
1929, la Société a fait une tournée à Saint-Etienne,
Lyon et Marseille : Le 2a février 1929, elle se pro-
duisait à un concert de gala au théâtre des Champs
Elysées, au bénéfice de la caisse de secours de la
Société, avec le concours de Paderewski. A l'occa-
sion de la retraite de M. Guy Bopartz, directeur du
Conservatoire de Strasbourg, la Société des Concerts
a donné, le 28 avril, un concert à Strasbourg. Cette
audition suscita un enthousiasme indescriptible et
provoqua l'exécution de la Marseillaise, que le public
chanta avec l'orchestre.
Ajoutons que la Société a pris part aux obsèques
nationales de Saint-Saëns, de Gabriel Fauré, et du
maréchal Foch.
LES PROGRAMMES
1914-1918, période de guerre.
1919.
Paul Dokas. — La Péri 'poème ^yrnphonique ' .
V. d'Indy. — Sauge fleurie (poème symphonique).
Cl. Debussy. — Iberia.
— Petite Suite.
Gabriel Dupont. — Les Heures dolentes.
Cl. Debussy. — Fantaisie pour pian» et orchestre.
F. Le Borne. — Poème légendaire pour violon.
Théodore Dubois. — Fanlasietta.
Georges Hue. — Emotion*.
1920.
H.endel. — Jules César (air de Cléopàtre .
J.-S. Bach. — Concert en /« (\m1..ii, tinte, h "':».:>. trompette).
Guy Ropartz. — Quatre Odelettes.
G. Grovlez. — Le Reposoir des amonts ;poè -ymphonique).
Roger Docasse. — Suite française (en ré).
G. I'ierné. — Paysages franciscains.
Maurice Ravel. — il a More ÏOyé.
H. Rabaud. — Symphonie eu mi mineur.
1921.
H. Dupabc. — Aux étoiles.
Samazeuilh. — Le Sommeil de Canapé.
Vincent d'Indy. — Deuxième Symphonie.
Max d'Olonni:. — Le Ménétrier.
Sgambati. — Concerto pour piano
Maurice Ravel. — Shéhérazade.
C. Chevillabd. — Le Chêne et le Roseau (poème symphonique1.
Jongen. — Impressions d'Ardenne.
Maurice Emmanuel. — Odelettes anacrconliquc*.
R. Laparra. — Un Dimanche biisyiie.
Maurice Ravel. — Daphnis et Chloc '2° suite .
F. Lu Borne. — Symphonie arec orgue.
G. Dom r. — / e Cimeti ire \ me sympn n
Maurice Ravel. — Rapsoiiie espagnole.
Respighi. — Fontaine de Rame.
Stravinsky. — l'eu d'artifice.
Ane. ciiapms. — Tableaux flamands.
!.. Acbert. — Habanera.
FI. Schmitt. ha Tragédie de Salomè.
Th. Dubois. — Symphonie française.
1922.
-Korsakoff. — Ouverture de la Grande l\
II. Rabaud. — Uarouf.
A. Broneai-. Six Chansons a danser.
X. CiiAPUls. — Tableaux flamands.
A. Caplet. — Inscriptions champêtres.
M. Ravel. — l.a Vu/se.
FI. Schmitt. — Etude pour le Palais haute
Borodine. — tounses Potorl siennes du Prince hi<
MorssoRGSiiY. — Une Suit sur le muni Chaîne.
Cl. Dbbdssy. — La iler.
A. Roussel. — Le Festin de l'Araignée.
Y. d'Indy. — La Qucsie de Dieu.
R. Ducasse. — Xocturnc de printemps.
RlMSKY-KoRSAKOFF. — Alltlir.
I.iapoi now. — Concerte [piano i
A. Caplet. — Prières.
M. Ravel. — Le Tombeau de Couperin.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 370:,
G. HtJE. — Titania.
H. Bcsser. — Hercule au jardin des Hespérides.
V. d'Indt. — Choral varié. .
P. Hili.emacher. — Suite dans le style ancien.
1924.
Balakirew. — Thnmnr [poèms symphonique).
A. Caplet. — Epiphanie (fresque pour violoncelle et orchestre).
F. Liszt. — Les Préludes.
A. Bruneatj. — Q al ■ P des de l'Ouragan.
G. Pierne. — B ' ,v- ./■■ PaulFort.
M. Emmanuel. — >,-. il mie.
(iuzors.™-. — Stenla Ru;, ne.
Ph. Gadbert. — Le Cortège a" Amphitrite.
H. Ddparc. — Aux étoiles.
V. d'Indy. — Istar.
Strawinsky. — Pelrouchka (scènes burlesques).
Lekeu. — Adagio pour quatuor d'orchestre.
M. de Fai.la. — Nuits dans les jardins d'Espagne (piano et or-
L. ArBERT. — Poèmes arabes.
G. Pierne. — l'oeme sqm/ili., nique (piano et orchestre).
Cbaosson-. — Viviane (poème symphonique).
G. Faoré. — Ballade [piano et orchestre).
Szimanoaysky. — Concerto (violon et orchestre).
Cl. Debussy. — Khamma.
CaUTBLODBE. — Le Mus.
Rimsky-Korsakoff. — Le Tsar Sultan.
Max d'ûlonne. — Le Betour.
S. Prokoffieff. — Sz Concerto (piano el orchestre).
F. Liszt. — Danse macabre sur le Uns irse (piano et orchestre).
H. Rabai-d. — /'•'- suite anglaisedu seizième siècle.
H. Bdsser. — Les Noces corinthiennes.
G. PlERNÉ. — Rumiiutcho.
E. Bloch. —Schelomo,
chestre).
J. Ibert. — Escales.
H. Rabacd. — La Procession nocturne (poème symphonique).
A. Caplet. — La Croie douloureuse. — L'Adieu en barque.
S. Prokoffieff. — L'Amour des trois oranges.
L. Voii.lemin. — Quuire Danses (pour orchestre).
Ph. Gadbert. — Fantaisie (violon et orchestre).
0. Respighi. — Les Pins de Home (poème symphonique).
G. Samazedilh. — Nuit (poème symphonique).
1926.
A. Honeguer. — Pastorale d'e/e (poème symphonique).
F. Ll BORNE. — L'A
R. Laparra. — Tri
L. Aubert. — Iin/ii
lique).
;heslre).
FI. Schmitt. — Antoine el Clèopâtre.
G. Migot. — Trois Mélodies.
D. Milhacd. — Chants populaires hébraïques.
Gr. Krein. — Chant d'automne.
Ph. Gadbert. — 11 est d'étranges sons.
G. Pierne. — Cijdalise et le chcrrcpied (poème symphonique
H. Bosser. — La Colombe. — Lu Nymphe de lu Source.
V. d'Indy. — Diptyque méditerranéen.
FI. Schmitt. — Tristesse au jardin. — Musique sur l'eau.
J. Pooeigh. —Je m'en ruij n l.iruro.
Ph. Gaubert. — Quatre Ballades Françaises.
1927.
ne. — Rapsoilie Géorgienne, pour violoncelle
le. — Sur une tombe . — Vue jeune fille porte.
Le Miroir ,1e Jésus.
II. TY.uË
A. Ca
FI. Schmitt. — Chansons a quatre voix.
M. Ravel. — Introduction et Allegro.
P. Dokas. — Ariane et Barbe-Bleue (I" acte).
Max Brocii. — Concerto en sol mineur (violon et orchestre).
G. Enesco. — Symphonie eu mi bémol.
M. Ravel. — Daphxis et Chloê 2" suite).
H. Rabacd. — Divertissement sur des chansons russes.
A. Borchard. — Eskual Herria (piano et orchestre).
A. Rodssel. — Suite.
Ph. Gacbert. — Danses de Nnila.
1928.
J. I'oi-eigii. — • /.(• Meneur de l'oircs, poème symphonique.
Cl. Debussy. — Bat/odes.
A. Caplet. — llijmue a la naissance du malin.
Ch. Todrnemire. — Symphonie n» S.
A.Bertolin. — Chant des Morts,
G. Grovlez. — Madrigal lyrique.
A. Rodssel. — Padmavâti i lr0 suite).
A. Honegger. — Pacific 231, mouvement symphonique.
H. Bachelet. — Scemo (prélude du i» acte).
I. Straavi.nsky. — Chants plaisants.
Modssorgsky. — Kallisirulc . — Chanson de Méphistopliêlès. — Le
Roi Saut. — Mil, osic.
G. Mioot. — Le Punirait de laque aux trois images.
Canteloube. — Clutiils d'Aiireri/iie.
J. Ibert. — La Ballade de la Geôle de Readiiuj.
RlMSKY-IioRSAKOFF. — Le Coq d'or.
Cl. Monteverdi. — Orfeo (deux airs).
Ph. Gadbert. — Le Ciel est gai, c'est joli mai.
M. Ravel. — Paraue fiour une lufanlc défunte.
DopÀrc. — Invitation au voyage. — Plnjdilè.
A. Brdneau. — l'eiilbcsilce.
S. Prokoffieff. — Concerto (pour violon et orchestre).
L. Voillemin. — Eu Kernco, suite d'orchestre.
L. Adbert. — Suite trêve.
A. Brcneaf. — L'Ouragan fragments du 2° acte).
1929.
J.-S. Bacb. — Lu Passion selon s, nul Je, ni.
H. C.vseli.a. — Sciirliillniiin.
E. Granados. — Les Goijescas.
II. Rabacd. — L'Appel de In mer.
V. d'Indy. —
P. Dokas. — Vitlanelle pour cor et orchestre).
GOPPOLA. — Poe, in' èlègiaque.
H. SCHUMANN. — Le Paroi, s el la Perl.
Ainsi que nous l'avons noie précédemment, la
Société des Concerts, sous la pression des exigences
économiques de l'heure et en présence de l'évolu-
tion rapide de l'art, s'est trouvée dans l'obligation
impérieuse de rompre avec ses traditions, sur plu-
sieurs points importants, el, par là, de modifier
assez profondément la physionomie sous laquelle
nous l'avions représentée jusqu'au moment de la
guerre.
D'une part, ses concerts, qui comportaient le
même programme deux dimanches successifs, offrent
maintenant à ses abonnés un programme nouveau
à chacune de ses séances.
D'autre part, les répétitions générales du samedi,
qui jusque-là n'étaient accessibles qu'aux seuls élèves
des classes de composition, ont été rendues publi-
ques. Elles obtiennent, il faut l'ajouter, un succès
considéiable.
Enfin, — et cette décision imposée par les événe-
ments est particulièrement grave, — la Société s'est
vue dans la nécessité de supprimer, au moins tempo-
rairement, cet admirable élément choral qui consti-
tuait, avec l'orchestre, un groupement peut-être uni-
que en Europe. Ses admirateurs fervents n'ont pas
oublié les exécutions incomparables qu'elle donna,
tous éléments réunis, notamment de la Passion selon
saint Jean, de la Messe et de la Symphonie avec
chœurs. Depuis le mois de mars 192o, la Société s'est
assuré la collaboration du chœur mixte de Paris,
dirigé par MM. Marc de Ranse et Jean Gallard. Le
programme du concert du 29 mars 1925, concert
auquel prenait part le chœur mixte, comportait le
Requiem de Fauré et la 9' Symphonie de Beethoven.
Quel est, en présence de ces modifications pro-
WQFGLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
fondes, l'avenir réservé à la Société des Concerts?
Restera-t-elle la première parmi les remarquables
associations symphoniques fondées de toutes parts,
surtout a Paris, la traductrice impeccable, en su-
prême beauté, des cbefs-d'œuvre du passé? 11 serait
imprudent de prononcer un jugement que le temps
se chargerait peut être d'inlirmer. Bornons-nous à
souhaiter ici que la Société des Concerts demeure
par-dessus tout fidèle à l'esprit qui a présidé à ses
manifestations, c'est-à-dire la gardienne vigilante et
éloquente des grands classiques que la gloire a défi-
nitivement consacrés. C'est là, à notre humble avis,
son rôle et sa mission. Que les autres associations,
en leur généreuse ardeur, révèlent aux. dilettantes
les productions souvent intéressantes de la jeune
Ecole, rien de mieux. Mais c'est à la Société des Con-
certs qu'il appartient de transmettre aux générations
successives le culte des grands ancêtres de tous les
temps et de tous les pays, et non de révéler au pu-
blic des œuvres souvent éphémères, parce qu'elles ne
sont faites que de talent, voire de trop de talent par-
fois.
LES STATUTS
Aous remarquions, lorsque nous avons reproduit
les statuts élaborés en 1828 par les fondateurs de la
Société des Concerts, que si le temps et l'expérience
ont, par la suite, nécessité d'y introduire des modi-
fications ou des additions, l'esprit et le fond en ont
du moins été respectés. Aussi, aliii d'éviter des re-
dites inutiles, nous bornerons-nous à donner seule-
ment ici les extraits les plus importants des statuts
actuellement en vigueur. D'ailleurs, ces statuts cons-
tituent un document d'ordre privé qui nous impose,
sur certains points, une discrétion que le lecteur
comprendra facilement.
Ajoutons qu'ils ont été déposés en 1841 en l'étude
de Me Floreslan-Charles Bonnaire, notaire à Paris.
GUA.P1TRE PREMIER
formation de la Société.
Article premier. — Une association est établie par
le présent acte entre tous les comparants et les ar-
tistes qui seraient admis ultérieurement dans ladite
association après avoir adhéré aux présents statuts.
Art. 2. — Cette association a pour objet de don-
ner des concerts publics; elle sera désignée, comme
par le passé, sous le titre de : Société des CtmeePt».
Art. 3. — Tout artiste, pour être nommé sociétaire
actif, devra :
1° Etre Français;
2° Etre âgé au moins de vingt et un ans;
3° Etre libéré du service actif dans l'armée, ou,
s'il est né de parents étrangers, avoir accompli effec-
tivement son service militaire dans l'armée active
française;
4° Appartenir ou avoir appartenu au Conserva-
toire, soit comme professeur, soit comme élève.
L'artiste qui ne remplirait pas cette dernière nm-
dition ne pourrait aspirer qu'au titre de sociétaire
ail joint.
Art. 4. — Le personnel participant aux exécu-
tions musicales de la Société se composera ainsi
qu'il suit :
Sociétaires actifs,
Sociétaires adjoints,
Sociétaires stagiaires,
Aspirants,
Externes.
aux délibérations et aux autres actes quelconques
relatifs à l'administration de la Société. Ils doivent
être âgés de vingt-et-un ans.
Art. 'j bis. — Les artistes choisis par le comité
pour participer dans les rangs de l'orchestre à l'exé-
cution des concerts, prennent le titre d'aspirants
actifs, lorsque leur collaboration est permanente, et
d'aspirants en cas, s'ils ne sont appelés qu'à assurer
le service d'un titulaire malade ou en congé.
-1/7. G. — Les artistes appelés temporairement
pour les besoins de l'exécution prennent le litre
d'externes.
Art. 7. — A l'exception du président, tout socié-
taire qui atteint l'âge de soixante ans cesse de faire
partie de la Société comme membre actif.
Cependant, celui qui atteint cet âge depuis le
Ier octobre jusqu'à l'assemblée générale de la red-
dilion des comptes, continue ses fonctions et reste
membre actif jusqu'à la fin de ladite session.
Le comité, dans le cas d'urgence seulement, peut
surseoir à la retraite du membre sortant; ce sursis
n'excédera pas une année, mais il pourra être renou-
velé.
Art. 8. — Tout sociétaire qui compte au moins
dix années d'exercice peut obtenir le titre de mem-
bre honoraire.
Le titre de membre honoraire peut être également
accordé à un artiste étranger non naturalisé Fran-
çais.
CHAPITRE IV
Administration de la Soaiété.
Art. 13. — La Société des Concerts est adminis-
trée par un comité composé de neuf membres, sa-
voir :
1° Un président;
2° Un premier chef d'orchestre;
3° Vu deuxième chef d'orchestre1 ;
4° Un secrétaire;
.'. in commissaire du personnel;
0° Un commissaire du matériel;
7° Un agent comptable;
8° Un archiviste caissier;
9° Un commissaire de la publicité.
.1?-/. i i. — Il y a, en outre, un membre adjoinl au
comité, à l'effet de remplacer momentanément celui
des commissaires qui serait empêché de remplir ses
fonctions.
.le/. 15. — Tous les membres du comité sont
nommés en assemblée générale, à l'exception du
président.
Le directeur du Conservatoire est de plein droit
président de la Société des Concerts.
Le premier chef d'orchestre peut être choisi en
dehors de la Société, mais, par le fait mémo de son
élection, il devient de plein droit sociétaire. Le se-
cond chef d'orchestre doit être choisi parmi les mem-
bres actifs de la Société; il est nommé pour quatre
ans et est rééligible.
Les deux chefs d'orchestre sont élus à la majorité
des deux tiers des voix des membres présents; ce-
pendant, si, après quatre épreuves, la majorité des
deux tiers n'est point acquise, il sera procédé à un
scrutin de ballottage entre les deux candidats qui
auront obtenu le plus de voix. Si, après deux nou-
velles épreuves entre les candidats, la majorité des
Le poile de deuxii'Tiiu .-li-f d'e
TECHNIOI'E, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 9707
deux tiers n'est point acquise encore, l'élection se
fera à la majorité absolue. Dans ce cas, si, après
quatre tours, la majorité absolue n'est point acquise,
l'élection sera remise à une date ultérieure. Le pre-
mier chef d'orchestre qui aura atteint l'âge de soixante
ans sera rééligible tous les deux ans.
Les autres membres du comité sont nommés à la
majorité absolue des suffrages et ne peuvent être
choisis que parmi les sociétaires; ils conservent leurs
fonctions deux années.
L'archiviste caissier, l'agent comptable peuvent
seuls être immédiatement réélus; les autres mem-
bres ne sont rééligibles qu'après une année d'inter-
valle.
CHAPITRE VI
Des asssemblées générales.
Art. 42. — L'assemblée générale se compose de
tous les membres sociétaires; elle a lieu au moins
une fois chaque année, après la session des con-
certs; l'assemblée générale peut, en outre, être con-
voquée toutes les fois que le comité d'administra-
tion le juge nécessaire dans l'intérêt de la Société.
Art. ; ::. — L'assemblée décide sur tous les points
prévus par les présents statuts et sur toutes les pro-
positions qui lui seraient présentées par le comité.
Art. 14. — La présence de la moitié plus un des
membres sociétaires est nécessaire pour valider les
délibérations.
Les décisions seront prises à la majorité absolue
des voix, sauf les cas jugés graves par l'assemblée
générale, dans lesquels elles devront réunir les deux
tiers des voix. En cas d'ajournement faute d'un
nombre suffisant de membres présents, l'assemblée
sera de droit convoquée à huitaine; et les délibéra-
tions seront alors valables, quel que soit le nombre
des membres présents; toutefois, l'assemblée ne
pourra délibérer, dans ce cas, que sur les objets
indiqués à l'ordre du jour delà précédente réunion.
Art. 45. — Aucun membre ne peut prendre la pa-
role en assemblée générale qu'après l'avoir obtenue
du président.
Les délibérations portant décision définitive auront
lieu au scrutin secret, comme pour la nomination
des membres du comité. En cas de partage, la voix
du président est prépondérante.
Si les deux premiers scrutins de nomination ne
donnent aucun résultat, il est procédé à un scrutin
de ballottage entre les deux membres qui ont obtenu
le plus de voix.
Art. 46. — Les membres honoraires sont convo-
qués aux assemblées générales, où ils ont voix con-
sultative.
Des membres hononiireA.
Art. 62 bis. — La Société, comme témoignage de
sa haute estime et de sa considération, peut accor-
der le titre de président honoraire à vie au chef
d'orchestre qui se retire après vingt années de ser-
vices au moins.
CHAPITRE XIV
Modifications aux statuts.
Art. 81. — Aucune modification ne pourra être
faite aux présents statuts si elle n'est présentée par
le comité après une délibération ayant réuni la ma-
jorité absolue de ses membres, ou si elle n'est de-
mandée par dix membres au moins, qui auront fait
parvenir leurs propositions au comité.
Tout projet de modilications devra être commu-
niqué aux sociétaires au moins huit jours avant la
discussion. Cette communication comportera :
1° L'article et le paragraphe visés;
2° La ou les modifications projetées.
Le comité présentera, dans le délai d'un mois, son
rapport sur les modilications demandées et l'assem-
blée générale décidera. Les modifications régulière-
ment adoptées en assemblée générale sont annexées
aux présents statuts.
LA SALLE DES CONCERTS
La salle des Concerts du Conservatoire fut édifiée,
par arrêté en date du 3 mars 1806, d'après les plans
de l'architecte Delannois, sur un ancien marais, au
milieu du jardin des Menus-Plaisirs.
A l'origine, elle comprenait 1.078 places, réparties
entre ses trois étages.
Ainsi qu'on a pu le voir par les extraits des pro-
cès-verbaux que nous avons reproduits précédem-
ment, la salle subit d'assez importantes modifica-
tions en 1860. Rappelons encore qu'eu 1807, au len-
demain du terrible incendie du Bazar de la Charité,
la commission supérieure des théâtres, afin d'assu-
rer la sécurité du public, imposa à la Société des
Concerts la suppression de 150 places1.
Il est intéressant de remarquer que la disposition
des instruments de l'orchestre dans la Salle des Con-
certs est, à part quelques légères modilications ap>-
portées dans les places assignées aux violoncelles
et aux contrebasses, absolument semblable à celle
adoptée dès le principe par Habeneck.
Voici en quels termes Deldevez, dans le remar-
quable ouvrage qu'il a consacré à la Société des Con-
certs, apprécie la salle du Conservatoire :
« 11 s'est rencontré également que la Salle des
Concerts, disposée d'une façon si heureuse, a formé,
pour ainsi dire, un instrument unique, le plus admi-
rable qu'on puisse imaginer pour L'interprétation de
si merveilleux chefs-d'œuvre. Aussi, est-il impossible
d'aller au delà des conditions que l'exiguïté2 de la
salle impose.
« Cette salle, si bien appropriée par sa construc-
tion acoustique à l'exécution des œuvres musicales
et qui, suivant une expression si souvent répétée, est
elle-même un instrument. »
Elwart écrivait aussi en 1860 :
« Beaucoup de personnes, privées de pouvoir assis-
ter aux concerts de la Société, expriment annuelle-
ment le désir que le comité fasse construire un
plus vaste local; mais l'expérience qui a été faite
très souvent prouve surabondamment que le style
très délicat et très lleuri des symphonies qui forment
le fond du répertoire fait une loi à la Société de ne
pas abandonner une salle qui, de l'avis des connais-
seurs, est une espèce de Stradivarius, tant sa sono-
I. On Terra le plan de la Salle dos Concerts dans l'article : Théâ-
tres et Salles de concerts de l' Encyclopédie.
î. L'exiguïté de la Salle des Concerts du Conservatoire a, de tous
temps, obligé la Société à réduire au strict minimum le service des
billets de faveur. Encore, à de très rares eiceptions prés, ces services
constituent-ils plutôt une servitude. Seuls, parmi les membres de la
Société, ceus du comité, dont les fonctions si délicates en même temps
que ai lourdes sont absolument gratuites, bénéficient, pour chacun
des concerts, de deui places, très mauvaises d'ailleurs. A la presse
so nt attribuées les deux secondes loges situées sur la scène.
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
rite est parfaite, et dont la construction remplit les
conditions acoustiques les plus favorables pour l'ob-
jet auquel elle est destinée. »
Nous ne pouvons qu'approuver les opinions émises
par ces deux maîtres.
COMITÉ. — RÉPÉTITIONS. — PERSONNEL DE
L'ORCHESTRE ET DES CHŒURS. — ABONNÉS.
!.<■ comité.
Le comité de la Société des Concerts est investi de
pouvoirs très étendus.
C'est lui qui arrête les dates des concerts, la com-
position des programmes, la date des assemblées
générales annuelles ou extraordinaires. Il nomme à
tous les emplois : sociétaires, aspirants, chefs de
pupitres et solistes; il décerne le titre de membre
honoraire — titre très envié — sans que l'assemblée
générale ait à intervenir.
Le comité se réunit au Conservatoire le mardi de
chaque semaine, à neuf heures précises du matin,
sans jamais se départir de cette exactitude qui est
un des éléments de la force et de la discipline de la
Société.
La salle de ses délibérations est située au second
étage, au-dessus de l'ancienne bibliothèque du Con-
servatoire. C'est un local exigu, sans aucun orne-
ment : une table, un piano et sur la cheminée un
buste en bronze de Beethoven, car le maître immor-
tel, depuis la fondation de la Société des Concerts,
préside partout à ses travaux. Il est le dieu toujours
présent et toujours glorifié.
En l'absence du directeur du Conservatoire, de
droit président de la Société, le comité est présidé
par le chef d'orchestre vice président, et, à son dé-
faut, par le doyen d'âge.
Les repétitions.
Les répétitions de la Société des Concerts onl lieu
deux fois par semaine, à neuf heures du malin, des
premiers jours de novembre à fin avril, époque à
laquelle la session se termine.
Le même programme étant donné deux dimanches
de suite (lre et 2e série), les deux répétitions qui pré-
cèdent la trc série sont générales, c'est-àt-dire que
l'orchestre et les chœurs procèdent à une exécution
d'ensemble. Néanmoins, lorsque le programme ne
comporte pasd'œuvres de longue haleine, réclamant
l'adjonction de l'élément choral, — le cas est assez
fréquent, — l'orchestre et les chœurs travaillent sé-
parément jusqu'à dix heures et demie environ, pour
se grouper ensuite.
Pour le deuxième concert (2° série), il n'y a qu'une
répétition générale, le samedi, veille de ce concert.
Celle du vendredi est employée à préparer les œu-
vres qui figureront sur un programme ultérieur.
Les répétitions, nous l'avons dit, commencent à
neuf heures précises et prennent fin à onze heures,
lorsqu'elles sont partielles, et vers onze heures et
demie ou midi lorsqu'elles sont générales.
L'orchestre répète toujours dans la salle du Con-
servatoire. Pour les répétitions partielles, les chœurs
répètent au Conservatoire également, dans la petite
salle du rez-de-chaussée, affectée aux cours d'opéra,
d'opéra-comique, de tragédie et de comédie.
A neuf heures sonnantes, l'appel des sociétaires et
aspirants est fait, pour l'orchestre, par le commis-
saire du personnel, pour les chœurs par un membre
du comité. Cet appel est suivi d'un contre-appel.
Tout sociétaire absent au premier appel est passible
d'une amende d'un quart de droit.
Les répétitions commencent aussitôt après l'appel-
A l'exception des répétitions générales du samedi,
les études se font rigoureusement à huis clos. C'est
de règle absolue. Seuls, le samedi, les élèves des
classes de composition, de contrepoint et d'orgue
sont admis.
Nous croyons être en droit d'affirmer que nulle
part ailleurs qu'à la Société des Concerts, une pre-
mière lecture n'est faite avec plus de correction, plus
d'ensemble, plus de nuances, plus de compréhension
immédiate du caractère de l'œuvre mise à l'élude.
Ces qualités ont, de tout temps, toujours profondé-
ment émerveillé les compositeurs et les artistes
étrangers qui ont eu l'occasion de les juger. A cetle
occasion, il y a lieu de faire remarquer que les
membres de l'orchestre sont tous des lauréats du
Conservatoire, où ils ont, de plus, suivi les classes
de solfège qui sont, par les résultats exceptionnels
qu'on obtient chaque année, un sujet d'étonnement
pour toutes les grandes écoles musicales de l'Eu-
rope.
11 serait injuste de ne pas faire ressortir également
la valeur des artistes des chœurs, qui, en dehors de
'a Société, sont pour la plupart des professeurs dont
l'enseignement est justement réputé.
Les répétitions des chœurs sont dirigées par un
artiste nommé lous les deux ans en assemblée géné-
rale. Cet arlisle porte le titre de : répétiteur des
chœurs.
Un accompagnateur lui est adjoint qui ne peut, en
aucun cas, devenir sociétaire ni bénéficier, par con-
séquent, d'aucune des prérogatives attribuées aux
membres exécutants.
Parmi les artistes qui ont occupé le poste de ré-
pétiteur du chant, citons MM. Théodore Dubois,
Heybebger, Paul Vidal, Samuel Mousseau, Schwartz,
Jean Gallon.
La génération actuelle semble avoir peu retenu
le nom de Heyberger. Mais tous ceux qui, comme
nous, ont eu le rare bonheur d'apprécier sa grande
maîtrise, gardent un souvenir ému de l'homme
exquis, du maître compétent et averti dont le dé-
vouement inlassable pour la Société des Concerts
restera comme un noble et pur exemple de haute et
filiale conscience artistique.
Les répétitions des chœurs offrent cette particula-
rité très intéressante et bien digne d'être mentionnée
que, à de très rares exceptions près, les œuvres
même les plus difficiles sont exécutées à première
vue avec les paroles et le plus souvent, toutes parties
réunies. C'est, du reste, cette grande supériorité des
chœurs qui permet à la Société des Concerts de met-
tre au point aussi rapidement qu'elle le fait, des
œuvres de longue haleine, telles que l'immense r<is-
sion selon saint Jean de J.-S. Bach, par exemple.
Ajoutons encore que, fréquemment, certains artis-
tes des chœurs étaient appelés à se produire comme
solistes, avant le régime actuellement en vigueur
pour l'emploi des chœurs.
Composition «lu comité actuel et tableau du
personnel (orchestre et chœurs) (1989).
Président, le directeur du Conservatoire. II. Rabatjd.
Vice-nrésident et chef d'orchestre Ph. Gaubbri
Secrétaire A. In lcol,
Commissaire du personnel P. Villain.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
Commissaire du matériel K. Epinoox.
Archiviste-caissier E. Deblatjw
Agent-comptable R- Delbos.
Commissaire de la publicité L. Skbbi t.
Membre adjoint A. Le Mbtai
Caisse d'allocations.
Secrétaire A. Seitz.
Trésorier... F- Loqtiin.
Agent comptable L. Bledzet,
(Ces trois artistes ne font pas partie du comité.)
Orchestre.
Artistes de l'orchestre.
,pe Gaubert.
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 3709
Chef d'orchestre : M.
l'rc
LCQCIN.
Besnier.
Candéi.a.
Debruille.
Tracol.
Si khi l.
DONY.
Hardy.
I.ESPINE.
Caeembat.
ElSELÉ.
LOVISOLO.
Besedetti.
CfirgrE.
.1. DUMONT.
GrBT.
Gaodichon.
Contrebasses
HÉROUARD.
Freciibville.
Ladocx.
Delacourcelle
Pickett.
A. Charom.
H. BOCCHER.
Leduc.
Brousse.
Labmée.
Clarinette-ba;
J. LOTERIl
Fr. Oubradous. Ferd. Ocbra
Basson et conlrcbasson :
GUILLOTEAU.
Cors :
M"0 Lautema
Orgue :
G. Jacob.
Chœurs (avant 1!>35).
Répétiteur du chant : M. Jean Gallon.
Pianiste-accompagnateur : M. Jean Verd.
Premiers dessus : Mme5 Drees-Brun, Paoletti, HénaolT,
Giovanetti, Cheyrat, Ddpiré, Barbaine, Durai», Clamée, No-
tick, bossakiewich.
Seconds dessus : Mmcs Lafléche, Tuiaozat, Delail, Goyon-
Dei.aspre, Ediat, Caldier, Ray, Laqkeap, Rkvei.-Gebmaix.
Premiers altos : Mmos Muriel, Nabçon, Boivent, I.. Caeiieb,
Monniot, Bréqeot.
Seconds altos : M""* Dodon, Nizet, Glauseb, Charpentier,
Bosio, Docreux, Roolleau, Camber, Cosset, Coquelet, Ro-
l'remiers ténors : MM. Luciani, Ci.audin. Mulot. Sdjol,
Bardtel, Fbéville, Toraili.e, Tramasset, Mai.lkt.
Seconds ténors : MM. Mille, Gelder. Rodhier, Labére,
Briileert, de Lacsnay. Aobéry, Gautier.
Premières basses : MM. Roqobs, Perrin, Boussagol, Ver-
naei.iie, Derivis. Manson, Vals, David, Bersard.
Secondes basses : Acbert, Narçon, Betbéder, Torniiï, Rose,
Besson, Dklmont, Marckisio, Clamer.
Ainsi qu'on l'a vu plus haut', depuis 1925, les
choristes sont supprimés par extinction. Ceux qui
subsistent s'adjoignent aux artistes du choeur mixte
de Paris pour les exécutions comportant une partie
chorale.
Les abonnés.
Depuis quelques années, la physionomie des habi-
tués de la Société des Concerts s'est sensiblement
modifiée. Nombre de vieux abonnés qui furent,
pour la plupart, les collaborateurs de la première
heure, ont disparu successivement en léguant à
leurs enfants, suivant une coutume constante, les
places qu'ils avaient si longtemps occupées avec une
fidélité dont on ne saurait se souvenir sans éprouver
une émotion très légitime.
Ceux-là étaient restés les admirateurs fervents,
irréductibles des vieux maîtres. Haydn, Mozart,
Mendelssohn et Beethoven étaient les dieux dont ils
voulaient réentendre toujours et quand même les
immortelles inspirations.
Nous les revoyons encore, têtes blanches, comme
emplies déjà de visions d'au delà, écoutant les yeux
clos, en un recueillement si profond qu'on eût pu
croire, à ces moments-là, qu'il se célébrait quelque
divin mystère. Malheur à l'imprudent qui eût, volon-
tairement ou non, troublé ou détourné l'attention,
ne fût-ce qu'en développant trop brusquement son
programme. Aussitôt, toules ces paupières closes se
soulevaient, et on foudroyait l'imprudent de regards
courroucés. Malheur aussi au comité qui s'avisait
d'introduire, même timidement, dans ses program-
mes une œuvre un peu plus hardie. Alors c'était une
pluie de réclamations qui lui parvenait, une avalan-
che de lettres, les unes empreintes d'un noble cour-
roux, les autres épigrammaliques.
Quel était donc l'imposteur qui avait osé franchir
1710
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
les portes du temple du dieu Beethoven, sans ôter
ses sandales?
Le public actuel n'a plus, il faut le constater avec
tristesse, ce recueillement qui donnait aux séances
de l'illustre Société un caractère tout particulière-
ment impressionnant.
Alors que, jadis, les concerts commençaient et se
terminaient au milieu d'un silence religieux, aujour-
d'hui, nombre d'abonnés prennent possession de
leurs places au milieu de l'exécution d'une sympho-
nie. C'est là une attitude vraiment déplorable, et
nous savons plus d'un vieux sociétaire, de ceux-là
qui restent, en leur profond attachement à l'illustre
compagnie, les gardiens vigilants et rigides de ses
traditions et de sa forte discipline, qui se montre
profondément attristé de ces mœurs nouvelles.
Nous ne saurions terminer cette étude sur la So-
ciété des Concerts sans nous incliner pieusement
devant la mémoire de ceux-là qui, après l'avoir ser-
vie dévotieusement comme une petite patrie, sont
entrés dans la gloire éternelle en défendant, à coups
d'héroïsme, cette grande patrie qu'est la France. Ces
vaillants avaient pour noms : Tramasset (chant) et
Leclercq (hautbois), sociétaires; Batlleux (cor),
Bineaux (clarinette), Girard (timbale, clavier), Jenk
(violon), Térisse (chant), aspirants. Leurs noms res-
teront écrits en caractères indélébiles au fronton de
cette grande institution qu'est la Société des Concerts
ihi Ocmservatfftre.
CONCERTS FONDÉS DEPUIS 1823
La plupart des entreprises musicales qui s'inspirè-
rent de la Société des Concerts n'eurent qu'une durée
trop éphémère pour que nous nous imposions d'en
retracer l'existence par le détail. Nous nous bornons
donc à mentionner les Concerts Historiques créés par
Fétis le 8 avril 1832, et qui disparurent après leur
4e séance, le 2 avril 1833; — le Gymnase musical
fondé par Tilmant aîné en 1854; l'Union musicale
due à l'initiative de Manera. Cette société, qui se
faisait entendre dans la salle du Casino Paganini, fut
dissoute en 1854. Félicien David, Berlioz et Seghers
la dirigèrent successivement. Mais, après ce rapide
souvenir donné à des initiatives qui, pour n'avoir pas
été des plus heureuses, n'en méritent pas moins la
reconnaissance de tous ceux qui, de génération en
génération, se sont donné la noble mission de révéler
à la foule le génie musical de tous les lemps, voici
qu'une belle et généreuse figure apparaît. Nous
avons nommé Jules Pasdeloup. Jules Pasdeloup eut
ce rare mérite de comprendre qu'à côté de l'art en
quelque sorte officiel personnifié par la Société des
Concerts, mais réservé, par lui-même, à trop peu
d'élus, il y avait une place très enviable pour une
institution pouvant ouvrir plus largement ses portes
et donner la volée aux chefs-d'œuvre jusqu'ici con-
finés dans la salle unique, mais malheureusement
trop exiguë, du Conservatoire.
Né à Paris le 15 septembre 1810, Pasdeloup (Jules-
Etienne i lit de brillantes études au Conservatoire.
Après avoir remporté un premier prix de solfège et
un premier prix de piano, il y fut, tour à tour, répé-
titeur d'une classe de solfège, professeur de clavier
et professeur agrégé de la classe d'ensemble vocal.
Mais ces fonctions ne suffisaient pas à satisfaire
sa généreuse ambition, son ardeur de prosélytisme,
son apostolat d'art. Convertissant son rêve en une
vibrante réalité, il fonda en 1851 la Société des jeunes
artistes du Conservatoire. Dès la première séance, qui
fut donnée au mois de février dans la salle Herz, il
eut la joie de constater qu'il était suivi et soutenu
par toute une élite de dilleltantes empressés à ap-
plaudir sa brillante phalange d'artistes, animée
d'une foi et d'une fougue toutes juvéniles.
Bientôt, la salle Herz ne suffisant plus à contenir
ce public attentif, Pasdeloup loua le Cirque d'Hiver,
et, dès ce jour, se trouvèrent créés ces Concerts popu-
laires de musique classique qui furent le point de
départ d'entreprises similaires, fondées depuis dans
la plupart des grande villes de France.
Le premier concert eut lieu le dimanche 27 octo-
bre 1861.
Les prix des places étaient fixés à 5 fr., 2 fr. 50,
1 fr. 2o et 0 fr. 75 centimes.
Le programme comportait :
1° Ouverture d'Obéron (Weber); 2° Symphonie Pas-
torale (Beethoven); 3° Concerto de violon (Mendels-
sohn), exécuté par Alard; -4° Hymne (Haydn); 5° Ou-
verture du Jeune Henri (MéiiulI.
Dès le premier concert, le succès fut décisif, et l'a-
venir de l'entreprise assuré.
A côté des grands classiques, Pasdeloup eut le
souci de réserver une place assez importante aux
compositeurs vivants, dont il contribua vaillamment
à établir la notoriété. C'est ainsi qu'après avoir
inscrit sur ses programmes les noms de J. Raff,
Rubinstein, Tsciiaïkowsky. Grieg, etc., il y introduisit
courageusement celui de Richard Wagner, témoi-
gnant par là d'un éclectisme qui n'alla pas sans
avoir à soutenir de rudes assauts contre ceux que le
nom du maitre allemand avaiL, encore à cette
époque-là, le don d'exaspérer.
Par sn noble et belle ardeur, par sa conviction
inébranlable, par sa foi artistique. Pasdeloup sut
forcer l'admiration. L'art musical français lui doit,
à ce titre, une place à part parmi ceux qui l'ont
le plus fidèlement servi.
Kn 1866, tout en continuant ses séances du Cirque
d'Hiver, il fonda une entreprise de concerts qui
eurent lieu trois fois par semaine, dans la salle de
l'Athénée, rue Scribe. Mais, malgré l'attrait des
programmes, où voisinaient, à côté des grands clas-
siques, les noms de maitres tels que Gounod, Masse-
net, Bizet, Lalo, etc., il dut renoncer à cette nouvelle
tentative, qui fut marquée, sans qu'on en puisse
déterminer exactement les causes, d'une certaine
froideur.
Enfin, en 1868, Pasdeloup prit la direction du
Théâtre Lyrique. Mais il ne fut pas plus heureux, car
il dut, moins de deux ans après, renoncer à cette
fonction.
Ce n'est pas sans tristesse qu'il nous faut mention-
ner que l'homme dont toute la vie, toute l'intelli-
gence, avaient été consacrées au triomphe crime
grande et noble idée, ne dut qu'à la généreuse ini-
tiative de Colonne et de Fauré, qui organisèrent un
concert à son profit, de ne pas terminer ses jours
dans le dénuement le plus complet.
11 mourut à Fontainebleau le 13 août 1887.
Association îles Concerts
Lamoureux (Charles) est. né à Bordeaux le 38 sep-
tembre 1834. Admis au Conservatoire en 1880, il y
obtint, en 1854, le premier prix de violon. Peu après,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS
il entra à l'orchestre de l'Opéra. Mais, ni ses nouvelles
fonctions ni les études qu'il poursuivait sous la di-
rection de Tolbecque, de Lerorne et de Chauvf.t,
pour l'harmonie, la fugue, le contrepoint et la haute
composition, ne suffisaient à satisfaire son infati-
gable activité et à lui imposer de rester dans le
rang, comme collaborateur anonyme de la pensée
des maîtres.
En effet, bientôt il se signala à l'attention du monde
musical en fondant une société de quatuors, et sur-
tout en organisant les célèbres auditions de l'Har-
monie S'acn^données au Cirque des Champ<-EI\ sées.
Il y fit entendre pour la première fois, en 1674 Bl
187:,, le Messie, Judas Macchabée, Lu Passion, ainsi
qu'un grand nombre d'œuvres nouvelles, notam-
ment : Eve de Massenet et Gallia de Gounod.
Nommé chef d'orchestre de l'Opéra-Gomique en
1875, il résigna ses fonctions en 1877 pour prendre le
bâton de chef d'orchestre de l'Opéra.
Ce fut en 1881 qu'il inaugura les concerts qui pri-
rent plus tard, en 1897. le titre définitif d'Association
des Concerts Lamoureux.
Jusque-là, toutes les manifestations musicales
qu'il organisa et qu'il dirigea furent donc dues exclu-
sivement à son initiative personnelle. Il convient de
rappeler, à ce sujet, qu'il fut le seul organisateur des
représentations de Lohengrin données en mai 1887
à l'Eden-Théàtre et de Tristan, en octobre 1899, au
Nouveau-Théâtre.
L'orchestre Lamoureux occupa successivement,
depuis 1881, date de son premier concert, les salles
suivantes :
Théâtre du Chàteau-d'Eau, du 23 octobre 1X81 au
3 avril 1885;
Eden-Théàtre, du 8 novembre 1885 au 8 avril 1887;
Cirque des Champs-Elysées, du 30 octobre 1887 au
16 avril 1897;
Même loeal (sous le titre définitif d'Association des
Concerts Lamoureua , du 14 novembre 1897 au 31 mars
1899;
Hetourau Chàteau-d'Eau, du 12 novembre 1899 au
•23 mars 1900;
Nouveau-Théâtre, 4 novembre 1900 au 13 avril 1900.
Parmi les auditions qui eurent le plus de reten-
tissement, il faut retenir l'inoubliable exécution du
premier acte de Tristan (théâtre du Chàteau-d'Eau,
1884), le premier acte de la Walkyrie (Théâtre de
l'Eden, 1886) et le premier acte deBriseïs de Charrier
(Cirque des Champs-Elysées, 1897).
Notons encore que Lamoureux fit connaître au
public parisien un grand nombre de compositeurs
qui ont conquis depuis une réputation universelle.
On lui doit d'avoir entendu pour la première fois,
M"1" Materna el Lilli Lehmann, ainsi que MM. Va-,
Dyck et Paderëwsky.
Lamoureux conduisit pour la dernière fois Tristan
le 16 décembre 1899, et son dernier concert le 17. Il
mourut quatre jours après.
Par son indomptable énergie, par son esprit d'ini-
tiative, par sa profonde connaissance de l'orchestre,
par son sens très sûr de la modernité, Lamouhfi x a.
plus que tout autre peut-être, ouvert libre et large
la voie dans laquelle la musique moderne s'est si
hardiment engagée. Ni les sarcasmes, ni les outrages
qu'on lui jeta à la face, ni les obstacles de toutes
sortes qu'on se plut à semer sur sa route, ne le dé-
tournèrent un seul instant du but qu'il eut la noble
ambition d'atteindre. El c'est bien à sa volonté irré-
ductible, à sa foi inébranlable, que la France doit
d'avoir compris, souvent malgré elle, toute l'immen-
sité de ce génie qui a laissé au monde l'oeuvre colos-
sal qui va de Rienzi a la Tétralogie. Nul mieux que
M. Camille Chevillard, son gendre, ne pouvait être
désigné pour recueillir la lourde tâche sous laquelle
Lamoureux ne faiblit pas un seul instant. Déjà, en
1897, Camille Chevillard avait suppléé Lamoureux,
alors que celui-ci, remplissant des engagements pris,
faisait une tournée triomphale à l'étranger. Tout de
suite, il s'avéra, par sa haute compréhension des
Ecoles et des styles, par son sang-froid, par la soli-
dité de son bras sûr et précis, comme un des pre-
miers chefs d'orchestre de notre époque.
Respectueux de la pensée de celui dont il recueillit
l'héritage, il continua, en l'élargissant encore, de
marcher dans la voie que Lamoureux avait ouverte.
Nous lui devons, notamment, d'avoir initié le public
parisien à une grande partie des œuvres de Liszt,
dont il a fait jouer la Faust-Symphonie pour la pre-
mière fois en 1900, le Rheingold, le 3e acte de Sieg-
fried, le 3" acte de Gotterdammerung , plus de cent
cinquante œuvres de compositeurs français, et enfin
de nous avoir, en quelque sorte, révélé le génie pro-
fondément musical et très personnel de l'Ecole Busse
moderne.
Cette courte étude consacrée aux Concerts Lamou-
reux ayant été écrite en 1914, quelques mois avant
la guerre, nous n'avions pas cru devoir l'élargir par
des notes biographiques consacrées à Camille Che-
villard. Elles s'imposent aujourd'hui, par suite de la
disparition de ce grand et pur artiste, survenue le
29 mai 1923. Ajoutons que, depuis 1920, il s'était
adjoint comme collaborateur, M. Paul Paray, grand
prix de Home et » chef d'orchestre de premier ordre »,
ainsi que Camille Chevillard avait tenu à le préciser,
dans une note qu'il avait bien voulu m'adresser quel-
ques mois avant sa mort.
Camille Chevillard était né à Paris le 14 octobre
1839. Tout contribua à l'heureux développement de
ses aptitudes musicales, son père, Alexandre Chevil-
lard, virtuose de premier ordre et professeur au
Conservatoire, s'étant institué le maître attentif de
cette jeune intelligence si richement douée pour
l'art. Au Conservatoire, Camille Chevillard fut, pour
le piano, un des plus remarquables élèves de Ma-
thias. Ses œuvres comprennent : Quintette pour cordes
et piano, Quatuor pour cordes et piano, Quatuor pour
cordes, Trio pour violon, violoncelle et piano, So-
nate pour piano et violon. Sonate pour piano et vio-
loncelle, et encore ditlV-renles œuvres pour piano et
violon, piano et violoncelle : Thèmes et vnridtions,
Etude chromatique pour piano, Ballade si/mphouique,
Le chêne et le roseau (poème symptamierué), Fantaisie
sijmphonique, auxquelles s'ajoutent nombre de mé-
lodies pour chant et piano.
Toutes ces œuvres portent la marque d'un tempé-
rament d'autant plus personnel, que Camille Chevil-
lard se forma absolument seul, échappant, ainsi,
à l'influence librement acceptée ou subie d'un maître.
Si Camille Chevillard fut un chef d'orchestre hors
de pair, il fut aussi « le chef » dans toute l'acception
du mot. Très absolu, il entendait, pour la plus grande
gloire de son art, que ses conseils fussent acceptés
sans réplique. Mais la sévérité avec laquelle il pré-
sidait aux répétitions était plus apparente que réelle.
Dès qu'il avait quitté le bâton, — nous allions écrire :
le sceptre, — il redevenait aussitôt l'artiste sensible
et généreux dont le cœur s'ouvrait largement à
toutes les infortunes. Nous nous faisons un pieux
'.NCYCLOPÊDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
devoir de rendre ce dernier homme
qui restera chère à tous ceux qui v
que l'art soit fait de probité et de
une mémoire
it, avant tout,
rite.
Association artistique «les Concerts Colonne.
La création des Concerts Colonne remonte au
2 mars 1873.
Voici en quels termes s'exprimait le distingué mu-
sicographe Charles Maluerbe, en une excellente no-
tice publiée au mois de mars 1903 :
« C'était en 1873. Un jeune éditeur nommé Georges
Hartmann avait, peu d'années auparavant, ouvert
sur le boulevard de la Madeleine un petit magasin
de musique qui ne devait pas tarder à s'agrandir et
à prospérer... Avide de formules nouvelles, ou plu-
tôt las de toute formule, il aspirait à marcher de l'a-
vant, et comme il possédait cette force mystérieuse,
faite de charme et d'autorité, qui attire et qui im-
pose, il avait promptement réussi à grouper autour
de lui presque tous, disons même tous les talents de
la jeune école.
« Un jour vint où il ne suffit plus à ce hardi no-
vateur de vendre du papier noirci de notes. Il vou-
lut produire au dehors, les œuvres que ce papier re-
présentait, donner la vie à ces notes, répandre enfin
dans la foule le nom de tant de jeunes compositeurs
qu'elle avait trop longtemps ignorés.
« Alors il loua, pour le dimanche, la salle de 10-
déon; il recruta nn orchestre dont il confia la direc-
tion à Edouard Colonne, et, bravement, plus riche
d'espoir que d'argent, il ouvrit, le 2 mars 1873, le
Concert national, en donnant une première matinée
d'orchestre.
« Telle est l'origine de l'Association artistique. »
Nous croyons intéressant de donner ici le pro-
gramme de ce premier concert :
PREMIERE ANNEE
1er concert national
DIMANCHE 2 MARS 1873
AVEC LE CONCOURS DE
Mm0 P. VIARDOT et de M. C. SAINT-SAENS
PROGKAMM E
1. Symphonie Romaine (Op. 90) MEXDELSSOHN.
2. Hêverie SCHUMANN.
3. Concerto, en sol mineur C. SAINT-SAENS.
Exécuté par l'auteur,
i. Jeux d'Enfants, petite suite d'orchestre G. BIZET.
A. Trompe/le et Tambour, marche.
B. La Poupée, berceuse.
C. La Toupie, impromptu.
1). Petit mari, petite femme, duo.
E. Le Bal, galop.
5. Le Roi des Aulnes, ballade F. SCHUBERT.
Chantée par !!■' P. Viardot.
Accompagnée par M. C. Saint-Saens.
6. Carnaval. — N° 4 de la suite d'orchestre E. GUIRAUB.
L'orchestre sera dirigé par M. E. Colonne.
Si cetle première tentative attira un public nom-
breux et enthousiaste, elle fut moins heureuse au
point de vue des recettes, la modicité du prix des
places ne permettant pas de couvrir les frais de l'en-
treprise. Colonne se vit contraint de cesser les ma-
nifestations du Concert national, après la sixième
audition.
Les compositeurs et les dilettantes eurent à le re-
gretter, car, en ce laps de temps si court, il avait fait
exécuter, notamment : la Fantaisie espagnole de
Lalo, les Scènes pittoresques et Marie Magdeleine
(lrc audition) de Massenet et Rédemption de César
Franck.
Mme Viardot et Saint-Saëns se firent entendre au
premier concert.
Mais Colonne, qui avait résigné ses fondions de
chef d'orchestre de l'Opéra pour se donner tout
entier au Concert national, n'était pas homme à
accepter ce premier échec sans faire appel à son
indomptable énergie. Son tempérament généreuse-
ment combatif, la conscience très nelte qu'il avait
de sa valeur, son désir de servir la cause des jeunes
compositeurs, l'incitèrent à poursuivre la lâche com-
mencée.
Un an après la disparition du Coniert national, i!
fondait l'Association artistique, qu'il installa au Chà-
telet et qui, d'année en année, de victoires en vic-
toires, est devenue cette magnifique institution sym-
phonique dont la renommée a conquis le monde.
Il est permis d'avancer que plus d'un compositeur
n'aurait pas connu la notoriété, s'il n'avait reçu ;i
l'Association artistique l'accueil le [dus large et le
plus empressé.
C'est faire acte de justice et de gratitude de saluer
ici la mémoire d'un homme qui servit avec un zèle
d'apôtre la cause de la musique française.
Colonne (Judas, dit Jules, puis Kdouard) est né à
Bordeaux le 23 juillet 1838.
Tout jeune, il entra au Conservatoire, où il eut
comme maîtres Cirard et Saizay pour le violon,
Elwart pour l'harmonie et Ambroise Thomas poul-
ie contrepoint. 11 obtenait, en 1858, le premier prix
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS 371
d'harmonie, el en 1863 le premier prix de violon.
Admis à l'orchestre de l'Opéra en qualité de pre-
mier violon, il fut désigné par la suite pour remplir
la fonction de chef d'orchestre, fonction qu'il aban-
donna en 1871, ainsi que nous l'avons mentionné
précédemment.
Malgré le labeur énorme que lui imposaient les
concerts dominicaux, Colonne reprit, de 1892 à 1893,
le bâton de chef d'orchestre de l'Opéra. Il y monta
Salammbô, Samson et Dalila et la Walkyrie.
En 1897, il instituait, au Nouveau Théâtre, les mati-
nées du jeudi. II y donna place sur ses programmes
aux chefs-d'œuvre de tous les temps et de toutes les
écoles.
Enfin, il fil encore une belle et productive propa-
gande en faveur de la musique française, en organi-
sant, avec son orchestre, de nombreux concerts dans
les grandes villes de France et de l'étranger.
Mais ce qu'il importe de retenir, c'est le culte tout
particulier qu'il avait voué à Berlioz, dont il imposa
le génie avec un courage et une ténacité qui reçu-
rent leur juste récompense. On sait que /•/ Damna-
tion de Fawt, remarquablement exécutée, rallie tou-
jours au Chàtelet, les admirateurs fervents du maître.
Colonne, qui, depuis 1909, s'était vu contraint, par
suite de son état de santé, d'abandonner le bâton, en
confiant l'intérimat à M. Gabriel Pierné, est mort le
lundi de Pâques, 26 mars 1910, à six heures du soir.
Depuis 1910, M. Gabriel Pierné préside aux desti-
nées de l'Association artistique. Continuateur respec-
tueux de la pensée d'Edouard Colonne, le maître,
dit une notice de MM. Charles Malherbe el Km chi i
parue en mars 1923, « se montre accueillant h tous
les talents qui lui semblent dignes du Chàtelet. On
peut dire, en vérité, que tous les musiciens notoires
y furent représentés, et non seulement ceux-là, mais
nombre de jeunes. »
Par là, ainsi qu'Edouard Colonne, M. Gabriel
Pierné a grandement mérité la reconnaissance de
Ions ceux qui aspirent à voir l'école musicale fran-
çaise conserver dans le inonde la réputation que
toutes les nations se plaisent à lui reconnaître.
L'Association artistique ou, plus exactement, l'As-
sociation artistique des Concerts Colonne, ainsi que le
mentionnent maintenant les affiches et les program-
mes, est, à l'exemple de la Société des concerts du
Conservatoire, régie par un comité composé de dix
membres dont le chef d'orchestre est de droit prési-
dent.
L'orchestre est ainsi composé :
Premiers violon? 20
Seconds violons 17
Altos 13
Violoncelles 12
l'."llllv|M-<r~ 16
Flûtes 4
Hautbois 3
i:l;iiilH'llcs 3
liaisons 4
Cors 4
Trompetle* . 5
Trombones i
Tubas 2
Batterie 5
Total 174~
Ajoutons enfin que, pour les concerts comportant
des œuvres chorales, l'Association artistique s'adjoint
environ cent dix chanteurs.
Nous ne saurions négliger de mentionner ici les
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concerts qui eurent lieu à l'Opéra, de 189o à 1897,
grâce à l'heureuse et intelligente initiative de ses
éminents directeurs, MM. Bertrand et Gailiiard.
Déjà, des tentatives, qui n'eurent malheureuse-
ment pas de lendemain, avaient été faites en 1869
par Emile Perrin, en 1870 par les artistes de l'Opéra,
et en 1880 par Vaucorbeil.
Avec MM. Bertrand et Gailhard, ces concerts ob-
tinrent tout de suite un grand succès. Le bâton de
chef d'orchestre, confié à MM. Paul Vidal et Georges
Marty, était une garantie de la supériorité des exé-
cutions. Disons encore que nombre d'auteurs furent
appelés à diriger leurs œuvres, ce qui, évidemment,
offrait un attrait de plus au public.
La place la plus large fut tout de suite attribuée
aux jeunes compositeurs, et c'est à M. Vincent d'Indy
que fut réservé l'honneur d'inaugurer le premier
concert, avec des fragments de Fer\ «ni.
Parmi les œuvres exécutées au cours de ces deux
années avec des fortunes diverses, il y a lieu de re-
tenir :
•3e Symphonie, de M. Widor; Saint Julien l'Hospi-
talier (fragments), de M. Camille Erlanger; le Duc
de Ferrure (fragments), de Georges Marty; la Nuit
de Voél, de Gabriel Pierné; VEnvoi de Rome, de
M. Henri Busser; Sainte Cécile, de-M. Charles Le-
i'ebvre; la Belle au bois dormant, de M. Georges Hle;
la Rapsodie cambodgienne, de Bourgault-Ducoudray;
qui fut, avec la Nuit de Noël de M. Gabriel Pierné, le
grand succès de la saison; le Requiem, de .M. Alfred
Bruneau; Saint Georges, de M. Paul Vidal; la Sym-
phonie,de M.Paul Duras; Vénus et Adonis, de M. Xa-
vier Leroux; Circé, de M. Théodore bruois; la Mer.
de Victorien Joncières; les Lupercales, de M. André
Wormser.
Mais, malgré la supériorité des exécutions, le pu-
blic se détourna peu à peu des concerts de l'Opéra,
et force fut de les supprimer dès la fin de 1897, afin
d'éviter un déficit qui menaçait de devenir, a-t-on
prétendu, une véritable catastrophe financière.
On ne s'explique guère autrement que par les di-
mensions de la salle de l'Opéra, trop vaste pour des
concerts purement symphoniques, les raisons de cet
abandon de la part d'un public qui s'était montré
très empressé au début. On ne saurait, en tout cas,
rendre responsables de cet état de choses ni les an-
ciens directeurs de l'Académie nationale, ni les chefs
d'orchestre, dont le talent fut toujours à la hauteur
.le la mission qui leur était confiée.
Rappelons encore les tentatives intéressantes fai-
tes par M. Edouard Broustet au Chàteau-d'Eau et
par Benjamin Godard au Cirque d'Hiver, et accor-
dons un souvenir reconnaissant à M. Eugène d'Har-
col'rt qui, sous le titre de Concerts éclectiques popu-
laires, donna, de 1902 à 1906, des séances fort inté-
ressantes et remarquablement dirigées.
Nous signalerons également la fondation, avant la
guerre, par M. Pierre Moxtei/x, de la Société des Con-
certs populaires de Paris (Concerts Montecx); cette
association produisit, au Casino de Paris, de remar-
quables œuvres nouvelles, notamment en 1914, où
l'on entendit, pour la première fois au concert, Pe-
trouchka et le Sacre du Printemps, d-.' Strawinsky.
Concerts Straram.
Les concerts organisés par M. Wallher Straram
commencèrent à fonctionner, en janvier 1926, salle
Gaveau, où ils continuèrent jusqu'au 19 mai 1927.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATO/RE
Depuis cette date, les Concerts Straram eurent lieu
dans la grande salle du théâtre des Champs-Elysées,
où, actuellement, ils participent au Cycle Wagner.
Au cours de ces concerts, M. Straram a abordé,
non seulement le répertoire classique, mais encore
le répertoire d'avant-garde. En môme temps, il fai-
sait entendre des œuvres peu connues ou délaissées
des xvm8 et xix6 siècles, dont plusieurs étaient écrites
pour orchestre de chambre. Le programme du pre
mier concert Straram, qui eut lieu le 21 janvier 1926
comportait : l'ouverture d'Iphigénie en Aulide, de
Gluck; la Symphonie en sol mineur, n" 40, de Mozart
l'Arche de Noé, de V. Rieti (lre audition); Images
(Mondes de printemps, Gigue, Iberia), de Cl. De
bussy. Le nombre des musiciens engagés pour ces
séances est, en principe, de quatre-vingts à quatre
vingt-cinq et quelquefois davantage, suivant l'im
portance des œuvres interprétées. Quelquefois aussi
il se restreint à vingt-cinq ou quarante, lorsqu'il s'a
git de compositions écrites pour orchestre réduit.
Depuis 1926, les Concerts Straram ont repris, à
côté des œuvres du répertoire classique, nombre de
compositions qui figuraient rarement sur les pro-
grammes ou qui, même, n'y figuraient pas. Citons
des pièces de Monteverdi, de Purcell, des concertos
de Vivaldi, de Bach (Concertos brandebourg eois),
d'HAENDEL, de Mozart, de Boccherini, des concerts
de Rameau; dans le domaine de la symphonie pro-
prement dite, M. Walther Straram a fait exécuter
nombre de compositions peu ou point jouées, sym-
phonies de Stamitz, d'HAYDN,de Mozart, de Schubert
(dont la symphonie n» 4), de Schumann (dont la sym-
phonie rhénane), de Liszt, de Brahms, etc. 11 a donné
aussi les ouvertures d'Idoménée, de Mozart; d'Eu-
phrosine, de Méhul; de Rosemonde, de Schubert; de
Geneviève, de Schomann, etc.
Parmi les auteurs appartenant aux jeunes écoles
contemporaines, nous insisterons surtout sur ceux
dont les œuvres parurent en première audition,
et nous citerons les noms de : MM. A. Roussel,
Ferroud, Hon'egger, Samazeuilh, Delvincourt, R.
Strauss, Roland Manuel, Ravel, Malipiero, Schœn-
BERG, A. DUCASSE, FI. ScHMITT, S. LAZZARI, GrOVLEZ,
liLOCH, G. MlGOT, MlHALOVICI, Hl.NDEJllTH, MANGUE,
Tansban, Casadesds, Rieti, Levidis, Beck, Koechlin,
Jarnach, Le Flem, Larman.iat, A. Casella, II. Bis-
ser, Benoist-Méchin, D. Lazaris, Lazar, J. Rivier,
Febvre-Longeray, Spelman, A. Webern, T. Harsanyi,
J. Rodrigo, de Palau, M. Dupré, Prokofieff, etc.
Orchestre syiuplionique de Paris.
L'Orchestre symphonique de Paris a été fondé en
mai 1928, par un groupe de personnes désireuses de
doter Paris d'un nouvel orchestre s'attachant à faire
connaître à la fois des ceuvres anciennes et des
compositions de musiciens modernes. Comportanl
un comité d'honneur, un comité de patronage et des
abonnés, cette association est administrée par un con-
seil que préside M. H. Monnet. Son comité de direc-
tion artistique comprenait à l'origine, trois chefs
d'orchestre : MM. Ernest Ansermet, Alfred Cortot et
Louis Fourestier. M. Pierre Monteux, qui avait été
sollicité de prendre la direction de VOrchestre sym-
phonique de Paris dès sa fondation, fut empêché de
se rendre à cette invitation en raison d'engagements
antérieurs, mais il a accepté de conduire l'orchestre
pendant la saison de printemps de 1929, le pro-
gramme de l'association comportant deux saisons
de concerts, une saison d'hiver et une saison de prin-
temps. MM. Anseumet et Fourestier ont assumé la
direction artistique, avec M. Alfred Cortot, de mai
1928 à mai 1929. M. Cortot, par suite de ses obliga-
tions pianisliques, ne pouvant, comme il le désirait,
consacrer tout son temps et toute son activité à sa
tâche de chef d'orchestre, a insisté auprès de M. Pierre
Monteux pour que celui-ci prit la direction de l'or-
chestre à partir d'avril 1929. Les séances ont lieu
actuellement dans la grande salle Pleyel, mais les
premiers concerts furent donnés dans la salle du
Théâtre des Champs-Elysées. Voici quel fut le pro-
gramme, divisé en deux parties, du concert d'inau-
guration (19 octobre 1928) de VOrchestre symphoni-
que de Pons :
Première partie : s,ms In direction île M. L. Foeresi-ier.
Ouverture de Honore, i»! Beei
1" Symphonie en In, op. 90 (italienne) Mendelssohn.
Variations siimphoniques pour piano et orchestre
(M. Co»Tor) G. Fl'.ANCK.
Concerto traniebourgeois a" S en fa J.-S. Bach.
(Cembalo conducteur, M. Cortot.)
li:n/i>f. moin emciil stiiiijihoniijnc ineilit A. Honneger.
(Sous la 'direction de SI. n lu >
Iberia, Images pour orchestre, n" :' Cl. Debussy.
(Sous la direction de M. G. Ansbrmkt.)
La caractéristique de ce nouvel orchestre consiste
dans le régime inauguré pour les répétitions; celles-ci
ont lieu, en effet, tous les matins, à raison de six
par semaine. On obtient, de la sorte, des exécutions
dont le fini et la mise au point sont irréprochables.
L'association comprend quatre-vingt-deux exécu-
tants, mais pas de choristes. Les concerts ont lieu
deux fois par mois et tous les dimanches, dans la
grande salle Pleyel. Divisée en deux parties, ainsi
que nous l'avons dit, la saison annuelle des concerts
s'étend d'octobre à mai. Nous signalerons particu-
lièrement, à l'actif de l'association, les deux remar-
quables concerts du gala Igor Sthawinsky donnés
aux Champs-Elysées les 16 et 17 novembre 1928, où
l'on entendit, en première audition à Paris, la Sym-
phonie op. 1 du maître russe, son Apollon Musagète,
son cimiii des bateliers su,- h- Volga, la première
suite de l'Oiseau de feu et une suite de Petrouchka, le
tout sous la direction de Strawinsky lui-même1.
A. VERNAELDE.
article, laissé inachevé par le regretté Verimkuh . •' e*
S par les soins de MM. A Tracol, Bret, Stri
n0Us prions de vouloir bien trouver ici l'expression de tous
.,-, iements. (N. D. L. D.)
L'ORPHÉON
Par Henri RADIGUER
ri. un nsi ur ai: conservatoib:-:
Le mot orphéon est devenu d'un usage courant
dans la langue française, au milieu du xi\" siècle,
pour désigner les sociétés chorales, alors exclusive-
ment composées de voix d'hommes, établies dans
un grand nombre de villes et de bourgs, pour l'é-
tude et la propagation du chant.
Par extension, le mot servit à former les locutions :
mouvement orphéonique, monde orphéonique, lors-
que, sous le second Empire, les progrés de l'édu-
cation et les progrès de la facture instrumentale sus-
citèrent lacréation'de très nombreuses sociétés popu-
laires d'orchestres formés, soit-d'instruments à venl
en cuivre (fanfares), soit d'instruments à vent en
bois el en cuivre (harmonies).
Jadis adopté avec ferveur, en France et hors de
France, le mot orphéon est aujourd'hui quelque peu
discrédité. Si un reste de fidélité traditionnelle le
maintient encore en honneur parmi les adeptes des
sociétés musicales populaires, il n'éveille que dé-
dain ou indill'érence parmi les artistes professionnels
et les dilettantes. La Ville de Paris elle-même, dont
une institution scolaire municipale fut l'origine de
la création du mot, l'a délaissé.
Cependant, on ne doit pas méconnaître à ce point
l'intérêt de celle partie de l'histoire musicale fran-
çaise, qui se résume dans le mot orphéon. A cette
période se rattachent la reconnaissance ofticielle de
la musique, comme matière d'enseignement obliga-
toire dans les programmes de l'éducation primaire,
secondaire, supérieure, et le premier essai, tenté avec
un succès complet, par un artiste musicien qualifié,
Wilhem, pour développer l'œuvre des maîtres musi-
ciens de la première République, et pour réaliser les
idées sociales des penseurs qui, comme les saint-
simoniens après les philosophes de la Révolution,
attribuaient une large influence à la culture musi-
cale dans les moyens d'assurer les progrès intellec-
tuels de la nation.
A la veille de 1830, dans un appel adressé aux ar-
tistes {Du passé et de l'avenir des Beaux-Arts, Bibl.
Nat. L. 190 d, n° 3), le disciple de Henri de Saint-
Simon, Barrault, proclamait :
« Un seul art garde un vrai pouvoir, c'est la mu-
sique. L'artiste le plus populaire de nos jours est
peut-être le musicien. Mais ce pouvoir, la musique
ne le doit pas à sa perfection tardive, résultat né-
cessaire de l'introduction de l'harmonie, élément
ignoré des anciens, qui s'y est élaboré; elle le doit
à sa nature même. A une époque où le symbole
extérieur sous lequel se formulaient les sentiments
et les besoins du cœur humain a péri, mais sans les
entraîner dans sa ruine, cette langue vague el m^-
térieuse, qui répond à toutes les âmes, et reçoil de
leur situation personnelle une traduction particulière,
doil être la seule langue commune entre tous les
hommes. Dans un tel état de choses, la poésie
tout entière est dans la musique, et les paroles de-
meurent légitimement suballernisées, jusqu'à ce que
la poésie, revêtant la précision, rétablisse un accord
puissant entre les vers et la musique; mais aujour-
d'hui, comme la lyre d'Ossian, elle évoque autour
de nous des nuages fantastiques que chacun peuple
et anime de ses regrets et de ses espérances. Aussi
['expression religieuse pure et solennelle que Haydn,
Mozart, Cherubini ont su lui donner, grâce à la
souplesse de ce merveilleux langage, est-elle une
sorte d'initiation aux pensées religieuses de l'ave-
nir... Lorsque, par des moyens scientifiques, par des
calculs rigoureux, nous annonçons qu'un nouveau
monde est là, vers lequel il faut enfin se diriger, au
lieu de louvoyer avec une éternelle timidité, les ar-
tistes n'ont-ils point de chants pour ranimer la lié-
deur, pour enflammer le courage, pour nous exci-
ter enfin à déployer toutes nos voiles, dans l'espoir
d'atteindre ce but glorieux.'., l'nis entre nous
comme les cordes harmonieuses d'une même lyre,
commençons dès aujourd'hui ces hymnes qu
répétés par la postérité. Désormais, les beaux-arts
sont le culte, et l'artiste est le prêtre. »
Quand ces paroles étaient dites, celui qui devait
créer V orphéon était en pleine maturité de talent,
d'action et d'expérience. Il allait atteindre cinquante
ans. Pendant son enfance, alors qu'il recevait les
leçons de GossEcet était le témoin des enthousiasmes
des grandes fêtes civiques, il avait appris des musi-
ciens eux-mêmes à réfléchir sur son art, el à en com-
prendre la portée éducative.
L'ancêtre Grétry écrivait alors, dans son ouvrage
De la Vérité (page 237i :
« On ne risque jamais rien d'entretenir la sensi-
bilité humaine, et la musique est celui de tous les
arts qui la provoque et l'alimente davantage.
<c En comparant les passions humaines aux sons
qui, entre eux, forment une harmonie, on trouve un
singulier rapprochement, qui faisait dire ligurément
à Platon el à Pythagore que l'univers physique et
moral était tout entier dans la musique.
« En effet, tous les musiciens savent qu'on ne
peut changer de ton ou de gamme sans tempérer
quelques sons; que toujours des quintes justes est
un excès harmonique; que tel son, sans nul tempé-
rament, vous conduit aux tons qui lui sont relatifs,
3711
ïXCt'CLOPÊDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
mais que si vous sautez à une gamme éloignée, le
même son a besoin d'être tempéré, pour y arriver
sans effort... Même jeu entre les passions des hom-
mes. Les passions violentes ont besoin d'êlre modé-
rées. C'est là le tempérament nécessaire pour que
l'harmonie sociale ne soit point détruite... »
Et à l'heure de la jeunesse, au moment de ses
vingt ans, Wilhem avait lu, comme beaucoup de ses
contemporains, car l'ouvrage est cilé dans beaucoup
d'écrits du temps, l'apologie de la musique, publiée
en trois plaquettes, parues en 1798, 1802, 1804, sous
un titre dont le souvenir devait s'imposer lorsque
viendrait le moment de donner un nom à l'œuvre
qui couronnait un long effort d'éducation musicale,
et d'application artistique. Il avait lu dans l'Esprit
d'Orphée (Bibl. Nat., R. 45, 380-82), du juge d'appel à
Nimes, Olivier :
« ... Orphée adoucit des peuples sauvages par le
charme de la musique et l'institution de cérémonies
religieuses; il leur dicta des lois qu'ils écoutèrent et
suivirent avec plaisir, excités parles sons musicaux.
Chez les peuples civilisés d'Europe, le sentiment
s'est presque éteint, et a été remplacé par l'esprit.
Aussi, les hommes lettrés se sont attachés seulement
à reconnaître l'esprit des lois, à l'exemple du célèbre
mais non infaillible Montesquieu... N'est-il donc pas
convenable qu'une meilleure philosophie nous con-
duise à étudier, au lieu de l'esprit des lois, l'esprit
de ces législateurs qui ont commandé au genre
humain par le sentiment? Il m'a paru surtout qu'on
ne devait pas négliger d'étudier l'esprit ^'Orphée
législateur... »
Le juge Olivier, dans son exaltation, allait même
jusqu'à vouloir substituer à l'étude du droit, celle
de la musique :
« ... Je crois avoir prouvé évidemment (de la Ré-
forme des lois civiles) qu'il n'y a eu aucune institu-
tion plus superllue chez les nations civilisées de
l'Europe, que les écoles de droit. Si je démontre
maintenant la singulière utilité dont seraient des
écoles publiques de musique, ne faut-il pas conclure
qu'il importe de substituer des écoles de musique
aux écoles de droit, pourvu toutefois qu'on achève
de rendre inutiles ces dernières, en nous délivrant
d'une jurisprudence si horriblement compliquée,
qu'elle semblait justifier leur établissement... »
En formant le mot orphéon, Wilhem ne se borna
donc pas à une évocation imprécise du poète musi-
cien de la légende. Dans ce mot, toute une doctrine
artistique et sociale était contenue.
L'acte officiel qui le nationalisa émane du minis-
tère de l'instruction publique. A la date du 11 dé-
cembre 1836, le ministre Guizot transmit au préfet
de la Seine un extrait du registre des délibérations
du Conseil royal de l'instruction publique donnant
le procès-verbal de la séance du 8 mars 1836, qui
approuvait, en ces termes, le règlement pour la
tenue de réunions de chant dites de l'Orphéon :
« Informé des bons résultats obtenus parles réu-
nions de chant dites de l'Orphéon, fondées et diri-
gées gratuitement depuis 32 mois (en octobre 1833)
par M. B. Wilhem. directeur inspecteur de rensei-
gnement du chant dans les écoles communales de
Paris;
» Considérant que l'enseignement du chant a été
prescrit par la loi (1833-183:;) et introduit par la
Ville dans toutes les écoles;
a Qu'il a pour effet d'adoucir les mœurs, de faci-
liter l'instruction scolastique, de développer les deux
organes de l'ouïe et de la parole, de créer de nou-
velles branches d'industrie au profit des classes
laborieuses, d'alléger pour elles la fatigue de leurs
travaux, de leur ménager un noble plaisir à la place
d'amusements trop souvent grossiers et ruineux;
« Considérant que les exercices pratiqués dans les
réunions de l'Orphéon, et consistant principalement
en chants d'ensemble, sont le complément naturel
de l'enseignement du chant, tel qu'il est pratiqué
dans les écoles, d'après la méthode de M B. Wilhem,
et le meilleur moyen de faire produire à cet ensei-
gnement tous les avantages qu'on s'en promet;
« Qu'aussi il importe de soumettre ces réunions à
un règlement général qui permette aux élèves les
plus avancés du chant de s'y rendre des différents
quartiers, et qui, en sanctionnant les règles établies
jusqu'ici par M. B. Wilhem dans ces lieux d'as-
semblée, continue d'y faire régner le bon ordre :
« Arrête ce qui suit :
« Article premier. — Les réunions de l'Orphéon
sont ou partielles ou générales.
« Art. 2. — Les réunions partielles ont lieu une
fois par mois dans l'après-midi le jeudi...
« Art. 3. — Les réunions générales ont lieu tous
les trois mois dans l'après-midi, le dernier dimanche
des mois de janvier, avril, juillet et octobre...
« Art. 4. — Ne seront admissibles aux réunions de
l'Orphéon que :
« 1° Les élèves du chant signalés comme sujets stu-
dieux et de bonne conduite...
(i 2° Les anciens élèves autorisés par le directeur
général du chant...
« Art. 9. — Les dames, anciennes élèves, auto-
risées à suivre les réunions, entrent dans la salle au
fur et à mesure qu'elles arrivent...
•' Les jeunes garçons attendent dans le préau
l'heure d'entrée...
« Les adultes hommes, élèves actuels ou anciens,
prennent place sur les bancs du fond à droite ou à
gauche, de manière à laisser un intervalle entre eux
et les jeunes garçons d'un côté, et les jeunes tilles
et les dames de l'autre...
« Art. 9. — Le chant commence à six heures et
demie, et cesse à huit heures un quart...
« Le conseiller, vice-président : Villeinain.
« Le conseiller secrétaire: V. Cousin. »
Si retentissant devait être le succès de l'œuvre de
Wilhem, que le mot Orphéon allait prendre une exten-
sion considérable, et survivre à l'effort initial, peu à
peu diminué, puis délaissé.
En retraçant la vie et l'œuvre de Wilhem, nous
tenterons de faire revivre un glorieux passé dont la
vertu d'exemple n'est pas épuisée.
Puis, nous compléterons ces documents de notre
histoire musicale qui touche à l'orphéon, en retra-
çant la vie et l'œuvre du créateur de nos orchestres
populaires d'harmonie et de fanfare, Adolphe Sax,
dont l'œuvre devait commencer à l'h >ure OÙ Wilhem
encore jeune mourait.
Lue fatalité funeste empêcha ces deux apôtres de
se connaître, de collaborer, et peut-être d'allier leur
zèle et leur enthousiasme, pour le plus grand bien de
la cause orphéonique, dont ils auraient su préserver
l'harmonieuse unité.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LORPHÉON 3717
LA VIE ET L'ŒUVRE DE B. WILHEM, CREATEUR DE
L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE DU CHANT EN FRANCE,
ET FONDATEUR DE « L'ORPHÉON ».
On ne se souvient guère aujourd'hui du vaillant
musicien qui a « naturalisé » en France l'enseigne-
ment populaire du cliant et créé l'orphéon. Il s'ap-
pelait Guillaume-Louis Bocouillon, et fit du premier
de ces prénoms, Guillaume, son nom de musicien Wjl-
hem1, qu'il dut prendre pour ménager les susceptibi-
lités d'un père opposé avec entêtement à ses goûts
artistiques. On ne se souvient guère aujourd'hui non
plus de Sarrette, dont l'énergie très active créa le
Conservatoire de musique. Ainsi, les deux hommes
à qui nous devons l'effort le plus efficace qui ait
été tenté en France, et qui ait réussi, pour l'éduca-
tion musicale des artistes et du peuple, sont victimes
de la même insouciance, et leur mémoire est égale-
ment dédaignée.
Cette ingratitude envers eux apparaît moins extra-
ordinaire quand on constate ce qui subsiste de leur
œuvre, édifiée avec la conviction de l'utilité sociale
de la musique, continuée par des successeurs de plus
en plus étrangers à cette haute préoccupation.
Et puisqu'ils furent les serviteurs de la même idée,
aujourd'hui méconnue, il est naturel que cette ingra-
titude les atteigne aujourd'hui, tous les deux.
Si, au temps de la première République, Sarrette
arrivait à grouper autour de lui les maîtres de la
musique et à les associer aux tentatives qui abouti-
rent à la création du Conservatoire, c'est parce qu'il
savait la musique nécessaire à la célébration des
fêtes nationales, et l'éducation de nombreux élèves
indispensable à l'organisation de son utile enseigne-
ment dans le pays tout entier. Si, vingt ans plus
tard, Wilhem réussit à introduire la musique dans
le programme de nos écoles, c'est parce qu'il sut
mettre en évidence la haute vertu moralisatrice de
cet art, par lequel tous les enfants d'une même fille
peuvent être unis pour collaborer à la même œuvre.
Or, après eux, les musiciens héritiers de leur effort
ne se sont souciés que de résultats purement artis-
tiques, et ils ont été encouragés à rester dans ces
bornes étroites. Aujourd'hui, il suffit que le Conser-
vatoire donne l'instruction gratuite à des artistes qui
se disputeront les bonnes places de la capilale, et
que le programme d'enseignement de nos écoles
laisse une petite place à la musique. Peu à peu,
l'élite intellectuelle s'est désintéressée de l'art mu-
sical, et des mémoires comme celles de Sarrette
et de Wilhem, que la nation entière aurait dû pieu-
sement conserver, ont été abandonnées à la recon-
naissance des seuls musiciens qui, indifférents au
rôle social de leur art, ont oublié les apôtres de la
musique mise au service du progrès.
Wiluem, en effet, ne compte pas beaucoup plus
que Sarrette, comme musicien. Il fut trop absorbé
par l'action, pour avoir eu le temps de composer
beaucoup. En dehors de ses ouvrages d'éducation,
dont on ne se sert plus, les quelques œuvres musi-
cales qu'il a laissées ne le distinguent pas assez de
Sarrette, qui n'écrivit jamais une seule note de
musique. Tous deux, venus de la carrière militaire à
la carrière artistique, ont marqué leur place dans
l'histoire musicale par le résultat fécond de leur
action. Lorsque notre musique sera redevenue agis-
sante, pleine justice leur viendra.
On songera alors à recueillir le précieux ensei-
gnement de leur vie.
Celle de Wilhem reste un bel exemple d'énergie et
de dévouement. Né à Paris, le 18 décembre 1781,
Wilhem passa ses premières années dans le ]calme
d'une maison de commerce de parfumerie. Lorsque
éclata la Révolution, son père se fit militaire et par-
vint rapidement à un grade élevé. En 1793, il était
chef de bataillon. Envoyé à l'armée du Nord, il vou-
lut que son fils l'y suivit.
WiLHi-.ua laissé/sous le titre de : Souvenirs puérils
de mes deux années de campagne à l'armée du Nord,
de 1793 à 1795, un curieux récit de cette période
de son enfance. Par les extraits qui suivent, on voira
qu'il fut de bonne heure arraché aux douceurs du
foyer familial, et que déjà la musique lui était un
réconfort :
« ... De onze à treize ans, je fus à l'armée du Nord,
fort ignorant et suivante pied ou à cheval mou père,
qui me jeta un peu tôt dans la carrière des braves,
où, selon l'instinct de mon ;ige,il m'arriva de me dis-
tinguer en exposant ma vie dans les vergers des
ennemis de la République...
« ... A DunUerque, pour me façonner à n'être pas
douillet, le commandant, mon père, qui logeait en
ville, m'envoyait coucher au camp sur une botte de
paille éparpillée dans un coin de sa tente : un sac à
farine me servait de draps, comme aux soldats; j'y
entrais debout, je me le montais jusqu'au col et, dé-
crivant avec ma tète un arc de V.\ degrés, je me
jetais à la volée sur ce coucher, où je dormais d'un
bon et insouciant sommeil d'enfant, si différent du
sommeil tourmenté des artistes...
« Il parait que j'avais là mes entrées au théâtre,
car j'allais souvent voir Paul et Virginie ou Lodoiska,
opéras nouveaux, dont je répétais avec succès tous
les airs au corps de garde. Lodoiska, dans sa tour,
me touchait beaucoup, mais j'étais fou de Virginie,
et je me serais jeté à la nage pour elle, sans trop
m'inquiéter de sauver Paul.
« A Vpres ou à Fumes, passant en tirailleur à
rase-mur, cinq ou six balles m'auraient cloué là si
j'avais été plus grand. A I.utphcu, en Hollande, après
une marche forcée, endormi et bien bordé dans une
ornière, j'allais être réveillé en sursaut par la pre-
mière roue d'un fourgon, lorsque le conducteur me
sauva la vie en me jetant au loin à la volée.
« Etant à Amiens, au commencement de ma pre-
mière campagne, mon père fut injustement jeté en
prison. J'allai demander au représentant du peuple,
Duquesnoy, la permission de voir mon père; l'excel-
lent législateur me répondit brièvement : « Si tu en-
« 1res, tu ne sortiras pas. » Alors j'entrai. Toutefois
les geôliers, plus humains que le représentant, me
laissaient sortir de temps à autre pour rendre ser-
vice à mon père et à ses malheureux compagnons
d'infortune...
« Peu de temps après, le commandant fut rendu
à son bataillon, et moi aux quatre ou cinq « bataves»
dont j'étais le caporal et qui m'obéissaient de con-
fiance, par bon naturel... »
Envoyant son fils supporter aussi vaillamment la
vie des camps, le père de Wilhem décida qu'il em-
brasserait la carrière militaire.
En 1795, un décret de la Convention avait créé
une école spéciale pour les fils d'officiers. Installée
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
d'abord dans l'Oise, à Lianeonrt, puis à Compiègne,
elle devait être transférée à Saint-Cyr avant de deve-
nir le Prytanée de la Flèche, qui nous est resté.
Wilhem, destiné par son père à l'armée, y fut
admis dès la fondation. Il avait alors treize ans.
Lui-même a raconté, en quelques pages écrites
quarante ans plus tard pour les enfants des écoles
communales, les principaux épisodes de son séjour
à cette école. Par ce récit, intitulé l'Elève de Lian-
court, nous savons quelle éducation virile fortifia
sa volonté, et comment lui vint le goût de la mu-
sique :
<■ Au temps de la République, on transféra, de
Paris dans le château dévasté de Lianeonrt, les
élevés du chevalier Paulet, venus de la caserne de
Popincourt, et ceux de Léonard Bourdon (les enfants
de la patrie), venus de l'abbaye Saint-Martin; on
leur adjoignit les élèves d'une école militaire insti-
tuée dans le village même par le duc de La Roche-
foulcauld (l'un des vénérables fondateurs des caisses
d'épargne actuelles); et, sous la direction du docte et
très excellent Pierre Crouzet, ce nouvel établisse-
ment prit le nom d'Ecole nationale de Liancourt, poul-
ies fils d'officiers, défenseurs de la patrie. A ce titre,
j'y fus admis le surlendemain de l'installation, an
mois de thermidor an III Ijuillet I70:.i.
« Là, au nombre d'environ trois cents, élevés et
entretenus aux frais de la République, nous man-
quions à peu près de tout. Je me souviens qu'en une
certaine année, couverts de vestes assez légères, nous
étions presque tous sans bas et sans souliers au mois
de nivôse (janvier); alors, nous n'avions pas de pain
non plus et, chaque jour, on envoyait quelques-uns
de nous sur la route de Paris pour voir s'il n'arri-
vait pas de farine...
« ... Un grain de musique vint frapper au front
l'un de ces petits, puis un autre grain lui tomba sur
le cœur...
«Le père Guette, tambour des vétérans, était un
homme prodigieux; il enseignait la clarinette, le
basson, la grosse caisse, le cor, les cymbales et la
Irompette; il jouait du violon, de l'alto, de la basse,
de tout enfin, excepté de la flûte. Une musique mi-
litaire fut donc assez promptement organisée; et un
de nos camarades, qui avait été enfant de chœur,
ayant une fort jolie voix, on nous fit entendre un
hymne composé pour nous par notre directeur
chéri, et mise en musique par le célèbre Gossr.c.
« Tout à coup, à l'audition de ce chef-d'œuvre d'ex-
pression touchante et de simplicité, le grain île mu-
sique pousse un premier germe chez le prédestiné»
et il demande à s'instruire. « Impossible, » dit le père
Guette; « le temps et les instruments me manquent;
« prends pointant cette petite flûte, prends cette
« méthode de Devienne, va, et souffle. » L'enfant lut et
souffla le jour pendant les récréations, et la nuit
pendant le sommeil un peu dur de ses camarades.
Bientôt, son pipeau domina tous les autres dans les
marches et au Temple de la Raison (à l'église).
« Cependant, le nouvel adepte se mit à composer :
il notait les chants d'après les sons de sa flûte, et il
écrivait les accompagnements, d'après ses remarques
sur Devienne et Gossec; mais cela ne sonnait pas
toujours aussi bien que dans les modèles. Pourquoi?
A qui le demander? Il fouilla la belle bibliothèque
échappée par miracle au vandalisme, et puisa dans
les livres de l'école de Rameau des principes qu'il dut
abandonner ensuite pour ceux des écoles d'Alle-
magne el d'Italie.
« Sur ces entrefaites, Ginguené, littérateur fort dis"
lingué el Von musicien, vint à Liancourt pour ins-
pecter l'école; on exécuta devant lui je ne sais quelle
ébauche décomposition musicale à plusieurs parties,
et il conseilla d'adresser l'apprenti compositeur à
Gossec, pour le consulter sur l'avenir...
« Deux jours après, l'élève de Liancourt, l'âme
bondissante, se mit en route à quatre heures du ma-
tin, ayant environ cinq francs dans sa poche, pour
faire à pied et d'une seule traite les quatorze lieues
du trajet. A moitié chemin, vers Champlàtreux, un
pauvre, assis près de la haie, s'écria : « La charité,
s'il vous plait, mon bon jeune citoyen, je prierai
pour vous! — Tenez, brave homme, et voilà cinq
sousipriez Dieu que je sois reçu au Conservatoire de
musique, et je vous donnerai trois francs en repas-
sant après-demain. » Le pauvre eut ses trois francs,
car l'enfant avait été accueilli comme un fils par
Gossec... »
C'est en 1799, quatre ans après son entrée à Lian-
court, que Wilhem fut envoyé vers Gossec, sur le con-
seil de Gimguenk, qui s'était vivement intéressé à
l'audition du chœur avec accompagnement de clari-
nettes, flûtes, cors, trompettes, bassons et caisse,
Aux armes, vaillante jeunesse, écrit, à l'occasion de
l'assassinat des plénipotentiaires de Rastadt, par le
musicien de dix-sept ans, devenu compositeur sans
autre maître que lui-même.
Le directeur de l'école, Crouzet, n'avait jamais rien
fait pour combattre l'instinct artistique d'un jeune
homme estimé par tous comme « un modèle d'appli-
cation, de sagesse et de bonté »; il s'empressa de
faciliter la démarche de Wiluem par une lettre enthou-
siaste, présentant à Gossec son élève, << déjà recom-
mandable par d'excellentes qualités et par sis pro-
grès dans les sciences, ayant pris un goût tout par-
ticulier pour la musique, et parvenu, sans conseils
et sans guide, à composer des morceaux qui, tout
défectueux qu'ils peuvent être, annoncent une voca-
tion expresse et peut-être l'ascendant irrésistible du
génie ». Puis, après l'heureux résultat de la visite, il
avait triomphalement| écrit au père, alors comman-
dant de la citadelle de Perpignan : « J'ai envoyé
votre lils à Paris au célèbre Gossec, qui l'a très
bien reçu, lui a dit qu'il l'adoptait pour son élève,
qu'il lui ferait passer ses leçons régulièrement à
Liancourt... »
Crouzet n'eut pas de compliments. Le père de
Wilhem voulait que son fils fût un militaire glorieux,
et la musique lui semblait un prétexte à escapades
artistiques inutiles et dangereuses. Mais Crouzet
était un éducateur clairvoyant; il continua à s'inté-
resser aux travaux de musique que Wilhem faisait à
Liancourt et que Gossec lui retournait annotés.
Même, il deviul son collaborateur en écrivant les
paroles du Départ des conscrits de l'un VIII, mis en
musique par Wilhem, et chanté par ses camarades.
Lorsque, en 1900, l'institution fut transférée à
Compiègne, Wilhem avait gagné le grade de capi-
taine dans l'organisation militaire de l'école. Cela
ne le détourna pas de la musique. Il écrivit plusieurs
œuvres, entre autres un Hymne pastoral, dont les
poèmes lui étaient fournis par un camarade que le
goût de la littérature avait gagne, et qui, lui aussi,
devait sacrifier l'armée à l'art, le futur poète Antier.
Avec l'appui de Crouzet, Wilhem obtint, en 1801,
un congé et une pension annuelle de 000 francs du
ministère de l'intérieur, pour [venir suivre à Paris
les cours du Conservatoire. Soutenu par un zèle infa
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHEON 371
tigable et l'ardeur de la vingtième année, il fut élève
dans une classe de solfège et une classe de piano, en
même temps qu'il développait son talent de flûtiste,
étudiait le chant et travaillait la composition avec
Gossec, Méhul et Peune, qui, un peu plus âgé que
lui et déjà très érudit, le guidait avec un dévoue-
ment fraternel. Les progrès de Wilhem étaient rapi-
des, et il songeait à se lancer dans la carrière artis-
tique sans plus tarder, quand, brusquement, son rêve
s'écroula. La pension dont il avait joui pendant un
an lui fui retirée, el il lut appelé à Perpignan par
son père, qui, toujours ennemi de la musique, n'était
peut-être pas étranger au retrait de la pension.
Pendant six mois, Wilhem fut condamné à entendre
maudire la musique et les musiciens, puis il fut au-
torisé à venir retrouver ses camarades de Liancourt
et de Gompiègne, maintenant installés à Saint-Cyr.
Crouzel était toujours leur directeur. Il lit de Wilhem
un répétiteur de mathématiques et de grammaire,
et ne s'étonna pas de voir bientôt reparaître son ins-
tinct de musicien.
Trois mois après son arrivée au prvtanée de
'Saint-Cyr, à l'occasion de la distribution des prix
de l'année 180l', que présidait Rœderer, un hymne
de Gossec fut exéculé par un chœur d'élèves sous la
direction du répétiteur de mathématiques et de
grammaire. Wilhem avait réuni lous ceux qui avaient
quelques notions musicales, et avait préparé cette
surprise au ministre. Elle fut très goûtée, et eut pour
résultat d'obtenir à Wilhem la mission officielle de
donner, dans leprylanée, des leçons surl'art musical.
Désormais, il allait pouvoir s'adonner librement
à l'étude assidue et quotidienne de la musique,
achever son éducation artistique et acquérir de l'ex-
périence en professant. Pendant quatre années, il
vécut ainsi à Saint-Cyr, menant auprès de Crou/.et
une existence laborieuse et calme, vouée toute entière
à la musique. Il composa des œuvres de circons-
tance, dont Crouzet fit les poèmes. L'une de ces
œuvres, composée en 1804 et dédiée à Gossec,
Hymne guerrier, sur la descente en Angleterre,
obtint à Saint-Cyr un succès si retentissant qu'on
l'exécuta peu après à Paris, à l'Opéra, puis au
théâtre de Versailles, au lycée de Limoges et jus-
qu'à Perpignan, où tout le monde ne méprisait pas
la musique autant que le commandant de la cita-
delle, toujours inflexible dans son désir de carrière
militaire pour son fils, et plutôt irrité que content
de l'heureux résultat de son effort artistique.
C'est à ce moment, où un peu de gloire venait à
son nom, que Wilhem dut prendre son pseudonyme
pour signer l'œuvre dont on lui demandait la publi-
cation. Bien désormais ne pouvait plus l'arracher
à l'art. S'il ressentit vivement la douleur d'être in-
compris par les siens, il ne se laissa plus détourner
de sa route, et dans une lettre émouvante adressée
en 1806 à ses parents, il affirma sa décision irrévo-
cable :
« ... Je vois avec de la peine, mes chers parents,
que vous ne vous habituez pas à ne voir dans votre
fils qu'un artiste. Il est bien douloureux pour moi de
penser que mon père rougit de son fils. Le sort en
est jeté cependant, et il est plus que probable qu'ar-
rivé à vingt-cinq ans où j'en suis, je ne changerai
plus guère de direction, ou ce serait vouloir me
perdre, parce qu'il est trop tard pour prendre un
autre parti. Les états, je crois, ne sont que ce qu'on
les fait; tel grand est méprisé et tel artiste est
honoré.
« Je ne désire rien tant que de vous voir revenir
sur mon compte et de ne pas vous savoir les seuls,
peut-être, qui, malgré votre cœur, cherchiez à me
rendre plus petit que je ne le suis ...
Quelques semaines plus tard, sa grand'mère, puis
son père mouraient. Lorsqu'il revint de Perpignan,
il apprit la décision qui transférait le prvtanée de
Saint-Cyr à la Flèche. Il donna alors sa démission,
pour ne pas s'éloigner de Paris, et, à la fin de l'an-
née 1806, il vint s'y installer.
Libre de se fixer à Paris et d'y être musicien, Wil
hem ne se laissa pas entraîner à n'attendre les res-
sources nécessaires à sou existence que de la pra-
tique de son art. Il savait le succès difficile, et était
trop consciencieux pour vouloir le demander à l'in-
trigue, ou pour compromettre son talent dans la
production d'œuvres indignes.
Aussi, des qu'il fut installé avec sa mère dans la
capitale, il se préoccupa de rechercher un emploi.
Ce fut dans les bureaux de la commission chargée
delà rédaction du grand ouvrage publié sur l'Egypte
qu'il le trouva. Il y cumul l'érudit musicographe
Vn.LOTEAf, qu'on avait envoyé étudier l'art musical
égyptien, et qui l'initia aux résultats de ses très
curieuses recherches historiques; puis, il se lia avec
le directeur des travaux de la commission, Jomard,
dont l'autorité devait plus tard soutenir ardemment
son effort pédagogique.
Un moment, Wilhem songea à se produire au
théâtre. Pendant son séjour au prytanée de Saint-
Cyr, il avait ébauché quelques essais de musique
dramatique, et, pour triompher sur la scène, il ne
lui restait qu'à se fortifier par l'expérience. Mais
bientôt, sans même avoir tente une épreuve, il fut
pour toujours détourné du théâtre.
Il avait retrouvé à Paris son meilleur camarade
de l'Ecole nationale de Liancourt, II. Antier, devenu
poète. Par lui, il connu Parny et Béranger. Immé-
diatement, il devint 1.- musicien favori de ces
membres les plus fameux du Caveau, et d'autres
moins célèbres, comme Ch. Malo, Derosoy.
Le temps qu'il pouvait consacrer à la composition
fut réservé aux romances et chansons de ses amis.
De Parny, il mit en musique plusieurs romances, dont
l'une, Angéliae, devint une mélodie populaire. Tout
le monde chanta aussi celles dont il écrivit l'air sur
des vers de B. Antier : l'Adieu de ma bien-année,
Amour, Silence el surtout le Retour île Barcelone,
en l'honneur du docteur Bally qui, vaillamment,
était allé en Espagne au moment de l'épidémie de
fièvre jaune pour étudier le remède au fléau.
Avec Béranger, sa collaboration fut très active. Le
poète avait l'habitude de composer ses chansons sur
des airs qui chantaient dans sa mémoire, et lorsque
Wilhem jugeait mal adapté aux vers le timbre choisi,
il écrivait un air nouveau. Parmi les chansons dont
il composa la musique, on connaît les Adieux de
Charles VII, dont la mélodie fut accaparée par tous
les orgues à cylindre, qui ne s'appelaient pas encore
orgues de barbarie, parce qu'on était indulgent à
la nouveauté de leur invention, les Adieux de Marie
Stuart, Parny n'est plus, Beaucoup d'amour, le Bren-
nus, Si j'étais petit oiseau, duo de soprano et ténor,
le Bonheur, la Bonne Vieille. En outre, l'air de la
romance composée par Wilhem sur des vers de
Parny, Angêline, devint celui de trois chansons : le
Suicide, le Tailleur et la Fée, Adieu chansons.
Pour se graver dans la mémoire les airs de Wil-
hem, Béranger, qui ignorait tout de la musique,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
devait faire de grands efforts. Mais la musique
ainsi apprise lui devenait précieuse; il aimait à la
redire, et, parfois, c'est elle qu'il entendait lors-
qu'il songeait à de nouvelles chansons. L'air de
Wilhem écrit pour la Bonne Vieille lui servit pour la
Lettre à Sophie et l'Alchimiste.
Cette collaboration devait créer entre le poète et
le musicien des liens d'affection fraternelle qui ne
s'affirmèrent pas seulement dans la spirituelle chan-
son du Célibataire, inspirée à Béranger par le ma-
riage de Wilhem :
lui c-'li!i:il fidèle appui,
Je vois avec colère
I. 'Amour essuyer aujourd'hui
Les larmes de son père.
Grâce, talents, vertus
Ont droit à mille tributs ;
Mais un célibataire
Ne peut chanter des nœuds si dous
On n'aura rien a faire
Chez de pareils époux !
Un jour devait venir où la gloire influente de Bé-
ranger allait permettre à Wilhem d'accomplir sa
destinée.
En même temps qu'il donnait ses loisirs à la
composition, Wilhem professait. Non seulement, il
ajoutait ainsi à ses ressources, mais il se préparait à
l'accomplissement de sa mission future. Il enseigna
la flûte et publia une édition améliorée de la mé-
thode de Devienne; puis il enseigna le piano au
lycée Napoléon, le chant dans une pension de jeunes
filles, dirigée par une de ses parentes, Mme Dela-
porte, et l'harmonie à de nombreux élèves. Peu à
peu, la passion de l'enseignement le gagna; ses re-
cherches, pour simplifier l'étude de la musique et la
mettre à la portée de tous, commencèrent.
Bientôt, il dut renoncer à être employé en même
temps que musicien. En 1812, après y avoir été
attaché pendant six années, il abandonna le bureau
dirigé par Jomard, qui ne se sépara pas de Wilhem
sans regrets, car son activité était précieuse. Evo-
quant plus tard le temps lointain de cette collabora-
tion, Jomard la rappelait ainsi :
« Il composait comme s'il n'avait pas eu d'autre
affaire, et il s'occupait des écritures du bureau
comme s'il avait été étranger à la musique; on eût
dit deux hommes en un seul. »
Les débats dp l'enseignement scolaire
de la musique en France.
Lorsque Wilhem le quitta, le moment n'était plus
éloigné où tout son dévouement et toute son énergie
allaient être nécessaires à un effort unique : la natu-
ralisation du chant en France.
Dès les premiers temps de la fondation du Conser-
vatoire, Sarrette et ses collaborateurs avaient sou-
mis au gouvernement un projet d'organisation
d'écoles de musique dans les départements. Ils sa-
vaient l'adoption de ce projet nécessaire pour assu-
rer la régénération complète de l'art musical en
France et développer l'éducation artistique de la
nation; mais le Directoire, le Consulat, l'Empire
passèrent sans avoir soutenu leur effort.
Quand vint la Restauration, on les chassa de
l'institution qu'ils avaient créée, et le Conservatoire,
devenu Ecole royale de musique, n'eut plus d'autre
but que d'assurer aux théâtres et concerts de la
capitale, amusement favori de l'aristocratie, les ar-
tistes nécessaires à la scène et à l'orchestre. Il ne s'y
trouva plus personne pour se soucier de l'éducation
populaire. Désormais, l'oeuvre de Sarrette et de
Gossec était compromise.
Elle fut reprise par Wilhem.
Pendant son court ministère, du 20 mars au
22 juin 1815, Carnot, jadis organisateur de la vic-
toire, avait appliqué toute son activité aux questions
intéressant l'instruction élémentaire. Il s'était par-
ticulièrement intéressé aux travaux pédagogiques du
musicien Alexandre Choron, Méthode d'instruction
primaire pour apprendre à lire et à écrire; et, tout
naturellement, ses relations avec l'artiste l'avaient
conduit à ne pas considérer la musique comme un
accessoire indifférent de l'éducation. Après sa chute,
le mouvement en faveur de l'instruction élémen-
taire ne tomba pas. Son œuvre de progrès inspira
des dévouements, qui se groupèrent dans la « Société
pour l'instruction élémentaire ». L'un des membres
les plus actifs, Jomard, ancien directeur du bureau
où Wilhem avait été employé, alla étudier en Angle-
terre le fonctionnement des écoles qu'on appelait
« écoles sans maîtres », et il en revint avec la convie-'
tion, bientôt partagée par tous ses collègues, que,
dans les circonstances actuelles, aucun mode d'édu-
cation n'était préférable à celui dont il avait cons-
taté les féconds résultats. La Société ouvrit alors des
écoles d'enseignement mutuel, où fut adopté le
mode d'éducation qui permet à un seul maître,
secondé par des moniteurs, d'instruire une foule
d'élèves; qui remplace les livres coûteux par des
tableaux dont l'usage est commun; qui réunit dans
une même salle des enfants ne sachant rien et sa-
chant déjà quelque chose; et qui fait servir à l'édu-
cation des plus jeunes l'instruction acquise par les
plus âgés. L'enseignement mutuel devait triompher
en France jusqu'au jour où il y eut assez de profes-
seurs, assez de locaux, et assez de ressources pour
adopter une autre méthode pédagogique.
La Société pour l'instruction élémentaire avait
trouvé dans la méthode du musicien Choron pour
apprendre à lire et à écrire la base de l'enseignement
adopté. Et comme elle avait recueilli toutes les
préoccupationsde Carnot, elle n'hésita pas longtemps
à ajouter la musique au programme des études.
C'est le 23 juin 1819, que la Société, après avoir
entendu un rapport du baron de Gérando, conseiller
d'Etat, décida que l'enseignement élémentaire du
chant serait donné dans ses écoles. On a de plus
en plus oublié les arguments invoqués ce jour-là
pour déterminer le succès de la proposition, qui
allait donner à la musique droit de cité à l'école.
Ces paroles du baron de Gérando, prononcées en
1819, ont conservé toute leur force convaincante :
« ... S'il est reconnu qu'on peut enseigner à lire
et à écrire sans faire de tous les enfants des savants
et des gens de lettres, on concevra qu'il soit possi-
ble de laisser exercer les enfants au chant et à la
musique sans en faire pour cela des artistes et des
virtuoses...
« Sans remonter au souvenir de la Grèce, à la
puissance qu'exerçait la musique chez les anciens,
je me borne à indiquer des faits actuels el fami-
liers. La musique qui, aux yeux de quelques-uns,
n'est que le délassement du riche, est un utile auxi-
liaire pour les efforts d'une vie laborieuse; non seu-
lement, elle soutient et délasse, mais elle règle les
mouvements en les rendant plus harmonieux, elle
les rend plus faciles. Il est un grand nombre d'arts
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
L'ORPHÉON
dans lesquels les mouvements de l'ouvrier ont
besoin d'une grande régularité; dans les arts, ils
sont d'autant moins fatigants qu'ils sont mieux ca-
dencés. Vous avez sagement introduit dans les éco-
les le dessin linéaire, comme un exercice utile pour
donner de la précision à l'œil et à la main. Ne
serait-il pas permis de penser qu'un peu de chant
en serait le complément naturel et concourrait au
même but'?...
« L'harmonie est une sorte de lien entre l'ordre
moral et la vie animale. Elle est un langage qui
enseigne les sentiments doux et bienveillants; elle
porte la sérénité dans l'esprit; elle accoutume à
goù ter tout ce qui est ordonné ; ainsi l'arrangement,
la propreté, l'économie semblent en quelque sorte
marcher à sa suile... »
Au moment où la Société pour l'instruction élé-
mentaire décidait de mettre la musique au pro-
gramme de ses écoles, une méthode propre à l'en-
seignement mutuel n'existait pas encore. Wilhem,
tenu à l'écart par son caractère très modeste, obte-
nait, avec ses élèves du Lycée Henri IV, l'ancien lycée
Napoléon, et de diverses institutions, des résultats
extraordinaires dont il ne songeait pas à tirer vanité.
Les méthodes sur lesquelles leurs inventeurs, Gabriel
Nézot, Massimino, Galix, cherchaient à attirer l'at-
tention, ne répondaient pas aux nécessités. Tout le
monde s'intéressait à l'Ecole normale de musique
où Choron, après avoir dirigé pendant dix-sept mois
l'Opéra, mettait en pratique une Méthode concertante
de musique à quatre parties, destinée « au perfec-
tionnement du chant national par l'enseignement
universel de la musique élémentaire, à la propaga-
tion du chant choral, à l'instruction de jeunes pro-
fesseurs ». Mais lui-même avait déclaré sa méthode
inapplicable à l'enseignement mutuel, et même
condamné la pratique de ce système ponr la musi-
que. Cette opinion du musicien, auteur de laméthode
adoptée pour apprendre à lire et à écrire dans les
écoles d'enseignement mutuel, ne devait pas cepen-
dant empêcher les membres de la Société pour l'ins-
truction élémentaire de faire aboutir la proposition
qu'ils avaient adoptée.
Rencontrant Béranger, quelque temps après le
2S juin 1819, le baron de Gérando lui avait annoncé
la décision d'introduire le chant dans les écoles de
la Société, et parlé de la difficulté d'adapter la
musique à l'enseignement mutuel.
« J'ai votre homme, avait répondu immédiatement
Béranger : c'est Wilhem. »
Intimement lié avec le musicien, qui n'était pas
seulement le collaborateur de ses chansons, mais
le fidèle compagnon de sa vie, son partenaire pré-
féré, avec B. Antier, dans les comédies de société,
où il trouvait un passe-temps favori, Béranger
n'ignorait rien des aptitudes de Wilhem et de ses
travaux. Il le savait venu à la musique comme
Choron et Galin, après s'être longtemps appliqué
aux mathématiques, poussé comme eux vers l'ensei-
gnement par l'instinct, et, en outre, mieux préparé
que personne à résoudre le problème de l'éduca-
tion musicale mutuelle, parce que lui-même, à
l'Ecole nationale de Liancourt, avait été élevé sui-
vant une méthode empruntée au chevalier Paulet,
presque analogue à celle usitée dans les écoles sans
maîtres. D'ailleurs, les obligations de l'enseigne-
ment de la musique pratiqué à Saint-Cyr, puis à
Paris, avaient suscité ses recherches, et Béranger
connaissait quelques-uns de ses procédés d'éduca-
tion, étonnants par leur simplicité et leur clarté.
Il s'empressa d'informer Wilhem de ce qu'on
attendait de lui. Le lendemain même, après une
nuit de réflexion, Wilhfm affirmait la certitude du
succès, et jetait sur le papier le plan de la méthode
qui allait réussir à naturaliser le chant en France.
La n naturalisation » <ln chant en France
par la méthode Wilhem.
Les quelques semaines écoulées entre le 23 juin
elle 17 août 1810 ont vu naître une tentative dont
personne alors ne pouvait soupçonner l'énorme
influence.
Le 23 juin, la Société pour l'instruction élémen-
taire avait accueilli la proposition, formulée parle
baron de Gérando, d'introduire le chant au pro-
gramme d'enseignement mutuel. Wilhem, désigné
par Béranger, répondait par une adhésion immé-
diate à la demande qui lui était faite de créer l'en-
seignement populaire de la musique, suivant le
mode d'éducation mutuelle. Il soumettait à Jomard,
secrétaire de la Société, le résultat de ses premières
réflexions, acceptait de se soumettre a une expé-
rience, réunissait une quarantaine d'élèves chez un
instituteur de file Saint-Louis, M. de La Haye, et
convoquait, le 12 août, les principaux membres de
la Société pour l'instruction élémentaire à venir le
juger.
Le 17 août, Jomard, dans un rapport présenté au
conseil d'administration de la Société, constatait
que « les conditions de l'enseignement mutuel et de
l'arrangement spécial des études étaient remplies
par le plan de M. B. Wilhem »; et il invitait le con-
seil à faire des essais dans l'une des écoles de la
Société, puis à engager le préfet de la Seine à intro-
duire le chant dans les écoles élémentaires entrete-
nues aux frais de la Ville de Paris.
L'adoption des conclusions du rapporteur devait
donner à Wilhem l'occasion de révéler complètement
son génie pédagogique et d'exercer l'apostolat pour
lequel il était né, en créant à la fois l'enseignement
scolaire du chant, qui mettait l'étude de la musique
à la portée de tous, et les manifestations chorales
populaires, qui faisaient du peuple le collaborateur
des artistes.
Si cet enseignement scolaire du chant et ces ma-
nifestations chorales populaires, qui, à l'origine,
servirent puisamment le progrès de la musique
française, ne sont plus aujourd'hui un appui pour
l'art, les musiciens n'ont pas à le reprocher à d'au-
tres qu'à eux-mêmes. Jamais ils n'auraient dû en
venir à l'ignorance dédaigneuse où ils sont de Wilhem
et de son œuvre.
Il a fallu plus de quinze années de labeur opiniâ-
tre et d'abnégation a Wilhem pour édifier son admi-
rable système d'éducation, et pour mettre au point
le Manuel de lecture musicale et de chant élémentaire,
qui résume la méthode, dont les étonnants résul-
tats ont émerveillé l'Europe entière et, comme on
l'a dit, « naturalisé » le chant en France.
Les nécecessités de l'enseignement mutuel : rem-
placement des livres par des tableaux, éducation
simultanée de différentes classes d'élèves, usage de
signes manuels, emploi de moniteurs, etc., l'obligè-
rent à résoudre des difficultés proclamées insur-
montables par des pédagogues contemporains aussi
informés que Choro.n. On le vit assis, des journées
entières, sur les bancs des écoles, se pénétrant de
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tout ce qui constitue les procédés île ce mode d'édu-
cation, observant, notant, et concevant peu à peu
des moyens simples et ingénieux d'arriver à l'intel-
ligence en frappant les yeux. Mais ce n'est pas à cet
effort, devenu moins utile depuis l'abandon de l'en-
seignement mutuel, que se borne son œuvre.
Lui-même, publiant le Guide de sa méthode, a
montré qu'elle offrait « pour tous les modes d'ensei-
gnement une suite de leçons graduées avec soin,
pour la lecture musicale, le chant élémentaire,
l'exécution vocale ». Et, en effet, ses procédés de
l'escalier i ocal, pour rendre sensible à la vue les cinq
tons et les deux demi-tons de la gamme; des signes
manuels, pour rappeler par des gestes distincts la
place fixe des deux demi-tons dans la gamme; de la
main chromatique, où les cinq doigts correspondent
à la portée, pour rendre facile lia lecture de la
musique et fixer par la mémoire locale les diverses
intonations; de Yindicateiir vocal, pour expliquer
avec clarté et promptitude ce qui est relatif à la
constitution des tons et des modes, sont restés les
plus ingénieux moyens d'éducation musicale, comme
les solfèges et chants de la méthode, composés pour
l'étude de chaque intervalle, et qui se combinent à
deux, trois et quatre parties, demeurent la prépa-
ration la plus efficace à la musique chorale.
Procédés pédagogiques de la méthode Wilhem1.
Les principaux procédés pédagogiques de l'ensei-
gnement créé par Wilhem ont donné lieu à des figu-
res dont plusieurs sont reproduites dans la présente
Encyclopédie.; nous renvoyons le lecteur à ces fi-
gures :
L'échelle diatonique, pour figurer la division de la
gamme en o tons et 2 demi-tons ; les échelons I, IV, V,
désignés en chiffres romains pour marquer les notes
tonales (voir page 3637);
La main, dout les cinq doigts assimilés aux cinq
lignes de la portée étaient touchés par les élèves au
début des études, en même temps que les notes
ainsi localisées étaient solfiées;
La portée générale de onze lignes, donnant l'étendue
des voix humaines, génératrice de différentes clefs
attribuées aux diverses voix, et établissant le rapport
entre elles des clefs de sol, d'ut et de fa;
L'indicateur vocal, composé d'une portée avec
lignes supplémentaires, divisée en trois comparti-
ments : pour les notes naturelles au milieu, poul-
ies mites diésées à droite, pour les notes bémolisées
à gauche, suivant la disposition adoptée pour les
doigts de la main (voir page 3038).
Chaque ligne de la portée de l'indicateur recevait,
dans les trous pratiqués à cet effet, des chevilles
désignées suivant les indications reproduites au bas
de la ligure. — A l'aide de ces chevilles, on pouvait
analyser les divers intervalles majeurs, mineurs, ele;
composer les différentes gammes dont les armures
apparaissaient ainsi avec une clarté qui forçait
l'attention des élèves les plus étourdis; enfin rendre
« sensible a la vue, appréciable à l'esprit, facilement
transmissible du maître aux élèves, et des élèves
mêmes à leur entourage, l'enseignement de ce qui
est relatif à la constitution des tons et des modes, à
la transposition, etc. »
Cependant, ce ne sont pas les seules raisons que
les musiciens aient de se souvenir.
de chant chora/, Palais t
Personne avant Wilhem n'avait songé à formuler
de divisions rationnelles de l'enseignement musi-
cal, en les rapportant aux trois degrés d'instruction
de l'étude des langues: la lecture, exécution vocale
ou instrumentale des signes; la grammaire, cons-
truction mélodique et harmonique de la phrase,
règles de la succession logique des accords; la rhé-
torique, applications de la science harmonique aux
éludes du contrepoint el de la fugue, composition.
Dans un temps où les questions d'éducation préoc-
cupaient l'élite, c'était rendre la musique sympa-
thique, même à ceux qui n'en ressentaient pas les
effets, que d'assimiler son enseignement à celui des
autres études, et de l'organiser suivant les habitudes
scolaires.
Au moment où la décision était prise de mettre la
musique au programme de l'éducation élémentaire,
des réformateurs animés de bonnes intentions pro-
posèrent, souvent avec éclat, de simplifier la pra-
tique de l'art musical. Les uns, comme Câlin, subs-
tituaient aux notes des chiffres, d'autres présen-
taient des signes nouveaux, déclaraient nécessaire
la suppression radicale des clefs, ou prétendaient
n'user que de notes naturelles, sans recourir aux
dièses et aux bémols. Wilhem sauvegarda l'avenir
en restant fidèle à la notation usuelle, «langue de
tant de cbefs-d'œuvre, dont la transcription générale
est impossible », et en prouvant, par les résultats
de sa méthode, que les difficultés de la lecture musi-
cale résultaient « bien plus de la mauvaise classifi-
cation des matières que de la défectuosité originelle
des signes ».
En outre, guidé par son instinct de musicien-né,
Wilhem avait compris que toutes les tentatives faites
contre la notation musicale usuelle allaient contre
l'évolution progressive de l'art musical, dont l'écri-
ture universellement adoptée, et peu à peu fixée de-
puis le moyen âge, a rendu possible une traduction
clairement figurative des combinaisons de sonorités
mélodiques ou harmoniques, et de rythmes, les plus
variées.
Le plan d'enseignement musical adopté par Wilhem
pouvait seul préparer le succès définitif, car il sut
faire servir la musique au but général de l'éducation,
en composant les chants de la méthode sur des poèmes
de Morel de Vmdé, qui étaient des leçons de morale ;
et il voulut que ses élèves apprissent en même temps
à connaître la musique et à l'aimer, en ne renfer-
mant pas la méthode dans les limites établies ordi-
nairement entre les leçons de solfège et les leçons
de chant, en appliquant, dès le début de l'instruction,
les préceptes fondamentaux d'une bonne exécution
vocale, de façon que les plus simples morceaux pro-
duisissent sur les auditeurs « l'effet d'une lecture dont
les élèves comprennent le sens, et non pas celui d'un
assemblage de mots débités sans intelligence ».
Enfin, adonné tout entier à l'idée de populariser la
musique, de la naturaliser en France, par l'introduc-
tion du chant élémentaire dans les écoles, Wilhem
n'eut pendant vingt-trois ans, de 181'J à 1842, pas
d'autre but ni d'autre pensée. Les multiples étapes
qu'il franchit avant de parvenir au triomphe absolu
marquent autant de victoires pour la cause dont il
s'était fait l'apôtre.
Au mois d'octobre 1819, après l'adoption du rap-
port lu par Jomard à la Société pour l'instruction
élémentaire sur la première tentative, Wilhem ouvre
un cours dans l'école de la rue Saint-Jean-de-l» mv.iw.
dépendant de la Société, pour un nouvel essai de sa
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LORPHEON 3723
méthode. Le 29 mars 1820, une commission formée
du baron de Gérando, de Jomard, Maine de Biran,
Lasteyrie, Francœur, Le Bœuf, Morel, rend compte
à la Société de cet essai.
Pendant (ont un mois, la maladie avait forcé Wil-
hem d'interrompre ses leçons. Cependant, les com-
missaires constatent avoir vu :
« Les enTants du peuple, qui étaient dans l'ignorance
la plus complète des principes de l'art musical,
écrire sous la dictée des phrases musicales simples,
les chanter en chœur et servir à leur tour de guides
et de soutiens aux voix de la classe entière, après
deux à trois mois de travail pendant quatre à cinq
heures par semaine. »
Ce résultai décide la Société à adopter la méthode
Wilhem pour l'enseignement de la musique dans les
écoles mutuelles. Wilhem reçoit un traitement de
1.500 francs à l'effet de continuer ses soins et en
reconnaissance de ses services.
La même année, le ministre de l'intérieur et le
préfet de la Seine visitent l'école où Wilhem enseigne,
et c'est un enfant de dix ans, Joseph Hubert, son
meilleur élève, qui dirige l'exécution.
Choron se hâte de reconnaître qu'il s'est trompé
en déclarant l'enseignement de la musique impos-
sible dans l'éducation mutuelle. Pour couronner
cette première étape, Wilhem est accusé de plagiat
par des professeurs auteurs de méthodes rivales. Il
sedéfend dans un article publié par le Journal d'é lu-
cation de 1820, où il confesse sa seule ambition :
(( être compté parmi ceux dont le zèle aura contri-
bué à amener l'époque désirée de la naturalisation
de la musique en France »...
En 1821, la Société pour l'instruction élémentaire
lui décerne une médaille d'argent. La première édi-
tion de la mélhode en tableaux parait. Wilhem en
prépare immédiatement une autre et, pendant dix
années, ne cesse de la remanier pour la rendre plus
parfaite. Tout son temps est pris par la composition
des exercices de sa méthode, par l'enseignement dans
les écoles, dont le nombre s'accroît toujours, par des
travaux d'érudition comme la notice sur les recher-
ches historiques de Perne, qui paraît dans le Diction-
naire des Découvertes, par une édition de sa méthode
•sous une forme nouvelle : Douze Leçons hebdoma-
daires de musique vocale, que lui demande le consis-
toire de l'Eglise réformée pour un cours à l'usage de
jeunes élèves et adultes, et qui sera plus tard adoptée
parle Gymnase musical militaire.
A partir de 1826, il dirige les études dans dix
écoles, et son élève Joseph Hi'isert est appelé à le
seconder. Les distributions de prix sont pour lui
une occasion de mettre la musique à l'honneur : ses
élèves se réunissent pour y chanter des chœurs. Des
cours du soir sont fondés pour les adultes. L'effort
de chaque année rend plus fortes les sympathies
acquises et en suscite de nouvelles. Il suût de voir
une fois Wilhem pour èlre attiré à lui par sa bonté,
par son enthousiasme, par la foi qui le soutient :
« l'espoir d'un noble succès, conscience et persévé-
rance pour le mériter ». On admire sa vaillance.
Personne ne songe à sourire de ses bizarreries, dont
Trélat, dans la Revue du Progrès de 1842 rapporte cet
exemple : « Pendant de longues années, il eut l'ha-
bitude de donner des leçons avant le jour en hiver,
et pour ne point perdre entièrement le temps qu'il
employait à courir, il s'était fait construire une
petite lampe suspendue à son chapeau et qui l'ai-
dait à lire en marchant... »
En 1835, la victoire tant cherchée lui vient. Dans la
séance du 6 mars, Boulay de la Meurthe présente au
conseil municipal de Paris un rapport demandant
l'organisation de l'enseignement du chant dans
toutes les écoles primaires, et proposant de confier
la direction de ce nouveau service à celui qui en
démontra l'utilité et la rendit possible. 11 conclut
par l'affirmation que le traitement annuel de
G. 000 francs, fixé par la commission spéciale en
faveur de Wilhem, est le payement d'une dette na-
tionale :
« ... Apres plus de quinze ans de travaux difficiles
et continus, M. Wilhem a amené la méthode qui
porte son nom à ce point de perfection qu'elle est
préférée à toutes les autres, même à celles usitées
en Allemagne, et qu'elle a été adoptée par l'Univer-
sité pour toutes les écoles normales primaire?. lia
compris qu'il importait à la cause du chant qu'il fût
enseigné dans le véritable espnt de sa méthode à
Paris, d'où ses élèves le propageront ensuite en tous
lieux. Il a ainsi sacrifié à un modeste enseignement
populaire sa vie, sa fortune, et nous allions presque
dire sa gloire, celle que lui promettait son génie
appliqué à des travaux d'un autre ordre, si la gloire
ne devait être aussi la récompense des bienfaits de
l'humanité. M. Wilhem aura doté son pays d'un
nouveau penchant, d'un eoùt général pour un art
utile et agréable. Son nom restera éternellement
attache à l'œuvre du chant populaire, au souvenir
d'une grande amélioration dans l'éducation natio-
nale. C'est cet homme de bien, si laborieux, sidésin-
téressé, si plein de dévouement et de modestie, doué
d'un talent si élevé, envers lequel il convient que
Paris acquitte aujourd'hui une dette contractée par
Paris et par la France... »
Désormais, la gloire est venue à Wilhem. 11 a été
fait chevalier de la Légion d'honneur, et bientôt,
triomphant auprès de l'Etat comme il a triomphé
auprès de la Ville de Paris, il voit sa méthode
approuvée par l'Institut, par l'Université, et l'ensei-
gnement du chant inscrit aux programmes univer-
sitaires. A son titre de directeur-inspecteur général
de l'enseignement du chant dans les écoles de la
ville de Paris, s'ajoute celui de délégué général pour
l'inspection de l'enseignement universitaire duchanL
Cependant, son activité ne faiblit pas : il surveille
par lui-même le travail accompli dans soixante-
quinze écoles, et il se prépare de nouveaux devoirs.
Depuis quinze ans qu'il sème, il veut récolter. Alors
naît l'Orphéon, floraison du chant « naturalisé » en
Fiance.
Le mot etla chose sont restés.
La création «!«■ « l'Orphéon ».
Moi-t de Wilheui.
Dès le début de son œuvre, Wilhem se préoccupa
d'assigner un but pratique aux études scolaires du
chant. De 1820 à 1833, dans chacune des écoles où
l'enseignement était donné par sa méthode, on en-
tendit des chœurs d'enfants, aux jours solennels.
Pour la premiè/e fois, en 1833, au mois d'octobre,
il réunit à l'école du passage Pecquel les meilleurs
élèves des onze écoles où il professait alors, et il
décida ensuite de renouveler cet essai tous les mois.
A celte occasion, il avait fait paraître la première
livraison d'un recueil périodique de musique vocale
sans accompagnement, correspondant à ceux édités
depuis longtemps en Allemagne, en Suisse, en Hol-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
3724
lande, mais dont il n'y avait pas encore d'exemple
en France. Cette publication eut pour litre : l'Orphéon.
Elle devait comprendre près de trois cents chœurs,
en huit volumes.
Les inconvénients d'une organisation qui obligeait
à un trop long trajet certains enfants étant apparus
à Wilhem, il groupa les élèves d'arrondissements
voisins, et les réunit tour à tour, chaque mois, un
jeudi après-midi, dans les écoles les plus centrales.
Bientôt, on prit l'habitude d'appeler orphéonistes les
élèves d'élite qui participaient à ces réunions, et
orphéon l'ensemble de ces élèves. Après un an, en
1831-, Wilhem put écrire, dans une lettre adressée
au conseiller municipal Boulay de laMeurthe: « Ces
exercices fournissent le spécimen d'un noble chant
populaire, sans luxe et sans trivialité. Que ce pre-
mier essai, pur produit de la méthode, devienne le
germe fécond de mille et mille concerts aux cent
voix! »
Par cette innovation, Wilhem assurait à son effort
les sympathies unanimes de la Ville et de l'Etat.
Lorsqu'il eut adjoint aux voix des enfants celles des
hommes et des femmes, formés aux cours du soir
pour adultes, que son fervent disciple Joseph Hubert
avait ouverts en février 1835, il ne lui resta plus
aucune preuve à fournir de l'excellence de sa mé-
thode et de l'utilité de l'enseignement scolaire du
chant. Le premier résultat fut sa nomination de
directeur-inspecteur général, et de chevalier de la
Légion d'honneur, le second l'approbation par Gui-
zot, en 1836, sur le rapport du Conseil royal de l'ins-
truction publique, du règlement des réunions de l'Or-
phéon, puis la constitution, en 1837, de la Société de
l'Orphéon, approuvée par le ministre de l'intérieur,
dont Orfila fut le président, et Berton le vice-prési-
dent.
La première réunion officielle de l'Orphéon eut
lieu en 1836, à la salle Saint-Jean, dans l'ancien
Hôtel de Ville. Les Spartiates et la Bonne Petite
Infanterie, dans ce « concert donné par les pauvres
aux riches », comme disait Wilhem, tirent merveille,
el le succès fut immense.
L'admirable fête se renouvela fréquemment, car
l'enthousiasme de Wilhem suscitait des convictions
assez énergiques pour l'application stricle du règle-
ment : des réunions partielles un jeudi de chaque
mois, des réunions générales un dimanche de cha-
que trimestre. Et son activité incessante, consacrée
à la cause dont il était l'apôtre, offrait à tous un
exemple. L'éducation de plus de six mille enfants a
surveiller dans quatre-vingts écoles, vingt-deux répé-
titions mensuelles à diriger, l'organisation des séan-
ces périodiques de l'Orphéon, ne suflisaient pas
à remplir sa vie. Il composait des chœurs, surveil-
lait les nouvelles éditions de sa méthode, où, repro-
duisant le rapport de Boulay de la Meurthe comme
préface, ils substituait au mot « génie » qui le qua-
lifiait, le mot aptitude, et il lui fallait encore orga-
niser des réunions pour expliquer son système
d'enseignement, dont beaucoup s'émerveillaient,
avec la curiosité des jeunes enfants qui, « lorsqu'ils
entendent sonner une horloge pour la première fois,
voudraient pouvoir la démonter afin de connaître le
mécanisme employé pour la faire parler ». (Lettre
de Berton à Wilhem, février 1839, au lendemain
d'une conférence.)
Mais aucun effort ne le rebutait. La dignité avec
laquelle il accomplissait sa mission et comprenait
ses devoirs ajoutait encore à l'heureuse influence de
sa vaillance. N'estimant la musique que comme un
instrument de culture morale, il était insensible
aux flatteries, et savait répondre avec fermeté à ceux
qui ne voyaient dans ses élèves, ou dans l'Orphéon
que des curiosités musicales. A des demandes d'au-
ditions qu'il jugeait inutiles, il déclarait : « L'Orphéon
ne va point en ville; » et au roi lui-même, qui aurait
été heureux d'un concert de ses élèves sous les fenê-
tres des appartements royaux, il fil dire : « Mes élè-
ves ne m'appartiennent pas, je n'ai d'autorité sur eux
que dans la classe; c'est là que le roi pourra les en-
tendre s'il veut bien nous honorer de sa visite. »
L'œuvre de Wilhem devait aussi conquérir la
grande presse. Tous les journaux prêtèrent attention
à l'Orphéon, après le premier hommage rendu par
Mme Emile de Girardin, en phrases généreuses,
spontanées, dans l'une de ses « Lettres parisiennes »
publiées en 1839 par la Presse.
« ... Nous qui sommes à la recherche de toutes les
bonnes et nobles pensées, nous-même nous n'avions
aucune idée d'une des institutions les plus admira-
bles de notre époque. Depuis deux ans, on nous
parlait bien de la méthode Wilhem et des concerts
populaires de la Sorbonne, mais on en parlait
vaguement. Aujourd'hui, le succès est éclatant... Un
chœur de quatre cents ouvriers de tous les âges,
depuis dix ans jusqu'à cinquante ans! comprenez-
vous cet effet de voix? ce mélange de voix enfanti-
nes, de voix adolescentes, de voix brillantes et jeu-
nes, de voix puissantes et graves, qui, par le plus
merveilleux ensemble, ne forment qu'une seule voix!
quatre cents personnes enlïn qui chantent à l'unani-
mité... Nous avons entendu, en Allemagne, ces
fameux chœurs si vantés... et nous déclarons que
l'impression vive et profonde que laissent ces mélo-
dieuses solennités a été pour nous complètement
dépassée par la puissante émotion que nous a causée,
an dernier concert de la Sorbonne, le chant de ces
ouvriers... Il nous semblait entendre les célestes
symphonies, le chœur fraternel des anges et des
chérubins. Seulement, les anges étaient des menui-
siers, des imprimeurs et des orfèvres; el, parmi les
chérubins, nous apercevions çà et là quelque nègre
bouffi qui battait la mesure avec, ses doigts d'ébène
aux ongles blancs! La vision séraphique disparais-
sait, niais l'admiration philanthropique nous restait
tout entière, lui vérité, c'est une belle chose que la
résolution de ce problème : la moralisation du peu-
ple par les arts. Grâce à la méthode Wilhem, avant
dix ans, les chefs-d'œuvre de Mozart et Uossini seront
populaires... »
Ainsi soutenu, et aux mains d'un homme comme
Wilhem, l'enseignement du chant dans les écoles de
Paris, et les manifestations de l'Orphéon ne pou-
vaient que prendre chaque année plus de développe-
ment. Son nom et son œuvre devinrent populaires.
Au lendemain de l'audition donnée par l'Orphéon,
en juin 1841, Béranger se fit l'interprète de la pensée
commune et, encore lenu par l'émotion, il écrivit à
Wilhem :
Mon vieil ami, t:i d- ■:■
Grâce a tes merveilleux efforts,
Des travailleurs la voix s'amende
Et se plie aux savants accords.
D'une fée as-tu la baguette,
r..ui- i .11,1 ri- ainsi l'ail familier?
Il purifiera la guinguette,
H sanctifiera l'atelier.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHEON 3725
VA'ilhem, toi « 1 r ■ qui |;i jeunesse
Rêva (irétry, Gluck et Mozart,
Courage! A la foule en détresse
Ouvre tous les trésors de l'art.
Communiquer à des sens vides
Les plus nobles émotions,
C'est faire en des grabats humides
Du soleil entrer les rayons.
La musique, source féconde,
Epandant ses flols jusqu'en lias.
Nous vernm- ivres de - a onde
Artisans, laboureurs, g ddats.
Ce concert, puis>r>-lu lYt uulre
A tout un monde divisé!
Les cœurs sont bien près de s'entendre,
Quand les voix ont fraternisé...
D'une œuvre et si longue et si rude
Auras-tu le prix mérité?
Va, ne crains pas L'ingratitude
Ceiu d ml lu i harmes les douleurs
Offriront un jour à la gloire
Des chants, des larmes et des fleurs.
La prédiction de Béranger ne devait pas larder
à être réalisée. L'année suivante, le 26 avril 1842,
Wilhem, âgé de soixante et un ans, mourait d'une
lluxion de poitrine, après une semaine de souffran-
ces qui ne parvinrent pas à distraire son esprit de
la composition d'un Requiem, qu'il voulait écrire en
mémoire de Cherubini, décédé deux mois avant, et
faire exécuter à la prochaine réunion de l'Orphéon.
Dès que sa mort fut connue, oii s'apprêta à offrir à
la gloire de Wilhem « des chants, des larmes et des
Heurs ».
L'Institut, l'Université, le Conseil municipal, les
Ecoles, la Société pour l'instruction élémentaire
décidèrent des obsèques solennelles. Elles furent
fixées au 2 mai, et le corps Tut embaumé.
On avait choisi l'église Saint-Sulpice. Une foule
immense s'y trouva réunie le 2 mai. L'Orphéon, sous
la direction de Joseph Hurert, interpréta une messe
de Perne, gravée et apprise entre le lendemain de
la mort et le jour des obsèques. Tous ceux qui par-
ticipèrent à cette exécution étaient des élèves de
Wilhem, reconnaissants envers celui qui les avait
initiés à l'art, et l'aimant avec piété filiale. Ils
avaient rêvé, pour suprême hommage à leur maître,
une grandiose solennité musicale; mais l'archevêque
de Paris la diminua, en s'opposant à ce que les jeu-
nes filles prissent part à l'exécution. Après la messe,
le cortège se mit en marche vers le cimetière du
Père-Lacttaise, entre une double ligne de soldats, et
ayant à sa tète des jeunes filles des écoles de la Ville
de Paris vêtues de blanc.
Ce fut, à travers Paris, une procession émouvante.
Le souvenir nous en a été conservé par le docteur
Trélat dans la Revue du Pivgrès :
« Le corps était porté sur un char très simple,
suivi de M. Wilhem fils; les coins du drap funéraire
étaient tenus tour à tour par Béranger, par MM. Jo-
mard, de l'Institut; Lebrun, membre de l'Académie
française et de la Chambre des pairs; Boulay de la
Meurlhe et Périer, président et membre de la Société
pour l'instruction élémentaire; Rousselle, inspec-
teur général de l'Université et membre de l'Acadé-
mie française.
« Plusieurs maires de la Ville de Paris, des savants,
des artistes, un grand nombre d'institutrices ut de
mères de famille, des soldats, de jeunes enfants de
troupe avaient été conduits à cette cérémonie impo-
sante, par un sentiment profond d'affection ou de
reconnaissance...
« Dans le quartier populeux du faubourg Saint-
Antoine, les fenêtres étaient garnies de spectateurs,
et on entendit sortir de chaque bouche : « C'est
M. Wilhem, c'est le maître de chant des ouvriers! »
Le cortège se grossit alors de tout le peuple qui se
trouvait sur la voie publique.
« Jusque-là, les convois politiques seuls avaient
amené la foule. Celui de Wilhem est le premier où
elle se soit portée sans passion, sans esprit de parti.
Elle vint honorer le créateur du chant populaire en
France, elle vint aux funérailles de l'homme ver-
tueux.
m A l'entrée du cimetière, les répétiteurs des
écoles demandèrent le corps, et le portèrent jusqu'à
la tombe entre ses maîtres et ses amis, Méhul, Gré-
try, Lesueur, Gossec, Boîeldieu, Pakr, Hérold, Cheru-
bini, glorieuse famille réunie comme en un nouvel
Elysée... »
Sur la tombe, Périer, au nom du Comité central
de l'Instruction publique, Demoyencourl, au nom de
la Société pour l'instruction élémentaire, louèrent la
vie glorieuse de Wilhem, et montrèrent aux autorités
administratives et scolaires le devoir qui leur était
laissé : « conserver intacte la méthode de Wilhem,
l'œuvre de son génie ».
Joseph Hubert, chancelant d'émotion, vint après
eux proclamer que la continuation de son œuvre
devait survivre à Wilhem; et les voix des répétiteurs
s'unirent à la sienne pour la promesse solennelle de
rester unis et fidèles. Puis, lentement, la foule redes-
cendit vers Paris.
Les disciples de Wilhem ont tenu leur parole.
Groupés autour de Joseph Hubert, nommé successeur
île Wilhem malgré les compétitions immédiatement
suscitées, ils ont pendant dix ans continué l'œuvre
sans faiblesse. Ils se souvenaient.
En 18o2, Charles Gouxod succéda à Hubert. Depuis
ce temps, la pensée de Wilhem ne vivifie plus l'ensei-
gnement scolaire du chant. Son nom est ignoré; on
enseigne la musique, on n'apprend plus à l'aimer,
et surtout on a commis l'imprévoyance d'abandonner
la méthode d'enseignement si minutieusement éla-
borée par Wilhem, et sur la diffusion de laquelle re-
posait tout le succès.
L'enseignement de la lecture musicale et du chant
élémentaire qui avait été établi, et perfectionné par
plus de vingt années d'expérience, était si clair, si
transmissibie, qu'il pouvait être donné par les meil-
leurs élèves choisis comme moniteurs. Une telle mé-
thode ne pouvait qu'être d'usage pratique pour des
instituteurs et des institutrices initiés dans leurs
écoles normales à une pédagogie conçue pour le
jeune dévouement de simples élèves-moniteurs.
Il avait été nécessaire de combiner les études pour
pouvoir faire travailler ensemble des élèves de forces
différentes. Avecjle perfectionnementde l'organisation
scolaire, cette nécessité devait disparaître. Mais il
restait de l'heureuse conception du début, que les
exercices et chants — d'abord appliqués à une étude
particulière de la science musicale ou de l'art du
chant, ensuite réunis systématiquement pour former
les différentes parties d'un chœur — étaient un
moyen certain de susciter le goût instructif du chant
choral, et comme un besoin de polyphonie.
Les successeurs directs de Wilhem, formés par des
moyens d'éducation strictement individuels, ne surent
pas comprendre que les anciens élèves de Wilhem et
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de ses collaborateurs se groupaient
îrell
ment, devenus adultes, dans des réunions du soir
pour former, à l'exemple de l'Orphéon, ces nom-
breuses sociétés chorales longtemps florissantes
le plaisir du chant choral n'avait pas
être stimulé,
parce qu'il était le fruit de l'enseignement favorable
reçu, et le résultat d'une fraternité artistique pré-
parée sur les bancs de l'école.
L'ORPHÉON APRÈS WILHEM
Comme institution municipale de la Ville de Paris,
l'Orphéon devait poursuivre avec une scrupuleuse
fidélité la tradition de son fondateur pendant une
période de dis années, —1842-1 882, — sous la direc-
tion du meilleur élève de Wilhem, Joseph Hubert-
Les trois cents orphéonistes du début, en 1836, pas-
sés à t50 en 1838, à 600 en 1841, à 1.000 en 1845, à
1.600 en 1846, puis à 2.000, seraient devenus encore
beaucoup plus nombreux, si la dimension des locaux
de réunion n'avait obligé à restreindre le nombre des
adhérents. Chaque aimée apportait régulièrement
un contingent d'aneiens élèves. Une première erreur
fut commise par cette imprévoyance d'une grande
salle d'audition devenue indispensable. L'autre er-
reur, la plus funeste pour l'avenir, fut l'incompré-
hension, puis l'abandon de la méthode d'enseigne-
ment si laborieusement édifiée par Wilhem. En succé-
dant à Joseph Hubert, en 1852', Charles Gounod
trouva une armée de 2.000 orphéonistes, garçons et
fillettes, adultes hommes et femmes, dont l'ardeur
le conquit. 11 apporta tout son jeune enthousiasme
pour animer les répétitions et préparer de grandioses
exécutions. Mais, n'ayant pas eu, comme Wilhem,
sous l'influence des spécialistes de la Sociélé pour
l'instruction élémentaire, à méditer sur les nécessités
pédagogiques, il ne sut pas continuer l'œuvre d'édu-
cation initiale. Il laissa détruire la féconde unité
d'un enseignement intelligemment adapté, et se ré-
pandre de nouvelles méthodes, publiées par Halévy,
Marmontel, Daniiauser, etc. Sous prétexte de sim-
plification, leurs auteurs négligeaient les utiles pro-
cédés de la méthode Wilhem; ils sacrifiaient tota-
lement les exercices de culture vocale, abandonnai
ainsi l'entraînement favorable au développement du
goût pour le chant choral, et brisant entre les élèves
anciens et nouveaux, entre les entants et les adultes,
le lien d'une même éducation, attrayante pour tous
les âges, qui avait réussi à s'imposer dans tous les
ordres de l'enseignement officiel, dans l'enseigne-
ment libre, et même dans l'armée.
Après Charles Gounod, l'institution eut comme
directeurs : en 1863, Bazin, pour la rive gauche, et
Pasdeloup pour la rive droite : en 1873, Bazin, avec
le titre d'inspecteur principal et l'assistance de
deux inspecteurs chargés de la surveillance de l'en-
seignement (dès 1865, cette organisation avait été
adoptée par le département, de la Seine et confiée à
Laurent de Hillé); en 1878, Daniiauser; enfin, M. Au-
guste Chapuis, en 1894, pour une période de plus
de trente années, pendant lesquelles, après un
essai de rénovation, l'institution municipale pari-
sienne d'éducation musicale scolaire et post-sco-
laire, ayant perdu toute fidélité à la tradition,
cessa d'être désignée sous le nom à'Qrpkêon.
Discrédité auprès des musiciens, jugé indigne de
la dignité administrative, le mot reste cependant
d'usage courant. Car, du temps de Wilhem lui-même
et malgré le veto de l'administration d'alors, le
nom d'Orphéon, adopté parles premiers groupements
populaires de chant choral ayant quelque organisa-
tion, n'a pas cessé d'être en faveur auprès de ceux
d'aujourd'hui, accrus de tous les groupements popu-
laires de musique instrumentale.
L'histoire de ces groupements n'est pas indigne
d'attention, si l'on considère que les progrès les
plus favorables au développement de l'art musical
en France, de la fin du xvine siècle aux avant-der-
nières années du xixe siècle, — tels la création du
Conservatoire national avec ses succursales, et celles
des grands concerts du dimanche, — se rattachent à
des initiatives ou à des influences d'origine popu-
laire.
Les documents historiques rappelés dans cet ou-
vrage même, dans la partie qui traite de notre his-
toire musicale de 1789 à 1800, l'établissent en ce
qui concerne le Conservatoire, né de la nécessité de
former des exécutants pour la célébration des fêtes
civiques. Les premiers grands concerts du diman-
che, où la foule est appelée, ont été institués par
Pasdeloup, qui s'était formé comme chef d'orchestre
pendant la direction de l'orphéon municipal de la
Ville de Paris avant 1870, et qui avait pu alors se ren-
dre compte des possibilités offertes par les heureux
résultats d'une éducation musicale généralisée. Son
émule, Edouard Colonne, devait, lui aussi, être en-
couragé à se lancer dans une entreprise de grands
concerts, sous la même influence : il avait été initié
à la musique dans l'évangile de l'Orphéon, la mé-
thode Wilhem, dont, aux toutes dernières années de
sa vie. il chantonnait les premiers chants, avec un
souvenir reconnaissant, et l'émotion des jeunes
souvenirs, évoquant le temps où tout le monde
allait devenir musicien.
En outre, il ne peut pas être indifférent de savoir
que, pendant un long moment, le chant choral a été
dans notre goût, et qu'il a été près d'entrer défi-
nitivement dans nos moeurs.
Avant Wilhem, on ne connaissait en France que
les chœurs d'opéras ou de maîtrises. A ce moment,
l'Allemagne était couverte de sociétés chantantes,
alimentées par la musique de Beethoven, de Schu-
bert, de Mendelssohn, de Webbr, composée sur les
poèmes de Gœlhe et de Schiller. Dans un discours de
réception à l'Académie des sciences, belles-lettres et
arts de Lyon, en 1870, un zélateur de l'Orphéon,
Emile Guimet, — le fondateur du Musée, grand
voyageur qui était aussi grand industriel et musicien
de valeur, — a marqué avec précision cette dif-
férence.:
« Faut-il conclure de ce fait que nous sommes
moins bien organisés que les Allemands du Nord
pour la musique d'ensemble. On me permettra de
n'être pas de cet avis. Pour comparer les dispositions
harmoniques des deux peuples, il faudrait les placer
d'abord dans des conditions identiques de milieu
et d'éducation.
« Or voilà trois siècles que les protestants ont
renoncé au plain-chant, et quand nous aurons
comme eux, pendant plusieurs générations, entendu
et exécuté de la musique harmonisée et rythmée, il
sera temps alors de constater qui aura fait le plus
de progrès dans l'usage de la vraie musique.
« Car, il faut bien l'avouer, avec tout le respect
que l'on doit à une musique imposante et sacrée, le
plain-chant, qu'on apprend plus ou moins bien aux
enfants français, est une musique incomplète, qui
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHEON 3727
n'a ni l'étendue, ni la tonalilé, ni le rythme, ni
l'harmonie, et si rarement la mélodie qu'il en faut
à peine parler... Par surcroît de désastre artistique,
dans le plus grand nombre des communes de France,
on laisse chanter faux au lutrin. Voilà [ce qui nous
retarde. Certes, on ne peut refuser à des psaumes la
grandeur et le caractère qui eu font des inspirations
typiques, transmises par les âges comme un reflet
de la foi chrétienne à ses débuts éclatants. Il ne faut
pas non plus méconnaître la saveur archéologique
qu'on trouve à écouter un beau motet dans une
vieille église. Mais au point de vue purement musical,
on doit admettre que le plain-chant ne peut satis-
faire l'artiste musicien. Entretenir dans les oreilles
ces tonalités incomplètes et ces mélodies indécises,
équivaut à montrer aux élèves de peinture des
tableaux de primitifs, à de futurs sculpteurs les ébau-
ches des Pélasges, et à des aspirants poètes les
essais des littérateurs malgaches... »
Un document publié par Henry-Abel Simon , dans
son ouvrage sur l'Institution orphéonique française,
publié en 1909 chez l'éditeur Marguerital, montre
qu'avant Wiliikm, les premières sociétés chorales,
nées de l'enthousiasme populaire après les « Trois
Jours » de 1830, n'étaient pas seulement entravées
par le manque d'éducation et de répertoire. C'est une
lettre, adressée en 1860, de Londres, où il s'étail
exilé, parle fondateur de la première en date des
sociétés de 1830, l'ouvrier monteur en bronze
Charles Sellier. Il y évoque le souvenir de démêlés
avec la police, à propos de son activité chorale. Sa
société avait pris pour nom : les Cêeiliens, et elle
avait suscité une émulation qui réunit d'autres ou-
vriers dans différents quartiers , pour animer les
rues et les carrefours par l'exécution de chœurs
patriotiques, ou de simples chansons agrémentées
de quelque harmonie au refrain. L'n samedi soir de
1830, place Royale, — devenue place des Vosges, —
les cinq cents chanteurs de ces divers groupes
avaient été conviés par Charles Sellier à réunir
leurs voix. C'est à cette réunion, qui fut sensation-
nelle, que fait allusion la lettre de 18GO :
« ... Qui se souvient encore de notre belle réunion
de la place Royale? Qui se rapelle les vains efforts
du pauvre chanteur des Cêciliens?... Nous nous réu-
nissions aussi extraordinairement le dimanche pour
faire la conduite à ceux d'entre nous pris par la
conscription. Nous étions alors deux ou trois so-
ciétés, et nous traversions Paris en chantant des
marches, mais le plus promptement possible, pour
gagner la banlieue où nous pouvions chanter plus
librement, car la police parisienne nous chagrinait
fort, et plus d'un d'entre nous a souvent payé pai
la prison le crime irrémissible d'avoir chanté dans
le silence de la nuit! Les juges de la police correc-
tionnelle appelaient cela du tapage nocturne...
« Avant de terminer, je me joins à vous pour
affirmer que les ouvriers français ne sont pas moins
sensibles à la musique que leurs frères des autres
nations, et je pourrais citer, parmi le petit nombre
quej'ai fréquenté alors, non pas un, mais plus de
vingt jeunes gens qui, sans instruction d'aucune
sorte, ne sachant même pas lire, accompagnaient
juste et en mesure, après deux ou trois répétitions.
Si la France était restée en arrière de l'Allemagne et
d'autres pays, c'est qu'au lieu d'exciter, de provo-
quer le progrès du chant, on n'avait jamais cessé chez
nous de l'entraver!... »
On retrouve dans l'un des feuilletons d'Hector
Berlioz, au Journal des Débats de 1836, une protes-
tation contre les tracasseries policières, qui est à
la fois le signe d'une vigilance informée, et la mar-
que de l'intérêt éveillé parmi les musiciens par le
mouvement artistique populaire naissant :
« Quand le gouvernement aura senti que, de tous
les moyens de civilisation, l'étude de la musique est,
pour le peuple, un des plus sûrs, un des plus
prompts et des moins dangereux, quand cette idée,
qu'on envisage encore aujourd'hui fort lég
sera devenue nn conviction sérieuse, oh! alors on
verra s'opérer dans les mœurs une belle et grande
révolution dont nous admirons d'avance les mer-
veilles, et dont les résultats pour l'art sont incalcu-
lables... »
Par l'organisation d'un enseignement favorable ,
par la constitution d'un répertoire choral pour voix
mixtes, et pour voix égales, par l'apaisement donné
à la police dans l'exemple de haute tenue des réu-
nions de l'Orphéon, par un succès retentissant,
Wilhem avait rendu faciles les tentatives d'imitation,
suscitées naturellement par l'ardeur d'orphéonistes
capables d'initiative, et par un besoin de manifesta-
tions plus fréquentes. De son vivant, il avait vu suc-
céder aux premières Sociétés indépendantes : les
Cêciliens, 1rs Cm -tùrini/irus . h s Voiitni/itarils , les
Philistins, des groupements plus importants, comme
la Société Wilhêmienne, l'Union Wilhémienne, réu-
nies en 181-8 pour former l'Union Chorale, qui vécut
une dizaine d'années, et les Enfants d Paris, de
l'ouvrier ciseleur sur métaux, moniteur de l'Orphéon,
Philii'pes, qui existaient encore en 1914. .Mais, si la
tradition de Wilhem était fidèlement suivie a/'/ nion
Chorale, où s'unissaient les voix mixtes, elle ne l'était
plus aux Enfilais de Paris, qui étaient composés de
voix d'hommes seulement. C'est sous cette forme
restreinte, qu'à l'exemple de ce groupement, allait
se propager dans tout le pays l'œuvre de l'Orphéon,
à laquelle était venue, du temps de Wilhem, la sym-
pathie de tous les musiciens, et qui allait recevoir
une impulsion propice du mouvement p ipulaire
d'enthousiasme et d'émancipation de la période
de 1848.
Pour compléter cette esquisse des premiers temps
de la vie orphéonique, il reste à signaler l'apostolat
en province d'un tilleul de Grétry, Alfred-Hector
Rolland, issu d'une famille de la haute bourgeoisie,
que des raisons de santé avaient envoyé dans le
Midi, à Ragnères-de-Bigorre, où son zèle d'art et de
bienfaisance devait réaliser un grand exemple de ce
qui peut être obtenu de la bonne volonté artistique
populaire. A la tète de ses Quarante Chanteurs \Ion-
tinjnarils lièarnais, recrutés, à partir de 1833, dans
la jeunesse villageoise et exécutant les chœurs spé-
ciaux composés par lui, Rolland acquit d'abord une
renommée toulousaine, puis parisienne, enfin euro-
péenne et mondiale. Avec ses chanteurs monta-
gnards, il parcourut pendant dix-sept années, de
1838 à 18oo, l'Europe, l'Afrique, l'Asie, l'Amérique,
propageant, dans un but de bienfaisance, la bonne
humeur artistique et l'exemple de bonne camara-
derie de l'art choral populaire. Sur les 2.336.000 fr.
recueillis au cours des pérégrinations, la moitié —
exactement i. 163. 400 francs — eut une destination
charitable, et c'est dans la pauvreté que Rolland
devait mourir à Grenoble, en 1875, âgé de près de
quatre-vingts ans.
Pour s'étendre dans tous le pays, l'œuvre de Wil-
hem devait trouver un animateur convaincu. Ce fut
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Eugène Delaporte. Parisien, né en 1819, il avait été
au Conservaloire élève de la classe de piano réputée
de Zimuermann. Puis il était devenu, en 1843, orga-
niste et professeur à Sens. Bientôt, il s'élait lassé
du calme autère de la vieille cathédrale, en son-
geant au rôle social que l'application généralisée de
l'œuvre de Wiliiem pouvait donner à la musique. En-
couragé par le baron Taylor et par certains de ses
collaborateurs, comme F.-J. Simon, qui devait fonder
avec lui le journal Orphéon, Eugène Delaporte avait
décidé d'entreprendre une tournée générale en
France, et il avait réussi à se faire accréditer auprès
des préfets par des appuis officiels, tels que celui-ci :
MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
DIRECTION DES BEAUX-ARTS
r.iinv
l'ivre
Le citoyen Delaporte, professeur de musique, désirerait
établir un vaste syslème <l"''«.Uicati(ni musicale par l'application
de la méthode Wiliiem et organiser en province, sur une grande
échelle, des réunions analogues à celles de l'Orphéon à Paris.
Ce projet me paraissant mériter dV'ttv sérieusement encouragé,
je vous prierai de vouloir bien donner au citoyen Delaporte
toutes les facilités nécessaires pour qu'il puisse le mettre à exé-
cution dans le ressort de votre département.
Salut et fraternité.
Le Ministre île l'Intérieur,
Senard.
Pendant vingt années, jusqu'en 1868, — et avant
de mourir pauvre, lui aussi, à l'hospice de Saint-
Mandé en 1886, — Eugène Delaporte fut commis-voya-
geur en enthousiasme, et suscita une vitalité or-
phéonique, dont la génération actuelle n'a aucune
idée.
Ce furent :
En 1849, à Troyes, à Sens, à Auxerre, des festivals
d'ensemble des orphéons libres déparlementaux.
En 1850, une fête internationale au parc du châ-
teau d'Asnières, qui réunissait les sociétés chorales
de Paris, Caen , Itouen, Troyes, Auxerre, Reauvais,
Saint-Florentin, Orléans, Melun, Monlargis, Sens,
Tonnerre, Arcis-si-r-Aube, et aussi celles de Gand,
Bruxelles, Mons, Liège.
Puis, la même année, ce furent d'autres festivals à
Fontainebleau, à Strasbourg et, sous l'intluence des
progrès orphéoniques, la création au Conservatoire
de Paris, sous la direction de Edouard Batiste, d'une
classe populaire de chant d'ensemble, constituée en
orphéon sous le titre d'Union Chorale des Elèves du
Conservatoire , qui subsista jusqu'à la guerre de 1870.
En 1851, à Troyes, était organisé le premier
concours orphéonique de musique populaire, dont
l'institution avait été imaginée par Eugène Delaporte
pour aider le recrutement, et créer l'émulation
nécessaire au succès artistique des festivals.
De 1852 à 1855, les orphéons ne cessent de se mul-
tiplier, et le monde orphéonique accueille les pre-
mières sociétés instrumentales populaires. Les con-
cours sont l'occasion de réunir lés sociétés étran-
gères aux sociétés françaises. Pour le concours de
Lyon, le professeur à la Faculté des lettres Hignard
fait graver sur les médailles commémoratives :
Pax sequilur Musas. Populos lijra fœdere jungit.
En 1855, la première en date des associations
chorales départementales, dont Eugène Delaporte
voulait l'organisation généralisée, celle de Seine-et-
Marne, recevait la consécration officielle par un
arrêté préfectoral pris après délibération du conseil
général. Cet arrêté créait une commission départe-
mentale de direction et de patronage, sous la prési-
dence d'honneur du préfet, et fixait les organisations
locales dans ces articles :
a ... Art. S.— Lorsque, dans une localité, le maire
aura reconnu les éléments d'un orphéon, il proposera
à la nomination du sous-préfet une commission de
lia 5 membres chargée de s'occuper, sous sa direction,
de l'organisation et de la surveillance de l'orphéon.
« Art. 9. — L'instituteur public sera de droit direc-
teur de l'orphéon de chaque commune rurale, à
moins qu'une nomination spéciale n'ait été faite.
« Art. 10. — Le directeur de l'orphéon devra faire
au moins deux leçons de chant par semaine, et d'une
demi-heure chacune, aux élèves de l'école commu-
nale. Indépendamment de ces leçons, un second
cours sera organisé pour les adultes, et devra avoir
lieu deux fois par semaine, le soir...
« Art. 17. — Lorsque l'enseignement musical sera
régulièrement organisé, il y aura, au moins tous les
deux mois, une réunion générale, à laquelle pren-
dront part les adultes et les élèves les plus avancés
de l'école communale... Ceux des élèves qui ne
pourraient y prendre part comme exécutants, devront
néanmoins y assister comme auditeurs... »
Dès la fin de 1855, 160 communes de Seine-et-
Marne avaient un cours dans les écoles, cours pro-
fessé par les instituteurs, sauf dans o localités seu-
lement; 00 de ces cours comprenaient des sections
d'adultes constituées en orphéon, de même que
7 cours du soir. Le nombre des adultes s'élevait à
près de 1.000. Cette association chorale de Seine-et-
Marne avait encore quelque vitalité en 1889, à la
mort de son président fondateur, Pierre Torchet,
ardent disciple d'Eugène Delaporte. Le succès de ses
débuts fut un encouragement pour d'autres dépar-
lements.
Dans sa lettre d'envoi d'un arrêté d'organisation,
le préfet de l'Aube écrivait aux sous-préfets et
maires :
« Dans un département voisin du nôtre, la propa-
gation de l'orphéon et les encouragements donnés
à son organisation ainsi qu'à celle des associations
chorales et instrumentales, ont produit de bons ré-
sultats. Le goût des études musicales est devenu plus
populaire, et, dans toutes les conditions, on a pu
prendre sa part d'une distraction qui est à la fois
morale et instructive. Le gouvernement, dans sa sol-
licitude pour les œuvres d'utilité générale, favorise
les institutions de musique et de chant, qui, parlant,
sont placées sous la protection de l'autorité. »
Et le 15 janvier 1856, le préfet de Seine-et-Oise
procédait, sur les conseils d'Eugène Delaporte, à une
enquête auprès des sous-préfets et maires de son
ressort :
« Plusieurs communes du département ont déjà
compris tout le parti qu'on pouvait tirer de la mu-
sique en organisant des sociétés d'orphéons; c'est
une utile récréation, elle polit les mœurs et favorise
les perfectionnements moraux... .h- vous prie de
faire parvenir une notice contenant les renseigne-
ments suivants : Un cours de chant est-il prati-
qué à l'école communale' Est-il fait par l'institu-
teur ou par un professeur spécial? Combien de
temps y est-il consacré? Combien d'élèves j pren-
nent part? Ya-t-il un cours organisé pour les adultes
et par qui est-il fait? Si ce cours n'existe pas, serait-
il possible de créer un orphéon? L'instituteur serait-
il en mesure de le diriger?... »
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHÉON 372;i
Le mouvement, largement répandu dans le Nord
et le Centre, atteignit aussi le Midi à la suite d'une
tournée de propagande entreprise par Eugène Dela-
porte dans les derniers mois de 1836. Ce nouveau
succès lui fit confier par le ministère de l'instruction
publique l'inspection générale de l'enseignement du
chant dans les écoles normales de France.
Son apostolat triomphant devait avoir sa floraison
en 1859, où eut lieu à Paris, les 17, 19, 20 et 22 mars,
au Palais de l'Industrie, la première réunion gên&i ah
des orphéonistes de France. Les insignes des exécu-
tants portaient cette inscription, tissée dans les
rubans de couleurs diverses, suivant les différentes
parties vocales, avec les armes de la Ville de Paris.
Des œuvres spéciales avaient été mises au concours :
un Yrin Creator, glorificalion de la muse sacrée,
musique du grand prix de Rome Besozzi, une Marthe
des Orphéons, sur un texte d'un écrivain dévoué à
l.'Orplir.n, Vaudin, musique de M110 Nicolo, fille de
l'auteur de Joeonttr, les tiéni-s >!•• la terre, musique
du grand prix de Rome Samuel David, le Salui aux
Chanteurs, musique d'Ambroise Thomas. I
Tentons, musique de Louis Lacombe, Retraite, de
Laurent de Bille. Le programme comprenait en
outre : un fragment du XIXe Psaume de Marcello; un
chœur de la Vlûte enchantée, de Mozart; unchoïui de
M8SBEL3SOHN, /'■ 1 1. 'part tics Chasseurs: un chœur de
kt'r.KEN, avec des paroles françaises du chanteur Ro-
ger, le Chant -les Mmitaijiiarih ; en lin Meyi ki:i ki: a va il
traroserit un accompagnement de fanfare j ■ le
Septuor îles llmiuenots. La soirée du I" mais Fui
réservée pour une répétition générale avec 6.000 exé-
cutants, groupes dans 204 sociétés, venus de tous les
coins de France, dont la statistique montre le vigou-
reux essor de ['Orphéon français après dix années
d'efforts méthodiques :
« A cette première réunion générale dos orphéo-
nistes de France à Paris, en mars 1859, prirent part:
1 société de l'Ain, 1 société de l'Aisne, 3 sociétés de
l'Aube, 2 sociétés de l'Aude, 10 sociétés des Bouches-
du-Rhône, 5 sociétés du Calvados, 3 sociétés de la
Charente. I société de la Charente-Inférieure, 6 so-
ciétés de la Côle-d'Ùr, 2 sociétés du Doubs, 1 société
d'Eure-et-Loir, i sociétés de la Haute-Garonne,
12 sociétés de la Gironde. 3 sociétés de l'Hérault,
2 sociétés d'Indre -et- Loire, 3 sociétés du Jura,
2 sociétés de Loir-et-Cher, 2 sociétés de la Loire,
1 société de la Haute-Loire 1 société de la Loire-
Inférieure, 2 sociétés du Loiret, 3 sociétés de Lot-et-
Garonne, 1 société de la Manche, 3 sociétés de la
Marne, I sociélé de la Meurthe, 2 sociétés Û ■ ta
Moselle, 9 sociétés du Nord, 1 société de l'Oise, 3 so-
ciétésdu Pas-de-Calais, 1 société des Hautes-Pyréi s.
7 sociétés du Rhône, 3 sociétés de Saône-et-Loire,
1 société de la Sarthe, 6 sociétés de la Seine-
Inférieure, 19 sociétés de Seine-et-Marne, il sociétés
de Seine-et-Oise, 1 société des Deux-Sèvres, 1 société
de Tarn-et-Garonne, 1 société du Var, 1 société de
la Vienne, 1 société de l'Yonne, 13 sociétés du lias-
Rhin, 17 sociétés du Haut-Rhin, a sociétés de la
Seine et 26 sociétés de Paris.
« La plus nombreuse de ces sociétés comprenait
70 membres, la moins nombreuse 8 membres; la
moyenne s'établissait entre 25 et 4o membres.»
L'exécution, sous la direction de Eugène Delapou te,
souleva l'enthousiasme. Mêlé aux 40.000 auditeurs,
témoin de la déception des 20.000 Parisiens réduits,
ne pouvant entrer, à saluer d'acclamations l'im-
mense cortège des orphéonistes, le journaliste Au-
guste Luchet écrivit dans le journal le Siècle :
»... Ces six mille jeunesses humaines suspendues
pantelantes au geste magnétique de Dflaporte, et
exhalant leurs âmes avec leurs chants, répandaient
dans l'espace des torrents de fluide dont les assistants
d'en haut étaient aussitôt enveloppés. Je n'ai jamais
connu d'émotion ayant cette douceur troublante. On
se trouvait comme soulevé, comme emporté hors"
de soi... et pourtant on sentait et on vivait immen-
sément... Voilà une des puissances de l'agglomé-
ralion chorale! Plusieurs en ont été malades, le
soir ou le lendemain, mais personne n'a regretté sa
souffrance : c'était une «indigestion de sympathie »,
comme eût dit Saint-Simon... »
Eugène DBlapohtb, qu'un décret du 6 avril 1859
avait fait chevalier de la Légion d'honneur, voulut
une consécration encore plus complète. Après la
solidarité nationale établie à Paris entre les orphéo-
nistes liançais, il rêva de solidarité internationale.
Dès le mois d'octobre 1859, il étudiait le projet
d'une série de festivals à Londres. Son inlassable
énergie, sa foi devaient triompher de tous les obs-
tacles. Le 23 juin 1860, dix corvettes partaient de
Dieppe, Boulogne et Calais, conduisant ei
terre 3.000 orphéonistes, délégués par 131
que les chemins de fer de l'Ouest et du Nord avaient
.H-repie de transporter gratuitement. Deux nou-
velles vres chorales avaient été composées par
IIaléw : La Nouvelle Alliance, et par Ambroise Tho-
mas : France: France! sur des poèmes de Vaudin.
Dans son Histoire de l'instituti t
Henry Abel-Simon, qui était L'un des exécutants, a
évoqué cet émouvant souvenir de jeunesse :
« ... Le jour du premier festival se leva au milieu
mu surmenage général courageu-
sement supportés... Je vois encore ces groupes épars,
exténués, sans interprètes et sans guides, cherchant
en habits de fêtes, sous une pluis battante, le che-
min du Crystal-Palace... A trois heures, on était au
complet devant, un public considérable, respectueux
et recueilli. La masse orphéonique salua d'abord
son infatigable directeur en une formidable et con-
solante ovation, et attaqua enfin, dans un magistral
ensemble, l'hymne national de la Grande-Bi
Sous l'immense voûte de cristal les estrades de chan-
teurs s'élevaient en colossal amphithéâtre devant
une assemblée innombrable et attentive, qui se re-
nouvela quatre jours de suite et vit défiler tout
Londres... Ce fut au milieu des ovations fraternelles
et chaleureuses de la population que les 3.000 dé-
putés de la France chorale traversèrent, bannières
déployées, les immensités urbaines de Londres, se
dirigeant vers les chemins de fer qui devaient les
conduire à leurs points d'embarquement respectifs...
Avant le départ, l'ambassadeur de France, comte
de Persigny, qui avait encouragé et soutenu Eugène
!l:ï.\['ORTE.'piH .lire aux orphéonistes en les remer-
ciant : « Vous avez fait en huit jours pour l'alliance
anglo-française plus que toute la diplomatie des
deux pays n'en a fait en deux ans, et vous avez puis-
samment contribué à rendre forte et sincère une
union qui peut seule assurer au monde les bienfaits
de la civilisation. »
Ce qu'il faut retenir de ces fêles orphéoniques
françaises à Londres en 1860, c'est le mouvement
d'enthousiasme populaire créé en Angleterre, qui ne
se manifesta pas seulement parle touchant emballe-
ment dans la souscription ouverte par la presse
:v,.w
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pour offrir un banquet avant le dépari, dont le total
produisit 25.000 francs en une demi-journée, mais
qui fut l'origine d'un éveil aux aptitudes musicales,
d'une musical agitation.
Les historiens de la classe ouvrière ont pu noter
aussi que cette rencontre des ouvriers français avec
les ouvriers anglais et avec leurs compatriotes réfu-
giés à Londres, ne fut pas étrangère aux premières
activités de l'Association Internationale des Travail-
leurs.
Après 1860, l'étoile de Eugène Delaporte pâlit. Il
était revenu d'Angleterre endetté de 30.000 francs,
dont le prêteur, dans un sentiment de pitié géné-
reuse, devait le libérer huit années plus tard.
Devant le reproche de « n'avoir point apporté de
bénéfices », il donna sa démission de président de
l'Association orphéonique parisienne. On lui repro-
chait aussi, par de sourdes manigances, l'innovation
qu'il avait réalisée, en février 1860, en suscitant la
création d'un « Comité général de patronage des
orphéons et sociétés chorales de France », dont la
première réunion plénière, le 28 mars, avait désigné
les membres :
« Président : Larabit, sénateur; vice-présidents :
prince Poniatowski, sénateur; général Mellinet; Au-
per, directeur du Conservatoire; Halévy, membre
de l'Institut; secrétaire : J.-F. Vaudin; membres :
Cuvier, conseiller d'Etal; Belmont, Garreau, Javal,
députés au Corps législatif; VictorFoucher, conseiller
général de la Seine; Ambroise Thomas, Carafa, Ber-
lioz, Kastner, Claimsson, membres de l'Institut;
Rodrigues, vice-président de la Commission du chant
de la Ville de Paris; Ed. Monnais, commissaire gé-
néral près les théâtres et le Conservatoire; baron
Doyen, sous-gouverneur de la Banque de France;
Varcollier, conseiller de préfecture de la Seine;
Niedermeyer, directeur de l'Ecole de musique reli-
gieuse; Besozzi, grand prix de Home; Eugène Dela-
porte, C. de Vos, Delsarte, Dietsch, Elwart, Ermel,
de la Page, Ch. Gounod, Laurent de Rillé, Lim-
MANDER. »
Cet aréopage devait impressionner défavorable-
ment la timidité des dirigeants orphéonistes moins
clairvoyants que Eugène Delaporte. Il avait compris
la nécessité d'apporter à l'effort d'éducation et de
propagande l'auréole d'un comité formé de person-
nalités pouvant faire bénéficier la cause orphéonique
de l'autorité de situations officielles prépondérantes.
Des inquiétudes de domination se manifestèrent,
dont Eugène Delaporte devait être victime. Ces
inquiétudes n'étaient certes pas sans quelque fon-
dement. Aux tentatives d'embrigadement gouverne-
mental, secrètement poursuivies dans certaines asso-
ciations départementales patronnées par le préfet,
s'ajoutaient parfois l'hostilité de préfets qui, comme
M. de Tanlay dans le Pas-de-Calais, avec un dédain
blessant, opposaient la force d'inertie au vote des sub-
ventions, ou à la demande de salles d'école pour les
répétitions, afin de mater l'esprit d'indépendance.
Mais c'était injustice de s'en prendre à Eugène Dela-
porte, qui n'avait jamais songé, par la création du
« Comité général », à une possibilité de soumettre
l'Orphéon à quelque influence, politique, adminis-
trative ou religieuse. Un malentendu était désormais
établi dans la famille orphéonique. Le Comité général
de patronage, paralysé par de sourdes compétitions,
se sépara en 1864.
Toutefois, Eugène Delaporte ne renonçait pas à
son activité. Un second festival à Londres fui projeté
pour le mois de juin 1861. Hector Berlioz avait écrit,
pour la circonstance, sur un poème de Vaudin, un
double chœur, mi-parlie anglais, mi-partie français,
le Temple universel, où chaque groupe devait chan-
ter dans sa langue nationale. L'impossibilité de ré-
gler favorablement les questions d'inlérêt fit ajour-
ner le projet, et Eugène Delaporte se donna à
l'organisation d'une deuxième <■ Réunion générale
des orphéonistes de France », qui eut lieu à Paris
les 18,20,21 et 22 octobre 1861, au Palais de l'Indus-
trie, réunissant 8.000 chanteurs de 248 sociétés,
dont la statistique montre, avec celle de la première
réunion de 1839, les différences suivantes :
4 sociétés en moins : celles de la Charenle-Infé-
rieure, de la Manche, du Pas-de-Calais, des Hautes-
Pyrénées; 18 sociétés en plus venues des départe-
ments ci-après : Cher, Corrèze, Dordogne, Drôme,
.Eure, Gard, Indre, Maine-et-Loire, Haule-Marne,
Mayenne, Meuse, Pyrénées-Orientales, Haute-Saône,
Savoie, Somme, Tarn, Vaucluse, Haute-Vienne.
Richard Wagner était alors à Paris, où la repré-
sentation du Tannhauser, à l'Opéra, allait déchaîner
un scandale dans la haute société. Les musiciens
populaires avaient mis à leur programme le Chœur
des Matelots du Vaisseau Fantôme. Richard Wagner
tint à diriger lui-même les répétitions, et il eut sa
part dans l'immense succès qui accueillit toutes les
œuvres du festival dirigé par Eugène Delaporte.
Avec le chœur de Richard Wagner, le programme
comprenait : Pater noster, de Besozzi; l'Appel aux
Armes du Prophète, de Meyerbeer; le Chant du
bivouac, de Kucken ; Chœur des soldats de Faust, de
Gounod; le Chant des Bannières, de Laurent de Rillé;
les Enfants de Paris, d'Adolphe Adam ; Hymne à la
Nuit, de Schwahal; France! France! d'Ambreise
Thomas.
La presse se fit l'écho des acclamations des innom-
brables auditeurs. Le journaliste-poète Barthélémy
signala l'absence de l'empereur et du monde officiel,
où l'on commençait à être en défiance contre l'es-
prit d'indépendance de l'Orphéon :
« ... L'àme vibrante de ces huit mille voix de tra-
vailleurs a électrisé le vaste auditoire, où les grands
du jour brillaient parleur absence; mais, en revan-
che, tous les enfants de Paris, les persévérants tra-
vailleurs quotidiens de la plume, du compas, de la
pioche, de la truelle, du marteau, du burin, de la
lime, de la scie et du rabot étaient là, tous debout,
tous enthousiastes ! C'était le jour de fête de notre
liberté... Nous faisions épanouir nos applaudisse-
ments devant cette inoubliable expression de l'àme
humaine en ce langage universel qu'est la mu-
sique. »
Pour l'année 1862, Eugène Delaporte avail formé
un nouveau projet de propagande à l'étranger, un
pèlerinage en terre classique du chant, en Italie.
180 sociétés avaient répondu à son appel. L'organi-
sation prévoyait deux festivals à Turin, les 16 et
18 septembre, deux à Milan, le 20 à la Scala, et le
21 aux Arènes. La gratuité des chemins de fer en
France et en Italie avait été accordée. Tout près de
la date de départ, fixée au 14 septembre, parvint la
nouvelle de la bataille d'Aspromonte, et de la mar-
che de Garibaldi sur Rome. 11 fallut abandonner.
L'année 1863 fut marquée par deux festivals de
charité organisés par Eugène Delaporte. La guerre
américaine de Sécession, en privant de matière pre-
mière l'industrie colonnière, avait réduit au rhô-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LORPHÉON 3731
mage et à la misère 300.000 ouvriers. 19 sociétés de
Paris et 21 sociétés de province, réunissant plus de
1.000 exécutants, avaient répondu à l'appel du jour-
nal FOrphêon. Le 23 janvier à Rouen, et le 2"> mars
à Paris, ce furent, sous la direction d'Eugène Dela-
porte, deux fêtes musicales populaires, dont le suc-
cès artistique éclatant donna l'exemple de l'émula-
tion à toutes les sociétés orphéoniques de France
qui, par des concerts et des quêtes, apportèrent à
la souscription nationale un total de près de
120.000 francs.
Animé d'esprit fraternel, l'Orphéon avait aussi le
culte du souvenir. A l'heure où triomphait l'idée de
Wilheu, ses anciens élèves, maintenant groupés dans
diverses sociétés parisiennes, voulurent rendre à sa
mémoire un hommage solennel, en lui dédiant une
grande fête orphéonique, au profit des pauvres du
Ve arrondissement où, en 1820, Wilhem avait inau-
guré son enseignement. Autour des Céciliens se
groupèrent les nombreuses délégations des autres
sociétés parisiennes, et le H mai 1863, au cours du
festival donné salle Barthélémy, devant le buste
couronné de Wilhem, un orphéoniste, directeur de
l'une des sociétés, déclama un poème de F.-J. Simon,
vibrant de sincérité :
Dans le travail bumain, Wilhem ! ton œuvre est sainte.
Au bruit du grand labeur se mêlait une plainte,
La raison exerçait ses droits longtemps ravis,
Mais les besoins du cœur restaient inassouvi.-.
Tu compris qu'il manquait au peuple unr cnnqueie.
Que ses vœux, ses élans, n'avaient pas d'interprète.
Qu'il fallait dans son ombre allumer un tlambeau,
L'initier en masse au culte du vrai Beau,
Lui donner, pour chanter, une langue choisie,
Le polir par les Arts et par la Poésie,
Confondre tous ses cœurs dans un commun transport,
Unir toutes ses voix dans un immense accord!...
En cette même année 1863, les orphéonistes du
Nord s'étaient unis, eux aussi, pour un hommage à
une gloire populaire de la musique : 8 chorales
1 4 harmonies, 4 fanfares célébrèrent à Givet, le 21 juin,
le centenaire de la naissance de Méhul.
Pendant l'année 1864, Eugène Delaporte s'efforça
de constiluer deux organisations, par lesquelles il
voulait assurer l'avenir de l'Orphéon : une fondation
débourses en faveur des orphelins de familles d'or-
phéonistes, les Pupilles de l'Orphéon; et une fonda-
tion complémentaire en faveur de la vieillesse, les
lnvatid.es de l'Orphéon. L'existence de ces institutions
devait être courte, et le festival projeté à leur béné-
fice n'eut pas lieu.
La grande époque de l'Orphéon allait prendre
tin. Désormais, on allait vivre sur l'élan acquis. Eu-
gène Delaporte restait actif, mais un autre anima-
teur commençait à imposer sa popularité dans le
milieu orphéonique. Plus souple que Delaporte, il
devait bénéficier en haut lieu des sympathies qui
étaient devenues défiantes devant les conceptions
de grande envergure. A la mobilisation des festivals,
on préférait l'ordre dispersé des concours. L'anima-
teur d'alors fut le compositeur Laurent deRillé. Les
musiciens d'aujourd'hui n'ont que dédain pour sa
musique. 11 faut cependant penser à ce qu'était à
cette époque la musique en faveur dans les théâtres
et dans les salons, et ne pas méconnaître l'œuvre de
prosélytisme accomplie par Laurent de Rillé, qui
continua sans lassitude, lorsque les curiosités éveil-
lées par l'Orphéon s'émoussèrenl, et lorsque l'on se
lassa du contact populaire.
François-Anatole-Laurent de Rillé était né à
Orléans eu 1828. Elève au collège de Tours, et déjà
entraîné par ses dispositions vers la musique, il
reçut les premières notions de la science harmoni-
que d'un vieux maître, Comoglio, qui avait été, en
même temps que Rossmi.le disciple du célèbre père
Mattei, de Bologne. Soutenu par sa jeune ardeur, il
consacra les loisirs laissés par les travaux littérai-
res à la composition d'oeuvres pour orchestre et
chœurs, qu'il faisait exécuter par ses camarades de
collège réunis, pour les besoins de la cause, en
société philharmonique. Aucun instrument n'était
dédaigné, même pas le flageolet, dont jouait Jules
Baric, qui a continué en se faisant un nom dans la
caricature. Ce fut l'occasion de ses premiers succès.
Venu à Paris, en 1848, pour ses études de droit,
il entra au Conservatoire dans la classe d'harmonie
professée par Elwart. C'est à cette époque que se
dessina l'orientation de sa carrière : passant un
soir rue de Bellefons, il ressentit une telle impres-
sion en entendant chanter en chœur, sans accompa-
gnement, un groupe d'ouvriers formant la société
chorale les Montagnards tyroliens île Montmartre,
qu'obéissant à la séduction exercée sur lui par la
chaude harmonie des voix humaines, et aussi à
l'émotion éprouvée devant le spectacle d'hommes
se reposant du travail par l'art, il se mil à écrire —
paroles et musique — des chœurs à quatre voix qui
furent bientôt populaires, et dont plusieurs obtinrent
des médailles d'or dans les concours; puis, en 1856,
une plaquette sur le Chant choral, pour renseigner
sur l'organisation matérielle et les études utiles aux
groupes de chanteurs; des chœurs à trois voix pour
les écoles du département de la Seine; des chœurs
avec accompagnement d'orchestre, d'harmonie ou
de fanfare; des solfèges et des morceaux de chant à
une ou plusieurs voix, spécialement écrits pour les
écoles, collèges et lycées; des solfèges pour les con-
cours de lecture à vue.
Sa renommée ne tarda pas à devenir populaire.
Dès 1840, il fut chargé d'aller faire des recherches
dans les bibliothèques musicales de l'Espagne. Le
ministère de l'instruction publique eut souvent
recours à sa compétence, particulièrement lors des
réunions du Comité des bibliothèques scolaires et,
en 1865, du Comité pour la réorganisation de l'en-
seignement delà mtsique; il fut nommé, en 1866,
inspecteur général de l'enseignement musical dans
les lycées et écoles normales de France, lorsque fut
mis en application le décret de 1865, rendant obli-
gatoire l'enseignement du chant dans les lycées et
écoles normales, et portant à cinq heures par
semaine le temps réservé a cet enseignement.
Secrétaire du comité chargé de l'organisation des
concours et des festivals orphéoniques à l'Exposition
universelle de 1867, il fut appelé à présider des
comités semblables pendant les Expositions univer-
selles de 1878 à 1889. Son activité infatigable con-
tribua beaucoup au succès des belles exécutions
dirigées par Pailcs en 1867, par Edouard CoLO.NNEen
1878, par Vianesi en 1889. Pendant vingt-deux ans,
de 1866 à 1898, il fut chargé d'un cours d'histoire
de la musique à la Sorbonne. En 1889 et en 1895,
il fut , dans la salle du Trocadéro , le chef d'or-
chestre très applaudi des deux festivals où chantè-
rent mille enfants des écoles du département de la
Seine. Pendant une cinquantaine d'années, beau-
coup de jurys, en France, en Algérie, en Suisse, en
Espagne, en Italie, en Belgique, en Hollande, tin-
rent à honneur de l'avoir comme président. Officier
3732
ESCYCLOPÉDIË DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de la Légion d'honneur, officier de l'Instruction pu-
blique, chevalier des Saints Maurice et Lazare, offi-
cier de la Couronne d'Italie, commandeur de
Charles III, grand-olïicier d'Isabelle la Catholique,
il devait survivre à son grand renom pendant les
longues années d'une vigoureuse et souriante vieil-
lesse, qui s'éteignit doucement, pendant les graves
préoccupations de la guerre de 1914.
A partir de 1864, les fêtes orphéoniques furent
données sous la forme de concours. Celte année-là,
il y en eut 55. Il y en eut encore davantage dans
les années suivantes. La vitalité orphéonique était
ainsi entretenue. On en eut la preuve pendant l'Ex-
position universelle de 1867, où S. 000 chanteurs,
appartenant à 272 sociétés, se trouvèrent encore
une fois réunis sous la direction d'Eugène Dela-
porte. Les exécutants de plus de cinquante autres
sociétés, qui avaient envoyé leur adhésion, durent
s'abstenir parce que la réduction escomptée de
75 °/o sur le prix de Irausport fut fixée à 50 °/0 par
les compagnies de chemins de fer. L'heureux lemps,
si favorable aux déplacements orphéoniques, n'était
plus où la nécessité de répandre le goût des voyages,
et d'apaiser la peur du nouveau moyen de transport,
incitait les compagnies à favoriser, jusqu'à la gra-
tuité, les exodes orphéoniques.
Les concours de musique sont restés très en
faveur dans les milieux orphéoniques. Ils sont une
occasion de se manifester pour des gens simples,
qui n'osent pas concevoir une haute destination pour
leur art, el une occasion de s'évader de la tranquil-
lité quotidienne par un voyage en groupe. Les musi-
ciens estiment que cela n'intéresse guère la vie ar-
tistique, el ils y sont aujourd'hui indifférents, ayant
perdu tout souvenir du passé, cependant encore
récent, où monde professionnel el inonde artistique
avaient quelque parenté! Les maitres de l'avant-
dernière génération étaient en fidèles relations avec
l'Orphéon. Ils y apportaient bonne humeur et con-
fiance. Ambroise Thomas, rappelant de jeunes souve-
nirs, ne manquait pas de raconter certains épisodes
typiques de sa vie de président de jurys d'orphéon,
tels que la réponse donnée par le directeur d'une
société chorale a un concours de Marly-le-Roi :
« Comment se fait-il que nous n'entendons pas
du tout vos premiers ténors? » Et le directeur de ré-
pondre simplement à Ambroise Thomas : « Monsieur
le président, nous n'en avons pas dans le pays.
'Alors je fais chanter à tous les ténors la partie de
second... »
Mais ces maîtres avaient vu naître et se déve-
lopper l'Orphéon. Ils savaient sur quelle base solide
Wilhem l'avait établi, et les prodigieuses réussites
de l'apostolat d'Eugène Delapobte les avairnl con-
quis. Ils ne doutaient pas de l'avenir de l'institution.
Leur erreur fut de ne pas veiller à la continuité
nécessaire de l'effort initial, dans l'œuvre d'éduca-
tion, qui ne séparait pas les voix féminines des
voix masculines, et qui favorisait le recrutement
potscolaire, en mêlant à l'étude du solfège celle de
la culture vocale.
Us ne soupçonnèrent pas non plus la crise qu'al-
lait déterminer dans l'orphéon vocal la création de
l'orphéon instrumental.
Les orphéonistes bons lecteurs, mais chanteurs
médiocres, furent incités à l'étude des instruments
à vent, si ingénieusement conçus parla facilité de
leur jeu, et l'organisation en « famille », où l'échelle
des dillérentes voix humaines était reproduite. En
outre, en devenant instrumentiste, on reprenait une
individualité, dont l'effacement, dans le chœur, était
pénible à certains tempéraments. Itapidement, l'or-
phéon instrumental, sous la forme de fanfare ou
d'harmonie, prit de l'extension, el c'est en lui que
reste aujourd'hui la plus grande activité orphéo-
nique.
A côté des noms de Wilhem et d'Eugène Delà-
poète, il faut placer celui d'Adolphe Sas, créateur
des orchestres populaires modernes.
LA VIE ET L'ŒUVRE D'ADOLPHE SAX
En 1842, l'année où mourait Wilhem, fondateur
de l'enseignement populaire du chant en France, et
créateur de l'Orphéon, arrivait à Paris un Belge,
bientôt devenu Français, Adolphe Sax, dont les mul-
tiples inventions et l'audacieuse activité devaient
révolutionner l'harmonie, puis la fanfare, et rendre
possible, dans le pays toul entier, l'organisation
des orchestres populaires.
Ainsi, presque dans le même temps, au milieu
du xixe siècle, les moyens de développer considé-
rablement leur art furent donnés aux musiciens, par
deux activités françaises.
Cependant, quatre-vingts ans ont passé, et la mu-
sique française n'a pas encore recueilli le bienfait
de l'œuvre accomplie par Wilhem et Adolphe Sax.
Les sociétés vocales et instrumentales ne manquent
pas ; mais elles demeurent étrangères à la vie artis-
tique, et les artistes restent insouciants de leur colla-
boration. A aucun la pensée n'est venue que l'effort
d'Adolphe Sax s'ajoute à celui de Wilhem, et le com-
plète. On s'est contenté de se montrer également
injuste pour leurs mémoires, alors qu'ils devraient
être également honorés. On ignore Wilhem comme
on ignore Adolphe Sax.
Nous sommes donc naturellement amenés à
parler du second, après avoir parlé du premier, et
à faire suite aux documents qui conservent le sou-
venir du créateur de la musique d'ensemble popu-
laire vocale, par ceux qui conservent le souvenir du
créateur de la musique d'ensemble populaire intru-
mentale.
Adolphe Sax est né à Dinan, petite vill<- d
que, en 1814, aîné de onze enfants, dont huit mou-
rurent jeunes. Son père était fabricant d'instruments,
très habile et 1res réputé.
Doué de dispositions exceptionnelles pour la mu-
sique, Adolphe Sax apprit de son père le métier de
facteur, et suivit les cours du Conservatoire de
Br»xelles; il se prépara ainsi à devenir en même
lemps ouvrier très expert, et artiste 1res cultivé.
Comme en lui la volonté fut cxtraordmaii emenl
forte, et incapable de défaillance, rien ne lui man-
qua pour réaliser l'œuvre à laquelle il était destiné.
el léguera l'avenir la gloire d'une vie qui, poor ses
contemporains, s'éleva à la hauteur d'un événement
social» par les services rendus à l'art musical, par
les luttes soutenues pour mettre à jour ses déi -ou-
vertes et les défendre de la spoliation, par les tron1-
lirais que lui décernèrent loutes les nations indus-
trielles, i \llistoirc tl'ini inventeur au dix-i
iircle, par Oscar €omettant, Paris, 1860.)
.Mais Adolphe Sax expia la gloire de son génie par
une existence incessamment agitée.
La vie lui fut funeste dès l'enfance : il m arc liai I à
peine, que la chute d'un baquet placé sur une marche
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LORPHÉON 8381
d'escalier l'entraînait au bas de trois étages; peu
après, il avalait une épingle, se brûlait le côté en
tombant sur un poêle en fonte, et buvaii, trompé
par l'apparence laiteuse, un bol de vitriol étendu
d'eau; un peu plus tard, il était brûlé et lancé au
loin par une explosion de poudre, arraché à des
empoisonnements dus au blanc de plomb, à l'oxyde
de cuivre, à l'arsenic, puis trouvé un matin à demi
asphyxié par l'odeur d'objets récemment veruis
oubliés dans sa chambre. Déjà on ne le nommait
plus, à Dinan.que « le petit Sax, le revenant », lors-
que, à peine remis de la blessure causée par le choc
d'un pavé, et dont il conserva toujours la cicatrice
profonde, il était précipité dans un tourbillon par
d'autres enfants qui jouaient avec lui sur le bord
d'une rivière, et allait être noyé sans le dévouement
d'un passant courageux.
Il ne devait tant de fois vaincre la mort que pour
justifier pendant une longue existence la doulou-
reuse prédiction de sa mère au lendemain d'un acci-
dent : n Mon enfant est voué au malheur. »
Dès l'âge de six ans, Adolphe Sax commença à
travailler dans l'atelier de son père. A douze ans, il
savait déjà tourner les pièces, mouler les clefs, les
fondre, les polir, les ajuster; à seize ans, il présen-
tait à l'Exposition de Bruxelles des tîntes et des cla-
rinettes en ivoire entièrement fabriquées par lui; à
vingt ans, il méritait, à l'Exposition de l'industrie
belge, une mention honorable pour une nouvelle
clarinette à vingt-quatre clefs de son invention, et
se signalait à l'attention des artistes en jouant lui-
même avec virtuosité ; à vingt-trois ans, il inventait
une clarinette-basse, où les défauts des essais tentés
jusqu'alors étaient corrigés, et il réalisait bientôt
après un nouveau progrès en construisant une cla-
rinette-contrebasse. Dès ce moment, Adolphe Sax
fut connu.
Ses derniers travaux avaient sollicité l'attention du
plus fameux des musicographes, Kétis, alors direc-
teur du Conservatoire de Bruxelles, qui écrivit l'his-
toire de la clarinette, « notant les perfectionnements
depuis la création en 1690, nommant les plus célèbres
luthiers, et plaçant Adolphe Sax au-dessus d'eux
tous. » Et au cours d'un voyage fait à Paris pour
visiter l'Exposition de 1839, le jeune artiste facteur
recueillit les compliments du chef d'orchestre de
l'Opéra, Habsneck, des compositeurs Mkyerbeer et
Halévy.
Encouragé par le succès, Aldolphe Sax poursuivit
ses recherches. A l'exposition belge de 1841, il pré-
senta neuf instruments. On le jugea digne de la pre-
mière médaille; mais elle ne lui fut pas décernée,
sous prétexte « qu'il était trop jeune et qu'on n'au-
rait plus rien à lui offrir ». Adolphe Sax sut alors
que sa jeune renommée était gênante pour quel-
ques-uns de ses compatriotes.
Au même moment, le malheur s'abattait sur sa
maison. Un frère et une sœur succombaient à quel-
ques mois d'intervalle, puis d'autres deuils se suc-
cédaient, rendant plus triste chaque jour l'atelier
où, jadis, le travail était si joyeux.
Paris, Londres, Saint-Pétersbourg l'appelaient à
la fois, promettant la victoire à son talent de virtuose
et de facteur. Il hésita quelque temps entre les pro-
messes du gouvernement russe, les offres des capi-
talistes anglais, et les sollicitations que lui firent
parvenir de Paris, par l'entremise du marquis de
Rumigny, ambassadeur en Belgique, le général de
Rumigny son père, et des musiciens comme Sayart
et HABENECii. Mais c'est Paris qu'il choisit, lorsque
cette lettre du compositeur Halévy vint lui prouver
que les altistes l'y attendaient :
« Je profite du séjour de M. Vibuxtgwps à Paris et
de son départ pour Bruxelles pour vous demander
des nouvelles des instruments que vous avez bien
voulu me faire entendre, et que vous vous occupez
maintenant à perfectionner; j'espère que vous
atteindrez le but que vous vous êtes proposé, et,
par vos efforts, dignes de l'intérêt de tous les com-
positeurs, vous agrandirez le nombre et la puissance
des elfets d'orchestre, grâce à vos nouvelles et excel-
lentes combinaisons de sonorité; nous avons déjà eu
l'occasion de les approuver au Conservatoire. Ce
n'étaient encore que des essais, et je ne doute pas
que vos travaux et vos recherches n'augmentent
encore l'espoir des amis de l'art, et ne répondent à
leur attente. Hâtez-vous donc de terminer votre nou-
velle famille d'instruments, et venez en aide aux
pauvres compositeurs, qui cherchent du nouveau,
et au public, qui eu demande, n'en fût-il plus au
monde.
Mille compliments.
IlALfA
Lorsque, en 1842, Adolphe Sax, âgé de wiii'l-huii.
ans, vint de Belgique, après un rapide voyage d'études
en Allemagne, se fixer à Paris, où les plus hautes
personnalités artistiques l'appelaient, il avait prouvé
son génie d'inventeur par ses travaux sur les clari-
nettes soprano, alto et basse, sut la llùle, le basson,
et par diverses créations ingénieuses, telles qu'une
vis sans fin pour l'accord simultané de toutes les
cordes du piano, une caisse sonore pour les violon-
cellistes, un réflecteur acoustique pour les instru-
ments à veut, de nouveaux systèmes de cylindres et
de clefs.
Il était particulièrement réputé pour son inven-
tion de la nouvelle clarinette-basse, devenue son ins-
trument de virtuose, et qui surpassait tous les essais
tentés jusque-là, même le plus récent, celui de l'ar-
tiste français, soliste de l'Opéra de Paris, Dacosta.
On en retrouve la preuve, sous une forme imprévue,
dans un journal du temps, qui rapporte la visite
faite, lors de son premier séjour en France, au mo-
ment de l'Exposition de 1839, par Adolphe Sax à son
confrère Dacosta, dont la femme était présente, et
qu'on n'éloigna point au moment où les deux clari-
nettes-basses furent comparées. Elle jugea celle
d'Adolphe Sax tellement supérieure à celle de son
mari, qu'elle ne put s'empêcher de déclarer : « Mon
ami, je suis fâchée de te le dire, mais depuis que
Monsieur a joué, ton instrument me fait l'elfet d'un
mirliton! » [Le Patriote beli/e, 23 septembre 18-i:!.;
Appliquant ses recherches à l'amélioration des
instruments les plus divers, Adolphe Sax se distin-
guait déjà de ses émules contemporains les plus
fameux : Ivan MCller, connu pour le perfectionne-
ment de la clarinette; Th. Boehu, pour celui du nou-
veau système de flûte. En outre, il avait marqué
encore plus vivement l'exceptionnelle puissance de
ses facultés par la création d'un instrument nouveau,
basé, suivant l'expression de (iEvaert, dans son Trait'}
d'instrumentation, « sur un principe dont on ne
connaît pas d'application certaine dans les nombreux
appareils sonores que les siècles passés ouïes peuples
étrangers ont transmis à l'Europe moderne, la mise
en vibration d'une colonne d'air contenue dans un
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tuyau conique, au moyen d'une anche battante sem-
blable à celle de la clarinette ».
Cet instrument nouveau devait donner naissance
à la famille des saxophones. Avant même qu'on le
connût, il fut pour Adolphe Sax l'occasion d'ap-
prendre jusqu'où peut aller l'animosité de concur-
rents jaloux : « Apporté sous une enveloppe de toile
pour être montré au jury de l'Exposition belge
de 1841, il fut envoyé au loin d'un violent coup de
pied que lui porta, dans un moment où l'inventeur
s'était absenté, une personne restée inconnue. » (Le
Patriote belge el Manuel général de musique militaire,
par Kastner. ;
Ainsi, quand il s'intalla en France, Adolphe Sax,
déjà vanté et jalousé, n'ignorait pas que le génie sus-
cite la haine. Il lui restait à éprouver que l'activité
novatrice peut déchaîner jusqu'à la férocité les plus
calmes égoïsmes.
Dès son arrivée à Paris, Adolphe Sax rendait visite
à Hector Berlioz, qui, dans son feuilleton du Journal
des Débats, le 12 juin 1842, écrivait avec enthou-
siasme :
« ... La fabrication des instruments à vent était à
peu près demeurée dans l'enfance, elle est aujour-
d'hui sur une voie qui ne peut manquer de la con-
duire à de magnifiques résultats. M. Adolphe Sax,
dont nous venons d'examiner les travaux, aura sans
doute puissamment contribué à la révolution qui se
prépare. C'est un homme d'un esprit pénétrant,
lucide, obstiné, d'une persévérance à toute épreuve,
d'une grande adresse, toujours prêt à remplacer-
dans leur spécialité les ouvriers incapables de com-
prendre et de réaliser ses plans ; à la fois calculateur,
acousticien et, au besoin, fondeur, tourneur et cise-
leur. Il sait penser et agir; il invente et il exécute...
Le saxophone est le chef d'une nouvelle famille, celle
des instruments de cuivre à anche... Sa sonorité est
de telle nature que je ne connais pas un instrument
grave actuellement en usage qui puisse, sous ce rap-
port, lui être comparé. C'est plein, moelleux, vibrant,
d'une force énorme et susceptible d'être adouci...
Les compositeurs devront beaucoup à M. Sax, quand
ses nouveaux instruments seront devenus d'un usage
général. Qu'il persévère, les encouragements des
amis des arts ne lui manqueront pas. »
L'article d'Hector Berlioz eut un grand retentisse-
ment. Il s'y ajouta bientôt le succès remporté par
Adolphe Sax au Conservatoire, où, sur le conseil
de Haheneck, il avait fait entendre ses instruments
devant Auber, Halévv, Dorus, Ed. Monnais. Alors,
la sympathie des musiciens, et de ceux qui vivaient
de la musique, lui vint; car on sentait qu'il était
une force. En même temps qu'il recevait les encou-
ragements des artistes désintéressés, il connut les
tlatteries des gens préoccupés de gagner sa con-
fiance. L'unanimité dura peu.
Venu à Paris sans ressources, Adolphe Sax avait
reçu d'un ami, qu'Oscar Comettant a seulement
désigné par l'initiale D..., une première somme de
4.000 francs; puis, cet exemple avait été suivi par
d'autres amis, qui réunirent une deuxième somme
de 7.000 francs. Cet argent avait permis la location
d'une sorte de remise, rue Saint-Georges, où Adol-
phe Sax s'était installé avec quelques ouvriers, et le
matériel nécessaire à la fabrication. On vint le voir
à l'œuvre.
« ... Plongé dans ses travaux, il ne songeait pas
encore à prendre de brevets ni à barricader sa porte
contre les envieux, les plagiaires et les contrefac-
teurs. Ses modèles, crayonnés par des mains indis
crêtes, couraient les ateliers et les rues; ses instru-
ments, en jouait chez lui qui voulait... » (J. Arago,
Visite à Versailles.)
«... Certains, prévoyant de quel immense avan-
tage serait pour eux l'acquisition d'un tel homme,
destiné par ses lumières à jeter tant d'éclat sur
leur industrie, cherchèrent à se l'attacher, pour
tirer parti de ses labeurs, ne se faisant point faute
d'ailleurs de jouer la bonne foi, en lui promettant
une grosse part dans les bénéfices. Ils ne connais-
saient point Adolphe Sax; il ne savaient pas qu'un
véritable artiste songe à la gloire avant de consulter
l'intérêt; aussi, se virent-ils complètement déçus
dans leur attente. Adolphe Sax repoussa toutes les
propositions.» (Kastneb, Manuel gênerai de musique
militaire.)
« ... Contrairement aux usages établis à Paris,
Adolphe Sax voulut que les instruments fussent con-
fectionnés en entier sous ses yeux. On débitait le
bois, on le perçait, on le tournait dans l'atelier de
l'artiste, qui lui-même travaillait aux pièces difficiles,
donnant ainsi à ses ouvriers le double exemple de
la science et du travail. De plus, les garnitures et
les clefs se faisaient et se montaient chez le facteur.
II en était de même des instruments en cuivre, dont
on soudait les tubes, dont on fabriquait les pavillons,
les pistons, les cylindres, et de tous les ouvrages de
tour, tels qu'embouchures, etc. Par ce moyen, le
jeune facteur était assuré de ne livrer au public que
d'excellents instruments... Mais aussi, en agissant
de cette façon, il brusquait les habitudes établies, el
mettait contre lui toutes les maisons spéciales qui
fabriquaient les diverses pièces... C'était toute une
révolution que venait opérer à Paris un homme
étranger, et dans le plus chétif atelier... » (0. Comet-
tant, Histoire d'un inventeur au dix-neuvième siècle.)
Et c'est ainsi que, peu à peu, les sympathies qui
n'étaient pas désintéressées se détournèrent d'A-
dolphe Sax. La lutte commença. D'abord, on ne put
soupçonner l'intensité qu'elle devait prendre, parce
que les attaques se bornèrent à la moquerie. Les
travaux d'Adolphe Sax furent jugés insignifiants, ses
recherches inutiles. Le saxophone fut ridiculisé.
Mais quand on vit les sourires impuissants contre
une énergie toujours plus vaillante, et l'œuvre de
progrès s'affirmer par la prise, en 1843, d'un brevet
pour un nouveau système d'instruments d'harmonie,
alors les égoïsmes impuissants commencèrent à se
liguer, et, désormais, Adolphe Sax fut entraîné à la
guerre impitoyable que, pendant plus de cinquante
ans, les facteurs d'instruments coalisés secrètement
lui livrèrent.
Les étonnantes péripéties de cette lutte demeuren
une inépuisable source d'intérêt et d'émotion pour
les amis de l'art musical susceptibles de reconnais-
sance envers le talent vainqueur de la routine, poul-
ies amateurs de romans capables d'être empoignés
aussi vivement par la réalité que par la fiction, pour
les [juristes préoccupés de rendre la loi plus souve-
rainement protectrice des droits de la pensée créa-
trice, pour les moralistes soucieux de vivifier la
théorie par un grand exemple d'énergie, d'abnéga-
tion et de persévérance inlassables.
Premiers travaux. Première* luttes.
Adolphe Sax n'était pas installé à Paris depuis un
an, que la lutte commença violente contre lui. Elle
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHEON 3735
fut décidée après qu'il eut affirmé sa volonté de
rompre avec la routine en prenant, les 17 et 21 juin
1843, ses deux premiers brevets français. L'un con-
cernait les instruments à vent en cuivre, l'autre les
instruments à vent en bois; tous deux remédiaient
àjdes [défauts de justesse et de sonorité. Celui du
17 juin indiquait trois modèles de bulles à cylindre,
deux de trompettes chromatiques, deux de contre-
basses d'harmonie, en mi bémol à [trois cylindres,
en fa à six cylindres, où les angles et courbes, trop
heurtés, et dénaturant le son, étaient supprimés, et
avec une adaptation de coulisse aux cylindres pour
obtenir la justesse. Celui du 21 juin supprimait, dans
les instruments tels que la clarinette, les cavités pro-
duites par l'épaisseur du bois au-dessous des clefs
bouchant les trous ouverts sur le tube.
Ce n'était qu'un début à des travaux beaucoup plus
révolutionnaires. Il suffit cependant à créer contre
Adolphe Sax des hostilités qui ne pouvaient alors
être connues de beaucoup, mais dont le scandale
parvint jusqu'à Hector Berlioz. Il voyageait à ce
moment en Allemagne, où l'occasion ne lui man-
quait pas d'éprouver l'utilité des perfectionnements
dus à Adolphe Sax. Dans une lettre publiée par le
Journal des Débats, le 8 octobre 1813, il s'abandonne
à une indignation véhémente :
« ... Nous n'avons point encore en France de trom-
pettes chromatiques (ou à cylindres) : la popularité
incroyable du cornet à pistons leur a fait une concur-
rence victorieuse jusqu'à ce jour, mais injuste, à mon
avis, le timbre du cornet étant fort loin d'avoir la
noblesse et le brillant de celui de la trompette...
« Nos bandes de musique militaire n'ont point en-
core de trompette à cylindres, ni de basse-tuba, le
plus beau des intruments graves...
<c Ce ne sont pas, en tout cas, les instruments qui
nous manquent; Adolphe Sax fait, à celte heure, des
trompettes à cylindre, grandes et petites, dans tous
les tons possibles, usités et inusités, dont l'excellente
sonorité et la perfection sont incontestables...
« Croirait-on que ce jeune et ingénieux artiste a
mille peines à se faire jour, et à se maintenir à
Paris? On renouvelle contre lui des persécutions
dignes du moyen âge, et qui rappellent exactement
les faits et gestes des ennemis de Benvenuto, le cise-
leur florentin. On lui enlève ses ouvriers, on lui dé-
robe ses plans, on l'accuse de folie, on lui intente
des procès ; avec un peu d'audace, on l'assassinerait. »
Quelques semaines après, la Revue et Gazette des
théâtres dévoilait une conspiration organisée contre
Adolphe Sax par les artistes de l'orchestre de
l'Opéra, « auxiliaires fidèles de ses rivaux ».
Emerveillé de sa clarinette-basse et de ses instru-
ments en cuivre, le compositeur Dors'izETTi s'était
empressé d'utiliser ces « nouveaux prestiges harmo-
niques » dans sa partition de Dom Sébastien, destinée
à l'Opéra. Au cours des| répétitions, certains artistes
avaient forcé, petit à petit, sous prétexte d'impossi-
bilité, le compositeur à couper les passages écrits
pour les nouveaux instruments, et ils avaient obtenu
du chef d'orchestre Habeneck, trop faible, qu'on jouât
l'ancienne clarinette-basse simultanément avec la
nouvelle, de façon à « amoindrir l'effet ».
La révélation de ces manœuvres, « menaçant à la
fois l'intérêt de l'art, celui de la partition nouvelle
et celui d'un jeune facteur, auteur de plusieurs in-
ventions importantes » {Revue et Gazette des théâtres,
0 novembre 18*3), suscita des articles dans tous les
journaux. Le rédacteur de la France musicale, Escu-
dier, dans le numéro du 12 novembre 1843, exprima
les sentiments de blâme qui étaient unanimement
ressentis, en écrivant :
« ... L'art est donc devenu une chimère, et tout ce
qu'on pourrait faire à l'avenir, dans le but d'amé-
liorer les instruments, courrait le risque d'être pros-
crit sous un prétexte d'intérêt personnel?... Que
M. Sax ne se décourage pas; il a devant lui le plus
bel avenir; plus il excitera de jalousies, plus son
succès sera éclatant. 11 n'est rien comme les passions
envieuses pour donner raison au talent et au génie. »
Le rédacteur du Monde msical, dans le numéro
paru le 30 novembre 1843, dénonça l'état arriéré de
la facture instrumentale, laissant ainsi à l'avenir
une preuve irrécusable de son infériorité au moment
où parut Adolphe Sax :
« ... Cornets faux, trombones faux, cors faux, cla-
rinettes fausses, flûtes qui baissent ont jeté les hauts
cris. Ils ont soutenu que leurs instruments étaient
délicieux! Insensés! si vos instruments sont bons,
que doit-on penser de vous?... L'orchestre de l'Opéra
est un bon orchestre, mais grâce aux instruments à
cordes. Les instruments de cuivre sont mauvais. En
Allemagne et en Belgique, on ne voudrait pas les
entendre cinq minutes sans les siffler... »
En dehors des musiciens, on se préoccupa de l'in-
trigue dont Adolphe Sax était victime, car ceux qui
l'avaient machinée ne prirent pas soin de la borner
au petit cercle artistique intéressé, et la victime sut
se défendre vaillamment. Pour se dégager du blâme
encouru, l'un des artistes coupables, le clarinettiste
Buteux, avait adressé à la Revue et Gazette des
théâtres une lettre où la clarinette-basse nouvelle
était durement critiquée. La réponse d'Adolphe Sax
parut dans le même journal, le 3 décembre 1843.
Elle était nette :
« ... Que M. Buteux trouve mon instrument mau-
vais, c'est son droit; mais je dois lui rappeler que
cette opinion, il ne l'a pas eue toujours, car chez
moi, et devant plus de cinquante personnes, en
faisant lui-même, à plusieurs reprises, la compa-
raison de l'instrument qu'il joue aujourd'hui avec le
mien, il a trouvé ce dernier beaucoup supérieur à
l'ancien. Puisqu'il est si facile de nier aujourd'hui ce
qui s'est passé en petit comité, j'offre à M. Buteux
de faire décider sur notre question le grand juge, le
public! Après cela, tout sera dit de part et d'autre.
« Je propose donc à M. Buteux, première clarinette
de l'Opéra, de choisir tel morceau qu'il lui plaira, et
lui sur son instrument, et moi sur le mien, nous le
jouerons en public. Si la comparaison qui pourra
être faite entre mon instrument et le sien n'est pas
à mon avantage, je me déclare battu. J'offre ensuite
d'exécuter sur ma clarinette-basse un morceau que
je défie M. Buteux, première clarinette de l'Académie
royale de musique, de jouer sur la sienne. — Adol-
phe Sax. »
Le virtuose Buteux jugea prudent de ne pas
relever le défi. Et le public, mêlé à l'affaire, main-
tenant séduit par l'attitude crâne de celui qu'on atta-
quait sans loyauté, commença désormais à s'inté-
resser à ses faits et gestes, et à préparer la popula-
rité de son nom.
Quant aux artistes, tous ceux qui comptaient parmi
les plus illustres affirmèrent, à l'occasion de cette
indigne querelle, leur reconnaissante sympathie pour
le novateur. Le numéro de la Revue et gazette des
théâtres où la réponse d'Adolphe Sax était publiée
inséra ces témoignages :
:i73r.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
« Adolphe Sax a t'ait faire de grands progrès non
seulement à la fabrication des instruments à vent,
mais encore à l'art de l'instrumentation même, en
perfectionnant les instruments anciens, et en en
créant de nouveaux. Il est digne de la reconnaissance
des compositeurs et de tous les encouragements des
protecteurs de la musique. » (Hector Berlioz.)
« ... Personne mieux que M. Sax ne mérite d'être
encouragé et soutenu dans les travaux qu'il a en-
trepris. » (Haléw.)
« ... Les perfectionnements apportés par M. Adol-
phe Sax à la clarinette-basse, ainsi qu'au bugle, à la
trompette et généralement à tout le système des
instruments à vent, comme aussi à l'invention de
plusieurs instruments nouveaux du plus bel effet,
notamment le saxophone, me paraissent d'une incon-
testable utilité et infiniment favorables au progrès
de l'art musical... » (Kastner.)
«... J'aiététrès étonné etplusque satisfait, à cause
des bons résultats que de tels instruments doivent
opérer dans l'art.» (K. Ricci.)
« Je ne connais des nouveaux instruments qu'a
inventés M. Sax que l'instrument qu'il appelle le
saxophone. Cet instrument m'a paru d'un bel et
puissant effet et pouvant être avantageusement em-
ployé dans les orchestres et les musiques militaires.»
(Meye'rbeer.)
« Les perfectionnements de M. Sax me semblent
de véritables créations. Les compositeurs lui doivent
beaucoup, parce que, grâce à lui, s'agrandira le do-
maine de l'instrumentation.» (Ad. Adam.)
«... La basse d'harmonie appelée saxophone el la
clarinette-basse sont on ne peut plus remarquables
par la puissance de leurs notes graves. Ces deux ins-
truments seront appelés, je le crois, à prendre place
dans les orchestres. Les bugles et les trompettes à
cylindre ont aussi une supériorité incontestable par
l'égalité des sons et surtout par la justesse. Ces
résultats obtenus seront, je n'en doute pas, d'une
grande utilité pour les artistes exécutants, ainsi que
pour les compositeurs, qui verront par là s'éten-
dre encore les ressources de l'instrumentation. »
(A.Thomas.)
La clarinette-basse est tout à fait nouvelle;
elle est appelée à jouer un grand rôle dans l'or-
chestre; ses sons, remarquablement beaux et mâles,
ont une grande puissance et une parfaite égalité. »
(Cahafa.)
N'ayant pu réussir à intimider Adolphe Sax, à
désorganiser son atelier et à discréditer les premiers
résultats de son effort, ses rivaux en vinrent à autre
chose. On commença à dresser des pièges qui, fata-
lement, devaient enlacer un homme trop loyal pour
ne pas être confiant.
Dans son volume Histoire d'un inventeur au dix-
neuvième siècle, chapitres v et vi, Oscar Comf.ttant
a raconté comment un commis, puis un caissier,
agents secrets de ceux qu'inquiétait cette activité
novatrice, furent introduits chez Adolphe Sax; com-
ment son crédit fut combattu chez les banquiers,
comment il se trouva acculé h des transactions si
ruineuses qu'il dut accepter 1.400 francs nécessaires
à des payements urgents, pour une valeur souscrite
à trois mois de 7.800 francs, comment il échappa
à la chute, grâce à l'esprit de justice de celui qui
avait régulièrement escompté les 7.800 francs, et qui
tint à protester contre les scandaleuses manœuvres
d'usure employées contre son débiteur, en fixant le
remboursement par mensualités de 230 francs; com-
ment enfin les traîtres se démasquèrent eux-mêmes
par leur audace imprévoyante.
Au moment où s'accentuait ainsi la lutte, Adolphe
Sax travaillait sans relâche, et vivait misérablement.
Après l'active journée de l'atelier, il passait une
partie de la nuit à ébaucher des plans el des modèles,
dans une petite chambre, meublée seulement d'un
établi et d'un lit, au-dessus duquel s'ouvrait une
tabatière fermant si mal que la pluie et la neige
passaient au travers, comme la lumière du jour.
Afin de se protéger contre le mauvais temps, Adol-
phe Sax assujettissait au-dessus de sa tête un vieux
parapluie ouvert, l'argent dont il pouvait disposer
étant trop utile aux travaux de la fabrique pour en
pouvoir consacrer un peu à l'amélioration de son
intérieur. Il y reçut un jour la visite de l'écrivain
Edouard Monnais :
II pleuvait, Sax était assis sur son lit mal garanti
par son parapluie et dessinait un plan sur un établi.
« Pourquoi, lui dit Edouard Monnais, ne faites-
vous pas arranger la fenêtre de votre chambre? l'eau y
pénètre; vous vous tuerez ici.
— Plus tard, répondit l'artiste en souriant, quand
je serai riche. »
... Edouard Monnais sortit le cœur navré de chez
le pauvre inventeur. Venant à rencontrer l'historien
et compositeur Georges Kastner, il lui dit : « Je viens
d'être cruellement surpris; je viens de voir Sax chez
lui, c'est-à-dire dans un trou sombre, humide, en-
vahi par la moisissure. J'ai vu comment cet esti-
mable artiste passe les nuits; c'est affreux. Ah ! les
gens qui attaquent cet homme sont bien coupables. »
(Oscar Cohettant, ouvrage cité.) Ces gens-là devaient
être sans pitié. Pour eux, Adolphe Sax n'était encore
que le Belge. Et cette appellation ne marquait que
du mépris. L'heure approchait où ils allaient expri-
mer leur haine eu l'appelant l'étranger.
Réorganisation des musiques militaires.
Si la force ne manqua pas à Adolphe Sax, au début
de sa carrière, pour échapper au découragement et
même au désir de suicide qui le tint à l'heure des
premiers embarras d'argent, c'est parce qu'un zèle
d'apôtre l'animait.
En lui, génie de l'invention, force de la science,
audace de l'activité, énergie de la volonté, tout coa-
coirrait au même but : arracher à la routine la fabri-
cation des instruments à vent en bois el en cuivre,
et l'organisation de l'orchestre où s'unissaient ces
divers instruments, borné en ce temps-là aux musi-
ques militaires. Décidé à accomplir.ee double effort,
il n'avait pas longtemps hésité à écouter la voix de
de son compatriote belge Jobard, directeur du
Musée de l'Industrie, qui lui rappelait le proverbe :
<i Nul n'i'sl prophète en son pays.» 11 était alors
venu en Erance, attiré non pas tant par la renommée
de Paris et les encouragements de musiciens illus-
tres, que parla certitude de la sympathie de l'aide de
camp de Louis-Philippe, le général de lîumigny, qui
se préoccupait activement du probes des musiques
militaires, et par l'espoir de parvenir au succès de
ses tentatives dans un pays <>n ta création du Gym-
nase musical avait marqué le souci de donner à
l'armée des musiciens capables.
Là, en butte à la moquerie, puis à la haine, dès
ses premières attaques contre la routine de la fabri-
cation, il eût faibli sans sa volonté de combattre
aussi la routine de l'organisation. Mais la nécessité
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHÉON 373:
et la beauté de l'œuvre à accomplir le soutinrent. Il
savait désormais qu'il serait compris seulement par
l'élite des artistes, et que l'égoïsme troublé de tous
ceux qui ne touchaient à la musique que pour l'ex-
ploiter se dresserait furieusement contre lui. Cepen-
dant, il ne voulut pas reculer. Sans larder, et en
même temps qu'il poursuivait ses recherches de
perfectionnement et d'invention, il commença à pré-
parer la réforme d'organisation, en créant un mou-
vement parmi les musiciens, la presse, le public,
dont le triomphe — où ses rivaux ne virent qu'un
succès de réclame — atteste qu'Adolphe Sax ne fut
pas moins grand dans l'action que dans l'invention.
Dans la dernière semaine de décembre 1843, quel-
ques semaines après la représentation de Dom Si bas-
tien, de Do.MiziiTTi, à l'Opéra, où on s'était ligué
contre les nouveaux instruments employés par le
compositeur, Adolphe Sax organisait une audition
publique dans son atelier, rue Saint-Georges. Les
compositeurs les plus célèbres, les journalistes les
plus distingués y assistèrent; pour la première fois
en France, un concert d'instruments à vent en bois
et en cuivre retint l'attention des dilettanti. (Le Mé-
nestrel, 31 décembre 1843. La France Musicale,
7 janvier 1844.)
Le résultat de ce premier essai prouva a Adolphe
Sax que ce moyen de propagande était bon. Bientôt,
les auditions de la rue Saint-Georges furent men-
suelles, et les personnalités les plus marquantes de
la musique, de la littérature, de la science, de l'armée
et du monde politique s'y rencontrèrent. Peu à peu,
la curiosité du public s'éveillant, des artistes dévoués
à Adolphe Sax, comme Duprez, le frère du célèbre
chanteur, et Arban, qui avaient adopté l'un la clari-
nette-basse, l'autre le bugle Sax. comme on disait
alors, se firent applaudira la salle Herz et aux con-
certs Vivienne (Le Ménestrel, 14 janvier 1M i .
Pour une audition de ses œuvres, organisée par
lui à la salle Herz, le 3 février 181-4, Hector Berlioz,
« voulant offrir à Adolphe Sax l'occasion de pro-
duire ses instruments nouveaux », écrivit un Hymne,
d'après une de ses mélodies, dont l'interprétation
était confiée à ce sextuor instrumental : petite trom-
pette à cylindres en mi }>, petit bugle, clarinette-
basse et saxophone, joué par Adolphe Sax lui-même,
car le mécanisme n'était pas encore fixé. Cette exécu-
tion laissa aux auditeurs une impressiou profonde.
Dans la Preste du '.i février, Théophile Gautier signala
« l'effet de la grande et belle sonorité ». D'Ortiguk,
dans la France Musicale, parla du « beau résultat
obtenu par M. Sax avec ses six instruments qui ont
porté jusqu'à l'illusion l'imitation de l'orgue le plus
sonore ». Maurice Bourges, dans la Revue et Gazette
musicale, constata que « l'opinion publique ratifiait,
par ses suffrages, les tentatives de M. Adolphe Sax ».
Ed. Thierry, dans son feuilleton du Message)' (0 fé-
vrier), fut particulièrement enthousiaste :
« ... La musique a distrait des instruments, comme
les instruments ont distrait de la musique. Je ne
parlerai donc que de l'effet général, qui a été noble
et saisissant. Une haute et sévère inspiration, poussée
vers le ciel par des instruments éclatants, inconnus.
des sons semblables à ceux que donneraient des con-
trebasses fantastiques, ou la chanterelle riche, pure,
vibrante de quelque merveilleux violon d'airain,
voilà le souvenir qui m'est resté, vo ilà ce qui a sou-
levé les applaudissements de l'assemblée entière.
Que Berlioz et Sax y prennent chacun sa part, per-
sonne ne saurait la leur faire. »
Après ce concert de Berlioz, la preuve était faite
qu'un groupement d'instruments à vent pouvait
constituer un ensemble parfait. Ce succès contras-
tait avec l'échec éprouvé, quelques jours auparavant,
aux concerts Vivienne, par une famille d'artistes
anglais, composée du père et des quatre fils, les
DiSTiN, qui étaient venus chercher à Paris la consé-
cration de leur talent sur la trompette, le cornet,
le trombone, le cor et le bugle à clefs, mais dont la
première tentative avait été trop malheureuse pour
être renouvelée. Le lendemain du concert où Adol-
phe Sax avait triomphé, ils vinrent lui rendre visite
et sollicitèrent son appui. Tout entier à sa préoccu-
pation de propagande, il décida immédiatement de
les faire collaborer à son effort. Les instruments
étaient défectueux, l'ensemble hétérogène, les artis-
tes, sauf le père, sans talent. Adolphe Sax leur con-
seilla d'abandonner leurs instruments, d'étudier
sous sa direction et de constituer un ensemble avec
ses bugles soprano, alto, baryton, basse et contre-
basse. Ils acceptèrent, furent des disciples zélés et,
après quelques semaines d'étude, reparurent devant
le public. On les acclama, et alors, de toutes parts,
ils furent conviés à figurer sur le programme des
réunions musicales, à côté des cantatrices et des
violonistes les plus réputés. Lorsque, le 6 avril 1844,
Hector Berlioz organisa, à l'Opéra-Comique, une
nouvelle audition de ses œuvres, il invita la famille
Distin- à se fane entendre, et encore une fois, dans
une circonstance solennelle, l'attention du public
fut attirée sur l'œuvre d'Adolphe .sax. La Revue et
Gazette musicale du 14 avril parla longuement de
cette audition :
ci ... MM. Distin ont exécuté, sur cinq instruments
nouvellement inventés par M. Sax, une fantaisie sur
Robert le Diable. Le succès des instruments et celui
des exécutants a été tel que le public a redemandé
avec enthousiasme le morceau... L ne chose assez
remarquable, c'est que MM. Distin. qui font aujour-
d'hui fureur dans tous les concerts, n'avaient pu
parvenir à se faire entendre aux Concerts Vivienne,
alors qu'ils jouaient des quintetti a\ec les anciens
instruments. Grâce aux instruments de M. Sax. ces
habiles artistes sont maintenant admirés comme ils
méritent de l'être. Avec le temps, les bonnes choses
finissent toujours par triompher des entraves de
toutes sortes que leur opposent la routine et la mal-
veillance. M. Adolphe Sax méritait de réussir. Il a
réussi... »
Ensuite, la famille Distin fut appelée par toutes
les grandes villes de province et de l'étranger.
D'autres succès venaient aussi à Adolphe Sax.
Hossini faisait adopter ses instruments au Conserva-
toire de Bologne, après avoir déclaré sa clarinette-
basse « le plus riche et le plus parfait des instru-
ments à vent», et prononcé, àproposdu saxophone,
cette parole, que rapporte Oscar Comettant : «C'est
la plus belle pâte de son que je connaisse. »
Georges Kastner les mêlait aux instruments habi-
tuels de l'orchestre sympbonique dans son oratorio te
Dernier Roi de iudée, donl l'audition allait être faite
au Conservatoire, le 1er décembre 1844. Hector Ber-
lioz les étudiait dans son Traite d'instrumentation,
qui parut au milieu de l'année 18-14. Enfin, ils triom-
phaient à l'Exposition de l'Industrie Nationale, dont
le jury décerna la médaille d'argent à Sax, après
avoir reconnu le premier rang a sa fabrication, et où
il eut l'occasion d'un succès décisif en improvisant,
avec les ûistis, lors d'une visite de la famille royale,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
un concert qui intéressa si vivement l'auguste audi-
toire, que les Disti.n et l'inventeur furent invités à le
répéter aux soirées du château de Neuilly.
Après l'Exposition de 1844, la réputation de la
famille d'inslruments qu'il désignait sous le nom
de bugles-Sax à cylindre, obligea l'inventeur à créer
le nom Sax-horn. On devait lui en faire grief; aussi,
n'est-il pas inutile de montrer, par un document
contemporain, le Manuel ycneral de musique militaire
de Kastner, l'origine de cette appellation :
« ... Tous ceux qui avaient l'occasion d'apprécier
ces magnifiques instruments, la famille des bugles,
si défectueuse et si incomplète aufrefois, ne les dési-
gnaient plus que sous le nom de bugles-SAx: et
bientôt cette dénomination n'ayant point paru suf-
fisante pour les distinguer des mauvais instruments
livrés dans le commerce sous le nom de bugles, on
conseilla à l'inventeur d'en rechercher une qui pût
indiquer et faire reconnaître sur-le-champ les ins-
truments sortant de sa fabrique et perfectionnés
d'après son système. Alors M. Adolphe Sax imagina
le nom de Sax-horn, qui lui valut de la part de ses
ennemis une accusation nouvelle, celle d'usurpation
et de plagiat. Il suffit de quelques observations pour
démontrer combien elle était absurde... N'a-t-on
pas dit, par exemple, en désignant le cor perfec-
tionné par Meikbed, la flûte perfectionnée par Boehm,
la clarinette perfectionnée par Klosé, le cor-Meifred,
la flùle-Boehm, la clarinette-Klosêl Qui se serait
jamais imaginé qu'on voulût entendre par là que
Meifred a inventé le cor, Boehm la flûte, Klosé la
clarinette?... Le mot horn voulant dire cor, la tra-
duction littérale de Sax-horn est donc cor de Sax... »
En 1844, les rivaux d'Adolphe Sax ne songeaient
pas encore à trouver là matière à chicane; ils en
étaient encore aux manœuvres sournoises.
Un incendie éclata dans l'atelier de la rue Saint-
Georges, sans qu'on pût en retrouver la cause; mais
les outils, brisés sans avoir été atteints par les flam-
mes, attestèrent la malveillance. On entraîna Adolphe
Sax à une débâcle financière, en faisant offrir, le jour
même de l'émission, à cinquante pour cent au-
dessous de leur valeur, des actions de la société
qu'il avait formée pour développer sa fabrication;
et les jours suivants, un journal qui devait rallier la
meute de ses ennemis, l'Europe musicale et dramati-
que, inséra cette étrange annonce :
ACTIONS A VENDRE
DE I.A SOCIÉTÉ SAX ET C1».
Le vendeur est prêt à faire îles sacrifices.
Le coup réussit; l'émission échoua, et Adolphe Sax
eut 20.000 francs de dettes.
Alors qu'on croyait avoir assez fait pour l'abattre,
et préserver la routine de la fabrication, il répondit
en attaquant la routine de l'organisation. Spontini,
qui avait dirigé avec éclat les musiques militaires
de Prusse, était à Paris. Adolphe Sax lui soumit ses
travaux, que le compositeur déclara susceptibles
«d'introduire dans l'art des sonorités nouvelles, et
d'offrir de grandes ressources aux habiles instru-
mentistes, et plus encore pour les musiques militai-
taires, qu'on ne saurait assez considérer, enrichir
et perfectionner comme en Allemagne, et en pre-
mier lieu en Prusse ».
La question était désormais posée, avec l'appui
d'une autorité particulièrement compétente. Au cours
de l'année 1844, Adolphe Sax avait réussi à rendre
déplus en plus vive la sympathie du public pour la
cause dont il était l'apôtre. Il ne laissa pas s'ache-
ver l'année sans adresser au ministre de la guerre
un mémoire très complet sur la réorganisation des
musiques militaires qui décida la réforme de 1845.
La réorganisation des musiques militaires en
1845. — Création des orchestres d'harmonie
et de fanfares modernes sur l'initiative et avec
les instruments nouveaux d'Adolphe Sax.
L'année 1843 marque dans l'histoire des progrès
de l'orchestre.
Avant 184"), les compositeurs ne disposaient que
de l'orchestre symphonique, dont le développement
avait suivi les progrès accomplis dans l'art musical
depuis la fin du xviii" siècle. En dehors de la musi-
que militaire, dont ils ne pouvaient se servir comme
au temps de la première République, il n'existait que
très peu d'organismes groupant des instruments à
vent. Si même, à ce moment, cette forme populaire
de l'orchestre était sortie de l'armée, il ne leur eût
pas été possible de l'utiliser pour l'interprétation de
leurs œuvres, car en ajoutant aux petites flûtes,
hautbois, clarinettes, bassons, serpents, cors, trom-
pettes et trombones, des petites clarinettes, cornets
à pistons et opbicléïdes, on n'aurait pas beaucoup
augmenté les ressources, et la disproportion entre
les sonorités de l'aigu, du médium et du grave aurait
était sensiblement accentuée.
Après 18 45, tout fut préparé par un perfectionne-
ment si complet et si favorable des orchestres d'har-
monie et de fanfare, qu'aujourd'hui encore, après
plus de quatre-vingts ans, les résultats artistiques
qu'on peut en attendre ne sont pas encore épuisés.
C'est à Adolphe Sax, à son enthousiasme d'ar-
tiste et à son génie d'inventeur, qu'est dû ce bien-
fait, dont il n'a pas eu d'autre récompense qu'une
vie incessamment bouleversée.
Au début de l'année 1845, les musiciens les plus
célèbres, les journalistes les plus réputés, le public
lui-même, étaient acquis au mouvement en faveur
de la réorganisation des orchestres d'instruments à
vent, qu'Adolphe Sax avait provoquée par ses deux
premières années de travaux et d'activité à Paris.
Mais rien n'aurait pu être fait, si des concours in-
fluents ne s'étaient rencontrés dans l'armée, car la
question n'intéressait alors que les musiques mili-
taires. Comme tous les hommes nécessaires, qu'un
mystérieux hasard semble servir, et qui n'ont en
réalité d'autre appui que leur foi et leur énergie,
Adolphe Sax venait à l'heure favorable. 11 trouva,
pour sa tentative, de hauts protecteurs dans l'en-
tourage immédiat du roi, avec le général de Uumi-
gny, aide de camp, et dans la personne du ministre
de la guerre, avec le général Moline de Saint-Yon,
directeur du personnel.
Le général de Rumigy, musicien cultivé, avait
connu Adolphe Sax à Bruxelles, et, séduit autant par
ses travaux que par ses projets d'application, il s'était
empressé de se joindre à ceux qui lui conseillaient
de venir se fixer à Paris. Fameux par sa bravoure,
qui, un jour de bataille, avait arraché au maréchal
Ney cette exclamation : « Ce jeune colonel se croit
donc immortel! », il était connu aussi dans le monde
militaire par des écrits ne valant pas seulement par
leur utilité technique ou aiAninstrative, mais aussi
par la constante préoccupation de moraliser l'armée.
Dans son Manuel général de musique militaire,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHÉON 37
Georges Kastner a pu citer l'un de ses ouvrages,
consacré à un projet de règlement sur la table des
officiers, pour montrer qu'en soutenant l'œuvre d'A-
dolphe Sax, le général de Rumigny obéissait à un
mobile beaucoup plus élevé que le seul dillettan-
tisme.
« ... Ce que veut le général de Rumigny, c'est que
tous les officiers de nos armées soient dignes de re-
présenter la nation française, non seulement pour
ce qui est de la valeur, mais encore pour ce qui re-
garde l'excellence des manières et des qualités du
cœur et de l'esprit. Il croit fermement que l'idée du
repas pris en commun, réunissant soir et matin, à la
même table, les officiers d'un régiment, serait le
meilleur moyen d'arriver à ce but, parce que ces
réunions auraient pour résultat de soumettre à l'in-
fluence des gens d'éducation lous ceux qui, moins
heureusement doués sous ce rapport, ont besoin
d'acquérir le ton de la bonne société dans laquelle
leur grade et leur avancement futur les appellent à
prendre place. Ce n'est point là un avantage qui
s'acquiert dans les cafés et les estaminets, où tout
encourage, au contraire, les allures sans façon et le
laisser-aller des habitudes de caserne...
« Le général, qui a recherché avec tant de sollici-
tude les moyens à mettre en œuvre pour la morali-
sation de l'armée, ne pouvait manquer de reconnailre
que la musique en est un des plus puissants et des
plus efficaces... »
Le général Moline de Saint-Yon n'avait pas appris
la musique en l'étudiant; mais, rejeté de l'armée
depuis 181o jusqu'à la Révolution de Juillet, il s'était
tourné vers la littérature, puis associé à des musi-
ciens par des livrets d'opéra-comique et d'opéra.
En tête du livret de l'opéra Ipsiboi; mis en musique
par Kreutzer, et représenté à l'Opéra en 1824, dans
une préface qui reste un document intéressant de
l'histoire de la musique dramatique, il avait déclaré
rompre avec la marche méthodique et solennelle de
la tragédie lyrique classique, pour inaugurer le
drame lyrique historique, « s'accordant mieux avec
la chaleur, la richesse de détails et la variété de tons
qu'exigent les morceaux de facture nouvelle, en-
sembles, finales... utilisant les ressources presque
magiques d'un théâtre fait pour parler aux yeux
autant qu'à l'imagination »... 11 ne pouvait pas ne
point se souvenir que lui aussi avait été un novateur,
lorsqu'il s'agit d'aider Adolphe Sax.
Dans l'armée aussi devait se former peu à peu un
mouvement de sympathie envers l'œuvre de réforme
et son promoteur. Il était alors des officiers sincè-
rement épris de musique, tel le colonel Gudin, élève
très distingué du violoniste Baillot. En outre, dans
le mémoire adressé au ministre de la guerre, à la
fin de l'année 1844, Adolphe Sax ne s'était pas borné
à traiter la question au point de vue artistique. Lui,
l'étranger, comme disait la haine de ses rivaux, il
avait hautement réclamé justice pour les chefs de
musique, inférieurs au tambour-major, et pour les
musiciens, à peine simples soldats :
« Je veux parler du rang subalterne qu'occupent
les exécutants dans les musiques militaires : obligés
de faire des études spéciales, jouissant d'une certaine
considération dans le monde bourgeois, ces hommes
ne sont plus rien dans l'armée. IS'est-ce point là la
cause du dégoût que la plupart témoignent pour
leur position, et de l'empressement avec lequel ils
recherchent l'occasion de s'y soustraire dès qu'ils ont
■quelque talent? Il me semble qu'un grade quel-
conque les relèverait à leurs propres yeux et leur
donnerait de l'importance auprès de leurs cama-
rades. Une observation du même genre serait appli-
cable au chef de musique, qui n'occupe pas un rang
convenable, puisqu'il est inférieur au tambour-
major... »
Pour la première fois, depuis le temps où les mu-
siques militaires ne se recrutaient plus parmi les
artistes civils, mais dans le personnel même des
régiments, une voix courageuse s'élevait contre une
situation irrégulière véritablement inique. Elle émut
beaucoup de cœurs dans l'armée française.
Le succès de la cause que soutenait Adolphe Sax
était donc devenu possible, lorsque le moment vint
de donner une sanction au mémoire soumis au ma-
réchal Soult. A une première épreuve faite, au mi-
nistère de la guene même, entre un petit orchestre
de neuf musiciens composé par Adolphe Sax et un
orchestre de trente-deux musiciens organisé suivant
la coutume par le directeur du Gymnase musical
militaire, Carai'a, la réunion d'une commission d'é-
tudes fut décidée. Elle comprenait :
Pour la partie musicale, Spontini, et les cinq
membres de la section de l'Institut, Aiiher, Halévy,
Adam, Onslow et Carafa ; pour la partie mécanique,
le baron Séguier; pour la partie accoustique, le co-
lonel du génie Savart; pour la partie militaire, les
colonels Gudin et Riban; pour président et secré-
taire rapporteur, le général de Rumigny et le musi-
cien très étudit Georges Kastner.
Ses travaux commencèrent le 2o février 1845. Tous
les facteurs ou inventeurs furent conviés à soumettre
leurs propositions, car, si Adolphe Sax avait été l'i-
nitiateur du mouvement, il ne lui appartenait pas
de diriger l'œuvre de la commission, et d'ailleurs, il
était trop insouciant de ses intérêts, que, toute sa
vie, il sacrifia à l'art, pour songer, même un instant,
à tenter d'exclure les rivaux dans la lutte entreprise
contre la routine de fabrication et d'organisation.
Mais les rivaux étaient sans génie et sans enthou-
siasme. Leur médiocrité les éloigna orgueilleuse-
ment de la commission. Ils ne voulurent pas servir
la musique dont ils vivaient; plutôt que de collabo-
rer à un projet artistique utile au développement de
leur industrie, ils préférèrent s'en prendre à celui
qui le réalisait, et n'eurent devaient que pour édifier
contre lui procès sur procès. Le témoignage du rap-
porteur de la commission reste pour établir la res-
ponsabilité des disputes de boutique qui devaient
suivre :
« D'abord la commission commence par décider
qu'on ferait appel à tous les principaux facteurs de
la capitale... Quelques-uns, se rendant à cet appel,
se présentèrent et soumirent divers instruments sor-
tant de leur fabrique. — Ils se réduisent aux suivants :
un Uùgel-horn et un bombardon de modèle autri-
chien, un embolyclave pour remplacer l'ophicléide,
tous de mécanisme imparfait. — Mais, soit que la
présence de M. Adolphe Sax au milieu d'eux leur
portât ombrage, en raison des précédents succès de
cet habile facteur, qui cependant avait été convoqué
au même titre que les autres; soit qu'ils eussent
redouté d'exposer les produits de leur industrie aux
conséquences d'un examen sérieux, confié à des
juges aussi compétents, toujours esl-il que, dans
l'intervalle de deux séances, lous les facteurs, un
seul excepté, même ceux qui s'étaient d'abord ren-
dus à l'invitation de la commission et lui avaient
présenté quelques instruments, même ceux qui
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
avaient demandé un délai pour lui en soumettre de
nouveaux, prirent subitement la résolution de s'abs-
tenir... » iKastnkr, Manuel de musique militaire.)
Pour aboutir, il suffit à la commission de faire
siennes les idées exposées par Adolphe Sas dans son
mémoire sur la rénovation de l'orchestre d'harmonie
des musiques d'infanterie, et de l'orchestre de fan-
fare des musiques de cavalerie.
Outre une étude très approfondie de l'acoustique
appliquée aux instruments à vent, il apportait la
manière d'agglomérer ces instruments en un en-
semble rationnel, et appuyait d'une remarque très
judicieuse, qui est restée féconde en applications,
ses critiques contre l'ancienne organisation où tout
manquait à la fois, enchaînement, proportion, ana-
logie :
« Quelle disposition l'homme doit-il prendre pour
modèle d'une musique quelconque, militaire ou
autre, si ce n'est celle fournie par la nature elle-
même, et si merveilleusement réalisée par la divi-
sion des voix en soprano, alto, ténor et basse, ou so-
prano, ténor, baryton et basse?
« Dans les orchestres ordinaires dits de symphonie,
n'est-ce point elle qui a servi de guide, et a donné
naissance à la combinaison d'instruments à cordes
appelée quatuor :' Pourquoi donc rien de semblable ne
se renconlre-t-il dans l'organisation des musiques
militaires?...
« J'ai refondu L'ancien orchestre militaire et lui ai
donné une organisation complètement nouvelle. 11
n'y avait aucun lien entre les diverses parties de ce
grand corps; avec son armée de clarinettes à l'aigu,
avec ses trombones et ses ophicléïdes au grave, il
manquait presque entièrement de médium. Je suis
allé demander à une famille de cuivres homogène
et complète, celle des saxhorns, embrassant l'échelle
dans toute son étendue, le noyau autour duquel de-
vaient venir se grouper les divers timbres; suivant
en cela l'exemple adopté par le quatuor dans les
orchestres de symphonie, et fourni dans la nature par
le quatuor vocal. »
Et, comme conclusion, Adolphe Sax donnait un
plan d'organisation d'orchestres de fanfare et d'har-
monie formés suivant le nombre d'exécutants alors
réglementaire : 22 pour la cavalerie, 45 pour l'infan-
terie.
Préoccupé de mettre en évidence la sincérité de
ses travaux, la commission arrêta qu'une expérience
publique serait faite au Champ de Mars, entre deux
orchestres de 45 exécutants, formés chacun, l'un par
Carafa, partisan de l'ancienne organisation, et l'autre
par Adolphe Sax. Les deux concurrents se prépa-
rèrent, et le concours eut lieu, avec solennité, le
22 avril 1SV5. Aussi bien pour son organisation de
l'orchestre de fanfare que pour celle de l'orchestre
d'harmonie, Adolphe Sa\ recueillit les suffrages des
musiciens, des journalistes et du public, qui encom-
braient le Champ de Mars. Les jours suivants, on ne
parla que de cet événement, dont tous les chroni-
queurs s'emparèrent, certains avec esprit, comme le
rédacteur du Charivari, qui publia le u bulletin de
la rencontre entre les Saxons et les Carafons », et
beaucoup avec enthousiasme pour le vainqueur du
concours, qui avait triomphé sans conteste, malgré
les manœuvres de ses rivaux, parvenus à lui arra-
cher, au dernier moment, sept des exécutauts de
son orchestre.
Il ne restait plus à la commission qu'à conclure.
Elle remit sou rapport au ministre de la guerre, qui
fit connaître sa décision au mois d'août. Le ministre
ne modifiait en rien l'organisation proposée pour les
fanfares, et retranchait seulement des harmonies
deux hautbois et deux bassons, pour ne pas dépas-
ser le chiffre de 50 exécutants. Le 10 septembre 1845,
le Moniteur de l'Armée publia la décision officielle,
qui fixait ainsi la composition instrumentale des
musiques d'infanterie et de cavalerie :
Musique d'infanterie. — t petite flûte, 1 petite clarinette, 14
grandes clarinettes, 2 clarinettes-basses, 2 saxophones, 2 cor-
nets, 2 trompettes, 4 cors, 1 saxhorn soprano, 2 saxhorns con-
traltos, 2 saxhorns altos, 3 saxhorns baryton et basses, 4 sax-
horns contrebasses, 3 trombones, 2 ophicléïdes, 5 instruments
pour la batterie.
Musique de cavaterie. — 6 trompettes, 2 saxhorns sopranos,
7 contraltos, 4 altos en la et en mi (->, 2 saxolrombas, 3 saxhorns
barytons, 3 basses, 3 contrebasses, 2 cornets, 1 trombones (36 exé-
cutants).
Les travaux d'Adolphe Sax qui suivirent et l'inces-
sante activité de son effort devaient parfaire cette
œuvre. Neuf ans plus tard, il allait décider une réor-
ganisation plus complète, et parvenir au résultat
moral en même temps qu'au résultat artistique, eu
obtenant le grade d'officier pour le chef de musique,
— promu adjudant en 1845 — et une amélioration
totale de la situation des musiciens par l'établisse-
ment de trois classes. Mais, dès cette année 1845, il
était parvenu à arracher pour toujours les orchestres
d'instruments à vent à l'organisation routinière qui
les rendait impropres au service artistique. Désor-
mais, leur développement, eu dehors des musiques
militaires, fui possible.
La routine contre le progrès.
La vie d'Adolphe Sax ne devrait pas être étudiée
seulement par les musiciens, car elle olfre des ren-
seignements utiles à tous.
S'il n'avait été qu'un inventeur de génie, jamais le
succès ne serait venu à l'œuvre de réorganisation
des orchestres d'instruments à vent accomplie en
1845. Car, pour la rendre impossible à celui qui l'a-
vait voulue, et pénible aux hommes chargés de la
réaliser, assez d'égoïsmes furieux, d'impuissances
jalouses, de routines alarmées se dressèrent contre
elle.
Dès le début, comme il était né en Belgique, et
qu'il s'agissait des musiques militaires, on ne man-
qua pas d'attaquer Adolphe Sax au nom du patrio-
tisme. Contre ceux qui dénonçaient l'étranger et fai-
saient sonner les grands mots, le rédacteur de la
Revue et Gasette musicoie put écrire :
<■ En vérité, il faut «'avoir que de bien pauvres
raisons à donner, pour reprocher à M. Sax sa qua-
lité d'étranger... Est-on bienvenu d'ailleurs à le
repousser comme étranger, lorsqu'on sait que la
plupart des instruments de cuivre employés aujour-
d'hui dans l'armée sont tout bonnement des imita-
tions serviles de l'industrie allemande'.' Le mobile
peu respectable de ces rumeurs ne se devine que
trop aisément... La commission a mieux à faire qu'à
se laisser intimider par' des conspirations d'arrière-
boutique. » (23 mars 1845.)
Les rivaux, ainsi démasqués, furent forcés à plus
de franchise; cependant, ils surent encore voiler
leurs pensées sous des dehors de générosité. Dans
la pétition qu'ils adressèrent au ministre de la
guerre, après s'être unis en une sorte de syndicat,
ils se montrèrent préoccupés, eux aussi, de l'amélio-
ration des musiques militaires et de la situai lou des
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHÉON 3711
musiciens militaires qui, pourtant, les avaient lais-
sés jusque-là tout à fait insouciants. Puis ils s'ému-
rent à la pensée que, par l'adoption des instruments
nouveaux d'Adolphe Sax, c< dix mille maîtres, con-
tremaîtres, ouvriers, femmes et enfants seront ré-
duits à la misère ».
Hector Berlioz, dans son feuilleton du Juin nul îles
Débats, leur répondit :
« ... On n'a promis le monopole des bugles, des
trombones, des trompettes et des tubas à personne;
on examinera les nouveaux instruments. Si ceux de
Sax sont les meilleurs, ils seront adoptés; mais s'il
arrive, au contraire, que ses émules l'emportent sur
lui, c'est à eux qu'on s'adressera, rien n'est plus
évident. D'ailleurs, cette question est tout à fait
secondaire; il ne s'agit pas des intérêts des facteurs,
mais bien de ceux de l'art et de l'armée. L'agitation
des chefs d'atelier se conçoit, mais elle ne doit ni ne
peut avoir plus d'intluence sur la décision à prendre
par la commission, que n'en aura sans doute la joie
des marchands de cuivre, assurés, si la réorganisa-
tion s'opère, d'un subit accroissement de leurs béné-
fices. Avec des considérations pareilles, nous arrive-
rions, en suivant la chaîne des intérêts, jusqu'aux
ouvriers mineurs qui extraient le minerai. »
Habilement, ils ne se bornèrent pas à des ma-
nœuvres contre la personne et les travaux d'A-
dolphe Sax. La commission elle-même ne fut. pas
épargnée. On reprocha l'incompétence aux musiciens
membres de l'Institut, et la partialité au général
président. Pour répandre, sans lassitude et sans
honte, le mensonge et la calomnie, il se trouva un
journaliste disposé à ce rôle misérable par son am-
bition déçue. Schiltz, ancien chef de musique,
devenu directeur de l'Europe musicale et dramatique,
avait espéré faire partie de la commission. Sa ran-
cune fut violente, et elle se mit au service des mé-
contents. A peine la commission avait-elle com-
mencé ses travaux, qu'il publia un premier article,
dans lequel l'ardeur de ses déceptions apparaît clai-
rement :
« A coup sur, les noms de M. Ai/iier, de M. Haléyy
et des deux autres membres de l'Académie des
beaux-arts qui font partie de la commission sont
imposants (sic); ce sout des compositeurs éminents
dont la renommée a de l'éclat; mais cela n'empêche
pas qu'il n'y ait un vice radical que, dans l'intérêt
de l'art, ,|e n'hésite pas un seul instant à signaler :
c'est que je ne vois dans son sein aucun homme qui
puisse apporter, dans la question, l'expérience et
l'autorité que donnent des connaissances spéciales;
c'est que je n'y vois aucun des compositeurs de mu-
sique militaire qui ont vieilli dans l'armée avec le
grade de chef de musique ou de trompette-major,
qui sout, sans contredit, plus compétents que per-
sonne en cette matière, et dont les lumières seraient
si précieuses...
« Avant été longtemps chef de musique d'infan-
terie et de cavalerie, j'ai dû présenter les rétlexions
que m'a suggérées mon expérience en cette ma-
tière... »
Et dans ce même article, sans attendre plus long-
temps pour se venger de n'avoir point été appelé à
siéger dans la commission, il se fit l'écho du men-
songe contre Adolphe Sax et de la calomnie contre
le lieutenant général de Rumigny, qui présidait. En
prétendant qu'Adolphe Sax avait proposé de pros-
crire tous les instruments à vent en bois pour faire
place à la seule famille des saxhorns, il donnait la
publicité aux racontars des facteurs intéressés à créer
la légende d'un monopole de fournitures aux mu-
siques militaires. Lue telle ignorance de la question
ne pouvait que faire sourire les gens informés; mais
il en resta un encouragement pour les rivaux à pour-
suivre des tentatives déloyales. (Juant à la calomnie
dirigée contre le général de Rumigny, il lui fallut
répondre, et ce lui fut l'occasion de se manifester
complètement.
11 avait écrit :
« Le lieutenant général de Rumigny a donné un
libre cours à ses sympathies en faveur de M. Sax,
et il faut lui rendre cette justice qu'il a mis, dans
la manifestation d'une si étrange préférence, une
entière franchise. »
Devant les récriminations soulevées par cette
attaque très précise, et parce qu'il se souvint de la
haute influence du général, il se réfugia dans l'hy-
pocrisie, et prélendit, dans le numéro suivant de
son journal, qu'on s'était « étrangement trompé » :
« Ce que nous avons dit renfermait une critique
non contre le président de la commission, mais
contre le facteur d'instruments qui a la lég I
maladresse de dire du plus gros de sa voix, à tout
propos et partout, que la protection puissante de
M. le lieutenant général de Rumigny doit faire des
prodiges en sa faveur. »
Ainsi, vaniteux, ignorant, sans scrupule, un tel
homme était bien fait pour servir une mauvaise
cause. Certes, il ne fut pas le seul, mais il brilla à
Pavant-garde, où sa place marque bien l'indignité
de ceux qui marchaient derrière lui.
Lorsque, en dépit du mensonge et de la calomnie,
la commission eut décidé l'épreuve du Cbamp-de-
Mars et transmis au ministre de la guerre le résultat
favorable à Adolphe Sax, la tactique changea. Les
membres de la commission cessèrent, pour un mo-
ment, d'être inquiétés, et c'est vers le ministre de
la guerre lui-même que fut dirigé l'effort, afin d'ar-
rêter à ses bureaux les effets du succès obtenu par
Vétranger. On ne peut mieux suivre le développement
de cette nouvelle manœuvre que dans Le journal de
Sc.ini.T7.. Elle se dessine dès le compte rendu de l'é-
preuve :
« Avec les instruments de M. Sax, les musiciens
seraient bientôt sur les dents, et une partie serait
constamment à l'hôpital. Il ne faut pas que l'instru-
ment aille au delà des forces humaines. Mais M. Sax
est-il bien l'inventeur des instruments qu'il a fait
fabriquer et dont il veut se faire honneur.' N'a-t-il
pas importé d'Allemagne des procédés et de préten-
dus perfectionnements qui ont été expérimenti 3 n
France, il y a bien vingt années?... »
Instruments homicides, instruments contrefaits;
après ces attaques, l'ironie devait venu : -
inventa le « messie facteur ayant nom liax, Fax ou
Rax », créateur du Btag-korn. Mais un événement
imprévu montra que le meilleur argument était celui
de la contrefaçon.
Le directeur général de la musique de l'armée de
Prusse, Wiepreght, inventeur lui aussi d'instruments
de cuivre, ayant lu, dans la Gazetti illustrée, un
éloge des travaux accomplis par Adolphe Sax, et
n'ignorant pas les bruits de contrefaçon répandus,
s'était déclaré victime et avait annoncé son intention
de venir à Paris défendre ses droits. A ce moment,
d'admirables fêtes musicales étaient célébrées eu
Allemagne eu l'honneur de Beethoven, dont on éri-
geait la statue à Bonn. Adolphe Sax en profita pour
3742
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
aller lui-même en Allemagne, et se rencontrer avec
Wieprkoht. Ils eurent, à Coblentz, une entrevue à
laquelle assistaient Listz, Jules Janin, Arban et un
chroniqueur du Constitutionnel, Florentino, qui, dans
le numéro du 23 août 1845, publia un premier récit,
mentionnant simplement les échanges de politesse
entre les deux inventeurs, lorsque la preuve fut faite
que « la querelle était la suite d'un malentendu ».
Plus tard, le journaliste devait rappeler ses souve-
nirs avec une précision complète, lorsque l'attitude
des facteurs français encouragea Wieprecht à renou-
veler ses attaques contre Adolphe Sax :
« ... Après deux ou trois essais également mal-
heureux, M. Wieprecht dut se rendre à l'évidence. Il
ne connaissait pas la clarinette, n'entendait rien aux
saxhorns, le saxophone était un mythe pour lui. Il
s'exécuta de bonne grâce, avoua franchement son
erreur et se confondit en excuses et en compli-
ments...
« — Eh bien! dis-je à Listz, que me disiez-vous
donc que MM. Sax et Wieprecht étaient en délica-
tesse! Ils me semblent les meilleurs amis du monde.
u — Hum! répondit Listz, ils ne seront pas long-
temps d'accord. »
Cette intervention de Wieprecht, en 1845, fut pour
les ennemis de Sax une aubaine qu'ils ne pouvaient
manquer d'exploiter. Oublieux des belles fureurs
patriotiques, ils n'eurent pas assez de Heurs pour
celui qui, plus que le Belge devenu Français, était
un étranger, et la plume venimeuse de leur acolyte
Schiltz fil merveille. Dans son Europe musicale et
dramatique, il donna une série d'articles véritable-
ment stupéfiants d'impudence et de fausseté, dont
il faut au moins connaître certains passages pour
comprendre l'ardeur implacable de la lutte qui allait
s'engager quelques mois plus tard :
« La Prusse possède un homme d'un vrai talent, un
homme spécial qui a su introduire de notables per-
fectionnements dans les instruments de cuivre : c'est
M. Wilhelm Wieprecht...
« Nous avons dit, nous avons prouvé, en rendant
compte du fameux concours du Champ-de-Mars, que
M. Sax n'est pas inventeur des instruments auxquels
il a bravement donné son nom. Ces instruments sont
connus et employés depuis plus de vingt ans en
Allemagne et en Prusse; conséquemment, ils sont
du domaine public... Et ce que nous avançons ici,
nous sommes à même d'en produire la preuve... »
(15 septembre 1845.)
« ... Nous l'avons dit, nous l'avons prouvé dans
notre dernier numéro, la plupart des instruments
auxquels M. Sax a donné son nom sont connus de-
puis longtemps, même en France, et ils sont du
domaine public... » (22 septembre 1845.)
« ... Nous avons dit et prouvé plusieurs fois que
les instruments de M. Sax étaient dans le domaine
public et que tous les facteurs avaient le droit d'en
fabriquer d'après le même système...
« Nous devions commencer l'examen critique des
instruments que M. Sax a fabriqués d'après des
modèles connus, et depuis longtemps en usage dans
toute l'Allemagne, et môme en France. Les éléments
nécessaires à notre travail ne sont pas encore com-
plètement à notre disposition. » (28 septembre 1846.)
« ... M. Sax veut absolument me faire un procès.
« Pourquoi?
« Parce que j'ai prouvé, pièces en main, que M. Sax
n'a jamais rien inventé en fait d'instruments... »
(5 octobre 1815.)
A ces attaques, fidèlement périodiques, Adolphe
Sax avait en effet songé à répondre par un procès.
Mais, déjà aux prises judiciaires avec un fabricant
de cylindres, auquel il avait concédé le droit d'ex-
ploitation de son système, et la menace ayant suffi,
il s'en tint là. Cette indulgence fut une faute, dont
les résultats allaient poursuivre Adolphe Sax pendant
sa vie entière, en rendant possible la formidable
coalition acharnée contre lui sans relâche, et dont le
souvenir n'est pas encore effacé dans le monde de la
facture instrumentale. Car si, au moment, le jour-
liste Schiltz en profita pour esquiver une discussion
devenue embarrassante, et échapper à la condam-
nation qui l'aurait aussi justement atteint que le
fabricant de cylindres avec lequel Adolphe Sax était
en procès, les facteurs rivaux devenus presque una-
nimement contrefacteurs s'empressèrent, quelques
mois après, de prendre les devants, à la place de l'in-
venteur calomnié et spolié, et de se servir ingénieu-
sement des défauts de la loi récente sur la propriété
industrielle, promulguée en 1844, pour mettre en dis-
cussion judiciaire la validité de ses brevets.
Mais, à ce moment-là, Adolphe Sax ne pouvait être
à des pensées de colère et de défiance. La décision
ministérielle approuvant les conclusions de la com-
mission venait de paraître au Moniteur de l'armée :
l'usage de ses instruments et son plan d'organisation
étaient adoptés pour les musiques militaires; son
effort de progrès en faveur de l'orchestre d'instru-
ments à vent triomphait complètement.
Ainsi donc, au ministère de la guerre comme à la
commission, les intrigues de ses rivaux avaient été
impuissantes. Itien n'avait été épargné pour épuiser
la vaillance d'Adolphe Sax, pour tromper le public,
pour semer le trouble, la division, la crainte parmi
les membres de la commission afin d'intimider le
ministre; et cependant, ni l'homme qui proposait,
ni ceux qui disposaient n'avaient faibli. Ceux-là pour-
raient s'étonner du succès obtenu malgré tant de
luttes, qui ne verraient en Adolphe Sax qu'un inven-
teur de génie, n'ayant pour force que la valeur de
son œuvre. Il portait en lui l'invincible influence de
l'homme prédestiné, nécessaire à l'accomplissement
d'un progrés. Alors que ses rivaux, ne pouvant con-
cevoir un émule différent d'eux-mêmes, l'emprison-
naient derrière un comptoir et prenaient ombrage
de son activité, il possédait une science ignorée d'eux
tous; les plus célèbres musiciens ne s'étonnaient
pas moins de ses capacités de facteur que de son
talent de virtuose et de sa compétence artistique ;
l'élite intellectuelle accueillait parmi elle un esprit
supérieur. Près de lui, les hommes devenaient forts;
volonté opiniâtre, il suscitait la fermeté des carac-
tères; intelligence lumineuse, il entraînait les con-
victions; apôtre de progrès, il répandait l'enthou-
siasme.
C'est ainsi qu'Adolphe Sax put parvenir à régéné-
rer la facture des instruments et à ouvrir l'avenir à
la musique d'ensemble instrumentale populaire.
I.'œnvre d'A. Sax.
Le 16 juin 1845, Ad. Adam écrivait à Adolphe Sax :
» Je trouve que vous n'attachez pas assez d'impor-
tance à l'une de vos plus belles inventions, le saxo-
phone... Je me suis amusé à brocher un petit mor-
ceau pour les clarinettes en mil-, si'!., la clarinette
basse et le saxophone. Je ne sais l'effet que produira
ce quintette, n'ayant aucune expérience des inslru-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHÉON 3743
menls nouveaux; je pense néanmoins que vous feriez
bien de le faire essayer. S'il n'est pas trop mauvais,
je vous en écrirai encore deux ou trois, de manière
à ce que, dans vos séances, vous puissiez entremêler
ces morceaux avec ceux plus brillants de musique
de cuivre.
« Ce petit essai, que je vous envoie, vous paraîtra
peut-être un peu sévère : c'est que je l'ai composé
pour moi, et non en vue de l'exécution en public;
mais si vous le trouvez bien écrit pour les instru-
ments, je pourrai vous en faire d'autres plus à la
portée du public... »
Ce qu'il faut surtout retenir de cette curieuse
lettre, c'est que les musiciens les plus célèbres ont
été intéressés par l'effort d'Adolphe Sax, et ont tenu
à s'y associer. Or, en 184a, Adolphe Sax était seule-
ment au début de sa carrière. 11 avait trente et un
ans, il lui restait quarante-neuf ans à vivre. Quels
immenses progrès n'aurait-il pas réalisés, quelles
découvertes imprévues n'aurait-il pas apportées, s'il
avait pu consacrer tout ce temps à son génie d'in-
venteur et d'organisateur, continuer librement l'œu-
vre commencée, désormais certaine du concours
actif des maîtres de la musique, et conquérir leur
sympathie à la musique inslrumentale populaire!
Mais ses concurrents, aveuglés par l'égoïsme, et
devenus les dociles serviteurs de la fatalité ennemie
du génie, firent que ces quarante-neuf années furent
un demi-siècle d'effort douloureux, de tracasseries
ininterrompues, de démarches vaines et épuisantes.
Les luttes judicaires commencées contre Adolphe
Sax en 1846, traînaient encore en 1888, après qua-
rante-deux années.
Cependant, si grandes étaient l'activité et l'énergie
de celui que Meyerbeer a appelé le génie du cuivre et
de l'airain sonore, qu'il eut la force de poursuivre,
sans découragement, les travaux d'invention et de
perfectionnement résumés ci-dessous, et qui concer-
nent seulement l'orchestre d'instruments à vent; car
il ne se borna pas à cela :
Flûte. — Outre des travaux sur la flûte, perfectionnements ap-
plicables à la flûte de Pan et instruments analogues.
Hautbois. — Le seul instrument, avec les cymbales, dont il ne
se soit pas spécialement occupé.
Clarinettes. — Réforme totale de la clarinette basse en IS38,
instrument très défectueux avant lui. Création de la clarinette
■Contrebasse, pour compléter la famille des clarinettes. Nombreux
perfectionnements, dont les derniers, en 1880, donnent à la cla-
rinette soprano en si |, des ressources nouvelles, et unejplus grande
étendue permettant de descendre jusqu'à \'ut de l'alto à cordes,
« pour le suppléer là où les altistes manquent. » Clarinettes en
métal.
Basson. — Perfectionnements commencés en 1S40, complétés
en 1851 et utilisés par Boehm et Tiuéukrt en 1855. Invention
du basson en métal. Module de bec à anche simple ne dénaturant
pas le son, et diverses améliorations aux bassons habituels en
1SS0. Boehm ayant prétendu avoir établi, lui aussi, un basson en
métal, Adolphe'SAX cessa d'en construire, et attendit la preuve
de ii m, qui ne vint jamais.
Dès 1843, divers perfectionnements pour la ju-tesse et la sono-
rité, applicables à tous ces intruments.
Timbales. — Timbales sans chaudron. Moyen de soustraire à
l'influence des variations de température la peau des timbales et
autres instruments à percussion.
Tamliour, grosse caisse. — Tambour et grosse caisse à une seule
peau. Grosse caisse à une seule peau avec renforçateur.
Cloches. — Recherches, pour les représentations de Patrie, de
Paladilhe, sur la résonance des cloches. Invention de la « cloche
symphonique », simple feuille de laiton disposée en forme de
cloche à section parabolique, et donnant le son très grave d'une
cloche volumineuse. En 1881, perfectionnement de cette cloche :
des ondulations annulaires, de hauteur variable, permettent
d'obtenir, avec une même cloche, des sons de hauteurs diffé-
hiosques pour les concerts en plein air. — Modèle exposé à l'Ex-
position de 1867, en même temps que celui d'une salle de théâtre
et de concert. La construction est basée sur les propriétés acous-
tiques de la parabole.
Chefs île musique et musiciens militaires. — Par ses écrits, par
ses travaux, par son influence, Adolphe Sax est l'un de ceux qui
ont le plus fait pour décider les réformes qui ont donné le grade
d'officier aux chefs de musique, et il était parvenu, sous l'Em-
pire, à améliorer considérablement la situation des musiciens
militaires, par l'institution du classement, qui n'existe plu- au-
jourd'hui qu'à la musique de la garde républicaine et aux équi-
pages de la flotte.
Harmonies et fanfares ciriles. — Elles sont devenues possibles
depuis les inventions d'Adolphe Sax, et se sont rapidement dé-
veloppées, par l'impulsion qu'il donna aux musiques militaires,
par l'émulation qu'il fit naitre en instituant des concours, par
d harmonie de s\ m plions- do V.\ i i u..\ r\. H i\n\, Mozart.
Le premier brevet pris en France par Adolphe Sax,
en 1843, a donné un nouveau système do cylindres,
et de disposition applicable à tous les instruments
de cuivre.
La découverte, en 18ô2, du système à six pistons
indépendants, applicable à tous les instruments de
cuivre, marque un progrès délinitif dans la facture.
Il est retardé aujourd'hui encore par la routine,
après avoir été cependant expérimenté avec un suc-
res complet à l'Opéra et à la garde républicaine du
vivant d'Adolphe Sax. Le système à six pistons n'est
plus en usage en France qu'à la fanfare de l'Opéra.
En Belgique, il est employé plus généralement.
L'avenir lui appartient, car il assure des sons
d'une égale justesse sur tous les degrés de l'échelle
chromatique; et, pour le timbre, un instrument à
six pistons indépendants peut être assimilé à un ins-
trument naturel pourvu de sept tons de rechange.
Trompettes. — Construction des premières trompettes à cylindre
dans tous les tons, avant 1S45. Trompettes égyptiennes pour la
marche i'Aida.
Coi «et S pistons. — Invention du compensateur pour lier les sons.
Cors. — Divers perfectionnements.
Clair, m. — Invention du clairon chromatique, ou systèmes de
coulisses et pistons s'adaptant aux clairons ordinaires [tour for-
mer une fanfare complète.
Trombones. — Nouveaux perfectionnements, entre autres: trom-
bone basse à double coulisse, trombone à coulisse et à pistons,
trombone à coulisse et à cylindre d'un ton et demi.
Saxhorns. — Famille d'instruments née de l'ancien bugle.
Mettant en application la découverte fondamentale qu'il avait
faite au début de ses travaux : leslproportùms font le timbre, il
modifia les proportions du bugle à clefs venu d'Angleterre, créa
un instrument corrigeant lesdéfauls de sonorité et de justesse de
l'ancien, et établit, sur les proportions nouvelles, déterminées
par lui, la famille d'instruments qu'il proposa, en 1845, pour
être, dans l'orchestre d'harmonie, ce que le quatuor à cordes est
dans l'orchestre de symphonie : un centre autour duquel se grou-
pent les autres sonorités. La famille des saxhorns, comprenant
le soprano suraigu en si ?, le soprano en mi p, le contralto, l'alto,
le baryton, la basse, l.i emil rebasse en mi \>, et la contrebasse en
si\), a donné à l'orchestre d'instruments à.vent la base et l'ho-
mogénéité qui manquaient totalement avant Adolphe Sax. En
outre, l'inventeur en rendit l'usage très pratique en instituant pour
tons une uotahon et un doigté identiques.
Pour faire adapter les saxhorns contrebasses, dont le volume
effrayait, il construisit toute une famille de saxhorns immenses,
— chef-d'œuvre inimitable de facteur, — résonnant à l'octave
inférieure des saxhorns habituels et dont on pouvait facilement
jouer. La collection en a été offerte par son fils au musée de l'O-
péra de Paris.
Saxolrombas (inutilisés actuellement). — Famille d'instru-
ments nouveaux créés en 18 15, comportant des perfectionnements
divers applicables aux saxhorns et constitués comme eux. « En
imaginant le quatuor des tuben , Richard Wagner a été guidé
par l'idée qui a donné naissance à la famille des saxolrombas :
enrichir l'ensemble des cuivres d'un timbre apparenté au cor,
mais plus intense, et mieux fait pour s'unir au chœur éclatant
des trompettes et trombones. » (Gevakrt.) Par le caractère du
timbre, le saxotromba tient le milieu entre le cor et le saxhorn.
Sous l'Empire, les musiques militaires ont fait usage des saxo-
lrombas alto et baryton. Ils ont des proportions moins larges
que les saxhorns.
37'.'*
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUS1QCE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Saxtubas (inutilisés actuellement). - Famille d'instruments
nouveaux créée en IS52, à l'occasion .lu Juif Errant, d'il \u;\ v,
■I i-nii-liiuée coinmi' relie des saxhorns. Le timbre est plus écla-
l. ml i|ui- celui des tnuiipeltcs et des trombones, s'ils u'out jamais
été employés dans les musiques militaires, ils ont du moins servi
i leur amélioration, car o'es» en les entendant à un festival pour
la distribution des drapeaux, iliriRé par Adolplie Adam en 1852,
,i. ■■\a- .!.• ii ||] .1 •!•■ I . .i ■•.■alisaiion du réformes bienfaisantes
détruil - prèalagn ; de 1870.
Saxophones. — Invention basée sur les propriétés acoustiques
de la parabole, cuuiplelemellt llicuiliues avant Adolphe Sxx. 1."
but recherché et atteint a été de créer un instrument à vent se
rapprochant, par le caractère de sa voix, des instruments à cordes,
mais possédant plus de force et d'intensité. On croit généralement,
mémo parmi les musiciens, que l'invention du saxophone n'esl
que l'idée ingénieuse d'adapter un bec à anche simple, comme
celui de la clarinette, à un tube conique comme celui du hautbois
mi <lii ba-sun, mais en métal. C'est une erreur. I. 'anche du lui-
ligne droite intérieure du
i vibrations sont renvoyées
comme un entrecroisement
Mi on ■ laim. o ; ' - , : m :, . qoi e< no prend le sopranino, le
Bopran i, l'alto, le ténor, le baryton et la basse.
Ad h. 3 lx a pris un brevet pour l'adaptation de pistons au
saxophone. En iv>o, il appmi.i divers perfectionnements Irrrpor-
:anl- ■ il. mua un modèle de saxophone alto descendant jusqu'à
Y ni de l'allo à cordes, pour le suppléer, là où les
qu.ml, il pnui'vu d'une membrane sur le tube pour obtenir
divers effets de sonorité.
Le saxophone a élé professé au Conservatoire par Adolphe s v\,
en même temps qu'Ain a \ pruie.sail le saxhorn. Ces classes,
réservées aux élèves militaires, ont été supprimées en 1870.
Adolphe Sax ne s'est pas occupé seulement des
inslrumenls de musique à vent en bois et en cuivre-
Il a proposé l'organisation plus logique et plus riche
du quinletle des instruments à cordes; montré, avant
quelîicliard Wagner ne donnât l'exemple, les ressour-
ces olfertes dans l'orchestre symphonique par les
familles diverses d'instruments qui le composent,
et étudié la construction des salles de théâtre et de
concert. En ce qui concerne ces recherches spéciales,
il a laissé de curieux documents, brevetés en 1866,
exposés en 1867, et qu'utilisera l'avenir: les plans
de salles de théâtre, de concert et d'orchestre en
plein air, donl la construction est basée sur les
propriétés acoustiques de la parabole. Les réso-
nances par écho sont impossibles dans une salle ou
sur une scène établies suivant ce système nouveau,
car toutes les sonorités sont réfléchies en lignes pa-
rallèles.
Adolphe Sax s'est aussi appliqué à des travaul
d'acoustique intéressant moins les musiciens, tel le
perfectionnement du sifflet des chemins de fer en
1849, et à des études n'intéressant que les rail liciens
les plus érudits, comme le montre cette lettre de
Victor Massé :
« Paris, le 23 décembre 1880.
« Mon cher Sax,
«Je me rappelle que, il y a douze ou (reize ans,
arrivant un soir chez Gf.vakhï. vous étiez avec lui
au piano à lui expliquer, par le chant et le raison-
nement, le rôle mélodique de certains intervalles,
que vous disiez être semblables à ceux employés
par les Grecs. Gevaert me dit à mon entrée: « Viens
« donc entendre ce que Sax me démontre ; il est
c< positif que les intervalles employés par les Grecs
t'étaient (els qu'il le dit. » Et vous recommençâtes
la démonstration, qui nous convainquit complète-
ment. Voilà, mon cher Sas, ce que je tenais à rap-
peler et à constater par écrit.
« Veuillez agréer, cher et illustre ami, l'expression
de mes sentiments affectueux et dévoués.
« Victor Massé. »
Il avait tant fait, que les musiciens dans l'em-
barras n'hésitaient pas à recourir à lui, parfois pour
des sollicitations bien imprévues. Une carte de visite
du corniste Eugène Vivier, aussi fameux par sa vir-
tuosité que par ses bouffonneries, porte ce texte :
« Sax! donne-moi de les nouvelles, et de celles
des tiens. Je ne t'en demande, du reste, que pour
te prier de me rendre un service... Connais-tu un
ingrédient procurant de la force aux lèvres?.. Ou
bien, dis-moi que, lorsqu'on est trop vieux, il est
inutile d'en chercher. Trois lignes à ton ami sur ce
sujet, et surtout sur celui de tes nouvelles, car j'y
tiens encore plus qu'à l'embouchure de la trom-
pette. »
Enfin, en 1862, il eut l'occasion de prouver que
son génie d'inventeur n'était pas impuissant en
dehors de la musique. Atteint d'une alfection pul-
monaire, les médecins lui avaient ordonné le séjour
dans une forêt de pins. Ne voulant pas abandonner
ses ateliers, il chercha un moyen d'avoir à Paris, et
chez lui, la forêt de pins. Sous le nom de goudron-
mire Sax, il établit un appareil permettant d'im-
prégner de goudron, créosote ou autre antiseptique,
l'air respiré dans un appartement. Cela ne fut pas
une invention vaine ou impraticable. Ifeaucoup de
médecins en tirèrent parti ; elle fut récompensée â
des expositions d'hygiène, et on verra, par la lettre
inédite reproduite ici, que Pasteur lui-même y ptil
intérêt:
« Alais (Gard), 0 février 1SG6.
« Vous devez être surpris du retard que j'ai mis à
vous remercier d'un envoi que vous avez eu l'obli-
geance de m'adresser à Paris, se composant d'une
boite à goudron pour fumigations et d'un prospectus
indiquant son emploi. 11 n'a pas été inutile; du
moins j'ai eu, peu de jours après l'avoir reçu-, l1 -
. i-i.iii d'en faire don à M. D..., directeur au minis-
tère de la guerre, avec qui je me suis rencontré à
dîner, au moment où, pour le soin de sa propre
santé, mi médecin ■'•minent venait de lui en con-
seiller l'ui
ii Bref, je viens aujourd'hui, Monsieur, voua prier
de viuibiir bien m'adresser deux de vos loiiles, dont
je désire Paire usage pour certaines étndi
boites vides. J'y placerai moi-même les substances
dont je veux me servir. Ayez la bonté de me faire
Ci I envoi à Mais, où je me trouve en ce m
de faire suivre en remboursement. La taille sera
celle de la boîte que vous m'avez adressée à Paris.
Grande vitesse.
« Agréez, etc. „ p.,»,,,,.
Les autres ont profité du Renie el de l'acl
dolphe Sax. Lui et les siens en oui seulement souf-
fert-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LORPHÉON 3745
Sans entrer dans le détail des luttes judiciaires
qu'il eut à soutenir de i846 à 1888, il suffît de rap-
peler qu'en 1846, ses concurrents, liés par un pacte
secret, se coalisèrent contre lui. Ils choisirent un
président, un secrétaire, un trésorier, eurent des
réunions à jours fixes et, par une manœuvre auda-
cieusement déloyale, attaquèrent Adolphe Sax en
déchéance de ses brevets, prétendant que ses ins-
truments étaient depuis longtemps fabriqués par
des facteurs allemands et italiens, qu'ils avaient, eux
aussi, le droit de les fabriquer et que le soi-disant
inventeur n'était qu'un habile intrigant. La multi-
tude de procès qui en résulta devait aboutir après
quatorze ans, en 1860, à la reconnaissance solennelle
de tous les droits d'Adolphe Sax, avec flétrissure
par l'avocat général et par les juges de « l'indue
vexation» créée par les concurrents contrefacteurs
contre un « inventeur plein de mérite, que le gou-
vernement a été chercher en Belgiqne, pour doter
la musique française d'une amélioration puissante,
incontestable ».
Mais les frais de ces procès, les lenteurs de la pro-
cédure acculèrent, en 1852, Adolphe Sax à la faillite.
Il ne se releva de cette catastrophe, en désintéres-
sant jusqu'au dernier centime ses créanciers, que
pour être obligé de déposer de nouveau son bilan
en 1873, poursuivi par la haine de ses concurrents,
rendue encore plus acharnée après la formation par
Adolphe Sax de son Harmonie nouvelle, qui devint la
fameuse musique des Guides, sous la direction très
experte du célèbre chef Mohr; après la réorganisa-
tion des musiques, faite suivant les indications d'A-
dolphe Sax; après les éclatants triomphes de l'Expo-
sition de Londres en 1851, de l'Exposition de Paris
en 1855, où il obtint la grande médaille d'honneur,
de l'Exposition universelle de 1869, qui lui valut la
plus haute récompense accordée jusque-là à son
industrie, le grand-prix; après enfin l'hommage na-
tional que le gouvernement français lui décerna en
lui accordant la grande naturalisation.
La fatalité, elle aussi, poursuivait Adolphe Sax
et devint l'auxiliaire de l'œuvre néfaste entreprise
par ses ennemis. Pendant cinq ans, il souffrit d'un
cancer mélanique à la lèvre, dont la guérison obte-
nue par le docteur Vriès, surnommé le « docteur
noir », à l'aide d'une plante de l'Inde, reste un
exemple unique dans les annales de la médecine. Un
appel au public, qu'il publia en 1887, apprit au monde
stupéfié « qu'après vingt-six ans d'attente, le rapport
des experts concluant aux indemnités dues par ses
adversaires n'était pas encore déposé », et que,
« par un fait qui, d'après l'expression du président
du tribunal de commerce, ne s'est point produit en
cent ans », l'arrêt de sa réhabilitation n'avait pas
été transcrit au registre du greffe.
Au seuil de la mort, alors qu'il avait quitté la
direction de la musique de scène de l'Opéra depuis
quatre ans et vivait pauvrement d'une pension accor-
dée par le directeur des Beaux-Arts, Henry Roujon,
sur la demande du compositeur Lacôme, la haine de
ses concurrents s'efforçait encore contre Adolphe Sax.
Dans un ouvrage paru en 1893, Les Facteurs d'ins-
truments de musique, l'auteur, renouvelant les
attaques commencées en 1889 dans son volume sur
la facture instrumentale à l'Exposition de 1889, ne
craignit pas de partir en guerre contre l'œuvre d'A-
dolphe Sax, et de servir des rancunes de boutique
avec une naïveté véritablement surprenante chez un
homme habitué à manier le document historique.
Copyright by Librairie Delagrave. 1930.
Le 4 février 1894, la mort délivra Ado plie Sax. Il
partit, n'ayant pu obtenir ce qu'il regrettait dans son
appel au public de 1887, de ne pouvoir atteindre
« quelques heures de paix dans une vie dévorée de
soucis ». Il léguait à l'avenir son œuvre prodigieux,
conçu et achevé dans une existence douloureuse et
agitée sans trêve, ayant réalisé, comme l'a dit Fétis
dans sa Biographie des musiciens, « un phénomène
qui ne s'est pas rencontré non seulement dans l'his-
toire de l'invention des instruments, mais en quelque
art que ce soit ». Sans les luttes acharnées auxquelles
il dut faire face, et qui accaparèrent une si grande
part de son activité, Adolphe Sax aurait pu se don-
ner au développement, en dehors des musiques
militaires, des orchestres populaires d'harmonie et
de fanfare. Et nous aurions reçu de lui une tradition
orphéonique instrumentale, digne de la tradition
orphéonique chorale léguée par Wiliibm et Eugène
Delaiorte.
L'AVENIR DE L'ORPHEON
Dix années avant la guerre de 1914, la famille
orphéonique française comprenait près de neuf mille
sociétés populaires chorales et instrumentales. Quinze
ans après, le nombre en est beaucoup diminué, sur-
tout dans le groupe choral. Déjà, avant même la
guerre de 1870, les quatre cinquièmes des groupe-
ments étaient composés des harmonies pour un tiers,
et des fanfares pour deux tiers. 11 avait fallu vingt
années pour établir ce progrès du groupe instru-
mental.
Aux concours de musique, les groupes d'harmo-
nies ou de fanfares les plus nombreux étaient de 9,
en 1851, à Troyes; de 28, en 1855, à Vanves; de 67,
en 1856, à Fontainebleau; de 87 à Melun; de 43 à
Caen, de 63 à Dijon, en 1857; de 110 à Saint Etienne,
de 130 à Bordeaux, en 1862; de 150 à Lyon, en 1854.
A partir de 1862, les groupes d'harmonies ou de fan-
fares comptent pour la moitié au moins.
Au concours de Lille, en 1883, il n'y avait que
67 orphéons, dont 19 étrangers, sur 65 harmonies,
dont 22 étrangères, et 134 fanfares, dont 57 étran-
gères. Les plus récents concours, quoique réunissant
un nombre de groupements beaucoup moindre, accu-
sent une proportion encore moins favorable au chant
choral. La génération contemporaine est donc natu-
rellement portée à voir surtout dans le mouvement
orphéonique la prépondérance de la musique instru-
mentale, et à exprimer, dans son dédain du mot Or-
phéon, son indifférence pour les formes populaires
de l'orchestre.
Le beau passé de l'Orphéon appartient au chant
choral. L'histoire de nos harmonies et fanfares n'offre
pas de hauts faits comme les festivals grandioses de
1859 et de 1861, comme le voyage triomphal en An-
gleterre de 1860. Mais c'est une funeste injustice de
méconnaître le bel effort artistique populaire, com-
mencé sous la première République, avec des instru-
ments imparfaits, auxquels la plupart des tonalités
de notre système musical étaient interdites; effort
sympathique aux progrès de la facture instrumentale
accomplis par Adolphe Sax, lorsque les profession-
nels y demeuraient hostiles; favorable à l'idée nou-
velle d'adjoindre à l'orphéon choral, soit un quin-
tette ou quatuor de saxhorns, de saxophones, soit
une fanfare, soit une harmonie, comme on le vit
en plusieurs circonstances, entre 1863 et 1870; cons-
3746
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tient de son action féconde lorsqu'il maintenait par
l'exemple la nécessité de ne pas amoindrir les facul-
tés artistiques populaires, dans un moment où, sous
le patronage intéressé politiquement du duc de
Morny, on tentait de substituer, à l'usage du peuple,
la notation chiffrée à la notation usuelle; si utile
enlin par la popularité, répandue jusque dans nos
campagnes, des œuvres lyriques, et par l'animation
apportée aux jours de joie ou de deuil, dans la ville
comme au plus petit village.
Le niveau artistique des orchestres populaires
n'aurait pas cessé d'être élevé, si le maintien d'un
système parfait d'éducation avait continué de leur
assurer un recrutement favorable, comme aux pre-
miers temps de l'Orphéon. L'étude d'un instrument,
autre que le piano, ne devrait pas être commencée
avant la connaissance préalable de l'intonation, que
le chant choral donne un moyen certain, rapide et
attrayant d'acquérir. Le succès et la valeur des pre-
mières fanfares n'eurent pas d'autres causes. La sym-
pathie était alors générale pour l'orphéon, choral
ou instrumental. On en trouve l'écho dans les écrits
des sociologues les plus novateurs. Dans son livre
Du Principe de L'Art, publié en 1863, Proudhon pou-
vait écrire :
« Il s'en faut, j'aime à le penser, que la musique
ait trouvé de nos jours tout son emploi dans la so-
ciélé moderne; elle est appelée, si j'ose ainsi dire,
à un service plus sérieux et plus général; mais il
n'en est pas moins vrai que, dan- la rétrogradation
actuelle, elle soutient presque seule la retraite, et
qu'au moment ou j'écris, le dédain de l'art, surtout
de la peinture et de la statuaire, serait bien autre-
ment profond, si les esprits n'étaient retenus sur
cette pente par le goût universel, bien que fort mal
entendu, de la musique. »
Proudhon avait eu l'occasion d'éprouver par lui-
même la vertu du chant choral, de sentir la douceur
du lien de fraternité qu'il peut créer. Dans le même
ouvrage, il a raconté cet épisode de sa. captivité, à
Sainte-Pélagie, en 1849, avec quatre-vingts autres
prisonniers politiques :
« ... Tous les soirs, une demi-heure avant la fer-
meture des cellules, les détenus se groupaient dans
la cour, et chantaient la prière; c'était un hymne à
la liberté, attribué à Armand Marrast. Une seule
voix disait la strophe, et tous les prisonnier repre-
naient le refrain. ..Plus tard, ces chants furent inter-
dits, et ce fut pour les. prisonniers une aggravation
de peine... »
A aucun de nos dirigeants, même pour une cause
aussi honorable que la défense de la liberté, il ne
faut souhaiter pareille épreuve d'euGOUEaigemenfc
Aujourd'hui, la sincérité démocratique devrait suf-
fira) stimulée par le devoir d'égaler une génération
précédente, et par la généralisation du goût musi-
cal, de plus en plus étendue avec les belles repro-
ductions de la musique mécanique, et les diffusions
par T. S. F. de nos grands concerts. On aura beau-
coup fait lorsqu'on se s-era décidé à organiser un en-
seignement scolaire aussi largement étendu, aussi
généralement méthodique, aussi Iransmissible que
celui qui, un moment, rendit la France musicieane;
lorsqu'on cessera de croire à l'enseignemeni difficile
de li première science musicale, à la vertu éducative
dBS chœurs serinés, et à la possibilité de développer
(e goût artistique en alimentant l'enfance avec des
miettes de musique, si sucrées qu'elles puissent èhe
dans les chansons les plus charmantes. On aura fait
bien plus encore lorsqu'on aura réussi à intéresser
les élèves-maîtres de toutes nos écoles normales à
l'enseignement d'un art qui peut le mieux les mettre
en union avec leurs élèves, et dont les procédés pé-
dagogiques de l'instruction élémentaire peuvent être
acquis si facilement, qu'on les a vu appliqués avec
succès par les simples moniteurs du temps de l'en-
seignement mutuel. Sans une telle organisation, les
professeurs spéciaux de la musique scolaire, surtout
s'ils ont quelque vocation d'éducateurs, sont comme
des professeurs de gymnastique auxquels aurait été
confié le soin de faire apprendre les premiers pas
de la marche enfantine. Ils sont amoindris : leur
culture est gaspillée, et leur ardeur artistique
émoussée. Ils ne sont pas incités à donner l'encou-
ragement de leur collaboration à des groupements
dont ils sont enclins à prévoir la faiblesse artistique,
et leurs élèves particuliers en sont aussi détournés,
autant par cet exemple d'abstention que par un na-
turel entraînement à des sentiments de vanité.
Le glorieux Orphéon de 1835 a été édifié sur une
œuvre d'instruction, sur une organisation d'ensei-
gnement, sur une foi sans défaillance dans la frater-
nité nationale. Cela reste une indication formelle.
Son développement fut favorisé par les circonstances :
la liberté d'association n'existait pas alors, et les
réunions musicales tolérées étaient comme un centre
d'attraction pour les citoyens, de plus en plus domi-
nés par le besoin d'association, et que ne retenait
aucun préjugé de situation sociale. La musique po-
pulaire n'a pas perdu la faveur de pouvoir être un
lien civique; mais, aujourd'hui, le groupement mu-
sical semble devoir s'offrir avec attrait, plut ôL aux
bonnes volontés déjà groupées dans des associations
d'anciens élèves, coopératives ou syndicats, qu'à des
citoyens disséminés, et « tenus épars » comme au-
trefois.
A l'œuvre nécessaire de l'éducation initiale sco-
laire et poslscolaire, il faut souhaiter que l'Etal et
les municipalités ajoutent des encouragements favo-
rables à la formation et à la vitalité des sociétés mu-
sicales, en dehors desquelles il n'y a plus de raisons
de tenir les femmes éloignées, puisque les habitudes
religieuses sont plus accommodantes, et les préju-
gés de convenances moins tyranuiques.
Dans un rapport sur l'enseignement du chant,
présenté en 1880 au ministre de l'instrucliou pu-
blique, et publié en 1898 à Vannes, le compositeur
liOURGAULT-DlJCOUDRAY a Spécifié, avec SOU cxpél ïellc'e
avertie, que ces encouragements devaient être géné-
raux, pour n'entraver en aucune manière l'indé-
pendance des sociétés :
« Le rôle de l'Etal devrait être d'encourager de
toutes ses forces les sociétés eu leur facilitant l'achat
de la musique, en leur assurant gratuitement des
salles de réunion, peut-être eu accordant à leurs
membres, après un certain temps de service, des
privilèges et des immunités... Ce que pourrait encore
l'Etat, ce serait de multiplier les occasions où ces
sociétés se produiraient en allumant, pour la plus
grande j, ne de la vie commune, l'intensité des sen-
timents collectifs.
«... Les occasions ne manquent pas; il s'agit d'en
profiter et d'organiser de la musique pour lés itttHe
lions » de la vie civile, connue l'Eglise, » au dehul
de son histoire, le fit avec tant de bonheur pour les
solennités de la vie religieux... »
Le compositeur Hoi hoaili-Dl coidray avait conuu
l'Orphéon dans le dernier éclat de ses glorieux de-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LORPHÉON
buts. Parmi les maîtres de la génération précédente,
il en fut l'ami le plus zélé, n'ayant jamais douté de
l'avenir, lui dédiant de nombreuses œuvres, inspi-
rées par un sentiment de pleine fidélité à la tradition
de l'origine; des chœurs pour voix d'hommes, des
chœurs pour voix mixtes, des cantates chorales avec
accompagnement d'harmonie ou de fanfare. De la
même génération, et animée par la même foi, Au-
gusla Houiès parvint à réveiller le souvenir des
fastes orphéoniques, en réunissant tous 1rs orphéons
de Paris et de la Seine, sous la direction d'Edouard
Colonne, pour les grandioses exécutions, au Palais
de l'Industrie, pendant l'Exposition universelle, de
son Ode triomphale pour le Centenaire de 1789.
Parmi les glorieux maîtres vivants de la généra-
tion contemporaine, le compositeur Gustave Char-
i'bntier maintient la bienfaisante continuité de la
grande tradition orphéonique, soil avec des œuvres,
comme le Couronnement de la Mme du peuple, ou le
l'haut i l'apothéose, dont l'interprétation mobilise
toutes les ressources vocales et instrumentales d'une
ville; soit en assumant les responsabilités d'organi-
sation d'un important festival orphéonique, comme
« l'hommage populaire à Beethoven », qui eut lieu
à l'occasion du centenaire, en juillet 1027, au monu-
ment du bois de Yincennes, soit encore en plaidant
dans la presse la cause de l'art populaire, en termes
auxquels ajoute la haute autorité artistique de l'au-
teur de Louise :
« ... Il faut bien comprendre pourtant que la vie
artistique d'une nation ne réside pas seulement
dans les manifestations et productions des artistes...
Populariser l'art est l'un des premiers devoirs d'une
démocratie... Si, de la masse du peuple initié, s'é-
lève un jour une exception, quelque génie créateur
d'idées, ce qui serait plus glorieux, plus beau que
le chef-d'œuvre lui-même, ne serait-ce pas la com-
préhension de ce chef-d'œuvre par le peuple entier,
chacun y sentant vivre la réalisation de son propre
désir de beauté, chacun pouvant affirmer : Voilà ce
que je rêvais d'accomplir, en sorte que chacun arrive-
rait à se persuader d'y avoir collaboré... Populaire,
fraternel, national, cet art est bienfaisant aux ar-
tistes, dont l'idéal et le métier s'ennoblissent dans
l'amour sacré d'un but sublime. Ce n'est plus l'art
fermé, spécialisé, réservé aune élite, à une chapelle
de fidèles, ni l'ait égoïste et stérile, objet de luxe
mièvre el inutile. El pourtant, bien qu'il participe
d'un élan spontané qui est sa condition, l'art popu-
laire n'en est pas moins épris d'idéal et de perfec-
tion, recherchant une réalisation qui n'ait rien à
envier à l'art des cénacles... ,< [Le Nouveau SU cte.
Avec les maîtres, d'autres musiciens sont fidèles.
En 1904, l'Ecole de chant choral a été fondée avec
un enseignement basé sur la méthode Wilheji.
(Juelques années plus tard, après une série de mani-
festations continuant la tradition, a éïé constituée
l'Association pour le développement du chant choral,
reconnue d'utilité publique, qui offre désormais, à
son siège social, au Palais du Trocadéro, un centre
de documentation et de renseignements pour l'ensei-
gnement, le répertoire, l'organisation des groupe-
ments de musique populaire.
.Nos jeunes musiciens n'ont pas à renouer un fil
de tradition interrompu. Ils subissent l'influence
d'aînés, qui, dans leur passion de recherche de sono-
rités rares, négligent la voix humaine, et de dilet-
tantes qui, ne chantant pas eux-mêmes, proclament,
l'incapacité' vocale de notre nation. Qu'ils se tournent
vers le peuple avec l'esprit de justice que, dans un
ouvrage déjà cité, souhaitait le musicien, grand
industriel, Emile Guimet :
Unhomme, vivant constamment au milieu des
ouvriers, a quelques droits, se trouve même dans
l'obligation de déclarer ce qu'il voit et ce qu'il
pense... C'est une remarque à faire : les classes
riches et éclairées ne touchent à la classe ouvrière
que par les côtés douloureux el irritants... On re-
cherche les vices pour les détruire, les misères pour
les soulager, les souffrances pour les guérir; mais il
est à craindre qu'on oublie cette masse énorme qui
vit heureuse et modeste sans réclamer ni secours,
ni consolations... »
Ils trouveront la permanence de la bonne volonté
artistique populaire. Us connaîtront ces sociétés
i-ncore nombreuses, dont le plus grand souci est la
crainte de ne pouvoir conserver leur valeur' artis-
tique et l'existence même, lorsque seront disparu-
leurs directeurs qu'anime encore la foi orphéo-
nique. Ils voudront que renaisse l'heureux temps de
la France musicienne dont l'étonnant passé est une
révélation pour trop de musiciens d'aujourd'hui, et
apparaît h tous comme un récit merveilleux.
Puissent ces pages consacrées à l'harmonieuse
légende retenir l'attention, et éveiller des sym-
pathies agissantes.
Henri RADIGI I 11.
LES THÉÂTRES MUSICAUX SUBVENTIONNÉS
Par A. PEYTEL
LE THEATRE AVANT LOUIS XIV
LES PREMIERS SPECTACLES
La civilisation romaine, imposée aux Gaules par
ta force, avait apporté avec ses légions l'éblouissant
cortège de ses plaisirs profanes. Les races de la Nar-
bonnaise, mieux préparées que les populations rudes
du Nord aux élégances latines, s'émerveillèrent du
faste dont les conquérants agrémentaient leur vie.
La vallée du Rhône applaudit bientôt aux jeux du
cirque et s'amusa des masques de la comédie. Non
loin des Arènes de Nimes, se dressaient le théâtre
d'Arles et le théâtre d'Orange.
L'invasion des barbares, qui ravagea le vieux
monde, ruina jusqu'en ses bases l'édifice à peine
achevé de la civilisation gallo-romaine, qui ne fut
bientôt plus qu'un souvenir : la domination de l'em-
pire avait été une trop courte initiation à la vie la
plus raffinée que le monde eût encore connue. La
fureur des dévastations germaniques ramena en
Gaule le chaos des premiers âges, ce ne fut qu'après
plusieurs siècles d'une barbarie nouvelle et bien
après la conquête franque, qu'une renaissance
intellectuelle lleurit parmi les ruines de l'Empire
romain.
Le mélange de tant de races, destinées à vivre
désormais confondues, donna naissance à une civili-
sation nouvelle qui s'établit lentement par une foi
commune et par l'échange des dialectes. La diver-
sité des idiomes provoqua l'essor d'une langue
étrange, faite d'harmonie latine et de rythme germa-
nique, dont la richesse fut merveilleuse. Brunetto
Latini, le maître du Dante, reconnaissait en elle
•. la parleure la plus délilable, et commune à toutes
gens ».
Ces âges héroïques inspirèrent les chants de nos
premiers trouvères. Les « gestes » de Garin de Lohe-
rain, le poème de Roland — dont le jongleur Taille-
fer clamait encore les stances à la bataille d'Has-
tings — et les exploits d'Ogier de Danemarche,
répétés tant de fois à la lueur des torches, le soir,
dans les donjons, remuaient profondément l'âme de
ces hommes dont les loisirs de guerre se passaient
dans les récits de combats.
Mais les chevaliers, dont les bardes exaltaient les
prouesses, montraient assurément trop de vaillance
pour que le succès ne vînt pas couronner toutes
leurs entreprises, y compris celles de galanterie. La
reine Genièvre, la blonde Yseult, héroïnes de Chres-
tien de Tro.yes, et la reine Sébile, chantée par Jean
lîodel, ont des grâces un peu complaisantes pour de
si haultes dames! Certaine Sénéchale, en le lai d'E-
quitan de Marie de France, met au service de ses
aimables caprices une subtilité dont s'inspireraient
encore avec profit les auteurs du Palais-Royal!
Ainsi, dès l'époque lointaine des épopées carlovin-
giennes, en le temps joyeux où les hostelleries, pla-
cées sous le complaisant patronage de saint Julien,
offraient un si large accueil aux clercs et aux pala-
dins, la corde dramatique et la corde comique réson-
naient déjà sous les doigts des ménestrels.
Pourtant, la véritable origine du théâtre français
ne devait venir ni des poèmes épiques ni des chan-
sons de gestes, mais des scènes de l'histoire religieuse
ou de la légende sacrée. L'éducation littéraire de la
Grèce se renouvelait dans les Gaules. C'est sur les
marbres sacrés des temples de la Grèce que s'était
formé- le drame primitif. C'est du chœur dithyram-
bique, enlaçant de ses danses les degrés des autels,
et glorifiant de ses chants la légende de Racchus,
que ïhespis détacha, un jour l'Jro/.p^y,;. Le chœur
s'arrêtait, puis repartait en cadence, tandis que le
personnage isolé de la ronde commençait un récit
et provoquait ensuite les autres à répondre. — C'est
la légende du Christ et des Apôtres qui fournil la
trame des premiers «jeux ».
Depuis longtemps, les voûtes des cathédrales go-
thiques s'offraient, comme décor, à des solennités
étranges. L'Eglise, a dit Michelet, était au moyen
âge « le domicile du peuple. La maison de l'homme,
cette misérable masure où il revenait le soir, n'était
qu'un abri momentané. Il n'y avait qu'une maison, à
vrai dire, la maison de Dieu1. » Et c'est laque nos
aïeux vinrent prendre le goût des spectacles et des
jeux. On a trouvé un vieux « jeu » en trois parties
donnant l'épisode des enfants dans la fournaise, avec
toutes les indications nécessaires à la mise en scène;
ce drame est en latin et a dû être écrit au \i' siè-
cle. Le premier drame liturgique en langue vul-
gaire qui soit connu est un Ailam en trois parties :
la chute de l'homme, Cain et Abel et le défilé <U'^
prophètes annonçant la réparation. Il est du xii" siè-
cle comme le jeu de saint Nicolas de Jean Hodel, qui
fut joué à Arras.
Dès le vie siècle, on célébrait dans le temple la
fête des Fous, depuis le Ier janvier jusqu'au juin
des Rois; la fête des Diacres Soûls, dont le but
était l'élection de l'évèque des Tous: celle des Cor-
lil ,,,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3749
nards; celle de l'Ane. Ces réjouissances, dans les-
quelles le clergé s'associait avec la foule, sous des
accoutrements et des;masques bizarres, pour mener
de burlesques processions et les interrompre des
scènes les plus extravagantes, des orgies les plus
scandaleuses, ont fait l'objet de trop nombreux
récits pour que nous insistions sur leur caractère.
« Les conciles de Mayence, de Tours, de Rheims
et de Chalon-sur-Saône, qui furent tenus l'an 813,
défendirent aux évêques, aux prêtres et aux autres
ecclésiastiques d'assister à aucun de ces spectacles,
à peine de suspension, et d'être mis en pénitence1. »
En 1108, la célébration de la fête des Fous fut
interdite dans le diocèse de Paris par le légat Pierre
Je Capoue. Klle n'en subsista pas moins jusqu'au
xve siècle.
Hors de l'église, les Parisiens avaient la distraction
de spectacles ambulants que leur donnaient des
baladins, gens fort habiles en tours d'adresse, mais
fort mal vus de la police, d'abord parce qu'ils n'a-
vaient ni feu ni lieu, puis parce qu'on les soupçon-
nait d'être entachés de magie. On les appelait
indifféremment basteleurs, farceurs, jongleurs et
joueurs. Ce qui distinguait pourtant ces derniers,
.'est qu'ils dressaient des singes.
Une ordonnance de Charlemagne, de l'an 789,
« les mit au nombre des personnes infâmes aux-
quelles il n'étail pas permis de former aucune accu-
sation en justice2 ». Philippe-Auguste les chassa
purement et simplement de ses états dès la pre-
mière année de son règne. Mais ils bénéficièrent
d'un sort meilleur sous le règne de saint Louis.
a Nous en avons la preuve, dit Delamare, dans un
tarif qui fut fait par saint Louis pour régler les
droits de péage, qui se payoient à l'entrée de Paris
sous le Petit-Châlelet ; l'un des articles porte que le
marchand qui apporteroit un singe pour le vendre,
payeroit 4 deniers; que, si le singe appartenoit à
un homme qui l'eût acheté pour son plaisir, il ne
donneroit rien; que, s'il étoit un joueur, il en joiie-
roit devant le péager, et que, par ce jeu, il seroil
quitte du péage, tant du singe que de tout ce qu'il
auroil acheté pour sou usage. C'est de là vraisem-
blablement que vient cet ancien proverbe populaire,
payer en monnoye de singe, en gambades. Un autre
article porte qu'à l'égard des jongleurs ils seroient
aussi quittes de tous péages, en faisant le récit d'un
couplet de chanson devant le péager !. »
En 1313, pendantes grandes fêtes de la Pentecôte,
lorsque Philippe le Bel arma ses trois fils chevaliers,
en présence d'Edouard 11 et d'Isabeau de France,
devenue reine d'Angleterre, ce furent des jongleurs
qui guidèrent les cortèges, au son des buisines et des
taborins.
Vers l'an 1330, sous le règne de Philippe VI, les
jongleurs et les jongleresses de Paris, qui tous
s'étaient parqués dans une rue portant leur nom, —
la rue des Jongleurs, devenue par la suite et restée
bien longtemps la rue des Ménétriers, — parvinrent
à ériger une confrérie sous les noms de saint Julien
et de saint Genest. Lettres en furent passées et
scellées au Chàtelet, le 23 novembre 1331. Cette cor-
poration, comme toutes celles d'alors, était gouver-
née par un roi, le roy des Ménestriers.
1. Traité de la Police, de Deliniaiv, conseillei-comm
Di au Chàtelet île Paris, t. I, liv. III, lit. III, chap. n.
1. Ibid., chap. n (d'après Cap. It,;h Fr., t. I, col. 229, ;
3. Ibid. (d'après Livre Blanc du C/iàt. de Paris, ou
fétiers, î° part., fol. lis et suiv.j.
Pour se concilier la bienveillance des pouvoirs
publics, les Ménestriers avaient fondé auprès d'eux,
sur un terrain acquis de l'abbesse de Montmartre, une
église et un hôpital. La fondation de l'hôpital, atte-
nant à l'église, explique le patronage de saint Julien .
Cet hôpital n'eut pas une longue existence, car les
bâtiments en furent bientôt accaparés par les chape-
lains. Mais l'église, Saint-Julien-des-Ménétriers, de-
meura jusqu'à la Révolution, et les jongleurs en
entretenaient les prêtres au moyen de dons annuels.
Leur « cohue », désignée couramment sous le nom
de ménestrandie, exécutait des tours de gibecière,
dressait des singes et autres bêtes, et se recomman-
dait de saint Genest, son patron, qui fut bateleur
aussi, païen d'abord, puis converti et martyrisé en
303 sous les yeux de Dioclétien.
Ils jouaient de tous les instruments, tant haute
comme bas, — de la vielle, de la harpe, de l'épinette,
du rebec, — et ceux-là seuls qui faisaient partie de
l'association pouvaient faire entendre leur musique
aux fêtes et réunions de plaisir données en la ville,
vicomte et diocèse de Paris.
Les statuts qui les régissaient étaient très rigou-
reux. Mais l'obligation de s'y soumettre était absolue,
et les lettres patentes confirmalives du 24 avril 1407
disposent que : « Se aucun ménestrel estrangierveul
jouer desdiz instrumens en la ville de Paris ou
ailleurs es lieux dessusdiz, poursoy allouer et gain-
gnier argent, ycelluy roi des ménestrels ou ses dé-
putez lui pevent deffendre ladite science, jusques â
ce qu'il ait juré par la foy et serement de son corps,
à tenir et garder l'ordonnance dessusdicte, surpaine
d'estre banni de ladicte science par an et jour, et de
l'amende dessusdicte (20 sols parisisl, se ce n'est à
la voulenlé desdiz roy ou députez4. »
Une ordonnance du prévôt de Paris, du quator-
zième septembre 139;>, leur avait défendu « de ne
rien dire, représenter, ou chanter dans les places
publiques ou ailleurs, qui put causer quelque scan-
dale, à peine d'amende arbitraire et de deux mois de
prison au pain et à l'eau
Le goût des spectacles s'était grandement déve-
loppé, à la suite des fêtes ecclésiastiques dont nous
avons parlé. Celles de l'Université, qui avait chaque
année son évêque des Fous, et les processions que
l'on multipliait pour éblouir le populaire, excitaient
de plus en plus sa curiosité.
En 1313, aux fêtes de la Pentecôte, Philippe le Bel
lit représenter, sous des courtines, à l'abbaye de
Saint-Germain des Prés, le paradis et l'enfer, avec
une figuration magnifique de personnages et d'ani-
maux.
Le jour de Pâques 1300, des chapelains et des
clercs de la Sainte-Chapelle otirirent à Charles VI
le spectacle de la résurrection de Jésus-Christ. Le
roi, en manière de satisfaction, leur lit remettre
40 francs".
Des cérémonies semblables avaient lieu assez sou-
vent dans les monastères, à l'occasion de leurs fêtes,
et dans certains collèges. On y montrait des épiso-
des de la vie des martyrs et les miracles des saints.
Parmi les plus remarquables, se trouve le Miracle de
Théophile de Rutebeu.1 et les quarante-deux Miracles
de Notre-Dame, qui montrent un mélange singulier
. Ordonnances du Louvre
. Delamare, t. I, liv. III.
ien, f. 123V
. Hichelet, Hist. de Fia
III, chap. n (d'après itère Soug
ViXCYCLOPEMIi DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
■te foi c&nàMe el de trivialité populaire qui nous
semblent inconciliables.
( les di\ ers spectacles s'inspiraient d'une correction
variable. La nudité des hommes, et surtout des
femmes, y etaitchosc accoutumée.
Ce M'était pas une innovation : à Home, les mimes
se dévêtaient généralement. On raconte qu'un jour,
aux Florales, la présence de Caton gênait fort les
jeunes femmes, qui n'osaient faire glisser leurs
robes. Galon se retira, sur l'avertissement d'un ami,
et le peuple battit des mains pour qu'elles se mon-
trassent nues.
Au moyen âge, on peut dire qu'il n'y avait point de
fête de quelque éclat sans que l'un et l'autre sexe
dépouillassent toute parure. En l'an i:tlci, dans les
processions qui défilèrent le long des rues de la
Cité, au moment où l'on redoutait la famine, tous
les liguranls, sauf les femmes mariées, étaient entiè-
rement nus1. « Le peuple estoit tellemenl esehaurïé
et enragé (s'il faut parler ainsi) après ces belles dé-
voilons processionnaires, qu'ils se levoient bien sou-
vent de nuict de leurs lits, pour aller quérir les
curés et prostrés de leurs paroisses pour les mener
en procession; comme ils lirenl en ces jours au curé
de Saint-Eustache, que quelques-uns de ses parois-
siens furent quérirla nuit, el le contraignirent se re-
lever pour les y mener proumener, auxquels pensant
en faire quelque remonslraiice, ils l'appellerent poli-
tique et hérétique, et fust contraint enfin de leur en
faire passer leur envie. El à la vérité ce bon curé,
avec deux ou trois autres de la ville de Paris (et
non plus) condamnoienl ces processions nocturnes,
pource que pour en parler franchement, tout y esloit
de quaresmeprenant, et que hommes el femmes,
filles et garsons marchoient pesle mesle ensemble
tout nuds et engendroient des fruits autres que ceux
pour la lin desquels elles avoient esté instituées2. »
Jean de Troyes, greffier de l'Hôtel de Ville, nous
apprend dans sa chronique qu'à l'entrée de Louis \1
à Paris, à la fontaine du Ponceau, trois belles filles
toutes nues figuraient en manière de sirènes. Il en
fut de même à Lille, en 1468, lors de l'entrée de
Charles le Téméraire; on y représenta le .Ingénient
de Paris, et les trois déesses se montrèrent sans
»oile.
La licence du langage accompagnant, d'ordinaire,
le relâchement de la tenue el des mœurs, on com-
prendra sans doute plus aisément les hardiesses
d'expression de nos premiers dramaturges.
Comment expliquer que, au xe siècle, dans un
couvent de Saie, le couvent de Candersheim, une re-
ligieuse, du nom de Hrotswita, ait pu faire jouer de
véritables pièces, dont le sujet était, pour presque
toutes, il est vrai, tiré des légendes pieuses, mais
dont les situations, très adroitement conduites, s'ins-
■piraienl cerlainement des auteurs antiques? Com-
ment expliquer celle résurrection spontanée de l'art
du théâtre au milieu de l'ignorance de ce temps, et
cette tentative isolée de rénovation scénique'.'
Hrotswita fit jouer par les nonnes de liandersheim
des drames d'amour extrêmement hardis. Callimwjue,
l'.iphniue et Thaif. sont l'œuvre d'une conception
dont l'habileté est réellement déconoertanle. Mélanl
la naïveté d>une foi touchante au probable désir
d'édifier les novices sur les erreurs de ce monde,
Hrotswita multiplia les scènes les plus scabreuses;
îba même fli
Iml-
II est curieux de remarquer qu'elle usa souvent de
la personnification d'êtres allégoriques portant les
noms de Sapience, Foi, Charité, etc., — procédé
dont, trois siècles plus tard, devaient se servir
Guillaume de Lorris dans son Roman de la dos*, et
les Enfans sans Souci sur leurs tréteaux.
DE 1402 A 1548
Les prédicateurs du moyen âge, connaissant ce
besoin inné chez les foules de toujours esquisser une
forme à l'idée et de préciser leur rêve au milieu des
élans les plus hardis de l'imagination, avaient pris
coutume de raconter, comme s'ils en avaient été les
témoins, l'histoire de Jésus-Christ et le drame de la
Passion, inventant des détails grâce auxquels leur
éloquence, jointe à la bonhomie de leur récit, trou-
vait le moyen d'arracher des larmes.
Citons seulement ce passage tiré des sermonnaires
du franciscain Michel Ménot, où il peint la douleur
de la Vierge après le Colgotha :
« Monsieur Sainct Jehan va mesner la benoiste
dame en la maison de sa mère pour ce qu'il esloit
lard. Et là eussiez veu les gens par troppeaulx parmy
les rues de Hierusalem, devisans de ceste aTaire. Et
en voyant passer la bonne dame, ils disoient : Hélas!
vêla la mère de ce povre exécuté. Ron soir, Madame.
Aulcunes femmes pleines de compassion la con-
diment jusques à son logis en plouront. Quand la
bonne dame parvint à l'huys de son logis, se va
retourner vers la compaignie, en leur donnant grâces
et le bon soir::. u
De cette intimité du récit au dialogue, le chemin
n'était pas long et fut bientôt franchi.
Pour les spectacles dont nous avons parlé plus
haut, qui se donnaient en de rares occasions dans
les monastères et dans les collèges, on se servait
toujours de la langue laline. Il n'y avait pas encore,
à la fin du xive siècle, de théâtre à proprement parler,
c'est-à-dire d'édifice spécialement destiné à des
actions dramatiques, à des représentations popu-
laires et suivies, en langue française. C'est aux Con-
frères de la Passion que revient l'honneur de l'avoii
créé.
Los Confrères de la Passiou.
Vers l'an 1398, quelques bourgeois de Paris.
afin d'y consacrer leurs loisirs, établirent un théâtre
à Saint-Maur-des-Fossés et voulurent représenter
le drame de la Passion.
Un tel spectacle n'offrait rien de nouveau, et l'on
conçoit mal l'émotion qu'il causa an prévôt de Paris.
Ce magistrat crut devoir rendre, le 3 juin 1398, une
ordonnance aux ternies de laquelle il défendait à
quiconque soumis à sa juridiction « de représenter
jeux de personnaiges, soit de vie de saincts ou
aultrement, sans le congié du Roy, sous peine d'en-
courir son indignation et de forfaire envers luy ».
Lesdits bourgeois, pour mieux affirmer la réso-
lution de leur entreprise, formèrent entre eux une
association et s'intitulèrent « Confrères de la Pas-
sion de Notre-Seigneur ». Puis ils s'adressèrent au
roi pour requérir son autorisation.
t. MirM Hémft, Ptissit
Cité par Gérusez.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3751
Charles VI, de sa nalure grand amateur de fêtes
et de spectacles, cherchant, de plus, en toute occa-
sion, l'oubli de son mal, sentit sa curiosité s'éveiller
au souvenir des quelques mystères déjà représentés
devant lui par des ecclésiastiques et des clercs. Il
voulut que les Confrères bourgeois fissent en sa pré-
sence montre de leurs talents. 11 en lui, à la suite,
si enthousiaste, qu'il leur signa, le ï décembre 1 102,
les lettres patentes que voici :
« Charles par la grâce de Dieu Roy de France, sça-
voir faisons, à tous presens et avenir.
« Nous avons reçu l'humble supplication de nos
bien-amez les Maistres, Gouverneurs et Confrères de
la Confrérie de la Passion et Résurrection de Nostre-
Seîgneur, fondée en l'Eglise de la Trinité à Paris :
contenant que comme pour le fait d'aucuns Mys-
tère de Saincts, de Sainctes et mesmement du Mystère
de la Passion, qu'ils ont commencé dernièrement, et
sont prests de faire encore devant Nous, comme
autrefois avoient fait, et lesquelz ils n'ont pu bonne-
ment continuer, parce que Nous n'y avons pas pu
estre lors presens, on quel fait et Mystère ladite
Confrairie a moult frayé et dépensé du sien, et aussi
ont l'ail les Confrères chacun d'eux proportionnable-
ment ; disant en outre que s'ils joùoient publiquement
et en commun, que ce seroit le proufit de ladite Con-
frairie; ce que faire ils ne pouvoient bonnement sans
noslre congié et licence; requerans sur ce nostre
gracieuse Provision : Nous qui- voulons et desirons
le bien, proufit et utilité de ladite Confrairie, et les
droits et revenus d'icelle estre par Nous accrus et
augmentez de grâce et privilèges, afin qu'un chacun
par dévotion se puisse adjoindre et mettre en leur
compagnie; à ieeux Maistres, Gouverneurs et Con-
frères d'icelle Confrairie de la Passion de Notredit-
Seigneur, avons donné et octroyé de grâce spéciale,
pleine puissance et autorité Royale, celte fois
pour toutes, et à toujours perpétuellement, par la
teneur de ces présentes Lettres, 'autorité, congié et
licence de faire jouer quelque Mystère que ce soit,
soit de la Passion et Résurrection, ou autre quelcon-
que, tant de Saincts comme de Sainctes qu'ils vou-
dront élire et mettre sus toutes etquantes fois qu'il
leur plaira, soit devant Nous, nostre commun ou
ailleurs, tant en recors qu'autrement, et d'eux con-
voquer, communiquer, et assembler en quelconque
lieu et place licite à ce faire, qu'ils pourront trou-
ver en nostre Ville de Paris, comme en la Prevosté
et vicomte ou Banlieue d'icelle, presens à ce trois,
deux ou un de nos Officiers qu'ils voudront eslire,
sans pour ce commetlre offense aucune envers Nous
et Justice; et lesquels Maistres, Gouverneurs et Con-
frères dessus dits, et un chacun deux, durant les
jours esquels ledit Mystère qu'ils joueront se fera,
soit devant Nous, ou ailleurs, tant en recors qu'autre-
ment, ainsi et par la manière que dit est, puissent
aller et venir, passer et repasser paisiblement, ves-
tus, habillez et ordonnez un chacun d'eux, en tel
estât ainsi que le cas désirera, et comme il appar-
tiendra, selon l'ordonnance dudil Mystère, sans dé-
tourber ou empêcher : et en pleine confirmation et
seureté, Nous iceux Confrères, Gouverneurs et Mais-
tres, de nostre plus abondante grâce, avons mis en
nostre protection et sauve-garde, durant le recors
d'iceux jeux, et tant comme ils joueront seulement,
sans pour ce leur méfaire, ou à aucuns d'eux à cette
occasion, ne autrement.
« Si donnons en mandement au Prévost de Paris I
et à tous nos autres Justiciers et Officiers presens et
à venir, ou à leurs lieutenans, et à chacun d'eux, si
comme à luy appartiendra, que lesdits Maistres,
Gouverneurs et Confrères, et à chacun d'eux fassent,
souffrent et laissent jouir pleinement et paisiblement
de nostre présente grâce, congié, licence, don et
octroy dessus dits, sans les molester, ne souffrir et
empêcher, oies el pour le temps à venir; et pour
que ce soit chose ferme et stable à toujours, Nous
avons fait mettre noslre scel à ces Lettres, sauf en
autres choses nostre droit et l'autrui en toutes.
« Ce fut fait et donné à Paris en nostre Ilostel lès
Saint Pol, etc.1.
Les bourgeois tragédiens s'établirent à Paris, dans
l'hôpital de la Trinité, où ils avaient déjà organisé
le service de leur confrérie. Ils louèrent aux Prémon-
Irés la grande salle de cet hôpital -, et prirent le nom
de « Maîtres Gouverneurs et Confrères de la Passion
et Résurrection de Notre-Seigneur ». Leur entreprise
eut un succès énorme. Comme leurs représentations
avaient lieu tous les dimanches et les jours de fêtes,
de une heure à cinq heures après midi, les curés
avancèrent les vêpres pour permettre à leurs parois-
siens d'y assister, et sans doute pour en avoir eux-
mêmes la liberté.
Le répertoire des Confrères se composait d'abord
de la trilogie Passion, puis des mystères de Saint-
Martin,[de Saint-Crépin, de Sainte-Barbe, et des Actes
des \p "1res. Ils choisirent même leurs sujets dan;
l'Ancien Testament et dans la Bible.
On peut caractériser leur tentative en disant qu'ils
mêlaient la dernière grossièreté aux plus émouvantes
impressions. A côté des dialogues les plus simples et
les plus touchants, on entendait des anges interpel-
ler Dieu dans le langage que voici :
Père éternel, vous avez tort
Et devriez avoir i i
Votre liU bieii-aimé est mort,
Et vous dormez comme un ivrogne !
Si l'on s'était borné àcela!... — On reste confondu
à la lecture de certaines scènes vraiment scanda-
leuses, el l'on en conçoit une étrange idée de l'esprit
français au xve siècle! C'était ce qui plaisait alors,
c'était là le drame de l'époque, et le drame hiéra-
tique !
De telles représentations faisaient véritablement
fureur, et il faut avouer que les Confrères ne négli-
geaient rien pour retenir le public devant eux. Dès
l'obtention de leurs lettres patentes, ils essayèrent
de la satire, et trouvèrent dans la Bible l'inspiration
de plus d'un trait. La foule, voyant Hérode aban-
donner sa femme pour Hérodiade, celle de son frère,
comprenait l'allusion aux amours du duc d'Orléans
et de la reine Isabeau.
Le gouvernement tolérait ces audaces.
Quelquefois, les Confrères donnaient leurs specta-
cles hors de l'hôpital de la Trinité. En li22, le roi
et la reine d'Angleterre leur firent jouer à l'hôtel de
Nesle, au faubourg Saint-Germain, le mystère de la
Passion de Saint-Georges.
Les clercs de la liazocke.
Ils eurent bientôt pour rivale la Bazoche. Les clercs
occupés parles procureurs de Paris au Parlement et
1. Registrées au Cliàtelet, vol. - île- /îannirrrs, fol. 77; — et rap-
portées dans Delamare. t. I. liv. III, tit. III, etarp. ni.
2. Cette salle avait il toises de longmetir, sur 6 toises de largeur.
3752
ENCYCLOPÉDIE HE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
au Ghàtelet ' formaient entre eux une association,
selon le mode du temps, et cette associaiiou avait été
légalement reconnue par Philippe le Bel. La Ba/.oche
avait son roi, qui portait, sous la protection des or-
donnances, une toque pareille à celle du roi <ie France.
Elle avait aussi sa monnaie et ses armes : trois
escriptoyres d'or en champ d'azur! Et son organisa-
tion comprenait un grand nombre de magistratures :
elle avait un chancelier, des maîtres des requêtes,
un avocat, un procureur général, un grand référen-
daire, un rapporteur en chancellerie, un grand au-
diencier, etc.
Les clercs célébraient, à de certains jours, des fêles
magnifiques. La fortune des Confrères excita leur
émulation, et ils voulurent donner, eux aussi, des
spectacles. Comme ils ne pouvaient, en raison du
privilège des Confrères, empiéter sur leur répertoire,
ils imaginèrent un genre nouveau et jouèrent des
farces et moralités. Il les jouaient au Parlement, dans
la grande salle, qui s'appelait alors salle des Pro-
cureurs, couverte seulement en charpente, mais
ornée des effigies des rois de France, et à l'une des
extrémités de laquelle se dressait la légendaire Table
de Marbre2.
Celle table leur servait de scène.
Les clercs du Chàtelet dressaient un échafaud sur
la place qui s'étendait au-devant du monument.
Les pièces de la Bazoche avaient pour objet la déri-
sion de toutes choses. Le roi, la cour, l'église, la jus-
tice, la noblesse, l'armée, rien n'échappait à la verve
des clercs. Et l'on ne comprend que trop aisément
les difficultés auxquelles ils se trouvèrent en butte de
tous côtés.
Le Parlement, dans les attributions duquel rentrait
la police générale du royaume, leur défendit d'abord
de jouer sans une autorisation expresse. Et, en 1422,
des clercs qui avaient enfreint le règlement furent
emprisonnés.
Louis XI pensa qu'en accordant sa protection aux
clercs de la Bazoche il tournerait leurs armes contre
ses propres ennemis, ce qui vaudrait mieux que de
les leur arracher. Le calcul fut heureux. Le prévôt
ne refusa pas sa bonne grâce aux protégés du roi, et
la Bazoche reçut des subventions! En 1475, le prévôt
lui donnait 10 livres parisis pour concourir aux frais
d'une représentation.
Mais, une fois Louis XI retiré à Plessis-les-Tours,
le Parlement ne garda plus aucuns ménagements.
Un arrêt du 15 mai 1 470 défend « à tous clercs et
serviteurs, tant du Palais que du Chastelet de Paris,
de quelque estât qu'ils soient, de doresnavant jouer
publiequementaudiel Palais, ou Chastelet, ni ailleurs
en lieux publics, farces, sotties, moralités, ni aultres
jeux à convocation de peuple, sous peine de bannis-
sement du royaume et deconfiscation deleurs biens ».
ipalo juridi.
1. La juridiction du Cbàtelcl 61a
la juridiclinn -lu r n huit .pi.' cutulr de Par
lion d'appel du Parlement était celle du roi en tant que souverain I .■
comte de t'aris, plus tard devenu duc il-- France, puis no I légu
l'exercice .le sa juridiction à un vicomte, .pu lut Lient. .1 app.l, pi.-vût,
et garda ce litre même après la création des bailliages, encore qu'il
fut bailli de Paris.
2. Le palais de la Cité, concurren ut au Louvre, servit de rési-
dence à plusieurs de nus rois. C'est dans cette grande salle qu'ils re-
cevaient l'hnuiuia-e des vassaux de la couronne et les amh i.hideurs ;
et c'est sur celte table de marbre (ju'on servait les festins royaux.
Le palais fut, à dater. lu rèene de Cbarles VII, complètement aban-
donné au Parlement. Il lut, d'ailleurs, incendié en 1618, et la grande
salle entièrement consumée.
3. On voyait fonctionner à Paris, à côté de la juridiction du Tarie.
ment et de celle .lu IMi.itelel ,1.. juridiction do corps ni un i.-i ...il . issu
Il va jusqu'à leur interdire de solliciter du roi son
autorisation.
L'année suivante, les Bazochiens, espérant sans
doute que le Parlement, pour avoir rendu tant d'ar-
rêts dans l'intervalle, avait mis en oubli celui qui les
menaçait, s'apprêtèrent à faire une rentrée solen-
nelle. Le Parlement leur prouva qu'ils s'abusaient.
Le 19 juillet, il leur interdit toute représentation
« jusqu'à ce que par ladicte Cour en soit ordonné,
sous peine, par les contrevenants, d'être battus de
verges parles carrefours de Paris, et bannis du
royaume ». Cette perspective terrorisa les organisa-
teurs de la fête.
Sous le règne de Charles VIII, la Bazoche recom-
mença ses exploits. Le l" mai 1486, les acteurs
émaillerent leur dialogue de traits assez piquants à
l'enconlre du roi et de son gouvernement. Par lettres
patentes du 8 mai, Charles VIII ordonna l'emprison-
nement de cinq d'entre eux. Mais ils furent immé-
diatement réclamés par l'évêque de Paris, lequel
prétendit à juste titre que les coupables, en leur
qualité de clercs, devaient être traduits devant sa
juridiction3. Ils furent relâchés.
Sous Louis XII, la Bazoche bénéficia d'une liberté
presque sans réserve. Une seule fois, le roi manifesta
sa colère. Ce fut à la suite d'une entrée solennelle
d'Anne de Bretagne à Pari-;, en 1504. Elle avait
assisté à une représentation de la Bazoche et y avait
entendu conter V histoire d'un maréchal ijui avoit
voulu ferrer un due, cl en avoit reçu un si grand coup
de pied qu'il s'vtoit vu jeter hors de la cour.
Trop directe était l'allusion à son ennemi Pierre
Rohan, maréchal de Gié, alors en prison. Le roi lit
fouetter quelques acteurs, mais ne montra, par la
suite, aucune sévérité.
« Lui estant rapporté un jour, dit Brantôme'', que
les clercs de la Bazoche du Palais et les écoliers aussi
avoient joué des jeux où ils parloient du roi et de sa
Cour et de tous les grands, il n'en fit autre semblant,
sinon de dire qu'il falloit qu'ils passassent leur rire,
et qu'il permettoit qu'ils parlassent de lui et de sa
Cour, mais non pourtant dérèglement, et surtout
qu'ils ne parlassent de la reine sa femme, en façon
quelconque, autrement qu'il les feroit tous pendre. »
Les clercs, si malicieux fussent-ils, ne trouvèrent
à railler que l'avarice légendaire de ce roi père du
peuple. Pour si peu, ils ne furent point inquiétés.
Les Enfants sans Son
Une autre association ég
ce vivant xv" siècle : les Enfar
C'étaient des jeunes gens,
la plupart, et qui menaient la vie joyeuse. — Le
royaume de la Sottise, qui avail puni étendue l'u-
nivers, était soi-disant gouverné par le chef de cette
igaya aussi de ses saillies
nfans-sans-Souci.
sns, de bonne famille poui
tribunaux.
La juridiction eo clesia s ti,| no lait ti > ■ u i.i.rin m ni.i.o . .■ . . : ■
des garanties de bonne justice qu elle ..lirait. Les jupes étaient plus
instruits, la procédure était pin. r.. In. miellé. Le. jusl ieiables devin-
rent très nombreux, car d sut lis ul ,1','tre clerc ; or, pour être clerc, il
n'était aucune. ncu néi --..'. (Tel e ord • ; il sufli-ait île 1.- deman-
der el d'être tonsuré, lut-on m .1 lé
h. nrant,',,,,,., //,,,-„„>■, |.., A „,„■ ,1, I: ■ •..
TECIIMol'E, ESTHÉTIQUE ET PÈDAGOC.IE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 375'.
bande des Knfants-sans-Souci, lequel prenait le
titre de Prince des Sots. C'est lui qui présidait aux
représentations des soties.
Dès le règne de Charles VI, elles avaient lieu aux
Halles; comme elles atteignaient la dernière liberté
de langage et la plus étourdissante fantaisie, la vo-
gue eu fut considérable.
Les Enfants-sans-Souci fraternisèrent cordialement
avec les clercs de la Bazoche et partagèrent leur
sort, en tant qu'ils furent applaudis par la foule et
tourmentés par la justice. Les soties n'étaient pres-
que jamais représentées seules; elles étaient géné-
ralement jointes à une farce et à une moralité, avec
un cri ou prologue, qui les précédait toutes.
Les événements de l'époque servirent de thème
aux boutades de cette nouvelle troupe. Tantôt Dame
Pragmatique disputait contre le Légat; tantôt le Peu-
ple Italique gémissait sous la tyrannie de Mère Sotte,
figurant en robe d'église.
Les personnages étaient ordinairement allégo-
riques, ce qui donnait plus d'aisance à la conception
des pièces. Ils portaient jusqu'aux noms de Limon-
de-la-Terre, Sang-d'Abel, Lasoif, Lagoutte, Espé-
rance-de-longue-vie, Honle-de-dire-ses-péchés, Pu-
gnicion-divine, etc.
L'Eglise surtout était en butte aux plus amères plai-
santeries. En l'an 1511, le mardi gras, fut jouée une
trilogie du poète Gringoire, Elle comprenait le Jeu
du Prince dés Sols et Mère Sotte, suivi de la moralité
de ['Homme obstine', qui était dirigée contre le pape
Jules II, et d'une farce intitulée Paire et Dire.
Le Saint-Père s'écriait :
Vin de Candie et vin ha*!ard
Je trouve friand et gaillard
A mon lever, à mon coucher !
Un autre spectacle s'offrait, dans le même temps,
aux Parisiens; — spectacle qui nous venait de l'Al-
lemagne et de la Suisse, mais qui obtint en France
beaucoup moins de succès. Nous voulons parler de
la Danse Macabre ou Danse des Morts.
La Mort, qui jouait le rôle principal et apparais-
sait en squelette, venait surprendre sur la scène,
au milieu des vanités de ce monde, princes, prélats,
bourgeois, manants, bien obligés de lui faire cortège.
C'était d'une philosophie trop sombre! On voyait
cela, dès le règne de Charles VI, vers la rue de la
Charonnerie, près des charniers des Innocents.
A la Bazoche et aux Enfants-sans-Souci, venaient
chaque jour s'adjoindre de nouvelles troupes: cel-
les de l'Empereur de Galilée1, du Roi de l'Epinette,
du Prince des Nouveaux Mariés, du Recteur des
Fous, de l'Abbé de l'Escache, du Prince de l'Etrille,
etc. Et leurs pièces burlesques, d'instinct, paro-
diant la vie contemporaine, se modelaient sur la
comédie athénienne et les Alellanes romaines.
Le goût du théâtre s'étendait de jour en jour, et
les écoliers eux-mêmes donnaient fréquemment.
dans leurs collèges, des pièces imitées des inventions
de leurs aines. — « D'ancienneté, dit Guy Coquille2,
pour l'exercice de la jeunesse étoit en usage dans
les collèges, qu'en certaines saisons de l'année les
régents faisoient représenter comédies et dialogues
en latin par leurs écoliers... Aucuns régents ont
introduit, aux collèges, et comédies et farces en
i. Le h:. ut et souier.iin empire de Clalilée avai
association des clerrs de la Chambre des Compte
françois. » Ainsi l'on se préparait à l'accès des confré
ries qui guettaient l'adolescence, et l'on se familia-
risait peu à peu avec leur témérité.
Les interdictions <lu Parlement.
Mais Louis XII emporta avec lui la liberté de ses
sujets. Dès sa mort, survenue le 1er janvier 1515, le
Parlement saisit le prétexte de son deuil pour inter-
dire les jeux que préparait la Bazoche en vue de la
fête des Rois. Puis, le 2 janvier 1510, il fit « défense
aux bazoehiens et aux écoliers des collèges de jouer
farces ou comédies dans lesquelles il seroit mention
de princes et princesses de la Cour ».
Et un arrêt du 5 janvier leur recommanda expres-
sément « de ne jouer aucunes farces, solyesou aul-
tresjeux contre l'onneur du roy, de la royne, de
Madame la duchesse d'Angoulesme, mère dudicl
seigneur, des seigneurs du Sang, ne aultres person-
nages estans autour de la personne dudict seigneur,
sur peine de punicion contre ceux qui feront le con-
traire, telle que la Cour verra estre à faite ».
Ces dispositions furent longtemps observées. Mais
on se lasse de l'obéissance, si ce n'est qu'on oublie
la loi. En 1533, au collège de Navarre, les écoliers
représentèrent une pièce dans laquelle figurait Mar-
guerite de Valois, sous les traits d'une Furie! Le roi
fit, sans autre forme de procès, emprisonner au-
teurs et acteurs.
Il parait que les clercs de la Bazoche cherchèrent,
par des moyens détournés, à dépenser leur verve
tout en se maintenant à l'abri d'un pareil sort, car
un arrêt du 20 mai 1536 déclare que: « Ce jour, la
Cour a mandé les chanceliers et receveurs ; et le
chancelier avec un desdicts receveurs venus, leur a
fait défenses de ne jouer, à la montre de la Bazoche,
aucuns jeux, ne faire monstration de spectacles, ne
escriteaux taxans ou notans quelques personnes que
ce soit, sous peine de s'en prendre à eux, et de pri-
son et bannissement perpétuellement ; et, s'il y a
quelques-uns qui s'ellorcent de faire le contraire,
les escrivent et baillent par escrit leurs noms à la-
dite Cour, pour en faire les punitions telles qu'il
appartiendra3. »
Le Parlement alla plus loin encore. Pour s'as-
surer qu'on ne pût, en aucune façon, enfreindre la
règle tracée, il ordonna, le mercredi 23 janvier 1538,
que toutes pièces fussent, au moins quinze jours avant
chaque représentation, soumises à son examen:
c< Après avoir vu par la Cour le jeu présenté à
icelle par les receveurs de la Bazoche pour jouer
jeudi prochain, ladite Cour a permis auxdits rece-
veurs icelui jeu faire jouer à la manière accou-
tumée, ainsi qu'il est à présent, hormis les choses
rayées; leur a fait défenses, sous peine de prison et
de punition corporelle, de faire jouer autre chose
que ce qui est, hormis lesdictes choses rayées; et
pour l'advenir à ce que lesdicts receveurs ou leurs
successeurs ne se mettent en frais frustraloirement,
ladicte Cour leur a inhibé et défendu faire laire au-
cun cry ni jeu, que premièrement ils n'aient la per-
mission de ce faire de ladite Cour, et à cette fin
baillé quinze jours auparavant leurs requêtes en ladite
Cour4. »
La censure préalable faisait ainsi sa première ap-
parition.
:-.-.-■
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSEItVATOIRE
Le 7 mai l.">40, le Parlement renouvela ces dispo-
sitions à l'égard des clercs, admettant toutefois
« qu'ils se réjouissent honnestement et sans scan-
dale ».
Le 15 octobre, mêmes mesures en ce qui concerne
les Knfants-sans-Souci, à l'occasion d'une autori-
sation qu'ils venaient de requérir:
« ...Et quant a la Farce et Sermon, attendu la
grande difficulté par eux alléguée de les monstrer
à ladite Cour', ayant égard à leurs remonstrances,
pour cette fois, et sans tirer à conséquence, ladite
Cour leur a permis et permet de jouer ladite Farce
et Sermon sans les monstrer à ladite Cour ; cepen-
dant avec défense de taxer ou scandaliser particu-
lièrement aucune personne, soit par noms ou sur-
noms, ou ciiconstance d'estoc, ou lieu particulier de
demourance et autres notables circonstances parlés-
quelles on peut désigner ou connoitre les personnes. »
Le Parlement, dont la sévérité croissait sous le
règne du bon plaisir, allait bientôt porter l'inter-
diction jusque dans le répertoire des Confrères.
Par des lettres patentes de janvier 1518, enregis-
trées au Chàtelet le 1er mars, François 1er avait con-
tinué leur privilège. En 1540, ils quittèrent la salle
qu'ils occupaient dans l'hôpital de la Trinité. <• La
maison de la Trinité, dit Delamare, fut de nouveau
destinée à un hôpital, suivant l'esprit de sa fonda-
tion ; le Parlement, par un arrêt du 30 juillet 1547,
ordonna que les pauvres enfans qui auroient père
et mère y seroient charitablement reçus, nourris et
instruits dans la religion et dans les arts; de même
que les orphelins l'étoient en l'hôpital du Saint-
Esprit2. »
Les Confrères louèrent alors une partie de l'hô-
tel de Flandre, situé entre les rues de la Plastrrère,
Coq-Héron, des Vieux-Auguslins et Coquillière. Et,
en décembre 1541, ils sollicitèrent l'autorisation de
représenter, selon l'usage, un mystère pour la
fête des Rois.
Le procureur général an Parlement plaida dure-
ment contre la requête qu'ils présentaient, flétrissant
de son indignation « ces gens nonletlrez ni enlenduz
en telles atfaires, de condition infime, comme un
menuisier, un sergent à verge, un tapissier, un ven-
deur de poisson, qui ont fait jouer les Actes des
Apôtres, et, entremettant à la fin ou au commence-
ment, du jeu farces lascives et momeries, ont fait
durer leur jeu l'espace de six à sept mois; d'où sont
advenus et adviennent cessation de service divin,
refroidissement de charitez et d'aumosnes, adul-
tères et fornications infinies, schandales, dérisions
et mocqueries... »
Il ajoutait que « le plus souvent les prêtres des
paroisses, pour avoir leur passe temps d'aller esdietz
jeux, ont délaissé dire vespres les jours de testes, ou
les ont dietz tout seuls dès l'heure de midy, heure
non accoustumée; et même les chantres ou chape-
lains de la Sainte-Chapelle de ce Palais, tant que
lesdietz jeux ont duré, ont dit vespres les jours de
fesles à l'heure de midy, et encore les disoyent en
poste et à la légère pour aller esdietz jeux ».
Le Parlement, impressionné par de si graves dé-
sordres, tint compte des remontrances qu'ils suggé-
raient à cet austère magistrat. Voici ce que porte
l'arrêt du 12 décembre 1541, sur lequel nous aurons
plus tard l'occasion de revenir :
ci Kt quant à la seconde requeste dudit procureur
général tendant à ce que défenses fussent laides aux
nouveaulx maistres entrepreneurs du mystère de
l'Ancien Testament, ladite court a faict et faict inhi-
bicions et défenses auxdits nouveaulx niaislres de
procéder à l'exercice de leur entreprise jusqu'à ce
qu'elle ayt sur ce le bon plaisir et vouloir du roy,
pour icelluy ou leur faire telle permission qu'il plaira
audit seigneur ordonner. ■
Le roi leva l'interdiction.
Ces mystères, qui provoquaient à Paris tant d'en-
thousiasme, avaient aussi gagné la province. On les
représentait dans un grand nombre de villes avec un
égal succès.
La Chronique de Metz mentionne que le mystère
de la Passion y fut joué en 1437. n Et l'ut ,Dieu un
sire appelé seigneur Nicolle Don Neufchastel, en
Lorraine, lequel étoit curé de Saincl-Victour de Metz,
lequel fut presque mort en la croix, s'il n'avoit esté
secouru, et convient que un autre prestre fut mis en
la croix pour parfaire le personnage du crucifiement
pour ce jour; et le lendemain, ledit curé de Saint-
Vie tour parfit la résurrection et lit très haultement
son personnage et dura ledit jeu. Et un autre pres-
tre, qui s'appeloit messire Jean de Nieey, qui estoit
chapelain de Métrange, fut Judas, lequel fut presque
mort en pendant, car le cuer luy faillit, et lut bien
hastivement despendu et porté en voye3... »
itutreinan, prévôt de Valcuciennes, raconte que
les bourgeois de cette ville, en 1547, y donnèrent le
même speclacle, qui dura vingt-cinq journées et
procura une recette de 4.680 livres!
Le ligueur Rubis nous apprend également qu'il
existait un théâtre à Lyon, en 1540. <• El là, par
l'espace de trois ou quatre ans, les jours de diman-
che et les fêtes après diner, furent représentées la
plupart des histoires du Vieil et du Nouveau Testa-
ment, avec la farce au bout pour récréer les assis-
tants1. »
Dès l'année 1543, François 1er avait ordonné la
démolition de quelques hôtels, dans Paris, parmi
lesquels celui de Flandres. Henri II ayant renouvelé
cette décision par lettres patentes du 20 septembre
1547, les Confrères se trouvèrent dans l'obligation
d'émigrer. Estimant qu'une nouvelle location laisse-
rait encore peser sur eux l'éventualité d'un déplace-
ment coûteux, ils voulurent cette fois se rendre pro-
priétaires, et achetèrent une partie de l'ancien hôtel
des ducs de Bourgogne, avec issues dans la rue Neuve-
Saint-François et dans la rue Mauconseil l'ai con-
trat passé Te 30 avril 1548, ils s'engagèrent à fournir
à Jean Rouvel, leur vendeur, à ses héritiers ou ayants
cause, une rente de 225 livres rachetable moyennant
une somme de 4.500 livres en quatre payements
égaux. Ledit Jean Rouvel stipula, en outre, l'acquitte-
ment par eux de 16 livres de cens et rentes par an.
dont il était débiteur envers le roi, plus l'obligation
de lui réserver une loge sa vie durant.
Le bâtiment où les Confrères ouvrirent leur théâtre
avait une étendue de 17 toises de longueur sur 16 de
largeur. La façade qui se dressait sur la rue Mau-
conseil, où était percée l'entrée principale, fut, par
leurs soins, ornée d'un écusson que soutenaient deux
anges. L'écusson présentait une croix, avec les ins-
truments de la Passion.
S. Histoire <in thiStrt frci'h an. |iar !.■-. Iri-res P.trUrit, 't. 'Il,
i. Histoire véritable île In ville it Lyon, publiée on 1604.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNES 37S5
Mystères, jenx el solies.
C'esl au xv« siècle que le théâtre français fut en-
tièrement formé et qu'il trouva le chemin de la tra-
gédie et de la comédie.
Les mystères, qu'on devrait écrire mistères, étaient
de longues histoires faites d'interminables dialogues :
leurs sujets étaient tirés de la Bible , du Nouveau Tes-
tament et de la Légende dorée. Le mistère du Vieux
Testament de Simon et Arnoul Gréban n'a pas moins
de 50.000 vers. La Passion de Gréban et la Vie de
Monseigneur saint Didier de G. Flamant ne sont pas
moins longues. Inlassablement, ils utilisaient le sens
du merveilleux, les changements de lieux et le con-
traste des scènes gaies et tristes. Dans ces longs
spectacles qui duraient durant des jours, on inter-
calait des intermèdes, des récits propres à égayer
les spectateurs, on résumait au début de chaque ac-
tion ce qui s'était passé et ce qui allait suivre, sans
chercher à intriguer le spectateur par des situations
imprévues. On usait du prologue et de l'épilogue
alin de tirer une moralité de la pièce.
Tous ces drames étaient bourrés d'anachronismes.
de scènes burlesques, et on intercalait souvent, entre
les parties du mistère, une farce comme on l'avait
fait en Grèce du temps où le drame lyrique se jouait
après la trilogie tragique.
La plupart des mistères sont écrits en vers de huit
pieds avec des chutes en vers de quatre syllabes, avec
des triolets, des doubles triolets et des ballades.
Eustache Mercadé, Jacques Millet, Arnoul et Simon
Gréban, Guillaume Flamant, Guillaume le Doyen,
Gringore sont les noms des auteurs de ces mistères
que la tradition nous a transmis.
Tout n'était pas drame dans le théâtre du moyen
âge, la comédie était connue au xiv" el au x\" siècle :
le Jeu de la Feuillée d'Adam de la Halle, dit le Bossu
d'Arras, te Jeu de Robin et Marion, ou la bergère dé-
daigne le seigneur pour aimer le berger, la Dispute
du ribaud et de la ribattde sont parmi les plus cé-
lèbres.
Au xive siècle, ce sont les Clercs de la Basoche qui
mettent en vogue les Fatrulx farcitm, les pièces far-
cies de français et de latin. Ces « farces » visaient les
Tidicules du Palais et de la bourgeoisie. Les petites
farces s'appelaient : débats, disputes, monologues,
sermons joyeux et confessions. Le Cuvier, le Nouveau
Marié, les Femme* qui veulent refondre leur* maris,
sont autant de railleries du mariage. La Farce du
frire GviUebert, la Farce des Unis, la Farce du par-
Sonneur se moquent des gens d'Eglise. Le Franc
Archer de Bagnolet, les Trois galants el Phi'lippot ont
trait aux gens de guerre.
Guillaume Coquillart, en 1480, écrit le Plaidoyer
de la Simple e) de la Rusée, et un auteur inconnu,
qu'on a supposé être Villon, écrfl / \i ocat Puthelin ;,
la même époque.
La farce, où l'on trouve l'ébauche de Tartuffe et
de Sganarelle, vise le milieu, les corporations ; la
sotie, elle, a toujours un caractère politique, et elle
emprunte à la comédie italienne les personnages
types qui réapparaissent dans chaque œuvre : dans le
Jeu et sotie du Prince des Sors de Pierre 'Gringore, écrit
en 1511, la noblesse, le clergé, le tiers état, le pape
et le roi sont tour à tour bafoués; il en est de même
pour 'la Sotie du nouveau monde sur la Pragmatique.
Enfin, la dernière forme que prit l'ait dramatique
fut la Moralité, sorte de drame bourgeois et allégo-
rique. (In y trouve la Moralité de la mire et de la fille.
la Moralité d'un empereur el de son neveu : ces pièces
ont un but moralisateur en montrant l'amour filial
ou le culte de l'honneur sauvant le personnage qui
devait être pendu. Science et Ancrgc montrait l'igno-
rance couvrant le monde; L'Homme obstiné repré-
sentait le pape Jules II; Métier el Marchandise
mettent à la scène les doléances des bourgeois de
Paris.
Il
DE 1548 A LOUIS XIV
Au cours de ce siècle, le théâtre prit une direction
nouvelle, en même temps que la poésie évoluait avee
Ronsard et la Pléiade C'est à cette époque que parut
la tragédie, calquée sur la tragédie grecque et sur
les œuvres de Sénèque. Le premier essai de tragédie
est celui de Théodore de Bèze, l' Vbraham sacrifiant,
joué en 154-7. Cinq ans plus tard, Jodelle faisait
jouer Cléopâtre et Didon, puis La Péruse écrivait
Mêd&e, Jacques Grévin traduisait en français Julius
César de Muret, Jean de la Taille donnent les Gabao-
nites et Sa»/ furieux.
M. Faguet considère que le vrai fondateur de la tra-
gédie française est Robert Garnier avec Pori ie, Coi >>
lie, Hippoiyte, La Troade, Antigone et lira lamanU .
et après lui, il place Montchrétien qui écnvil Sophi
nisbe, Le* Lacènes, Hector el L'Ecossaise, qui est l'his-
toire de Marie Stuarl.
La comédie ne se modifia point de la même façon,
et la Trésorière et les Esbahis de Jacques Grévin, Eu-
gène- de Jodelle sont des farces. Seul, Baïf chercha
un sujet dans Téreoce pour l'Eunuque.
ApVès ces essais de retour à la littérature classique,
le théâtre fut partagé entre ces traditions et les ten-
dances désordonnées d'un romantisme libertaire. En
1608, Jean de Schelandre écrivait à la manière de
Shakespeare Tyr et Sydon qui durait deux journées,
afin de protester contre la règle des trois unités.
Hardy, suivant ces idées fantaisistes, empruntait à
l'Espagne d'innombrables sujets traités rapidement
et sans principes rigoureux, avec une désinvolture
telle qu'il mêlait les scènes tragiques aux épisodes
grossiers sans se préoccuper de la composition de
la pièce ni de sa correction. Dans la centaine de
pièces qu'il fit, on peut citer Marianne, jouée en 1610,
Didon, Akesteel la Belle Egyptienne.
Théophile de Viau, à la même époque, écrivait
Pyrame et Thisbé. dont on connaît surtout deux vers :
Cette célébrité un peu ridicule n'est pas entière-
ment méritée par Théophile de Viau, qui sut écrire
des vers agréables, bien qu'ils soient toujours em-
preints d'un romantisme excessif. IJT'rfé faisait alors
représenter Déjanire, La Calprenède la Mort de
Mithridate, et Bradamante, tirée de l'Arioste, en
même temps que Scudéry produisait avec fécondité
de nombreuses tragédies.
Ce n'est qu'en 1630 qu'on abandonna la fantaisie
elles désordres de l'imagination pour rentrer dans
la règle : l'honneur en revient à Jean de Mairel, qui,
suivant les principes tracés par Aristote dans sa Poé-
tique et par Horace, écrivit Sophonisbe selon les
tègles. Depuis lors, bien qu'ils soient d'inspiration
romantique, Tristan I'Hermite, Tyran© de Rergerac
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQVE BTDlCTlONNAtRH DU CONSERVATOIHE
el Motion ne tenteront plus d'échapper à la disposi-
tion et aux formes d'un art enchaîné dans des prin-
cipes étroits.
Les Confrères «le la Passion.
Les Confrères, installés dans l'hôtel des ducs de
Rourgogne en IM8, demandèrent au Parlement
l'autorisation de continuer leurs spectacles. C'est
alors que fut rendu un arrêt dont l'importance est
capitale et dont voici la teneur :
« Du samedi 17 novembre 1548 : Vu par la Cour
la Requête à elle présentée de la part des Doyen,
Maistres et Confrères de la Confrérie de la Passion
et Résurrection de Noire-Sauveur J.-C, fondée en
l'église de la Trinité, grande rue Sainl-Denis, par
laquelle, attendu que par temps immémorial et
par privilèges octroyés et confirmés par les Rois de
France, il leur était loisible de faire jouer et repré-
senter plusieurs beaux mystères à l'édification et
joie du commun populaire, sans offense générale ni
particulière, dont ils avoient ci-devant joui toujours :
ils requéroient d'autant que depuis trois ans la Salle
de la Passion avoit été, par l'Ordonnance de ladite
Cour, prise, occupée et employée à l'hébergement
des pauvres, et que depuis lesdits Supplians avoient
recouvert Salle pour y cuiitinuer, suivant lesdits pri-
vilèges, la représentation desdits mystères, du pro-
fit desquels étoit entretenu le service divin dans la
Chapelle de ladite Confrérie; qu'il leur fût permis
faire jouer dans ladite Salle nouvelle, ainsi qu'ils
avoient accoutumé faire dans celle de la Passion, et
défenses fussent faites à tous dorénavant, tant en
ladite Ville que fauxbourg et banlieue de cette Ville,
sinon que ce soit sous le litre de ladite Confrérie et
au profit d'icelle :
« Sur ce, ouï le procureur général du Roi consen-
tant, la Cour a inhibé et défendu, inhibe et défend
auxdits suppliants de jouer le mystère de la Passion
de Notre Seigneur, ni autre mystère sacré sous peine
d'amende arbitraire; leur permettant, néanmoins,
de pouvoir jouer autres mystères profanes, honnêtes
et licites sans offenser ne injurier autres personnes,
et défend ladite Cour a tous autres de jouer ou de
représenter aucuns jeux ou mystères tant en la ville,
fauxbourgs que banlieue de Paris sinon sous le
nom et au profit de ladite Confrérie. »
Pour justifier un tel arrêt, qui opérait une véri-
table révolution dans le domaine théâtral de l'é-
poque, il faut se rendre compte de ce qu'étaient de-
venues les représentations des Confrères. Tout au
début, il est vrai, des scènes grossières s'élaienl
trouvées mêlées au drame purement religieux.
Mais ces indécences, qui attiraient le gros de la
foule, avaient perdu peu à peu leur caractère pri-
mitivement accessoire, pour envahir la majeure
partie du spectacle. Les ecclésiastiques, avec la foi
enthousiaste de jadis, ne montaient plus sur les tré-
teaux. Les Confrères étaient maintenant des indus-
triels animés par l'appât du gain, désireux de nuire
à la concurrence redoutable que leur faisaient, dans
les licences de la Farce, la Bazoche et les sociétés
rivales.
Emu de ces faits, le Concile de Trente, qui venait
de se réunir, avait défendu de prendre dans l'Ecri-
ture des sujets d'amusement public, et avait enjoint
aux évêques de sévir contre ceux qui violeraient
cette interdiction.
Le Parlement était naturellement tout disposé à
apporter sa propre sanction aux décrets du Concile.
Déjà, en 1541, à la suite du réquisitoire de son pro-
cureur général, il s'était opposé aux représentations
de l'Hôtel de Bourgogne, « sauf le bon plaisir du
roy ». Celui-ci aurait pu, dès ce moment, anéantir
l'etfet de l'ordonnance de 1402, et briser le droit
perpétuel conféré par Charles VI aux Confrères.
Mais, en ces temps encore, la tradition pesait d'un
poids considérable sur les résolutions du gouverne-
ment.
Le progrès du grand mouvement littéraire de la
Renaissance permit une solution qui respectait les
droits acquis et répondait, en même temps, au vœu
de tous les gens sensés. Les Confrères conservèrent,
à l'exclusion de tous autres, le privilège de jouer
des mystères, mais les sujets religieux durent êlre
abandonnés; il fallut jouer les œuvres profanes que
les lettrés commençaient à composer dans le goût de
la tragédie antique.
On trouvait ainsi un accord entre la volonlé des
pères du Concile et le souci manifesté par la Cour
de sauvegarder l'autorité des ordonnances anciennes.
Les Confrères dits « de la Passion » gardèrent ce
titre, encore bien qu'ils eussent cessé leurs spec-
lacles hiératiques. Diverses lettres patentes, rendues
par la suite, les désignent ainsi, comme si leur scène
ne se fût point transformée, maintenant expressé-
ment leur privilège.
t Amboiso, mars 1559.
» François, etc. Nous avons reçu l'humble sup-
plication nos bien-amez les maistres et gouverneurs
de la Confrairie de la Passion et Résurrection de
Notre-Seigneur J.-C, fondée eu l'église de la Trinité
à Paris, contenant que par [nos prédécesseurs roys
leur ont été donnez, concédez et confirmez plusieurs
beaux privilèges, franchises, libertés et exemptions;
mesmement feu nostre très amé cousin, le feu roy
Charles VI, en l'an 1402, leur auroit donné à tous-
jours par privilège, auctorilé et licence de faire et
jouer quelque mystère que ce soit de la passion et
résurrection de Noire-Seigneur, ou autres quel-
conques, tant de saiucls comme de sainctes que ils
voudront eslire et mettre sus, toutes et qualités l'ois
qu'il leur plaira; el depuis auroient en l'an 1354 esté
confi s par feu nostre très honoré seigneur el
père que Dieu absolve, comme plus à plain appert
par la copie de leurs lettres et Chartres dûment
allouées aux originaux cy-attachez sous le conlrescel
de nostre chancellerie, lesquels privilèges de tout
lems ils ont jouy el ils jouyssent et usent encore de
présent; mais ils doubtent que s'ils n'estoienl par
nous confirmez que en la joyssance d'iceulx leur fust
au temps advenir donné empeschemenl, requerans
sur ce leur pouvoir de nostre grâce el de remède
convenable;
« Nous, à ces causes, voulons iceulv suppliants
entretenir et garder en leurs privilèges, franchises
et lihertez; el iceulx avons de nostre grâce spéciale,
plaine puissance et auctorilé royale, continué, con-
firmé et ratifié, et par la teneur de ces présentes,
continuons, confirmons, ratifions et approuvons tous
et chacun les privilèges, libériez el exemptions à
eulx donnez et octroiez par nos prédécesseurs roys
ci-attachez, comme dict est, pour par lesdicls sup-
plians en joyr et user d'oresnavant, ainsi et par la
forme et manière qu'ils en onl deument et juste-
ment joy et usé par cy devant, joyssent et usent de
présent. »
ci Si donnons en mandement1, etc.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
Charles IX, en novembre IjOU, signa de nouvelles
lettres conçues daus les mêmes termes. En janvier
1366, il avait fait abandon à lu Confrérie de ses droits
seigneuriaux exigibles par suite de l'acquisition de
l'hôtel de Bourgogne :
« Charles, par la grâce de Dieu, Roi de France, à
tous présens et à venir, Salut : Savoir faisons nous
avoir reçu l'humble supplication de nos chers et
bien amés les Doyen, Maîtres el Gouverneurs de la
Confrérie de la Passion de Noire-Seigneur, conte-
nant que feu, de bonne et louable mémoire, le Roy
Charles VI notre prédécesseur, que Dieu absolve,
pour cerlaines bonnes causes à ce le mouvantes,
créa el institua dès l'an 1402 ladite confrérie, à
laquelle il donna et concéda plusieurs beaux pri-
vilèges, franchises et libertés à plein contenus el
déclarés dans les lettres de charte de notre prédé-
cesseur, qui leur auroient successivement par nos
prédécesseurs Rois été duement confirmés et conti-
nués, même par le feu lloi Henri, notre très-honoré
père, que Dieu absolve, du vivant duquel, et dès le
30 août 1S48, lesdits Supplians auroient, pour le
bien el augmentation d'icelle Confrérie, acquis d'un
nommé Jean Rouvet, marchand, demeurant en
notre dite ville de Paris, une belle masure et
place assise en icelle ville en l'Hôtel de Bourgogne,
contenant dix-sept toises de long sur seize de large,
tenue et mouvante de nous, à la charge do payer par
chacun an à notre recepte ordinaire la somme de
16 livres parisis de rente, ainsi qu'il est déclaré par
le contrat, pour raison de laquelle vente et acquisi-
tion, et des lods et ventes qui nous sont dus à cause
d'icelle, notre Substitut de notre Procureur-Général
de la Chambre de noire Trésor les aurait mis en
procès en ladite Chambre... Pour ce est-il que nous
desirons le bien et augmentation d'icelle Confrérie,
et autres bonnes considérations à ce nous mou-
vantes, avons permis, accordé et octroyé, permet-
tons, accordons et octroyons, voulons et nous plaît,
de grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale,
par ces présentes, que lesdicls supplians et leurs
successeurs, Doyen, Maîtres et Gouverneurs de ladite
Confrérie puissent en leur loi se tenir et posséder
perpétuellement et à toujours ladite masure, en-
semble les bâtiments et édifices susdicts jouir et
posséder par iceux Supplians et leursdicts succes-
seurs, à quelque valeur et estimation que le tout se
puisse monter, comme choses admorties et indem-
nées, lesquelles nous admortissons et indemnons
dès-à-présent, à toujours, et icelles dédions à ladite
Confrérie; et laquelle finance et indemnité pour le
regard d'icelui admortissement, ensemble tous et
chacun les droits de relief, lods et venles, et autres
droits seigneuriaux qui nous peuvent ou pourroient
être dus, tant pour raison dudit admortissement que
de ladite acquisition, à quelque somme, valeur et
estimation que le tout se puisse monter et revenir,
nous avons auxdicts supplians. en faveur que dessus,
donné, quitté, remis, donnons et quittons par ces
présentes, à la charge de nous payer la susdite
somme de 16 liv. parisis de cens et rente seulement.
Si donnons en mandement, etc.
« Donné à Moulins au mois de janvier l'an de
grâce mil cinq cent soixante-six.
« Signé : Charles. »
Et sur le repli : « Par le Roi, de Laubespine2. »
1. Isambert, Recueil .les anciennes luis françaises, I. \IV. p. _"i.
— Oclamare attribue ces lettres patentes à Henri II.
2. Des Essarta, Les Tmis Théâtres ,le paris, v. ■-'!, note.
Le théâtre entrait donc dans une voie nouvelle.
La tragédie allait naître; et, à côté de la farce, la
raillerie, changeant de ton, moins agressive et plus
alerte, allait faire éclore la comédie. « Trois cents
ans de plaisanterie sur le pape, les mœurs des
moines, la gouvernanle du curé, c'est de quoi lasser
à la fin... On discutait sur l'abus, sur le principe
jamais. Telle avait été la France, d'autant moins
révolutionnaire qu'elle était badine et rieuse3. »
Jodelle le premier, d'une plainte hardie,
FrançoisomeiiL chanta la grecque tragédie.
C'est en 1552, pendant le carnaval, que fut jouée
la Cléopâtre de Jodelle, ainsi que sa comédie la Ren-
contre.
« La Rencontre et la Cléopâtre, dit Pasquier, furent
représentées devant le roy Henri à Paris en l'hostel
de Reims, avec un grand applaudissement de toute
la compagnie : et depuis encore au collège de Bon-
court, où toutes les fenestres estoient tapissées d'une
infinité de personnages d'honneur, et la Cour si
pleine d'escoliers que les portes du collège en regor-
geoient. Je le dis comme celui qui y étois présent,
avec le grand Tornebus en une mesme chambre. Et
les entreparleurs estoient tous hommes de nom :
Car mesme Remy Belleau, et Jean de la Péruse,
joiioient les principaux roullets4. »
Cette représentation solennelle fui l'événemein
théâtral du siècle. On se souvient de l'enthousiasme
de la Pléiade à la journée d'Arcueil!
Tandis que les poètes de cette Pléiade cherchaien!
uniquement à ressusciter l'antiquité littéraire,
d'autres puisaient aux sources fécondes des romans
de chevalerie. En 1557, on joua, à l'hôtel de Bour-
gogne, une [lièce intitulée linon ,le Bordeaux.
Le règne d'Henri III vint élargir encore l'horizon
théâtral. Ce roi aimait et protégea les spectacles.
comme le déclare, avec amertume, le Journut de
Lestoile : « Les farceurs, bouffons, p... et mignons
avoient tous crédit auprès du roi.»
Dès 1570, un Italien, Albert Ganasse, était venu
ouvrir à Paris un théâtre que le Parlement, dont
l'autorisation n'avait point été requise, avait fait
immédiatement fermer. Ganasse, après avoir obtenu,
grâce à la faveur de Catherine de Médicis, des lettres
patentes de Henri II, échoua piteusement dans sa
tentative, le public ne répondant pas à son appel.
En 1576, apparut une nouvelle troupe italienne,
que frappa un nouvel arrêt.
Mais, en février K>77, Henri III fit venir à Blois
Gli Gelosi.
« En ce mois, dit Lestoile, la compagnie des
comœdians italiens surnommés I Gelosi, que le Roy
avoit fait venir de Venise exprès pour se donner du
passe-temps, et desquels il avoit paie la ransson,
aians esté pris et dévalizés par les huguenos environ
les festes de Noël précédent, commencèrent leurs
coraœdies dans la salle des Eslats à Mois, et leur
permist le lioy de prendre demi teston de tous ceux
qui les voudroient voir jouer5. »
De Blois, celte troupe se rendit à Paris et s'ins-
talla, sur l'ordre du roi, à l'hôtel du Petil-Bourbon,
contigu au Louvre. Lestoile nous apprend qu'ils y
eurent grand succès :
« Le dimanche 10 may, les comœdians italiens,
surnommés I Gelosi, commencèrent à jouer leurs
3. Michelet, Histoire de F,
4. Pasquier, Recherches, I
'. Lestoile, février 1577,
T5S
KfcnyCLQPÉME HE I.A MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DV COHUE ftVATOiRB
cunicedies italiennes en la salle de l'Iiostel de Bour-
bon, à Paris. Ils prenoient de salaire quatre sols
pan leste de tous les François qui les vouloient aller
voir, jouer, où il y avoit tel concours et aflluence de
peuple, que les quatre meilleurs prédicateurs de
Paris n'eu avoient pas trestous ensemble autant
quand ils preschoieut1. »
Le 22 juin, le Parlement interdit le spectacle.
Henri III signa alors des lettres patentes, qu'il refusa
d'enregistrer. Le roi donna l'ordre exprès à la troupe
de poursuivre ses représentations.
Le Parlement prit peu après sa revanche contre
une troupe française qui, après avoir parcouru la
province en jouant les pièces de Jodelle et d'autres
poètes rivaux, était venue s'établir à l'hôtel de
Clugni, [Cluny] rue des Mathurins. Jaloux de leurs
privilèges, les Confrères avaient protesté; L'arrêt
qu'ils sollicitaient intervint en ces termes :
.< Du samedi 6 octobre 1384. Ce jour, ouï le Pro-
cureur-Général du Koi en ses conclusions et remon-
trances, a été arrêté et ordonné que présentement
tous les Huissiers d'icelle se transporteront aux lo^-es
des Comédiens et du Concierge de l'hôtel de Cluny,
près les Mathurins, auxquels seront faites défenses,
par Ordonnance de la Chambre des Vacations, de
jouer leurs Comédies, ou faire assemblées en quelque
lieu de celte Ville ou Fauxbourgs que ce soit, et au
Concierge de Cluny de les recevoir, à peine de mille
écus d'amende; et à l'instant a été enjoint à L'Huis-
sier Bujol d'aller leur faire ladite signification*. »
Les Confrères, que le Parlement mettait ainsi
maintenant sous sa protection, ne se bornaient pour-
tant pas à un genre élevé. A. coté des Uagédies de
Robert Garnier, à côté de farces charmantes, comme
celle du Cuvier, comme celle de Maître l'athelin, et
comme l'Archer de Bagnolet de Villon, on jouait à
l'hôtel de Bourgogne de pitoyables insanités : Farce
nouvelle et récréative du médecin qui guarist toutes
sortes de maladies; aussi fait le nez à l'enfant d'un,'
grosse, et apprend à deviner; — Farce nom • dit ■ du
i,h, ii d'un jeune moine ri d'un vieil gendarme, par
devant le dieu Cupidon, pour une fille; — Farce nmi-
uelle et fort joyeuse de& femmes gui font esewer levais
ahauldrons ri défendent qu'on mette lapièce auprèadv
trou, ù trois personnages : c'est assavoir la première
femme, la seconde, cl le maigen.
En 1588, un bourgeois ayant composé à l'adresse
de Henri III des « Remontrances » sur les désordres
du royaume, parlait de la façon suivante du théâtre
des Confrères : « Il y a encore un autre grand mal
qui se commet et tolère en nostre bonne ville de
Paris aux jours de dimanches et de testes. Ce sont
les jeux et spectacles publics qui se font lesdits
jours de festes et dimanches, tant par des François,
etpar-dessuz tout, ceux qui se font en unecloaqueet
maison de Salhan nommée l'hôtel de Bourgogne,
dont les acteurs se disent abusivement Confrères de
la Passion de Jésus-Christ. En ce lieu se donnent
mille assignations scandaleuses au préjudice de
l'honnêteté et de la pudicité des femmes et la ruine
des familles des pauvres artisans, desquels la salle
basse est toute pleine, et lesquels, plus de deux
heures avant le jeu, passent leur temps en devis
impudiques, jeux de cartes et de dés, en gournian-
Des Essurts /., . Troix Tln'atrrs de Paris, p. 39.
Remontrances lres-//umbles au roi de Franee ri de Pologn
■■ nom, par «« sien officier et subject, sur l,
,lu royaume , 1.'>*N.
dises et ivrogneries tout publiquement, d'où viennent
plusieurs querelles et batteries. Sur l'échafaud, l'on
dresse des autels chargés de croix et d'ornements
ecclésiastiques; l'on y représente des piètres revêtus
de surplis, même aux farces impudique- pour faire
mariages de risées. L'on y lit le texte de l'Evangile eu
chants ecclésiastiques pour, par occasion, y ren-
contrer un mot à plaisir qui sert au jeu; et, au sur-
plus, il n'y a farce qui ne soit orde, sale et vilaine,
au scandale de la jeunesse qui y assiste. Telle im-
piété est entretenue des deniers d'une confrérie qui
devroientêtre employ es à la nourriture des pauvres ^ »
Ces remontrances ne nommaient point la Bazoche
ni les Enfants-sans-Souci, parce que, à cette époque,
et depuis quelques années déjà, leurs Iréteaux res-
taient silencieux. Nous avons dit que, à côté de ces
deux troupes, s'en étaient formées d'autres exploi-
tant le même genre. Celles-ci el celles-là menaient
ensemble tant de scandale que les Etats de 1560 s'en
étaient alarmés, et que le gouvernement avait dû y
mettre bon ordre :
Ordonnance générale rendue sur les plaintes,
doléances et remontrances
des états assemblés à Orléans'.
Art. 24. — Défendons à tous joueurs de farce,
basteleurs, et autres semblables, jouer esdits jours
de dimanches et festes, aux heures du service divin,
se vestir d'habits ecclésiastiques, jouer choses dis-
solues et de mauvois exemple, à peine de prison et
punition corporelle, et à tous jui;es leur bailler per-
mission de jouer durant les dites heures*. »
Le 8 janvier 1561, les clercs de la Bazoche avaient
obtenu l'autorisation déjouer. Ils l'obtinrent encore
en 1382. A partir de ce moment, on ne voit plus
trace de leur spectacle.
En 1588, deux troupes nouvelles, une française,
l'autre italienne, essayent de s'établir à Paris. L'u
arrêt, rendu le 10 décembre, fait alors « défense à
tous comédiens, tant italiens que franeois, de jouer
des comédies, ou de faire des tours et subtilité/., soit
aux jours de fêtes ou aux jours ouvrables, à peine
d'amende arbitraire et de punition corporelle" ».
Il ne resta donc plus à Paris d'autre théâtre que
celui des Confrères, armés de leur privilège. Or,
vers cette même année 1588, ils cédèrent ce privilège
à l'association des Ënfants-sans-Souci, et leur louè-
rent l'hôtel de Bourgogne, s'y réservant seulement
deux loges, les plus proches de la scène, dit-on, dis-
tinguées par des barreaux, et qu'on désigna sous le
nom de loges des Maîtres.
le règue d'Henri IV commençait. Le bon roi n'eût
certes pas permis qu'on tyrannisât les comédiens,
lui dont le gouvernement demeura si paternel et qui
goûtait si fort l'esprit de ses sujets!
Messieurs de la Cour des Aydes, s'étant crus ou-
tragés par une pièce de l'hôtel de Bourgogne dans
laquelle trois diables s'emparaient, au nom de la
justice, d'un conseiller, d'un commissaire el de
quelques sergents en quête de contributions, avaienl
fait emprisonner les acteurs. Le roi les rendit im-
médiatement à la liberté el traita do « sots » les
magistrats. Voici comment Lestoile conte ces faits :
« Le vendredi 26 de ce mois, fut jouée a l'hôtel de
Bourgogne, h Paris, une plaisante farce à laquelle
assistèrent le Roy, la Reine, et laplûpart des princes,
i. Orléans . jam ier i
:>. lsamberl, Recueil dei a
6, Delamare, t. I, liv. 111.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3759
seigneurs et dames de la Cour. C'étoient un mari et
une femme qui querelloienl ensemble : la femme
crioit après son mari de ce qu'il ne bougeoit tout le
jour de la taverne, et cependant qu'on les exécutoil
tous les jours pour la taille qu'il falloit payer au Boy,
qui prenoit tout ce qu'ils avoient; et qu'aussitôt
qu'ils avoient gagné quelque chose c'éloit pour lui,
et non pas pour eux. « C'est pourquoi, disoit le mari
se défendant, il en faut faire meilleure clière : cal-
que diable nous serviroit tout le bien que nous pour-
rions amasser, puisqu'aussi bien ce ne seroit pas
pour nous, mais pour ce beau Boy? Cela fera que
j'en boirai encore davantage, et du meilleur; j'uvois
accoutumé de n'eu boire qu'à trois sols, mais par
Dieu j'en boirai doresnavant à sL\ pour le moins.
Monsieur le lioy n'en croquera pas de celui-là : va
m'en quérir tout à cette heure, et marche. — Ali!
malheureux, répliqua cette femme, et à belles injures ;
merci Dieu, vilain, me veux-tu ruiner avec tes eu-
fans? Ah! foi de moi, il n'en ira pas ici. » Sur ces
entrefaites voici arriver un conseiller de la Cour des
Aydes, un commissaire et un sergent, qui viennent
demander la taille à ces pauvres gens, et à faute de
payer veulent exécuter. La femme commence à crier
après : aussi fait le mari, qui leur demande qui ils
sont. « .Nous sommes gens de justice, disent-ils. —
Comment de justice, dit le mari! Ceux qui sont de
justice doivent taire ceci, doivenL faire cela; et vous
laites ceci et cela (décrivant naïvement en son patois
toute la corruption de la justice du temps [présent).
Je ne pense point que vous soyez ce que vous dites;
montrez-moi votre commission. — Voici un arrêt, »
dit le conseiller.
« Sur ces disputes, la femme, qui s'étoit saisie sub-
tilement d'un coffret sur lequel elle se tenoit assise,
le commissaire l'ayant avisée, lui fait comruandenieu!
de se lever de par le Hoy, et leur en faire l'ouverLure.
Après plusieurs altercations la femme ayant été con-
trainte de se lever, on ouvre ce coffre, duquel sortent
à l'instant trois diables, qui emportent et troussent
eu malle M. le conseiller, le commissaire et le ser-
gent, chaque diable s'étant chargé du sien. Ce fut la
lin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux
qui voulurent jouer après les conseillers des aydes,
commissaires et sergens, lesquels se pretendans
injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en pri-
son messieurs les joueurs. Mais ils furent mis dehors
le jour même, par expiés commandement du lioy,
qui les appela sots : disans Sa Majesté que s'il falloit
parler d'intérêt, qu'il en avoit reçu plus qu'eux tou*;
mais qu'il leur avoit pardonné et paxdonnoit de bon
cœur, d'autant qu'ils l'avoient fait rire, voire jusques
aux larmes. Chacun disoit que de long-temps on
n 'avoit vu à Paris |farce plus plaisante, mieux jouée,
ni d'une plus gentille invention, mèmement à l'hôtel
de Bourgogne où ils sont assez bons coustumiers de
ne jouer chose qui vaille1. »
L'arrêt du 10 décembre 1588, que nous avons cité
tout à l'heure, mettait rigoureusement obstacle à
l'exploitation dans Paris de quelque théâtre que ce
fût, hors celui des Confrères. Une troupe de comé-
diens parvint cependant à tourner cette prohibition.
En 1595, elle dressa ses tréteaux dans l'enclos de la
foire Saint-Germain2. Nous empruntons à Delamare
le récit de ce qu'il en advint :
i. Lestoilc, vendredi 26 janvier 1607.
2. Cette foire, qui. depuis des temps très anciens, se tenait chaque
année au profit de* religieux de Saint-Germain des Très, availété sup-
primée à la fln du xtii« siècle. Louis XI, par des lettres patentes de
mars 1482, la rétablit au profit des mêmes religieux, avec droit de
« Les foires ont une prérogative de franchise que
nos rois leur ont accordée en faveur du commerce,
et qui fait cesser pour un temps et eu certains lieux
tous les privilèges des Corps ou Commuuautez. Sur
ce fondement, quelques comédiens de Province éle-
vèrent un théâtre à Paris dans les lieux et dans lea
temps de la Foire Saint-Germain. Les propriétaires de
lïlôtel de Bourgogne s'en plaignirent au Lieutenant
Civil, et firent assigner devant luy les Provinciaux;
ils cessèrent aussi-tôt leurs représentations, en atten-
dant que ce Magistrat eût levé cet obstacle. Mais
pendant l'instance, le Peuple toujours impatient et
amateur de nouveauté/., entreprist de s'en venger
sur l'Hôtel de Bourgogne, et il s'y lit des attroupe-
ments et des insolences aux jours ordinaires de Co-
médie. L'affaire discutée en peu de jours fut enfin
jugée par Sentence du 5 février 1596. Ce Magistrat
n'estima pas que le privilège exclusif accordé aux
Maîtres de l'Hôtel de Bourgogne, fût plus fort que
les Statuts des six Corps des Marchands et des Arts
et Métiers de Paris, dont l'effet est suspendu en faveur
des Forains pendant la Foire. Ainsi appliquant ce
motif au sujet qui se présentait, et voulant aussi
calmer le Peuple et maintenir la tranquillité des
spectales, il permit par sentence à ces Comédiens
Forains « déjouer pendant la Foire Saint-Germain
seulement, et sans tirer à conséquence; à la charge
de ne représenter que des sujets licites et honuêtes,
qui n'oll'ençasseut personne; comme aussi à condi-
tion de payer par chacune année qu'ils joueroieut
deux écus aux Administrateurs de la Confrairie de la
Passion, Maîtres de l'Hôtel de Bourgogne. » El, par
la même Sentence, faisant droit sur les conclusions
du Procureur du Roy, il fit « défenses à toutes per-
sonnes de quelque couditiou qu'elles fussent, de faire
aucune insolence en l'Hôtel de Bourgogne lors que
l'un jj ivpreseuteroit quelques jeux, d'y jeter des
pierres, de la poudre, ou autres choses qui pussent
émouvoir le Peuple à sédition, à peine de punition
corporelle3. »
En 1600, une troupe du province put se fixer à l'Hô-
tel d'Argent, près de la Grève, dans la rue de la
Poterie, située entre celles de la Tixeranderie et de
la Verrerie, sous l'obligation de paver, pour chaque
représentation, un écu tournois aux Comédiens de
l'hôtel de Bourgogne. Cette troupe obtint un grand
succès, et le roi la prit à sa solde. Elle désertait fré-
quemment l'hôtel d'Argent pour aller jouer à l'Arse-
nal, que Sully habitait, on devant la Cour. En 1608,
elle alla jouer à Fontainebleau.
Le 30 janvier 1613, fut encore confirmé le privilège
des Comédiens de l'hôtel de Bourgogne, qui prirent,
a dater de cette époque, le nom de Troupe royale
des Comédiens. La faveur qu'on leur accordait les
encouragea à adresser au roi une requête assez
curieuse en ses termes, et tendant à ce qu'ils fussent
désormais déchargés de l'obligation d'acquitter entre
les mains des Confrères le loyer de leur salle. Voici
cemment elle était conçue :
Remonstrances au roi et à NN. SS. de son conseil,
pour l'abrogation de la confrérie ne la Passion, en
faveur de la troupe royale des comédiens.
« ... Vos Comédiens, Sire, qui par leurs bonnes
qualités ont acquis des amis assez puissans pour leur
pleine franchise. Elle durait du 3 lévrier jusqu'au dimanche des Ra-
meaux et avait tieusur des terrain- lie- va -les, dont le centre était l'em-
placement de l'ancien holel de Navarre, ou se trouve aujourd'hui le
marché Saint-Germain. Elle se tint régulièrement jusqu'en 1789.
S. Delamare, t. I, liv. III, til. III, chap. Vf.
3760
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
faciliter l'entrée Je votre Cabinet, et assez zélés en
leur intérêt pour les favoriser de votre présence,
s'adressent de plein vol à Votre Majesté sans aucune
recommandation ni assistance que leur bon droit,
dans lequel ils ent établi l'espérance de la victoire.
Pourquoi les Comédiens supplient humblement
Votre Majesté qu'il lui plaise abroger la Confrérie de
la Passion comme inutile, préjudiciable à l'Etat, à
la Religion et aux particuliers; avec défense aux soi-
disans Confrères de la continuer, à peine d'être con-
vaincus de I.èze-Majesté; et en conséquence ordonner
que les biens et revenus de ladite Confrérie seront
unis et incorporés au Domaine de l'Hôtel-Dieu ou
des Petites-Maisons de Paris, à la réserve néanmoins
de l'Hôtel de Bourgogne, lequel demeurera perpé-
tuellement affecté à la Troupe de vos Comédiens, en
payant par eux annuellement toutes les réparations,
rentes et charges foncières dont ils demeureront
chargés, la somme de cinq cents livres, ou telle
autre que Votre Majesté arbitrera, es mains du Re-
ceveur à ce commis, de quartier en quartier, et à la
charge de bailler par eux et leurs successeurs bonne
et sûre caution pour assurance desdits paiemens et
charges. Il est vrai que d'abord celte Requête paroî-
tra aucunement étrange; mais Votre Majesté qui
pèse les intérêts communs d'autre sorte que ne font
les particuliers, qui ne s'attachent jamais à l'utilité
publique, sinon en tant que la leur s'y trouve mêlée,
jugera que cette demande est raisonnable et juste,
puisque l'exécution d'icelle est utile et nécessaire :
juste, d'autant qu'elle est fondée sur tant de saintes
ordonnances et de si bons exemples; utile, d'autant
que les pauvres en tireront un profit qui leur est
beaucoup mieux deub qu'à une foule de libertins;
nécessaire, parce que c'est le vrai moyen de retirer
de la débauche tant de malheureux Artisans, qui,
ayant souvent mis femmes et enfans en chemise
pour parvenir à ces maîtrises où leur vie semble
assurée, négligent tout à fait le soin de leurs pauvres
familles.
« ... Cette confrérie n'a jamais reçu ni produit
que des Artisans, comme on le voit par son institu-
tion et dans le contrat d'acquisition de l'Hôtel de
Bourgogne, quelque vanité qu'ils s'y donnent, en se
qualifiant de gros Bourgeois, honorés des charges
de leur Paroisse et du quartier : aussi tels honneurs
répugnent-ils à leur profession, qui les oblige la
plupart de mendier leur vie du ministère de leur
main, en quoi ils ne peuvent avoir beaucoup d'hon-
neur et de civilité, comme dit Aristote; par consé-
quent sont incapables des honneurs et des charges
publiques, et indignes du titre de Bourgeois, |>ar là
raison des Anciens qui faisoient marcher les esclaves
de pair avec les Artisans1. »
Le privilège conféré à perpétuité par Charles V[
aux Confrères avait déjà traversé deux siècles. Il
devait, en dépit de ces tentatives prématurées, s'en
écouler un encore avant qu'il ne fût aboli. Les suc-
cesseurs des Confrères n'obtinrent qu'une partie de
ce qu'ils demandaient : la jouissance assurée de leur
salle. Ils durent payer à la Confrérie, dont les droits
demeuraient respectés, trois livres tournois par jour
de représentation.
Pour le moment, c'était la Farce qui dominait au
programme de l'hôtel de Bourgogne, quoiqu'on y
1. Des Essarts, Les Trois Théâtres de Paris. p. i:i.
2. Félibien, Histoire de Paris, Preuves, 1. Il, [j. 7J7.
3. Mondory apportait une telle ardeur dans son jeu que, dans le
r61e d'Ilérode de la Hfariamne de Tristan, il eut une attaque d'apo-
mit assez souvent en scène les divinités de la mytho-
logie.—Trois garçons boulangers du faubourg Saint-
Laurent : Henri Legrand, dit Belleville, et beaucoup
plus connu sous le nom de Turlupin, — Hugues
Guéru, dit Fléchelles pour les rôles graves et Gau-
thier-Garguille pour la bouffonnerie, — enfin Robert
Guérin, dit Latleur dans le haut répertoire et Gros-
Guillaume dans les paillardises, étaient les acteurs
préférés du public. Turlupin figurait ordinairement
les valets, Gauthier-Garguille les maîtres d'école et
les savants, Gros-Guillaume les prud'hommes. Ils
s'étaient d'abord associés pour jouer, les dimanches,
entre messe et vêpres, auprès de l'Estrapade, sur
quelques planches entourées de toiles grossières.
Bien souvent, ils avaient eu maille à partir avec la
police, que l'hôtel de Bourgogne dépêchait contre
eux; mais la fortune voulut que Richelieu, piqué de
curiosité sur ce qu'on répétait de leur talent, les fît
venir au Palais-Cardinal. Il eut tant d'agrément de
leur [spectacle qu'il les fit entrer dans la Troupe
royale. Ils remportèrent là d'énormes succès, jus-
qu'au jour où Gros-Guillaume eut la malencontreuse
fantaisie de s'approprier un tic familier à quelque
haut magistrat et fut, dès sa première imitation,
enfermé à la Conciergerie, où il mourut. Gauthier-
Garguille et Turlupin, qui avaient cru prudent de
prendre la fuite, moururent dans la même semaine
que leur inséparable compagnon.
Bertrand Haudrin, jouant les médecins ridicules,
continua leurjoyeuse tradition, ainsi que Dulaurier,
dit Bruscambille, qui succéda à Gauthier-Garguille
dans l'art de débiter le prologue, Jean Farine, puis
Julien de l'Kspi, portant le sobriquet de Jodelet, l'in-
terprète attitré des pièces de Scarron.
En 1632, un comédien du nom de Jacques Avenet
installe un théâtre sur le jeu de paume de la Fon-
taine, rue Michel-le-Comte. Le Parlement reçoit
aussitôt la plainte des habitants du quartier, lesquels
exposent que la rue Michel-le-Comte est « composée
de vingt-quatre maisons à portes cochères, habitées
par des personnes de qualité et officiers des cours
souveraines, qui doivent le service de leurs charges
et n'ont pas la liberté d'aller et venir à cause de
l'embarras de carrosses et de chevaux qu'attire, dans
cette rue et dans les environs, la comédie ».
Un arrêt du 22 mars 1633 interdit les représenta-
tions2.
En 163b, nous retrouvons cette troupe dans un jeu
de paume de la rue Vieille-du-Temple. Ce sont les
débuts du théâtre du Marais, sous la direction de
Mondory3, que Richelieu estimait d'une façon toute
particulière, et à qui il confia l'Aveugle île Smyrne.
Là furent représentées les premières œuvres de Cor-
neille, puis les pièces de Mayret, de Scarron, de
Quinault plus lard, et de l'abbé Boyer. M1" de
Champmeslé y commença sa fortune.
Pendant cette première moitié du xvu* siècle, fut
ouverl, à Paris, un troisième grand théâtre, celui
du Palais-Cardinal. Richelieu avait l'ait construire,
au Palais-Cardinal, deux salles de spectacles. L'une,
assez exiguë, servait à de certaines représenta-
tions de gala. L'autre, beaucoup plus vaste, était
destinée au public et se trouvait située du côté de la
me des Bons-Enfants, à l'extrémité d'une ruelle
nommée Court-Orry; elle avait été édifiée pour qu'on
y donnât Mirame. On n'y jouait que des tragédies ou
r du théâtre, malade et paralyse, il n'
plexie. Ayant du se retirer uu meairc, inaïaue ei paraiysc, u n y re-
parut que sur l'ordre exprès du Cardinal, pour jouer l'Aveiojle de
Smyrne. M ne put, d'ailleurs, achever la pièce.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3701
des tragi-comédies de Corneille, de Rolrou, de l'Es-
toile, de Desmarets, etc. Zacharie Jacob, dit Mont-
lleuri1, en était le grand acteur.
Nous ne pouvons maintenant passer sous silence,
étant donnée la vogue dont il jouissait, le spectacle
offert par Tabarin et le charlatan Montdor sur la
place du Pont-Neuf. Ce Montdor, très avisé vendeur
de baume, avait associé à ses bénéfices le bouffon
Tabarin, qui, pour attirer le public autour des dro-
gues et des onguents, le visage masqué, sous l'habit
d'Arlequin, posait au savant homme les questions
les plus plaisantes et échangeait avec lui un dialogue
animé, lequel se terminait invariablement par l'éloge
du flacon magique.
Ils avaient eu pour prédécesseurs, dans ce genre
d'industrie, il signor Hieronimo et son valet Gali-
nette la Câline, qui débitaient leurs panacées dans
la cour du Palais, mais qui n'avaient réussi qu'à
faire fortune, sans atteindre à la même célébrité.
Quelquefois, Tabarin et Montdor représentaient
des farces. Les habitants du quartier s'étant, en 1634,
adressés au Parlement pour signaler leur indécence,
le lieutenant civil, dans une ordonnance sur la police
générale de Paris, en date du 30 mars 1635, fit dé-
fenses « à tous vendeurs de thériaque, arracheurs de
dents, joueurs de tourniquets, marionetles, et chan-
teurs de chansons, de s'arrester en aucun lieu et
faire assemblée du peuple », sous peine de prison et
de fouet2.
Les pouvoirs publics veillaient -toujours très atten-
tivement au bon ordre des théâtres.
Le 12 novembre 1609, le lieutenant civil avait rendu
une ordonnance ainsi conçue :
Ordonnance de police touchant la discipline
qui doit être observée par les comédiens.
« Sur la plainte faite par le Procureur du Roy, que
les Comédiens de l'Hôtel de Bourgogne et de l'Hôtel
d'Argent finissent leurs Comédies à heures indues et
incommodes pour la saison de l'Hyver, et que sans
permission ils exigent du Peuple sommes excessives;
étant nécessaire d'y pourvoir et leur faire taxe mo-
dérée. Nous avons fait et faisons tres-expresses inhi-
bitions et défenses ausdits Comédiens, depuis le jour
de la Saint-Martin jusqu'au quinzième lévrier, de
jouer passé quatre heures et demie au plus tard ;
ausquels pour cet effet enjoignons de commencer
précisément avec telles personnes qu'il y aura à deux
heures après midi, et linir à ladite heure; que la
porte soit ouverte à une heure précise, pour éviter
la confusion qui se fait dedans ce temps, au dom-
mage de tous les Habitans voisins.
« Faisons défenses aux Comédiens de prendre plus
grande somme des habitans et autres personnes,
que cinq sous au Parterre, et dix sous aux Loges et
Calleries; et en cas qu'ils y ayent quelques Actes à
représenter où il conviendra plus de frais, il y sera
par Nous pourvu sur leur Requête préalablement
communiquée au Procureur du Uoy.
« Leur défendons de représenter aucunes Comédies
ou Farces, qu'ils ne les ayent communiquées au Pro-
cureur du Uoy, et que leur Rôle ou Registre ne soit
de nous signé.
« Seront tenus lesdits Comédiens avoir de la
lumière en lanterne ou autrement, tant au parterre,
montée et galleries, que dessous les portes à la
1. Lui aussi outrait dans la peau de ses rôles. Il mourut, parail
•de trop grands efforts qu'il fit en jouant le rôle d'Oreste!
j. i,iniU"t. Recueil des anciennes lois françaises, t. XVI, p. I
sortie, le tout à peine de cent livres d'amende et de
punition exemplaire. Mandons au Commissaire du
quartier d'y tenir la main, et de Nous faire rapport
des contraventions à la Police; et sera le présent Rè-
glement lu et publié devant lesdits Hôtels, le peuple
assemblé, et affiché contre les principales sorties.
« Fait et donné au Châlelet de Paris, le douzième
jour de novembre mil six cens dix-neuf.
« Signé: Le Jay, et Charles Leroy. »
On voit que la censure préalable continuait de
s'exercer rigoureusement.
Le 16 avril 1641, fui promulguée par Louis XIII
une déclaration qu'il nous faut également citer :
« Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de
.Navarre, à tous ceux qui ces présentes Lettres ver-
ront, Salut. Les continuelles bénédiclions qu'il plaît
à Dieu de répandre sur notre règne, nous obligeant
de plus en plus à faire tout ce qui dépend de nous
pour retrancher tous les déréglemens par lesquels
il peut être offensé; la crainte que nous avons que
les Comédies qui se représentent utilement pour le
divertissement des peuples, ne soient quelquefois
accompagnées de représentations peu honnêtes, qui
laissent de mauvaises impressions sur les esprits, fait
que nous sommes résolus de donner les ordres requis
pour éviter tels inconvéniens.
« A ces'.causes, nous avons et faisons très-expresses
inhibitions et défenses, par ces Présentes signées de
notre main, à tous Comédiens de représenter au-
cunes actions malhonnêtes, ni d'user d'aucunes pa-
roles lascives ou à double entente, qui puissent
blesser l'honnêteté publique, sur peine d'être dé-
clarés infâmes, et autres peines qu'il Ocheoira : en-
joignons à nos Juges, chacun dans son district, de
tenir la main à ce que notre volonté soit religieuse-
ment exécutée; et en cas que lesdits Comédiens con-
treviennent à notre présente Déclaration, nous vou-
lons et entendons que nosdits Juges leur interdisent
le Théâtre et procèdent contre eux, selon la qualité
de l'action, par telles voies qu'ils jugeront à propos,
sans néanmoins pouvoir ordonner plus grande peine
que l'amende ou le bannissement; et en casque les-
dits Comédiens règlent tellement les actions du
Théâtre, qu'elles soient du tout exemptes d'impu-
reté, nous voulons que leur exercice, qui peut inno-
cemment divertir nos peuples de diverses occupa-
lions mauvaises, ne puisse leur être imputé â blâme,
ni préjudicier à leur réputation dans le commerce
public : ce que nous faisons, alin que le désir qu'ils
auront d'éviter le reproche qu'on leur a fait jus-
qu'ici leur donne autant de sujet de se contenir dans
le terme de leur devoir, que la crainte des peines
qui leur seroient inévitables, s'ils contrevenoient à la
présente Déclaration.
« Si donnons en mandement à nos amés et féaux-
Conseillers, les gens lenans notre Cour du Parle-
ment â Paris, que ces Présentes ils aient à faire
vérifier et enregistrer, et du contenu en icelles faire
jouir et user lesdits Comédiens, sans permettre qu'il
y soit contrevenu en aucune sorte et manière que ce
soit, car tel est noire plaisir.
« Donné à Saint-Germain-eu-Laye, le 16e jour
d'avril, l'an de grâce 1641. de notre règne le trente-
unième. 0. . .
« Su/ne : Louis. »
F.l sur le repli : « Par le Roi, de Lomr'n;e. »
ENCl CLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
II semble que le vœu de Louis XIII se soit réalisé. I tôt pour la protection des troupes privilégiées que-
Aux temps où nous arrivons, ta rigueur des pouvoirs contre la licence des autres.
publics à l'égard des Comédiens s'exercera bien plu- I
LE THEATRE DE MUSIQUE SOUS LOUIS XIV
ORIGINE DE L'OPÉRA
On a vu dans un article précédent (Le Théâtre Mu-
sical) que le genre complexe qu'est l'opéra se cons-
titua, dans ses divers éléments, par les apports
successifs de différents spectacles. A l'époque de la
Renaissance, le madrigal dramatique s'oriente vers
l'individualisation du sentiment, et, en créant la
musique mesurée à l'antique, Baïf plie la polyphonie
vocale à la discipline du rythme poétique. Le mou-
vement des idées alors régnantes conduira à l'air à
voix seule, et l'humanisme déterminera une poussée
vers l'association de la poésie, de la musique et de
la d'anse. Aussi, l'orientation du Ballet de cour sous
l'action de Baltazah, dit Beaujoyeux, s'avère-t-elle
nettement dramatique. Le ballet met à contribution
les acquisitions faites par l'école florentine, substi-
tue des récits chantés aux récits déclamés, et ne
cesse de tailler une place toujours plus large à la
musique vocale et instrumentale.
Mais le rôle joué par L'Italie présente une impor-
tance capitale à l'égard de la constitution «lu genre
opéra. Sous Henri IV, les deux protagonistes de ta
réforme florentine, Riwuccini et Gaccini, viennent à
Paris. En 1603, Giambattista Axdrmni, hanté par
l'idée du mélodrame, se rend en France et stimule
l'activité de nos musiciens. Son Adamo (1613), dédié
à la reine Marie de Médicis, est déjà une pièce à ma-
chines et à intermèdes musicaux. Il compose ensuite
deux pièces de caractères très différents, la Centaura
et la Fei inda, mais qui contiennent lous les éléments
de l'opéra à grand spectacle. L'art ultramonlain,
très en avance sur le nôtre en ce qui concerne le
drame lyrique, s'infiltre dans le public cultivé. En
1633, Pierre de Nyert va assister, à Home, aux spec-
tacles donnés parles Barberini;.Bacilt.y et Lambert,
férus des doctrines italiennes, travaillent à former
le style récitatif français. D'après Bacilly, notre
retard en la matière provienl de l'humeur de notre
nation qui s'est imaginé jusqu'à présent que le
génie de nos compositeurs n'était pas propre pour
les pièces de longue haleine comme sont les pasto-
rales et autres pièces de théâtre, parce qu'elle n \
est pas accoutumée ». Telle est aussi l'opinion du
violiste Maugaus, à la suite de son séjour en Italie.
L'influence des papes et particulièrement de Clé-
ment IX, qui ne dédaignait pas de rimer des livrets
d'opéra, avait donné un essor particulier à la musi-
que italienne.
Il est à noter que le fastueux Urbain VIII envoya
à Louis XIII le nonce Ailessandro Bichi, qui s'em-
ploya à montrer qu'il était possible de représenter
en France des opéras.
Le milieu littéraire et musical français, pénétré
de tendances novatrices qui rencontraient toutefois
quelques résistances, parut à Mazarin susceptible
d'accueillir l'importation de l'opéra italien. Mazarin
avait pu. auprès du cardinal Barberini, étudier la ré-
forme mélodramatique; après la mort de Louis XIII,
il appela en France le compositeur Marazzoli, la
chanteuse Léonora Baroni, ainsi que les deux Melam,
et, dès le carnaval de 1643, l'art ultramontaiu ap-
paraissait, au Palais-Royal, avec une petite pièce
qui, d'après M. Prunières, serait Nicandro e Filent
(mars 1045).
Le 14 décembre 1645, Mazarin faisait représenter
devant la reine mère la Festra théâtrale délia Finta
Paz2a,[poème de Giulio Strozzi, musique de Sacrati.
Les personnages y parlaient, chantaient, dansaient,
et des intermèdes représentaient des ballets de sin-
ges et d'ours, des danses d'autruches et des entrées
de perroquets.
L'année suivante (février 1646), l'abbé Mailm don-
nait chez Monseigneur Bichi, dont il était le maître
de chapelle, Akebar, roi du Mogol, Iragedie lyrique,
au palais épiscopal de Carpentras; Akebar constitue
la première tentative d'opéra français. Puis, en at-
tendant l'opéra commande par Mazarin à Luigi Bossi,
Orfeo c Euridice, on appelait à Paris une troupe qui
joua au Palais Royal l'Egisto, pastorale de Cavalli
(février 1646). Le cardinal Antonio Barberini assis-
tait à cette représentation.
Le mardi gras 1046, on montait à Paris une co-
médie en musique dont les historiens n'ont pas con-
servé le nom, puis, le 2 mars 1647, Orfeo e Euridice.
drame lyrique en 3 actes de l'abbé Buti et de Strozzi,
et, le 14 avril 1654, les Vfozze di Peleo e '
opéra-ballet en 3 actes de Carlo Cabroli. Devant le
succès des œuvres italiennes, Louis XIV résolut de
favoriser les musiciens français et de les encourager
à écrire des drames musicaux.
On remarquera d'ailleurs que, déjà, les théâtres
de France introduisaient, dans leurs spectacles, des
intermèdes de musique, et cela, sans doute, sous
l'inlluence italienne. C'est ainsi qu'au Théâtre du
Marais, Ulysse dans Vile de Cir< ou Euryloeke fou-
droyé, de l'abbé Boyer, comportai! tre les ingé-
nieuses machines de Torelli, des parties mises en
musique. De même. \iidrmne<l\ tragédie de Pierre
i teille ' 1650), était coupée de chœurs dus à Das-
soucy. Bien ne saurait rendre une idée plus exacte
de ces sortes de représentations que le passage de
la préface de Corneille pour Andromède, cité dans
l'article Le Théâtre musical de la présente Encyclo-
pédie (voir p. 3218).
De Carpentras, l'opéra vint camper au village
d'issy, dans l'hôtel d'un riche amateur, nommé de
la Haye, où Perrin, successeur de Voiture dans la
charge d'introduire des ambassadeurs auprès de
Caston d'Orléans, el Cambert, surintendant de la
musique de la reine mère, firent l'essai d'un accom-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3763
paiement musical sui- des paroles françaises, dans
une Pastorale représentée en 1659.
Les auteurs s'étaient réfugiés dans ce village pour
échapper « à la foule du peuple qui n'eût pas man-
qué d'envahir le théâtre si ce divertissement avait
été donné au milieu de Paris ». Le chemin de Paris
à Issy n'en fut pas moins couvert de carrosses;
beaucoup de gens, qui n'étaient pas invités, se con-
tentèrent de se promener autour du château. La Pas-
torale en musique fut connue sous le nom d'Opéra
d'Issij. Le succès immense de cette œuvre, qui avait
été exécutée par des amateurs, à la lumière du jour,
sans ballets el sans machines, détermina l'établisse-
ment de l'Académie Royale de musique.
Le 30 avril 1059, Perrin faisait part du triomphe
de la Pastorale, représentée huit fois et toujours
acclamée, à l'abbé de la Hovére, qui devait l'aider de
toule sa puissance.
A Paris, Mazarin, fidèle à l'opéra italien, faisait
encore représenter le 22 novembre 1660, dans la
galerie du Louvre, un opéra déjà célèbre de Cavalli,
Sersc. ou Xersc. Il mourut le 9 mars 1661 sans voir
l'achèvement de la salle des Tuileries. C'est dans
cette salle que passa le nouvel opéra de Cavalli,
Ercole amante, avec des intermèdes de ballet, où
figuraient Louis XIV et la jeune reine. Mais c'étaienl
des opéras français qu'on voulait alors. Ainsi, on
répétait Ariane de Cambert, et on allait la jouer dans
la salle que le cardinal de Richelieu s'élait l'ait bâtir
et décorer au Palais-Royal pour la mise en scène de
Mira/ne, quand Mazarin mourut.
Perrin, dirigé par l'abbé de La Rovère, demande
des chanteurs aux cathédrales, fait élever le parterre
au niveau de la scène par un moine augustin et
obtient, le 28 juin 1669, des lettres patentes donnant
permission ou, pour mieux dire, le monopole « d'é-
tablir dans la ville de Paris, et autres du Royaume,
des Académies de Musique, pour chanter en public
des pièces de Théâtre, comme il se pratique en Ita-
lie, en Allemagne et en Angleterre, pendant l'espace
de douze années, avec liberté de prendre du Public
telles sommes qu'il aviseroit, et défenses à toutes
personnes de faire chanter de pareils Opéras ou re-
présentations en Musique et en vers françois sans
son consentement. »
Ces lettres portent, en outre, que ces opéras étant
« des ouvrages de Musique totalement différents
des Comédies récitées, le Roi les érige sur fe pied
des Académies d'Italie; que les Gentilshommes et
Demoiselles pourront chanter audit Opéra, sans que
pour ce ils dérogent au titre de noblesse ni à leurs
privilèges, charges, droits, immunité, etc.1 ».
Perrin, pour l'exploitation de son privilège, s'as-
socia à Cambert, au marquis de Sourdéac et au
financier Champeron. Ils mirent en répétition, à
l'hôtel de Nevers, l'opéra de Pomone, dont les paroles
avaient été écrites par Perrin et la musique par Cam-
bert, et qu'ils tirent jouer, le 3 mars 1671, rue
Mazarine, au jeu de paume de Bel-Air, où devait
s'installer, deux ans plus tard, à la mort de Molière,
la troupe du Palais-Royal. Les représentations de
Pomone, continuées pendant huit mois, obtinrent un
énorme succès et valurent des profits dont la répar-
tition provoqua discorde et procès au sein de l'as-
sociation.
Le marquis de Sourdéac, prétexta des avances
qu'il avait faites pour réclamer, pour sa part dans
les bénéfices, une somme supérieurejaux 30.000 livres
que recevait Perrin. Les discussions déterminèrent le
départ du marquis, et ce fut Gilbert qui écrivit une
autre pastorale, les Peines et les Plaisirs de J' Amour,
dont Cambert fit encore la musique.
Le style pitoyable et les équivoques grossières
auxquelles se plaisait l'amoureux de Pomone,
Priape, ne se retrouvaient plus dans cette œuvre,
qui était galante, et polie. M11" Biugogne, qui jouait
Climène vit porter ses « gages » à 1 200 livres par
au, et conserva le nom de « petite Climène ».
Pendant ce temps, Lulli, surintendant de la mu-
sique de la chambre du roi, surveillait ces discordes
afin d'en profiter. Venu de Florence, il avait su, à
foroe de tlatteries, gagner la confiance du roi;
voyant que ses attaques et ses anathémes contre
Cambert et Perrin n'avaient pas entravé leur succès,
il changea bientôt de procédé, et si les associés
avaient gagné 120 000 livres dans leur exploitation,
une telle fortune n'eut pour effet que de changer les
sarcasmes de Lllli en une envie de s'emparer sour-
dement de l'Opéra.
Protégé par M"'e de Monlespan, Lclli se hâta,
tandis qu'on répétait Arienie de Cambert à l'Opéra,
de coudre à la hâte des morceaux, qu'il avait com-
posés pour la chapelle du roi, en une seule pièce,
intitulée FiHes de l'Amour et de Baeclnts. Ce fut (Jui-
nault, que Lulli s'était attaché comme librettiste en
lui proposant l'octroi d'une pension de 4000 livres,
à charge par lui d'écrire chaque année un livret
nouveau, qui mit au point les Frlesde l'Amour et de
Bacchus.
Cet opéra terminé, les répétitions d'Ariane furent
arrêtées pour des raisons mal définies.
Cambert, frustré de ses plus chères espérances, em-
porta son Ariane à Londres et la fit représenter avec
un grand succès devant le roi Charles II, qui lui
donna la surintendance de sa musique; mais le
coup avait été trop dur pour le malheureux musi-
cien, qui mourut en 1677, à l'âge de 49 ans.
L'origine de Lilli n'était pas glorieuse. Né d'un
meunier à Florence en 1632, il vint en France chez
Mlle de Montpensier. Reçu dans le salon de la prin-
cesse à cause de son talent de violoniste, il divertis-
sait tout le monde avec ses bouffonneries et son
talent de baladin. 11 quitta Mademoiselle à la fin de
1 r> : ; 2 , ne voulant pas habiter la campagne; mais son
insolence et ses manières furent bien pour quelque
chose dans ce départ. Elève de Métru, Roberday et
Gigault, avec lesquels il avait étudié l'harmonie, il
se fit naturaliser en 1601. Surintendant de la musi-
que de la chambre du roi, habile, peu scrupuleux,
et madré, il obtint, le 13 mars 1672, des lettres pa-
tentes qui le substituaient dans le privilège de Perrin
pour l'opéra :
(c Ayant été informé, disent ces lettres, que les
peines et les soins que le Sieur Perrin a pris pour
cet établissement n'ont pu seconder pleinement notre
intention et élever la musique au point que nous
nous l'étions promis, nous avons cru, pour y mieux
réussir, qu'il étoit à propos d'en donner la conduite
à une personne dont l'expérience et la capacité nous
fussent connues... A ces causes, bien informé de
l'intelligence et grande connoissance que s'est
acquis notre cher et bien-aimé Jean-Baptiste Lulli
au fait de la musique, nous avons audit sieur Lulli
permis et accordé, permettons et accordons par ces
présentes signées de notre main, d'établir une Aca-
démie Royale de musique dans notre bonne ville de
:.;■'.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Paris... pour y faire des représentations devant nous,
quand il nous plaira, des pièces de musique qui se-
ront composées tant en vers francois qu'autres lan-
gues étrangères..., pour en jouir sa vie durant, et
après lui celui de ses enfants qui sera pourvu de
ladite charge de surinlendant de la musique de notre
Chambre.
« Et, pour le dédommager des grands frais qu'il
conviendra faire pour lesdiles représentations, tant
à cause des théâtres, machines, décorations, habits,
qu'autres choses nécessaires, nous lui permettons
de donner au public toutes les pièces qu'il aura
composées, même celles qui auront été représentées
devant nous..., faisant Irès-expresses inhibitions et
défenses à toutes personnes, de quelque qualité et
condition qu'elles soient, même aux officiers de
notre maison, d'y entrer sans payer. Comme aussi
de faire chanlenaucune pièce écrite en musique, soil
en vers francois ou autres langues, sans la permis-
sion par écrit dudit sieur Lulli, à peine de dix mille
livres d'amende et confiscation des théâtres, ma-
chines, décorations, habits et autres choses... Et,
d'autant que nous l'érigeons sur le pied de celles
des académies d'Italie où les gentilshommes chan-
tent publiquement en musique sans déroger, vou-
lons et nous plaisl que tous gentilshommes et
damoiselles puissent chanter auxdites pièces et re-
présentations de notre dite Académie Koyale, sans
que pour ce ils soient censés déroger audit litre de
noblesse et à leurs privilèges...
« Révoquons, cassons et annulons par ces dites
présentes toutes permissions et privilèges que nous
pourrions avoir cy-devant donnés et accordés, même
celui dudit Sieur Perrin, pour raison desdites pièces
de théâtre en musique, sous quelques noms, quali-
tés, conditions et prétextes que ce puisse être... »
Le privilège de Lulli fut encore accru en 1684. A
cette époque, de nouvelles lettres patentes défen-
dirent de représenter, dans toute l'étendue du
royaume, aucun opéra sans son autorisation. Et,
pour éviter de la part des autres théâtres la moin-
dre concurrence, une ordonnance du 30 avril 1673
avait interdit aux comédiens, qui chantaient des
couplets au cours de certaines pièces, d'avoir plus
de deux voix et six joueurs d'instruments.
« Sa Majesté ayant été informée que la permission
qu'elle avoit donnée aux comédiens, de se servir
dans leurs représentations de musiciens jusqu'au
nombre de six, et de violons ou joueurs d'instru-
mens jusqu'au nombre de douze, pouvoit apporter un
préjudice considérable à l'exéculion des ouvrages de
musique pour le théâtre du Sieur Baptiste Lully,
surintendant de la musique de la Chambre de S. M.,
dont le Public a déjà reçu beaucoup de satisfaction,
et voulant qu'elle ait toute la perfection qu'elle en
doit espérer, Sa Majesté a révoqué la permission
qu'elle avoit donnée auxdits comédiens de se servir
sur leur théâtre de musiciens et de douze violons ou
joueurs d'inslrumens, et leur permet seulement
d'avoir deux voix et six violons ou joueurs d'intru-
mens ; fait Sa Majeslé très expresses défenses à toutes
les troupes des comédiens francois et étrangers,
établies ou qui s'établiront ci-après dans sa bonne
ville de Paris, de se servir d'autres musiciens ex-
ternes, et de plus grand nombre de violons pour
les Enlr'actes, même d'avoir aucun Orquestre, ni
pareillement de se servir d'aucuns Danseurs, le tout
à peine de désobéissance; veut Sa Majesté que la
présente Ordonnance soit signifiée aux Chefs desdites
troupes, à la diligence dudit Lully, à ce qu'ils n'en
ignorent, lui enjoignant S. M. de l'informer des
contraventions à la présente Ordonnance.
« Fait à Saint-Germain en Laye le trentième jour d'avril 1673.
« Signé : Louis.
« Et plus bas : Colbert. Et scellé. »
Les dispositions de cette ordonnance ayant ét«
violées, elles furent renouvelées le 21 mars 1675 et
le 27 juillet 1682.
" Sa Majesté ayant été informée qu'au préjudice de
son Ordonnance du trentième jour d'avril mil six cens
soixante-treize, qui fait défenses à tous Comédiens
de se servir de Musiciens externes, quelques-uns
ne laissent pas de faire chanter sur leur théâtre
des Musiciens, qu'ils prétendent n'être pas externes,
sous prétexte qu'ils sont à leurs gages, et empê-
chent par ce moyen que les ouvrages de musique
pour le théâtre du Sieur Lully. Surintendant de la
Musique de la Chambre de Sa Majeslé, ne puissent
avoir tout le succès qu'on en doit attendre; à quoy
voulant pourvoir, sa Majesté a ordonné et ordonne,
veut et enlend que ladite Ordonnance du trentième
jour d'avril mil six cens soixante-treize soit exécu-
tée selon sa forme et teneur; ce faisant, permet
ausdils Comédiens de se servir de deux Comédiens
de leur troupe seulement pour chanter sur le théâ-
tre, et leur fait tres-expresses défenses de se servir
d'aucuns Musiciens externes, ou qui soient à leurs
gages, à peine de désobéissance. Enjoint Sadile
Majesté au Lieutenant de Police de tenir la main
à l'exécution de la présente Ordonnance. »
« Fait h Sjmt-Germain-en-Laye le 21 mars 1675.
« Siyii^ : Louis.
« Et plus bas : Colbert. »
« Sa Majesté étant informée qu'au préjudice des
défenses qui ont été ci-devant faites aux Troupes de
ses Comédiens François et Italiens, d'avoir dans la
représentation de toutes sortes de pièces de théâtre
plus de deux voix qui doivent être de leur Troupe,
el six violons sans aucuns Danseurs, lesdits Comé-
diens ne laissent pas de contrevenir aux Ordonnan-
ces qui ont été rendues à cet elTel, en se servant de
voix externes, en mettant un plus grand nombre de
violons, et même faisant faire des entrées de Balets,
el autres Danses : A quoy Sa Majesté voulant pour-
voir, Sa Majeslé en confirmant ses Ordonnances des
trente avril 1073 el 21 mars 1675, a fait Irès-expres-
ses inhibitions et défenses auxdits Comédiens Fran-
çois et Italiens, de se servir d'aucunes voix externes,
pour chanter dans leurs représentations, ni de plus
de deux voix d'entr'eux; comme aussi d'avoir un plus
grand nombre de violons que six. ni de se servir
d'aucuns Danseurs dans lesdites représentations,
sous quelque prétexte que ce soit; à peine de cinq
cens livres d'amende pour chaque contravention, au
profit de l'Hôpital General de ladite Ville de Paris;
enjoint Sa Majesté au Sieur de La Keynie, Lieute-
nant General de Police, de tenir la main à l'exécu-
tion de la présente Ordonnance, qui sera à cet effet
publiée et affichée par-lout où besoin sera.
« Fait ;'i Versailles, le vingt-septième juillet 1682.
« Signé : Louis.
« Et plus bas : Colberl. »
Après son traité avec Quinault, cité plus haut,
Lulli fit construire un théâtre dans le jeu de paume
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3765
de Bel-Air, rue de Vaugirard. L'ouverture en eut heu
le lo novembre 1672, avec Les Fêtes de l'Amour et
de Baechus; plusieurs seigneurs de la Cour, selon
le vœu du roi, dansèrent dans les ballets.
Après avoir congédié le marquis de Sourdéac et
Gilbert, Lulli fit représenter successivement Cadmus
et Alceste, sur des livrets écrits par Quinault dans
la façon des opéras italiens, c'est-à-dire avec des
scènes comiques se mêlant à l'action du drame.
C'est ainsi que, dans Alceste, Straton et Lycas sont
des personnages boulions.
Le 17 février 1673, à la mort de Molière, Lulli se
lit accorder par le roi la salle du Palais-Royal, où
l'Opéra devait rester jusqu'en 1781.
11 y fit son entrée le 15 juin 1673, après être passé
par le jeu de paume de la Bouteille. C'est là qu'il
forma peu à peu un orchestre de musiciens et parti-
culièrement de violonistes habiles. En 1681, à la re-
présentation du Triomphe de l'Amour, de Benserade
et Quinault pour les paroles, et de Lulli pour la mu-
sique, apparurent pour la première fois sur la scène,
des danseuses qui remplirent les rôles de femmes.
M110 de Lafontaine y fut proclamée la reine de la
danse. Le directeur n'était pas seulement un habile
courtisan, il s'entendait à merveille à régler tous les
éléments d'une organisation lyrique, mais son inté-
rêt personnel lui fit ignorer les autres musiciens, et
pendant quatorze ans, il ne fit entendre que ses
propres œuvres. La mise en scène tenait alors une
place considérable à l'Opéra, car ce genre de specta-
cle était moins composé en vue de la musique qu'en
raison des machines qui devaient servir au faste
de la pièce. On parlait de la décoration, du costume,
du talent des acteurs, qu'on n'appelait jamais chan-
teurs. C'était la comédie des machines qu'on applau-
dissait et la musique semblait secondaire au public
français.
Les Fêtes de l'Amour et de Baechus, Cadmus, Alceste,
Thésée, Alys, appelé l'opéra du roi, Isis, Psyché,
Bellérophon, Proserpine, Le Triomphe de l'Amour, Ver-
sée, Phaéton, Amiidia de Gaule, Roland, Armide, dil
l'opéra des dames, furent joués successivement «le
1672 jusqu'à la mortde Lulli, qui survint le 22 mars
1687. Son dernier ouvrage, Acis et Galathêe, ne fut
représenté que six mois après sa mort. Atys était
considéré comme le chef-d'œuvre de Lulli.
Le roi venait fréquemment au théâtre et s'entrete-
nait volontiers avec les chanteurs, s'amusant des
outrecuidances du ténor Gave, et excusant l'ivresse
légendaire du baryton Thévenard, qui, sans souci du
mouvement ni du rythme, hâtait son débit, pour
la grande joie du public, qui venait entendre des
comédiens chanter d»s pièces à machines plutôt
qu'une musique qu'il ne comprenait guère.
La troupe de l'Opéra était alors des plus brillantes.
Rossignol, Bëaumavielle, Hardouin et Laforèt s'y
distinguaient. Le cuisinier Dumesnil y débuta dans
Isis, et partagea l'emploi de ténor avec Clédière
qu'il devait éclipser, lljlui fallait six bouteilles de
Champagne à chaque représentation. Mais le virtuose
favori de Louis XIV était le ténor aigu Boutelou qui
ne parvint jamais au premier rôle, à cause de sa fai-
blesse de comédien, tant il est vrai que l'exécution
musicale comptait peu.
MUe de Cartilly, qui avait créé Pomone, ne put
résister à l'assaut des « actrices chantantes » qui
vinrent à sa suite : Mu" Brigogne, Aubry, La Garde,
Bony, Caillot, Rebel, Verdier, qui débuta à quinze
ans dans Ati/s; M"" de Saint-Christophe, qui chanta
pendant un demi-siècle, après avoir été femme de
chambre d'Henriette d'Angleterre, duchesse d'Or-
léans.
Mrae Piesche, titulaire du rôle de Vénus, Mlle Loui-
son Moreau, connue dans Proserpine, et sa sœur
Fancho.n, lancée par Phaéton. Enfin, la virtuose par
exellence, Marthe Le Rochois, l'élève préférée de Lulli,
qui remplit le rôle d'Aréthuse de Proserpine, en 1680.
Tragédienne et cantatrice, elle vit son maître com-
poser pour elle l'opéra d Armide, et comme elle avait
les bras fort maigres, et la peau bise, elle s'habilla
avec des manches longues à la persienne, qui prirent
le nom d'Amadis, à cause de l'opéra, qu'elle avait
créé en 1684. Lorqu'elle prit sa retraite en 1698, elle
eut mille livres de rente à l'Opéra. La danse avait eu
sa place à l'Opéra, dès son ouverture, dans Orfeo et
Pomone, mais elle n'avait qu'un rôle secondaire. On
avait trouvé des virtuoses dans les cathédrales, des
choristes dans les églises, mais pour le ballet, des
difficultés surgissaient. On avait eu recours aux
maîtres à danser, parmi lesquels ne se trouvait
aucune femme, si bien que c'était de jeunes gar-
çons qui figuraient en costume féminin. Pour rendre
plus vraisemblables ces travestis, les nymphes et les
bergères étaient masquées. Ce ne fut que dix ans
plus tard, que les danseuses apparurent, avec Ma-
dame la Dauphine, la Princesse de Conli et Made-
moiselle de Nantes, dans le Triomphe de l'Amour.
Le personnel de l'école de danse se composait de
quatre demoiselles, MII|!S Roland, Lepeintre, et Fer-
non, et nous avons dit le succès de M1|c de Lafon-
taine. Des Italiennes vinrent ensuite, Mlle Bigot-
rim, ainsi que M"05 Taglioni, Cerrito et Rosati.
Les danseurs étaient également remarquables —
Beauchamps, Saint-André, Favier, Lapierre, puis Pé-
court, furent premiers danseurs à l'Opéra. Lulli ré-
glait les danses, il animait ses artistes, exigeait des
allures vives et joyeuses, et montrait lui-même les
pas qu'il fallait faire.
On dil que sa mort (22 mars 1687) fut la consé-
quence d'un mouvement de colère; eu voulant mar-
quer trop fortement le rythme d'une danse avec sa
canne, il se serait frappé au pied, et la gangrène
aurait rendu celte blessure morlelle : il avait gagné
800 000 livres eu dix-neuf ans.
Aussitôt après la mort de Lulli, les musiciens
français, qui avaient été éloignés de la scène depuis
1672, réclamèrent sa succession. Ce fut le gendre de
Lulli, Francini, lequel se fit appeler Monsieur de Fran-
cine, qui triompha, le 27 juin, mais il se contenta
d'administrer son théâtre jusqu'en 1728. Ses beaux-
frères, Louis et Jean-Louis Lulli, se bornèrent à la
composition d'un Orphée, en 1690, et à'Aleide, com-
posé en collaboration avec Marais, en 1693.
Sous la régie de Francine, auquel on avait adjoint
Dumont en 1698, fut établi le règlement très impor-
tant du 11 janvier 1713, qui forme comme la base de
l'organisation administralive de l'Opéra, et que vint
compléter et modifier quelque peu celui du 19 ne
vembre 1714'.
En mettant à part les dispositions touchant la dis-
cipline intérieure, édictées à charge d'amendes pour
les contrevenants, nous devons signaler dans ces
règlements :
La création d'une Ecole de Musique, d'une Ecole
de Danse, et d'une autre d'Instruments, toutes trois,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
gratuites, ayant pour but de préparer des artistes au
recrutement de l'Académie;
L'institution d'un fonds de réserve de 15 000 livres
devant, être distribué sous forme de gratifications
aux acteurs et actrices de musique et de danse, aux
hommes et filles des chœurs, et aux symphonistes
de l'orchestre qui se distingueraient plus particu-
lièrement par leur capacité et par leurs services;
L'institution d'un fonds de réserve de 10 000 livres,
affecté aux pensions des acteurs, actrices et autres
gens dé musique et de danse, des symphonistes de l'or-
chestre, etc., qui, après être restés pendant quinze
ans à la disposition de l'Académie, seraient, par leur
âge et leurs infirmités, hors d'étal de continuer leurs
services; lesdits sujets devant être reçus immédia-
tement à la pension, comme dispensés de la règle
des quinze ans, s'ils venaient à être estropiés au
service de l'Académie; la pension devant s'élever à
mille I ivres au profit de ceux d'entre eux qui auraient
perçu des appointements de quinze cents livres, et
demeurant fixée, pour les autres, à la moitié de
leurs appointements; enfin, ce fonds de réserve de
dix mille livres ne pouvant en aucun cas être aug-
menté, de telle sorte que, en supposant qu'il fût
rempli, les postulants devaient attendre qu'il se pro-
duisit une vacance parmi le nombre des pensions
déjà fournies.
Suivant états dressés d'autre part, la composition
du personnel et le chiffre des appointements alloués
se trouvaient établis de manière à ne pouvoir souf-
frir aucune modification qu'en vertu d'une ordon-
nance royale.
Les droits d'auteur, aussi bien pour le poète que
pour le compositeur, étaient arrêtés à 100 livres
par chacune des dix premières représentations, de
leur ouvrage, et à oO livres par chacune des vingt re-
présentations suivantes, sans que l'un ou l'autre put
prétendre à une allocation supplémentaire, quelque
durable que fût le succès. Pareillement, les auteurs
des ballets et, îles pièces en trois actes devaient tou-
cher 00 livres par chacune des dix premières reprér
sentations, et 30 livres par chacune des vingt sui-
vantes.
D'après le règlement de 1711, l'arrangement des
pièces devait être fait six mois avant la première
représentation de l'hiver, et six mois avant la pre-
mière représentation de l'été, en sorte que le plan
d'hiver fût toujours arrêté dans la semaine de
Pâques, et le plan d'été dans le cours de novembre.
La saison d'hiver devait s'ouvrir le 24 octobre au
plus tard, par une nouvelle tragédie. Dès que celle-ci
cesserait de produire suffisamment deux semaines
de suite, elle serait remplacée par un ancien opéra
de Lulli. Si elle pouvait être poussée jusqu'au
Carême, on jouerait une troisième pièce, au lieu de
recourir aux œuvres de Lulli.
De même, pour les représentations d'été, si la
dernière pièce ne pouvait être conduite au delà de
Pâques, on commencerait toujours le lendemain
de Quasimodo par une tragédie nouvelle ou par un
opéra de Lulli, et l'on tiendrait prête une troisième
pièce pour le cas où les autres ne pourraient pour-
suivre une assez longue carrière.
Quant à l'administration de l'Académie, elle était
confiée à une direction agissant sous le contrôle
incessant d'un inspecteur général. Ce dernier devait
donner son approbation pour le choix des artistes
et pour la distribution des rôles; tenir la main à ce
que toutes les dispositions concernant la police inté-
rieure fussent observées; concourir d'une façon
générale à toutes les décisions que pourrait prendre
la direction et y mettre son visa; rendre compte au
roi des contraventions commises à rencontre des
règlements, de l'opportunité des gratifications, de la
vacance des pensions, etc., etc.
Il faut reconnaître que ces règlements s'inspirent
d'une précision remarquable. I ne expérience de
vingt années déjà commandait, sans doute, des ré-
formes d'organisation, et une prévoyance plus avisée
devant des difficultés appelées à se renouveler. Le
préambule du règlement de 1713 fait ressortir que
l'Académie était surchargée de dettes considérables,
et certaines révélations laissent à entendre que le
public était en droit de se plaindre de l'indécision et
des lenteurs des régies précédentes. Mais la substi-
tution de ces prescriptions souveraines à l'initiative
directoriale désormais étouffée pouvait-elle préser-
ver l'avenir des passifs, et profiter à l'Art lui-même'.'
Que penser de ce contrôle de l'inspecteur général,
déguisant une gestion commune et présageant d'iné-
vitables conflits? De ces plans d'hiver et d'été arrê-
tés pour ne point varier? De la fixation arbitraire
et injuste des droits d'auteur que la trentième
représentation faisait à jamais cesser, quel que lut
le succès de l'ouvrage? Lutin, de ce fonds bien insuf-
fisant de 10.000 livres mis en réserve pour les pen-
sions, et qui, une fois employé, ne laissait aux anciens
artistes que l'espoir d'une vacance?
Au point de vue de l'exploitation théâtrale, et en
dehors du point de vue administratif, la direction
de M. de Franchie fut déplorable, et elle se solda
par un déficit de 380.000 livres. Les représentations
données par les lîls de Lulli, dont les œuvres n'é-
chappèrent au sifflet que par la protection de la
police, furent le prétexte d'épigramraes incessantes
contre la nouvelle direction.
Colassr, qui se livrait à l'alchimie et qui en mou-
rut en 1699, alors qu'il avait pris la direction de l'O-
péra de Lille, lit représenter Achille et Polyxène,
Thétis et Pelée et Canente. Mais ces opéras subirent
les critiques les plus graves, car on reprochait à
Colasse d'emprunter de trop près les mélodies de
Lulli. Il écrivit Aslrée sur des paroles de La Fontaine
en 1691. Le librettiste lui-même renonça à assister à
la fin de la première représentation, tant le premier
acte l'avait prodigieusement ennuyé.
Un Florentin, Teobaldo di Gatti, basse de viole à
l'Opéra, lit à son tour représenter Coronis en 1691 et
a i7oi.
Un violiste fameux, Marin Marais, écrivit Ariane,
Alcyone et Sémélé, de 1696 à 1709; le surintendant
de la musique de Philippe V, roi d'Espagne, Des-
marets, donna Didon, Circè, Thêagéne et Charictie.
D'autres ouvrages encore, écrits par un élève de
Carissimi, M. A. Charpentier, tels que ttédée (1693),
n'eurent pas plus de succès, malgré la voix de
M"e Desmatins, ancienne laveuse d'écuelles à l'au-
berge du Plat d'Etain, qui mourut en 1705 pour
« s'être fait enlever neuf livres de graisse qui la
gênaient pour la scène'. »
Le succès parut revenir à l'Opéra en 1697, avec
l'Europe galante de Campra, sur un livret de La Motte,
dans laquelle Marthe Le Uocuois, créa le rôle de
Roxane, et avec un autre opéra du même composî-
teur, Tancrùde, où triompha M"e Maupin. Cette chan-
teuse, qui eut les plus grands succès, était une ama-
1. Custil-Buze, L'Aeaiti'mir /,iipf>riiileilemuti'iue.lome l.pagi- li-'.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 37
zone redoutable et une guerrière audacieuse. Elle
avait failli être brûlée vive à Avignon, pour avoir
incendié un couvent dont elle voulait enlever une
jeune recluse. Son talent et sa beauté lui assurèrent
le saint, et le roi lui-même vint assister à ses pre-
mières représentations.
Campra lit représenter dix-neuf opéras; le Carnaval
de Venise, les Fêtes Vénitiennes, le Ballet des <;</es.
Hésione, Alcine, Télèphe, Camille, Tancréde, ïphigénie
en Tauride réussirent particulièrement. Mais la dis-
cipline de l'orchestre n'était plus la même, et chaque
soir lis musiciens étaient apostrophés par le par-
terre ; c'est à ces siftlets persistants qu'est due
l'origine du mot brioche, dans le sons de bévue mu-
sicale.
Les symphonistes résolurent de s'infliger des
amendes de six sols pour chaque faute commise pen-
dant les représentations. A la lin du mois, on achetait
avec le total de ces amendes une immense brioche,
en « ayant soin de l'arroser convenablement »,etles
coupables, tous ceux qui avaient eu a paver quelque
amende, porlaient à leur boutonnière une petite
brioche en carton.
Un autre compositeur d'opéras. Destouches, mous-
quetaire, eut la chance que son Usé, représentée en
1697, plut au roi, et dès lors, il musiqua quelques
livrets que la faveur du roi imposa.
La duchesse du Maine eut ! idée do ballet panto-
mime, et lit mettre le quatrième acte d'Horace de
Corneille en musique par Mouret; I'.alon et M' " Pré-
vost, danseurs de l'Opéra, mimèrent cet acte à Sceaux.
Cel essai, fait en 1708, devint un des intermèdes des
Nuits de Sceaux et détermina l'apparition de Pyg-
malion et d'Ariane, dus à M"0 Salle.
Francine et Dumont, toujours à court d'argent de-
puis 1687, avaient à plusieurs reprise-, cédé leur pri-
vilège, d'abord à Pceourt et Belleville, qu'ils dépos-
sédèrent bientôt, puis à Guyenet, payeur de rentes,
en 1704, afin de pouvoir liquider les deltes qui s'é-
levaient à 380780 livres, et toucher des pensions
fixées pour Franchie à 15 000 livres et pour Dumont
à 6 000. lîuiné. Guyenet mourul de chagrin en 1712,
au Palais-Royal, où il s'étail réfugié pour échapper
aux poursuites de ses créanciers. Il avait pourtant
essayé de combler son passif en cédant le privilège
déjouer des opéras à des théâtres secondaires ou
même à des forains1.
A la mort de Guyenet, Francine et Dumont, qui
n'avaient pas abandonné leur privilège, mais l'a-
vaient cédé provisoirement, reprirent l'exploitation
du théâtre pour la rejeter bientôt entre les mains
des syndics de la liquidation Guyenet.
Le 2 décembre 1715, le duc d'Antin fut investi de
la haute régie de l'Opéra, par lettres patentes don-
nées à Vincennes, et la dilapidation continua. Fran-
cine garda son privilège jusqu'en 1728, date à
laquelle il fut remplacé par Destouches. La fin du
règne de Louis XIV et le début de la Régence
furent marqués par une innovation destinée à ap-
porter quelque argent dans la caisse du théâtre.
Le chevalier de Bouillon avait imaginé des diver-
tissements masqués, qui devaient faire grand bruit
et que le scandale devait tuer. Son projet lui valut
une pension de 6000, livres, et il inventa une ma-
1. Voir le chapitre relatif ;
chine destinée à amener le parterre aujniveau de la
scène. Bès le premier bal, le Régent vint, accompagné
du duc de Noailles, et ne fui point choqué des orgies
qui s'y déroulaient. Le conseiller d'Etat Rouillé y
était ivre et le duc de Noailles lui-même suivit son
exemple. Par ordonnance du 31 décembre 1715, le
Régent établit les bals masqués qui avaient lieu,
trois fois par semaine, à dater de la Saint-Martin
jusqu'au carnaval. La salle fui ornée de lustres,
deux orchestres y jouaient, les danseurs de l'Opéra
exécutaient des mascarades plaisantes, deux contre-
danses nouvelles, les Calotins et la Farandoule. dé-
chaînèrent l'enthousiasme, ainsi que les ftats,ieanni
qui saute. Liron-Liretlc, le Poivre et la Monaco.
Le Régent était, plus que tous autres, engoué de
ces bals; c'est ainsi qu'un jour, alors qu'on venait
lui annoncer la conjuration d'Espagne menée par
d'Albéroni et la duchesse do Maine, à l'heure du
bal, il remit au lendemain les affaires de l'Etat pour
le souper qui l'attendait. Cette négligence du
prince est. incompréhensibh mon dans
-es 1/. moires.
LA COMÉDIE ITALIENNE ET LES PETITS THÉÂTRES
L'hôtel de Bourgogne, que les événements avaient,
laissé désert, fui uns à la disposilion des Italiens qui
jouaient naguère à l'hôtel Guénégaud, alternative*
ment avec la Troupe du Hoi. Ils louchèrent 800 livres
de pension des Comédiens Français, à dater de 1680,
en vertu d'un ordre du duc .le Créqui, à raison de
ce que leur loyer, à l'hôtel de Bourgogne, était plue
élevé que celui qu'ils payaient à l'hôli I Gué tégaiïd?.
— Richelieu n'avait pas menti.- grand goût pour
les bouffonneries ultramonNin.es. Mais Ma/arin s'é-
tait prêté à leur envahissement. Au Marais, au Petlt-
liourbon. au Palais-Royal, à l'hôtel Guénégaud, par-
tout avaient trouvé place Pantalon, Arlequin, le
Mezzetin et Colombine, pour leurs parades improvi-
sées. Nous savons, par Angelo Constantin!3, qu'une
de ces troupes italiennes recevait de S i .Majesté une
subvention de 13 000 livres. Ni la Troupe du Roi, ni la
lyale n'avaient bénéficié d'une aussi large
faveur !
L'escroc Tiberio Fiorelli, dit Scaramouche, Tri-
velin, Dominique, Constantini étaient tenus fort en
honneur et venaient souvent jouer à la Cour.
Non contents de jouer en italien, ils s'étaient mis
aussi à jouer en français, liberté qui portait atteinte
aux droits des Comédiens nationaux. On plaida de-
vant le roi, Baron pour les Comédiens français,
Dominique pour les italiens. Le moment venu, pour
Dominique, de s'expliquer : « Sire, demanda-t-il,
comment parlerai-je'.' — Parle comme tu voudras, >>
répondit le roi. Sur quoi l'astucieux péninsulaire s'é-
cria qu'il ne voulait rien de plus, et qu'il avait
gagné sa cause. Louis XIV sourit et ne s'en dédit
point.
Racine, dans la préface des Plaideurs, déclare
qu'il avait eu un instant l'idée d'écrire une pièce
pour le talent de Scaramouche.
Les Italiens gardèrent l'hôtel de Bourgogne jus-
qu'en 1697. A cette époque, ils représentèrent une
comédie intitulée la Fausse Prude. Mme de Maintenon
s'y trouvait quelque peu en cause, et cette fantaisie
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
coûta cher. Le théâtre fut fermé et la troupe exilée.
Voici ce que Saint-Simon raconte à ce sujet : « Le
roi chassa fort précipitamment toute la troupe des
comédiens italiens, et n'en voulut plus d'autre. Tant
qu'ils n'avoient fait que se déhorder en ordures sur
leur théâtre, et quelquefois en impiétés, on n'avoit
fait qu'en rire; mais ils s'avisèrent de jouer une
pièce qui s'appeloit la Fausse Prude, où Mme de Main-
tenon fut aisément reconnue. Tout le monde y cou-
rut, mais après trois ou quatre représentations, qu'ils
donnèrent de suite, parce que le gain les y engagea,
ils eurent ordre de fermer leur théâtre, et de vider
le royaume en un mois. Cela fit grand bruit, et, si
ces comédiens y perdirent leur établissement par
leur hardiesse et leur folie, celle qui les fit chasser
n'y gagna pas, par la licence avec laquelle ce ridicule
événement donna lieu d'en parler1. »
Nous n'avons pas à examiner ici l'influence que
purent exercer l'une sur l'autre notre comédie et la
comédie italienne vivant en un si étroit contact.
Rappelons seulement que, jusqu'à l'apparition des
troupes italiennes en France, les rôles de femmes,
sur nos théâtres, étaient tenus par déjeunes hommes ;
ce qui, d'ailleurs, atténue grandement l'idée qu'on
pourrait concevoir de l'immoralité des farces de
jadis. Ce furent les Isabelles et les Colombines qui
donnèrent à nos comédiennes le premier exemple-
A la fin du xvne siècle, il n'y avait plus à Paris que
les rôles de vieilles femmes qui fussent tenus par
des acteurs.
Signalons le court passage d'une troupe espagnole
qui, en 1660, après le mariage du roi et de l'infante,
donna quelques représentations au Petit-Bourbon,
mais sans aucun succès. Elle parut ensuite à l'hôtel
de Bourgogne; et comme les spectateurs, n'entendant
pas leur langage, continuaient de s'éloigner, la reine
prit ses compatriotes sous sa protection pour qu'ils
vinssent à la Cour. En 1663, ils reçurent une pen-
sion de 32000 livres et offrirent, parait-il, soixante-
treize spectacles.
En 1661, M,le de Monlpensier patronna une troupe
française qui joua pendant quelques mois rue des
Quatre-Vents, au Faubourg Saint-Germain.
Au Collège de Clermont2, les Jésuites faisaient
jouer fréquemment, par leurs écoliers, des tragé-
dies que le public pouvait voir, en louant des places,
aussi bien qu'aux théâtres réguliers.
N'oublions pas les marionnettes que Brioché, leur
inventeur, dit-on, articula au Château-Gaillard3,
vers 1650. Ni la troupe royale des Pygmées, des
marionnettes aussi, « qui n'étoient pas seulement
d'une grandeur extraordinaire, mais mesme repré-
sentant des comédiens avec des décorations et des
machines imitant parfaitement la danse et faisant
la voix humaine4 ». Dominique de Mormandin, sieur
de la Grille, qui les faisait mouvoir, avait obtenu un
privilège pour vingt années. Mais des poupées dan-
sant et chantant nuisaient, parait-il, au monopole
de Lulli, qui les fit supprimer. Nous croyons que ce
minuscule théâtre n'est autre que celui connu sous
i. Mémoires, 1. 1, chap, ixiai, in fine.
î. Les Jésuites, introduits en Franco après le concile de Trente
par Guillaume Duprat, évoque de Clermont. avaient été autorisés, en
1*61, i s'établir à Paris. Ils achetèrent, grâce à certains legs en leur
faveur dudit éveque, un terrain sis rue Saint-Jacques et qu'on appe-
lai! la Cour de Langrcs. C'est là qu'ils fondèrent leur Collège, eu 1564.
'■t. Le Château-Gaillard, où avaient été enfermées Marguerite et
Blanche de Bourgogne, et, où la première avait été étranglée en 1315,
dressait sa tour ronde sirr* la riic gauche de la Seine, vers l'citrèmité
du Pont-Neuf. Il fut démoli sous Louis XIV.
le nom de Théâtre des Bamboches, installé au Ma-
rais en 1677.
Citons encore la Troupe royale du Grand Scot Ro-
main, qui était venue s'établir dans la rue Mazarine,
tout près des Comédiens ordinaires du roi. Jouiliani
Scotto, non content de mettre en lumière ses mer-
veilleux talents de prestidigitateur, donnait aussi,
sous le nom de farces, des pièces imitées des Ita-
liens de l'hôtel de Bourgogne. Les Comédiens Fran-
çais, impuissants contre ceux-ci, s'en prennent du
moins à leur parodie. En 1681, en vertu d'une sen-
tence de police du 13 mars, ils réduisent le Grand
Scot à ses tours d'escamotage.
Enfin, il y avait grande quantité de loges à la foire
Saint-Germain et à la foire Saint-Laurent b. La lutte
des Comédiens Français contre la pauvre concur-
rence des spectacles forains fut une guerre longue,
incessante et sans merci6.
En 1662, un organiste de Troyes, Raisin n'osant
réunir de véritables acteurs, dont les efforts eussent
pu porter ombrage aux troupes officielles, avait fait
jouer de petites pièces par ses quatre enfants au
Faubourg Saint-Germain. Il avait même obtenu pour
eux le titre de Troupe du Dauphin. En 1664, sa veuve
avait continué le spéciale, et le succès en était de-
venu tel, grâce au jeune Baron, que Molière avait
fait ordonner par le roi audit Baron de se joindre à
sa troupe du Palais-Boyal ; à la suite de quoi l'en-
treprise avait périclité.
En 1681, un certain Languicher, s'inlilulant « seul
danseur de corde des Roys de France et d'Angle-
terre », monte à la même foire une comédie, L'Ane
de Lucien ou le Voyageur ridicule, entremêlée de
gymnastique périlleuse. Les Comédiens Français
lui font cesser ses représentations, étant donné qu'il
doit se borner aux « saults », avec seulement un
Gille pour en faire remarquer l'originalité.
En 1689, à la foire Saint-Laurent, Alexandre Ber-
trand organise des spectacles où figurent en même
temps des marionnettes et des jeunes gens. Les Co-
médiens Français l'avertissent. L'année suivante, à
la foire Saint-Germain, ils font démolir son estrade.
Cetle lulte des Comédiens Français pour la défense
de leur monopole, qui commence ainsi par des escar-
mouches, devait durer jusqu'à la lin de l'ancien ré-
gime, et c'est au xvin" siècle qu'elle s'est manifestéee
avec le plus de violence".
On ne sait pas grand'chose sur les troupes qui
parcouraient la province à celte époque. Scarron,
dans son Roman comique, a l'ait une peinture inté-
ressante de leurs mœurs; mais celle de Molière el
celle de Filandre seules ont laissé derrière elles la
Irace de leurs succès.
Quant à leur organisation, elle fait encore l'objet
de recherches patientes. 11 paraît à peu près certain
que ces troupes ambulantes venaient chaque année
dans la capilale, aux environs de Pâques, pour se
recruter et passer leurs contrats. Certains de ces
contrais ont pu être retrouvés, el leurs dispositions,
assez simples, renferment l'obligation, pour chacun
4. Voy. Molière, m oie et Kl a uvres, par Jules Claretie, p. 18S,
o. Celle-ci était située près de la rue S.nnt-l.aurent, entre les rues
du l'auhourg-Saint-Denis et du Faubourg-Saint-Marlin. Klle datait de
Louis le Gros, qui avait accordé le droit de foire aux religieux de
Saint-Lazare, lin octobre 1061, les Prêtres de la Mission, qui avaient
suciédéaux religieux de Sainl-l.:iz;tre. se liront roulirmer dans leurs
droits et privilèges. Cette foire durait du t" juillet au 30 septembre.
6. Voy. M. Jules ïi"N.\Assns. /.->,> Spectacles forains et la Comé-
die-Française.
7. Voy. plus loin, De Louis XIV a la Révolution.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3 TfiO
des associés, d'assurer un concours assidu ù l'entre-
prise, sous peine d'amende ; le partage des bénéfices
s'y Irouve aussi réglé selon une répartition égale ou
inégale1.
D'après les dispositions de l'édit de 1700, art. XX,
qui conférait aux lieutenants généraux de police la
juridiction sur les spectacles, aucune troupe ne pou-
vait s'établir en province sans l'autorisation de ces
magistrats. Ceux qui contrevenaient à cette règle
s'exposaient à une amende de 500 livres, ainsi qu'il
fut jugé par un arrêt du Conseil du 20 août 1708,
rendu sur la requête du lieutenant ee police de Gre-
POLICE, CENSURE ET DROIT DES PAUVRES
Le public, concurremment avec le Parlement, le
Grand-Conseil et le Conseil-Privé, ne laissait point
de manifester son propre sentiment au milieu de
ces interminables démêlés. Toujours ennemie du
monopole, alors surtout que son divertissement
entre en cause, la foule prenait, cela va sans dire,
le parti des forains. Toute tyrannie nouvelle exer-
cée contre ces malbeureux provoquait de sa part
des huées, des violences même, à l'adresse des pri-
vilégiés. Elle s'indignait contre l'Opéra qui interdi-
sait la danse aux marionnettes, et contre les Ro-
mains, autrement dit les comédiens tragiques.
Les ordonnances de police se succédaient vaine-
ment et restaient impuissantes à arrêter les troubles
qui se renouvelaient sans cesse aux représentations.
Nous ne pouvons citer in extenso toutes ces ordon-
nances; nous nous contenterons d'indiquer leurs
dates : 11 décembre 1672; 9 janvier 1673; 22 janvier
1674; 12 janvier 1685; 16 novembre 1691; 19 jan-
vier 1701 3.
Elles nous apprennent que des audacieux ne crai-
gnaient point de pénétrer, à force ouverte, armés
de mousquetons, de pistolets et d'épées, dans l'hô-
tel de Bourgogne et qu'ils cherchaient à y mettre le
feu, après avoir fort brutalement maltraité les spec-
tateurs, sans aucune considération pour leur qua-
lité.
Et le roi répète continuellement sa défense, sous
peine de la vie, de faire effort pour entrer à l'Aca-
démie de Musique ou aux Comédies Française et
Italienne, d'y paraître avec des armes à feu, d'y tirer
l'épée et d'y exciter du tumulte.
Nous ne voyons point mention de tels désordres
aux spectacles de la foire.
Il n'est pas nidifièrent de remarquer que, dans
l'ordonnance de police du 9 janvier 1673, parmi les
considérations sur lesquelles l'autorité s'appuie pour
prescrire le respect des spectacles à l'hôtel de Bour-
gogne, celle-ci est mise en relief, à savoir qu'il faut
par tous les moyens encourager les spectaieurs à
s'y rendre, maintenant que « tout ce qui pourroit
blesser l'honnêteté publique doit être heureusement
retranché ».
La censure s'appliqua-t-elle d'une façon vraiment
rigoureuse sous Louis XIV?
L'ordonnance de 1609 eu avait, on le sait, remis
i. Voy. 51. Ku'Joiv SuiiIh-, Hcchcrclies sur Muiicre. — 11. Jule
ioBXASsiES, BUt. Ad,,,. Com.-Fr., p. 11.
2. Voy. des Essarts, Les Trois Théâtres de Paris, p. I VI.
3. Delamare. Traite ,1,- l„ fut,,;:, I. I, l,v III. ht. 111. i-liap. iv
l'exeicice entre les mains du procureur du roi. Une
lettre de Ponlchartrain à d'Argenson, du 31 mars
1701, le lui confia, en sa qualité de lieutenant de
police : « Il est revenu au Roy que les comédiens se
dérangent beaucoup, que les expressions et les pos-
tures indécentes commencent à reprendre vigueur
dans leurs représentations, et qu'en un mot ils s'é-
cartent de la pureté où le théâtre estoit parvenu. Sa
Majesté m'ordonne de vous escrire de les faire venir
et de leur expliquer de sa part que, s'ils ne se corri-
gent, sur la moindre plainte qui lui parviendra, Sa
Majesté prendra contre eux des résolutions qui ne
leur seront pas agréables. — Sa Majesté veut aussi
que vous les avertissiez qu'elle ne veut pas qu'ils
représentent aucune pièce nouvelle, qu'ils ne vous
l'ayent auparavant communiquée, son intention
estant qu'ils n'en puissent représenter aucune qui
ne soit dans la dernière pureté4. »
Un an après, en 1702, le roi fait adresser quel-
ques reproches à ses Comédiens au sujet d'une
pièce de Boindin, un peu osée, le Bal d'Auteuil. Un
en arrête aussitôt les représentations. Louis XIV ne
voulait point de libertés choquantes sur une scène
que son gouvernement subventionnait; il ne voulait
point non plus qu'on y plaisantât aucunement sur
la fausse pruderie de Mme de Mainlenon, et les Ita-
liens eurent à se repentir de l'avoir imprudemment
tenté.
Nous ne voyons rien là que de très louable et de
très naturel. Il faut se souvenir que, malgré les
cabales, Molière put faire jouer Tartufe, et que, de
par la volonté souveraine, le Parlement dut en-
tendre les Plaideurs.
Dans une visite à la cour, les Italiens avaient re-
présenté le Scaramouchc Ermite. — « Je voudrais
bien savoir, demanda le roi au prince de Condé ,
pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la
comédie de Molière ne disent mot de celle de Sca-
ramouche. » Et le prince de Condé de répondre :
« La raison de cela, c'est que la comédie de Scara-
niouche joue le ciel et la religion, dont ces mes-
sieurs-là ne se soucient point; mais celle de Mo-
lière les joue eux-mêmes : c'est ce qu'ils ne peuvent
souffrir5. »
11 est assez précieux de retenir que, sous Louis XIV
et en sa présence même, on pouvait jouer le ciel et
la religion.
A dater des représentations du bal d'Auteuil, les
ouvrages dramatiques furent soumis à l'approbation
préalable de personnages spéciaux". Le règlement
pour l'Opéra du 11 janvier 1713 porte, dans son
article XVII, que : « Aucune nouvelle pièce ne sera
reçue ni représentée, qu'elle n'ait été préalable-
ment vue et approuvée de ceux qui seront chargés
de cet examen, et on ne pourra pareillement mettre
aucune pièce en état d'être représentée de nouveau,
sans qu'au préalable l'inspecteur général en ail
rendu compte. »
Établissement du Droit îles Pauvres.
Le moment est venu de parler d'un impôt sur les
spectacles, que Louis XIV n'a pas positivement créé,
mais pour lequel il a institué le mode de percep-
tion dont s'inspire la législation moderne : c'est le
Droit des Pauvres.
La première ordonnance qui témoigne du désir
. hepping, Corresp. adm-, t. II, p. 729.
. Préface du Tartufe.
. Jules KoNNAS-ir-.. Hut. Adm. d'IaCom.
ENCYCLOPÉDIE HE LA MUSIOVE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de l'aire bénéficier les pauvres des réjouissances
publiques, date de 1407. Cette ordonnance; régle-
mentant l'association îles Ménétriers, porte que :
• Pour ce qne ledit hospital Saint-Julien qui est
Fondé desdiz menestrelz, et n'a autres rentes sinon
des aumosnes des bonnes gens, yceulx ménestrel/,
sont et seront tenu/, de demander et cueillir l'au-
mosne Saint-Julien aux nopces où ilz seront louez,
et par dons acoustumez. »
Or, en 1339, la charité publique n'ayant peut-être
pas donné les résultats qu'on espérait d'elle, un
arrêt du Parlement, rendu le 1er septembre, impose
aux Confrères de la Passion l'obligation d'un prêt au
trésorier des pauvres :
« La Court deuement avertye que au moïen du
jeu de la Passion les aulmosnes des pauvres de ceste
ville de Paris ont esté disconlinuees et que les
maistres dudit jeu ont receu grans sommes de
deniers au moïen d'icelluy, a ordonné et ordonne
ausdiz maistres présens et pour ce mandez en icelle
court, mettre dedans demain es mains du trésorier
-iesdiz pauvres la somme de buit cens livres parisis
par forme de prest, en attendant que lesdiz maistres
ayent veu leur compte et regardé quelle somme ilz
pourront bailler et aulmosner ausdiz pauvres, la-
quelle somme de huit cens livres leur sera rendue
sur les premiers deniers que ledit trésorier recou-
vrera de sa receple, dont leur sera baillé seureté sur
deux cens livres de rente que doit Rrigalier, mar-
chand bourgeoys demeurant à Paris, de laquelle
rente les lettres de constitution seront mises es
mains desdiz maistres pour la seureté de leur deu,
et sera ce présent arrest exécuté sur l'extraict. »
On puisait donc dans la caisse des Confrères en
considération de leur succès. Comme ils jouaient les
dimanches et les jours de fêtes dans l'après-midi, les
offices étaient abandonnés pour leur spectacle, ce
qui ne faisait point l'affaire des prêtres, encore
qu'ils y suivissent eux-mêmes la foule! Les quêtes
étaient moins fructueuses, celles pour les pauvres et
celles pour le chapitre. La querelle des curés et des
comédiens commençait. Un prêt, c'était peu de
chose, moyennant des garanties. Un peu plus d'un
an après, c'est une contribution qu'on exige. Un
arrêt du 27 janvier 1541 dispose que :
« Sur lettres patentes portant permission à Charles
le Rover et consorts, maistres et entrepreneurs de
jeu et mystère de l'Ancien Testament, faire jouer et
représenter à l'année prochainement ledit jeu et
mystère, suivant lesdites lettres, leur a été permis
par la Cour à la charge d'en user bien et duement
sans y user d'aulcunes frauldes, ny interposer choses
profanes, lascives ou ridicules; que pour l'entrée du
théâtre ils ne prendront que deux sols d'entrée de
chacune personne, pour le louage de chascune loge
durant ledit mystère que trente escus; n'y sera pro-
cédé qu'à jours de festes non solennelles; commen-
ceront à une heure après midy, finiront à cinq, feront
en sorte qu'il n'en suive scandalle ou tumulte; et à
cause que le peuple sera distraict du service divin
et que cela diminuera les aulmosnes, il bailleront
aux pauvres la somme de mil livres sauf à ordonner
plus grandes sommes. »
Ce n'est là encore qu'une somme fixe. Mais l'idée
1. Bonaventurc des Périers raconte, à ce sujet, une plaisante anec-
dote. Jean du Ponlalais, un des plus fameui comédiens des moralités
d'alors, avait accoutumé d'annoncer son spectacle au son du tambour
première s'élargit; bientôt on va transformer la
contribution actuelle en redevance.
Hené Benoit, curé de Sainl-lùistache, vivait en aussi
mauvaise intelligence que possible avec ses voisins
de l'hôtel de Bourgogne1. 11 s'était adressé au Par-
lement pour obtenir que ceux-ci ne pussent jouer
qu'une fois les offices terminés. Oe leur côté, les
comédiens exposaient le grand préjudice qui en
résulterait, les jours d'hiver étant courts, et leurs
bénéfices déjà grevés de tant de charges. L'arrêt du
6 novembre 1574 leur donna gain de cause, faisant
état, dans ses motifs, de « la somme de cent écus de
rente qu'ilz payent à la recepte du roy pour le logis,
et de celle de trois cents livres de rente qu'il/, baille-
ront aulx enfants de la Trinité tant pour le service
divin que entretennement des pauvres ».
En 1577, le même curé de Saint-Eustache de-
mande la fermeture de leur théâtre, l'n nouvel
arrêt, le 20 septembre, est rendu à leur profit. Us
avaient fait valoir, pour défense, qu'ils payaient
« trois cents livres tournois aux enfants de la Trinité
pour le service divin, principalement pour l'entre-
tient des pauvres ».
Est-ce uniquement par vertu, est-ce encore par
calcul et pour briser la haine des congrégations à
leur égard, — les comédiens s'imposèrent volontai-
rement bien d'autres charges par la suite. En lf>7:i.
Chappuzeau écrivait : a La charité est fort en usage
entre les comédiens, ils en donnent des marques
assez visibles; ils font des aumosnes et particulières
et générales, et les troupes de Paris prennent de
leur mouvement des boistes de plusieurs bospilaux
et maisons religieuses qu'on leur ouvre tous les mois,
l'ai veu même des troupes de campagne, qui ne
font pas de grans gains, dévouer aux hospitaux des
lieux où elles se trouvent la recette entière d'une
représentation, choisissant pour ce jour-là leur plus
belle pièce pour attirer plus de monde. »
A la fin du xvn" siècle, les registres de la Comédie
font foi de dons mensuels qu'elle accordait à la plu-
part .les couvents : Récollets, Carmes-Dé
Grands-Auguslins, : livres Chaque dimanche, l8sols
pour les chandelles des religieux; cette mention vise
les Capucins, qui faisaient alors l'office de pompiers.
Depuis I69.'i, 2.;0 livres annuellement à l'abbé de
Saint Germain des Prés. A l'assemblée du 7 dé-
cembre 1693, on iécide que « sui l'avis qu'il a esté
arreslé. à la Police générale tenue au Parlement.
pour le soulagement des pauvres , que tous les
particuliers y contribuent volontairement, la Com-
pagnie donnera 400 liv. au Prévôt des marchands».
En 1696, les Comédiens reçoivent la requête sui-
vante :
« Messieurs,
» Les Pères Cordeliers vous supplient très-hum-
Meiueiit d'avoir la bonté de les mettre au nombre
des pauvres religieux à qui vous faites la charité. 11
n'y a pas de communauté à Paris qui en ait plus de
besoin, eu égard à leur grand nombre et à l'extrême
pauvreté de leur maison, qui souvent manque de
pain; l'honneur qu'ils ont d'être vos voisins leur fait
espérer qne vous leur accorderez l'effet de leurs
patienté de son tapage, se précipita pour lui .tut . Oui muis i
Tait si hardi de jouer pendant que je prêche .' ■ Pontalais repondit :
. Hé, qui vous a fait si hardi de prêcher pe.i.lant .jue je Inho
rine'.' , Furieux, le curé creva le tambour, l'.uit.il.u» reurul après lui
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3771
prières, qu'ils redoubleront envers le Seign'enr pour
la prospérité de votre chère Compagnie. »
Le 11 juin, l'assemblée inscrit les Cordeliers pour
3 livres par mois.
En 1700, même requête émanant des Petits-Augus-
tins :
K A Messieurs de l'illustre Compagnie
de la Comédie du Roi.
« Les religieux Augustins réformés du faubourg
Saint-Germain vous supplient très-humblement de
leur faire part des aumônes et charités que vous
distribuez aux pauvres maisons religieuses de cette
ville de Paris, dont ils sont du nombre, et ils prie-
ront Dieu pour vous.
« F. -A Mâché, prieur.
« F. Joseph Richard, procureur. »
Réponse identique.
Nous ne pouvons mentionner tous les elfets de la
générosité des différentes troupes; ils sont innom-
brables.
Or, le 25 février 1609, Louis XIV rendit une ordon-
nance capitale, publiée le 23 mars par d'Argenson.
tlonl le texte est ainsi conçu :
« Sa Majesté voulant, autant qu'il est possible,
contribuer au soulagement des pauvres, dont l'hôpi-
tal général est chargé, et ayant pour cet effet em-
ployé jusqu'à présent tous les moyens que sa charité
lui a suggérés, elle a cru devoir encore leur donner
quelque pari aux profits considérables qui revien-
nent des opéras de musique et des comédies qui se
jouent à Paris par sa permission.
« C'est pourquoi Sa Majesté a ordonné et ordonne
qu'à l'avenir, à commencer du premier mars pro-
chain, il sera levé et reçu au profit dudit hôpital
général un sixième en sus des sommes qu'on reçoit
à présent, et que l'on recevra à l'avenir pour l'entrée
auxdits opéras et comédies; lequel sixième sera remis
au receveur dudit hôpital, pour servir à la subsis-
tance des pauvres1. »
Que de discussions se sont élevées au sujet de cette
ordonnance! On a voulu y reconnaître, de la pari
du souverain vieillissant devenu la proie des Jésuites,
la volonlé de nuire au théâtre. « Cette intention, dil
M. Cros-Mayrevieille dans un ouvrage 1res intéres-
sant2, ne nous parait ;pas ressortir clairement de
l'acte royal; elle eût d'ailleurs manqué son but,
puisque l'impôt frappait directement le spectateur. »
Dire, toutefois, sous ce prétexte, qu'une pareille
intention eût manqué son but, cela nous semble
téméraire; car, somme toute, plus le plaisir se fait
coûteux, moins il attire. C'est évident. Et, conformé-
ment aux prescriptions ordonnées, îles comédiens
français et les directeurs de [l'Opéra élevèrent dans
une proportion assez considérable le prix des places.
En 1718, dans des mémoires adressés au Régent à
l'occasion d'un débat entre la Comédie et l'Opéra,
on voit, à côté de protestations contre l'impôt nou-
veau, que l'Opéra est grandement obéré (la faillite
de Guyenet ayant laissé 800000 livres de passif), et
que la Comédie est arriérée de 300 000 livres! Le
public était peut-être moins assidu.
Sans rechercher si, par ailleurs, à la fin de son
règne, Louis XIV a témoigné quelque malveillance à
l'égard des comédiens, nous voyons seulement que
Rapportée dans le Code de l'Hôpital l.inéral, public en 1780.
Le Droit des Pauvres sur les Spectacles en Europe.
les charges de l'Hôpital Général croissaient d'année
en année, et qu'il fallait trouver des ressources. Le
droit des Pauvres allait en procurer. « La [régulari-
sation de cet impôt, dit encore M. Cros-Mayrevieille,
était justifiée par la nécessité de mettre un terme au
débordement du paupérisme, celte plaie ,lu xvue siè-
cle, et était presque une mesure de sécurité. » Nous
nous permettons de dire qu'il y a, dans ce raisonne-
ment, une pétition de principe. Que la nécessité de
combattre le paupérisme soit apparue impérieuse à
Louis XIV, c'est fort à sa louange. Mais en conclure
que cette nécessité puisse justifier l'ordonnance de
1099, telle est précisément la question. Le gouver-
nement d'alors aurait pu, sans aucun doute, en
tempérant son gaspillage effréné de la fortune
publique, et avec l'énorme produit des impôts déjà
levés de tous côtés, doter très largement l'Hôpital
Général. Rien ne pouvait provoquer une taxe nou-
velle, sinon la pénurie du Trésor causée par une
gestion, criminelle des finances. La légitimité d'un
impôt sur l'Art demanderait à être mieux soutenue!
Juste un mois avant que ne fût rendue l'ordon-
nance, Pontchartrain écrivait au président de Har-
lay, administrateur de l'hôpital : « J'ai lu au roi le
mémoire que vous m'avez envoyé de ce que vous
croyez qu'on peut prendre sur l'Opéra et sur la
Comédie en faveur de l'Hôpital Général, el des offres
qui sont faites en conséquence. Sur quoi, S. M.
m'ordonne de vous dire qu'il lui paraît qu'il sérail
bien plus commode pour l'Hôpital même, pour Fran-
cine3, et pour tout le monde, que ce fût Franchie
même pour l'Opéra et les comédiens pour la Comé-
die, qui s'abonnassent à une certaine somme, plutôt
que d'y mettre ou un receveur particulier ou un
contrôleur, ce qui serait sujet à mille et mille incon-
vénients; et dans cette pensée, Sa Majesté a permis
à Franchie d'aller vous représenter se- raisons el
discuter avec ceux que vous chargerez de ce soin la
somme qu'ils devraient raisonnablemenl payer''. »
Cette idée de l'abonnement fut-elle mise en pra-
tique?
L'abbé de La Tour dit que la Comédie accepta
une charge de 40 000 livres. D'autre part, M. Edouard
Fournier déclare avoir trouvé dans les archives de
l'Assistance publique, consumées en 1871, des dc-cu-
cuments établissant que l'abonnement fut fixé à
40 000 livres pour l'Opéra, et à 25 000 livres pour la
Comédie.
Il est cependant dès maintenant certain, d'après les
registres de la Comédie examinés avec son attention
habituelle par M. .Iules Bonnassibs, que, du 5 mars
1099 au 4 janvier 1700, le sixième en sus fut acquitté
normalement. Quant à l'Opéra, les registres du
xvne siècle manquent à ses archives.
D'ailleurs, une nouvelle ordonnance du 30 août
1701, publiée le 1er septembre par d'Argenson, nous
semble bien prouver que la proposition de Pontchar-
train n'avait pas été suivie d'effet. Elle donne à en-
tendre que la Comédie et l'Opéra, interprétant à
leur moindre dommage le texte qui les frappait,
prétendaient ne faire peser la taxe que sur les béné-
fices :
« Sa Majesté s'étant fait représenter son Ordon-
nance du vingt-cinquième février 1699, par laquelle
Sa Majesté avoit ordonné qu'il seroil levé au profit
3. Directeur de l'Opéra.
4. Corresp. adm. de Louis XIV, t. II, p.
5. Réflexions sur le théâtre, p. 308.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de l'Hôpital General, un sixième en sus îles sommes
qu'on payoit alors pour l'entrée aux opéra et comé-
dies, pour être ledit sixième employé à la subsis-
tance des Pauvres; et voulant Sa Majesté prévenir
toutes difficulté/ à cause des prix differens qui pour-
roient être mis dorénavant aux places desdits opéra
et comédies, et conserver audit Hôpital le bien que Sa
Majesté a entendu lui procurer; Sa Majesté a ordonné
et ordonne que dorénavant il sera payé au lteceveur
dudit Hôpital le sixième de toutes les sommes qui
seront reçues, tant par ceux qui ont le privilège de
l'Opéra, que par les comédiens de Sa Majesté; lequel
sixième sera pris sur le produit des places desdils
Opéra et Comédies, sans aucune diminution ni retran-
chement, sous prétexte de frais ou autrement :
» Enjoint Sa Majesté au Lieutenant General de
Police de sa bonne Ville de Paris de tenir la main à
l'exécution de la présente Ordonnance, qui sera
publiée et affichée partout où besoin sera.
« Fait à Versailles, le 30 août 1701.
« Signé : Louis.
« Et plus bas : Phelyppaux. »
« Il est enjoint à Marc-Antoine Pasquierjuré-crieur
ordinaire du Roy, de publier et afficher à son de
trompe et cry public aux portes de l'Opéra et de la
Comédie, même dans les autres places et lieux
publics et accoutumez de cette ville de Paris, l'Or-
donnance cy-dessus, à ce que nul n'en prétende cause
d'ignorance. Ce fut fait et donné par Messire Marc-
René de Voyer de Paulmy, chevalier marquis d'Aï -
genson, conseiller du Roy en ses conseils, maislre
des requêtes ordinaires de son hostel, Lieutenant
General de Police de la Ville, Prevosté et Vicomte de
Paris, le premier jour de septembre mil sept cens un .
« Signé : De Voyer d'Argenson. »
Ainsi, c'est sur la recelte brute que devait être ac-
quitté le sixième.
Cette prescription fut renouvelée par les lettres
patentes du 7 octobre 1704, autorisant le transport,
fait par Franchie et Duniont à Guyenet, du privilège
de l'Opéra; et par celles du 8 janvier 1713, lors de la
résiliation de ce précédent traité à la suite du décès
de Guyenet, et d'une nouvelle cession par Franchie
et Duniont au profit de Mathieu, Besnier et con-
sorts.
Enfin, une ordonnance rendue le 30 janvier 1713
étendit la perception du sixième aux spectacles po-
pulaires des foires Saint-Germain / et Saint-Laurent.
Le règne suivant devait encore accroître cet impôt
déjà si lourd!
LE THÉÂTRE DE MUSIQUE DE LOUIS XIV À LA RÉVOLUTION
L'OPÉRA
Nous avons vu dans quel état déplorable Franchie
avait laissé l'Opéra, en 1728, pour en transmettre la
direction à Destouches, auquel devait succéder le
sieur Gruer, en 1730.
Celui-ci prit possession du théâtre en 1730, en
vertu d'un privilège nouveau, qui devait durer trente
années, mais qu'un arrêt du conseil d'Etat révoqua
le 30 novembre suivant.
Eugène de Thurel, capitaine au régiment de
Picardie, obtint la jouissance des vingt-neuf années
qui restaient à courir, mais il ne fut pas plus heu-
reux que son prédécesseur. Gruer, eu effet, avait
acheté la direction 300 000, livres afin d'acquitter les
dettes de l'Opéra, mais on ne sait où cet argent put
passer; quelques auteurs se demandent s'il ne fut
pas dilapidé par le prince de Carignan, qui avait
obtenu de Louis XV, en 1731, le titre d'inspecteur
général de l'Académie de musique. On dit aussi que
ce sont les associés de Gruer, le comte de Saint-Gilles
et le président Lebeuf, qui dénoncèrent un diner or-
ganisé par Gruer, le 15 juin 1731, à l'hôtel de l'Aca-
démie, et au cours duquel le directeur avait fait
danser ses artistes dans le costume le plus léger.
Toujours est-il qu'on se servit du scandale causé par
ces révélations pour déposséder Gruer de son pri-
vilège, mais sans nul profit pour l'Opéra.
En dépit de la protection royale, les entreprises
qui obtenaientTtour à tour la direction de l'Opéra
ne parvenaient pas à relever sa situation financière,
encore que toutes les ressources fussent mises à pro-
fit dans le but d'alimenter le budget. Tandis que ,1a
Comédie -Française, voulant briser toute concur-
rence, jusqu'à celle des marionnettes, demeurait
acharnée à la guerre qu'elle menait contre les spec-
tacles des foires, l'Opéra, de son côté, se prétendait
fondé, en vertu des ordonnances et des lettres pa-
tentes signées en sa faveur, à autoriser les petites
pièces à musique, moyennant redevance. Un arrêt
du Conseil, du 17 avril 1709, avait déclaré abusive
cette interprétation des textes; mais un arrêt ulté-
rieur, du 23 décembre 1715, adoptait une manière
de voir différente, et celui du 26 novembre 1716 con-
férait expressémeul à l'Opéra la faeulté d'adjuger
aux enchères le droit de chanter sur les scènes fo-
raines.
Depuis lors, les concessionnaires de l'Opéra firent
toujours marché du droit de chanter et de danser,
soit en vertu d'autorisations tacites du gouverne-
ment, soit en vertu de lettres ministérielles.
Le droit de donner des concerts aux Tuileries.,
pendant la quinzaine de Pâques, interdisait les
spectacles et les fêles, dont la célébration avait été
accordée au musicien Philidor, à condition qu'il ne
donnât que des concerts spirituels; mais comme
ces concerts dépendaient de l'Opéra, il dut payer
6 000 livres par an. D'ailleurs, la moindre musique
sur une scène devenait le prétexte de procès. La Co-
médie française et la Comédie italienne furent con-
damnées à des amendes de 10, 20 et 30000 francs,
pour avoir mis plus de six violons dans leur or-
chestre !
Un âne parut un jour à la Comédie italienne et se
mit à braire.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÈUA00G1E
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3773
«Taisez-vous, insolent, lui dil Arlequin, la musi-
que vous est défendue. »
Ces procès eux-mêmes montraient combien les
directeurs se trouvaient dans l'embarras, puisqu'ils
avaient recours à de pareils moyens pour se pro-
curer des ressources.
La lutte se continua pendant tout le xviii" siècle.
Des lettres patentes de juin 1769 défendaient
à quiconque de « faire chanter et exécuter avec
théâtre et décorations, ou autrement, aucunes pièces
de musique ou de danse, de faire aucun concert de
musique vocale ou instrumentale dans quelque lan-
gue que ce soit, ni de donner aucuns bals, pour
l'entrée desquels concerts ou représentations de
pièces de musique on prenne ou reçoive de l'arpent,
même de faire aucune association pour raison des-
dits objets, et ce sans la permission expresse et par
écrit des concessionnaires actuels de ladite Acadé-
mie royale de Musique, ou des personnes qui pour-
ront leur succéder, à peine de 10 000 livres d'amende,
applicable un tiers à l'Hôpital Général, et les deux
autres tiers au profil des concessionnaires actuels
de ladite Académie royale de Musique, et de confis-
cation des théâtres, machines, décorations, musique,
instruments et autres choses quelconques qui auraient
servi auxdiles représentations, concerts et bals ».
Un arrêt du Conseil du 11 juillet 1784, plus favo-
rable encore, donna à l'Opéra le privilège de tous
les spectacles des foires et remparts avec faculté de
cession.
Au cours du xvni" siècle, l'administration de l'O-
péra fait également l'objet de règlements que nous
allons analyser.
Un certain nombre de règlements concernant les
divers détails de l'administration, les pouvoirs des
directeurs et des inspecteurs, le nombre des sujets
pour le chant et la danse, et leurs appointements et
pensions, les rapports avec les auteurs, les entrées,
la police intérieure, etc., furent arrêtés au Conseil
du roi. Nous signalerons les plus importants de
ceux-ci.
L'arrêt du 30 mars 1776 divise tous les sujets en
deux classes, celle des appointés et celle des surnu-
méraires, ces derniers ne pouvant espérer d'avance-
ment qu'au choix. Il institue les feux, en outre des
appointements. Les sujets du chant et ceux de la
danse sont divisés en trois classes, sous la dénomi-
nation de premiers sujets, premiers remplacements,
premiers doubles. Les premiers sujets du chant reçoi-
vent un feu de bOO livres après dix représentions,
et pareille somme consécutivement de dix en dix; les
premiers remplacements et les premiers doubles, en
pareil cas, 400 et 200 livres. Les sujets de la danse
reçoivent, dans les mêmes conditions, un feu de 200,
de 120 el de 60 livres.
Les honoraires des auteurs, soit du poème, soit
delà musique, lorsque leurs ouvrages remplissent la
durée du spectacle, sont élevés à 200 livres pour
chacune des vingt premières représentations, à
lbO livres pour chacune des dix suivantes, à lOo livres
pour chacune des autres, jusques et compris la qua-
rantième. Dans le cas où le nombre des représenta-
tions excédera sans interruption celui de quarante,
chacun des auteurs recevra une gratification de
500 livres. Pour les ouvrages en un acte, les hono-
raires, acquittés dans les mêmes conditions, s'élè-
vent à 80, 00 el S0 livres.
Les gens de lettres et les compositeurs ayant fourni
trois grands ouvrages « dont le succès aura été assez
décidé pour les faire rester au théâtre » doivent jouir,
leur vie durant, d'une pension de 1 000 livres, aug-
mentée de 500 livres pour chacun des deux ouvrages
suivants, et de 1 000 livres pour le sixième.
Les dispositions des règlements de 1713 el de 1714,
touchant les pensions, sont maintenues. Toutefois,
au bout de vingt-cinq ans pour les hommes, et de
vingt ans pour les femmes, ceux qui auront, dès leur
entrée à l'Académie, exercé en chef un premier em-
ploi et n'auront jamais passé par le rang des doubles,
pourront recevoir une pension de 2 000 livres.
Des écoles de chant et de danse devront être éta-
blies le plus tôt possible.
L'arrêt du 3 janvier 178* présente aussi une très
giande importance. Revenant sur la nécessité de
former des élèves pour l'Académie, il décide la créa-
tion d'une « école tenue par d'habiles mailres de
musique, de clavecin, de déclamation, de langue
française et autres, chargés d'y enseigner la mu-
sique, la composition, et, en général, tout ce qui
peut servir à perfectionner les différents talents pro-
pres à la musique du roi et à l'Opéra ». C'est là l'ori-
gine de notre Conservatoire de Musique.
Afin d'encourager les écrivains à se livrer à la
composition des poèmes lyriques, un certain nombre
de prix sont créés pour être attribués aux plus mé-
ritants.
Les feux sont supprimés, mais les règlements con-
cernant les appointements et les pensions sont rema-
niés, de façon à procurer aux artistes de plus grands
avantages. Les 9.000 livres auxquelles s'élèvent les
appointements des premiers sujets sont désormais
passibles d'une retenue de 1500 livres, mises en
séquestre pour fournir un fonds de 22 500 livres, que
recevra chaque sujet après quinze années de ser-
vice. A cette époque, si ledit sujet se trouve hors
d'élal de continuer ses services, il lui sera payé an-
nuellement 75 livres d'intérêt pour chacune des re-
tenues de 1500 livres subies, et ainsi, d'année en
année, jusqu'à extinction du fonds de réserve. Si, au
contraire, il est jugé en état de demeurer à l'Acadé-
mie, le fonds de 22 500 livres lui sera intégralement
remboursé. Au bout d'un nouveau stage de cinq
années, il aura droit, en outre, à une pension de
2 000 livres, plus 500 livres encore pour les cinq
années suivantes.
Les remplaçants ayant droit à 7 000 livres d'ap-
pointemenls subiront aussi annuellement une re-
tenue de 1000 livres, pour former un fonds de
15 000 livres remboursables après quinze ans de ser-
vice, dans les mêmes conditions.
Les appointements des doubles sonl fixés à
3 000 livres sans retenue.
Les appointements du maître des ballets, des pre-
miers danseurs et danseuses, élevés à 7 000 livres,
subiront une retenue de 1 000 livres, et ceux des
danseurs et danseuses en remplacement, élevés à
S. 000 livres, une retenue de 1 000 livres également,
aux mêmes effets que nous avons exposés.
Les sujets qui viendraienl à quitter l'Académie
sans cause légitime et bien prouvée perdraient leurs
droits sur les fonds mis en séquestre.
Chaque semaine, à jour fixe, une assemblée géné-
rale des co-partageants arrêtera, sauf modifications
de la part du représentant du Secrétaire d'État au
département de Paris, le répertoire et la distribu-
tion des rôles.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSKJUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
lu arrêt du Conseil, du 13 mars suivant, modilie
complètement l'organisation antérieure de l'Aca-
démie.
Un comité composé d'un premier sujet du chant,
d'un premier danseur, de deux maîtres du théâtre,
du maître des ballets et du maître de l'orchestre,
sous la présidence du représentant du Secrétaire d'E-
tat, tiendra séance chaque semaine. Assisteront éga-
lement aux réunions un inspecteur général de l'Aca-
démie nommé par le Secrétaire d'État, et le secré-
taire de l'Académie.
Chacun des six membres du comité remplira
alternativement les fonctions de semainier.
Les semainiers en exercice et le comité rendront
compte par écrit au représentant du Secrétaire d'E-
tat de tout ce qui concerne la police intérieure de
l'Académie, de tout ce qui peut intervertir le bon
ordre et nuire au bien du service.
Les ordres provisoires du représentant du Secré-
taire d'Etat seront exécutés comme s'ils émanaient
du Secrétaire d'Elat en personne.
Le comité décidera provisoirement, à la pluralité
des voix, sur tous objets qui lui seront proposés, et
ses décisions motivées seront transcrites par le secré-
taire de l'Académie, puis visées par l'inspecteur
général qui les remettra au représentant du Secré-
taire d'Etat, alin qu'il y soit donné la sanction né-
cessaire.
Le comité arrêtera, dans l'assemblée du lundi, le
répertoire des représentations, ainsi que les répéti-
tions qui devront avoir lieu dans la quinzaine. 11 dis-
tribuera les rôles et réglera les entrées de danse. Il
proposera le choix des ouvrages nouveaux qui lui
auront été présentés, avec son avis, pour que le Se-
crétaire d'Etal puisse en faire l'examen conformé-
ment aux articles 13, 14 et 13 du règlement de 1714.
Il arrêtera toutes dépenses, dont l'état sera visé par
l'inspecteur général et approuvé par le représentant
du Secrétaire d'Etat, et, conjointement avec l'inspec-
teur général et le secrétaire de l'Académie, signera
tous mandats de payement et états d'appointements.
Il jugera, enfin, du talent de quiconque se présentera
pour entrer à l'Académie, de façon qu'il soit donné
tel ordre qu'il appartiendra à fin de début.
Les instructions du comité seront exécutées sur-le-
champ, sans que, sous aucun prétexte, les sujets ou
préposés puissent se dispenser d'y obéir, à peine
d'une amende de 24 livres pour la première fois,
d'une amende plus forte en cas de récidive, et de
renvoi si les actes de désobéissance se multipliaient.
Pour accorder aux sujets un intérêt dans les béné-
fices résultant de leurs efforts et de leur économie,
il sera tenu, le 10 de chaque mois, une assemblée
générale de tous les sujets co-partageants, où le
comité fera connaître la nature des recettes et dé-
penses. L'assemblée pourra formuler ses observa-
tions, dont il sera tenu registre par le secrétaire de
l'Académie, afin que le comité y puisse répondre
dans l'assemblée générale suivante.
Les droits des auteurs sont maintenus tels que les
avait fixés l'arrêt du 30 mars 1776. En outre, si les
représentations ininterrompues d'un ouvrage excè-
dent le nombre de quarante, il sera payé au poète et
au compositeur 500 livres de gratification. Leurs
honoraires, pour les ouvrages en un acle, s'élèveront
à 80 livres par chacune des vingt premières représen-
tations, à 60 livres par chacune des vingt suivantes,
à 50 livres pour les autres.
Sa Majesté confirme la décision du 10 avril 1781,
par laquelle elle accordait aux auteurs des grands
ouvrages une rétribution de 60 livres perçue, leur
vie durant, à toutes les représentations données
après la quarantième, et une rétribution de 20 livres
aux auteurs d'ouvrages en un acte.
Sont confirmés aussi l'article 20 de l'arrêt du
30 mars 1776 et l'article 38 de l'arrêt du 27 février
1778, aux termes desquels les poètes et les composi-
teurs qui auraient donné trois grands ouvrages,
dont le succès aurait été assez incontesté pour qu'ils
fussent gardés au théâtre, jouiraient, leur vie durant,
d'une pension de 1 000 livres, augmentée de 300 livres
par chacun des deux ouvrages suivants et de 1 000 li-
vres pour le sixième.
Un arrêt du Conseil du 28 mars 1789 rétablit l'u-
sage des feux. 11 réduit le chilfre des appointements
des premiers sujets du chant à 3 000 livres, et alloue
50 livres de feux par représentation; les appointe-
ments des premiers sujets de la danse sont fixés à
4 400 livres, leurs feux à 32 livres 10 sols.
Les appointements des remplaçants et des doubles
restent établis comme par le passé.
Les retenues prescrites par l'arrêt du 3 janvier
1784 sont maintenues pour former le fonds de re-
traite, et s'exerceront sur les gratifications annuelles-
La salle du Palais-Royal ayant été incendiée le
6 avril 1763, l'Académie se transporta provisoire-
ment aux Tuileries, dans la salle des Machines. La
salle du Palais-Royal fut rouverte le 26 janvier 177U;
mais un nouvel incendie l'ayant encore dévastée le
8 juin 1781, la construction d'un autre théâtre fut
décidée. Il fut édifié en quatre-vingt-dix jours, à la
Porte Saint-Martin, et inauguré le 27 octobre. L'o-
péra y demeura jusqu'en 1794.
Au cours du xvuie siècle, une grande époque mar-
qua le relèvement de l'Opéra, au point de vue de
l'exploitation musicale; ce fut la venue de Rameau
qui fut la cause des succès que l'Académie n'avait
connus, jusqu'alors, qu'avec I.li.li.
C'est en 1733, le Ier octobre, que Rameau fit repré-
senter, pour la première l'ois, Hippolyte et Aricie, qui
souleva de violentes oppositions de la part de tous
ceux qui étaient demeurés fidèles à Lulli. Néanmoins,
le succès s'affirma en quelques jours et s'imposa
bientôt.
Né à Dijon, le 25 septembre 1683, déjà célèbre
comme organiste) et connu comme théoricien, Ra-
meau avait obtenu de l'abbé Pellegrin le poème d'Hip-
polyte cl Aricie, en échange d'une reconnaissance de
500 livres tournois, qu'il ne devait d'ailleurs jamais
payer, car après l'audition du premier acte, l'abbé
Pellegrin déchira le billet en s'écriant qu'un pareil
musicien n'avait pas besoin de caution. En vain re-
mit-on en scène plusieurs opéras de Lulli, qu'on lit
chanter par Chassé, Tribou et M1" Eel, en vaindonna-
t- on, en 1733, Achille cl Deidamie de Caui'HA, les
Grâces de Mouket, pour faire échec à la musique
nouvelle. Rameau triompha, quelques mois après.
avec les Indes galantes. Cette seconde victoire aug-
menta le crédit de Hameau, qui devint le maître
absolu de la scène de l'Opéra, avec Castor et Pûllux,
en 1737, situation qu'il conserva jusqu'en 1764, date
de sa mort. Les Fêtes d'Hébê, Dardanus, les Fêtes de
Polymnie, les Fêtes de l'Hymen et de l'Amour, Nais et
Zoroustrc se succédèrent sans que la fortune de
Rameai déchût un instant. Ce compositeur reçut de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
Louis XV des lettres de noblesse, il fui exempté d'im-
pôts dans sa ville, et reconnu comme indispensable
par ses rivaux eux-mêmes. Rebel et Francœur, qui
avaient fait représenter Scanderberg en 173b, et Zélin.
dor, roi des Sylphes, en 1745, remplacèrent Berger,
qui lui-même avait succédé à Thuret, en 1744, comme
directeur de l'Opéra.
A signaler à la même époque, en 1742, le grand
succès de Mocret, l'auteur des Sens et des Amours de
llagonde.
La troupe de l'Opéra s'était entièrement modiliée.
Trois femmes remarquablement belles en faisaient
partie. Mlle Defresne, M"e Cartou, « la Hhodope
moderne », et M"e Clairon, dite Frétillon. Le rôle de
Castor avait révélé le ténor Jélyotte, et les princi-
paux rôles de Hameau avaient été créés par Mlles Pé-
lissier, Chevalier, Fel, qui créa, en 1753, te Devin du
village de J.-J. Rousseau, et surtout par Sophie Ar-
noult, qui, ayant débuté en 17138, avait interprété les
rôles de Télaïre et d'Iphise.
A côté d'elle, on trouvait les demoiselles Le Duc,
d'AziNcouRT, Rabo.n, Pbtitpas, Poulette et sa sœur
Mariette, Saint-Germain-.
Dans Armide, M"0 Chevalier et Mlle Metz s'étaient
signalées.
Enfin, la danse avait trouvé une nouvelle étoile, la
Gui.nard, et un danseur, Gaétan Vestris, élève de Du-
i>ré, qui surpassa bientôt son maître et fut lui-même
dépassé par Auguste Vestris son fils. Parmi les autres
danseuses, il faut citer les demoiselles La.nï, Allard,
Heinel et parmi les hommes Gardel, Dauuerv al, Laval,
Lyonnois et Lanï. Les directeurs s'étaient succédé
rapidement. La Ville, qui en 1749, avait donné le
théâtre en gérance à Rebel et Francœur, les avait
remplacés eu 1753 par Royeh, qui mourut en 1755.
Bon temps et Levasseur reprirent alors la gestion, qu'ils
gardèrent jusqu'au 1er avril 1757.
A cette époque, un privilège de 30 ans fut accordé
à Rebel et Francœur, et les 12 000 livres de dettes
furent payées par la ville.
L'activité de Rebel, les succès de Rameau, avaient
permis à l'Opéra de lutter contre la Comédie italienne
et l'Opéra-Comique, quand, le 6 avril 1763, le feu prit
à l'Opéra à 8 heures du matin, et en quelques heures
tout le théâtre était détruit. Cette salle avait été
construite par Lemercier en 1637, sur les ordres de
Richelieu. File avait été prêtée successivement à
Molière et à Lulli.
L'Opéra dut émigrer le 24 janvier 1704 aux Tuile-
ries, dans la salle des Machines construite en 1659
et puissamment aménagée par Soufllot. Les derniers
chefs-d'œuvre de Rameau, qui donnait les Paladins
a 78 ans et mourut le 25 août 1764, ainsi que les
premiers opéras de Gluck y furent donnés dans ce
véritable hangar, en attendant la nouvelle salle cons-
truite au Palais-Royal et qui ne fut prête que le
26 janvier 1770. Après dix ans de direction, en 1767,
Rebel et Francœur cédèrent la direction de l'Opéra à
Trial et Berton, qui tentèrent de remettre à la mode
les opéras de Lulli; puis, les directeurs se suivirent
et se croisèrent jusqu'à la Révolution, soit à la suite
du règlement de la ville de Paris comme en 1776,
soit par des modifications de régime comme en 1778,
quand de Vismes devint entrepreneur général de
l'Opéra avec un privilège de 10 ans et une subvention
de 80000 livres, la première que l'Opéra ait reçue1.
C'est au cœur de cette période tourmentée que
chronologique
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 8775
naquit la tragédie lyrique avec les œuvres du cheva-
lier Gluck. Alors qu'à l'Opéra-Comique, Monsigny,
Grétry et Philidor représentaient des œuvres réunis-
sant le charme de la mélodie au sentiment de la
gaieté, l'Opéra, dès le 19 avril 1774, avait adopté le
genre tragique et grave avec Iphigénie en Aulide. Au
lendemain de la mort de Louis XV, le 10 mai 1774,
et de l'exil de Mme du Barry, qui faisait opposition
à la musique nouvelle de Gluck, le triomphe de
celui-ci éclipsa tous ses rivaux; il avait été soutenu,
dès sa première représentation, par Marie-Antoi-
nette, le Dauphin et le comte de Provence. 11 était
arrivé à Paris, après avoir obtenu tous les succès
sur les théâtres d'Italie et d'Allemagne, envoyé par-
le bailli du Rollet, attaché à l'ambassade de Frauce
à Vienne, et pour obtenir les grâces de la Dauphine,
Marie-Antoinette, il lui avait donné des leçons di
chant. Trois mois après Iphigt'nie en Aulide, le 2 août
1774, il donnait Orphée, dont le 2e acte était porté
aux nues. Le ténor Legros chantait le rôle d'Orphée.
I. arrivée, M"os Duplant, Arnould et Rosalie Levas-
seur avaient rempli les autres rôles.
Cependant, la faveur de Marie-Antoinette et de la
cour avait suscité de nombreuses jalousies. '»i
Barry, de concert avec le marquis CaraccioJi, am-
bassadeur de .\aples, fit venir, par l'intermédiaire dr
M. de Breteuil, en lui assurant une gratification
annuelle de 2 000 écus, le musicien italien Piccimi,
qui devait faire entendre sa musique à Paris.
Dès lors, la lutte commença entre les gluckistes
et les piccinistes. Les représentations d'Orphée, pour
lesquelles on remplaça le clavecin par la harpe,
furenl le prétexte de discussions violentes. L'abbé
Galiani, auquel quelqu'un se plaignait que la salle
de l'Opéra fût sourde, répondit : « Elle a bien de la
chance! »
Les Italiens reprochèrent à Gluck d'avoir pris chez
eux des modèles qu'il avait trop peu modifiés, et on
se plaignait du peu d'importance des ballets dans
lesquels paraissaient Vestris, Gardel et M"e Heinel.
Les partisans de Gluck, de leur côté, s'extasiaient
sur cette musique, u Puisqu'on peut avoir un si
grand plaisirjpendant deux heures, disait J.-J. Rous-
seau, je conçois que la vie soit bonne à quelque
chose. » El l'abbé Arnaud répétait après le premier
acte : « Avec cet air on fonderai! une religion », en
faisant allusion au premier chant d'Agamemnon.
Le 23 avril 1776. Alceste était représentée; le 3e acle
fut discuté, mais Ml,e Arnould, qui avait réussi
dans Iphigénie et Orphée, avait été remplacée par
M1'5 Levasseur, protégée par le comte Mercy-Argen-
teau, le bienfaiteur de Gluck. D'où des difficultés
nouvelles pour l'auteur, au cours des répétitions.
M"'' Levasseub fut remplacée avec avantage, le
17 mai 1776, par M'|e Laguerre, qui imposa Alceste
au public.
Piccini commençait à écrire un opéra sur le
Roland de Marmontel, alors que Gluck préparait le
même sujet. Ce fut le prétexte de nouveaux libelles
et d'épigrammes dans lesquelles Suard, Arnaud,
Coquéau, du Rollet dirigeaient les gluckistes, tandis
que les piccinistes avaient à leur tète Marmontel, La
Harpe et d'Alembert.
En 1777, lorsque Armide parut sur la scène, un
troisième groupe de musiciens entrèrent dans la lice :
c'étaient les partisans de Lulli, qui réclamaient
qu'on reprit les œuvres du musicien italien. A cause
d'eux, les premières représentations eurent un suc-
cès douteux. Les lullistes avaient organisé une
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
cabale pour la seconde représentation, et (iH'ck ne
put y parer qu'en obtenant de la reine Marie-An-
loinette qu'elle vint elle-même au spectacle.
A quelque temps de là, le 27 janvier 1778, Piccini
donna Roland; la reine y vint également, s'abstint
d'applaudir; mais, malgré elle, les auditeurs accueil-
lirent cette œuvre avec une grande faveur et rame-
nèrent Piccini en triomphe chez lui. L'exécution était
pourtant très défectueuse. M»" Levasseur chantait
faux, Lbgros et Larrivée se montraient très impar-
faits, néanmoins, les douze premières représenta-
tions rapportèrent 61920 livres, alors qa'Iphigtme
n'avait rapporté que 61 833 livres.
Cependant, Gluck n'avait pas été ému plus que de
raison par ce succès ; à chaque reprise d'Armirie, le pu-
blic semblait mieux comprendre. Il s'attacha au con-
traire avec plus de soins à son Iphigênie en Taurlde,
qui, le 18 mai 1779, obtinL tout les suffrages. 11 avait
pris soin, en même temps, de se concilier le parti
des lullistes, en respectant le texte à'Armide que Qui-
nault avait écrit pour Lulli. Le nouveau directeur de
l'Opéra, entrepreneur à ses risques et périls depuis
1778, Devismes, voulut profiter de ces succès pour
faire jouer ses artistes tous les jours. Il arriva
même à donner cinq opéras par semaine. Il entre-
mêlait ces spectacles d'opéras bouffons d'ANFOssi et
de Paisiello, et lit écrire par Grétry les Trois Ages
de l'Opéra, dans lesquels, après Lulli, Rameau et
Gluck, Piccini était oublié. Il avait mis tous ses
soins dans la mise en scène et les costumes, et son
activité réussissait à donner de la vie à l'Acadé-
mie de musique; le public accourait, les recettes
étaient abondantes, néanmoins, elles ne couvraient
pas le chiffre des dépenses. Il offrit la résiliation de
son bail pour ne pas être ruiné, mais il fut éconduit.
Pendant ce temps, lieaumarchais lui suscitait des
tracas de tous genres. Le directeur ayant pris une
mesure de police pour interdire l'entrée de l'amphi-
théâtre aux femmes qui portaient des coiffures colos-
sales, cette innovation ne fut que la cause d'une
nouvelle difficulté. M'" Saint-Quentin lança la coif-
fure à la Devismes; en même temps, les chefs des
ballets et des chœurs voulurent s'emparer du pou-
voir. Ils se réunirent chez M"e Guimard, dans son
palais de la Chaussée d'Antin, et Auguste Vestrh
mena la révolte.
Bref, les tracasseries des artistes devinrent si
graves qu'il fallut signifier des lettres de cachet à
Auguste Vestris et à Dauberval, qui refusaient de
danser dans Armide. La révolte de l'Opéra fut ter-
minée par le prévôt des marchands, qui, au mois de
mars 1779 reprit l'administration de l'Opéra. La ville
de Paris résilia le bail et conserva Devismes comme
directeur gérant; elle lui donna 100 C00 livres et une
pension de 9 000 livres; le marché réussit par l'inter-
médiaire de Campan, le valet de chambre de la reine.
La guerre musicale continuait dans toute sa force,
quand Berton, directeur de la musique, essaya de
réconcilier les parlis. Gluck et Piccini s'embrassèrent
et se firent mutuellement les éloges les plus pom-
peux. Au dessert, Gluck fit à son nouvel ami des
confidences sur les Français : « Bonnes gens qui le
faisaient rire; ils veulent qu'on leur fasse du chant,
mais ils ne savent pas chanter. » Cette réconciliation
n'eut pas de lendemain.
Deux livrets portant le titre d' Iphigênie en Tauride,
donnés par Devismes à Gluck et à Piccini, qui tous
deux devaient écrire de la musique sur le même
sujet, déterminèrent la reprise de la lutte.
Nous avons vu le succès de l'œuvre de Gluck, en
1779, et Piccini garda provisoirement son œuvre, qui
ne fut exécutée que deux ans plus tard, à un moment
où les disputes s'étaient apaisées.
Gluck reçut 12 000 livres, plus une gratification de
4000 livres, et il en obtint 10 000 pour sa partition
d'Echo et Narcisse, qui fut représentée la même
année. Cet opéra ne réussit qu'à demi, fut suivi de
VEcot mal payé, parodie jouée à la Comédie italienne,
et Gluck, affecté de cet échec, quitta Paris pour
Vienne, où il mourut d'une attaque d'apoplexie,
laissant un héritage de 60 0000 livres.
C'est à la répétition générale d' Iphigênie qu'on
découvrit un jeune homme qui s'était glissé dans
une loge obscure, et qui y avait passé la nuit pour
assister à la première représentation. C'était Méhul,
qui, présenté à Gluck, devait donner dix ans plus
lard Euphrosine et Coradin.
Délivré de sou rival, Piccini fit alors représenter
Atys, le 22 février 1780, sur le livret de Quinault,
arrangé par Marmontel, dont les représentations
ne furent arrêtées que par l'incendie du Palais-Royal,
le 8 juin 1781.
Le privilège de l'Opéra avait été retiré le 17 mars
1780, à la ville de Paris, qui dut payer 200 000 livres
de dettes. Necker régla les dépenses comme direc-
teur des finances, et mit Berton à la tète de l'Acadé-
mie, sous les ordres de l'intendant des Menus Plai-
sirs, La Ferté. Le roi augmente alors la subvention
de l'Opéra et la porte à 150000 livres; il lui donne
les costumes et décorations des Menus-Plaisirs, éva-
lués à 1500 000 livres, à la condition que l'Opéra
joue douze fois par an à Versailles et à Fontaine-
bleau.
Dans la salle des Menus-Plaisirs, où l'Opéra s'ins-
lalle en 1781, on reprend le Devin du Village, Echo
et Narcisse, pendant que s'élève la salle de la Porte
Saint-Martin qui devait être prête le 27 octobre de
la même année. C'est là que furent représentées les
œuvres de Grétry, Colinette a la Cour, 1782, la Cara-
vane du Caire, Panurge, les opéras de Sacchi.ni, ( Edipe
à Colone, 1787, le Déniophon de Cherubini, la Didon
de Piccini, Démophon de Vogel, les Puritains de Bel-
uni et le Pré aux Clercs d'HÉROLD.
Sous la direction de Dauvergne, qui avait été
nommé en 1789, les nouveaux auteurs obtinrent
d'être représentés quelle que fût leur école. Le direc-
teur itail assisté d'un comité composé de Gossec,
Legros, Durand, Laine/., Gardel, Noverre, Dauber-
val, qui s'occupaient particulièrement du matériel.
Il avait engagé M"'c Saint-Huberti, qui reprit Roland,
M"0 Dozon qui avait triomphé dans Didon, ainsi que
les deux Vestris, qui avaient dansé un ballet en
vogue, le Déserteur, de Maximilien Gardel, le 10 oc-
tobre 1784.
La fin de l'ancien régime l'ut marquée par la
représentation d'Antigone de Zingarelli, arrêtée <ie-
la troisième représentation, le 30 avril 1790. La ville
de Paris reprit alors la direction de ['Académie
royale de musique, qu'elle administra par des com-
missaires. Le comité de Salut public prohiba, le
Il février 1790, les mascarades et les déguisements,
supprimant ainsi les bals de l'Opéra.
Une représentation invraisemblable termine la
période royale, c'est La Prise de la Bastille, hiéro-
drame tiré des livres saints par Désaugiers et exé-
cuté par les artistes de l'Opéra, dans l'église Notre-
Dame, le 13 juillet 1790. Un Te Deum termine la
représentation.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES RAPPORTS DE LA COMÉDIE FRANÇAISE
ET DE L'OPÉRA
Les Comédiens Français défendaient àprement
leur monopole, et les concessionnaires de l'Opéra
faisaient marché du droit de chauler, de danser, à
l'aide de cessions arbitraires, en vertu d'autorisa-
tions tacites, ou même de lettres ministérielles, qui
leur permettaient d'améliorer leur situation obérée,
en trafiquant de leur privilège.
L'Opéra, qui avait été en butte aux poursuites
des Comédiens-Français, en raison des aulorisa-
tions données à des entrepreneurs de spectacles,
ainsi que nous le venons au chapitre des forains,
avait à cœur de reprendre sa revanche contre la
Comédie-Française, à propos des musiciens ou des
chanteurs qui y étaient employés1.
Il y avait, en effet, dans le répertoire de la Comé-
die-Française, de nombreuses pièces qui exigeaient
de la musique. Ainsi l'Andromède de Corneille était
accompagnée des chœurs de Dassoccy, les pièces de
Molière se coupaient de divertissements et de bal-
lets ; c'est d'ailleurs sous le nom de comédies-ballets,
qu'elles étaient jouées à la cour.
Les six violons qui composaient alors l'orchestre
du Palais-Royal avaient d'abord été placés der-
rière le théâtre, puis dans une des loges du fond.
Ce n'est qu'en 1675 qu'ils vinrent entre le théâtre
et le parterre, pour la première représentation de
l'Inconnu.
L'ordonnance du 12 août 1672, rendue après l'ar-
rivée de Lulli à l'Opéra et sur sa demande, consolida
le privilège de celui-ci en interdisant aux comédiens
d'avoir plus de six voix et de douze violons, et encore
cetfe tolérance ne fut-elle admise qu'en considéra-
tion des œuvres de Molière, dont les représentions
exigeaient ce minimum d'orchestre. Obligé d'aban-
donner les comédies-opéras, Molière se sépara de
Lulli, avec lequel il avait collaboré jusqu'alors, et
se rejeta sur la danse, qui n'était pas encore inter-
dite. Le Malade imaginaire ainsi que le Bourgeois
gentilhomme étaient montés avec des intermèdes
et des cérémonies. M'i" Molière et Lagra.nge y chan-
taient encore des couplets et des airs composés par
Charpemtier, qui avait succédé à Lulli, dans la con-
fiance de Molière. On sait qu'à la troisième repré-
sentation du Malade Imaginaire, Molière mourait, el
Lulli profita de cette disparition pour faire réduire
encore les orchestres de la Comédie. Le 30 avril
1673, il provoqua une nouvelle ordonnance limitant
le nombre des violons à six et le nombre des voix à
deux. Comme les anciens amis de Molière n'avaient
pas tenu compte de cette ordonnance, qui ne pou-
vait atteindre, pensaient-ils, les œuvres de leur
maître, le directeur de l'Opéra leur fit rappeler les
termes de l'ordonnance de 1673, en y ajoutant l'in-
terdiction d'avoir des musiciens à gages.
Les comédiens en furent réduits à se servir de
machines, à monter des ballets qui remplaçaient
tant bien que mal les chanteurs interdits; mais,
comme ils étaient arrivés, malgré la rigueur des
ordonnances, à rivaliser de pompe avec l'Opéra,
Lulli obtint qu'on leur interdit les danseurs. C'est
ainsi que les représentations de Circé, de Thomas
I. Ed. de Cliauvcron, les Grands Procès de la Comêdie-Fran
page 00.
Copyright by Librairie Delagrave, 1930.
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3777
Corneille et de Visé, dont la musique avait été
écrite par Charpentier, durent être suspendues.
Quand, en 1716, les comédiens reprirent A t Italie, et
en 1721 Esther, qui avaient été représentées par les
demoiselles de Saint-Cyr, avec la musique de Moreau,
en 1689 et 1691, ils durent supprimer la plus grande
partie des chœurs, car, à cette époque, des ordon-
nances sans nombre, provoquées par les infractions
de la Comédie, et des lettres patentes de 1715 les
avaient contraints à respecter le privilège de l'O-
péra.
Depuis lors, quand, dans les pièces du Théâtre-
Français, se trouvaient des « vaudevilles » et des
couplets, on se garda d'enfreindre les règlements et
on limita le nombre des chanteurs à celui qui était
accordé. Quelques infractions furent aussitôt suivies
de sanctions; les Comédiens furent comdamnés à
500 livres d'amende, le 20 juin 1716, pour une
représentation du Malade imaginaire, entremêlée de
danses et de chants avec plus de violons que les or-
donnances ne l'autorisaient.
Le 17 décembre 1717, une contravention est
dressée, à la demande de l'Opéra, pour la représen-
tation de Métempsycose des Amours ou les Dieux Co-
médiens, qui comptait neuf violons ou hautbois. Les
Comédiens réclament, ils prétendent que l'Opéra qui
les poursuit ferme les yeux sur les abus de la Co-
médie italienne et des Forains. Ils n'obtiennent rien,
les interdictions sont renouvelées dans l'arrêt du'
1er juin 1730, rendu au profit de Gruer, au moment
où il prenait la direction de l'Opéra, et dans un
autre arrêt du 11 novembre 1741, qui prononce par
avance 10000 livres d'amende contre tous ceux qui
enfreindront le privilège de l'Opéra.
En 1746, nouvelle poursuite à propos du Nouveau
Monde el de l'Inconnu; et comme les Comédiens n'a-
vaient tenu aucun compte des interdictions de Ber-
ger, directeur de l'Opéra, qui avail protesté contre
les ballets exécutés par les danseurs, et les scènes
de musique, ils furent condamnés, le 30 octobre de
la même année, à payer 30000 livres de dommages-
intérêts, avec défense de récidiver.
L'obéissance aux règlements qui avaient prévalu
au début du xvuie siècle, et qui n'avaient eu pour
résultat que d'aggraver les prétentions de l'Opéra,
entraîna la révolte des Comédiens. En 1751, ils por-
tèrent leur orchestre à huit instruments, et deux ans
après, la Comédie compte un maître de ballet, treize
danseurs et danseuses, un couple de danseurs ita-
liens, huit violons et une flûte. Ces ballets, un ins-
tant interdits, furent autorisés par le roi après que
les Comédiens, ayant fermé leur théâtre, eurent porté
leurs doléances par remontrances. Le règlement de
1757, qui modifia, nous l'avons vu, 1'organisalion de
la Comédie, attribua au second semainier l'inspec-
tion de il'orchestre, qui compte douze musiciens,
et des ballets, qui comptent un maître de musi-
que, un maître de danse, des danseurs et des figu-
rants.
Peu] à peu, la Comédie augmenta son personnel
musical. En 1759, le duc d'Aumont admit les trois
violoncelles, puis on y adjoignit un cor de chasse,
un timbalier, si bien qu'à la veille de la Révolution,
la Comédie comptait trente musiciens et trente-six
personnes pour les ballets.
La musique était alors si bien admise, qu'on put
représenter le Barbier de Sêville, que Beaumarchais
avait d'abord destiné à la Comédie-Italienne; l'Opéra
ne songea même pas à user,_de_ représailles.
BlfCrCLOPÉnTE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
LES FORAINS
Au xvii" siècle, les grandes foires qui se tenaient
dans toute la France étaient le prétexte de représen-
tations IhéàLrales. Les petites villes n'avaient pas de
théâtre, aucune tournée n'y venait jamais, et ce n'est
qu'à l'occasion des fêtes qu'on rencontrait, sur les
places publiques, des forains qui entremêlaient leurs
jeux de scènes amusantes. A Paris, la foire de Saint-
Germain se tenait sur les domaines de l'abbaye de
Saint-Germain des Prés.
La foire Saint-Laarent, ainsi nommée parce qu'elle
s'ouvrait la veille de la fête de saint Laurent, était
lixée entre les fausses portes Saint-Laurent et Saint-
Martin; après n'avoir duré qu'un jour, elle réussit,
en 1740, à obtenir une autorisation qui lui permit de
rester ouverte pendant deux mois. Ces foires étaient
fort courues. Toutes les personnes de qualité s'y ren-
daient le soir, et les frères Parfaict assurent que
« ce lieu est moins une foire qu'un palais enchanté
où tout le monde se trouve assemblé comme à un
rendez-vous1. »
Il fallait que ces forains fussent des concurrents
sérieux, pour que la Comédie-Française les poursui-
vit avec l'opiniâtreté qu'elle montra pendant de
longues années.
Tant que les forains s'étaient contentés de marion-
nettes, d'animaux sauvages, de géants, de chiens et
de singes savants, d'équilibristes et de danseurs de
corde, les Comédiens n'avaient eu à se plaindre
d'aucune rivalité.
Mais les forains ne tardèrent pas à joindre des
comédiens à leur programme, à représenter des bal-
lets, qui éveillèrent l'attention de ceux qui jouis-
saient d'un privilège.
Tout d'abord, les forains se crurent protégés par
les franchises qui suspendaient, pendant la durée des
foires, le privilège des corporations; mais ils durent,
sous peine d'une amende, demander L'autorisation
des comédiens pour chaque représentation ou obte-
nir du roi une licence, comme l'organiste Raisin, qui
faisait joner une épinette, à la foire Saint-Germain.
A la lin du xvu= siècle, des enfants connus sous le
nom de Bamboches, des sauteurs dirigés par Maurice
von der Beck et Alard, jouèrent de véritables pièces,
avec l'autorisation de Sa Majesté, « d'accompagner
leurs sauts de quelques discours ». Cependant, ces
exemples et les succès que les Bamboches obtenaient
entraînèrent trop d'imitateurs. Le lieutenant généra)
de police reçut, en 1698, la plainte des Comédiens
Français, qui protestaient contre les salies de spec-
1 ; i , • t , ■ s montées dans les foires où des acteurs de pro-
vince jouaient, de véritables pièces.
Le làeutemajit générai de police, d'Argenson, con-
vaincu que ces représentations portaient atteinte
au privilège exclusif accordé par le roi, en faveur
de ces comédiens, rendit deux sentences, les 20 et
27 février 1699, par lesquelles les comédiens de la
faire Saint-Germain étaient menacés de 1500 livres
de dommages-intérêts s'ils représentaieal quelque
comédie on farce. Le Parlement fut saisi d'un appel
par les forains, Alard, la veuve Maurice et Bertrand,
et comme l'affaire traînait, et que le Parlement n'a-
vait pas rendu son arrêt, les forains représentèrent
1. Ednrond de'Chauveron, le/ GraflSa Procti
,aise, page 3 .
les pièces de la Comédie Italienne qui venait de
partir. Ce n'est qui- le 26 juin 1703 que le Parlement
confirma les sentences du lieutenant de police. Au
mois d'août suivant, à la foire Saint-Laurent, les
forains usèrent d'un expédient, ne jouèrent que des
fragments arrangés, et ils réussirent parfaitement
auprès du public.
Ce succès exaspéra les Comédiens, qui obtinrent
du lieutenant général de police, le 15 janvier 1704,
une nouvelle ordonnance, par laquelle les scènes
détachées étaient interdites.
Un nouvel appel des forains suspendit encore
l'exécution de ces sentences. Bertrand développa
ses spectacles à l'aide d'une troupe de province,
donna des spectacles comiques, abaissa le prix des
places, et obtint du public l'accueil le plus favorable.
En 1706, pendant la foire Saint- Germain, deux
sentences frappèrent les forains. Il était interdit à la
veuve Maurice, à Bertrand, Selles et Tiquet et autres
« farceurs » de représenter aucun spectacle avec
dialogue, sous la sanction de 300 livres de dommages-
intérêts envers les Comédiens et de 30 livres d'amende.
Cette fois-ci, ce fut le receveur des revenus de
l'abbaye de Saint-Germain qui porta l'affaire eu
appel, au nom du cardinal d'Estrées, abbé de Saint-
Germain des Prés, propriétaire du terrain de foire,
au nom des libertés et des franchises de cette foire.
Le -22 février 1707, un arrêt de la Cour donna raison
aux Comédiens Fiançais et maintint les sentences
du lieutenant de police.
Les dialogues étant interdits, les forains eurent
recours aux monologues. Un seul acteur parlait. Les
autres faisaient des signes; c'est ainsi qu'ils jouèrent
Arlequin écolier ignorant, et Scaramouche pêduni seru-
/.uleii.r, pièces en trois actes.
Des forains, Dolet, La Place et Bertrand, lurent
mis en cause par les Comédiens, qui prétendaient
caractériser le dialogue par les gestes des acteurs,
qui parfois paraissaient répéter tout bas ce que leur
camarade avait dit.
La Comédie en avait fait dresser des procès-ver-
baux. Le 30 août 1707, un commissaire déclarait :
« Ayant pris place dans une loge, nous avons observé
qu'après que les marionnettes ont été jouées sur le
théâtre, il a puni un Snirumoucheel plusieurs acteurs,
au nombre de sept, qui ont représenté une comédie
en trois actes, ayant pour titre : Scaramouche pédant
scrupuleux : que, presque à toutes les scènes, l'acteur
qui avoit parlé se retiroit dans la coulisse ci revtt-
noit dans l'instant sur le théâtre, où l'acteur qui
l'ioii resté parlai! à son tour et formai! pai la une
espèce de dialogue; que les mêmes acteurs se nar-
loienlel répondoienl dans les coulisses, et que, d'au-
tres fois, l'acteur répétait tout haut ce que son cama-
rade lui avoit dit tout bas'. »
Le lieutenant d'Argenson condamna les forains
à 300 livres de dommages-intérêts, et permit aux Co-
médiens de faire abattre les théâtres de foire, eu cas
de récidive. Bolet, La Place et Bertrand firent appel
an Parlement de cette sentence, et les Comédiens
firent appel de leur coté, parce qu'ils n'avaient pas
été autorisés à démolir immédiatement les théâtres.
Eu vain, l'avocat îles forains essaya-t-il d'apitoyer
le Parlement suris triste situation de ses clients; un
arn't du 2 janvier nos confirma les sentences de
d'Argenson, menaçant les forains dé l 000 livres d'a-
.lnl.'s i;u\nas:,ie-, /..., ï/t, ,-t-u- Va /'orams et la Corn.
i.p. 18.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDACQGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 377-j
metule el do la démolition de leur théâtre, en cas
de nouvelles contraventions.
Deux forains, Rochepart et Tiquet, reprirent les
marionnettes et s'en furent jouer en province.
I.a veuve Maurice et Alard, qui n'avaient pas été
ittquiétés dans les dernières poursuites, obtinrent
les arrangements du directeur de l'Opéra Guyenet,
qui leur permit de faire usage de décorations, de
chanteurs et de danseurs.
Seuls Dolet, La Place et Selles reprirent leur spec-
tacle, mais, les Comédiens leur envoyèrent deux
huissiers qui dressèrent procès-verbal, et, malgré
l'offre faite par les forains de verser un sixième pour
les pauvres, le Parlement jugea que les gestes des
acteurs, les paroles prononcées à voix basse, cons-
tituaient un dialogue, et il condamnait les forains à
3 000 livres de dommages-intérêts.
Il ne restait aux forains qu'à se remettre aux ma-
rionnettes ou à trouver un dernier expédient.
Ils imaginèrent de vendre fictivement Leurs théâtres
à Holtz et Godard, Suisses de la garde de feu le duc
d'Orléans, qui pouvaient se prévaloir de privilèges
qui leur permettaient, en tant que Suisses, de faire
valoir leurs industries dans plusieurs professions.
Le subterfuge ne réussit, pas : le jour de l'ouver-
ture de la foire Saint-Germain, d'Argeuson leur
interdit de représenter des spectacles qui ne seraient
pas conformes à l'arrêt du Parlement. Sur appel des
Suisses, le Parlement confirma la sentence du lieu-
tenant, de police, etquelques jours après, le 20 février
1709, les théâtres de Holtz et de Godard étaient abat-
tus en partie par ordre des Comédiens Français el
en application de l'arrêt de 1708.
A peine les démolisseurs s'étaient-ils retirés, que
les forains tirent rétablir leur théâtre et purentjouer
le lendemain.
Le succès qui répondit à cet effort frappa de stu-
péfaction les Comédiens Français, qui, le lundi sui-
vant, renvoyèrent « aux jeux » de Holtz le même
huissier, lequel lit démolir dans la « loge « tout ce qui
pouvait servir aux représentations théâtrales. Le
Grand Conseil, saisi des plaintes formées par les
Suisses, condamna le 14 mars les Comédiens à 6000
livres de dommages-intérêts envers Holtz et Godard,
qui reprirent leurs représentations.
De nouvelles procédures ayant retardé la solut i< ni
définitive de celte affaire, le Parlement n'en fut saisi
qu'en 1710. 11 condamna les Suisses à restituer les
dommages -intérêts, annula les ventes des deux
loges, et résilia les engagements des artistes. Te]
est le dernier terme de la lutte entre la Comédie-
Française et les forains, qui abandonnèrent Paris,
s'inclinant ainsi devant le privilège de la Comédie.
L'OPERA-COMIQUE
La guerre impitoyable menée par la Comédie-
Française contre les forains provoqua l'apparition
d'un nouveau genre de spectacle : l'Opéra-Comique.
Nous avons exposé plus haut que l'Opéra, pour se
créer des ressources, prétendait puiser, dans ses
lettres patentes et dans ses ordonnances, la faculté
de concéder à de moindres entreprises le droit au
Aant et à la danse. De là l'interminable conflit qui
s'éleva entre i'Opéra et la Comédie-Française, avec
accompagnement de mémoires et de sentences, d'ar-
rêts du Parlement et d'arrêts du Conseil, de permis-
sions et d'interdictions royales, et provenant des
efforts incessants des forains à user du dialogue sous
le couvert du vaudeville.
Le directeur de l'Opéra, qui se trouvait, après la
mort de Lulli, dans une situation précaire, en raison
des frais considérables qu'exigeaient ses représen-
tations, devait recourir à une foule d'expédients
pour combler son déficit. Nous avons vu que les fo-
rains avaient profité de la nécessité où se trouvait
Guyenet de faire argent de son privilège, pour conti-
nuer leurs représentations, malgré la Comédie-
Française.
La veuve Maurice et Alard avaient pris, en 1707,
des arrangements qui leur permettaient, moyennant
redevance, l'usage des chanfeurs et des danseurs, et
le droit au changement de décorations.
La Comédie-Française, qui venait d'être délivrée
des forains, s'arma aussitôt, et elle obtint un arrêt
du Conseil, du 17 avril 1709, défendant à Guyenet
« de donner la permission de chanter des pièces de
musique entières, ni autrement, aux danseurs de
corde et autres gens publics dans Paris ». La veuve
Maurice et Alard, qui s'étaient crus inexpugnables
sur un tel terrain, en furent encore pour leurs frais.
Les directeurs de l'Opéra ne tinrent pas compte
de ces défenses, la veuve Maurice el Alard continuè-
rent leurs représentations jusqu'en 1710, date a
laquelle Guyenet se décida à retirer son autorisation
à Alard, qui imagina de jouer des pièces à la muette.
Le public se plaignit, et il dut abandonner ce procédé
pour jouer en êcriteaux, c'est-à-dire avec des cartons
sur lesquels était écrit en gros caractères ce que les
acteurs auraient dû dire. Chaque personnage avait
des rouleaux dans sa poche droite, et il les tirait,
les déroulait et les montrait aux spectateurs, puis il
les remettait dans sa poche gauche.
En 1712, à la foire Saint-Germain, les représenta-
tions en êcriteaux, qui avaient fait rire à leur début,
furent, remplacées par îles représentations au cours
desquelles les cartons descendaient du cintre, sou-
tenus par deux enfants habillés en Amours.
L'orchestre attaquait les couplets, et des compères
les entonnaient. C'est ainsi qu'on joua des pièces de
Lesage, de Fuzelier et de Dorneval, l'Arlequin la
Guinguette de Pellegrin et la Femme juge ri parti,.
qui déchaîna de nouveau les Comédiens Fiançais.
Le mot opéra-comique avait été introduit pour la
première fois chez Maurice el Alard en 1678, pour la
représentation des Forces de V imour >■> de lu Magie.
Il avait été choisi pour indiquer que la comédie
était mêlée à la musique, avec des couplets en vau-
devilles.
En 1713, la fille de la veuve Maurice, Catherine Von
der Beck, veuve elle-même de l'acteur Etienne Baron,
avait acheté le théâtre de sa mère à Jean Levêque,
sieur de Bellegarde, el à Eustache Des Guerrois. Elle
s'adjoignit un autre forain, Nivellon, et s'associa
avec Saint-Edme, pour exploiter les concessions
faites à sa mère par Guyenet en 1709. Elle adminis-
trait le nouvel Opéra-Comique de Baxter et Saurin,
et Saint-Edme dirigeait le nouvel Opéra-Comique de
Dominique; ces théâtres étaienl ainsi nommés en
raison des artistes qui y étaient connus; les époux
de Saint-Edme traitent encore avec les syndics de la
faillite Guyenet qui se sont fait d'ailleurs autoriser
par une lettre de Ponlchartrain à d'Argeuson du
4 juillet, et, de concert avec leur associée, la veuve
Baron devenue l'épouse de Charretier de Baune,
prennent pour leur double exploitation le nom d'O-.
péra-Comique à la foire Saint-Germain de 1713. La
3: su
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU nnvSMWATOfRB
Comédie proteste, mais un arrêt du 23 décembre,
revenant sur les dispositions de celui de 1709, la
déboule.
Des procès surviennent entre les entrepreneurs
associés, chacun cherchant à obtenir une cession à
son unique profit des avantages accordés par les
syndics. Ceux-ci ayant fait reconnaître expressément,
par un arrêt du 26 novembre 1716, leur droit de
concéder des privilèges aux forains, traitent le
28 novembre avec la dame de Baune, et un arrêt
du Conseil du 15 février 1717 sanctionne le contrat
qui stipule, pour une période devant courir du
Ie' janvier 1717 à lin février 1732, une redevance
annuelle de 35 000 livres. Mais la dame de Haune
tombe en déconfiture, et son traité est résilié.
En 1721, Lalauze est autorisé à jouer des pièces
chaulées pendant la durée de la foire Sainl-Laurent.
La même année, le privilège est donné à Francisque
pour neuf années. Par malheur, le Parlement, saisi
des contestations entre les Comédies Française et
Italienne et ledit Francisque, ordonne la fermeture
de son spectacle.
Les forains profitent de ces occasions pour repré-
senter leurs propres procès avec les théâtres privi-
légiés, l'Opéra est le « cousin » de la foire et se dis-
pute avec les Comédiens-Français, à la grande joie
des assislants.
Lesage écrit à ce propos un prologue inlilulé la
Querelle 'les Théâtres, pleine de bons mots et de plai-
santeries sur les prétentions des Comédiens; il avait
.lonné en 1715 une parodie de Télémaque mise en
musique par Gillier, violoniste à la Comédie-Fran-
çaise; l'orchestre se compose de huit violons, une
contrebasse, une flûte, un hautbois, un basson et
deux cors.
A la foire Saint-Germain en 1722, Francisque, qui
avait obtenu le privilège de l'Opéra-Comique, le
30 avril 1721, mais qui n'avait pu se maintenir contre
la coalition des autres forains, se borna aux danses
de corde, sauts et divertissements, et il n'interrompt
ses tours que pour des pièces de Piron écrites sous
forme de monologues.
En même temps, Lesage, Dorneval el Fuzelier
achètent des marionnettes, s'installent dans une pe-
tite loge de la foire Saint-Germain, connue sous le
nom de Marionnettes Etrangères de la Foire, el ils
représentent des satires qui font accourir tout Paris.
La foire est seule contre tous les théâtres; l'Opéra
lui refuse le chant, la Comédie-Française interdit la
parole, et la Comédie-Italienne prétend au privilège
de la pantomime.
lui 1721, une lettre de M. de Maurepas à Francine,
du 23 mars, et une autorisation directe du roi, du
25 mai, permettent de nouveau à l'Opéra de consen-
tir une entreprise d'opéra-comique. Un sieur Honoré
bénéficie de cette faveur, que lui-même abandonne,
le 3 août 1727, pour quatre ans et demi à Boizard
de Pontau.
Le 18 août 1731, Lecomle, qui a succédé à Des-
touches, résilie le privilège de Pontau, el le concède
à de Vienne. Le 20 juin 1734, de Thuret, successeur
de Lecomle, traite avec ce même Pontau, pour
15 000 livres par an.
Depuis 1728, il n'y avait plus que l' Opéra-Comique
qui, dans les foires, représentait de véritables pièces;
les autres forains se cantonnent dans les danses, les
marionnettes, et ne cherchent plus à imiter les
I roupes de comédiens.
Pontau, qui avait réussi à prendre à son compte
le privilège d'exploitation, monte Achmel et Almiur
zinc, de Lesage, Fuzelier et Dorneval, les Jumelle*.
de Favart, le 22 mars 1734, et le 20 février 1741, la
Chercheuse d'esprit. Les intrigues suivent encore le
succès de ces pièces. Monnet, qui s'était fait affer-
mer le privilège de Pontau en 1743, moyennant
15 000 livres, empiète de plus en plus sur le privilège
de la Comédie; le vaudeville ne lui suffit pas, il fait
déclamer des dialogues en vers et en prose; le
18 mars 1741, il donne Acajou, de Favart, dans
laquelle, au cours d'une longue scène de déclama-
tion, les arlistes parodient les Comédiens Français.
Ceux-ci se plaignent, obtiennent une lettre de
Maurepas rappelant l'Opéra-Comique à l'ordre et lui
interdisant d'autres scènes que le vaudeville chanté;
mais on chante la parodie des comédiens au lieu de
la déclamer, et la lutte se perpétue.
En 1744, C'est Berger qui dirige l'Opéra. Il fait
rendre, le 1er juin, un arrêt du Conseil qui met un
terme à l'exploitation de Monnet. Il préfère exploiter
lui-même, et sa tentative personnelle rencontre un
tel succès, que la Comédie s'en alarme el demande
au Conseil qu'on supprime l'Opéra-Comique; mais
elle n'en obtient que la suspension.
Berger avait en elfel fait « valoir que le théâtre
qui a le mieux mérité du public par ses succès ne
doit pas être supprimé », et il ajoutait que l'Opéra-
Comique ne peut nuire sérieusement à la Comédie-
Française, tandis que le privilège de l'Opéra fort
onéreux en soi, l'autorise à affermer l'Opéra-Comi-
que », conformément aux arrêts de 1731 el de 17H.
L'Opéra-Comique reste suspendu jusqu'en 1752. A
cette époque, la ville de Paris, ayant la gestion de
l'Académie, demande l'autorisation d'affermer l'O-
péra-Comique. Une lettre d'Argenson au prévôt des
marchands, du 29 décembre 1751, la lui accorde. En
conséquence de quoi, Monnet passe une convention
avec la ville pour six années, commençant à courir
du 1er janvier 1732, moyennant 12000 livres pour
chacune des trois premières, 15 000 livres pour cha-
cune des autres.
Monnet reprend la salle du Faubourg Saint-Ger-
main, qui avait été saisie par les eréanciers de
Pontau, dix-huit ans auparavant; il fait reconstruire
la salle de la foire Saint-Laurent, et il l'exploite
jusqu'au 3 décembre 1737.
Les librettistes Favart, Vadé, Anseaume et Sedaine,
les compositeurs Dauvergne, Duni, Piiilidoh, puis
Monsiuni contribuent au succès de l'entreprise.
L'orchestre compte 18 instruments, et un « bat-
teur » de mesure; parmi les artistes, on reconnaît
Laruette, et le célèbre maître de ballet Noverre, qui
donne au\ ballets un éclat jusqu'alors inconnu.
Les Troqueurs de Dauvergne amenèrent encore le
succès,
D'habiles danseurs italiens, refusés par l'Opéra,
avaient été engagés par la Comédie-Française, el 3
figuraient avec le plus grand succès dans les diverl is
semenls.
L'Académie de musique intima à la Comédie l'or-
dre de faire cesser ces danses.
Mm° de Pompadour intervint pour permettre aux
Comédiens de conserver la cabriole, donl ils avaient
besoin, disaient-ils, pour soutenir les pièces mo-
dernes si mauvaises ». La Comédie, qui avait fermé
son théâtre le 7 août 1753, le rouvrait le 13, quand
les ballets lui furent rendus: mais l'enseignement de
cet incident fut profitable à Dauvergne, qui eut l'idée
d'écrire un ouvrage dans le genre de ceux qui Iriom
TECHMQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
pliaient aux Français; c'est ainsi qu'il imagina les
Troqueurs, dont le livret était de Vadé, et il desti-
nait cet opéra bouffon à l'Académie de musique.
La dignité de ce théâtre s'émut de la légèreté de
la pièce, et les Troqueurs furent donnés à l'Opéra-
Comique. Le 30 juillet 1753, la foire à laquelle on
interdisait et la musique et la parole avait recours
aux refrains populaires et au mélange osé des cou-
plets, des chansons, et des paroles. Le Mariage par
escalade de Favart (M septembre 1756) et le Peintre
amoureux de son modèle (26 juillet 1757) d'Anseaume
et de Duni procurèrent à Monnet une exploitation
fructueuse.
Monnet « agrémente » les deux foires jusqu'au 3 dé-
cembre 1757; il vend alors ses droits à Corby, pour
84000 livres, lequel, s'associant le 5 janvier 1758
avec Favart, Moétte et Dehesse, après avoir sollicité
une prolongation du traité auprès de Iîehel et Fran-
cœur, se maintient jusqu'en 1762.
Pendant celle période, Duni donna Nina et Lindor,
le 9 septembre 1758, Vile des Fous, le 27 septembre
1760. Monsiow fit représenter Ips A veux indiscrets\e
7 février 1759, On ne s'avise jamais de tout le 17 sep-
tembre 1761, et Philidor composa Blni.se le savetier
(9 mars 1759), le Soldai magicien (14 août 1760), le
Maréchal Ferrant (22 août 1761), le Jardinier et son
seigneur (18 février 1761).
Un événement imprévu décida du sort de l'Opéra-
Comique, ce fut sa réunion à la Comédie-Italienne;
qui se fit en 1762. Les Italiens, brusquement chassés
en 1697 par le roi, avaient réapparu sous la Régence.
qui leur avait permis de représenter leurs œuvres
au Palais-Royal, puis à l'Hôtel de|lîourgogne, et, forts
de leurs privilèges, ils avaient lutté contre l'Opéra-
Comique, ainsi que nous l'avons vu.
Depuis la Serva Padrona de Pbrgolèsè, la Comédie-
Ilalienne avait imposé un genre nouveau, et l'arrivée
des Bouffons-Italiens en 17.'>2, leurs démêlés que
nous avons rappelés, avaient encore accentué le
mouvement de l'opinion en leur faveur.
Nous avons vu que DAUvF.Rf.NE avait cherché à les
imit. r en écrivant les Troqueurs, et cette concur-
rence entre l'Opéra-Comique et la Comédie-Italienne
était le sujet de toutes les discussions. On sait que
Jean-Jacques Rousseau lui-même se mêla à la lutte
en faveur des Italiens, dont la langue, disait-il, se
plie aux harmonies, tandis que « les Français n'ont
point de musique, n'en peuvent avoir, ou si jamais
ils en ont, ce sera tant pis pour eux ».
Les deux genres tendirent à se fondre de plus en
plus, et une ordonnance du roi réunit les deux théâ-
tres sous le nom de Comédie-Italienne. La cession
faite par Corby à la Comédie Italienne fut réglée
par un acle du 21 février 1762.
L'Opéra -Comique était délinitivement créé et
s'installait peu après dans la salle de l'Hôtel de
Bourgogne.
LA COMÉDIE ITALIENNE
Les premiers Comédiens Italiens qui apparurent
en France, sous le nom de Gli Gelosi, avaient été ap-
pelés par Catherine de Médicis en 1577, sous le rè-
gne de Henri III.
D'abord à Blois, pendant la durée des Etals géné-
raux, puis au théâtre du Petit-Bourbon, ils repré-
sentèrent leurs pièces devant la Cour.
Suspendues par le Parlement, leurs représenta-
tions furent imposées parle roi; mais les troubles de
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3781
la Ligue les obligèrent à fuir, et ils ne revinrent en
France que par intervalles.
Sous Louis XIV, ils obtinrent d'être reçus à l'Hô-
tel de Bourgogne et de jouer alternativement avec
les Comédiens Francais.au théâtre du Petit-Bourbon
et au Palais-Royal. '
En J080, ils se trouvèrent seuls possesseurs de
l'Hôtel de Bourgogne, à la suite de la réunion des
deux troupes de Comédiens-Français. Ils commen-
cèrent alors à intercaler des phrases françaises dans
leurs pièces, puis les phrases italiennes furent l'ex-
ception. On cite VArlequin Mercure Galant, de
Cherardi, joué le 22 janvier 1682, qui est une pièce
presque entièrement écrite en français. Malgré les
protestations de la Comédie-Française, les Italiens
obtinrent le droit de continuer leurs représentations
dans leur langue.
Le roi avait convoqué Baron, qui représentait la
Comédie- Française, et Arlequin, qui défendait les
droits des Italiens, afin de trancher le différend. Ba-
ron plaida longuement; puis quand Arlequin dut lui
répondre, il demanda au roi en quelle langue il de-
vait parler. « Parle comme tu voudras, » répondit
le roi. Et Arlequin de répondre : « Mon procès est
gagné, Votre Majesté m'a donné' la liberté de parler
comme je le voudrais. » Dès lors, les Comédiens
Italiens ne jouèrent plus que des pièces françaises.
Le lieutenant de police d'Argenson, dont nous
avons vu les sentences relatives aux forains, prit en
1697 la défense de la Comédie-Française, et il apposa
les scellés sur les portes de l'Hôtel de Bourgogne, en
même temps qu'il faisait défense aux Italiens de
continuer leurs représentations.
Cette défense subsista pendant dix-neuf ans. En
1716, Riccoboni, dont la réputation s'était faite grande
dans la Péninsule, fut appelé à Paris par le Régenl,
avec quelques-uns de ses compatriotes. En vertu
d'une ordonnance du 8 mai, la troupe put s'installer
dans les bâtiments de l'hôtel de Bourgogne.
Riccoboni avait adressé au duc de Parme une re-
quête assez curieuse, que rapporte Des Essarts1 : « La
Troupe unie supplie Irès-humblement Votre Altesse
Sérénissime de lui faire accorder la grâce dont ont
joui ses prédécesseurs, qu'aucune Troupe italienne
soit reçue sous quelque prétexte que ce soit, même
si tous les acteurs parloient françois; et qu'il soit
généralement défendu à tous autres de faire usage
des habits des acteurs masqués de la comédie ita-
lienne, c'est-à-dire de l'Arlequin, du Scaramouche,
du Pantalon, du Docteur et du Scapin, et même du
Pierrot qui, quoique François, est né du théâtre
ilalien.
« Les Comédiens, souhaitant de servir Sa Majesté en
paix et en bonne réputation, demandent qu'en tout
temps il n'en soit jamais reçu dans la Troupe de la
famille des Constantin, de laquelle, du commun
consentement de tout le monde, sont provenus les
malheurs et la disgrâce de la Cour aux Comédiens
italiens leurs prédécesseurs.
« Ils demandent très-humblement qu'il leur soit
accordé des Danses et de la Musique dans les diver-
tissemens de leurs comédies, suivant que leurs pré-
décesseurs en jouissoient.
« S'il arrivoit que quelqu'un des acteurs eût le mal-
heur de ne point plaire à la Cour et à la Ville, qu'il
soit permis à la Troupe de le renvoyer avec un pré-
sent et d'en faire venir un autre à sa place.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU COSSEHVATOIRB
« La Troupe supplie très-humblement Son Altesse
Sérénissime de faire de fortes instances à la Cour,
pour qu'il leur soit accordé le libre usage des Saints
Sacremens, comme ils l'ont en Italie; d'autant que
cette Troupe ne donnera point une Comédie scan-
daleuse, et que Kiccoboni s'engage à donner le ca-
nevas des Pièces à L'examen du Ministre, et même
d'un Ecclésiastique, pour qu'elles soient approu-
vées. »
Hiccoboni prenail ainsi ses précautions afin d'é-
cbapper aux difficultés qu'avaient éprouvées ses pré-
décesseurs. Sa troupe prenait le nom de « Comédiens
de S. A. R. M. le duc d'Orléans, hégent. » Après la
mort de ce prince, elle prit le titre de Comédiens
Italiens ordinaires du roi.
L'organisation de la Comédie-Italienne se modela
sur celle de la Comédie-Française. Les actes de so-
ciété des 27 octobre 1719, 7 avril 1741, 3 mars 1742,
29 avril 1754, qui définissent la quotité des parts,
fixent le montant des pensions, etc., présentent une
analogie presque complète avec les actes de société
des Comédiens ordinaires du lioi. Les règlements
intérieurs, soumis pour l'une et l'autre troupe à l'a-
grément des gentilshommes de la Chambre, reflètent
une inspiration commune guidant une administra-
tion parallèle. Les fonctions des semainiers, celles du
comité, les prescriptions touchant la discipline sont
identiques, à quelques détails près.
La Comédie-Italienne, qui, à son arrivée en France,
n'avait réussi que difficilement, avait tenté de s'éta-
blir à la foire pendant quelques mois. Puis elle
avait repris son répertoire français, avec les Jeux île
l'Amour et du Hasard.
En février 1762, ainsi que nous l'avons dit plus
haut, la Comédie- Italienne et l'Opéra-Comique
furent réunis. La nouvelle exploitation dut traiter
avec l'Opéra, pour obtenir que le privilège des ou-
vrages de musique lui fût continué. Le 29 janvier
1766, une convention fut signée pour une période de
dix-huit années. En octobre 1779, une prorogation
fut accordée pour trente années, à courir de 1780,
moyennant une redevance de 30000 livres pour cha-
cune des cinq premières années, et de 40 000 livres
pour chacune des suivantes.
Lariette, Clairval, Audinot, Mme Favart et la
Dugazon illustrèrent cette scène vraiment bien natio-
nale, malgré le nom de Comédie-Italienne qu'elle
avait conservé.
En 1783, la troupe quitta l'hôtel de Bourgogne,
dont l'édifice tombait en ruine. Elle fil bâtir une
salle sur les terrains de l'hôtel de Choiseul, mais ne
voulut point, en manière de mépris pour les petits
théâtres qui s'élevaient tout le long de cette prome-
nade, que l'entrée en fût ouverte sur le boulevard.
On la plaça donc à l'opposite.
Les gentilshommes de la Chambre donnèrent, en
1774, un règlement concernant les rapports de la
Comédie-Italienne avec les auteurs; nous voulons
signaler quelques-unes de ses dispositions, en raison
<iu rapprochement qu'on en peut faire avec la légis-
lation moderne sur la matière.
Lorsqu'une pièce avait été reçue à corrections,
l'auteur pouvait exiger une seconde lecture, une fois
les changements effectués.
Les comédiens, après avoir reçu une pièce défini-
tivement, ne pouvaient refuser- de la jouer, ni en re-
tarder la représentation, si ce n'est pour des cau-
ses graves dont les gentilshommes de la Chambre se
réservaient l'appréciation. Et un registre devait être
tenu, qui portait inscription des pièces nouvelles re-
çues, atin que chacune fût jouée suivant sou rang.
Les auteurs ne pouvaient plus retirer une pièce
après sa troisième représentation; de leur côté, les
comédiens étaient tenus de n'eu pas interrompre la
carrière, tant qu'elle obtenait du succès.
La distribution des rôles appartenait aux auteurs,
et les comédiens ne pouvaient refuser ceux qui leur
étaient confiés.
Les auteurs des pièces en trois actes et plus de-
vaient toucher un neuvième de la recette faite à la
porte, après déduction du droit des pauvres, ledit
neuvième partageable entre le parolier et le mu-
sicien. Les auteurs des pièces en deux actes tou-
chaient un douzième; ceux des pièces en un acte, un
dix-huitième. Ils ne touchaient rien lorsque la re-
cette s'élevait à moins de 600 livres en été (du
15 mai au 25 novembre), et à moins de I 000 livres
en hiver. Et la perception de ces droits cessait au
décès des auteurs, excepté lorsque, à ce moment, la
pièce n'avait pas encore eu 50 représentations, au-
quel cas les héritiers en bénéficiaient jusqu'à ce que
ce nombre fût atteint.
Les auteurs d'une pièce en trois actes avaient leurs
entrées pendant, trois ans; ceux d'une pièce en un
ou deux actes, pendant un an. Ils jouissaient aussi
d'un certain nombre de billets de faveur.
LES PETITS THEATRES
11 faudrait de bien longues pages pour écrire l'his-
toire de tous les petits théâtres dont s'amusa le
xvn i- siècle, avant la dévolution. Les scènes privi-
légiées étaient loin de suffire au mouvement qui en-
traînait le public vers les divertissements, quels
qu'ils fussent, et à son besoin d'inconnu. Les foire<
attiraient la foule bien davantage que ne faisaient
l'Opéra et la Comédie. Lorsqu'on en chassait l'Opéra-
Comique, elle redemandait Polichinelle et son sifflet
pratique. En 1722, aux Marionnettes Etrangères <'»'
la Poire, ses deux bosses faisaient vivre l'auteur de
Gil-Blas!
Vers la lin du règne de Louis XV, l'autorité aban-
donne beaucoup de sa rigueur. Sous l'effort du sou-
hait général, elle ne laisse plus au monopole qu'une
apparence de protection. Peut-être, y trouve-t-elie
son intérêt, celui d'apaiser, dans la griserie mo-
mentanée des plaisirs, la lièvre qui travaille Paris
Les spectacles sont faits d'illusion, c'est-à-dire
d'oubli.
La ville s'étend de toutes parts. Les vieilles portes
ont été franchies. Va-t-on éloigner, jusqu'au delà
des faubourgs, les bateleurs et leurs préaux ' On n">
songe pas. Hien plutôt, alors qu'autrefois ils n'oc-
cupaient leurs loges que pendant la durée des
foires, on tolère qu'ils prennent possession des bou-
levards. Voici venir les beaux jours du boulevard du
Temple!
Déjà, en 1741, le lieutenant de police avait permis
à un sieur Hardax de montrer hors des foires
nous ne savons pas où — un spectacle dont il était
l'inventeur : Le Jugement universel*. Ce ne fut qu'un
essai, bientôt suivi d'innombrables imitateurs.
Le boulevard du Temple, qui continuait h' cours
partant de la porte Saint-Antoine, pool aboutir à la
rue des Filles-du-Calvaire, puis pour se prolonger
l. Voy.MKbératii
17.11. Rep. 110.
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
jusqu'à la porte Saint-Martin, était une avenue
plantée d'arbres, où les Parisiens avaient pris l'ha-
bitude de se réunir. Les saltimbanques, attirés par
la foule qui s'y pressait, établirent bientôt des bara-
ques de bateleurs, de danseurs et de marionnettes.
Tout d'abord titulaire des emplois d'Arlequins
chez le forain Gaudon, Nicolet père avait été des
premiers à connaître la vogue du boulevard du
Temple. Son fils, qui était pitre et acrobate, ne se
contenta pas de demeurer chez un forain, mais il
imagina de diriger lui-même un jeu d'exercices
funambulesques.
« De plus fort en plus fort, » tel était la devise de
.Nicolet, qui devint bientôt un proverbe et contribua
à sa renommée1. En 1756, il était installé dans les
foires, comme joueur de marionnettes, mais bientôt
il adjoignit à ses pantins de petites pièces, puis des
pantomimes.
En ) 760, il résolut de se transporter dans l'intervalle
des foires de Saint-Germain, de Saint-Ovide et de
Saint- Laurent, sur le rempart du Temple, et il s'ins-
talla dans la salle que Fourré avait fait construire
pour la représentation de pièces à machines.
La Salle des Grands Danseurs, construite sur un
terrain voisin, attirait tout Paris, tant en raison des
petites pièces comiques composées par Tacomiet
qu'à cause d'un singe qui contrefaisait l'acteur Mole,
de la Comédie-Française.
Nicolet jouait des comédies, et à ce litie, il fut pris
à partie par les Comédiens-Français, qui lui interdi-
rent la parole pour le cantonner dans la pantomime.
L'année suivante, en 1768, la Comédie-Italienne se
joignait à la Comédie-Française pour faire défense à
.Nicolet d'user du chant et de la danse.
Cependant, les ordonnances de l'autorité n'étaient
pas suivies d'exécution. Lu ministre répondait aux
Comédiens : « Il faut des speclacles pour le peuple,
le système de Louis XIV est changé » Tant il est vrai
qu'à cette époque, les idées s'étaient modifiées, et
un courant nouveau entraînait les pouvoirs, non
plus à supprimer les forains, mais simplement à
restreindre les bornes de leur activité.
En 1767, le duc de La Vrillière prescrit au lieute-
nant de police d'interdire aux forains « aucunes
pièces ou scènes des théâtres Français ou Italien, ou
aucune pièce qu'ils pourraient faire composer, soit
en dialogue, soit en vaudevilles, quand bien même
elles seraient jouées par des marionnettes, à peine
de 3000 livres d'amende envers l'une ou l'autre
Comédie, et de démolition de leurs théâtres ».
Une ordonnance de police, du 14 avril 1768, défend
« à tous sauteurs, bateleurs et danseurs de corde,
ele., de faire représenter sur leurs théâtres, soit aux
foires Saint-Germain, Saint-Laurent ou Saint-Ovide,
sur les boulevards, ou dans quelqu'autre endroit que
ce soit, aucunes pièces appartenantes aux Comédiens
Italiens ou François, sous leur véritable titre, ou sous
des titres supposés, même aucunes scènes détachées
desdites pièces ». Elle leur défend aussi déjouer sur
leurs théâtres d'autres pièces que des boutfonneries
ou parades, sans en avoir requis l'autorisation
expresse, même celles qu'il est d'habitude déjouer
sur canevas.
Ces dispositions sont déjà plus modérées. L'amende
est réduite à 1000 livres. Mais le prix des diverses
places ne pourra excéder 3 livres, 24 sols, et 12 sols.
Les privilégiés espèrent que, grâce à la modicité de
I. Manne et Mm. trier, La Troupe de Mcolet, page 2.
3783
ces tarifs, ces baraques seront envahies par le menu
peuple, ce qui en éloignera, à leur profit personnel,
la bourgeoisie.
.Nicolet se met à jouer de grandes pièces à figura-
tions nombreuses, des pièces à machines et à chan-
gements de décors. Dans les intermèdes, il produit
des équilibristes, des escamoteurs, des Hercules, et
son singe! Le 23 avril 1772, il emmène sa troupe à
Gboisy, devant Louis XV et Mm8 du Barry. Il revient
avec l'autorisation de nommer ses pensionnaires
Grands Danseurs du Roi.
Il représentait alors la Mort du Du uf Gras, le Pro-
cès du Chat, les Ecossaises de lu llullede Taconnet, et
l'Ecolier devenu maître, de Quêtant. Les entr'actes
étaient occupés par des acrobates, des équilibristes
et des pitres1.
Il avait trente acteurs, soixante danseurs et vingt
instruments. Cet orchestre, qui fut encore augmenté,
entraîna .Nicolet dans un nouveau procès contre
l'Opéra. 11 dut transiger et consentit à payer à l'Aca-
démie de Musique 2000 livres par mois, qui furent
versées jusqu'en 1790. Ces charges nouvelles, ainsi
que le droit des pauvres, mirent bientôt Nicolet dans
une situation moins assurée ; les Grands Danseurs du
Roi avaient perdu de leur vogue, au profit de l' Am-
bigu-Comique et des Variétés Amusantes.
La Révolution vint à temps pour le libérer de ces
obligations ; il avait alors renoncé à jouer lui-même,
niais il faisait jouer les œuvres de Beaunair par
Mayeur, Ribière et Mlu l'orest. Il traversa ainsi la
Révolution, en ajoutant à ses farces des comédies
et quelques tragédies, et il mourut le 27 décembre
1790, après avoir vendu son théâtre à Ribié.
Parmi les concurrents directs de Nicolet, citons
Audinot, ancien acteur de 1 Opéra-Comique, à la
foire, et de la Comédie Italienne, où il doublait
Caillât.
Le 9 juillet 1769, Audinot, alors joueur de marion-
nettes de la foire Saint-Germain, apporte ses Comé-
diens de Bois sur ce même boulevard du Temple
dans l'ancienne salle de Nicolet. Peu de mois après,
renonçant aux marionnettes, il fait chanter et danser
des enfants dans le Testament de Polichinelle, la Guin-
guetti .1 le Chat Botté. Il appelle alors son théâtre
Ambigu-Comique. Un arrêt du Conseil, rendu sur les
remontrances de l'Opéra, en 1771, lui interdit le
chant, les danses, et plus de qualre instruments.
Mais l'Opéra se ravise et exige seulement une con-
tribution de 12 00U livres par an. La petite troupe
grandit! Le 9 avril 1772, Audinot précède Nicolet à
Choisy, et prend comme genre la pantomime.
En 1769 encore, Gaudon ouvre une salle dans la
rue Saint-Nicaise, pour y faire jouer la Farce. Et les
frères Ruggieri, quittant les Porcherons, transpor-
tent sur le boulevard leurs spectacles pyrrbiques.
Le 3 avril 1770, on inaugure un Waux-Hall à la
foire Saint-Germain. Là, se dansent des ballets. Il
existait déjà un établissement de ce genre sur le
boulevard Saint-Martin depuis 1764, celui de l'ar-
tificier Torre. Ce dernier prend alors le nom de
Waux-Hall d'Été, l'autre le nom de Waux-Hall
d'Hiver.
En 1778, Lenoir, lieutenant de police, permet à un
petit théâtre, celui des Associés, fondé par le bate-
leur Devienne, dit Beauvisage, qui avait amusé la
foule avec un acteur dit le Grimacier, de revenir sur
le boulevard, d'où il avait été expulsé en 1768. On y
Georges C*ta»
Théâtres de Ports-,
;i:s
ENCYGLOPÈME HE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
voit d'abord des marionnettes, puis bientôt des tra-
gédies comiques.
L'année suivante, Lécluze fonde sur le boulevard
Saint-Martin, à côté de Torre, les Variétés-Amusantes.
Et Tessier, sur le boulevard du Temple, la salle des
Élèves de l'Opéra. Le titre est bien trompeur : on
aulorise les Elèves à parler, mais on leur défend le
chant!
En 1783, un Anglais, Astley, fonde un cirque sous
le nom d'Amphithéâtre Anglois.
Voilà qu'en 1784, comme nous l'avons dit, l'Opéra
obtient le privilège de tous les spectacles des foires
et remparts, avec faculté de cession. Nicolet conclut
un arrangement pour 24000 livres. Audinot offre
seulement un dixième de ses recettes, déduction
faite du droit des pauvres. Ses propositions sont
rejetées, et l'Opéra adjuge l'Ambigu et les Variétés à
Gaillard et Dorfeuille moyennant 30000 livres par an
pour chaque scène. Les deux directeurs essayent de
traiter avec Audinot pour l'acquisition de son théâtre
et du matériel, mais il émet de telles prétentions
qu'ils installent l'Ambigu dans la salle des Variétés
et transportent cette dernière entreprise au Palais-
Royal, où elle ouvre, en 1785, sous le nom de Va-
riélés-Palais-Koyal. Leurs charges, toutefois, sont
trop lourdes. Ils se résignent à rétrocéder leur bail
pour l'Ambigu à Arnould, dont la personnalité mas-
que celle d'Audinot. L'Ambigu retourne dans son
ancien bâtiment, restauré, dont l'ouverture a lieu le
30 septembre 178R. Les Variétés, restant dans les
dépendances du Palais-Royal, vont occuper, le 15 mai
1790, une vaste salle que le duc d'Orléans avait fait
construire entre ledit palais et la rue de Richelieu,
dans l'espoir, dit-on, d'y voir s'installer l'Opéra.
Elles prennent alors le nom de Théâtre du Palais-
Royal.
A peine le privilège dont nous avons parlé est-il
concédé à l'Opéra, qu'il se trouve à la merci de nou-
velles complaisances du lieutenant de police. Le
24 octobre 1784, les Petits Comédiens de Mx' le comte
de Beaujolois s'installent aussi au Palais-Royal , à
l'extrémité nord de la rue de Montpensier. Il est vrai
que ce ne sont que des marionnettes et des enfants,
et qu'on les oblige à élever une gaze entre le public
et eux. En 1785, au faubourg Saint-Antoine, les sieurs
Mareux donnent, quatre fois la semaine, la comédie
et l'opéra-comique; ils allèguent que leur théâtre
est purement privé. On ne le fait fermer qu'en 1787.
Cette même année, Plancher, dit Valcour, fonde
les Délassements Comiques au boulevard du Temple.
Lenoir permet la pantomime, avec trois acteurs en
scène, et impose encore la nécessité d'une gaze; mais
la Révolution survint, ce qui lit dire à Duchesne, dans
['Âimanach des spectacles, que « le Voile de gaze fut
déchiré par les mainsde la Liberté ». A côté des Délas-
sements Comiques, M"e Malaga installe ses tréteaux;
c'est une danseuse de corde qui, très décolletée, voit
fourmiller dans sa baraque de nombreux admira-
teurs.
En 1789, une troupe italienne, se plaçant sous le
patronage de Monsieur, comte de Provence, obtient
un brevet l'autorisant à représenter des opéras en
italien et des comédies. Les Comédiens-Français font
décider qu'elle ne pourra jouer qu'un ou deux actes
au plus. Elle s'installe d'abord aux Tuileries; puis,
éloignée par le retour de Louis XVI, elle fait bâtir le
théâtre de la rue Feydeau.
Nous sommes à la veille de l'émancipation légale
du théâtre. Anticipant sur les événements qui se pré-
parent et s'octroyant â l'avance des libertés qui vont
être proclamées, les entrepreneurs de spectacle ne
se soucient plus des privilèges et des interdictions.
Le 12 avril 1790, M1'0 Montansier, qui vient de traiter
avec l'administration des Beaujolais, prend posses-
sion de leur salle, qu'elle va exploiter plus hardiment.
Le 21 juin, Clément de Lornaison et Desnoyers fon-
dent le Théâtre-Français comique et lyrique sur l'em-
placement de l'ancienne salle des Variétés, boulevard
Saint-Martin.
POLICE, CENSURE ET DROIT DES PAUVRES
Police.
Diverses ordonnances de police furent rendues
sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI.
Citons celle du 10 avril 1720 qui renouvelle, sous
prétexte qu'elles sont méconnues, les défenses si sou-
vent faites d'entrer à l'Opéra et à la Comédie sans
payer, d'y commettre aucun désordre et d'inter-
rompre les acteurs, â peine de désobéissance;
Celle du 18 janvier 1745, pour l'arrangement des
carrosses aux entrées et sorties des spectacles;
Celle du 24 décembre 1769 et celle du 2 avril 1780,
qui interdisent « de crier ou de faire du bruit avant
que le spectacle commence, et, dans les entractes,
de sifller, faire des huées, avoir le chapeau sur la
tète et interrompre les acteurs pendant les représen-
tations, de quelque manière et sous quelque prétexte
que ce puisse être, sous peine de désobéissance ».
Il y en a bien d'autres. Mais toutes renferment les
mêmes prescriptions, en termes à peu près iden-
tiques.
Censure.
La censure, jusqu'à la Pin de l'ancien régime, con-
tinua d'appartenir au lieutenant général de la police,
dans les attributions duquel Louis XIV l'avait placée.
Mais ce magistrat, auquel revenait, en définitive,
l'appréciation des ouvrages dramatiques, quant à
l'opportunité de leur représentation, eut toujours
près de lui un fonctionnaire spécial chargé de lire les
manuscrits et de lui en rendre compte.
Les lieutenants de police, en province, exerçaient
la même autorité.
Les censeurs ont tué la censure, » a-t-on dit1. Il
n'est pas douteux que l'on songeait en particulier
aux censeurs du xvm" siècle. Nous répondrons que
la censure s'est bien vengée!
L'abbé Chérier, « ce hongreur littéraire, » comme
on l'a appelé2, n'admettait pas qu'on pût éerire des
phrases comme celle-ci : c< J'irai moi-même au pre-
mier jour présenter requête au ministre dont je suis
connu.» Il annotait en marge : « qu'on pourrait voir
l,i une allusion au cardinal Fleury, et que ce prélat
ministre ne saurait être décemment cité dans ces
« gueuseriesde théâtrel... » Il ne tolérait pas davan-
tage ces expressions : « A sa rotondité, on le pren-
drait pour un président. » Certains membres de la
magistrature, selon lui, eussent été en droit de se
froisser!
Crébillon, qui lui succéda, avait un parti pris assez
original : il refusait invariablement son visa aux
œuvres de Voltaire. Le lieutenant de police intervint
en personne pour autoriser la tragédie de Muhotnet.
Marin, qui vint ensuite, fut d'abord assez débon-
TBCI1.VIQUE, ESTHÈTIQVE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 378
naire. Le gouvernement, d'ailleurs, trouva qu'il l'était
trop et l'envoya à la Bastille pour avoir laissé jouer
ihêagine et Chariclée, Je Dorai, pièce contenant quel-
ques réflexions sur les rois fainéants ! Sorti de la Bas-
tille, il crut prudent de lire à l'avenir même entre
les lignes, et sa circonspection lui fit perdre tout
crédit auprès des auteurs contemporains, cela va sans
dire. Beaumarchais ne l'estimait guère! Les Guèbres
el les Lois de Minos, de Voltaire ; la Partie de chasse de
Henri IV, de Collé; Bameveld, de Lemièrre; Maillard
ou Paris sauvé et le Philosophe sans U savoir, de Se-
maine, furent impitoyablement interdits.
Crébillon le jeune, Sauvigny, Suard continuèrent
la tradition.
Il faut reconnaître toutefois que, sous le règne de
Louis XVI, on se départit beaucoup des rigueurs
jadis accoutumées. Inertie, insouciance, curiosité...
— instinct qui guide les frivolités vers le souflle qui
les emportera... — la reine et la cour voulurent et
obtinrent du roi, malgré sa résistance, qu'on jouât
le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro.
Suard, lorsque Ghénier lui présenta Charles IX,
prononça d'abord son veto. La pièce fut jouée le
4 novembre 1789.
Il est vrai que déjà la monarchie ne s'appartenait
plus.
Droit des pauvres.
Ainsi que nous l'avons annoncé plus haut, les
charges pesant sur les théâtres, du fait du droit des
Pauvres, furent encore accrues, et cela dès la Régence.
Le o février 1716, une ordonnance établit une nou-
velle taxe d'un neuvième en sus du prix d'entrée,
pour être employée à l'agrandissement des bâtiments
de l'Hôtel-Dieu. Ce neuvième en sus, joint au sixième
que l'on percevait pour l'Hôpital Général, aboutissait
à faire prélever à peu près le quart de la recette.
L'expression : Quart des Pauvres devint alors cou-
rante.
Certains auteurs ont prétendu que la nécessité de
procurer des fonds au sieur de La Mare, en vue de
l'achèvement de son magistral ouvrage, leTraité de
la Police, avait été la cause déterminante de cette
augmentation de l'impôt. Cela est loin de nous
paraître certain1. Mais, toute contestation écartée
sur ce point, il reste vrai que le commissaire de La
Mare eut une très large part des bénéfices. Voici, en
effet, ce que déclare Le Cler-du-Brillet, continuateur
de ses travaux, dans la tome IV de l'ouvrage:
« Le malheureux accident qui lui arriva le 20 mars
1713, de se casser la cuisse droite, et l'affreuse situa-
tion où il se trouvoit. tirent beaucoup appréhender
pour ses jours; la famille profila de ce contre-temps
pour agir. On vit aussitôt ces grands Magistrats, M.
le Premier Président de Mesme, et M. Dauuessau,
Procureur-Général, à présent Chancelier de France,
accorder ouvertement leur protection, agir sans
relâche, parler, écrire et déterminer le lioi à
consentir eu faveur de M. de La Mare, à une aug-
mentation d'un neuvième sur les entrées aux spec-
tacles : l'Ordonnance alloit être portée à la signa-
ture, lorsque Louis XIV tomba malade et mourut.
Cet événement ne lit que suspendre l'exécution de
la chose; M. le Premier Président et M. le Procureur-
Général recommencèrent leurs sollicitations, et pri-
rent la peine d'aller demander la même grâce à
s, Les Spécifies /'<>,
In Comédie- Fran
Msr le duc d'Orléans, Régent du Boyaume ; ce prince,
aussi juste que généreux, écouta favorablement la
proposition et l'agréa, ajoutant : Qu'il connaissoil
le commissaire de La Mare et qu'il vouloit lui faire
autant de bien que Louis XIV avoit eu dessein de
lui en procurer. Pour assurer le recouvrement de
la nouvelle augmentation sur les entrées aux spec-
tacles, les Magistrats avoient trouvé bon qu'elle ne
parût point sous le nom de M. de La Mare, et ils lui
avoient laissé la liberté de choisir un des hôpitaux
de Paris : sa prédilection pour l'Hôtel- Dieu, dont
Madame sa sreur était Prieure, et en grande recom-
mandation pour sa haute vertu, lui fit préférer cette
sainte Maison : la conjoncture se trouvoit d'autant
plus heureuse, que l'Hôtel-Dieu venait d'entreprendre
le bâtiment d'une salle neuve pour le soulagement
des pauvres malades.
« De là vient qu'il n'est parlé que de l'Hôtel-Dieu
dans l'Ordonnance du Roi du 11 février 1716, qui a
augmenté d'un neuvième les entrées aux spectacles;
mais Sa Majesté ne lui en fit don qu'à cette condi-
tion expresse, d'en rendre une somme convenable à
M. de La Mare pour récompense de ses longs ser-
vices, pour le dédommager des avances qu'il avoit
faites pour la composition et l'impression de son
Traité de la Police, et pour le mettre en état d'achever
un ouvrage si utile au public. Ce sont les mêmes
termes dont S. A. R se servit, et qui ont été conservés
mot pour mot tant dans la délibération du Bureau de
l'Hôtel-Dieu du même jour o février 1710, que dans
le traité qu'il fit avec M. de La Mare pour sa part
qui devoit lui revenir dans ce don; elle fut convenue
à trois cent mille livres, par acte passé par devant
notaires le dix-neuf du même mois de février. »
Le Clerc-du-Brillet, pour nous donner d'autres
témoignages éclatants de la grande laveur dont
jouissait son prédécesseur sous le règne antérieur,
nous apprend que Louis XIV, « faisant la Maison de
M. le comte de Vermandois, eu donna l'intendance
à M. de La Mare; ce qui n'eut point de suite, parce
que le Prince partit presque aussi-tôt pour l'armée,
et mourut au commencement de la campagne. Cette
récompense perdue, le Roi fit mettre M. de La Mare
sur l'Etat en 1084 pour 1 000 livres de pension, qui
fut augmentée d'autres 1000 livres l'année sui-
vante. »
C'étaitdéjà beaucoup qu'une pension de 2 000 livres,
pour l'époque. En ce qui touche le neuvième, l'exa-
gération du récit est manifeste. Car il n'était point
indifférent pour le succès du Traité que l'auteur
eût bénéficié d'une protection aussi officielle! Et,
d'autre part, si le Régent avait eu pour but unique
de doter celte compilation ;de 300 000 livres, il n'au-
rait assurément pas grevé d'une manière définitive
les théâtres, dont l'agrément lui tenait fort au cœur,
d'un surcroît de dificultés matérielles. Sa munificence
eût découvert d'autres subsides, à moins qu'elle
n'eût renoncé à les chercher.
Les directeurs de théâtres renouvelèrent, quant
au neuvième, les prétentions qu'ils avaient émises
jadis pour alléger leur budget. Ils essayèrent de
défalquer leurs frais avant la perception. Une ordon-
nance du 4 mars 1719 les arrêta encore dans cette
voie :
« Sa Majesté, étant informée qu'au préjudice des-
dites lettres-patentes et ordonnances dont les dispo-
sitions sont si précises, les directeurs de l'Opéra et
les Comédiens François et Italiens ont, depuis quel-
ques mois, prétendu que le sixième et le neuvième
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ci-devant atlribués à Hôpital-Général et à l'Hôlel-
Dieu ne doivent être perçus qu'après avoir prélevé
les frais de représentation, ce qui est manifestement
contraire aux termes desdiles lettres- patentes et
ordonnances, et ne peut d'ailleurs avoir aucune ap-
parence de justice; d'autant que le sixième et le
neuvième étant perçus par augmentation, les direc-
teurs de l'Opéra et les comédiens reçoivent pour leur
compte les sommes qu'ils faisoient précédemment,
sans aucune diminution, et sur lesquelles ils étoient
obligés de payer les mêmes frais auxquels les spec-
tacles sont nécessairement assujettis; Sa Majesté, de
l'avis de M. le duc d'Orléans, Régent, désirant faire
cesser tout prétexte de difficulté à cet égard, alin
que lesdits Hôpital-Général et Hôtel-Dieu jouissent,
pour la subsistance et le soulagement des pauvres,
d'un secours sans lequel ils ne pourroient se sou-
tenir, a ordonné et ordonne que, conformément
auxdites lettres-patentes des 2.ï février 1690, 30 août
1701, 7 octobre 1704, 8 janvier 1715 et à son ordon-
nance du 5 février 1716, le sixième et le neuvième
continueront à être perçus au profit dudit Hôtel-
Dieu et de l'Hôpital-Général, par augmentation des
sommes qu'on recevoit, avant lesdites lettres-patentes
et ordonnances, pour les places et les entrées aux
Opéra, Comédies et autres spectacles publics qui se
jouent à Paris par permission de Sa Majesté, même
aux spectacles des foires, sans aucune diminution ni
retranchement, sous prétexte de frais ou autre-
ment. »
C'est donc toujours le même argument qu'on fait
valoir. Sous prétexte que, l'impôt venant en sus,
les théâtres peuvent élever le prix des places, et
que le public paye davantage, on allègue que la
charge est nulle! Par malheur, les événements dé-
mentent de jour en jour plus nettement cette solu-
tion donnée aux débats. Pour ne pas voir tomber
l'Académie de Musique, on l'autorise, le 10 avril
1721, à prélever, une fois le sixième acquitté,
600 livres chaque jour pour les frais. Le neuvième
ne frappe plus que le reste.
Le 21 juillet, même mesure pour l'Opéra-Comique,
qui peut prélever 150 livres.
Le 14 octobre 1736 seulement, la Comédie-Fran-
çaise fait rendre une ordonnance qui étend en sa
faveur l'application de ce procédé. Et elle prélève
300 livres, de même que la Comédie-Italienne1. Un
arrêt du Conseil, du 18 juin 1725, renouvelle ces
dispositions.
Mais comment perçoit-on les taxes? — Une déli-
bération des administrateurs de l'Hôtel-Dieu, du
22 juin 1725, commet le sieur de la Rivière pour
faire la recette du neuvième aux foires Saint-Ger-
main et Saint-Laurent, et lui abandonne un sol par
livre pour son contrôle. Une nouvelle délibération
du 6 mars 1731 le commet également pour l'Opéra,
la Comédie-Française et la Comédie-Italienne, avec
mission d'assister au compte de chaque représenta-
tion. Un ordre de M. de Maurepas, du 12 mai, auto-
rise cette remise de pouvoirs tant pour L'Hôpital
Général que pour l'Hôtel-Dieu; et, comme L'ingérence
de La Rivière souffre de la part des intéressés quel-
ques difficultés, une ordonnance de Hérault, lieute-
nant de police, du 17 mai 1732, en prescrit le libre
exercice. Sur quoi, une délibération de la compagnie
de l'Hôtel-Dieu, du 12 mai L733, arrête que son
commissaire « se transportera à l'Opéra à chaque
représentation, assistera au compte, fera La vérifies.
tion de tous les billets qui auront élé délivrés pour
les premières, secondes et troisièmes loges, le par-
terre, l'amphithéâtre, les balcons, coulisses- et
théâtre, et pour toutes les autres places; après la-
quelle vérification, il signera la feuille de produit
conjointement avec les directeurs dudit Opéra, de la-
quelle feuille il remettra copie par luy certifiée tous
les mois à M. le Receveur général, avec la part
revenante à l'Hôtel-Dieu dans le produit y contenu,
dans lequel contenu sera compris celuy des abonne-
mens des loges et autres places; le dit sieur de La
Rivière fera les mêmes opérations aux Comédies
françoise et italienne, et le produit de la Comédie
françoise appartenant à l'Kôtel-Dieu luy sera remis
par le sieur Romancau, auquel le dit sieur de La
Rivière continuera de payer soixante-quinze livres
par année, à commencer du premier janvier mil
sept cent trentre-trois... Et pour l'exécution du con-
tenu cy-dessus, dont le sieur de La Rivière donnera
sa soumission, la Compagnie est convenue et luy
accorde pour appointemens et frais quinze deniers
pour livre de la recette nette et effective dudit neu-
vième appartenant à l'Hôtel-Dieu sur les spectacles
de l'Opéra, des Comédies françoise et italienne et
des foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent, à
commencer du premier janvier mil sept cent trente-
trois, sans pouvoir employer dans ses comptes en
dépence aucuns frais de eontrolleurs et commis à
tous les spectacles, dont il se charge, ainsy que des
soixante-quinze livres cv-dessus accordées par année
au sieur Romancau, sans pouvoir en rien répéter
contre l'Hôtel-Dieu3. »
En 1737, le neuvième sur les comédies est réduit
au dixième. Un peu plus tard, la même concession
est faite à l'Opéra.
Puis on en vient, à la suite de contestations sans
nombre, et de procès entre les administrateurs des
hôpitaux et les directeurs de théâtre, à l'idée de
l'abonnement, laquelle, d'ailleurs, n'est pas nou-
velle. En conséquence, le 28 mai 1762, un traité est
passé devant Dulartre, notaire, entre les hôpitaux et
les deux comédies. (On sait que, depuis le mois de
janvier, l'Opéra-Comique est réuni à la Comédie-
Italienne.) L'abonnement est conclu pour neuf ans.
La Comédie-Française versera pour chaque exercice
60000 livres, la Comédie-Italienne 41) 105 livres, et
l'Opéra-Comique 14 895 livres. Une convention dans
le même sens est signée avec Reiikl et Francœur,
qui tiennent l'Opéra, pour 70000 livres. M. Honnassies
lui donne pour date le 1er avril.
En 1771, l'abonnement de l'Opéra fut renouvelé
pour 72 000 livres. Les hôpitaux refusèrent de renou-
veler celui des comédies. Au cours d'un ('change de
mémoires et de requêtes adressés au Conseil, un
arrêt du 22 mars 1771 statue que l'abonnement sera
continué par provision.
Les spectacles secondaires avaient, pour la plu-
part aussi, contracté des abonnements. Les .laies
originaires sont inconnues. Mais nous rayons que, en
1783, le sieur Astley, qui vient de fonder un Cirque,
l'Amphithéâtre Anglois, s'arrange pour 600 livres.
En 1784, les Petits Comédiens de S. A. S. le comte
de Beaujolais pour 400 livres; Lasalle, entrepreneur
installé des places .lans les coulis
TECHNIQUE, ESTIIÉT1QVE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 37s:
dn Waux-llall d'Hiver, qui jusqu'alors a été excepté
du droit des pauvres, pour 1200 livres. L'abonne-
ment d'Astley est élevé à 4 200 livres '.
En 178.S, Dorléuille et Gaillard, pour les Variétés,
S'engagent à une redevance .le 60 000 livres pendant
deux ans2.
Pour deux ans également, à compter du 2 jan-
vier 1786, Arnould et Atulinot, qui ont repris l'Am-
l.ii:ii-i.i
Pi.hr
■ quai I que
1 000 livres
sur une somme indistinctement I
pour chaque représentation3.
Kt en 1789, Léonard, Auher et consorts, entre-
preneurs du Théâtre de Monsieur obtiennent que le
dit quart ne sera pris que sur les recettes des dix-
premiers jours de chaque mois'.
LE THÉÂTRE PENDANT LÀ PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE
DE 17! H) A L806
LA LIBERTÉ DES SPECTACLES
La loi des 16-24 août 1790, sur l'organisation judi-
ciaire, disposa, dans son litre XI, art, 4 : « Les
spectacles publics ne pourront être permis et auto-
risés que par les ofliciers municipaux. Ceux des en-
trepreneurs et directeurs actuels qui ont obtenu des
autorisations, soit des gouverneurs des anciennes
provinces, soit de toute autre manière, se pourvoi-
ront devant les officiers municipaux, qui conlirme-
ront leur jouissance pour le temps qui en reste à
courir,à charged'une redevance envers les pauvres. »
Cette mesure provisoire, qui déjà faisait évanouir
le peu qui subsistait alors de l'idée de monopole,
fut suivie de la fameuse loi des 13-19 janvier 1791 :
« Tout citoyen, disait l'article Ier, pourra élever un
théâtre public pour y faire représenter les pièces de
tous genres, en faisant préalablement à l'établisse-
ment de son théâtre sa déclaration à la municipalité
des lieux. »
Cette liberté, loyalement proclamée avec tant
d'autres, était destinée, comme elles, à demeurer
dans le domaine des principes. Si les théâtres pou-
vaient s'ouvrir sans requéiir le privilège de jadis,
du moins combien furent fermés sur l'ordre de l'au-
torité! El à quelles conditions leur laissait-un le
droit de vivre !
Des spectacles nouveaux s'élevèrent de tous cotés :
— Le 1er septembre 1791, le Théâtre du Marais, rue
Culture-Sainte-Catherine; — le 12 janvier 1792, le
Théâtre du Vaudeville ; — le 20 octobre 1792, le
Théâtre du Palais, qui pr.md, en 1793, le nom de
Théâtre de la Cité, et plus tard celui de Cité-
Variétés; — en 1792 encore, rue Saint-Martin, le
'théâtre de Molière, qu'on appelle presque aussitôt
Théâtre .National de Molière, puis Théâtre des Sans-
Culottes en 1793. Il reprendra son nom de Théâtre
de Molière après la Terreur, et s'appellera, en 1800,
Variétés nationales et étrangères; — le 1" juillet
1793,1e Théâtre de Louvbis, rue de Louvois.
La même année, Mlle Montansier fonde le Théâtre-
National, rue de Richelieu, en face de la Biblio-
thèque.
On voit apparaître aussi le Théâtre de Marat, rue
de l'Estrapade; — le Boudoir des Muses, appelé, par
clih., Hotel-Pi.
TSi. !;,■
la suite, Théâtre de la Vieille rue du Temple; — le
l'héâtre de la rue du Chaume; — le Théâtre de la
rue du lîae, dit plus lard Théâtre de la Victoire; —
puis, sur le boulevard du Temple, le-; Elèves de
l'halie, les Petits-Comédiens-Français, le Théâtre
Minerve; — le Théâtre de la Liberté, à la foire
Saint-Germain; — en 1799, en 1800, le Théâtre des
Troubadours, qui s'établit d'abord dans la salle
Molière, ensuite dans la salle Louvois, et le Théâtre
des Jeunes Elèves, rue Dauphine, etc., etc.
Quant aux scènes anciennes, la plupart changent
de nom, et, plus souvent de direction. Le Théâtre du
Palais-Royal s'appelle, en avril 1791, Théâtre-Fran-
çais de la rue de Richelieu, et, après le 10 août,
Théâtre de la Liberté et de L'Egalité, puis Théâtre
de la République. Les Elèves de l'Opéra lui prennent
son ancien nom de Variétés-Amusantes. La Caité,
en 1795, s'appelle pour quelque temps Théâtre
d'Émulation. Le théâtre Montansier, au Palais-
Royal, devient le Théâtre de la Montagne en 1793,
et le Théâtre des Variétés en 1795. Celui des Asso-
cies devient le Théâtre Patriotique.
Franconi, qui succède à Astley, fonde le Cirque
Olympique.
POLICE
La loi des 16-24 août 1790, titre XI, article 3, avait
confié à la vigilance et à l'autorité des corps muni-
cipaux le maintien du bon ordre dans les spectacles.
La loi des 13-19 janvier 1791 s'exprima elle-même
en ces termes :
« Art. 6. — Les entrepreneurs et les membres de;-
différents théâtres seront, à raison de leur état,
sous l'inspection des municipalités; ils ne recevront
des ordres que des officiers municipaux... qui ne
pourront rien enjoindre aux comédiens que confor-
mément aux lois et règlements de police ; règlements
sur lesquels le Comité de Constitution dressera
incessamment un projet d'instruction. Provisoire-
ment, les anciens règlements seront exécutés. »
C'est à la municipalité de Paris que le décret du
2 août 1893 confiait le soin de faire exécuter ses dis-
positions. Le décret du 14 août autorisait les con-
seils des communes à diriger les spectacles. L'ar-
ticle 3 de la loi du 1er septembre répétait : « La
police des spectacles continuera d'appartenir exclu-
3 788
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE 1)11 CONSERVATOIRE
sivement aux municipalités. » L'arrêté du 25 plu-
viôse an IV chargeait les officiers municipaux de
veiller à ce que ses prescriptions fussent respectées.
Un autre arrêté du 1er germinal an VII leur en-
joignait de prendre certaines mesures pour prévenir
les dangers d'incendie.
Mais ce système, qui faisait dépendre des muni-
cipalités la police de la scène, la police de la salle
et la police extérieure, fut bientôt et définitivement
abandonné pour Paris. Tandis que l'article 13 de la
loi du 28 pluviôse an VIII confiait encore la police
des théâtres, dans les départements, aux maires, et,
à leur défaut, aux adjoints, l'article 16 de la même
loi faisait passer ces attributions, dans la capitale,
entre les mains du préfet de police. Et l'article 12
de l'arrêté du 12 messidor suivanl, qui déterminait
les fonctions de ce magistrat, disposait: « 11 aura
la police des théâtres en ce qui touche la sùrelé des
personnes, les précautions à prendre pour prévenir
les accidents, et assurer le maintien de la tranquil-
lité et du bon ordre tant au dedans qu'au dehors. »
Un arrêté du 3 brumaire an IX étendit l'autorité
du préfet de police sur tout le département de la
Seine, et sur les communes de Saint-Cloud, Meudon
et Sèvres.
A dalerd'un arrêté du :i brumaire an IX, les mu-
nicipalités l'urenl dépouillées pour quelques années
de leur aulorité sur les spectacles. Ledit arrêté, qui
précisait les attributions des commissaires généraux
de police dans les départements, rééditait à leur
profit et dans les même termes les dispositions rie
l'article 12 de l'arrêté du 12 messidor an VIII. Ces
fonctionnaires étaient, d'ailleurs, placés sous la
dépendance des préfets.
Le décret du 17 frimaire an XIV (8 décembre 1805)
revint, en ce qui concerne les départements, a In
législation antérieure, en continuant d'utiliser toute-
fois, dans une certaine mesure, le concours des com-
missaires généraux de police. Il était ainsi conçu :
" Ail. 1. Les commissaires généraux rie police sont
chargés de la police des théâtres, seulement en
ce qui concerne les ouvrages qui y sont représentés.
— Art. IL Lesmairessont chargés, sous tous les autres
rapports, de la police et du maintien de l'ordre et
de la sûreté. »
LA CENSURE SOUS LA RÉVOLUTION
La loi des 13-10 janvier- 1791, qui proclamait la
liberté des ihéàtres, abolit aussi la censure. L'ar-
ticle 6 disposa :
« Les entrepreneurs et les membres des différents
théâtres seront, à raison de leur état, sous l'inspec-
tion des municipalités; ils ne recevront des ordres
que des officiers municipaux, qui ne pourront arrêter
ni défendre la représentation d'une pièce, sauf la
responsabilité des auteurs et des comédiens, et
qui ne pourront rien enjoindre aux comédiens que
conformément aux règlements de police. »
Sauf la responsabilité îles <mt< urs et des comédiens,
— voilà un avertissement qui laissait fort à entendre...
On sait quelle était alors la nature ries griefs el la
forme des procès! Les auteurs n'avaient guère le
choix des sujets, ni les comédiens la liberté d'ac-
cepter- tous les rôles. Il fallait se soumettre, ou s'abs-
tenir. ISeaucoup par conviction, beaucoup d'autres
par nécessité, dirigèrent le courant ou se résignèrent
à le suivre.
Dès le i janvier 1791, â la Comédie-Française,
devenu le Théâtre de la Nation, on joue la Liberté
conquise ou le Despotisme renversé; le 25 février, le
Mari directeur ou le Déménagement du Couvent ; le
28 mars, les Victimes cloîtrées. En 1792, en 1793, on
affiche à l'Ambigu la Journée de Varennes ou le
Maître de poste de Saint e-Menehould; au Théâtre-
National, les Calilinas modernes, glorification tou-
chante de Marat! Au Vaudeville, laNourrice républi-
caine, avec la Carmagnole arrangée en berceuse pour
la circonstance; au Théâtre de la République, le
18 octobre 1793, le Jugement dernier des rois: au
Tbéàtre-Feydeau, le 26 janvier, la Papesse Jeanne :
au Théâtre Louvois, le 18 août, Une Journée au Vati-
can ou le Souper du Pape; au Théâtre de le Cité, les
Moines gourmands, les Dragons et les Bénédictines, A
bas la Calotte, l'Esprit des Prêtres: etc., etc.
A l'Opéra même, on donne la Journée du 10 Août
ou la Chute du dernier Ti/rau : la Montagne ou la Fon-
dation du Temple de la liberté. A l'Opéra-Comique-
National, Marat dans le souterrain des Cordeliers ou
la Journée du 10 Août.
Par contre, on interdit les pièces libertaires, mais
pacificatrices, de BetTroy de Ueigny. On emprisonne
Radet et Desfontaines, auteurs d'une pièce sans
intention politique aucune, la Chaste Suzanne, repré-
sentée au Vaudeville le 5 janvier 1793; on avait sur-
pris celle phrase dans le dialogue :
« Vous êtes ses accusateur s, vous ne pouvez être
ses juses! »
Le Théâtre de la Nation était taxé de réaction. Il
avait pointant donné, on vient d'en juger, la preuve
d'un certain civisme. Il est vrai que son répertoire
demeurait assez varié, et qu'en 1792. on y jouait
encore la Partie de Chasse </<• Henri IV! H aurait
peut-être fallu lui garder quelque reconnaissance,
en outre de ses services actuels voués à la cause
révolutionnaire, d'avoir donné accès jadis au Mariage
deFigaro, et d'avoir, le premier, mis en scène Char-
les IX ou l'Ecole des Rois.
A la suite de dissensions intestines — provoquées
par l'ambition un peu fiévreuse de Talma — et
aussi de troubles graves dans la salle, les représen-
tations de Cliarles IX avaient été interrompues par
le comité le 26 septembre 1790. Le lendemain, le
Conseil de Ville ordonnait la clôture jusqu'à la
reprise de la pièce. Le comité avait dû céder.
Le 3 janvier 1793, on jouail V imi des. Lois, de
Laya, une œuvre vraiment hardie par ces temps
difficiles, et dans laquelle Robespierre et Marat,
désignés sans détour, ne trouvaient pas précisément
une apologie de leur vie publique. Le 12 janvier, un
arrêté de la Commune interdit la représentation.
Tandis que le public, accouru malgré la défense,
emplit la salle et réclame le spectacle, Laya se
rend à la Convention et proteste contre l'arrêté.
L'assemblée se prononce aussitôl :
« La Convention Nationale, sur la lecture donnée
d'une lettre da maire de Paris, qui annonce qu'il y
a un rassemblement autour du Théâtre de la Nation,
qui demande que la Convention Nationale prenne en
considération une députation dont le peuple attend
l'effet avec impatience, et dont l'objet est d'obtenir
une décision favorable, afin que la pièce {'Ami des
Lois soit représentée nonobstant l'arrêté du Corps
municipal de Paris qui en défend la représentation,
passe à l'ordre du jour, motivé sur ce qu'il n'y a
point de loi qui autorise les corps municipaux à
censurer les spectacles. »
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAtiOClE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3789
En conséquence de ce décret, le Conseil Exécutif
prit, le 14 janvier, un arrêté dont la teneur suit :
« Le Conseil Exécutif provisoire, en exécution du
décret de la Convention Nationale de ce jour, délibé-
rant sur l'arrêté du Conseil général de la Commune
de Paris, en date du même jour, par lequel il est
ordonné que les spectacles seront fermés aujour-
d'hui; considérant que les circonstances ne néces-
sitent pas cette mesure extraordinaire, arrête que
les spectacles continueront d'être ouverts. Enjoint
néanmoins, au nomdelapaix publique, aux directeurs
des différents théâtres, d'éviter la représentation des
pièces qui, jusqu'à ce jour, ont occasionné quelque
double et qui pourraient le renouveler dans le mo-
ment présent ; charge le maire et la municipalité de
Paris de prendre les mesures nécessaires pour l'exécu-
tion du présent arrêté. »
Mais la Convention, devant laquelle cette décision
elle-même avait été attaquée, la mit à néant le
16 janvier :
« La Convention Nationale casse l'arrêté du Con-
seil Exécutif provisoire, en ce que l'injonction faite
aux directeurs des différents théâtres, étant vague
et indéterminée, blesse les principes, donnerait lieu
à l'arbitraire, et est contraire à l'article 6 de la loi
du 13 janvier 1791, qui porte que : Les entrepreneurs
ne recevront des ordres qne des officiers municipaux,
qui ne pourront arrêter ni défendre la représentation
d'une pièce, sauf la responsabilité des auteurs et des
comédiens, que conformément aux lois et aux règle-
ments de police. »
Hélas! les temps marchaient vite! Que l'on rap-
proche de ces proclamations le procès-verbal de la
séance du 31 mais. Moins de Irois mois seulement
s'étaient écoulés :
ii Cenessieu. — Je demande la parole pour un objet
qui intéresse la tranquilité publique. Dernièrement,
je me trouvais au Théâtre Montansier; on y jouait
Mérope, tragédie très connue de Voltaire. Tous les
patriotes qui s'y trouvèrent furent indignés de voir
que, dans les circonstances où nous nous trouvons,
on jouât une pièce dans laquelle une reine en deuil
pleure son mari et désire ardemment le retour de
deux frères absents. Le trouble que causa cette re-
présentation lit croire qu'elle ne serait plus jouée,
mais elle est affichée aujourd'hui sur un théâtre
qui prend le faux nom de patriote. Je demande que,
par décret, l'Assemblée défende celte représenta-
tion.
« M. Boissy-d'Anglas. — Je propose cetle ré-
daction : La Convention Nationale charge son
comité d'instruction publique de lui présenter
une loi sur la surveillance des spectacles, et, quant
au fait dénoncé par l'un de ses membres, que la
tragédie de Mérope est affichée pour être représentée
sur l'un des théâtres de Paris, charge le maire de
prendre les mesures nécessaires pour empêcher la
représentation de cette pièce. »
Cette rédaction est adoptée.
Bien mieux. Le 2 août, la Convention rend un
décret en ces termes :
« Article premier. — A compter du i de ce mois
et jusqu'au 1er septembre prochain, seront repré-
sentées trois fois la semaine, sur les Ihéàtres de
Paris qui seront désignés par la municipalité, les
tragédies de Brutus, Guillaume Tell, Caius Gracchus
et autres pièces dramatiques qui retracent les glo-
rieux événements de la Révolution et les vertus des
défenseurs de la liberté. Une de ces représentations
sera donnée chaque semaine aux frais de la Répu-
blique1.
Art. 2. —Tout théâtre sur lequel seraient repré-
sentées des pièces tendant à dépraver l'esprit pu-
blic et à réveiller la honteuse superstition de la
royauté sera fermé, et les directeurs punis selon la
rigueur des lois.
« La municipalité de Paris est chargée de l'exécu-
tion du présent décret2. »
Le Théâtre de la Nation, entre tous, fut le plus
cruellement frappé. Les hommes qui, à cette époque,
avaient substitué le lyrannisme à la monarchie, au
nom de la liberté ; la poignée de sectaires qui oppri-
maient la France courbée sous leur audace et leur
effronterie; les aventuriers sans scrupule, les cheva-
liers de politique, dont la célébrité, née delà veille,
allait être flétrie le lendemain, ne pardonnaient pas
;'i la vieille Comédie ses origines, ni son long et glo-
rieux passé. Us lui tenaient rigueur de ne s'être
point prosternée devant les clubs, de n'avoir cédé
qu'à contre-cœur à la pression des circonstances en
jouant quelques ouvrages ridicules et indignes d'elle,
et d'avoir cherché courageusement à sauver, au
milieu du désordre de toutes choses élevées, son
aristocratie littéraire et la renommée universelle de
sa distinction. On guettait un prétexte pour abattre
les murailles de ce dernier temple voué aux Arts et
au bon goût, et, faute de le trouver, on s'arma d'une
mauvaise querelle.
Paméla, une pièce dépourvue d'aucune allusion
aux événements qui passionnaient Paris, — ce qui
déjà était presque un crime, — écrite en assez belle
langue par François de Neufchàteau, pleine de sen-
timents magnanimes et généreux, avait été repré-
senté pour la première fois le l« août 1793. On y
avait remarqué certaine scène au cours de laquelle
un personnage se reprochait son zèle contre les
réformés, s'accusait de persécution et prétendait
s'affermir désormais dans la tolérance.
Les Jacobins n'admettaient point que la persécu-
tion fût condamnable, puisqu'ils vivaient d'elle. Le
2'J août, on allait commencer la neuvième représen-
tation de cette pièce, lorsqu'une interdiction survint
de la Commune. L'auteur, d'accord avec ses inter-
prètes, ayant supprimé quelques passages qu'il
croyait spécialement visés par celte décision, V, imita
reparut le 2 septembre sur l'affiche, et celle-ci por-
tail la mention accoutumée en pareil cas : « .ivre des
changements ... La soirée n'alla point sans quelques
clameurs de commande, et la dénonciation fit son
infâme office.
Le 3 septembre, le Comité de Salut Public rendit
un arrêté en cette forme :
« Le Comité de Salut Public, considérant que des
troubles se sont élevés dans la dernière représenta-
tion du Théâtre-Français, où les patriotes ont été
insultés; que les acteurs et actrices de ce théâtre
ont donné des preuves soutenues d'un incivisme
caractérisé depuis la Révolution et représente des
pièces antipatriotiques,
« Arrête :
« 1° Que le Théâtre-Français sera fermé;
m 2° Que les comédiens du Théâtre-Français et
1. I H décret du 3 pluviôse an II (32 ja
objet un crédit de 100 000 francs.
~. LaloiduHdu uiémc mois chargea les consei
communes .le diriger les spectacles, et d'y faire repré
les plus propres à former l'esprit public et à déve
républicaine.
94) alloua poi
-.pper l'énergie
ENCYCLOPEDIE DE I.A Mt'SIOCE ET DICTIOX XAIHE DU CnXSEKVATOIRE
l'auteur de Paméla, l'rançois (de Neufchâteau)
seront mis en état d'arrestation dans une maison
de sûreté et les scellés apposés sur leurs papiers.
« Ordonne à la police de Paris de tenir plus sévè-
rement la main à l'exécution de la loi du 2 août
dernier, relativement aux spectacles. »
La Convention, dominée par l'épouvante de la
suspicion, s'empressa de décréter des conclusions
conformes, le jour même :
« La Convention Nationale approuve l'arrêté pris
le 2 septembre par le Comité de Salut Public, et
renvoie au Comité de Sûreté Générale pour l'examen
des papiers qui seront trouvés sous les scellés. »
Bien que légalement, le régime répressif dût seul
être appliqué, le Conseil général de la Commune
exerçait en fait la censure. Un rapport d'un admi-
nistrateur de la police, du 24 ventôse an II, nous
apprend que la question de savoir si les pièces con-
tinueraient d'être examinées avant leur représen-
tation avait été posée au Conseil général, et que ce
dernier était passé à l'ordre du jour motivé sur ce
que la loi lui conliail la surveillance des spectacles.
Toutes les pièces nouvelles étaient examinées avec
un soin jaloux. Quant au répertoire ancien, il se
trouva soumis à des mutilations sans nombre, à
des remaniements inspirés d'une puérilité déconcer-
tante, résolus avec une irrévérence scandaleuse en-
vers la mémoire des génies nationaux. Toutes les
œuvres de Molière, de Corneille, de Racine, de Vol-
taire étaient défigurées sans le moindre scrupule.
Depuis longtemps déjà, les acteurs paraissaient avec
la cocarde, dans les rôles antiques comme dans les
rôles modernes. On en arriva à supprimer non seu-
lement les titres nobiliaires, mais jusqu'aux expres-
sions de « monsieur », « madame ». On s'appela
« citoyen » , dans Phèdre et dans le Misanthrope!...
Dans la partie d'échecs du Bourru bienfaisant, c'est :
« Échec au tyran I » qu'il fallut dire, au lieu de :
« Échec au roi1 ! »
La réaction thermidorienne fut aussi violente au
théâtre que partout ailleurs. On ne se contenta pas
de reprendre toutes les pièces naguère proscrites,
on créa un répertoire destiné à recueillir des applau-
dissements plus chaleureux en l'honneur de la déli-
vrance et à provoquer des manisfestations plus
éloquentes contre la faction du crime à présent
impuissante. Les orchestres accompagnent mainte-
nant le Réveil du Peuple, au lieu de la Carmagnole.
La peur a disparu avec le danger, et la haine s'exhale
avec d'aulaut plus de violence qu'elle fut plus long-
temps comprimée. Au Théâtre de la Cité lui-même,
on joue l Intérieur des Comités révolutionnaires ou
les Aristide* modernes; au Théâtre .Molière, le s upt l
des Jacobins; etc.
Toutefois, parmi les douze commissions instituées
par le décret des 12-1.1 germinal an II, celle de l'Ins-
truction publique, ayant la surveillance des spec-
tacles, rétablit formellement la censure par un arrêté
du 25 floréal an III.
Le 18 nivôse an IV, le Directoire, ému des mouve-
ments divers de l'opinion et de l'ardeur de la réac-
tion, prit un arrêté dont voici les termes :
« Tous les directeurs, entrepreneurs et proprié-
taires des spectacles de Paris sont tenus, sous leur
responsabilité individuelle, de faire jouer chaque
jour par leur orchestre, avant la levée île la toile,
les airs chéris des républicains, tels que la Marseil-
laise, Ça ira.', Veillons au Salut de l'Empire et le
Chant du départ. — Dana l'intervalle des deux pièces,
on chantera toujours l'hymne des Marseillais ou
quelque autre chanson patriotique. Le Théâtre des
Arts donnera, chaque jour de spectacle, une repré-
sentation de l'Offrande à la Liberté, avec ses chœurs
et accompagnement, ou quelque autre pièce républi-
caine. — Il est expressément défendu de chanter,
laisser ou faire chanter l'air homicide dit le Réveil
du Peu/île. — Le Ministre de la Police générale don-
nera les ordres les plus précis pour faire arrêter
tous ceux qui, dans les spectacles, appelleraient par
leurs discours le retour de la royauté, provoqueraient
l'anéantissement du Corps législatif ou du Pouvoir
exécutif, exciteraient le peuple à la révolte, trouble-
raient l'ordre et la tranquillité publique, et attente-
raient aux bonnes mœurs. »
Un arrêté du 27 nivôse étendit l'application de ces
prescriptions à toutes les provinces du territoire.
A son tour, l'arrêté du 25 pluviôse an IV disposa :
<• Article premier. — En exécution des lois qui
attribuent aux officiers municipaux des communes
la police et la direction des spectacles, le bureau
central de police, dans les cantons où il en est
établi, et les administrations municipales, dans les
autres cantons de la République, tiendront sévère-
ment la main à l'exécution des lois et règlements de
police sur le fait des spectacles, notamment des lois
rendues les 16-24 août 1790, 2 et 14 août 1703; en
conséquence, ils veilleront à ce qu'il ne soit repré-
senté sur les théâtres établis dans les communes
de leur arrondissement aucune pièce dont le con-
tenu puisse servir de prétexte à la malveillance
et occasionner du désordre, et ils arrêteront la
représentation de toutes celles par lesquelles l'ordre
public aurait été troublé d'une manière quelconque.
" Art. -2. — Conformément à l'article 2 de la loi du
2 août précitée, le bureau central de police et les ad-
ministrations municipales feront fermer les théâtres
sur lesquels seraient i .-présentées des pièces tendant
à dépraver l'esprit public et à reveiller la honteuse
superstition de la royauté, et ils feront arrêter et
traduire devant les officiers de police judiciaire
compétents les directeurs desdifs théâtres, poui
être punis suivant la rigueur des lois. »
On sait que la politique du Directoire consista en
une oscillation constante entre tous les partis. Les
Jacobins dressaient encore parfois ta tête. A la
veille du 18 fructidor, ils firent interdire une pièce
de Martainville, les Assemblées primitives ou les Elec-
tions, dans laquelle ils se trouvaient passablement
malmenés.
Sous le Consulat, l'exercice de la censure fut des
plus rigoureux. Bonaparte, assez puissant déjà pour
que le souci de la légalité ne l'embarrassât point, se
contenta de donner des instructions, et les ministres
s'empressèrent d'agir au delà même de ses souhaits.
Voici le texte d'une circulaire du ministre de l'in-
térieur adressée aux préfets, le 22 germinal an V1I1 :
il y aurait là matière à bien des rellexions!
.< Les spectacles ont attiré la sollicitude du gou-
vernement. C'est témoigner au peuple intérêt et
respect que d'éloigner de ses yeux tout ce qui n'esl
pas digne de sou estime, et tout ce qui pourrait
blesser ses opinions ou corrompre ses mœurs.
» Convaincu de celle vérité, le Gouvernemenl m'a
chargé 4e l'honorable soin de surveiller les théâtres.
Vous m'aiderez à justifier sa confiance.
« Désormais, les seuls .ouvrages dont j'aurai auto-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
risé la représentation à Paris pourront être joués
dans les départements. Vous recevrez incessamment
la liste des pièces, tant ancien-nés que modernes,
qui pourront être mises ou remises au théâtre, et
vous veillerez à ce qu'aucune antre ne soit placée
sur le répertoire des directeurs de spectacles,
« Si quelques-uns de ces directeurs désiraient
mettre au théâtre des ouvrages qui ne fussent point
sur la liste, vous m'en adresserez les manuscrits
avec votre avis, pour que je puisse prononcer. »
l'ne nouvelle circulaire du 7 messidor an X ,
adressée par le conseiller d'Etat chargé de l'instruc-
tion publique aux préfets, leur prescrit de faire
représenter, le plus qu'ils pourront, les ouvrages
anciens et modernes joués sur le Théâtre-Français,
d'écarter de tout leur pouvoir les rapsodies des
petits théâtres de Paris, et de ne permettre que
comme accessoires les pièces de l'Opéra-Comique et
du Vaudeville.
Enfin, une autre circulaire, du même personnage
aux mêmes fonctionnaires, leur enjoint d'exiger par
avance des directeurs le répertoire de chaque tri-
mestre, et de le lui adresser pour le mettre à même
de l'arrêter, le Gouvernement ne voulant point
qu'aucune pièce fût jouée sur aucun théâtre sans
l'approbation de l'autorité supérieure.
I, 'article 14 du décret du 8 juin 1806 disposait
qu'aucune pièce ne pourrait être jouée sans l'auto-
risation du ministre de la police générale.
Nous n'apprécierons pas la façon dont fut exercée
la censure sous le premier Empire. On sait, du reste,
que le gouvernement de Bonaparte ne péchait point
par excès de tolérance !
LE DROIT DES PAUVRES SOUS LA RÉVOLUTION
La loi des 4, 3, 6 août 1790 supprima, on le sait,
toutes les dîmes et redevances dont jouissaient les
gens de mainmorte. Le droit des pauvres eût, dès
lors, disparu si cette loi, ne se bornant pas à une dé-
claration de principe, avait immédiatement pourvu
aux mesures pratiques qu'elle se contentait d'an-
noncer en vue de secourir l'indigence.
Quelques jours après, la loi des 16-24 août, qui
plaçait les spectacles publics sous l'autorité des ofli-
ciers municipaux, enjoignit à ceux-ci de ne con-
firmer les droils préexistants des entrepreneurs qu'à
charge d'une redevance envers 1rs pauvres.
Lorsque intervint la loi des 13-19 janvier 1791 sur
la liberté des théâtres, ceux-ci refusèrent catégori-
quement d'acquitter aucun impôt de ce genre, sous
le prétexte que leur émancipation entraînait, par
voie de conséquence, l'abolition de toute charge1.
Ln arrêté du 11 nivôse an IV fit cesser cette
interprétation, en prescrivant à tous les théâtres de
Paris el de la province de donner chaque mois une
représentation au profil des pauvres ; pour ces repré-
sentations, ils étaient autorisés à tiercer le prix des
places « et à recevoir les rétributions volontaires de
tous ceux qui désireraient concourir à cette bonne
ceuvre». Le relevé des encaissements devait être fait,
à Paris, par une commission déléguée du ministre de
l'intérieur, et, dans les départements, par les agents
municipaux.
Enfin la loi du 7 frimaire an V, qui créa l'assis-
tance publique des bureaux de bienfaisance, reprit
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 37H1
l'ancien système de la monarchie et disposa en ces
termes :
" Article premier. — Il sera perçu un décime par
franc (deux sous pour livre) en sus du prix de chaque
billet d'entrée, pendant six mois, dans tous les spec-
tacles où se donnent des pièces de théâtre, des bals,
des feux d'artifice, des concerts, des courses, et des
exercices de chevaux, pour lesquels les spectateurs
payent. La même perception aura lieu sur le prix
des places louées pour un temps déterminé.
u Art. 2. — Le produit de la recelte sera employé
à secourir les indigents qui ne sont pas dans les
hospices.
« Art. 3. — Lesdites administrations (bureau de
bienfaisance) détermineront les mesures qu'elles
croiront convenables pour assurer le recouvrement
du droil ordonné par l'article I'1. n
On voit toutefois que le taux de l'impôt se trou-
vait considérablement abaissé. Ce n'était plus le
quart que l'on percevait, mais le dixième, c'est-à-
dire ce qui revenait jadis au seul Hôtel-Dieu, dans
les dernières années de l'ancien régime.
On a cru devoir faire ressortir une innovation
dans le caractère de la nouvelle taxe, en ce qu'elle
frappait tous les génies de spectacles, et non plus
uniquement les théâtres '.—.Mais nous avens signalé,
dans un précédent chapitre, qu'on n'avait point
négligé d'imposer les waux-halls et les cirques
avant 1789.
La véritable innovation consistait dans ce fait que
les hospices voyaient échapper un énorme revenu,
sans qu'on le remplaçât d'autre part.
Le 29 frimaire, un arrêté du Directoire confia aux
entrepreneurs de spectacles eux-mêmes le soin de
la perception, an nom de l'Assistance publique.
La loi n'avait statué que pour une période de six
mois. Ce délai fut renouvelé par les lois du 2 floréal,
puis du 8 thermidor. Cette dernière, modifiant sen-
siblement les précédentes, en revint à l'exigence du
quart de la recette brute, pour tous les spectacles
autres que les théâtres proprement dits; de plus, ce
quart dut profiter aux hospices comme aux bureaux
de bienfaisance :
« Article premier. — Le droit d'un décime par
franc, établi par la loi du 7 frimaire an V et prorogé
par celle du 2 floréal dernier, continuera â être
perçujusqu'au 7 frimaire de l'an VI, en sus du prix
de chaque billet d'entrée et d'abonnement dans tous
les spectacles où se donnent des pièces de théâtre.
« Art. 2. — Le même droil 'd'un décime par franc,
établi et prorogé par les mêmes lois à l'entrée des
bals, feux d'artifice, des concerts, des courses el
exercices de chevaux et autres fêtes où on est admis
en pavant, est porté au quart de la recette jusqu'au
7 frimaire prochain.
o Art. 3. — Le produit des droits perçus en vertu
des articles précédents sera consacré uniquement
aux besoins des hospices et aux secours à domicile,
dans les proportions qui seront déterminées par le
bureau central dans les communes où il y a plusieurs
municipalités el par l'administration municipale
dans les autres, conformément à l'article 7 de la loi
du 7 frimaire. »
De nouvelles prorogations furent apportées par
les loi du 2 frimaire el du 19 fructidor an VI, et par
celle du 6e jour complémentaire an VII.
A la suite de la réorganisation administrative d'où
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
résultait la réduction du nombre des administra-
teurs municipaux chargés jusqu'alors de la consta-
tation des recettes par le bureau central, un arrêté
du préfet de police du 23 ventôse de l'an VIII en
remit désormais le soin aux comités de bienfaisance.
Le 7 fructidor de la même année, un arrêté consu-
laire prorogea encore cet impôt. On en a contesté
la légalité à .juste titre1, puisque le pouvoir exécutif
usurpait ici l'autorité du pouvoir législatif. Une cir-
culaire ministérielle du 24 chargea les préfets et
sous-préfets d'établir le mode de recouvrement. Les
préfets devaient aussi pourvoir à la répartition du
produit entre les hospices et les bureaux de bien-
faisance.
Nouvelle prorogation par un nouvel arrêté consu-
laire du 9 fructidor en IX. Notons que, en brumaire
an X, la perception fut affermée aux enchères.
Prorogation le 18 thermidor. Et une circulaire
ministérielle du 26 fructidor ordonna que la taxe
serait levée même dans les établissements où, sans
que l'on eût à payer dès l'entrée, les industriels
parvenaient, de diverses façons, à tirer de l'argent
du public; elle ordonnait, en outre, que la réparti-
tion fût faite soit en entier dans la caisse des hôpi-
taux, soit en entier dans celle de l'Assistance pu-
blique, selon les nécessités, mais de préférence au
profil de cette dernière. Eu cas de représentation à
bénéfice, l'augmentation accidentelle du prix des
places ne devait aucunement influer sur la taxe,
laquelle continuerait de porter sur le prix ordinaire.
Prorogation le 10 thermidor an XI. Et, d'après
l'article^ de l'arrêté, les contestations qui pouvaient
s'élever dans son exécution ou son interprétation
devaient être tranchées par les préfets, en conseil de
préfecture, sur l'avis motivé des comités consulta-
tifs établis en exécution de l'arrêté du 7 messidor
an IX, dans chaque arrondissement communal, pour
le contentieux de l'administration des pauvres et
des hospices, sauf, en cas de réclamation, le recours
au gouvernement.
Prorogation par les décrets du 30 thermidor an
XII et du 8 fructidor an XIII. Celui-ci, en ce qui
concerne les poursuites éventuelles tendant au re-
couvrement du droit, donne compétence, non plus
aux prélets, mais aux conseils de préfecture, par
assimilation au régime des contributions directes et
indirectes, et ordonne l'exécution provisoire, non-
obstant le recours.
Prorogation par décret du 21 août 1800. Le 17 dé-
cembre, l'administration des hospices, par un arrêté
approuvé le 17 janvier 1807, établit une régie inté-
ressée en vue de la perception.
Prorogation par décrets du 2 novembre 1807 el «lu
26 novembre 1808.
Enfin, le décret du 9 décembre 1809 donna au
droit des pauvres le caractère de permanence :
« Article premier. — Les droits qui ont été perçus
jusqu'à ce jour en faveur des pauvres ou des hospices,
en sus de chaque billet d'entrée et d'abonnement
dans les spectacles et sur la recette brute des bals,
concerts, danses et fêtes publiques, continueront à
être indéfiniment perçus ainsi qu'ils l'ont été pen-
dant le cours de cette année et des années anté-
rieures, sous la responsabilité des receveurs et con-
trôleurs de ces établissements.
ci Art. i. — La perception de ces droits continuera,
pour Paris, d'être mise en ferme ou régie intéressée,
d'après les formes, clauses, charges et conditions
qui en seront approuvées par notre ministre de l'in-
térieur. En cas de régie intéressée, le receveur comp-
table de ces établissements el le contrôleur des
recettes et dépenses seront spécialement chargés du
contrôle de la régie, sous l'autorité de la commis-
sion executive des hospices et sous la surveillance
du préfet de la Seine.
« Art. 3. — Dans le cas où la régie intéressée
jugerait utile de souscrire des abonnements, ils ne
pourront avoir lieu qu'avec notre approbation en
Conseil d'Etat, comme pour les biens des hospices
à mettre en régie, et cette approbation ne sera
donnée que sur l'avis du préfet de la Seine, qui con-
sultera la commission executive el le conseil des
hospices.
« Art. 4. — Les représentations gratuites et à béné-
fice seront, au surplus, exemptes des droits men-
tionnés aux articles qui précèdent, sur l'augmenta-
tion mise au prix ordinaire des billets. »
M. Bonnassies a fait remarquer que ce décret,
dont l'importance est considérable, ne figure ni au
Bulletin des lois, ni au Moniteur, non plus, du reste,
que ceux du 2 novembre 1S07 et du 24 novembre
1808. « C'est, dit-il, plus lard seulement, le 13 février
1812, dans un décret relatif à l'introduction de
l'impôt dans les déparlements de Rome et de Tra-
simène, que nous apprenons l'existence des deux
premiers etque nousvoyons reproduit le troisième. »
En 1817, la loi de finances du 25 mars, dans l'ar-
ticle 131, assimila le droit des pauvres aux contri-
butions publiques. Depuis cette époque, chaque
année, il a été volé dans les lois budgétaires.
Bien des débats parlementaires se sont fait en-
tendre, au long de ce xixe siècle, sur la question du
droit des pauvres. Ils n'ont abouti, jusqu'à présent,
qu'à deux modifications spéciales de quotité. La loi
du budget du 16 juillet 1840 plaça les concerts quo-
tidiens sur le même pied que les théâtres. Elle
abaissa le droit auquel ils étaient soumis du quart
au dixième. Puis la loi du 3 août 1875, établissant
le budget de 1876, abaissa ce même droit, pour les
concerts non quotidiens, du même quart à cinq pour
cent delà recette brute. Encore cette disposition ne
s'applique-t-elle qu'aux concerts « donnés par les
artistes ou les associations d'arlistes. », ce qui exclut
les cafés-concerts et leurs dérivés.
L'OPÉRA
La dévolution, qui avait, par la loi du 13-19 janvier
1791, proclamé la liberté du théâtre, avait, de ce fait
supprimé tout privilège et tous monopoles, si bien
que tout citoyen pouvait élever un théâtre publiée!
y représenter des pièces de tous genres, en faisant
préalablement une déclaration à la municipalité.
Le 2 mars de la même année, les privilèges de
profession étaient également supprimés. El pourtant
l'Opéra, portant toujours le nom d'Académie royale
de musique, continuait à jouer Castor et Pollux, re-
touché par Candeille, Adélaïde et Ladislas, et M"9 Ro-
landeau reprenait, le 10 avril, Œdipe à Colone.
Le refrain ordinaire Ça ira interrompait souvenl
les représentations.
Quand Louis XVI el sa famille eurent été arrêtés
à Varennes, le 25 juin 1791, le Théâtre Lyrique
changea de nom et prit le titre d'Opéra, sans rien de
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUB VENTIONNÉS
royal. En même temps, l'affiche porta les noms des
artistes qui devaient jouer, ainsi que les titres des
pièces et les noms des auteurs.
Le but était d'empêcher les spectacles anonymes
empreints de modérantisme, en assurant l'impunité
des auteurs qui auraient réussi à se cacher. Telle
est l'origine de l'affiche théâtrale. Au xvme siècle,
elle n'existait point, et c'est pour ce motif que les
vendredis de l'Opéra avaient, sous la Régence, pris un
caractère de gala, parce que, ces jours-là, on savait
que c'étaient les chefs d'emploi qui tenaient leurs
rôles.
Un arrêté du Comité de salut public décida, le
10 septembre, au moment où le roi venait de signer
la Constitution, que l'Opéra reprendrait le titre
d'Académie royale de musique.
Le 18, Louis XVI offrait une grande fête aux Tui-
leries, et le 2(1 il venait pour la dernière fois à l'Opéra.
On y représenta Castor et Pollux, et la recelte fut de
6036 livres. Le lendemain, la famille royale, encou-
ragée par le bon accueil qu'elle avait reçu à l'Opéra,
voulut se rendre à l'Opéra-Comique, mais une ba-
garre fut déterminée par la présence de la reine,
qui dut s'échapper de la salle.
Le 18 octobre, l'Académie prenait le titre d'Opéra
national.
Deux citoyens, Francœur et Cellerier, prirent, en
1792, la direction du théâtre. Le 22 janvier 1793, le
lendemain de la mort de Louis XVI, il donnèrent
Roland, qui ne lit que 702 livres.
On jouait alors un opéra de Gossec et Gardel, inti-
tulé l'Offrande à la Liberté (2 octobre 1792). M"« Mail-
lard chantait la Marseillaise, coiffée d'un bonnet
phrygien. Le répertoire se composait encore de deux
ballets-pantomimes de Pierre Gardel, Télémaque et
Psyché, dans lesquels M",e Gardel tenait les princi-
paux rôles. C'était, disait Noverre, la Vénus de"
Médicis de la danse. Mllc Chameroy, qui s'était fa il
remarquer dans Tvlèmaque, obtint de Gardel le rôle
de Cupidon dans le Jugement de Paris.
La ville de Paris exerçait un pouvoir absolu sur
l'Opéra. Cliaumette, procureur syndic, Leroux, Hen-
riot et Hébert, membres de la Commune, étaient
spécialemenl chargés de la surveillance du théâtre
Ils n'admettaient aucune [excuse, et portaient sur la
liste des suspects les artistes qui refusaient déjouer.
Un ténor de second ordre, Lefèvrk, faisait la loi à
l'Opéra. Il enleva leurs rôles à Laine/., Rousseai .
Renaud, Saint-Léon et Dillois, en les menaçant d'une
dénonciation et de la guillotine. Il ne réussit qu'à
être siftlé par le public.
Hébert rédigea une liste de vingt-deux noms de
chanteurs et de danseurs destinés à la guillotine, et il
la montrait volontiers, si bien que le danseur comique
Beaupré réussit à la lui enlever.
Les massacres de septembre n'arrêtèrent pas les
représentations dramatiques. Le Triomphe de la Ré-
publique de M.-J.Chénier, musique de Gossec, réussit
pleinement, le 27 janvier 179.'!. La Patrie reconnais-
sante de Lebœuf et Candeille fut au contraire siftlé.'
huit jours après.
Le 6 mars 179:!, le Jugement de Paris, de Gardel,
musique de Haydn, Plbtel et Méhul, avec Auguste
Vestris, M11" Saulnier, Aubry, Coulon, Duchemin,
Clotilde, Delisle, Chevigny, l'ait fureur. Quant aux
anciens opéras du répertoire, ils sont tous proscrits,
sauf ceux de Gluck, « comme propres à blesser les
oreilles et les yeux des républicains qui fréquentent
maintenant les spectacles ».
Le Mariage de Figaro de Mozart, mal traduit par
Notans, n'est point compris et n'est joué que cinq
Après la défection du général Dumouriez, la com-
mune devint plus sévère encore. Le Journal des spec-
tacles indique chaque jour le nom des acteurs et
leurs rôles, et on impose à Francœur et Cellerier le
Siège de Thionville, opéra de Louis Jadin, qui avait
ete refuse par eux. L'arrêté qui annonce le spectacle
pour le 2juinl793 est curieux :
« Considérant que depuis longtemps l'aristocratie
s est réfugiée chez les administrateurs des différents
spectacles;
« Considérant que ces messieurs corrompent l'es-
prit public par les pièces qu'ils représentent;
« Considérant qu'ils influent dune manière' funeste
sur la Révolution;
«Arrête que le S%e de Thionville sera représenté
gratis et uniquement pour l'amusement des sans-
culottes, qui, jusqu'à ce moment, ont été les vrais
défenseurs de la liberté et les soutiens de la démo-
cratie. »
Malgré l'obéissance des directeurs, et malgré leur
bonne volonté pour l'aire représenter la Fête de la
Raison ou la Rosière républicaine, de Grétry, et l'Apo-
théose de Marat, la Commune décida, le 16 sep-
tembre 1793, que Francœur et Cellerier seraient mis
en prison comme suspects.
C'est un comité choisi parmi les artistes du théâtre
les plus exaltés, tels que Lays, Rey, Rochefort et
La Suze, qui fut délégué par la Commune pour re-
prendre l'Opéra à son compte, (in joua Fabius, opéra
de .1. Martin, musique deMÉREAux, la Montagne ou la
Fondation du temple de la Liberté de Milcent et Fonte-
NELLB,Ie 26 octobre 1793; Toute la Grèce ouCe>quepeut
la liberté, tableau patriotique de Le Moyne, le 5 janvier
1794; Horatius Codés, acle lyrique de Médit, 18 février
1794; Toulon soumis, impromptu républicain, de
Fabre d'Olivet, musique par Rochefort, 4 mars 1791 ;
la Réunion du 10 Août ou l'Inauguration de la Répu-
blique française, sans-culottide en S actes, de Bou
quier, musique de Porta, 3 avril 1794.
Le 7 août, l'Opéras'établitdans une salle construite
sur l'emplacement de l'hôtel de Louvois, rue de
Richelieu, et prit le titre de Théâtre des Arl.s. Enfin le
29 septembre 1794, après une représentation d'Iphi-
génie en Tauride , on chante à |l'Opéra le Chant du
départ de Méhul, qui est donné à chaque représen-
tation.
Dans le personnel de l'Opéra, se trouvaient, à la
fin de la l'erreur, Perne et Villoleau, qui chantaient
dans les chœurs, et comme aide-machiniste le mar-
quis de Louvois.
La situation administrative de l'Opéra était réglée
par un décret du 5 messidor an III, qui déclai lil
la nation propriétaire du théâtre, moyennanl une.
indemnité de 8 millions d'assignats.
Le 27 vendémiaire an III, la Convention avait ar-
rêté, à l'égard de l'Opéra, les dispositions suivantes :
« La Convention nationale, après avoir entendu le
rapport de ses comités d'Instruction publique et îles
Finances réunis :
.. Considérant, que le Théâtre des Arts étant plan''
sons la surveillance et sous la direction spéciale de
la République, il est instant d'établir l'ordre et l'éco-
nomie dans cette administration, décrète ce qui
« Article premier. — L'année théâtrale sera comp-
tée à l'avenir comme l'année civile.
3711-'i
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
■• i//. i. — Les comités d Instruction publique
el des Finances réunis feront un règlement sur le
nombre, le traitement des altistes et préposés, leur
discipline intérieure, l'administration et la compta-
bilité du Théâtre des Arts.
Iri 3. — Les artistes et préposés garantiront
Une recette de 688000 livres.. S'il existait un déficit
à cet égard, il sérail pris au marc la livre sur leur
traitement.
.. Ce qui excédera en outre la somme ci-dessus
tixée sera divisé en deux parties : la première sera
versée au Trésor public; la deuxième sera répartie
entre les artistes et préposés, conformément au règle-
ment qui sera fait par les comités réunis.
(( Art. i. — Les deux comités réunis présenteront
un projet de décret sur les retraites des artistes et
préposés.
\il. 5. — La commission d'Instruction publique
est autorisée à ordonnancer, sur les fonds mis à sa
disposition, jusqu'à concurrence de 30 000 francs par
mois pour les dépenses variables, et d'une somme de
100 0011 francs, une fois payée, pour être employée
aux changements à taire dans la salle, et en paye-
ment des parties les plus pressées de l'arriéré.
. irt. 6. — Les deux comités présenteront pareil-
lement leurs vues sur la liquidation des sommes dues
aux propriétaires et créanciers de la nouvelle salle,
et sur l'ancienne administration du Théâtre des Arts. »
Le système adopté par la Convention ne manquait
point d'une certaine originalité, il faut en convenir.
Réglementer l'administration d'un théâtre sans
laisser aux artistes la moindre initiative; obliger
cependant lesdits artistes à garantir le montant des
frais sur leur traitement, tout en bornant, d'autre
part, leur répertoire aux pièces jugées patriotiques
par les hommes du moment1 ; et créer, en définitive,
une si l 'te de société en participation à commencer
de la réalisation des profits, dont l'Etat prélèverait
moitié, voilà qui est sans doute ingénieux, mais
d'une générosité douteuse.
Toujours est-il que, par un arrêté du II thermidor
an VI, le Conseil des Cinq-Cents décidait qu'un mes-
sage serai! adressé au Directoire pour l'inviter à re-
chercher les causes de la décadence de l'Opéra.
Cependant, l'heure n'était pas enc proci
cette institution nationale devait retrouver tout sqii
éclat.
Après la chute de Robespierre, l'Opéra recouvra son
ancienne liberté, et les artistes qui avaient pris une
part trop active à la Révolution lurent à leur tour
molestés. Les nouveaux directeurs, Cellerier et Fon-
taine, commencèrent par briser les bustes de Maiat
depuis ta Rév
et de Pelletier, qui avaient fait emprisonner l'un d'eux.
Laïs, le ténor sans-culotte, ne put chanter ÛEdtpe à
Colone, devant le tumulte effroyable qui l'accueillit.
On lui demanda de chanter le Réveil du peuple, mais
il en fut incapable, et ce fut Laine/, qui le remplaça.'
Pendant plus de seize mois, les ailleurs, longtemps
terrorisés et ne sachant comment les affaires publi-
ques tourneraient, s'abstinrent de donner des pièces
nouvelles. C'est GbÉIRY qui, le premier, revenant à
la mythologie, donna Anacréon, dans lequel on re-
marqua un solo de clarinette .joué par Lefèvre.
Le 14 pluviôse an IV (2 février 1797), l'Opéra chan-
gea encore de titre pour s'appeler Théâtre de la Ré-
publique et des Arts. En même temps, des adminis-
trateurs sont nommés : MM. La Chabeaussière, Ma-
zade, d'Avèze, Caillot, et de Parny. Le citoyen Mir-
beck est nommé commissaire du ministre, auprès du
théâtre et remplacé, six mois après, par Francœuh,
Denesle et Baco.
La salle est en même temps restaurée, embellie;,
les appointements des premiers sujets sont portés à
12 000 francs.
On applaudit Mlle Chevalier dans le rôle d'Anti-
gone, le 26 décembre 1798, Gaétan Vestris dans
Aimetteet Lubin, ballet de MovERns.le 16 janvier I 799;
Carat, Rode, Frédéric Duvernoy, Ml|p Henri font des
recettes colossales, et, le i juin 1799, on représente
Adrien, opéra en 3 actes, paroles d'Hoffmann et mu-
sique de Méhil. La Taglioni débutait quelques mois
après, le 16septembre, dans la Caravane, avec Armand
Vestris, le troisième du nom.
L'ancien directeur de Vismes du Valgay, qui s'ap-
pelait maintenant Devismes, el Bonet .le Treiches
prirent alors la direction de l'Opéra avec Cellerier.
Ils rétablirent les bals masqués, (îrent représenter
la Dansomanie, de Gardel et Méiiul, Praxitèle, de
Mllle Devismes, Sémiramis, île Catel, les Horaces, de
Porta, le 18 vendémiaire an IX , au coursde la repré-
sentation desquels Bonaparte, premier Consul, lit
arrêter les conjurés qui voulaient le faire assassiner,
au moment où ils allumaient des boites phosphori-
ques, pour détourner l'attention des spectateurs.
Le 3 nivôse an IX, une « machine infernale » fait
explosion rue Saint-.Nieaise sur le passage de Bona-
parte, qui se rendait aune représentation de la Créa-
tion d'HAYDN.
Devismes ne garda pas longtemps la direction du
théâtre, il fui remplacé par B( t de Treiches, au-
quel succéda Cellerier. Puis, le l'aéàtre de la Répu-
blique el des Arts est mis sous la surveillance du
préfet du palais. Morel en devint directeur, el Bonel
de Treiches, administrateur comptable.
Le théâtre de l'Opéra devait d'ailleurs prendre, le
29 juin 1804, le titre d'Académie impériale oh» mu-
sique.
TECHNHWE. ESTIIETKiUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3795
LE THÉÂTRE DEPUIS 1806
RETOUR AU RÉGIME DU PRIVILEGE
Au commencement du Premier Km pire, les divers
théâtres traversaient une crise difficile, et l'fflrt dra-
matique avait besoin d'un secours qui lui fut immé-
diatement prêté. Nous sommes assez l'ennemi du
privilège et du monopole pour nous permettre de
déclarer que leur rétablissement par Napoléon, dans
les circonstances exceptionnelles où il eut lieu, fut
accidentellement un bienfait. Malheureusement, par
la suite, on ne revint pas assez tôt au régime de la
liberté, lorsqu'on eut pu le faire non seulement sans
danger, mais encore avec prniit.
Le 8 juin 1800 fut rendu un décret ainsi on. u :
Titre I : Des Théâtres de la capitale.
■ ■ \iikle premier. — Aucun théâtre ne pourra s'éta-
blir dans la capitale sans notre autorisation spéciale,
sur le rapport qui nous sera fait par notre Ministre
de l'Intérieur.
<i Art. 2. — Tout entrepreneur qui voudra obtenir
celte autorisation sera tenu de faire la déclaration
prescrit* par la loi, et de justitier, devant notre
Ministre de l'Intérieur, des moyens qu'il aura pour
assurer l'exécution de ses engagements.
e< Art. 3. — Le Théâtre de l'Impératrice sera
placé à l'Odéon, aussitôt que les réparations seront
achevées.
« Les entrepreneurs du Théâtre Moulansier, d'ici
au 1er janvier 1807, établiront leur théâtre dans un
autre local.
« Art. i. — Les répertoires de l'Opéra, de la
Comédie-Française et de l'Opéra-Comique seront
ari'ètés par le Ministre de l'Intérieur; et nul autre
théâtre ne pourra représenter à Paris des pièces
comprises dans les répertoires de ces trois grands
théâtres sans leur autorisation, et sans leur payer une
rétribution qui sera réglée de gré à gré, et avec
l'autorisation du Ministre.
« Art. S. — Le Ministre de l'Intérieur pourra as-
signer à chaque théâtre un genre de spectacle dans
lequel il sera tenu de se renfermer.
<• Art. 6'. — L'Opéra pourra seul donner des ballets
ayant les caractères qui sont propres à ce théâtre,
et qui seront déterminés par le Ministre de l'Inté-
rieur.
« Il sera le seul théâtre qui pourra donner des
bals masqués.
Titre II .- Théâtres des départements.
« Art. 7. — Dans les grandes villes de l' Km pire
les théâtres seront réduits au nombre de deux. Dans
les autres villes, il n'en pourra subsister qu'un. Tous
devront être munis de l'autorisation du préfet, qui
rendra compte de leur situation au Ministre de l'In-
térieur.
« Art. S. — Aucune troupe ambulante ne pourra
subsister sans l'autorisation des Ministres de l'Inté-
rieur et de la Police. Le Ministre de l'Intérieur dési-
gnera les arrondissements qui leur seront destinés
et en préviendra les préfets.
« Art. 9. — Dans chaque chef-lieu de département,
le théâtre principal jouira seul du droit de donner
des bals masqués.
Dispositions générales.
•■ Ail. /.;. — Tout entrepreneur qui aura fait fail-
lite ne pourra plus rouvrir de théâtres.
\ri. /•'). — Les spectacles de curiosités seront
soumis à des règlements particuliers et ne porte-
ront plus le titre de théâtres. »
Comme complément aux dispositions de ci
un arrêté fut pris par le ministre de l'intérieur, le
•25 avril 1807.
Les théâtres de Paris s'y trouvaient divises en
ijxindi théâtres et théâtres secondaires.
Les premiers, qui devaient jouir des prérogatives
indiquées dans l'article i du décret, étaient :
l°Le Théâtre-Français (Théâtre de S. M. l'Empe-
reur). Son répertoire se composait, d'une part, de
toutes les pièces (tragédies, comédies et drames)
jouées sur l'ancien théâtre de l'hôtel de Bourgogne,
sur celui que dirigeait Molière, et sur le théâtre
formé de la réunion de ces deux établissements; —
d'autre part, « des comédies jouées sur les théâtres
dits Italiens, jusqu'à l'établissement de l'Opéra-
C.oniique .
Le Théâtre de l'Impératrice était considéré comme
une annexe du Théâtre-Français, pour la comédie
seulement. Son répertoire contenait les comédies
et drames spécialement composés pour ce théâtre,
et les comédies jouées sur les théâtres dits Italiens
jusqu'à l'établissement de l'Opéra-Comique, ces der-
nières pièces pouvant être représentées concurrem-
ment sur ledit Théâtre de l'Impératrice et sur le
Théâtre-Français.
2° Le théâtre de l'Opéra (Académie impériale de
musique), ayant pour répertoire tous les ouvrages,
tant opéras que ballets, parus depuis son établis-
sement « en 1646 ». 11 pouvait seul représenter les
pièces écrites entièrement en musique, et les ballets
« du genre noble et gracieux » :
« Tels sont, disait l'arrêté, tous ceux dont les sujets
ont été puisés dans la mythologie et dans l'histoire,
et dont les principaux personnages sont des dieux,
des rois ou des héros. » Il pouvait aussi donner, mais
non exclusivement à tout autre théâtre, « des ballets
représentant des scènes champêtres, ou des actions
ordinaires de la vie ».
3° Le Théâtre de l'Opéra-Comique (Théâtre de S.
M. l'Empereuri, « spécialement destiné à la repré-
sentation de toute espèce de comédies ou drames
mêlés de couplets, d'ariettes et de morceaux d'en-
semble ». — « Son répertoire est composé, spécifiait
l'arrêté, de toutes les piècesjouées sur le Théâtre de
l'Opéra-Comique, avant et après sa réunion à la
NCVCLOPÉDIE HE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE 1)11 CONSERVATOIRE
Comédie-Italienne, pourvu que le dialogue de ces
pièces soit coupé par du chant. »
L'Opéra-BulFa devait être considéré comme une
annexe du précédent, et ne pouvait représenter que
des pièces écrites en italien.
Les théâtres secondaires étaient :
1° Le Théâtre du Vaudeville : son répertoire ne
devait contenir que « de petites pièces mêlées de
couplets, sur des airs connus, et des parodies » ;
2° Le Théâtre des Variétés, boulevard Montmar-
tre' : 11 devait représenter « de petites pièces dans
le genre grivois, poissard ou villageois, quelquefois
mêlées de couplets également sur des airs connus »;
3" Le Théâtre de la Porte-Saint-Martin, « spéciale-
ment destiné au genre appelé mélodrame, aux pièces
à grand spectacle ». On n'y pouvait employer, pour
les morceaux de chant, que des airs connus, comme
dans les autres théâtres secondaires;
4° Le Théâtre de la Gaîté, « spécialement destiné
aux pantomimes de tout genre, mais sans ballets;
aux arlequinades et autres farces dans le goût de
celles données autrefois parNieolet sur ce théâtre; »
3° Le théâtre des Variétés-Etrangères, qui ne pou-
vait jouer que des pièces traduites des théâtres
étrangers. Les autres théâtres existant alors à Paris
étaient considérés comme « annexes ou doubles des
théâtres secondaires ». Ils étaient tenus de choisir
un des genres appartenant à ceux-ci.
L'arrêté prenait des dispositions tout aussi pré-
cises en ce qui concernait les théâtres de province.
Conformément aux articles 7 et 8 du décret de 1800,
il désignait les villes autorisées à avoir deux ou un
théâtres permanents, puis formait vingt-cinq arron-
dissements des villes qui ne pouvaient avoir de spec.
tacleque pendant une partie de l'année, et qui de-
vaient être parcourues par des troupes ambulantes.
Les entrepreneurs postulant un arrondissement ne
pouvaient obtenir d'autorisation que pour trois an-
nées. Ils étaient tenus, avant le Ier août, et, dans les
années suivantes, toujours avant la même époque,
de désigner le nombre de sujets dont ils se propo-
saient de composer leur troupe et d'indiquer à
quelle époque ils se rendraient dans telle ou telle
ville, puis combien de temps ils s'engageaient à y
séjourner.
Les troupes ambulantes étaient admises à jouer,
soit le répertoire des grands théâtres, soit celui des
théâtres secondaires et de leurs doubles. Il en était
de même pour les troupes sédentaires, dans les villes
qui ne possédaient qu'un théâtre.
Dans les villes où il y avait deux théâtres, le prin-
cipal théâtre jouissait spécialement du droit au
répertoire des grands théâtres; il pouvait, en outre,
être autorisé par le préfet à jouer quelques | ;es
des théâtres secondaires. Quant au second théâtre, le
répertoire des théâtres secondaires lui était spéciale-
ment dévolu; il pouvait, toutefois, solliciter du préfel
l'autorisation de représenter des pièces des grands
répertoires, et celte autorisation cessait d'être
nécessaire : 1° en cas de conventions intervenues
avec les auteurs; 2° si le principal théâtre n'avait
point fait usage de ses prérogatives dans le délai
d'un an, à dater de la première représentation â
Paris.
Toute concession était révocable pour inexécution
des engagements pris et des conditions imposées.
1. En exécution de l'article 3 du décret .le 1806, le théâtre des
Cité et était venu s'cl iblir sur te
pu le Jî 1 1 > ■ r • 1807.
Les contrevenants se rendaient passibles, en outre,
d'une indemnité dont devait bénéficier la caisse des
pauvres.
A peine les théâtres avaient-ils commencé â se
plier au régime du décret de 1806 et de l'arrêté du
25 avril 1807, que ceux de Paris se virent, tout d'un
coup, réduits au nombre de huit, de plus de trente
qu'ils étaient!
En effet, un décret du 20 juillet 1807 disposa :
« Art. 3. — Aucune nouvelle salle de spectacle
ne pourra être construite, aucun déplacement d'une
troupe, d'une salle dans une autre, ne pourra avoir
lieu dans notre bonne ville de Paris, sans autorisa-
tion donnée par nous, sur le rapport du Ministre de
l'Intérieur.
« Art. i. — Le maximum du nombre des théâtres
de notre bonne ville de Paris est fixé à huit; en con-
séquence, sont seuls autorisés à ouvrir-, afficher et
représenter, indépendamment des quatre grands
théâtres mentionnés en l'article l01' du règlement de
notre Ministre de l'Intérieur, en date du 25 avril
dernier, les entrepreneurs ou administrateurs des
quatre théâtres suivants :
« 1° Le Théâtre de la Gaité, établi en 1700,- celui
de l'Ambigu-Comique, établi en 1772, boulevard du
Temple, lesquels joueront concurremment des pièces
du même genre désignées aux paragraphes 3 et i de
l'article 3 du règlement de notre Ministre de l'Inté-
rieur'2.
i. 2° Le Théâtre des Variétés, boulevard Mont-
martre, établi en 1777; et le Théâtre du Vaudeville,
établi en 1702, lesquels joueronteoucurremment des
pièces du même genre, désignées aux paragraphes 3
et 4 du règlement de notre Ministre de l'Intérieur.
« Art. 4. — Tous les théâtres non autorisés par
l'article précédent seront fermés avant le la août.
u En conséquence, on ne pourra représenter au-
cune pièce sur d'autres théâtres dans notre bonne
ville de Paris, que ceux ci-dessus désignés, sous
aucun prétexte, ni y admettre le public, même gra-
tuitement; faire aucune affiche, distribuer aucun
billet imprimé ou à la main, sons les peines portées
par les lois et règlements de police.
« Art. 6. — Le règlement susdaté, fait par notre
Ministre de l'Intérieur, est approuvé, pour être exé-
cuté dans toutes les dispositions auxquelles il n'est
pas dérogé par le présent décret. »
S'il ne peut être nié que l'extension toujours crois-
sante du nombre des théâtres provoque entre eux
une lutte de concurrence, dont la lin véritable est
d'exploiter la curiosité humaine, bien plutôt que
d'atteindre à la perfection morale et artistique, il
n'est pas douteux que le décret de 1807 exerça uni'
influence heureuse dans sa sphère d'application. Il
n'est pas douteux non plus que la délimitation des
genres et celle des répertoires garantissait la pros-
périté des quelques entreprises échappées au trail
de plume de l'empereur, alors que la débâcle et la
faillite, jusque-là, semblaient le dénouement fatal
de tous les essais dramatiques.
Il faut avouer', toutefois, que le gouvernement
témoignait une singulière indifférence à l'égard îles
intérêts privés. Dans un délai de deux semaines,
vingt-cinq théâtres et plus devaient licencier leur
personnel et fermer leurs guichets! Aucune indem-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 37
nité n'était allouée aux capitu listes; les acteurs avec
leurs garde-robes, les auteur? avec leurs manuscrits,
et un personnel considérable-, allaient devenir la
proie du hasard et de la misère... L'n acte aussi des-
potique du pouvoir, envisagé dans cette partie de ses
conséquences, demeure vraiment inqualifiable!
Deux scènes seulement reçurent de nouveaux pri-
vilèges sous le Premier Empire : le Cirque Olympi-
que, autorisé le 28 décembre 1807 à représenter des
mimodrames, et la Porte-Saint-Martin, rouverte le
l" janvier 1810 sous le nom de Jeux Gymniques.
Ces deux autorisations furent données sans amener
de protestations de la part des Comédiens Français;
mais quand, le i" juin 1820, un arrêté ministériel
autorisa l'ouverture du Gymnase dramatique, ainsi
que nous le verrons, le Conseil d'Etat Tut saisi d'un
mémoire par lequel la Comédie-Française prolestait
contre la violation du décrel de 1807. Il s'agissail
de savoir si la loi de 1701 sur la liberté des [liéâlri s
avait pu être abrogée par un simple décrel donl on
suspectait la légalité. Le Conseil d'Etat considéra que
l'avènement de l'Empire avait abrogé, par son seul
l'ait, la loi révolutionnaire.
Un décret du 13 août 1811, rendu en laveur de
l'Opéra, replaça ce dernier dans la situation tout
exceptionnelle où il se trouvait pendant les derniè-
res années de l'ancienne monarchie. En voici les
dispositions principales:
u Article premier. — L'obligation à laquelle étaient
assujettis tous les théâtres du second ordre, les pe-
tits théâtres, tous les cabinets de curiosités, machi-
nes, figures, animaux, toutes les joutes et jeux, et, en
général, lous les spectacles de quelque genre qu'ils
fussent, tous ceux qui donnaient des bals masqués
ou des concerts dans notre bonne ville de Paris, de
payer une redevance à notre Académie impériale de
Musique, est rétablie, à compter du 1" septembre
prochain.
«■ Les panoramas, cosmoramas, Tivoli et autre-
établissements nouveaux, y sont de même assujettis,
ainsi que le Cirque Oh mpique, comme théâtre où
l'on joue des pantomimes.
•< Nos Théâtres Français, de l'Opéra-Comique et de
l'Odéon sont exceptés de la disposition concernant
les théâtres.
o Art. -'. — Ne sonl pas compris dans l'obligation
imposée à ceux qui donnent des bals, tous les bals
et danses qui ont lieu hors des murs d'enceinte, ou
dans les guinguettes des faubourgs, même dans
l'enceinte des murs.
.1//. •')'. — Cette redevance sera, pour les bals,
concerts, t'êtes champêtres de Tivoli et autres du
même génie, du cinquième brut de la recette, déduc-
tion laite du droit des pauvres ; et, pour les théâtres
et tous les autres spectacles ou établissements, du
vingtième de la recette, sous la même déduction.
« Art. II. — Aucun concert ne sera donné sans
que le jour ait été fixé par le Surintendant de nos
théâtres, après avoir pi is l'avis du directeur de notre
Académie impériale de Musique.
u Art. 12- —Toute contravention au présent décret
en ce qui louchera l'ouverture d'un théâtre ou spec-
tacle sans déclaration ou permission, sera poursui-
vie devant nos cours et tribunaux par voie de police
correctionnelle, et punie des peines portées à l'ar-
ticle 410, Code pénal, S 1er. »
Le règlement du 18 mai 181b, qui rappela les dis-
positions de l'arrêté du 2o avril 1807 et précisa cer-
tains détails de l'organisation des troupes déparle
mentales, édicta, dans son article 21 :
« Les directeurs des troupes stalionnaires dans
les lieux où ils sont établis et les directeurs des trou-
pes ambulantes dans les lieux où ils se trouvent
exercer, eux ou leurs régisseurs régulièrement re-
connus, ont le droit de percevoir un cinquième sur
la recette brute des spectacles de curiosités, de quel-
que genre et sous quelque dénomination qu'ils soient,
défalcation faite toutefois du droit des pauvres. »
Celte obligation, pour certains spectacles de pro-
vince, d'acquitler une redevance au profil des trou-
pes privilégiées, rappelée par l'ordonnance de 1824
sur l'organisation des théâtres dans les départe-
ments, subsista jusqu'en 1864. Après la Révolution
de 1848, quelques directeurs cherchèrent à soutenir
que le prélèvement du cinquième avait le caractère
d'un impôt nécessitant, pour être légal, l'interven-
tion du pouvoir législatif. La jurisprudence décida
que ce n'était là qu'une condition essentielle à l'éta-
blissement des spectacles de curiosités, et qu'une
lelle perception devait être maintenue, sous l'em-
pire de la nouvelle Constitution, tant qu'une loi
n'aurait pas abrogé le privilège auquel elle se ratta-
chait (C. Melz, du 23 mai 1849; D. P., 50, 2, lot .
A Paris, au contraire, les diverses entreprises qui
payaient tribut à l'Opéra se virent affranchies pat-
une ordonnance du 24 août 1831.
L'ordonnance du 8 décembre 1824, que nous venons
■ le mentionner, remania quelque peu l'organisation
Mes théâtres île province, etclassa les troupesdépar-
tementales en trois catégories : comédiens séden-
taires, comédiens d'arrondissement, comédiens ambu-
lants.
Ces troupes ne pouvaient se former que sous la
conduite de directeurs nommés pour trois ans par
le Ministre de l'Intérieur. Enumération était faite
des villes où demeureraient les troupes sédentaires ;
et faculté était réservée au ministre d'autoriser la
formation de troupes semblables dans les autres
ailles qui, désirant avoir un spectacle permanent,
assureraient aux directeurs les moyens de s'y main-
tenir en leur accordant la jouissance gratuite de la
salle et, au besoin, une allocation annuelle.
Les troupes d'arrondissement élaient désormais
autorisées au nombre de dix-huit. Chaque directeur
devait, en recevant son brevet, désigner au ministre
el aux préfets des départemenls compris dans son
arrondissement celles des villes dont il se chargeait
d'exploiter le théâtre, et indiquer les époques de ses
représentations. Il devait visiter lesdites villes au
moins une fois tous les six mois, et y donner au
moins quinze représentations à chaque voyage.
Les troupes ambulantes devaient exploiter : l°les
théâtres des villes qui ne faisaient partie d'aucun
arrondissement; 2" les théâtres des villes non com-
prises dans la désignation imposée aux directeurs
des troupes d'arrondissemenl ; '■'•■< les théâtres des
villes dans lesquelles les directeurs îles troupes d'ar-
rondissement auraient été plus île -i\ mois sans don-
ner quinze représentations, bien que ces villes eus-
sent été comprises dans la désignation susmen-
tionnée. Les troupes ambulantes pouvaient encore,
sur la demande des autorités, remplacer les trou-
pes d'arrondissement, après que celles-ci auraient
donné les représentations fixées par leur itinéraire.
La loi du 9 septembre I8:i:i, survenant ensuite,
disposa, dans son article 21 : « Il ne pourra être éta-
bli soit à Paris, soit dans les déparlements, aucun
ENCYCLOPÉDIE HE LA MUSlnl'E ET D1C I IWfNAttUt UV CuMàEKVATtMÊUi
sans l'autorisation du Ministre de rinténwr îi Parts,
.•l des préfets dans Fes départements.
« Toute contravention au préserti arfiele sera punie
parles tribunaux correctionnels d'un emprrsonneTneial
d'un mois à un an, et (Tune amende de 4000 à 5000
francs... »
Cette loi ayant été abrogée purement et simple-
ment par un décret du gouvernement provisoire du
6 mars 1848, la législation antérieure se retrouva
en vigueur.
Ainsi donc, en vertu des décrets des 8 juin 1800
et 29 juillet 1807, aucune exploitation théâtrale ne
pouvait être ouverte à Paris sans l'autorisation du
Ministre de l'Intérieur.
Depuis l'ordonnance de 1824, le Ministre de l'In-
térieur nommait les directeurs des théâtres dépar-
tementaux.
C'est assurément par un abus d'interprétation des
textes que le gouvernement s'arrogeait le droit de
nommer les directeurs de tous les théâtres de Paris,
grands et petits. Les entreprises, une fois autorisées,
auraient dû pouvoir choisir leurs directeurs. Signa-
lons seulement, qu'en fait il n'en était rien.
Au surplus, un décret des 23-30 juin 1834 plaça
dans les attributions du Ministre d'Etat et de la
Maison impériale les services des théâtres de Paris
non subventionnés et des théâtres des départements.
C'est à lui désormais qu'échut le droit d'autori-
sation.
D'après la jurisprudence du Conseil d'Etat, les ar-
rêtés ministériels portant autorisation d'exploiter un
théâtre ou révocation de celte autorisation étaient
des actes de pure administration dont l'annulation ne
pouvait être demandée par la voie contentieuse (Arr.
Cons. d'Et. du 3 mars 1852; D. P., 52, 3, 31).
Depuis le Premier Empire, un certain nombre
d'entreprises avaient obtenu de nouveaux privilèges
et avaient pu ouvrir des théâtres à Paris. Le Gymnase
dramatique, autorisé par un arrêté ministériel du
1er février 1820, fut inauguré sur le boulevard, le
23 décembre de la même année. Le Panorama dra-
matique fit une courte apparition au boulevard du
Temple, du 14 avril 1821 au 21 juillet 1823. Le
théâtre des Nouveautés, élevé sur la place de la
Bourse, y demeura du 1er mars 1827 jusqu'en 1832.
Les Folies-Dramatiques et le théâtre du Palais-Royal
s'ouvrirent, les premières, le 22 janvier, le second,
le 0 juin 1831, etc., etc.
Aux termes de l'article 15du décret du 8 juin 1806,
les spectacles de curiosités devaient être soumis à
des règlements particuliers et ne pouvaient plus
porter le titre de théâtres.
Ils étaient autorisés à Paris par le préfet de police,
et, dans les communes, par les maires ' en vertu de
leurs pouvoirs respectifs de police.
Quant aux cafés-concerts, un arrêté du Ministre d''
l'Intérieur du 12 novembre 1807 déclarait : « ... Les
propriétaires de cafés, guinguettes et autres lieux
publics, dans lesquels on était eu usage de faire
chanter un ou deux personnages dans un orchestre,
et d'introduire un mime qui jouait, seul ou avec un
interlocuteur de plus, de petites scènes séparées,
sont autorisés à continuer de donner ce genre de
spectacle, qui ne peut être, d'ailleurs, annoncé sur
aucune affiche, pas même dans l'intérieur de l'éta-
blissement. D
Une ordonnance du préfet de police du 17 no-
vembre 1849 interdit aux propriétaires de cales, esta-
minets et autres établissements publics situés dans
son ressort d'avoir des chanteurs, bateleurs et mu-
siciens, et de faire exécuter des chants, déclama-
lions, parades et concerts, sans son autorisation.
Les cafés-concerts étaient, d'ailleurs, soumis à la
législation régissant les débits de boissons. Le décret
du 29 décembre 1851 formula que les cafés, cabarets,
etc., ne pouvaient être ouverts qu'avec l'autorisa-
tion du préfet de police à Paris, et du préfet dans
les départements.
POLICE
Dans les départements, la police des spectacles
continuait d'appartenir aux municipalités. La loi du
18 juillet 1837, dans ses articles 9 et suivants, renou-
vela les prescriptions antérieures en faveur des
maires et, à leur défaut, des adjoints. La même loi
disposait, en outre, que les préfets, après avoir re.-
quis en vain les maires de prendre telles mesures
nécessaires, pourraient procéder d'office par eux-
mêmes ou par délégués spéciaux.
Aux termes de l'article 19 de l'arrêté du 25 avril
1807, les maires avaient même mission de statuer
provisoirement sur toutes contestations, soit enlre
directeurs et acteurs, soit entre directeurs et auteurs,
qui tendraient à interrompre le cours ordinaire des
représentations; leurs décisions était exécutoires
nonobstant le recours devant les juges du fond.
A Paris, la surveillance des théâtres restait confiée
au préfet de police. La loi des 10-15 juin 1853, à
l'exemple de l'arrêté du 3 brumaire an I\, étendit
son autorité sur tout le déparlement de la Seine et
sur les communes de Saint-Cloud, Meudon et Sèvres.
Parmi les divers documents administratifs éma-
nant de la préfecture de police en ce qui louche les
spectacles, citons l'ordonnance du 31 janvier 1829
sur les théâtres non autorisés; l'ordonnance du 9 juin
de lamême année sur les mesures de sûreté publique
et les dispositions à observer dans la construction
des salles; les ordonnances du 15 janvier 1834 el
du 3 octobre 1837 concernant l'heure de clôture des
représentations; l'ordonnance du 15 mai 1838 pres-
crivant l'établissement de décorations en toiles et
papiers ininflammables; l'arrêté du 10 décembre 18*1
fixant le montant des rétributions exigibles, pour le
dépôt des cannes et autres objets dans les théâtres
et les salles de bals et concerts; l'ordonnance du
30 mars 1844 sur la police intérieure des théâtres;
celle du 8 mars 1832 concernant les affiches des
théâtres, spectacles, concerts et bals; celle du 16 mars
1 s:;t sur la police intérieure el extérieure des théâtres.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 37;
LE THÉÂTRE DEPUIS 1864
OUVERTURE DES SALLES DE SPECTACLE
Le décret du 6 janvier 1864, actuellement encore
en vigueur, lequel substitua au régime du privilège
une législation qui faisait l'objet de vœux unanimes,
«n proclamant la liberté de l'industrie théâtrale, est
ainsi conçu :
i Article premier. — Ton! individu peut faire cons-
truire et exploiter un théâtre, à la charge de faire
une déclaration au Ministère dp notre Maison des
Beaux-Arts, et à la prélecture de police pour Paris;
à la préfecture, dans les départements. Les théâtres
qui paraîtront plus particulièrement dignes d'en-
couragement pourront être subventionnés, soit par
'Etat, soit par les communes.
« Art. 2. — Les entrepreneurs de théâtres devront
se conformer aux ordonnances, décrets et règlements
pour tout ce qui concerne l'ordre, la sécurité et la
salubrité publies.
« Art. i. — Les ouvrages dramatiques de lous les
genres, y compris les pièces entrées dans le domaine
public, pourront être représentés sur Ions les théâtres.
i< Art. .«. — Les théâtres d'acteurs-enfants conti-
nuenl d'être interdits.
i' Art. 6. — Les spectacles de curiosités, de marion-
nettes, les cafés, dits eaffs-chotitnnls, cafés-concerts,
et autres établissements du même genre, restent
soumis aux règlements présentement en vigueur.
Toutefois, ces divers établissements seront désor-
mais affranchis de la redevance établie par l'article 1 1
de l'ordonnance du 8 décembre 1824 en faveur des
directeurs des départements, et ils n'auront à sup-
porter aucun prélèvement autre que la redevance au
profit des pauvres ou des hospices.
« Art. 7. — Les directeurs actuels des théâtres,
autres que les théâtres subventionnés, sont et demeu-
rent affranchis envers l'Administration de toutes les
clauses et conditions de leurs cahiers des charges,
en tant qu'elles sont, contraires au présent décret. »
A présent, par conséquent, chacun est libre d'ou-
vrir un théâtre et n'a plus, comme jadis, à solliciter
d'autorisation, tlne simple déclaration suffit.
De même, l'obligation pour tel ou tel directeur
de se renfermer dans les limites d'un genre parti-
culier de spectacle a disparu, et l'Art, sous ses
diverses formes dramatiques et lyriques, ne peut
plus faire l'objet d'un domaine réservé.
L'honneur d'une semblable réforme dans nos lois
n'est pas à discuter, et son opportunité ne saurait
être niée, en dépit de quelques catastrophes finan-
cières qui la suivirent de près, et dont on rejeta sur
elle l'origine. La possibilité de la concurrence tentera
toujours des imprudents, mais la liberté de l'indus-
trie est chose qui plane au-dessus des dissertations,
et l'expérience prouve invariablement qu'on pouvait
espérer ses fruits.
LA POLICE DES SALLES DE SPECTACLE
A Paris, la police des spectacles continue d'appar-
tenir au préfet de police, en vertu de la loi du 28 plu-
viôse et de l'arrêté du 12 messidor an VIII. Rappe-
lons que les pouvoirs de ce fonctionnaire, selon les
dispositions de l'arrêté du 3 brumaire an IX et de
la loi des 10-15 juin I8.J3, s'étendent sur tout le dé-
partement de la Seine et les communes de Saint-
Clond, Meudon et Sèvres.
Dans les départements, les même attributions sont
toujours exercées par les maires, sous la surveil-
lance de l'administration supérieure (art. 01 et S"7 de
la loi du 5 avril 1884),
L'article 5 de la loi du 7 décembre 1871 prescrit
spécialement aux maires d'interdire toutes représen-
tations aux individus pratiquant les professions d'acro-
bates, saltimbanques, charlatans, montreurs d'ani-
maux ou directeurs de cirque, lesquels seraient dans
l'impossibilté de justilier, par des extraits d'actes de
naissance, que les enfants employés par eux à des
tours de force périlleux ou à des exercices de dislo-
cation ont plus de douze ans, s'ils en sont les père
ou mère, plus de seize ans dans le cas contraire; et,
s'ils ne peuvent justifier de l'identité de ces infants
par la production de livrets ou de passeports, faute
de quoi avis immédiat devra être donné au Parquet.
L'article 2 du décret du 6 janvier 1801 déclarait :
ci Continueront d'être exécutées les lois existantes
sur la police et la fermeture des théâtres. »
Sans doute, l'ouverture des salles de spectacle
est libre, mais encore faut-il que les entrepreneurs
se conforment aux mesures prescrites par l'Adminis-
tration en vue de la sécurité publique, du maintien
du bon ordre et de la salubrité.
Le préfet de police et les maires peuvent donc ar-
rêter toutes les dispositions qu'ils jugent convenables
en ce qui concerne la solidité des édifices, les pré-
cautions à prendre contre les dangers d'incendie, la
tranquillité des représentations, les heures d'ouver-
ture et de clôture des salles, la libre circulation aux
bords de celles-ci, etc. Leur droit absolu est d'in-
terdire l'ouverture d'un théâtre, si sa construction
est reconnue vicieuse et contraire aux règlements en
vigueur; comme aussi d'en ordonner la fermeture en
cas d'inobservation de leurs divers arrêtés.
Pour assurer la tranquillité des représentations,
s peuvent, par des dispositions particulières desdits
arrêtés, enjoindre aux spectateurs de garder le silence
pendant tout le temps que la toile sera levée, de ne
point troubler le spectacle par des sifflets et mani-
festations quelconques. Il faut toutefois reconnaître
que l'usage immémorial des applaudissements et
des sifflets a acquis lui-même une sorte d'autorité
dont il faut tenir compte. La jurisprudence estime
sagement que l'expression du sentiment public ne
constitue point une contravention au regard de textes
semblables, lorsqu'elle n'excède pas une juste mesure
et ne dégénère pas en désordre (Cass. du 6 juin 188'i;
3M1IP
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Gaz. du Pal., 86, I ; Suppl., 17; — Cass. du 16 dé-
cembre 1887; D. P., 88, 1, 287).
Jugé que l'arrêté fixant l'heure à laquelle les spéc-
iales doivent être terminés est légal et obligatoire,
et que la contravention ne saurait être excusée que
par empêchement de force majeure (Cass. du 6 juin
1856; D. P., 56, 1, 310).
LA CENSURE
Lors du retour des Bourbons, on essaya d'invo-
quer l'article 8 de la Charte de 1814, pour soutenir
que la censure dramatique se trouvait abolie. Le
gouvernement n'adopta pas, d'ailleurs, cette manière
de voir qui n'avait que le faible mérite de reposer
sur un semblant d'équivoque. L'article 12 de l'or-
donnance du 1 o mai 1815 exigeait que tout directeur
de troupe stationnaire ou ambulante des départe-
ments soumit, chaque année, sou répertoire général
au Ministre de l'Intérieur, et défendait qu'aucune
pièce fût portée par un directeur sur son répertoire
sans l'autorisation du Ministre de la Police. L'article 8
de l'ordonnance des 8-11 décembre 1 8 2 i déclarait
que les pièces nouvelles et celles qui étaient repré-
sentées à Paris ne pourraient être jouées dans les
départements que d'après manuscrit ou exemplaire
visé au ministère de l'Intérieur.
Les mêmes prétentions furent mises en avant sous
le Gouvernement de Juillet, après que l'article 7 de
la Charte de 1830, proclamant aussi la liberté de
publier et d'imprimer, eut déclaré que la censure
ne pourrait jamais être rétablie. Ou alléguait qu'au-
cune distinction n'était faite entre la censure dra-
matique el la censure littéraire.
La loi de 1835, de manière qu'aucun doute ne
demeurât désormais possible, imposa en termes
exprès la nécessité de l'autorisation préalable, et les
peines lixées pour le cas de contraventions témoi-
gnaient d'une assez grande ligueur, inspirée par la
témérité des théâtres d'alors : emprisonnement d'un
mois à un an et amende de 1000 à 5 000 francs,
sans préjudice des poursuites auxquelles pourraient
donner lieu les pièces représentées. Les représenta-
tions d'une pièce pouvaient, en outre, être suspen-
dues, et tout théâtre fermé pour cause d'ordre
public.
En 1848, un décret du Gouvernement provisoire,
du 6 mars, vint arroger la loi de 1835.
Au début de cette ère nouvelle, on acclama la
République sur toutes les scènes parisiennes, et l'on
abîma le régime qui venait de disparaître. Cela était
dans les traditions théâtrales, et sans aucun rapport
avec la suppression de l'examen préalable, bien en-
tendu. Mais la réaction, ensuite, sut saisir l'occasion
d'user de la liberté. Les revues de fin d'année, les
vaudevilles s'émaillèrent des plaisanteries les plus
agressives contre les institutions récentes et leur
fonctionnement, des épigrammes les plus hardies sur
les hommes du jour, en même temps que les cou-
plets tournaient en dérision toutes les théories de
l'époque. Le gouvernement s'était déjà ému du
succès de Louis XVIetMariè- Antoinette, à l'Ambigu.
Il lit interrompre les représentations de /(.<»!>■ â la
Porte-Saint-Martin, la pièce provoquant des mani-
festations trop peu équivoques à l'égard de l'expé-
dition. Si l'on joint à cela que la plupart des auteurs
et des critiques, qui avaient été les premiers à
réclamer la liberté absolue, s'indignaient à présent
contre la licence, contre les exhibitions scandaleuses
envahissant tous les spectacles, on ne saurait s'é-
tonner que la censure ait été bientôt rétablie.
Le 30 juillet 1850, l'Assemblée nalionale adopta
d'urgence la loi dont la leneur suit :
« Article premier. — Jusqu'à ce qu'une loi géné-
rale, qui devra être présentée dans le délai d'une
année, ait définitivement slatué sur la police des
théâtres, aucun ouvrage dramatique ne pourra être
représenté sans l'autorisation préalable du Minisire
de l'intérieur, à Paris, et du préfel dans les dépar-
tements.
« Cette autorisation pourra toujours être retirée
pour des motifs d'ordre public.
« Art. 2. — Toute contravention aux dispositions
qui précèdent est punie, par les tribunaux correc-
tionnels, d'une amende de cent francs à mille francs,
sans préjudice des poursuiles auxquelles pourraient
donner lieu les pièces représentées. »
Cette loi, purement provisoire, fut prorogée, par
celle du 30 juillet 1851, jusqu'au 31 décembre 1852.
Enfin, le 30 décembre 185J, fut rendu un décret
ainsi conçu :
a Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté
nationale, Empereur des français, à tous présents
et à venir. Salut.
« Sur le rapport de notre Ministre secrétaire d'E-
tat au département de l'Intérieur, de l'Agriculture et
du Commerce;
« Vu le décret du 8 juin 1806, les lois des 30 juil-
let 1850 et 30 juillet 1851 ;
« Vu l'article 6 de la Constitution;
« Considérant que l'ordre public est intéressé à ce
que les ouvrages dramatiques ne puissent être re-
présentés sans l'autorisation préalable .du Gouver-
nement;
•< Avons décrété et décrétons ce qui suit :
» Article premier. — Les ouvrages dramatiques con-
tinueront à èlre soumis, avant leur représentation,
à l'autorisaloin de notre Ministre de l'Intérieur, à
Paris, et (des préfets dans les départements.
« An. 2. — Celle autorisation pourra toujours être
relirée pour des motifs d'ordre public.
n Art. 3. — .Notre Ministre secrétaire d'Etal au dé-
parlement de l'Intérieur; de l'Agriculture et du
Commerce est chargé de l'exécution du présentdécret.
(, Fail au palais .h'- Tuileries, le 30 décembre 1858.
« Signé : Napoléon
Par l'empereur :
« Le Ministre secrétaire d'Etat
• m département de VIntériew . de /' igi i> ulture
• i iln Commera .
Signé : F. de Persigny. »
Notons que, par décret des 23-30 juin 18:.i, la
censure fut distraite des attributions du Ministre de
l'Intérieur, pour être placée dans celles du Ministre
de la Maison Impériale; el reproduisons l'article 3
du fameux décret du d janvier 1864 :
« Toute œuvre dramatique, avant d'élre représen-
tée, devra, aux termes du décret du 30 décembre
1852, être examinée et autorisée par le Ministre de
notre Maison el des Beaux-Arts, pour les théâtres de
Paris; par les préfets, pour les théâtres des départe-
ments. Cette autorisation pourra toujours èlre retirée
pour des motifs d'ordre public.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBYENTIONNÉS 3801
Un décret du gouvernement de la Défense Natio-
nale, du 30 septembre 1870, supprima la commission
d'examen des ouvrages dramatiques. En 1871, toute-
fois, au retour de Versailles, le gouverneur militaire
de Parisjexerra la censure en vertu de l'état de siège.
Au surplus, la commission d'examen fut rétablie par
un décret du 1er février 1874. Quelques-uns ont
cherché à soulever, à ce sujet, une question de léga-
lité, mais il suffit de leur faire remarquer que l'As-
semblée Nationale, par une loi du 24 juin 1874,
ouvrit au Ministre de l'Instruction publique, des
Cultes et des Beaux-Arts le crédit qu'il sollicitait à
raison de celte mesure. Ladite Assemblée donna
donc son approbation pleine et entière.
L'autorisation préalable est nécessaire pour tout
ce qui peut être dit, chanté ou mimé, en un mot
pour tout ce qui peut être « produit » sur la scène.
A Paris, l'examen de tout ouvrage ancien ou nou-
veau, avant sa représentation, est confié à une com-
mission dépendant de la Direction des Beaux-Arts.
Le ministre, juge en dernier ressort, est naturelle-
ment libre de ratifier ou de rejeter les conclusions de
cette commission.
Un certain nombre île circulaires ministérielles,
adressées aux directeurs de théâtre, leur ont indiqué
les règles auxquelles ils devaient se soumettre dans
leurs rapports avec la commission. Nous croyons
utile, en citant celles des 3 aoûl 1850, 2i- avril 1858,
16 et 30 décembre 1861, 28 février 1868, de repro-
duire celle du 10 février 187'.» qui rappelle et résume
leurs dispositions.
Circulaire aux directeurs des théâtres de Paris
sur l'inspection des théâtres.
« Monsieur le Directeur,
« J'ai l'honneur de vous faire savoir que, par un
arrêté ministériel en date du 15 février courant, l'ins-
pection des théâtres vient d'être réorganisée.
« Je vous invite à prendre les mesures nécessaires
pour que les fonctionnaires qui la composent soient
admis dans le théâtre que vous dirigez, de manière
à ce qu'ils puissent s'acquitter, sans aucune difficulté,
de la mission qui leur est confiée.
« Je profite de cette circonstance, Monsieur le Di-
recteur, pour vous rappeler les principales disposi-
tions réglementaires auxquelles les théâtres de Paris
sont soumis, dans leurs rapports avec l'Administra-
tion, par les lois, décrets et arrêtés qui règlenl la
matière.
•i Toute œuvre dramatique, avant d'être représen-
tée, doit être autorisée par l'Administration, et cette
autorisation peut toujours être retirée pour un motif
d'ordre public.
o Pour obtenir l'autorisation de faire représenter
un onvrai;i' dramatique ancien et nouveau, vous
devrez déposer au bureau des théâtres, 3, rue de
Valois (Palais-Royal), quinze jours au moins avant
la représentation projetée, deux exemplaires ma-
nuscrits, parfaitement lisibles, ou deux imprimés de
l'ouvrage, quel qu'il soit, pièce, scène détachée, can-
tate, romance, chanson ou chansonnette. Ce dépôt
sera constaté par un numéro d'ordre inscrit sur l'ou-
vrage et sur un registre ouvert à cet effet, ainsi que
par un récépissé qui vous sera remis au moment du
dépôt.
« Après l'examen de l'ouvrage, si la représenta-
tion en est autorisée, et après une répétition géné-
rale devant les inspecteurs, un des exemplaires dépo-
sés, revêtu du visa, est rendu au directeur qui peut,
dès lors, faire jouer la pièce.
« Le second exemplaire reste aux archives, au bu-
reau des théâtres.
« L'exemplaire revêtu de l'autorisation doit 'Ire,
à toute réquisition, présenté au commissaire de
police chargé de la surveillance de votre théâtre.
« L'ouvrage nouveau ou repris ne peut être an-
noncé sur vos affiches qu'après le dépôt des deux
exemplaires au bureau des théâtres.
» Une autorisation spéciale d'afficher pourra vous
être donnée à cet ellét et aucune addition ne pourra
être faite au titre approuvé.
« Quant aux ouvrages qui, par leur nature, exigent
de nombreuses répétitions et de grands frais de mise
en scène, vous ne devrez, dans votre intérêt, les
mettre à l'étude qu'après avoir obtenu l'autorisation
de les faire représenter. Il est arrivé fréquemment
que, pour obtenir mainlevée d'une interdiction né-
cessaire, les administrations théâtrales faisaient
valoir le temps déjà consacré à l'étude d'un ouvrage
et les dépenses considérables déjà faites pour les
décors el les costumes; l'autorisation préalable
offrant aux entreprises théâtrales un moyen sûr
d'échapper à un tel risque, les considérations de ce
genre De pnurrontdonc exercer aucune influence sur
les décisions administratives.
« Je vous rappelle aussi, Monsieur le Directeur, que
la répétition à laquelle vous convoquez l'inspection
des théâtres doit avoir lieu avec les décors, les cos-
tumes, les accessoires, l'éclairage complet de la
s. ène il de façon, en un mot, à ne dissimuler aucun
des effets de la représentation.
<c Nulle personne étrangère au service du théâtre
ne doit être admise à cette répétition spécialement
consacrée à MM. les inspecteurs.
'< Dans le cas où l'ouvrage nouveau devrait subir
quelques modifications importantes, l'Administration
pourra vous demander une seconde répétition par-
tielle ou générale.
<' Les répétitions de jour ne devront pas durer
plus de six heures; celles du soir devront être, au-
tant que possible, terminées à minuit.
■ Les inspecteurs des théâtres devront être con-
voqués trois jours à l'avance pour la répétition
générale.
« Enfin, .Monsieur le Directeur, vous aurez à vous
entendre avec le service de l'affichage pour que,
chaque jour, un exemplaire de votre affiche soit dé-
posé au bureau des théâtres.
« Je vous serai obligé de vouloir bien m'accuser
réception de cette circulaire.
« Recevez, Monsieur le Directeur, l'assurance de
ma considération la plus distinguée.
" Le Sous-Secrétaire d'Etal des Beaux-Arts,
Signé : Edmond Turquet. »
Dans les départements, se sont les préfets qui
exercent la censure. Diverses circulaires ministé-
rielles leur ont prescrit certaines règles auxquelles
ils devaient s'attacher; ce sont les circulaires
des 3 aoûl et 20 octobre 1850, 28 avril 1864, 24 jan-
vier 1880, 9 novembre 1887.
Le texte de cette dernière est le seul qu'il importe
de reproduire :
BNCrCLOPEDIB DE LA MUSIQUE ET DICTIOVNAIHE DU CONSEHVAlulnE
Circulaire aux préfets sur l'examen
t l'autorisation des pièces de théâtre.
« Monsieur le Préfet.,
" .Mon collègue, M. le Ministre de l'Intérieur, vient
d'appeler d'une façon tout à fait particulière mon
attention sur l'inobservation assez fréquente des ins-
tructions ministérielles relatives à la police des
théâtres et qui ont fait l'objet d'une circulaire de
l'un de mes prédécesseurs, en dale du 24 janvier 1880.
« J'ai l'honneur de vous confirmer les termes de
cette circulaire qui, visant la réglementation rétablie
par la loi ilu 30 juillet 1X50, maintenue par le décret
du 6 janvier 1864, et expliquée par la circulaire
ministérielle du 28 avril suivant, rappelai! aux pré-
fets des divers départements :
« 1" Qu'il leur appartient d'examiner et d'autori-
ser, sous leur responsabilité, les pièces nouvelles
destinées à être représentées pour la première fois
sur un des théâtres de leur département, sauf à en
référer au Ministre des Beaux-Arts, s'ils le jugent
utile;
ii 2° Que si, parmi les pièces autorisées à Paris, il
s'en trouve qu'ils jugent ne pouvoir être jouées sans
inconvénients dans leur département, ils ont toujours
le droit d'en interdire la ri-présentation, en donnant
avis de cette décision à l'Administration supérieure;
ii 3° One les ouv rages interdits à Paiis, le sont, par
cela même, pour toute la France.
« Pour assurer l'exécution de celte dernière dispo-
sition, MM. les préfets étaient invités i transmettre
chaque année, à la Direction des Beaux-Arts, les
répertoires que les directeurs des théâtres de leur
ressort sont tenus de soumetlre'à leur approbation,
au commencement de chaque campagne théâtrale;
ces répertoires devant leur être retournés, courrier
par courrier, avec le visu de l'inspection des théâtres
et toutes les indications propres â les éclairer sur
les mesures à prendre.
ii Je n'ai rien à changer, Monsieur le Préfet, à ces
instructions qui n'ont jamais cessé d'être en vigueur
et que je vous serai obligé de faire ponctuellement
observer par votre administration.
h le vous prie de m'accuser réception de la pré-
sente circulaire, dès qu'elle vous sera parvenue.
« Becevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma
considération très distinguée.
« Le Ministre de l'Instruction Publique,
« des Cultes et Beaux-Arts,
« Signé : E. Spuller. »
Si l'on peut former un recours devant le ministre
contre les décisions des préfets, du moins la décision
ministérielle esl à l'abri de tout appel. Le Conseil
d'Etat et les tribunaux de droit commun n'ont
aucune qualité pous discuter une mesure prise par
le gouvernement, en vertu d'un pouvoir d'apprécia-
tion qui lui est spécialement attribué par la loi, à
raison de l'ordre public.
Mous avons dit que les lois du 30 juillet 1850 et
du 30 juillet 1851 n'étaient que provisoires. Leurs
dispositions cessèrent d'être applicables lorsque fut
rendu le décret du 30 décembre 1852.
Depuis cette époque, de nombreuses critiques et
de violentes attaques furent portées tant dans la
presse qu'au parlement contre la censure, si bien
que la Chambre des députés profita de la loi de
finances de 1900 pour refuser les crédits relatifs aux
censeurs et pour supprimer ainsi la censure, sans
voter une loi spéciale d'abrogation. Ainsi, la censure
subsiste en droit, mais, en fait, elle n'est pas exercée,
faute de fonds pour subvenir aux frais qu'elle néces-
site.
LES THEATRES SUBVENTIONNÉS
Nous avons parcouru jusqu'à présent l'histoire de
l'Opéra depuis son origine, â travers les diverses
périodes qui marquèrent son exploitation théâtrale;
Lulli sous Louis XIV, Bajieau sous Louis XV, et
Gluck à la lin du xvme siècle avec Picciw. Cette
histoire de la musique à l'Opéra y est mêlée de si
près à la vie administrative, et aux changements
incessants de direction, que nous avons été con-
traint, pour la clarté de notre exposé-, de mêler la
vie intérieure de l'Opéra à son existence adminis-
trative. Les intrigues de la cour se joignaient aux dis-
putes musicales pour ruiner les directeurs, les révo-
quer ou les remplacer sans raison apparente.
Après la tourmente révolutionnaire, la tyrannie
de la Terreur et les réglementations de la Convention,
l'Opéra avait commencé à se relever, sous le ".ouver-
nemenl consulaire.
Aux termes des arrêtés du 6 frimaire e( du 20 ni-
vôse an XI, la surveillance et la direction principale
du Théâtre des Arts furent confiées aux préfets du
palais, du moins â l'un d'eux, désigné par le Pre-
mier Consul.
Le Premier Consul nommait aussi le directeur et
un administrateur-comptable, l'un et l'autre placés
sous l'autorité du préfet du palais. El son approba-
tion était nécessaire pour la fixation du traitement
des artistes et employés, pour celle des gratifica-
tions allouées sous le nom de feux, ainsi que p
l'engagement de toute dépense qu'occasionnerait la
représentation d'ouvrages nouveaux. Le préfet du
palais n'avait la charge d'aucune comptabilité; celle-
ci ressortissait au Ministre de l'Intérieur, lequel
était autorisé à ordonnancer 50000 lianes par mois
au profit du Théâtre des Arts.
L'Empire s'attacha plus attentivement encore à
favoriser l'exploitation de l'Opéra, devenu l'Acadé-
mie impériale de Musique, et à resserrer ses liens
avec l'Etat.
TJÙCHN1UUE, ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
I ii déciet du 20 ventôse au XIII eurdonna l'inscrip-
tion au registre des pensions à la charge du Trésor
public, d'un fonds de 83500 francs.
Enfin le décret du 8. juin 1800, qui abolit la liberté
îles khéàtFes et rétablit le régime du privilège, ainsi
que nous l'avons vu ailleurs1, conféra à l'Académie
impériale de Musique la propriété exclusive de son
L'enre de spectacle et de son répertoire, comme aussi
le droit exclusif de donner des bals masqués. L'ar-
rêté du Ministre de l'Intérieur, du 25 avril 1807, pris
en conséquence du décret précité, contenait les dis-
position suivantes à l'égard de l'Académie :
' « Ce théâtre est spécialement consacré au chant
el à la danse; son répertoire est composé de tous les
ouvrages, lant opéras que ballets, qui ont paru
depuis son établissement en 1046. — 1° 11 peut seul
représenter les pièces qui sont entièrement en mu-
sique, et les ballets du genre noble et gracieux : tels
sont tous ceux dont les sujets ont été puisés dans la
mythologie et dans l'histoire, et dont les principaux
personnages sont des dieux, des rois ou des héros.
— 2° Il pourra aussi donner (mais non exclusive-
ment à tout autre théâtre) des ballets représentant
des scènes champêtres ou des actions ordinaires de
la vie. »
Quelques mois après, le décret du 1" novembre,
qui institua la charge de Surintendant des spectacles
pour les quatre grands théâtres de la capitale, fixa
définitivement le régime sous lequel l'Académie
devait vivre jusqu'au gouvernement de Juillet. Nous
croyons devoir reproduire le texte de cet importanl
décret ;
v Art. 16. — L'administration de l'Académie de
musique sera composée d'un directeur, d'un admi-
nistrateur-comptable el d'un inspecteur nommés par
nous; il y aura un secrétaire général également
nommé par nous.
o Ils prêteront, entre les mains de noire Ministre
de l'Intérieur, le serment de remplir avec fidélité
leurs fonctions.
u Art. 17. — Le directeur sera chargé, en chef, de
tout ce qui concerne l'administration etla direction.
Il est le principal responsable et le supérieur immé-
diat de tous les artistes; il nomme à tous emplois,
et il ilonne les mandats pour tous les payements.
u Ali. 18. — L'administrateur-comptable sera
subordonné au directeur pour tout ce qui concerne
l'exercice de ses fonctions, à l'exception néanmoins
de ce qui regarde le budget dont il est le gardien, et
dont il ne peut dépasser les articles sans compromet-
tre sa responsabilité personnelle. Hors ce cas, il ne
peut s'opposer à aucun payement, sauf à faire insé-
rer ses observations au procès-verbal du conseil
d'administration dont il est parlé ci-après.
« Art. 19. — Il y aura un conseil d'administration
présidé par le directeur et composé de l'administra-
teur-complable, de l'inspecteur et de trois sujets de'
notre Académie de Musique, les plus méritants par
leur probité, leurs talents et leur esprit de concilia-
tion, et désignés chaque année par le Surintendant.
« Le secrétaire général de l'administration tiendra
la plume. Ce conseil se réunira au moins une fois
par semaine; le directeur pourra le convoquer lors-
qu'il le jugera convenable.
<« Art. 20. — Les membres de ce conseil n'auront
que voix consultative, la décision appartenant dans
tous les cas au directeur; mais chaque membre
pourra faire ses observations soit sur la police du
théâtre, soit sur le choix des pièces, soit sur les abus
qu'il croirait apercevoir dans la manutention des
magasins ou dans la dépense, soit sur les moyens
d'accroître les recettes et d'ajouter à l'éclat du spec-
tacle.
« Le secrétaire général sera tenu d'insérer ces
observations au procès-verbal, qui sera remis par
le directeur au Surintendant : le directeur pourra y
joindre ses observations particulières.
« Art. 21. — Le budget des dépenses de chaque
année et les états à l'appui seront rédigés au conseil
d'administration et présentés au Surintendant avant
le 1" décembre, avec les observations soit des mem-
bres du conseil, soit du directeur.
« Art. 22. — Tous les marchés seront portés à la
connaissance du conseil d'administration.
« Art. 23. — Le répertoire sera arrêté au conseil
d'administration, les 14 et 30 de chaque mois, pour
la quinzaine suivante.
« S'il résulte du procès-verbal, qui sera adressé au
Surintendant, des différences d'opinion sur la com-
position du répertoire, le Surintendant pourra sta-
tuer définitivement.
« Art. 24. — Lorsque les pièces el ballets nouveaux
auront était admis par le jury, le devis de la dépense
sera arrêté au conseil d'administration et présenté
à notre approbation par le Surintendant; il en sera
de même pour les ouvrages qui seront remis au
théâtre.
« Le machiniste- sera admis à la séance du conseil
et, interpellé de déclarer, sur sa responsabilité, si
les décorations existantes eu magasin peuvent ou
ne peuvent point être employées, ou ne peuvent ser-
vir qu'en tel nombre pour la pièce nouvelle ou re-
mise.
» Art. 25. — 11 sera nommé tous les ans une com-
mission de notre Conseil d'Etat pour recevoir les
comptes de l'Opéra, et s'assurer que les budgets, de-
vis et règlements ont été exécutés.
<( Cette commission se fera remettre, tous les six
mois, les états de recettes el de dépenses, et fera
l'inspection de toutes les parties du service. »
En 1811, deux décrets furent encore rendus :
L'n, le 20 janvier, qui régla le système des pensions
des artistes et employés sur le principe de retenues
pratiquées sur leurs appointements, et institua pa-
reillement des pensions au profit des auteurs et
compositeurs sur le même principe de retenues pra-
tiquées sur leurs honoraires ; le fonds de 8:! 500 lianes,
créé par le décret de ventôse au Xlll, devait demeu-
rer affecté à cette destination pendant six années, à
dater du 1er février 1811.
Un autre, le 13 août, qui assujettissait à payer une
redevance à l'Académie les théâtres de second ordre,
les petits théâtres, les cabinets de curiosités, ma-
chines, figures, animaux, toutes les joutes et tous
les jeux, et, en général, tous les spectacles de quel-
que genre qu'ils fussent, tous ceux qui donnaient des
liais masqués ou des concerts dans Taris; de même
que les panoramas, cosmoramas, Tivoli el les autres
établissements nouveaux, et le Cirque olympique en
tant que théâtre où l'on jouait des pantomimes. La
quotité de la redevance était du cinquième brut de
la recette, déduction faite du droit, des pauvres, pour
les bals, concerts, fêtes champêtres de Tivoli el
autres du même genre; du vingtième de la recette,
sous la même déduction, pour tous les théâtres et
tous les autres spectacles et établissements.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
.Napoléon, qui avait ainsi montré sa sollicitude
pour l'administration théâtrale de l'Opéra, y apporta
sa contribution personnelle pour assurer l'éclat des
représentations.
Le 10 juillet 1804, il venait lui-même à l'Opéra
afin d'assister à la première représentation des Liantes
de Le Sueur, et après le 3e acte, il faisait chercher
l'auteur par le maréchal Bessières, pour lui témoi-
gner toute la satisfaction que cette œuvre lui avait
l'ait éprouver. Il le retint dans sa loge en disant :
« llestez là, jouissez de votre triomphe jusqu'à la
lin. ».
Il décora Le Sueur de la croix de la Légion d'hon-
neur et lui envoya quelques jours après une taba-
lière d'or qui contenait 6 000 francs, avec ces mots
gravés : l'Empereur des Français, à l'auteur des
Bardes.
Cette pièce avait été chantée par Lainez, Chéron,
Lays et Mllc Armand.
Peu après, on reprenait Dardanus et Télémaque le
9 octobre 1804, dans lesquels débutait M"" Victoire
Saulnier, élève de Gardkl.
L'Opéra représentait encore une traduction du Don
Juan, de Mozart, chanté par Iîoland, Huby, Dkrivis,
Bertin et Mllcs Armand, Ferrière et I'ei.ei, l'Amour ci
Cythére, de Gaveaux; Nephtali, de Blangini; Paul et
Virginie, ballet de GARDELef Kreutzer, le 25 juin 1806,
avec Mlle ISigottini et Duport; le Triomphe de Trajan,
d'Esraenard, Lesueur et Pbrsuis, Fer?iand Gortès de
Spontini, compositeur protégé par l'impératrice José-
phine, et les Abencérages de Cherubini.
En 1807, Picard fut nommé à la tête de l'Opéra, el
son premier succès fut la Vestale, de Spontini, qui
fut chantée par Lainez, Lays, Dkrivis, M"" Branchu,
M"" Maillard. C'est cette pièce qui devail être re-
présenléele IlOjuin 1815 devant l'empereur Alexandre
et le roi de Prusse.
Sous la Restauration, l'Opéra reprit son titre pri-
mitif et redevint l'Académie royale de musique; mais
les règlements ne furent pas modifiés, on lui laissa
950000 francs de subvention. Louis XVIII vint le
18 mai 1814 à la représentation d'QEdipe « Colon* , i i
d'un divertissement de Gardel el Persi us, ayant pour
titre le Retour des Lys.
Quelques ordonnances furent toutefois rendues,
louchant des questions d'ordre particulier. Mention-
nons celle du 1er novembre 1814, qui remania le dé-
cret du 20 janvier 1811 sur les pensions de retraites,
en maintenant néanmoins le fonds de 83 500 francs,
et qui établit des pensions de réforme; — celle du
16 novembre 181.1, sur les représentations à béné-
fice; — celle du 18 janvier 1816, fixant les hono-
raires des auteurset compositeurs, leurs divers droits
et leurs obligations; — la décision du 6 mars 1817,
concernant les retenues au profit de la caisse de vé-
térance; — l'ordonnance du 12 mars 1822, égale-
ment au sujet des pensions; — celle du 29 no
vembre 1825, qui interdit le cumul des pensions sur
la caisse de vétérance aux artistes attachés à la fois
à l'Académie et au Conservatoire ; et la décision du
28 mai 1826, qui apporte une exception à la dispo-
sition précédente en faveur des professeurs au Con-
servatoire.
Les œuvres d'un intérêt secondaire qui avaient été
données depuis dix ans ne tenaient pas l'affiche, et
c'est encore la Vestale qu'on dut reprendre pendant
les Cent-Jours devant Napoléon, en même temps
qu'on reprenail Castor et Pollux le 14 décembre 1814.
Après le retour de Louis XVIII, Picard abandonna la
direction entre les mains de Papillon de la Ferté,
aidé par Choron et Persuis. Ils y firent jouer en 1816
un ballet de ce dernier, en collaboration avec Kreut-
zer, intitulé le Carnaval de Venise; ils firent repren-
dre Iphigênie en Aulide, Renaud de Sacchini, avec
Mme Branchu.
La même année mourait M"<; Guimard, à 73 ans;
elle avait épousé, en 1700, Despréaux.
Le 22 décembre 1810, Persuis mourait, le jour
même de la première représentation d'Olympie de
Spontini. Il fut remplacé par le violoniste Viotti.
C'est sous la direction de ce dernier que l'Opéra dut
quitter la place Louvois, après l'assassinat du din-
de Berry. C'était le 13 février 1820. On jouait le Car-
natal (te Venise, les Noces de Gamache et le Rossi-
tjnol. A 11 heures, le duc quitta le spectacle, pour
accompagner la duchesse qui se retirait, cl au mo-
ment où elle montait en voiture, un individu s'ap-
procha du duc et le frappa d'un coup de stylet.
Le duc de Berry mourait le lendemain, mais il
n'avait pu obtenir les sacrements de l'Eglise que sous
la promesse faite à l'archevêque de Quelen, que la
salle de l'Opéra serait démolie.
C'est à la salle Favart que l'Opéra se réfugia pen-
dant qu'on construisait une nouvelle salle dans la
rue Le Peletier, sur l'emplacement de l'hôtel de
Choiseul. L'Opéra devait demeurer dans cette salle,
qui avait coûté 800000 francs, jusqu'en 1873, date
de son incendie.
Le 16 aoûl 1821, on inaugurait le théâtre Le Pele-
tier, avec les variations de Pakr sur Vive Henri IV.
les Boyadères de Catel, et un ballet, le Retour de '/.e-
phire. Le 1er novembre suivant, IIareneck remplaçait
Viotti à la direction de l'Opéra et faisait jouer Ala-
din ou la Lampe merveilleuse de Nicolo et de Benin-
cori , avec M"es Bigottini , Jawurek et Grassari,
MM. Nourrit, Dérivis. Dabadie (1822)
L'année suivante, en 1823, Hérold et Aurer com-
mencèrent à se faire connaître avec Lasthënie et
Vendôme en Espagne. En 1826, IIossini fit représenter
le Siège de Corlnlhe, puis en 1828, le Comte Ory, el
en 1829, Guillaume Tell. Entre temps, le 29 févriei
1828, Auber avait fait représenter la Muette de Por-
lici, avec Nourrit, Dupont, Dabadie, Mme Damoreai
et Mlle Noblet.
Le gouvernement de Louis-Philippe modifia com-
plètement le régime de l'Opéra. Lue ordonnance des
25 janvier-15 mars 1831 plaça dans les attributions
du Ministre de l'Intérieur les théâtres royaux. Le
ministre nomma désormais un directeur-cnl repre-
neur, qui exploitait pour son propre coin (île. SOUS
certaines conditions et charges à lui imposées, et qui
recevait nue subvention du budget de l'Etat. Cette
subvention, dès l'année 1831, fui réduite à 800000
francs. Par arrêté du 28 février, le ministre institua
une commission spéciale à l'effet de surveiller l'exé-
cution des clauses du cahier des cha i ges.
Du moment que l'Opéra prenait le caractère d'une
entreprise commerciale ordinaire, l'assurance des
pensions par l'Etal perdait toute raison de subsister.
Il fut donc déclaré qu'à dater de l'origine de la nou-
velle direction, c'est-à-dire du 1"' juin 1831, les ar-
tistes et les employés avec lesquels des engagements
seraient contractés toucheraient l'intégralité de leurs
appointements, sans qu'ils puissent rien exiger lors
de leur retraite. Pour ceux qui étaient en mesure
d'invoquer des droits acquis, on décida qu'ils pour-
raient demander le maintien de leurs avantages en
continuant de subir les retenues antérieures, s'ils ne
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
préféraient renoncer auxdils avantages et percevoir
à l'avenir leurs appointements entiers. Situation
identique était faite aux auteurs et compositeurs.
Au surplus, en vertu d'un arrêté ministériel du
21 juin 18:^2, les tributaires de la caisse des retraites
ne pouvaient être mis à la réforme sans l'approbation
de la commission de surveillance dont nous avons
parlé plus haut.
L'entrepreneur de l'Opéra vit disparaître, en même
temps, le privilège exclusif des bals masqués; et
l'ordonnance des 24 août-22 octobre 1831 abolit les
redevances établies à la charge des théâtres secon-
daires et autres spectacles divers par le décret
de 1811.
lue ordonnance du 31 août 1837, généralisant les
dispositions de l'arrêté du 28 février 1831, institua
une commission de surveillance des théâtres royaux,
dont les attributions consistaient encore à assurer
l'exécution des cahiers des charges. Cette commis-
sion devint plus tard permanente, en vertu d'un
arrêté pris par le Président du Conseil des Ministres
chargé du pouvoir exécutif, le 20 octobre 1848; et
un décret du 2 janvier 1850, la maintenant perma-
nente auprès du Ministre de l'Intérieur, lui affecta
un caractère consultatif.
Notons de suile que, à dater du décret des 14-
26 février 1853, les services des Beaux-Arts furent
distraits du Ministère de l'Intérieur pour être placés
entre les mains du Ministre d'Etat, et de la Maison
impériale.
Unan plus tard, en vertu d'un décret du 29 juin 1854,
l'Opéra fit partie de la liste civile; et un nouveau
décret des 24 novembre-1 1 décembre 1860 couda son
administration supérieure au Ministre d'Etat, sans
que la liste civile cessât d'être responsable de sa
gestion.
Un habile directeur, M. Véron, docteur en méde-
cine, avait été mis à l'Opéra le 2 mars 1831. Sa
direction fut fructueuse. Il monla le Philtre et le
Serment d'AuBER, dans lequel débuta M11' Darus. Le
21 novembre 1831, il représenta Robert le Diable de
Meyerbeer, avec Nourrit, Levasseur, Lafont, Mes-
dames Damoreau et Dorus, et lorsqu'il reprit cet
opéra, le 20 juillet 1832, M11* Dorus céda son rôle à
M"e Cornélie Falcon qui avait alors dix-huit ans.
Le nouveau directeur entremêlait ses spectacles'de
ballets comme la Sylphide, le 12 mars 1832, dansé par
M"e Taglioni, la Tempête on l'Ile des Génies", avec
Duvernoy, Fanny Elssler, le la septembre 1834.
Le 23 février 1835, on représentait la Juin1, paroles
de Scribe et musique d'HALÉvy, dans laquelle
jVImes Falcon et Dorus brillaient au premier rang.
La mise en scène avait coûté 150 000 francs.
Un architecte, M. Duponchel, succédait en août
1835 à Véron, et continuait son succès avec les Hu-
guenots de Meyerbeer '29 février 1836 ,dana lesquels
Gilbert Duprez remplaça bientôt Nourrii el qui ser-
vail de début à Mmc Stoltz en 1838. On représenta
successivement B'envenuto Cellinide Berlioz, le 3 sep-
tembre 1838, le Lac des Fées, d'AuBER, avec Mllos Nau
et Elian' Barthélémy.
Le Drapier, d'HALÉw, parut le 6 janvier 1840, et
les Martyrs, de Donizetti, le 10 avril de la même
année. Pour les débuts dans la direction de M. Léon
Pillet, nommé le 1er juin 1840, avec Duponchel, Do-
nizetti donne la Favorite, avec Mme Stoltz, Levas-
seur, Duprez et Barroilhet, le 2 décembre 1840.
Trois mois après, on donnait une reprise solen-
nelle de Don Juan, puis le Freischùtz de Weber,
Gisèle, un ballet d'Anwi, avec M"« Carlotla Grisi, le
28 juin 1841; et la même année, Halévv triomphait
encore avec la Reine de Chypre, et en 1843, avec
Charles VI, tous deux chantés par Mmc Stoltz et
Barroilhet.
Les dernières années de la direction Pillet furent
moins prospères ; beaucoup d'artistes s'étaient retirés
et sauf Lucy de Lamermoor, de Donizetti, Othello de
Bossini et Dont Sébastien, les succès devinrent rares.
Ouand Pillet se retira, il laissait 400 000 francs de
dettes à Duponchel el Boqueplan, qui lui succédaient.
Le premier succès des nouveaux directeurs fut Jéru-
salem de Verdi, que chantaient Duprez et Mmo Julian
Van Gelder, le 26 novembre 1847. La révolution de
1848 interrompant Grisétidis, le ballet d'ADA.u, fit re-
prendre à l'Opéra le titre de Théâtre de la Nation.
Après la Vivandière dePuoNi, el Jeanne la Folle de
Clapisson, il faut attendre le Prophète de Meyerbeer
(16 avril 1849), avec Boger, M°>« Viardot et Castel-
lan, pour compter un succès. Le rôle fut bientôt re-
pris par M"" Alboni. Mme Viardot continua à triom-
pher, sous la direction de Hoqueplan seul, dans la
Sapho de Gounod, l'Enfant prodigue d'AuBER;
Mmo Tedesco dans le Juif errant d'HALÉvy, et M™ Al-
boni dans la Corbeille d'oranges d'AuBER. Après une
reprise de la Vestale, avec Mlne Crovelli, Poinsot et
le ténor Boger, Roqueplan, n'ayant que 620 000 francs
de subvention, succombait sous le poids d'un passif
de 900000 francs, le 30 juin 1854.
L'Opéra, qui reprenait le titre de Théâtre impérial,
cessait d'être une entreprise particulière. A partir
du 1er juillet de la même année, il était régi pour le
compte de la liste civile par .Nestor Boqueplan,
nommé directeur, sous le contrôle du Ministre de la
Maison de l'Empereur. Il était remplacé dans ce
poste, le 11 novembre 1854, par M. Crosnier, admi-
nistrateur général, qui obtenait le retour de
Mmo Stoltz, engageait deux danseuses, Mme Bosati, qui
débutait dans La Fonti, et Mlle Peretta, qui faisait
son entrée, le 22 février 1855, dans le Diable à quatre.
Sous le Second Empire, Verdi donnait les Vêpres
siciliennes et le ballet à'Orfa, Niedermeyer la Fronde,
et Félicien David, Herculanum.
On sait les discussions que souleva la première
représentation de Tannhauser de Wagner en 1861, et
l'approbation que reçut la Réîne de Saba,de Gounod,
avant la direction de Perrin, qui fut nommé en dé-
cembre 1862.
Léo Délires se révéla avec la Source en 1866. Am-
broise Thomas donna Hamlet deux ans après, et le
Faust de Gounod apparut en 1869.
On verra, dans la liste des premières représenta-
tions de l'Opéra, les œuvres représentées depuis
1870; il ne nous reste qu'à analyser brièvement l'ex-
ploitation de ces dernières années.
M. Halanzier, au 1er novembre 1871, dirigea l'O-
péra, et c'est lui qui engagea M"e Rosita Mauri en
1877, pour le divertissement de Polyeucte. La même
année, il faisait jouer l'œuvre d'un jeune composi-
teur, Jules Massenet, Le Roi de Lahore (le 27 avril),
avec MM. Salomon, Lassalle, Auguez, M"": de Beské
et Fouquet. Une cabale accueillit, en 1878, le ballet
d'Olivier Métra Yedda, mais les frères Mérante,
Mllc liita Sangalli, Louis Marques, Righetti, impo-
sèrent le succès. D'ailleurs, l'Opéra possédait alors
une troupe remarquable. Mme Franck Duvernoy dé-
butait dans les Huguenots, et Edmond About décou-
vrait Sellier, qui débutait dans Guillaume Tell.
Aida, l'opéra de Verdi, fut représenté le 22 mars
:{Ni)ii
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIOVE ET UICTIONNAUŒ DU CONSERVATOIRE
L880,avec MmM Kbauss el Rosine Bloch, MM. Sellier,
Morel, Boudoorbsqob ei Sapin.
La direction de Vaucorbeil, qui dura de 18T9 à
1884, vit le succès de la Korrigane, du Tribut de '/.<<-
mora, de Gounod, el de Namouna, de Lai.o. M""^ Krauss
et Richard, MM. Lassai. le, Dereims, Boudouiiesquï et
Loiirain chantèrent Heur» VIII de Smm-Sains, et
Mme Rosita Mauri dansa la Farandole de Théodore
Dubois.
Plusieurs débuts célèbres : M. Escaiaïs dans Guil-
laume Tell, M11" Adèle IsAAcdans Hamlet et M. Edouard
de Reské dans Méphislophélès de Faust.
M. Gailhard fut le directeur de l'Opéra en 1884,
en association avec M. Ritt. Il lit jouer la Sapho de
Gounod, avec Mmes Krauss et Richard, Mblciussédec,
Plahçon; lui-même chantait Pytheas.
Higoletto de Verdi , d'abord chanté par Mes-
dames Krauss et Richard, fut repris en 1889 par
M™e Jeanne Raunay; dans Sigurd de Reyer, on remar-
quait Mn,es Rose Caron, Bosman, Richard el MM. Sel-
lier, Gresse et Bérardi. LeSaint-Bricedes Huguenots
servit de début à M. Delmas.
Massemet confia les principaux rôles du i'id à
famé Fidès Devriés et aux frères de Reské. Paladilhe
choisit pour Patrie Mme Krauss, MM. Lassalle et
Doc. Enfin La Patti et Mme Agissol, les frères de
Reské et Melchissédec occupèrent l'affiche en 188s et
1889 avec ïkoméo et Juliette, de Gounod.
Le dernier acte de la direction Ritt et Gailhard fut la
représentation deLolwugrin, de Richard Wagner, avec
Mme Rose Caron dans le rôle d'Eisa et M. Van Dyi k.
Mrae Cosima Wagnej avait elle-même désigné les
altistes. D'abord donné par Lamoureux, Lohengrin
avait été représenté avec une barbe blonde, mais
à l'Opéra, il respecta la tradition et parut le visage
imberbe. Cet opéra n'avait d'ailleurs pu être repré-
senté à l'Eden, tant les spectateurs affichaient de vio-
lence dans l'expression de leurs critiques ou de leurs
admirations. La troupe, en 1885, comptait Mmes Felia
Litvine, et Mklba, le ténor Aifiu, Vaguet et le bary-
ton Renaud, qui avait débuté dans ['Africaine. Eu
1892, Bertrand, en prenant la direction, monta Sa-
lammbô de Reyer, avec Mme Rose Caron, MM. Saléza,
Vergnet, Renaud, Delmas et Beyle, puis Samson et
Dalila de Sainï-Saëns, avec M"10 Deschamps-Jehin,
MM. Vergnet, Lassalle, Fournets et Chambon, et en
1894 il prenait M. Colonne comme chef d'orchestre.
Le 12 mars 1893, il montait le Walkyrie de Richard
Wagner, avec Mme Rose Caron et Mme Bréval, qui
venait de débuter dans l'Africaine, Mm° Deschamps-
Jehin, MM. Van Dyck, Delmas et Gresse.
Bertrand montait encore Thaïs de Massbnkt el
Otello de Verdi. Il avaitengagé M. Aevarez, qui avait
débuté le 14 mars 1893 dans Faust, en même temps
que Mlle Marcy, M"8 Passama, qui avait débuté en
1893 dans Dalila, Mlle Alba Chrétien, qui avait
débuté le 31 juillet 1893. dans Robert le Diable.
L'Opéra comptait encore Mm8s Berthet, Sibyl San-
derson, Héglon, Beauyais, MM. Vaguet, Morel, Lau-
rent et Delpoi'i.et.
En 1896GA1LHAJD fut adjoint à Bertrand, et en 1901,
Gailhard resta seul à la lête du théàlre.
A noter le Messidor de Rruneau, les Maîtres Chan-
teurs de Nuremberg de Richard Wagner, joués le
10 novembre 1897 par M,U8S Bré\ al, Grand.iean, MM.
Alvarez, Delmas, Renai d, Vaguet, Gresse et Bartet,
Joseph de Méhul, avec Mme Ackté, la Prise de Troie de
Berlioz avec Mmes Delna, Reauvais et Flahaot.
Gailhard s'adjoignit Capoul, et fit chanter pour la
première fois, le 3. janvier l'.t03, Siegfried de Richard
Wagner, avec M""" Grand.iean, Hkglon, Bessy Aroit,
MM. Jean de Reské, Delmas, Laitue, Noté.
L'ensemble de la tétralogie de Wagner ne devait
être représenté qu'en 1911.
Citons encore Payasse de Léoncayallo, l'Etran-
ger de Vincent d'Inby, chanté par Bréval, l'Enlèvement
au Sérail, de Mozart, pour les débuts de M"es Lind-
say et Verlet, avec MM. Affre, Laffite et Gresse.
Enfin en 1904, Tristan et Yseult, avec Mm6B Grand-
.iean, Rose Féart, MM. Alvahi.z, Gresse et Dllmas.
L'année suivante, Gailhard se séparait de Capoul
et conservait la direction jusqu'en 1908.
A signaler une reprise d'Annulé de Gluck, avec
MM. Affre, qui devait êlre remplacé par Muratore,^
Delmas, M™*8 Bréval, Féart, Lindsay, Demougeot
et Vix.
Pour la danse, l'Opéra comptait alors M"es Zam-
belli, Sandrini, Hirsch, Reauvais, Barbier et Mante,
Gailhard reprenait le Freischutz, engageait Ml,e Che-
nal, M. Rousselière, et montait Ariane de Massenet.
avec Muratore, M"10" Bréval et Arbell.
En 1908, MM. Messager et Broussan furent nommés
directeurs, et conservèrent comme chef d'orchestre
M. Vidal, qui devait passer en 1914, comme chef de
musique, à l'Opéra-Comique.
Les autres chefs d'orchestre étaient MM. Busser,
Rabaud et Bachelet.
Les nouveaux directeurs montèrent le Crépuscule
des Dieux de Wagner, avec Van Dyck, Delmas, Gilly,
jyjiues (;Randjean et Rose Féart.
Ils reprirent Hippolyte et Aricie de Rameau, avec
Plamondon, Delmas, Gresse, M"185 Bréval, Hatto, puis
Mérentié, et pour la danse M"' Aida Boni.
Les représentations russes de Boris Godounov, de
Moussorgsry, avec Chaliapine, une reprise de Thaïs,
avec Mllcs Garden et Renaud, l'engagement de M. Franz
précédèrenl la première'représentation à l'Opéra de
l'Or dm Rhin, le 17 novembre 1909, avec MM. Van
Dyck, Delmas, Duclos, Gresse, Journet et Fabbrt,
Mmes Demougeot, Cami'redon. L'année suivante, les
directeurs montaient la Salomé de Richard Strauss,
avec Mme Mary Garde.n et M. Muratore, la Damnation
de Faust, de Berlioz, adaptée pour la scène, avec
MM. Renaud, Franz el M11" Grandjean.
Les dernières années de la direction Messager-
Bruussan virent encore le Miracle de Georges II e, le
30 décembre 1910, avec MM. Muratore, Ghessi , Fa-
bbrt, M1"6 Chenal, et pour la danse Mlle Aida Boni.
En 1911, Déjanire de Saint-Sakns, le 22 novembre,
avec MM. Muratore, Dangès, M0"8 Litvine, Gall et
Gharny.
Les ballets russes, représentés hors série, et avec
lesquels l'Opéra atteint la recette de 40754 francs.se
composaient du Carnaval, des Sylphides, du Spectre
:le la Rose, de Srhéhérazade, et des danses du Prince
Igor.
En mars 1912, l'Opéra reprenait les Deux Pigeons
de Messager, avec MM. aveline, Rourdeli.e, Ray-
mond, M™" Zambklli, Aida Boni, Meunier, Piron.
Enfin, le Ier janvier 1914, l'arsifal, de Wagner, étant
tombé dans le domaine public, était représenté par
M. Franz et Mm Bréval, remplacée quelques jours
après par Mme Demougeot, remplacement qui susci-
tait aussitôt un procès.
Pour 1914, on annonçait Antnr. de Gabriel Dupont,
sur le livret de Chekri-Ganem1.
TECIINlnl E. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3*
Le régime d'un Administrateur général, ayant la
gestion de l'Opéra pour le compte de l'Etat, l'ut aban-
donné en 1866 par le Second Empire; le gouverne-
ment impérial revint au système adopté par la
monarchie de juillet, et, « considérant qu'à la ges-
tion d'un théâtre, même de l'ordre le plus élevé, se
rattachent nu très grand nombre de questions pré-
sentant un caractère industriel et commercial, et
dont le règlement est en conséquence peu compa-
tible avec les habitudes et la dignité d'une adminis-
tration publique », décréta, le 22 mars, que la gestion
de l'Opéra serait désormais conliée à un direcleur-
cnlrepreneur administrant à ses risques et périls,
avec le bénéfice d'une subvention de la liste civile,
en outre de celle que lui allouait l'Etat, el moyen-
nant les clauses et conditions d'un cahier des charges
dressé par le Ministre d'Etat.
Penin quitta bientôt l'Opéra pour le Théâtre-Fran-
çais et fut remplacé, en 1871, par Halanzier. C'est
sous la direction de celui-ci que la salle de la rue
Le Peletier devait brûler deux ans plus lard, le
28 octobre 1873, au cours des répétitions de la
Jeanne d'Are de Mermet. L'Opéra, qui avait cherché
un asile provisoire dans la salle Ventadour, inaugu-
rait, le 15 janvier 1875, le monument actuel, construit
par Charles Garnier.
La Troisième République a laissé l'Opéra aux mains
de l'entreprise privée, en continuant de le doter de
subventions annuelles, suivantles errements du décret
de 1866. Nous nous déclarons partisan du maintien
de l'état de choses actuel. L'exploitation par l'Etat
grève invariablement le budget de frais inconnus
air; entreprises, et subordonne toutes les initiatives
à trop d'influences diverses pour produire des résul-
tats heureux.
Les Chambres votent, chaque année, un crédit des-
tiné à la subvention de l'Opéra1. Il est évident que,
si ce crédit venait à être supprimé, les entrepreneurs
se trouveraient eux-mêmes dégagés de leurs obliga-
tions.
Le ou les directeurs sont nommés par décret du
chef de l'Etat sur présentation du ministre des Beaux-
Arts. Ils sont liés par les clauses d'un cahier des
charges qui réglementent le théâtre et son exploita-
tion.
En dehors de la subvention, l'Etat fournit la jouis-
sance gratuite de l'immeuble de l'Opéra el de ses
dépendances suivant un état des lieux, la jouissance
de tout le matériel de l'exploitation (mobilier de la
salle et de la scène, costumes, partitions, décora-
tions, machines).
Enfin, l'entrepreneur a le privilège d'engager, avec
l'autorisation du ministre, et par préférence, les
élèves du Conservatoire.
De son côté, l'entrepreneur s'oblige, par le cahier
des charges, à conserver personnellement la direction
de l'Opéra, et il ne peut ni la vendre, ni la donner, et
ses héritiers n'y ont aucun droit. Pour les fonds
nécessaires à l'exploitation du théâtre, l'entrepre-
neur ne peut se les procurer que par la voie d'une
commandite simple, et il s'interdit de constituer
aucune société en actions. Il doit, de plus, justifier
d'un certain apport, sur lequel est prélevé le caution-
nement alfecté à la garantie du payement des droits
1. La loi de tinauees porte
redit de 80U 000 francs en l'a
ar ta môme loi, un crédit d
caisse des retraites, et un c
lëqiie publique.
■ atiui-i'. à titre (I.- subvention,
de l'Opéra. 11 est alloué, en out
mil francs destine à la .lolation
d'auteur, des traitements des artistes, du droit des-
pauvres et des indemnités que l'Etat pourrait ré-
clamer.
L'entrepreneur ne peut enfin conclure aucun traité
dépassant la durée de sa concession. Il est tenu de
jouer chaque année un certain nombre d'oeuvres
nouvelles et de justifier d'un minimum de représen-
tations. Chaque mois, il doit remettre au ministre un
état constatant l'exécution de ces obligations, faute
de quoi, il est passible d'amende.
Aujourd'hui, le système du directeur-entrepreneur
parait définitivement consolidé, et les budgets de
chaque année consacrent, sans en discuter le prin-
cipe, l'attribution des 800 000 francs donnés en sub-
vention <à l'Opéra. Le genre du drame musical, qui
était entièrement réservé à l'Opéra par les législations
favorables au privilège, échappe actuellement en
partie à ce théâtre. Toutes les pièces de musique
tendent à se fondre dans un moule semblable. Les
anciennes et traditionnelles distinctions entre l'opéra-
comique, qui ne consistait, en définitive, qu'en pièces
dialoguées, coupées de couplets, et le drame musical
entièrement chanté, disparaissaient d'une manière
absolue. Il semble cependant qui' les œuvres d'une
tendance très moderne comme celles de Claude
Debussy ou de Duras soient dans un cadre plus appro-
prié à leur tendance ou à leur esprit, rue Kavart.
De telle sorte que les œuvres d'une sentimentalité
inquiète ou d'une légèreté séditieuse resteraient à
l'Opéra-Comique, tandis que l'Opéra serait le théâtre
îles causes héroïques ou légendaires, le théâtre dt-
Wagner, dont la tétralogie y a été jouée pour la
première fois, eu juillet 1011, d'une façon complète
et suivie. Et si on peut se permettre une telle com-
paraison; l'Opéra-Comique garderait les délicates
dentelles de la Sainte-Chapelle, tandis qu'à l'Opéra
s'épanouirait la majesté grandiose de .Notre-Dame.
CAISSE DES RETRAITES DE L'OPÉRA
La Caisse de Pensions de Retraite pour le person-
nel de l'Opéra, supprimée eu 1831, lui rétablie en is;;,
par décret du H mai. Créée à partirdu Ier juillet 1856,
elle devait être gérée par l'administration de la Caisse
des Dépôts et Consignations, sous l'autorité et la
surveillance du Ministre d'Etat.
Cette Caisse de Retraite était alimentée par une
relenue obligatoire de o p. 100 sur tous traitements,
appointements, feux assurés ou éventuels n'excédant
pas 40 000 francs par an, et gages payés à quelque
titre que ce fût au personnel de l'Opéra; parles rele-
nues faites aux artistes, dans des conditions déter-
minées, pour les absences autorisées et congés; pai
le produit des amendes et retenues disciplinaires;
par le montant des délits et condamnations judi-
ciaires prononcées au profit de l'administration du
théâtre; par le produit de deux représentations
extraordinaires ou d'une représentation et d'un bal
donnés tous les ans par l'Opéra au profit de la Caisse,
soit une somme de :i0 000 francs au moins; par les
arrérages de rentes appartenant à la Caisse; par
des donations et legs; enfin par un fonds annuel de
20 000 francs accordé par la liste civile, et imputable
sur la subvention allouée par le budget de l'Etal.
Les fonds provenant de ces diverses ressources
étaient versés à la Caisse des Dépôts et Consignations,
qui demeurait exclusivement chargée du placement
en rentes sur l'Etat et du payement des pensions.
KSCYCL0PÈD1K DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Avait droit à une pension de retraite toute personne
attachée à un titre quelconque à l'Opéra, après une
durée de services variant de vingt à trente ans sui-
vant la nature de ses fonctions, lesquelles, pour
quelques-unes de ces personnes, devaient èlre exer-
cées jusqu'à l'âge de cinquante et. soixante ans.
La pension de retraite ainsi acquise se trouvait
basée sur le traitement moyen des six dernières an-
nées, et réglée à raison d'un soixantième de ce trai-
tement moyen pour chaque année de service, sans
que celte pension pût être jamais inférieure à 100 fr.,
ni supérieure à 6.000 francs.
Kn outre, des pensions dites de réforme étaient
accordées, avec liquidation immédiate et dans des
conditions déterminées, à toute personne attachée
à l'Opéra qui avait été blessée au cours de son ser-
vice et se trouvait dans l'impossibilité de le conti-
nuer; ainsi qu'aux arliites faisant partie du person-
nel du chant, de la danse et de l'orchestre, qui, par
suite de l'affaiblissement de leurs facultés artisti-
ques, ne pouvaient plus remplir convenablement
leur emploi, et qui justifiaient des trois quarts du
temps exigé ordinairement pour l'établissement du
droit à la pension.
De plus, les veuves d'artistes, employés ou agents
attachés à l'Opéra bénéficiaient, sous certaines con-
ditions, à la mort de leur mari, de partie de la pen-
sion accordée à ce dernier soit à titre de pension
ordinaire, soit à titre de pension de réforme. Pa-
reille pension partielle était également concédée
aux enfants mineurs de dix-huit ans et fils d'artis-
tes ou employés ne laissant pas de veuves survi-
vantes.
Perdait naturellement ses droits à une pension de
retraite, tout artiste dont l'engagement avait été rési-
lié pour manquement au service ou pour autre fait
grave ; lout employé ou agent démissionnaire, des-
titué ou lévoqué d'emploi.
Tout artiste du chant, de la danse et de l'orches-
tre, titulaire d'une pension sur la Caisse de Retraite,
ne pouvait jouer sur aucun théâtre à Paris, si ce
n'est pour des représentations à bénéfice ou pour
une œuvre de charité quelconque, et après avoir
obtenu l'autorisation du ministre. Il pouvail égale-
ment être autorisé parle ministre à donner des repré-
sentations sur les théâtres des déparlements et de
l'étranger, en renonçant au payement de sa pension
pendant la durée de son engagement. En cas de con-
travention, la pension était supprimée.
Le décret du 22 mars 1866, qui revenait, au sys-
tème adopté par la Monarchie de juillet et rendait
l'Opéra à l'entreprise privée, modifia naturellement
les dispositions du décret précité du li mai 1856,
en prescrivant que toute mesure ayant pour objet
même de changer la condition des artistes, employés
ou agents tributaires de la Caisse des Retraites, ne
pourrait être prise qu'après autorisation ministé-
rielle. De plus, point, très important, et qui n'était
qu'une conséquence de ce que l'administration de ['( >-
péra cessait d'appartenir à l'Etat pour revenir à un
particulier: le régime des pensions ne devait plus
subsister qu'au prolit des artistes, employés ou
agents qui se trouvaient tributaires à la date du
22 mars 1866, ou de leurs ayants droit.
Le 21 novembre 1866 intervint un nouveau décret
modifiant les dispositions du précédent en ce qui
touche l'autorisation pouvant être donnée aux artis-
tes de jouer sur un théâtre autre que l'Opéra, sans
la privation de leurs droits. Ce nouveau décret décida
que tout artiste du chant, de la danse et de l'orches-
tre, titulaire d'une pension sur la Caisse des Retrai-
tes, pourrait, sur sa demande, être autorisé par le
ministre à jouer sur les théâtres de Paris, des dépar-
lements et de l'étranger en renonçant au payement
de sa pension pendant la durée de son engagement;
mais qu'en cas de contravention, la pension pourrait
être supprimée.
Le décret du lo octobre 1879 va faire cesser une
inégalité choquante existant à cette époque entre
les différents artistes, suivant la date de leur entrée
à l'Opéra, en modifiant les dispositions du décret du
22 mars 1866, qui avait créé parmi le personnel deux
catégories bien distinctes: celle des artistes déjà
titulaires d'une pension au 22 mars 1866, lesquels
avaient seuls droit à la retraite, et. celles des artis-
tes non titulaires de pensions à cette date, lesquels
ne pouvaient jamais prétendre droit à aucune re-
traite.
Deux systèmes se trouvaient en présence, qui per-
mettaient également de mettre fin à cette situation
anormale : ou bien créer une seconde Caisse de Re-
traite coexistant avec celle qui fonctionnait déjà,
ou bien admettre comme tributaires delà première
les artistes, employés et agents qui n'étaient pas
habiles à l'être, si l'adjonction de ces nouveaux par-
ticipants ne venait pas nuire aux intérêts des an-
ciens et léser les droits qu'ils avaient acquis. Or,
cette éventualité ne paraissait pas à craindre, car
la Caisse de l'Opéra, qui possédait 120 000 francs de
rentes 5 0/0 sur l'Etat, n'avait alors à pourvoir qu'au
service de 130 pensions ne dépassant pas une dé-
pense de 101 080 francs. De plus, son actif se com-
posait du montant annuel des retenues versées par
les tributaires d'alors, au nombre de 191, et s'éle-
vant à 31 983 francs, et de diverses ressources don-
nant lieu, par année, à une recette de 40 000 francs
environ. Entre les recettes et les dépenses semblait
donc exister une marge suffisante pour faire fa.ee aux
charges futures, et, par l'adoption de ce second sys-
tème, les intérêts des artistes déjà tributaires de
pensions ne devaient pas, croyait-on, êlre lésés par
l'adjonction de nouveaux tributaires. Aussi, est-ce
ce système qui prévalut et qui fut adopté par le dé-
cret du 15 octobre 1879.
Ce décret décide, en effet, que le fonctionnement
de la Caisse spéciale des Pensions de Retraite pour le
théâtre national de l'Opéra est rétabli tel qu'il avait
été constitué par le décret du 14 mai 1856, avec
quelques modifications suggérées par l'expérience et
plus compatibles avec le système de l'entreprise
privée.
Comme conséquence, el a partir du 1er novembre
1879, étaient applicables les dispositions dudil di ci
à tous artistes, employés et agents dont les traite-
ments n'excédaieni pas 12 000 francs. Toutefois, les
artistes alors attachés à l'Opéra en vertu d'enga-
gements et non encore tributaires de la Caisse ne
devaient le devenir que de leur consentement. Ils
étaient tenus de faire connaître leur option dans
un délai de quatre mois.
Pouvaient également, sur leur demande, el avec
autorisation du ministre, devenir tributaires de la
Caisse les artistes qui jouissaient de traitements su-
périeurs à 12000 francs, quel qu'eu lût le chiffre. La
demande devait être formée, pour ceux qui étaient
alors engagés, dans un délai de quatre mois à partir
du 1er novembre 1879; et, dans un délai de deux
mois, pour ceux qui seraient engagés a l'avenir.
TECHNIQVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3809
Les nouveaux tributaires étaient, de plus, admis
à verser des retenues rétroactives pour leurs services
antérieurs au ior novembre 1879.
La Caisse des Retraites se trouvait alimentée par :
1" Le produit de la retenue de 5 p. 100 sur tous
traitements, appointements, feux assurés ou éven-
tuels des tributaires ;
2° Le produit de toutes les amendes et retenues dis-
ciplinaires ;
3° Un fonds annuel de 20000 francs, imputable
sur la subvention annuelle de l'Opéra, allouée par
le budget de l'Etat ;
4° Un fonds annuel de 20 000 francs, versé par le
directeur de l'Opéra, soit à l'aide de représentations
spéciales organisées par lui, soit de ses propies de-
niers ;
5° Les arrérages de rentes appartenant à la Caisse ;
6° Les donations et legs qui pourraient être faits
à ladite Caisse, et dont l'acceptation ne pourrait avoir
lieu que dans les formes déterminées par l'article 910
du Co'ie civil.
L'admission à la retraite des tributaires de la
Caisse devait être prononcée dorénavant par arrêté
du ministre.
Les pensions à liquider, en vertu du décret du
14 mai 1856, ne devaient être servies et payées qu'a-
près une période de dix années écoulées, et sans
rappel d'arrérages antérieurs au 1" novembre 1 87'.».
Tout artiste du chant, de la danse et de l'orches-
tre, titulaire d'une pension de retraite dont le chiffre
n'excédait pas 3 000 francs, pouvait jouer sur les
théâtres de Paris et des départements sans l'auto-
risation du ministre, sauf le cas où il viendrait à
reprendre du service à l'Opéra.
Le 26 mars 1887 fut signé le décret ordonnant la
liquidation de la Caisse de Retraite de l'Opéra et
abolissant, par suite, les dispositions des décrets ci-
dessus relatés du 14 mai 1856, qui avait créé celte
caisse, et du 15 octobre 1879 qui en avait rétabli le
fonctionnement avec certaines modifications.
Avant d'indiquer les dispositions contenues dans
ce décret et pour les bien comprendre, il importe
tout d'abord de montrer dans quelles conditions, et
pour quels motifs généraux et des plus sérieux, le
gouvernement fut amené à détruire d'un coup l'œu-
vre de ses prédécesseurs et à supprimer, en respec-
tant seulement les droits acquis, cette Caisse de
Retraite qu'ils avaient créée. Il importera ensuite
d'indiquer l'esprit qui dut présider à la rédaction
du nouveau décret, d'examiner brièvement avec
quelles difficultés se trouvèrent aux prises ceux qui
furent chargés de son exécution, de citer ensuite
les décrets et arrêlés qui suivirent et furent, pour
ainsi dire, comme le corollaire forcé du décret du
26 mars 1887.
Sans parler des critiques dont l'administration
des Beaux-Arts avait été l'objet dans les dernières
années qui précédèrent 1887, et en dégageant de
suite la responsabilité de cette administration au
sujet de la situation précaire de la Caisse, dont elle
ne pouvait, à aucun litre, être déclarée responsable,
car sa gestion fut toujours irréprochable, il est bon
de signaler, cependant, les plaintes nombreuses et
chaque jour plus fréquentes qui se manifestèrent
pour les retards apportés à la liquidation d'un cer-
tain nombre de pensions.
La situation de la Caisse devenait, en effet, chaque
année moins prospère, mais, répétons-le, la faute
n'en incombait nullement à l'administration des
Copyrif/hl by Librairie Delaqrave, 1930.
Beaux-Arts; le mal venait en grande partie de l'éta-
blissement de la Caisse, tel qu'il avait eu lieu en
1879; c'est à celte époque que le gouvernement ne
s'était pas suffisamment rendu compte de la dépense
dont il grevait l'avenir. En admettant le personnel
à racheter ses services passés au moyen de retenues
rétroactives, on rétablissait dans leur intégralité à
peu près complète les charges que la Caisse aurait
eu à supporter si elle n'avait pas cessé de fonction-
ner régulièrement depuis 1850. Or, pendant la pé-
riode d'interruption, elle n'avait pas bénéficié de la
capitalisation des intérêts sur le montant des rete-
nues, elle n'avait pas couru les chances de démission,
de révocation ou de mortalité du personnel, et enfin
elle avait perdu peudant neuf ans la subvention de
30 000 francs mise à la charge du directeur. De plus,
en réduisant cette subvention à 20 000 francs, et en
abaissant de 40000 francs à 12000 francs la limite
au-dessus de laquelle les traitements étaient affran-
chis de la retenue, le décret de 1879 privait la Caisse
de deux ressources importantes et accentuait le
déraut d'équilibre entre les dépenses et les recettes.
Or, cet équilibre nécessaire entre les recettes et
les dépenses devenait chaque jour plus difficile à
établir à raison de la diminution du taux des rentes
sur l'Etat, qui avaient été achetées avec le montant
des sommes déposées à la Caisse des Consignations
et provenant des retenues opérées sur les appointe-
ments des artistes, agents et employés tributaires.
Mais le vice fondamental résidait surtout dans la
détermination faite à l'avance des charges de la
Caisse, d'une manière invariable, et sans aucune
relation nécessaire avec ses revenus. En 1850, d'au-
tre part, on n'avait pu prévenir ni l'augmentation du
personnel, ni la progression toujours croissante des
traitements. Enfin, l'expérience a démontré que les
caisses spéciales de retraite ne peuvent faire face à
leurs charges que si elles reçoivent, à l'origine, un
riche fonds de dotation.
La liquidation une fois décidée, restait à savoir
dans quelles conditions elle aurait lieu. Il fallait,
avant toul, respecter les droits acquis par les titu-
laires, lesquels avaient compté, ajuste titre, que les
retenues pratiquées sur leurs traitements leur pro-
fiteraient un jour dans les conditions prévues.
Deux moyens principaux s'offraient : rembourser
aux titulaires le montant des retenues opérées, eu
tenant compte, dans la mesure du possible, de la
bonification des intérêts ; continuer pour l'avenir et
dans des conditions nouvelles, en sauvegardant lis
intérêts pécuniaires de l'administration sans porter
aucune atteinte aux pensions servies, le versement
des pensions auxquelles Ips titulaires avaient droit
à l'époque de leur retraite. C'est de ce double prin-
cipe qu'on s'inspira, en s'efforçant d'arriver dans un
temps rapide au remboursement de toutes les pen-
sions, qui permettrait d'opérer une liquidation défi-
nitive.
De l'enquête conduite tant auprès du directeur de
l'Opéra qu'auprès des chefs des différents services,
résulta tout d'abord cette constatation : le régime
des pensions ne rencontrait de réelle faveur que
dans le personnel artistique. Les employés et ouvriers,
tailleurs, couturières, machinistes et autres, n'arri-
vaient en effet que difficilement à réunir les condi-
tions d'âge et de services requises pour la retraite,
les uns à raison de l'âge auquel ils étaient entrés à
l'Opéra, les autres à raison de l'épuisement préma-
turé auquel les condamnait presque fatalement le
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE MI CONSERVATOIRE
service de la nouvelle scène. D'autre part, dans les
ealégBtïeS de l'administration et du contrôle, les ap-
pointements, très peu élevés en général, ne donnaient
aux titulaires qu'un chiffre de pension insignifiant.
Il était, par suite, évident que les employés de ces
divers services pouvaient être aisément remplacés,
et qu'il n'y avait pas d'intérêt marqué à les attacher
à l'Opéra par l'appât d'une pension de retraite.
Il n'en était pas de même pour les catégories qui
concouraient à l'interprétation des œuvres lyriques.
Ce personnel, peu prévoyant de sa nature, voyait
un précieux avantage dans les dispositions qui lui
garantissaient la sécurité de ses vieux jours. La pers-
pective de la pension devait resserrer le lien qui
attachait l'artiste à la maison, l'associer en quelque
sorte à sa prospérité et l'intéresser à son avenir.
C'est en s'inspirant de ces considérations que les
membres de la commission chargée d'élaborer les
principes du décret relatif à la liquidation de la
Caisse des Retraites décidèrent que si, pour des rai-
sons d'ordre pécuniaire, cette liquidation devait
être ordonnée, il était urgent de continuer le ser-
vice des pensions pour les artistes déjà titulaires,
afin de ne point priver de leur concours notre Aca-
démie nationale de musique, alin aussi de les faire
bénéficier des avantages auxquels leurs très utiles
services leur donnaient droit.
Ces principaux motifs une fois indiqués, voici
quelles sont les dispositions du décret du 26 mars
1887, puis des décrets et arrêtés du 28 mars 1887,
du 1« septembre 1887, du 31 juillet 1888, du 20 dé-
cembre 1888, du 22 juin 1880, qui vinrent ensuite
le compléter :
Décret relatif à la liquidation de la Caisse de
Retraite instituée au profit des artistes et em-
ployés de l'Opéra.
« Le Président de la République Française,
« Vu le décret du 14 mai 18 j0 portant création
d'une Caisse spéciale de Pensions de Retraite pour
le théâtre national de l'Opéra;
« Vu le décret du 22 mars 1860, qui, en rendant à
l'entreprise privée la gestion de ce théâtre, n'a main-
tenu le régime des pensions qu'au profit des artistes,
employés et agents qui se trouvaient, à cette date,
tributaires de la Caisse ou à leurs ayants droit;
« Vu le décret du 15 octobre 1879, portant réta-
blissement du régime des pensions-,
« Sur le rapport du Ministre de l'Instruction publi-
que et des Beaux-Arts,
i< Décrète :
a Article premier. — Il sera procédé à la liquida-
tion de la Caisse de Retraite instituée au profit des
artistes et employés de l'Opéra.
« En conséquence, les dispositions des décrets du
14 mai 1850 et du 15 octobre 1879 cesseront d'être
appliquées aux artistes et employés admis à partir
du 1" avril prochain.
« Art. 2. — Les tributaires de la Caisse qui auront
interrompu leur service pendant plus d'une année,
pour tout autre motif que le service militaire ou
une maladie régulièrement constatée, seront consi-
dérés comme démissionnaires.
« S'ils sont de nouveau admis à l'Opéra, ils ne
pourront participer aux avantages de la Caisse des
Retraites.
« Art. 3. — Ceux des employés et agents apparte-
nant actuellement aux services de l'administration,
de la scène, du contrôle, des bâtiments, des décora-
tions, des costumes et de la figuration, qui ont été
assujettis au payement de la retenue de 5 p. lot», er,
vertu du décret du 15 octobre 1879, pourront, dans
un délai de six mois à dater de ce jour, réclamer le
remboursement des versements effectués par eux.
« Il sera bonifié sur le montant des retenues an-
nuelles un intérêt simple de 4 0/0, calculé à la date
du remboursement.
« Les dispositions des deux paragraphes précédents
pourront être étendues aux tributaires des autres
services de l'Opéra par un arrêté ministériel rendu
dans le cours de la présente année. Le délai de six
mois courra de la date de cet arrêté.
« Art; 4. — Il ne sera plus accordé de pensions de
réforme, dans les conditions prévues â l'article 17
du décret du 14 mai 1856, aux tributaires des services
de l'administration, de la scène, du contrôle, des
bâtiments, des décorations, des costumes et de la
liguration admis depuis 1879.
« Ceux qui justifieront être dans les conditions
prévues audit article pourront, après avis conforme
de la commission, dont il sera parlé à l'article sui-
vant, obtenir le remboursement de leurs retenues
avec intérêts simples de i 0 0.
« Les mêmes mesures seront appliquées aux ar-
tistes du chant, des chœurs, de la danse, du ballet
et de l'orchestre, si un arrêté ministériel, rendu en
conformité de l'article précédent, autorise le rem-
boursement des retenues aux tributaires de ces
différents services.
« Art. 5. — La liquidation sera opérée par les soins
d'une commission composée de la manière suivante :
« Un conseiller d'Etat, président;
« Deux représentants de l'administration des Fi-
nances;
« Deux représentants de l'administration des Beaux-
Arts;
« Un représentant de la Caisse des Dépôts et Con-
signations;
« Le directeur de l'Opéra;
« Deux artistes ou employés de l'Opéra, tributai-
res de la Caisse des Retraites, dont un au moins
admis depuis 1879.
« Les membres de la commission seront nommés
par un décret, sur la proposition du Ministre de
l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
« La commission élira son vice-président.
« Le secrétaire et le secrétaire adjointseront nom-
més par arrêté ministériel.
« Art. 6. — La commission déterminera annuelle-
ment, d'après les ressources de la Caisse, le chiffre
que l'ensemble des liquidations ne pourra pas dé-
passer pendant l'année; elle statuera sur les achats,
ventes ou conversions de valeurs; elle donnera son
avis sur toutes les autres questions intéressant la
Caisse.
« Art. '. — Les fonds de la Caisse pourront être
placés soit en rentes sur l'Etat, soit en obligations
de chemins de fer français, de la Ville de Paris, ou
du Crédit foncier de France.
« Les titres resteront déposés à la Caisse des Dépôts
et Consignations, qui demeure chargée de la gestion
de la Caisse.
« Art. 8. — Les dispositions de détail relatives au
remboursement des retenues seront réglées par déci-
sion ministérielle.
« Art. 9. — Sont abrogées les dispositions des dé-
crets du 14 mai 1856, du 22 mars 1806, du iS octobre
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3811
■1879, contraires aux prescriptions du présent décret.
« Art. 10. — Le Ministre de l'Instruction publique
et des |Beaux-Arts est chargé de l'exécution du pré-
sent décret qui sera publié au Journal officiel et
inséré au Bulletin des Lois.
« Fait à Paris, le 26 mars 1887.
n Signé : Jules Grévy.
ii Par le Président de la KépubHque :
ii Le ilinislre tic l'Instruction publique el des Beaux-Arts,
« Signé : Berthelol. >>
Arrêté relatif à l'exécution du décret
du 26 mars 1887.
« Le Ministre de l'Instruction publique, des Cultes
et des Beaux-Arts,
« Vu l'arrêté en date du 17 novembre 1886 ayant
constitué une commission d'examen et de réforme de
laCaissedelietraitedutliéàtrenationaldel'Opéracréée
par les décrets des 14 mai 1856 et 13 octobre 1879;
« Vu le décret du 26 mars 1887 réglant le mode
de liquidation de la Caisse de retraite de ce tbéàtre,
« Arrête :
« Article premier. — Les dispositions des décrets
des 14 mai 1856 et la octobre 1879 cesseront d'être
appliquées aux arlistes, employés et agents admis au
théâtre national de l'Opéra à partir du 1er avril i*S7.
« En conséquence, les traitements de ces agents
ne seront pas soumis à une retenue de 5 p. 100 au
profit de la Caisse de Retraite de ce théâtre.
« Art. 2. — Sont admis à Ja faveur de l'option
entre la continuation de leurs versements à la Caisse
de Retraite au théâtre national de l'Opéra, modifiée
par les décrets des 26 mars et 7 avril 18871, et le
remboursement de leurs retenues avec intérêt de
4 0/0 l'an, ceux des tributaires admis en vertu du
décret du 15 octobre 1879 appartenant aux services
suivants :
Administration; Costumes; Scène.
Bâtiments; Décoration;
Contrôle,- Figuration;
« Art. 3. — Le délai d'option pour ces tributaires
est de six mois, à partir du 1er avril 1887. L'intérêt
pour les retenues de chaque année sera compté de-
puis le 1er janvier de l'année suivante jusqu'au
30 septembre 1887.
« Les tributaires qui auront fait connaître leur
renonciation à la Caisse avant le 1er septembre pro-
chain recevront les sommes qui leur sont dues dans
la première quinzaine d'octobre 1887. Ceux des tri-
butaires qui auront opté pour le remboursement
dans le courant de septembre seront remboursés
dans la première quinzaine de novembre 1887.
« Art. 4. — Tout tributaire appartenant aux ser-
vices désignés dans l'article 2, et qui n'aura pas
réclamé dans le délai de six mois le remboursement,
sera tenu de continuer ses versements de S p. 100 a
la Caisse de Retraite.
ci La demande de remboursement ne peut être
admise qu'autant qu'elle a été produite par un tri-
butaire actuellement en fonctions à la date de sa
demande.
« Art. a. — Le directeur des Beaux-Arts et le chef
du service du bureau des théâtres sont chargés de
l'exécution du présent arrêté.
i< Pans, le 2S mars 1887.
« Sii/tté : E. Spolier. »
t. Le décret du 7 avril 1SS7 pourvoit a la nomination des membres
rie la commission de liquidation i ostïtuêe confoi mentent à l'article 5 du
décret du 26 mars ISS".
Arrêté complétant les dispositions
de l'arrêté précédent.
« Le Ministre de l'Instruction publique, des Cultes
et des Beaux-Arts,
« Vu l'arrêté en date du 17 novembre 1886 ayant
constitue une commission d'examen et de réforme
de la Caisse de Retraite du théâtre national de l'Opéra
créée par les décrets des 14 mai 1856 et 15 octobre 1879 •
« Vu le décret du 26 mars 1887 réglant le mode
de liquidation de la Caisse de Retraite de ce théâtre,
« Arrête :
'Article premier. - Sont admis à la faveur de
option entre la continuation de leurs versements à
la Caisse de Retraite du théâtre national de l'Opéra
modiuee par les décrets des 26 mars et 7 avril 1887
et le remboursement de leurs retenues avec intérêt
de * 0/0 I an, ceux des tributaires admis en vertu du
décret du 15 octobre 1879 appartenant aux services
suivants :
Chant; Danse; Orchestre.
Chœurs; ballet;
« Art. 2. — Le délai d'option pour ces tributaires
est de six mois, à partir du l«r septembre 1887
L intérêt pour les retenues de chaque année sera
féTieMSsV" JanVi6r ^ lannée SUiVa"le JUSqU'à fi"
« Les tributaires qui auront fait connaître leur
renonciation â la Caisse avant le le.- février prochain
recevront les sommes qui leur sont dues dans la pre-
mière quinzaine de mars 1888. Ceux des tributaires
qui auront reclamé le remboursement dans le cou-
rant de février seront remboursés dans la première
quinzaine d'avril 1888.
. " Art\ ?' ~ Tout tributaire appartenant aux ser-
vices désignes dans l'article 1", et qui n'aura pas
reclamé le remboursement dans le délai de six mois
sera tenu de continuer ses versements de a p. 100 à
la Caisse de Retraite.
« La demande de remboursement ne peut être ad-
mise qu autant qu'elle a été produite par un tributaire
en activité de service à la date de sa demande
Art. 4. — Le directeur des Beaux-Arts et le chef
du service du bureau des théâtres sont chargés de
1 exécution du présent arrêté.
« Paris, le 1" septembre 1887.
« Signé : E. Spuller. .1
Décret concernant les mineurs tributaires
de la Caisse de Retraite.
i< Le Président de la République Française,
« Sur le rapport du Ministre de l'Instruction pu-
blique et des Beaux-Arts;
« Vu le décret du 26 mars 1887 relatif à la liqui-
dation de la Caissejde Retraite instituée au profit des
artistes el employés de l'Opéra;
« Vu l'avis de la commission de liquidation, en date
du 9 juillet 1888,
« Décrète :
« Artick premier. - Les artistes de l'Opéra qui ont
déclare, dans les délais fixés par le décret susvisé,
renoncer au bénéfice de la Caisse de Retraite et dont
la déclaration n'a pu être reconnue valable en raison
de leur âge, pourront, dans les trois mois qui sui-
vront leur majorité, s'ils appartiennent encore à
cette époque au personnel de l'Opéra, renouveler leur
option et recevoir le remboursement des retenues
versées par eux avec bonification des intérêts simples
à 4 0/0 calculés jusqu'à la date du remboursement.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
« Art. 2. — Le Ministre de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts est chargé de l'exécution du pré-
sent décret, qui sera inséré au Journal officiel et publié
au Bulletin des Lois.
,< Fait à Paris, le 31 juillet 1888. „ signé . Carnot_
.i Piir le préaident de la République :
t.e Ministre de l'Instruction publique et îles Beaux-Arts.
Signe : Ed. Lockroy. »
Décret modifiant l'article 5, § 7, du décret
du 25 mars 1887.
« Le Président de la République Française,
» Sur le rapport du Ministre de l'Instruction pu-
blique et des Beaux-Arts,
.i Vu l'article 5 du décret du 26 mars 1887;
» Vu la lettre, en date du 7 décembre 1888, de
M. le Conseiller d'Etat, président de la commission
de liquidation de la Caisse de Retraite du théâtre
national de l'Opéra;
« Décrète :
h Article premier. — Le paragraphe 7 de l'article ;i
du décret du 26 mars 1887 ainsi conçu :
« Deux artistes ou employés de l'Opéra, tributaires
de la Caisse des Retraites, dont un au moins admis de-
puis IS79, » est et demeure ainsi modifié :
(( Deux artistes ou employés de l'Opéra, tributaires
ou pensionnés de la Caisse des Retraites, dont un au
moins admis depuis 1879.
« Art. 2. — Le Ministre de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts est chargé de l'exécution du pré-
sent décret.
« Fait ;i Paris, le 20 décembre 1S88. (| S/(/H(. . Carnot_
« Par le Président de la République :
h Le Ministre île l'iiislriictinn publique et i/o Ileuu.l-Arh,
Signé : E. Lockroy. »
Décret complétant l'article 6 du décret
du 14 mai 1856.
u Le Président de la République Française,
n Sur le rapport du Ministre de l'Instruction pu-
blique et des Beaux-Arls,
o Vu l'article 6 du décret du 14 mai 18:i6 instituant
une Caisse spéciale de Pensions de Retraite pour le
personnel du théâtre de l'Opéra;
« Vu le décret du 26 mars 1887, relatif à la liquida-
tion de ladite Caisse de Retraite;
« Considérant que, par suite de la mise en liqui-
dation de la Caisse des Retraites de l'Opéra, il n'est
plus possible de faire supporter par le budget des
Beaux-Arts les frais d'impression nécessités pour le
service de cette Caisse;
« Décrète :
« Article premier. — L'arlicle 6du décrel du 14 mai
1856 est complété par la disposition suivante :
« Toutefois, les dépenses d'impression nécessitées
pour le service de la Caisse des Retraites (Brevets de
pension, Rapports de la commission de liquidation,
etc.) seront payées sur les ressources de la Caisse.
« Les états de dépenses seront arrêtés par la com-
mission de liquidation.
« Art. 2. — Le Ministre de l'Instruction publique
et des Beaux-Arts est chargé de l'exécution du pré-
sent décret, qui sera inséré au Bulletin des Lois.
•• Fait à Paris, le 82 juin 1889. « Sig»è : Cwnot.
« Parle président de la République :
« Le Ministre ie l'Instruction publique et des Beaux-Arts,
« Signé : A. Fallières. «
Nous croyons devoir maintenant rapporter un cer-
tain nombre de décisions émanant de la commission
de liquidation de la Caisse des Retraites1, qui présen-
tent une importance considérable et font jurispru-
dence à l'égard des intéressés :
Amendes et retenues disciplinaires
de traitement.
« L'Administration de l'Opéra devra produire
chaque mois devant la commission un étal spécial
des retenues disciplinaires infligées au personnel
de l'Opéra, lequel état sera signé par chaque artiste
ou employé auquel une amende aura été infligée. »
[Séance du 7 mars 1888.)
« Toutes les amendes et retenues disciplinaires
de traitement infligées au personnel de l'Opéra doi-
vent être versées à la Caisse des Retraites.
« Ne sont pas comprises parmi les retenues disci-
plinaires, les retenues de cachets pour représenta-
tions manquées. » (Séance du 18 mai 1888.)
Choristes remplaçants.
« Les choristes remplaçants entrés à l'Opéra anté-
rieurement à la liquidation de la Caisse des Retraites
ne subissant pas la retenue de j p. 100 sur leur trai-
tement ne peuvent, bien que pourvus d'engagements
avec l'administration de l'Opéra, être considérés
comme tributaires de cette Caisse. » (Séances des
9 juillet 1888 et 7 décembre ISS9.)
Pensions.
ii Aucune demande de pension ne pourra être sou-
mise à la commission sans être accompagnée d'un
dossier régulièrement établi et comprenant :
« L'acte de naissance de l'intéressé ;
o Les certilicals nécessaires délivrés soit par le
chef de service compétent, soit par un médecin as-
sermenté de l'Opéra;
« Un état signé par le tributaire, contenant l'énu-
mération de tous les services qu'il juge propres à lui
constituer un droit à pension. » {Séance du!) mai 1887.
« Le directeur de l'Opéra devra présenter à la
commission, avant le 1er octobre de chaque année,
ses propositions de pensions pour l'année suivante. »
[Séance du 19 janvier 1888.
ii La commission fixera, avant le 30 juin de chaque
année, le crédit à ouvrir pour l'inscription des pen-
sions de l'année suivante. » (Séance du I9janv. 1S88.)
n Si le total des pensions d'ancienneté concédées
pendant l'année n'atteint pas le cbilfre du crédit ins-
crit pour cet exercice, le reliquat ne peut s'ajouterait
crédit de l'année suivante. » (Séancedu 10 mars 1890.'
Provisions d'arrérages de pensions.
« Des provisions d'arrérages de pensions pourront
être accordées aux artistes et employés en instance
pour obtenir la liquidation de leur retraite.
« En procédant à l'examen des dossiers de pen-
sions, la commission décidera s'il y a lieu d'autoriser
le payement des arrérages par provision.
« Seront applicables aux provisions d'arrérages
les articles 30 § 2, 33, 34, 35 et 36 du décret du 1 i mai
1856.
« L'état des provisions à servir pour chaque (ri-
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3813
mestresera soumis à l'approbation de la commission,
qui pourra, sans avoir à. justifier de ses motifs, sus-
pendra le payement d'une provision.
« Les mandats individuels de provision seront or-
donnancés par le Ministre des Beaux-Arts ou par
son délégué.
« Sur les formules de mandats sera libellée une
clause par laquelle le tributaire donnera à l'admi-
nistration de la Caisse des Dépôts et Consignations
quittance subrogalive des trimestres d'arrérages
touchés par provision et s'engagera, en outre, à in-
demniser la Caisse dans le double cas où la pension
serait rejetée par le Conseil d'Etat et où il viendrait
à reprendre du service.
« Le remboursement des sommes indûment avan-
cées par la Caisse sera poursuivi par toutes les voies
de droit. » {Délibération de la commission du 1 mai
18S8, approuvée par lettre du Ministre de l'Instruc-
tion publique et des Beaux-Arts du 31 mai 188S.)
« La provision ne sera accordée qu'après enquête
sur la situation de fortune du demandeur et s'il est
démontré qu'il en a réellement besoin. » (Séance du
20 décembre 1888.)
« Le Président de la commission peut, sans réunir
la commission, accorder des provisions aux ayants
droit à une pension de réversion qui en feront la
demande. » (Séance du 1 décembre IS89.)
« La quotité de la provision à accorder est des deux
tiers de la pension, payables à termes mensuels
échus. » (Séance dul décembre 1889.)
Remboursements de retenues.
« Les artistes du sexe féminin qui seront admises
au remboursement des retenues versées par elles à
la Caisse des Uetraites devront, préalablement à la
mise en possession des sommes qui leur sont dues,
déclarer par écrit qu'elles ne sont pas en puissance
de mari. » (Séance du 7 mars 1888.)
« La déclaration de non-mariage prescrite ci-des-
sus sera faite à la direction des beaux-arts (Bureau
des Théâtres), préalablement à la remise des mandats
aux intéressées, au lieu d'être faite à la Caisse des
Dépôts et Consignations avant le payement de ces
mandats. » [Séance du 9 mars IS8S.)
« Les artistes mineurs qui ont opté pour le rem-
boursement des retenues prélevées sur leur traite-
ment et qui n'ont pu produire les pièces nécessaires
à la validation de leur option seront réinscrits sur
la liste des tributaires de la Caisse des Retraites, avec
i appel des retenues rétroactives dues par eux depuis
leur renonciation au bénéfice de cette Caisse. » (Séance
du 9 juillet 1888. Avis D»« Robin, Ricotti, elc.)
« Ces mêmes artistes pourront obtenir le rembour-
sement de leurs retenues s'ils renouvellent leur option
dans les trois mois qui suivront leur majorité. »
(Décret du 31 juillet IS88.)
« Cette disposition n'est pas applicable aux artistes
qui ne feraient plus partie du personnel de l'Opéra
à l'époque de leur majorité. » (Séancedu 18 mai 1S89.)
« Les nouveaux comptes de remboursement aux
artistes réinscrits sur la liste des tributaires, qui
renouvelleront leur demande d'option dans les trois
mois de leur majorité, devront être soumis à l'exa-
men de la commission de liquidation. » (Séance du
29 juin 1889.)
L OPÉRA-COMIQUE
Nous avons laissé l'Opéra-Comique en 1702, à
l'époque de sa réunion avec la Comédie-Italienne,
après avoir étudié l'origine de l'un et de l'autre de
ces théâtres. Nous avons vu les succès de Dauvehgne,
de Favart, de Monsigny et de Philidor, et les succès
des Comédiens-Ilaliens, qui, organisés comme la
Comédie-Française, avaient su donner à leur théâtre
uu caractère officiel. L'Opéra-Comique, né sur les
foires, dans des baraques de bois, avait conserve,
même sous la direction de Monnet, un caractère
provisoire.
Les représentations avaient continué, malgré le
succès à la foire Saint-Laurent, au boulevard du
Nord et à la foire Saint-tiermain; il fallut attendre
la réunion avec la Comédie-Italienne pour trouver
un local fhe qui ne fût pas soumis aux change-
ments continuels et aux relâches forcées.
C'est sous le nom de Comédie-Italienne qu'il
s'installa à l'Hôtel de Bourgogne en 1762, sans cesser
d'ailleurs d'être tributaire de l'Opéra, comme les
forains l'avaient été, et il dut, le 29 janvier 1766,
signer avec l'Académie de musique un traité par
lequel il s'engageait à payer une redevance de
30 000 livres pendant o ans, et de 40 000 livres pen-
dant les 13 années suivantes. En 1779, ce traité fut
prorogé pour 30 ans.
Le théâtre composé de l'Opéra-Comique, d'une
part, et de la Comédie-Italienne d'autre part, qui
dans cette première réunion avait conservé la per-
sonnalité de chacune des troupes, fut régi par une
Société formée entre les artistes. Carlin, Dehesse,
Iîociiard, Caillot, M'"' Favart, Pkxinelli, Villettf,
représentaient l'ancien Théâtre-Italien ; cinq artistes
seulement appartenant à l'Opéra-Comique, étaient
entrés dans l'association, Clairval, Laruette, Ol-
dinot, Mlles N'EssELet Deschami-s ; puis vinrent Trial,
Chenard, Nainvid.e, Narronne, M""s Laruette, Trial,
Desglands et Dugazon.
La première représentation eut lieu le 3 février
1762, avec un à-propos intitulé : la Nouvelle Troupe,
et deux pièces déjà connues, Biaise le Savetier, de
Sedaine et Philidor, qui avait eu un brillant succès
à la foire Saint-Laurent le 9 mars 1759, et On nes'avise
jamais de tout, de Sedaine et Monsigny. Ce dernier
auteur avait été, par son succès même, une des
causes qui avaient excité la jalousie de la Comédie-
Italienne contre le Théâtre de la Foire, et qui
avaient déterminé la réunion des deux genres. A
celte époque encore, on s'occupait plus du livret que
de la musique, et l'on considérait l'Opéra-Comique
plutôt comme un théâtre de vaudevilles que comme
un théâtre lyrique. L'orchestre n'avait pas été mo-
difié, et cependant, on commençait déjà à se soucier
davantage de donner une valeur spéciale à l'expres-
sion scénique de la musique; les pièces italiennes et
les comédies à ariettes qui avaient peu à peu pris
le pas sur le vaudeville proprement dit, né à la
Comédie-Italienne, c'est-à-dire sur la comédie avec
couplets, se trouvaient modifiées par les ensembles
et les chœurs qui se mêlaient à la pièce, au lieu
de n'être qu'un divertissement et un accessoire.
Pendant quinze ans, Monsigny triompha à l'Opéra-
Comique; il donna : le Roi et le Fermier, le 22 no-
::sr
Excrci.ori-niE pe la musique et DicTiONNAmE hn (:<>.vsei<vat<)(he
vembre 1762; R^se et Colas, le S mars 1764; Mine,
reine de Golconde, 15 avril 1766; le Déserteur, 6 mars
[769; Félix ou l'enfant trouvé, le 24 novembre 1777,
et encore l'Ile sonnante, le Faucon, la Belle Arsène,
le Rendez-vous bien employé. Depuis 1777, Monsigny
cessa d'écrire; il semblait que sa sensibitilé fût
t'puisée, et en 1800 il remplaça Pkccni comme ins-
pecteur de l'enseignement, au Conservatoire.
Duni, compositeur napolitain, avait déjà donné
Nina et Lindor, à la foire en 1758, ainsi que la Fille
mal gardée, et /7/e des fous; après la réunion, il fil
représenter. le 21 juillet 1703, les Deux Chasseurs et
!o Laitière, sur un livre d'Anseaume, la Fée Urgèle.
en 176.r>; la Clochette, en 1766; les Moissonneurs, en
1768, et Thémite, en 1770.
Philidob lit représenter le Sorcier, le 2 janvier
1764, Tom Jones, le 27 févier 1765, et il n'abandonna
le théâtre que pour se livrer entièrement au jeu d'é-
checs sur lequel il avait écrit un ouvrase. Enfin, vint
r.RÉTRv qui devait éclipser tous ses prédécesseurs;
après avoir étudié le contrepoint en rtalieavec Casai. i.
il revint en France pour donner le Huron, le 20 août
1768, sur des paroles de Marmontel. A cet ouvrage
succédèrent Lucile, le 5 janvier 1769, le Tableau par-
lant, 1769, les Deux Avares, 1770, '/.rotin' et Azor, en
1771, /c Magnifique, le 4 mars 1773, et la Fausse
Mojie. le l" février 177:;.
Toutes ces œuvres contribuèrent à modifier la
destinée du théâtre de l'Opéra-Comique. On avait
prévu et répété que la Comédie-Italienne, plus apte
aux formes musicales, jouissant d'un passé qui
remontait jusqu'au grand Roi, et qui venait de
triompher avec les Bouffons, et les danseurs, absor-
berait l'Opéra-Comique. 11 n'en fut rien, et, grâce
aux productions incessantes des musiciens en vogue
que nous venons de citer, ce fut l'Opéra-Comique
qui l'emporta.
La musique eut une part de plus en plus grande,
dans ce théâtre, depuis 1769, les comédiens disparu-
rent de la scène pour faire place à une troupe de
chanteurs, alors qu'autrefois ceux-ci constituaient
l'exception, et le 31 mars 1780, des lettres patentes
substituèrent, comme titre du théâtre, l'Opéra-Comi-
que à celui de Comédie-Italienne; néanmoins, l'ha-
bitude fut plus forte que les décisions officielles et
l'usage persista de désigner le théâtre sous son
ancienne dénomination.
A la même époque, l'Hôtel de Bourgogne tombait
en ruines, et la Comédie-Italienne fit bâtir une nou-
velle salle plus grande et mieux aménagée sur les
terrains de l'Hôtel de Choiseul, où on l'a reconstruite
aujourd'hui. Les artisles, qui témoignaient d'un cer.
tain mépris pour leur origine foraine, ne voulurent
pas que l'entrée de leur théâtre s'ouvrît sur le bou-
levard, comme l'étaient autrefois les baraques du
Faubourg. Ils préférèrent tourner le dos au boule-
vard qui avait été l'origine de leur fortune. Le mo-
nument fut construit par Heurtier, entre la rue
Favart et la rue Marivaux, d'où le nom du théâtre,
qui fut appelé Théâtre de la rue Favart jusqu'en
1794, où il prit le titre de Théâtre de l'Opéra-Comi-
que National.
L'orchestre de cette nouvelle salle plus spacieuse,
put être composé de seize violons, deux altos, six vio-
loncelles, deux contrebasses, trois flûtes, un haut,
bois, deux bassons et deux cors.
De l'ancienne troupe, il restait Clairval, Thoius-
mn, Triai., Lauttette, Favart, Narronnf., CnF.NARn et
Mme Dugazon. On engagea de plus Michu, Solier,
lUnsoNMLLE, Philippe, Dufres.noy, Minier, Mmos Des-
forges, Gonthier, Desiirosses. Ayant abandonné l'Hô-
tel de Bourgogne, le 4 avril, ces artistes inaugurè-
rent la nouvelle salle, le 28 avril 1783, et eurent la
chance de monter en 1784 deux pièces de Grétrv,
qui réussirent : l'Epreuve villageoise, et Richard Gasur
de lion.
L'Opéra-Comique était alors régi par un règle-
ment établi par les gentilshommes de la chambre
en 1774, qui déterminait les rapports de l'associa-
tion avec les auteurs. Lorsqu'une pièce avait été
reçue à correction, l'auteur pouvait exiger une se-
conde lecture à la suite des remaniements effectués.
Si la pièce avait été reçue à titre définitif, les comé-
diens ne pouvaient refuser de la jouer, ni en retar-
der les représentations, à moins de causes graves,
dont l'appréciation appartenait aux gentilshommes.
Chaque pièce devait être jouée à son rang de récep-
tion, et elle ne pouvait être interrompue tant que le
succès durait; les auteurs fixaient la distribution
des rôles, ils avaient droit à un neuvième de la re-
cette, pour les pièces en :> actes; le droit d'auteur
était d'un douzième pour les pièces en 2 actes et
d'un dix-huitième pour celles en 1 acte. Aucun droit
n'était perçu si la recette était inférieure à 1 700 livres
en été et mille livres en hiver.
Au décès des auteurs, la perception des droits ces-
sait, sauf lorsque la pièce n'avait pas encore atteint
la cinquantième représentation.
Les pouvoirs publics, qui avaient si longtemps pro-
tégé jalousement le monopole des théâtres, com-
mençaient à devenir plus tolérants, et adaptaient le
principe du privilège aux circonstances avec une
aménité d'autant plus grande que les Parisiens se
rendaient en foule sur les petites scènes du boule-
vard du Temple, et exigeaient des spectacles.
Non seulement les forains, avec Nicolet et Audinot,
montaient de petites scènes, ainsi que nous l'avons
vu plus haut, mais l'Ambigu-Comique et les Variélés
Amusantes obtenaient de l'Opéra des cessions de
privilège pour les représentations musicales. Un
coifîeur de la reine Marie-Antoinette, Léonard
Autié, obtint un nouveau privilège d'opéra italien.
II s'associa avec le violoniste Viorri, qui confia la
partie musicale à Cherdbini, et organisa une troupe
remarquable. Fort du patronage du comte de Pro-
vence, Léonard Autié installa aux Tuileries le théâ-
tre de Monsieur, qu'il n'abandonna qu'en 1791. pour
la salle Feydeau, dont 1p théâtre prit le nom.
A la salle des Tuileries, le nouveau théâtre, qui
devait exploiter l'opéra-comique français, le vau-
deville, la comédie et l'opéra-italien, abandonna
vite ces trois derniers genres, pour concurrencer le
théâtre de la rue Favarl, allant même jusqu'à faire
composer une nouvelle musique sur les mêmes
livrets.
Cependant, le succès de Favart se maintenait par
la tradition de ses ouvrages légers; il montait les
lirouillerics de BERTON.en 1790, Camille de Dalavra...
en 1791, Cécile et Julien de Triai., en 1792, Ambroise
on Voilà ma journée de Dalavrac, en 1793, Melnlo, ri
Phrosine de Méhul, en 1794, la Famille aoo'ricaine de
Dalavrac, en 1796, Lisbeth de «Jrétry, en 1797, Mon-
tano et Stéphanie de Berton, en 1799.
Aiusi, toute la Révolution se. passe sans que l'O-
péra-Comique ait abandonné son genre; et s'il *
souffert comme les autres théâtres de la tourmente
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3»1(
révolutionnaire, il parait néanmoins avoir conservé
pendant tout ce temps son activité.
Constatons simplement, que la loi des 13-10 janvier
1791, qui avait permis à tout citoyen d'élever un
théâtre et d'y faire représenter les pièces de tous
genres sur une simple déclaration faite à la muni-
cipalité, établit le système de la concurrence dont
la faiblesse royale n'avait pas su protéger l'Opéra-
Comique; le théâtre de Monsieur, transféré à la rue
Feydeau, put sans danger ni contrôle suivre la même
voie que la Comédie-Jtalienne et donner des opéras-
comiques qui, plus sérieux et plus hardis que ceux
de la Comédie-Italienne, se rapprochaient déjà de
l'Opéra. On donne ainsi à la salle Feydeau Lodoïska
deCHERUBiNi.en 1701 , Stratonice de Méiux. en 1798, la
Caverne de Lesueur, en 1703, Télémaque du même
auteur, en 1706, Uédée de Cherubini, en 1797 et Ario-
ilant île MÉHULen 1799.
En 1800, Cherubini donnait encore les Deua Jour-
nées, et en 1801 Boïeldieu faisait représenter le
Calife de Bagdad.
La concurrence de deux théâtres jouissant d'un
égal succès, qui avait entraîné en 1762 la réunion de
la Comédie-Italienne à l'Opéra-Comique, produisit
en 1801 le même effet. Les deux théâtres se réunis-
sent le 27 juillet 1801, et constituent ensemble une
société sous le nom d'Opéra-Comique.
Les associés sont Martin, Elleviou, Chenard, Ga-
VAUDAN, SOLIÉ, DAUZINVILLE, PHILIPPE, SAINT- A 1 l'.IN ,
Caveaux, Mmcs Dugazon, Cavaudan, Scio, Caveaux,
Auvray, Desbrosses, Saint-Aubin.
L'ouverture se fait au théâtre Feydeau, le 16 sep-
tembre 1801, avec la Stratonice de Méhul, puis One
Faite du même auteur, le 4 avril 1802, et, après un
court passage à la salle Favart, l'Opéra-Comique se
fixe à Feydeau.
Le 13 janvier 1803, on donna Ma Tante Aurore de
Boïeldieu, et le 2 septembre 1803, Aline, ràne de
Golcondc de Berton. Mme Dugazon crée son dernier
rôle dans le Médecin turc, de Nicolo.
La liberté de la Révolution s'atténue déjà avec le
Consulat, au cours duquel l'Upéra-Comique retrouve
un privilège. En même temps, il est soumis lui-même
au contrôle d'un surintendant qui est M. Fontaine
de Cramayel, puis Auguste de Talleyrand.
Le 23 juillet 1804, le théâtre passe à la salle Fa-
vart, ou il représente, le 27 novembre, Milton de
Spontini. Avec l'Empire, on revient au système de
l'autorisation; un décret du 8 juin 1806 décide qu'au-
cun théâtre ne pourra s'ouvrir sans l'agrément spé-
cial de l'Empereur. L'Opéra-Comique devient un
théâtre officiel dont le répertoire est arrêté par le
Ministre de l'Intérieur, et « nul autre théâtre ne peut
représenter à Paris des pièces comprises dans les
répertoires de ces trois grands théâtres sans leur
autorisation et sans leur payer une rétribution qui
sera réglée de gré à gré et avec l'autorisation du
ministre » (article 4).
Par arrêté do 2b avril 1807, le Ministre de l'Inté-
rieur précisait le genre auquel chaque théâtre devait
désormais ae boruer. H portait que le théâtre de
l'Opéra-Comique, désormais théâtre de Sa Majesté
PEmpereur, serait spécialement destiné à la repré-
sentation de « toute pièce de comédies ou drames
mêlés de couplets, d'ariettes et de morceaux d'en-
semble », et que son répertoire serait composé de
toutes le» pièces jouées sur le théâtre de l'Opéra-
■Comique, avant et après sa réunion avec la Comédie-
Italienne, pourvu que le dialogue de ces pièces fù,
coupé par du chant.
L'Opéra-Butïa, considéré comme annexe, ne pou-
vait représenter que des pièces écrites en italien.
Théâtre officiel, l'Opéra-Comique abandonna l;i
pompe des spectacles révolutionnaires et les allé-
gories mythologiques pour revenir à une simplicité
qui avait fait ses succès au xvme siècle.
Ce sont d'ailleurs les œuvres de Grétry, de Mon-
signy, de Philidor et de Duni qui constituèrent les
reprises les plus fructueuses.
Un nouveau compositeur, Nicolo, qui avait fait
jouer le Tonnelier en 1790, donna les Rendez-roi^
bourgeois, le 9 mai 1807, en même temps que Méhi i
faisait représenter Joseph; puis, Nicolo apporta Cen-
i/rillon, le 22 février 1810, le Billet de Loterie en 181.1,
Joconde eu 1814, Jeannot et Colin dans la même an-
née. Mais à côté de Nicolo, grandit un concurrent
qui doit bientôt le dépasser, c'est Boïeldieu, qui
donna Jean de Paris, le 4 avril 1812, le Nouveau Sei-
gneur du village, le 29 juin isi:t, lu Fête du village
voisin, le ,ï mars 1816, le Petit Chu/, eron rouge,
30 juin 1818, et les Voitur - iwsees,le 29 avril 1820.
Pendant ses dernières années, Boïeldieu avait
protégé les débuts (I'IIéhold, en écrivant avec'lui
l'opéra Charles de France (1816). Le jeune composi-
teur profite de ces conseils pour faire une musique
nouvelle sur le* Truqueurs, qui avaient été le succès
de Dauvergni: en 1753.
Enfin, à la même époque, apparut Aurer, qui
débuta par le Séjour militaire, le 27 février 1813, le
Testament ou les Billets deux en 1819, et commence
une série ininterrompue de succès avec la Bergère
Châtelaine en 1820, et Léocadie en 1824.
L'Opéra-Comique, qui jusqu'alors avait constitué
une association se dirigeant elle-même, dut renoncer
à cette forme d'administration qui donnait des résul-
tats déplorables.
Parmi les sociétaires se trouvaient alors Martin,
POUCBARD, IlUET, DaZANCOURT, VlZENTINi; 1.EUON1ER,
Jlmes pRADHERi Rjgaut, ÛESBROSSES, BeLMONT, LEMON-
nier, Paul et Boulanger.
Surveillés, contrôlés et réprimandés par les gen-
tilshommes du roi, les comédiens ne purent suppor-
ter plus longtemps les charges du théâtre; et comme
leurs affaires périclitaient, ils s'en remirent au mi-
nistère qui nomma un directeur, le duc d'Aumont,
lequel ne dirigea pas lui-même, mais lit gérer le
théâtre par un auteur, Cuilbert de Pixérécourt, par
acte du 30 mars 1824. Les recettes montèrent aussi-
tôt, non seulement en raison d'une administration
plus serrée, mais aussi grâce à trois chefs-d'œuvre,
le Maçon d'AuBER, 3 mai 1823, la Dame blanche de
Boïeldieu, le 10 décembre 1825, que l'auteur s'était
laissé arracher non sans protestations , car il en
redoutait les représentations. L'année suivante, le
12 août, Hérold qui n'avait eu qu'un demi-succès
avec l'Auteur mort et vivant en 1820, et qui s'était vu
rendre justice avec le Muletier en 1823, l'Asthénie et
Vendôme en Espagne, donnait Marie, qui eut une
vogue durable.
Pendant ce temps, et malgré les recettes impor-
tantes du théâtre, les bénéfices étaient minces. Pixé-
récourt, convaincu d'avoir trop largement donné aux
personnes influentes qui pouvaient l'aider, ou aux
artistes qu'il désirait s'attacher, dut quitter la direc-
tion en 1827.
Le colonel Ducis lui succéda, mais, cette fois
encore, le directeur ne fut pas heureux dans son
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
administration; il se t routait eatre les mains de
Boursault, son banquier, qui exigeait des intérêts
considérables pour fournir des fonds minimes; cette
commandite déplorable conduisit Ducis à la faillite;
le théâtre Feydeau ferma le 12 avril 1829; et comme
la salle menaçait ruine, elle fut bientôt démolie.
Une nouvelle société se forma bientôt entre les
artistes de l'Opéra-Comique qui durent se trans-
porter au théâtre Venladour, que l'administration
leur avait donné, car ils n'avaient pu reprendre la
salle Favart qui était alors occupée par une troupe
italienne.
L'ouverture du nouvel Opéra-Comique eut lieu le
20 avril 1829, avec la Fiancée, d'AuBEB. Cependant,
la salle trop exiguë, mal placée, ne put entraîner le
public à s'y rendre, malgré les représentations de
Fra Diavolo d'AiriER, le 28 janvier 1830 et de Zampa
d'HÉROLD.
La révolution de juillet 1830 entraîna une ferme-
ture provisoire du théâtre, que Singier essaya d'ad-
ministrer et qu'il dut abandonner au mois d'août, en
raison des nombreuses réparations qu'il devait faire
pour aménager la salle.
Lubbert, qui le remplaça le 8 octobre 1831, n'eut
pas plus de succès; quant à son successeur Lau-
rent, qui avait pris la direction en janvier 1832, il
dut abandonner la direction eu raison du choléra qui
l'obligea à la fermeture.
C'est au Théâtre des Nouveautés, le futur Vaude-
ville, place de la Bourse, que les comédiens trouvè-
rent asile, après s'être reconstitués en société el
avoir pris comme gérant Paul Dutreich. Le 22 sep-
tembre 1832, on ouvrit avec le Maçon el les Voitures
versées, et il fallut attendre jusqu'au 15 décembre
pour avoir enfin un succès sérieux avec le Pré aux
Clercs. Deux ans plus tard, la fortune étant revenue,
la Société Dutreich fut dissoute el Crosnier prit la
direction du théâtre. La tâche du nouveau directeur
fut facilitée par les auteurs qui lui donnaient de
nombreuses pièces à succès. Citons : Lestocq, en
1834; le Chalet, d'ÂDAM, représenté le 25 septembre
1834; le Cheval de bronze, d'Aui'.ER, le 29 mars 1835;
l'Eclair, le 30 décembre 1835, le Postillon de Long-
jumeau, d'ADAM, le 13 octobre 183»'. ; l'Ambassadrice,
le 21 décembre 1830; le Domino noir, le 2 décembre
1837, tous deux d'AuBER ; le lirasseur de Preston, d'A-
DAM, le 31 octobre 1838.
Parmi les interprètes d'alors, il faut ciler : Ciial-
let, Roger, FérÊOl, M""" Casimir, Da.morkau, Pré-
vost et Lavoye. Les Italiens, qui occupaient la salle
Favart et qui venaient d'y faire représenter la Fille
du régiment, de Donizetti, furent chassés le 13 jan-
vier 1838 de leur salle par un incendie qui se déclara
à la fin d'une représentation de Don Giovanni. Cros-
nier réussit aussitôt à prendre possession de l'em-
placement et à faire reconstruire un théâtre plus
spacieux que celui des Nouveautés, dans lequel sa
troupe était à l'étroit. C'est par une représentation
du Pré aux Clercs qu'il inaugura la nouvelle salle, le
16 mai 1840. En cinq ans, il représenta six œuvres
d'AuBER : Zanetta, le 18 mai 1840; les Diamants de la
couronne, le 6 mars 1841 ; le Duc d'Olonne, le 4 février
1842; la Part du diable,\e 16 janvier 1843; laSirène.
le 26 mars 1844, et La Barcarolle, le 22 avril 1845.
Il céda alors son privilège à Basset, commandité
par le marquis de Raigecourt et le comte de Saint-
Maurice. Le nouveau directeur eut la chance de
monter les Mousquetaires de la reine, d'HALÉw, le
3 février 1846, et Ne touchez pa< n In Reine, de Bois-
selot, le 16 janvier 1847. Il donna aussi Haydée,
d'AuBER, le 28 décembre 1847, mais il manqua d'ar-
gent au moment où la révolution de 1848 causait un
désastre général dans les théâtres. Il dut être rem-
placé par Emile Perrin.que Ledru-Rollin avait arra-
ché à la peinture pour le mettre à la tête d'une
scène lyrique. Pendant la direction de Perrin, qui
dura neuf ans, l'Opéra-Comique compta de nom-
breux succès.
HALÉvvdonna/e Val d'Andorre, le 11 novembre 1848,
el Ambroise Thomas, qui avait .eu le prix de Rome en
1832 et qui avait déjà donné à l'Opéra-Comique la
Double Echelle en 1837, obtint tous les suffrages avec
le Caïd, bouffonnerie en deux actes, le 3 janvier 1849,
et le Songe d'une nuit d'été, le 20 avril 1850.
Après le Toréador, d'ADAM, le 18 mai 1849, et la
Fée aux roses, d'HALÉw, le 1er octobre de la même,
année, un compositeur né à Anvers en 1808, Albert
Grisar, se fit applaudir avec les Por citerons , le 12 jan-
vier 1850. Grisar avait élé connu par une romance,
la Folle, qui avait été chantée par tout Paris, puis il
avait donné le Mariage impossible, k Bruxelles en
1833, et, revenu à Paris, il avait paru se cantonner
dans la chanson. Ses succès à la Renaissance avec
Lady Mervil et les Travestissements l'avaient conduit
nécessairement vers l'Opéra-Comique, dont il forçait
les portes. A la même époque, Perrin donnait Giralda.
d'ADAM, le 20 juillet 1850, la Chanteuse voilée, de
Victor Massé, élève d'HALÉw, le 26 novembre 1850,
sur un livret de Scribe. La pièce eut un grand suc-
cès; elle était chantée par M110 Lefervre, MM. Audran
el Bi'ssine.
Grisar donnait encore, le 15 février 1851, Bonsoir
monsieur Pantalon, puis vinrent (ialatée, de Victor
Massé, le 14 avril 1 852 ; les Noces de Jeannette, de Victor
Massé, le 4 février 1853; l'Etoile du Nord, de Meyer-
beer le 16 février 1854; le Chien du jardinier, de Gri-
sar, le 15 mars 1855; les Saisons, de Victor Massé, le
22 décembre de la même année; Manon Lescaut,
d'AmiER, le 23 février 185G; Maitre Pathelin, de Bazin,
le 12 décembre 1856, el Psyché, d' Ambroise Thomas,
le 26 janvier 1857. Perrin avait engagé une troupe
remarquable : le ténor Roger, Audran, Joirdan et
Mocker, Hkrman, Léon, Sainte-Foy, Bataille. Bissine,
COUDERC, RlQUIER, I'ONCUARD, IaI/RE; Mmea l)ARCIER,
Révii.lv, Ugalde, Lemercieh, Miolan, LiïFEBVnK, Caro-
line Duprez, Vi ai 'iii'.imer et Marie Cauel.
En 1857, Nestor Roqueplan, qui venait de quitter
la direction de l'Opéra, prit celle de l'Opéra-Comique
et ne trouva à représenter en deux ans de direction
que le Pardon de Plorrmel, de Meverbeer, le 4 avril
1859. Son successeur Beaumont, qui garda la direc-
tion en 1860 et la conserva jusqu'au 26 janvier 1862,
dut se retirer ruiné par sa mauvaise exploitation.
On fit de nouveau appel à Emile Perrin, qui passa
à l'Opéra au mois de décembre de la même année,
après avoir monté Lalla Roukh, de Félicien David,
le 12 mai 1862.
De Leuven dirigea l'Opéra-Comique depuis le 20 dé-
cembre de cette année, jusqu'en 187», d'abord avec
Rilt comme associé, puis avec du Locle. Maillart fit
représenter, le 21 mars 1864, Lara, et Gevaert, le
Capitaine Henriot,
Citons les principaux opéras-comiques de cette
époque : le Voyage en Chine, de Bazin, représenté
le 9 décembre 1865; Mignon, d'Ambroise Thomas, le
17 novembre 1866; deux œuvres d'AuBE», le Premier
Jour de bonheur et Rêve d'amour, représenlé en 1868
et 1869; VOmbre, de Flotow, le 7 juillet 1870, et le
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3817
Kobold, d'Ernest Guiraud, .joué quinze jours après.
Après la guerre de 187(1, ie Théâtre-Lyrique ayant
brûlé, les compositeurs qui s'y faisaient jouer s'a-
dressèrent à l'Opéra -Comique. C'est ainsi que le
genre de l'opéra-comique devint plus grave et les
œuvres plus dramatiques.
Du Locle reprit en 1872 les Noces de Figaro et Ro-
méo et Juliette qui avaient élé données au Théâtre-
Lyrique, ainsi que les Dragons de Villars, reçut le
Passant, de Paladilhe; Djamileh, de Iîizkt; la Prin-
cesse jaune, de Saint-Sakns; Don César de Bazan, de
Massenet, pendant la >eule année 187:2. Et l'année
suivante, il montait le Roi l'a dit, de Léo Delibes, et
en 1874, le Florentin, de Lenepveu; le 3 mars 187.1,
Carmen, de Bizet, et le il avril 1876, Picciolino, de
CuiRAUD.
Le 30 septembre 1876, Du Locle cédait la direction
de l'Opéra-Comiqiie à Carvalho, qui avait épousé
Mme Miolan. Le nouveau directeur accusa plus net-
tement encore la tendance qu'on avait à abandon-
ner le véritable genre de l'opéra-comique, qui se
composai! encore de scènes parlées mêlées aux
chants, pour protéger les ouvrages qui se rappro-
chaient singulièrement de l'opéra.
Son premier acte fut d'appeler Charles Lamoureux
comme chef d'orchestre, et il monta Cinq-Mars, de
Gounod, le 3 avril 1877; Suzanne, de Paladilhe, le
.10 décembre 1878; Jean de Nivelle, de Léo Délires,
le 8 mars 1880; les Contes d'Hoffmann, d'OFFENBACH,
le 10 février 1881; Attendez-moi sous l'orme, de Vin-
cent d'Indy, le 18 juin de la même année; Lakmé,
de Léo Delibes, le 1 1 avril 1883; Manon, de Massenet,
le 19 janvier 1881; le Chevalier Jean, de Victorin
JoNciÈREs.le H mars 1883; Une Nuit de Cléopâtre, de
Victor Massé, le -25 avril 18811; Proserpine, de Saint-
Saëns, le 16 mars 1887, et le Roi malgré lui, de Cha-
rrier, le 18 mai 1887.
Une troupe, dont tous les noms sont aujourd'hui
célèbres, avait aidé au succès de l'Opéra-Comique.
Il faut citer : MM. Monï aubry, Achard, Capoul, Gail-
iiard, Crosti, Lheric, Thoy, Gourdin; Mmes Cico, Be-
lia, Girard, Galli-Marié, Marie-Boze; puis MM. Du-
chesne, Nicot, Ismaël Bouhy, Melchissédec, Fugêbe,
Talazac, Bouvet, Tasquin; Mmes Miolan-Carvalho,
Dalti, Chapuis, Ducasse, Brunet-Lafleur, Bilbaut-
Vauchelet, Isaac, Van /.andt, Heilbronn, Salla.
Au cours d'une représentation de Mignon, le
23 mai 1887, la salle Favarl brûla complètement,
et l'Opéra-Comique, dont Jules Barbier avait pris la
direction, occupa une salle place du Châtelet, au-
jourd'huiThéâtre Sarah-Bernhardt. C'est là que furent
représentés : le Roi d'Ys, de Lalo, en 1888; Esclar-
monde, de Massenet, en 1889; Mireille, de Gounod, en
1890, et la Basoche, de Messager, en 1891. Carvalho
reprit alors la direction du théâtre et fit représenter
le Rêve, de Bruneau; Caraliera-Rusticana, de Mas-
cagni; les Troyens,de Berlioz, en 1892; Phryné, île
Saint-Saëns; l'Attaque du moulin, de Bruneau; Wer-
ther, de Massenet, en 1893 ;Falstaff, de Verdi, en 1894;
la Vivandière, de Benjamin Godard, en 1895; Le
Vaisseau fantôme, de Wagner, et Sapho,de Massenet,
en 1897.
La salle de la rue Favarl reconstruite fut ouverte
par M. Albert Carré, qui avait pris la direction en
1908; il y donna Louise, de Charpentier, en 1900, avec
M"e Riatton; le Juif Polonais, d'ERLANGER, et Han-
sel et Gretel, d'HuMPERDiNCK, en 1900. En 1901, Grisë-
lidis, de Massenet, et l'Ouragan, de Bruneau, et en
1902, Pelléas et Mélisande, de Claude Debussy, avec
Mary Garden et Jean Périer. En 1903, la Tosca, de
PrcciNi.avec Beyle, Dufrane, Mlle Friche.
La troupe de l'Opéra-Comique comptait alors :
MM. Allard, Belhomme, Bertin, Beyle, Carbonne,
Cazeneuve, Clément, Cossira , Delvoye, Dufrane,
Dutilloy, Fugère, Gbesse.'Grivot, Huberdeau, Imbert,
Maréchal, Minvielle, Muratore, Jean Périer, Van
Dyck, Vieulle; MmB" Rose Caron, Marguerite Carré,
Cesbron, de Chaponne, Friche, Garcia, Mary Garden,
Grill, Huchet-Housselière, Marié de Lisle, Mostrat,
de Nuovina,Passama, Perny, Perret, Pierron, Jeanne
Raunay, Sauvaget, Tdiery, Tiphaine, Vauthrin, Char-
lotte Wyns.
M. Albert Carré, au cours de sa direction, monta
en 1904 le Jongleur de Notre-Dame, de Massenet, et
Alccste, de Gluck, avec MM. Beyle et Dufrane, et
Mme Litvinne. En 1903, la Cabrera, de Gabriel Du-
pont, et Chérubin, de Massenet. En 1906, Marie-Mag-
deleine, de Massenet; Madame Butterfly, de Puccini;
Aphrodite, d'ERLANGER. En 1907, Ariane et Barbe-
Bleue, de Dukas, avec Mmc Georgetle Leblanc,
MM. Vieulle et Azéma, et le Chemineau, de Xavier
Leroux, avec Jean Périer et M1" Friche. La même
année, il montait Iphigénie en Aulidc.de Gluck, avec
Mmes BrÉVAL et BrOLHI.
En 1908, le Clown, de J. de Camondo, avec MM. Fu-
gère, Solignac et Périer. En 1910, le Mariage de
Têlémaquc, de Cl. Terrasse; l'Heure espagnole, de Ra-
vel, et Bérénice, de Magnard, avec Mm" Mérentié. l'.n
1911, la Lépreuse, de Sylvio Lazzari, avec Mm's Mar-
guerite Carré, Dëlna et Brolhi, et la Sorcière, d'ER-
LANGER.
Le 1er janvier 1914, M. Albert Carré était nommé
directeur du Théâtre-Français, et il était remplacé à
la tête de l'Opéra-Comique, le 1"' janvier 1911, par
MM. Gheusi et les frères Isola. La nouvelle direction
lit jouer, le 2o février 1914, la Marchande d'allumet-
tes, de T. Richepin; le 13 mai, Marouf, de M. Rabaud.
Le 16 octobre 1918, M. Albert Carré s'associait
aux frères Isola et devint directeur honoraire en
octobre 1923; le théâtre a présentement pour direc-
teurs MM. Louis Masson et Georges Ricou.
LISTE DES PREMIÈRES REPRESENTATIONS
A L'OPÉRA-COMIQUE DE 1915 A 1920.
1915. Avril. — Scènes Anciennes, Massenet, adapt. un ballet-
pant., paroles Archimbaud, limier, Mariquita.
Mai. — Sur le front : La Française, Saint-Siens, épi-
sode patriotique, de Zamacoïs.
I91G. Janvier. — Le Tambour, scène, A. Brcneat, par. Saint-
Georges de Bouhélier.
Avril. — Lumière et papillons, I'ui.ei., ballet.
Juin. — Madame Sans-Gêne, Giordano, Simoni, adapt.
Milliet.
Décembre. — Les Quatre Journées, Bkuneai .
1917. Janvier. — Elvya, idylle mimée, Picheran, par Ricou et
Mariquita.
Novembre. — Béatrice, Messager, par. de Elers et Cail-
lavet.
I91S. Janvier. — Piua-Sin, Maréchal, par. Gallet.
Au beau jardin de Fraace, Fr. Casadesos, par Guillot de
Saix.
1919. Janvier. — Pénélope, Facrb, par. R. Fauchois.
Juin. — La Fille de Madame Annal, Lecocq.
Octobre. — Gismonda, Février, par. Cain et Payen.
1920. Janvier. — La Rôtisserie de la Heine Pédauqne, Levahk.
par. Docquois.
Mars. — Masques et lien/amasques, Faire, par. Fauchois.
Avril. — Le Sauleriot, i.azzari, par. Rocher et Ferrier.
Mai. — Lorenzaceio, Moret.
Juin. — Cosi fan lutte, Mozart.
Décembre. — Le Uni Candaule, Bruneau, par. M. Donnay.
1921. Février. — Forfaiture, Erlanger, par. Milliet et de Lorde.
Octobre. — Orphée (ténor), Gluck.
Camille, M. Delmas, par. Spart.
ENCrGLWÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
hr,,, ni, iv. — iiima routine de la cathédrale, Hue, par. Fer
rare.
Dame Libellule, Hok, Lemierre et Blavrï'a'trcbikd.
1922. Mai. — /.,■« Vum Corinthiennes, lirssEH, par. A. France.
Novembre. — Les Vas « las «Ultras, M. d'Omn, par.
Verlaine.
(.)««»,/ /„ cloche tonnera, Bachelet, d'Hanswick et de
Wattync.
Ciauni Sclucrlii. IV.nvi, par. Fnrsano.
Décembre. — Le Fetlin de l'araignée, A. Roi
Poti/phcme, <a,\*. par. Samain.
1923. Mars. — le Huila, Marcel Roùssead, par. Divoire.
juin. — Vatuicaa, Il mi., par. Fauchois.
Pépita Jimene:. Albusiz, adapt. Marliavo.
Novemln'i'. - Sainte Odile, Bertband, par. Lignereux.
La Griffe, Foubdbaiîi, par. Sartène.
Décembre. — La Brebis égarée, D. Milhaud, par. Fr.
lammes.
1924. Janvier. — La plus forte, Leroux, par. Richepin el
Cbanday.
Février. — Le Petit Elfe ferme l'œil, Tlokext Scbmitt,
bàWet.
Avril. — L' Ippel de la mer, Rabaud.
Mai. — tes Bavards, Offenbach.
Juin. — Fr» Angelico, Hillemacher, par. Vaucaire.
La Farci lilene, Aubert, par. Chennevièré.
1H25. Avril. — Qraziella, Mazellier, par. Gain et Gastambide.
Mai. — /,a Poème >lt unr, Chkyaii.licr, par. Normandin.
La Cm ne, lun /. ballet.
Novembre. — La Visseue d'orties, Doret, par. Morax.
Décembre. — Le t'.lollrc. Lew, par. Verhaeren.
1927. Février. — Le Poirier de Misère, Di i snnoy, par. l.imo/i,
ei la Tourxaase.
Sophie Amould, Pu km;, par. Nigond.
Mai. — Résurrection, Alfano.
Novembre. — /.,■ bon roi llaaobeii. M. Roi-sskac. par. A.
Rivoire.
Décembre. — l.e pauvre Matelot, D. Milhadd, par.
Cocteau.
Evolution, Li-Ni-VNT, ballet.
1928. Janvier. — Aiigelo, Brdneau, par. V. Bogo et Méré.
Mars. — L'Amour sorcier, Fali.a, ballet.
El Belablo de Maese Pedro, F au i, se. mimée.
Mai. — Simili le terrible, Hnnsonnr, par. Vignaud.
Octobre. — La Fiancée rendue, smetam, adapt. pai
Brunel.
Décembre. — Bninel a la houpe, Hue, par. Gaslainliide.
1929. Mars. — ].„ Femme et le Pantin, Zandonaï, pu \ aucaire,
Avril. — La l'eau de Chagrin, Levadb. par. Decounselle ''I
Carré.
Mai. — Pirana, Ai hemz, ballet-pant.
Sonatiua, de Halii-ter, ballet-pant.
Novembre. — Le Bai maigre lui. Chabriiîb, adapt. Carré.
La l'ie lorgne, Bossue, par. Benjamin.
LES SALLES DE L'OPERA
L'Académie royale de musique s'ouvre le 10 mars
1671, rue Mazarine, dans une salle dressée par les
soins de Perrin au Jeu de Paume de la Bouteille.
Lulli, après avoir dépossédé Perrin de la direction
de l'Académie de musique, fait élever une autre
salle sur l'emplacement du Jeu de Paume du Bel-
Air, rue de Vaugirard, où il reste jusqu'à la mort de
Molière (1673), date à laquelle il prend possession du
Palais-Royal.
Du 17 juin 167H au 6 avril 1763, l'Académie de
musique demeure dans cette belle salle spacieuse,
pouvant contenir 3 000 spectateurs; malheureuse-
ment, un incendie la chasse, le 6 avril 1763, et elle
trouve un refuge momentané aux Tuileries en 176V.
Cette nouvelle salle, construite par Soufflot avec
beaucoup de rapidité, mais saus grand succès, est
utilisée jusqu'à la réouverture du Palais-Koyal en
1770.
En juin 1781, un nouvel incendie détruit la salle,
reconstruite sur de nouveaux plans par Moreau, et
l'Opéra doit se contenter de la salle des Menus-Plai-
sirs jusqu'au 21 octobre de la même année.
A l'occasion de la naissance du Dauphin, on inau-
gure la salle de la Porte Saint-Martin. Le spectacle
étant gratuit, il y a une telle al'lluence que la salle,
construite trop rapidement, menace de s'écrouler.
L'Opéra est forcé de quitter la Porte Saint-Martin
et de s'installer au Théâtre National, me de Riche-
lieu, place Louvois. Sous le nom de théâtre des Arls,
il y commence ses premières représentations le
7 août 1794.
Le 13 février 1820, le duc de Berry y est assassiné
par Louvel, et le théâtre est démoli : l'Académie
royale de musique élit domicile salle Favart jus-
qu'en 1821.
Apres plusieurs représentations au théâtre Lou-
vois, elle s'installe dans une salle construite rue
Le Peletier, et elle-même incendiée le 29 octobre
1873. Pendaut plus d'un an, les représentations sont
données salle Ventadour, en attendant la construc-
tion de la nouvelle salle édifiée par Charles Garnier
et inaugurée le 5 janvier 1N~:;.
Depuis son origine, l'Académie de musique el de
danse a souvent changé de nom.
A la fin. du règne de Louis XVI, elle s'appela
Théâtre de l'Opéra. Le 13 décembre 1791, « Acadé-
démie royale de musique », puis elle s'appela, au
gré des événements, « Opéra national », en 1794,
« Théâtre des Arts », et en 1797 « Théâtre de la Ré-
publique et des Arts ».
En 1803, on raye, dans les documents officiels, le
mot de « République ». Sous l'Empire, on l'intitule
« Académie Impériale de musique ». En 1814, la
Restauration l'oblige à se déclarer « Royale, » puis,
durant les Cent Jours, elle redevient « Impériale ».
Elle reste « Académie royale de musique » de 1815
à 1848, puis « Théâtre de la Nation », sous la seconde
République et redevient « Impériale » sous le règne
de Napoléon III : depuis 1870. elle a reçu et conservé
le nom de « Théâtre National de l'Opéra « ou « Aca-
démie nationale de musique ».
LES DIRECTEURS
hais.
,1e:;,.
par Pierre
10 novemb
fonder une Académie de musique.
28 juin 1G69. — Direction de l'Académie de musique par Pierre
Perrin.
30 mars 1672. —Révocation du privilège de Tierre l'erriu au
profit de Lulli.
27 juin 1687. — Mauvaise administration de Francine, gendre
et successeur de Lulli.
30 décembre lii'.is. _ Nouveau privilège accordé à Francine,
;i la condition de s'adjoindre Hyacinthe do ('.aurraull,
sieur de Uumout.
7 octobre 1701. — Franchie el Du bï cèdenl leur privilège à
pierre G'uyenet, payeur de rente».
12 dé, ,bre 1712. '— Exploitation requise par Francine et Du-
mont après la taillite ,1e Guveiiet.
S janvier 1713. — Nouvelles lotir,* patent, s i,c.ir.,yoe s à Frali-
einr et Dniiiont. Résiliai,, ,u d,, marché des syndics d,-
la faillite liuxenel, moyennant une dette nouvelle de
73 114 livres 'ajout mx 1O0 000 livres dues par le
malheureux directeur. Désaccord entre les directeur*
et les syndics qui restent peu après maîtres de la direc-
tion des affaires de l'opéra.
2 décembre 1715. — Des hauts personnages de la Cour sonl nu-
successivoraenl .', la 1,-le de la direction, entre autre.
!e duc d'Antin, mais Francine, devant l'incapacité >U-
direclenrs, continu, ■ à diriger sent l'Académie de un,
siqne el de dame.
8 février 1728. — Destoi eues obtient le pri»ilège. Fruucine.
l'-r juin 1730. — Révocation de tou« privilèges antérieurs et
lettres patentes accordées au sienr Oruer pour un,- du-
rée de 10 années. Associai i,,n .innw, lidneuf et baole
de saint Cille*. I u imnoialioii de ce rirntiftr, qui iwrtil
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 881»
1 hok'l de 1 Académie de mnsîqne le 15 juin 1731.
août 1731. — Nouveau privilège accordé à I-ecomle ; il s'as-
socie a Lebœuf.
mai 1733. — Eugène de Thuret. ancien capitaine .lu rêgimenl
'le Picardie, succède à Lecomte révoque. Mauvaise
administration, qui conduit à la ruin>- le directeur au
bout de onze années.
mars 1744. — Privilège accordé à François Berger, ancien
r veur général 'les linances, qui augmente .1.- ion i
refoii
te une nouvelle
d*ë M.iilly.
ris la direction
et Prancœdb
dette de 250 000 livres. Il s'él
La Feuillade, Bougenier el le c
-'7 août 1749. —Arrêt accordant à la ville
île l'Académie de musique. Ri
(1749-1753).
28 novembre 1753. — Rbbel et Francœor, nommés directeurs
pour le coin |i te de la ville île Paris, ne ta rite ni pas a dé-
missionner.
17r,4. — Le niailie ,1e musique 'les enfants de France, H"-, ru,
est nommé inspecteur général de l'Opéra; il menrl au
bout d'un an.
9 avril 1755. Bontemps et Levasseur succèdent à Rover.
fi février 1767. — Berton el Triai., nommés directeurs privi-
légiés de l'Académie de musique, administrent mal "I
Dnevembrel" i rille de Paris nommée à -nouveau direc-
trice Fail gérei l'Opéra par Berton, Trial, Dacvergnb
et Jolivi m. Déficil de 500000 livres.
' "''.. — Arrêt du Conseil nommanlcommissaires du Roi
pour gouverner l'Académie île musique les intendants
des Menus-Plaisirs : papillon de la Ferté, Mareschaux,
des Entelles, .le la Touche. Bourboulon, Héberl i Bul
fault.
Au boul d'un an, Berton el Buffanlt restenl seuls .
la tête de l'Opéra.
18 octobre 1777. — Privilège accordé pour P.» ans à de Vismes
du Valgay, moyennant un cautionnement de '
livres, on lui accorde une subvention ,h- snono livres
etil fait preuve de beaucoup .l'activité dans son admi-
nistration.
19 février 1770. — Arrêt ordonnant que l'Opéra soit régi par de
Vismes pour la ville de Paris.
17 mars 1780. — Berton nommé directeur général après un
nouvel arrêt retirant à la ville de Pai is !.. direi li I.
l'opéra.
D Auvergne et Gossec lui succèdent après sa mort
survenue au bout de deux mois de direction. La Ferté
nommé commissaire royal.
malien en jaim.
r 1 791
1792. — Francœu
de Paris lentrep
Mais, trouvés
suspec
Rey, Rochefort
t. La S
ministratif.
Puis, leur succèdent La Chaheaussière, Maza.lo, Cail-
lot, do Parny et Mirl.eck.
Enfin. Franco i r, Denesle .1 lia.-.. s,,Mi nommés ad-
ministrateurs provisoires.
12 septembre 1799. — Devismes, Bonet de Treiches nommés
administrateurs par le Directoire : Cellerier, agent comp-
table.
28 décembre 1SO0. — Devismes, resté seul directeur, accusé de
gestion malhonnête, est remplacé par Bonel.
22 décembre 1801. — Cellerier nommé directeur.
26 novembre 1S02. — Morel nommé administrateur et Bonet
administrateur comptable sous la surveillance du pré-
fet du Palais.
Septembre 1803. — Bonet, directeur, suspendu le 1<" mars 1807,
rétabli le 22 avril.
29 juillet 1S07. — Décret impérial supprimant la liberté des
théâtres el réduisant a s le nombre de scènes lyriques
et dramatiques de la ville de Paris.
1er novembre 1S07. — Création de la surintendance des grands
théâtres.
Picard nommé directeur de l'Académie impériale de
musique.
IS janvier 1SI0. — Papillon de la Ferté nommé directeur; Cho-
ron régisseur.
Perscis lui succède. — Courtin administrateur.
30 octobre 1819. — Viotti, le violoniste célèbre, nommé direc-
teur. Courtin administrateur.
rl« novembre 1821. — Habeneck, autre violoniste, prend la
direction.
26 novembre 1824. Duplantys nomme directeur par décision
royale.
12 juillet 1S27. — Lubberl nommé directeur. Toujours sous la
surveillance du surintendant des théâtres, il n'est, pas
plus que ses prédécesseurs, responsable de la mauvaise
gestion de l'Opéra.
2 mars 1831. — A ses risques et périls, le dooteur Véron se
charge .l'administrer l'Opéra. Il reçoit une subvention
du ministre de l'intérieur de s 10 000 francs, puis de
760 000 francs, puis de 710 000 francs. Associé avec
Duponchel (1835).
15 août 1S35. — L'architecte Duponchel succède au docteur
Véron qui a fait fortune en 4 ans.
15 novembre 1839. — Monnais adjoint a Duponchel.
!•' juin tsio. — Société formée entre Duponchel et Léon Pillet,
auquel succède Monnais en qualité de commissaire
royal.
31 juillet 1847. — Direction Duponchel et Nestor Roqueplan.
21 novembre 1s io. — Nestor Roqueplan seul directeur.
11 novembre isr, i. — Crosnier, député, nommé par décret admi-
nistrateur général de l'opéra.
1" juillet 1Sr,6. — Alphonse Rover successeur .le Crosnier.
20 décembre IS62. — Emile Perrin directeur de l . .,,.,;.
I I ai n! 1866. — Proclamation de la lîberl des théâtres el no-
mination d'Emile Perrin comme directeur responsable,
moyennant un caul n »e mes. Il ob-
tient un-- subvention de <■>• i nu I empereur
lui accord t l m lr. u ulière.
6 septembre 1S70. — Démission d'I'inile l'en n. qo
fois administrateur provisoire de I' i a.
Avril-mai 1S71. — Garnier.
ter juillel 1871. — Halanzier-Dufresnoy nommé
provisoire.
1" novembre Isît. — Halanzier nommé directeui
di ' ipéra.
i . pullei t-7'.i — Vaucorbeil, directeur-entrepreneur, adminis-
trateur de tout premier ordre.
4 novembre tsSi. — Direction des beaux-arts : des Chapelles.
!■ r décembre 1884. — Ritt et Gaillard directeurs.
1892. — Bei ii- .ii.l el Ed. Coi o <si directeurs.
1S96. — Bertrand et Gailhard de
IS99. — Gailhard directeur.
1900. — Gailhard et Capoul directeur-.
1905. — Gailhard directeur.
1908. — Messager et Broussan directeurs.
191 [-1930. — Rouché.
Les chefs il'orchestre.
,677; _ coi.vssc. ' i Sous rœil de Lcllï Ieur mait,-e-
l.'.sT. — Marin Marais.
1703. — Marais.
1710. — Lacoste.
171 i. — Mocret.
1718. — Rebel (Jean-Fery).
17TÎ — ! R'!BEt- (François). ( narlaee
1,3J- ' Francœcr (François). ] en partage.
1714. — Xiel, Acbert.
1749. — Chéron, Aobert.
1750. — Chéron, La Garde, Acbert.
1751. — Dacvergne.
1755. — Chéron, Lv Garde, Aobert.
1759. — Berton (Pierre-Montau), Adbert.
1767. — Berton, Francœdr (Louis).
17S1. — Rey (Jean-Baptiste).
1810. — Perscis, Rochefort.
1816. — Perseis, Kredtzer (Rodolphe).
1824. - ; v'^EENTiNKo!Franf0iS)' I ™P^>-"-
1S31. — Habeneck (seul).
1846. — Girard.
1860. — L.-Ph. Dietsch, Dei.devez, Millatii.t.
1863. — Georges Hainl.
1872. — Deldeyez, Altès, Garcin.
1877. — Ch. Lamoprecx.
1892. — Ed. Colonne.
1894. — Taffanel.
1906. — Paul Vidai..
1911. — H. Rabacd, "Bcsser, Bachelet.
1915. — C.Chevillard, Bcsser, Rabaud,Grovlez,Rohl
1920. — Bcsser, Gadbert, Grovl-kz.
1923. — Gacbert,
Gcovi.ez Robxmann, Defosse.
ENCYCLOPÉDIE DR LA MUSIQUE ET DfCTIOy.VAIRE DU CONSERVATOIRE
LISTE CHRONOLOGIQUE DES ŒUVRES REPRÉSENTÉES A L OPÉRA DEPUIS L'ORIGINE
Date
Je la 1" reprrsentalion
MUSICIENS
1 l><>
19 mars 1671.
Camb
BT.
Perrin.
3 novembre 1671.
S ABU
iRES.
Guichard
s avril 1672.
Cam»
RT.
Gilbert.
16nov. 1672.
Luli.i
Molière, I
Avril 1673.
—
Quinault
Janvier 1674.
—
—
11 janvier 1675.
—
— ;
Époque île I.ulli (1671-469?)
31 janvier 1679.
3 février 1680.
6 mai 1681.
17 avril 1682.
27 avril 1683.
18 janvier 1684.
8 mars 1685.
1685.
Molière, Benserade, Quinault.
Quinault.
Thomas Corneille.
Thomas Corneille et Fontenelle
Quinault.
Quinault
Quinault.
7 novembre 1687.
Lulli et Coi.asse.
—
22 mars 16S8.
j Louis et Jean-
\ Louis Lulli.
) Du Boullav.
1
1 1 janvier 1689.
Colasse.
Fontenelle.
8 avril 1690.
Louis Lulli.
Du Boullav.
Novembre 1690.
COLASSE.
Fontenelle.
23 mars 1691.
( Théobai.i.o di
) Chappuzeau de Beangé.
Novembre 1691.
j <;atti.
COLASSE.
La Fontaine.
Ier sept. 1692.
COLASSE.
Banzi.
3 février 1693.
( Louis Lulli et
| Marais.
) Campistron.
11 sept. 1693.
Desmarets.
Mme Gillotde Sainclonge
Décembre" 1693.
Charpentier.
Thomas Corneille.
15 mars 1694.
1M=" DE LA-
/ GUERRE.
j Duché.
1" octobre 1695.
Desmarets.
Mm0 Gillol de Sainclonge
3 février 1695.
Desmarets.
Duché.
25 mai 1695.
—
—
18 octobre 1695.
Lulli et Colasse.
L'abbé Pic.
6 janvier 1696.
Coi.asse.
J.-B. Rousseau.
Février 1696.
Marais.
Saint-Jean.
1er maj 1696.
Colasse.
L'abbé Pic.
13 janvier 1697.
CtERVAIS.
L'abbé Boyer.
17 mars 1697.
Geryais.
J.-B. Rousseau.
9 juin 1697.
La Coste.
L'abbé Pic.
Les Amours i!c liiauc el il'liiihiiiuon.
Les Peines et les Plaisirs de l'Amour.
les Fêtes île l'Amour el île Bacchus.
Cadmus el llermione.
Alcesle.
Thésée.
le Carnaval.
Opéra.
Pastorale.
Tragédie lyrique.
Isis.
Psyché.
Bellérophon.
Proserpine.
le Triomphe tle l'Amour.
Persée.
Phaéton.
Roland.
VIdylle sur la Paix.
l.'Ei/logiie île Versailles,
le Temple de la Paix.
Armide.
Aeis et Galalliëe.
Achille el Volixcne.
Zëphire el Flore.
( Mascarade - pas-
( tiche.
Tragédie lyrique.
Orphée.
Ence el Lariu
Corouis.
Pastorale.
Divertissement.
Opéra-ballet.
Tragédie lyrique.
\ Pastorale héroï-
| que.
Tragédie lyrique.
Opéra-ballet.
I Tragédie en mu-
I sique.
Tragédie lyrique.
i Pastorale - héroï-
i que.
Aslrèe. Tragédie lyrique.
Le Bnllel île Vil/eneure-Sainl-Gcorges. Ballet.
Alcide.
Tragédie lyrique.
Bidon. —
Vidée. —
Céphale et Procris. —
Ciné.
Thèagène ci Chariclée.
Les Amours de Momut.
les Saisons.
Jason ou La Toison d'Or.
Ariailne el Bacchus.
La Naissance de Vénus.
Méduse.
Venus cl Adonis.
Ballet-opéra.
Opéra-ballet.
Tragédie lyrique.
Tragédie lyrique.
Opéra.
Tragédie lyrique.
Opéra-ballet.
Époque de Campra (1 697-1739)
24 octobre 1697.
Campra.
La Motte.
17 décembre 1697.
Destouche*.
—
10 mai 1698.
Desmarets.
Duché.
28 février 1699.
Campra.
Regnard.
27 mars 1699.
Destodches.
La Motte.
29 novembre 1699.
Destouches.
—
16 mai 1700.
(Michel de L
( Barre.
i
4 novembre 1700.
Colasse.
21 décembre 1700.
Campra.
Danchet.
14 juillet 1701.
—
—
16 sept. 1701.
t Théoiiai do
1 GATT!.
i ) Duché.
lOnov. 1701.
Destodches.
La Motte.
23 juillet 1702.
Bouvard.
La Grange-Chancel .
10 sept. 1702.
Lulli.
7 novembre 1702.
C\MrRA.
Danchet.
21 janvier 1703.
Rerf.l.
Guichard.
2S octobre 1703.
Campra.
Danchet.
3 janvier 1704.
Destouches.
La Motte.
6 mai 1704.
(Desmarets et) Duché de Vancy et Danch
les l'aies Galantes.
Le Carnaval de Venise.
Ainudis de Grèce.
Harthésie, Reine des Amazones.
Le Triomphe des Arts.
Cantate.
Ilêsitine.
Arélhusc nu la Vemieance il l'An
Scijlla.
Omphale.
Mitas, Roi des Uédes.
Les Fragments de Lulli.
Tancrcile.
Vinsse.
tes Muses.
le Carnaval cl la Folie.
Iphnimie ni Tanride.
Ballet.
Ballet-opéra.
Tragédie lyrique.
Opéra-ballet.
Tragédie Uriqii".
Opéra-ballet.
Tragédie lyrique.
Tragédie lyrique.
Tragédie lyrique.
Opéra-ballet.
Omédic-ballel.
Tragédie lyrique,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
11 nov. 170-1.
Campra.
Danchet.
Télimaque.
Tragédie.
15 janvier 17U5.
—
—
Akine.
Tragédie lyrique.
26 mai 1705.
La Barre.
La Motte.
Lu Vénitienne.
Comédie-ballet.
20 octobre 1705.
La Goste.
Roy.
tkiloméle.
Tragédie lyrique.
18 février 1700.
Marais.
La Motte.
Alcyone.
22 juin 1700.
( Bouvard, Bertin
i DE LA Dooé.
| La Grange-Chancel.
Cassamlrt'.
-
21 octobre 1700.
' COLASSE.
La Serre.
Polyiene el Pyrrhus,
2 mai 1707.
t. A COSTK.
Roy.
Bradamaule.
6 mars 170S.
Campra.
Roy.
Ilippodamie.
Simili.
—
9 avril 1709.
Marais.
La Motte.
Tragédie.
24 mai 1709.
, Batistin dit
( Stock.
1 BlîHTIN.
! Jolly.
Miliagre,
Tragédie lyrique.
28 avril 1710.
La Serre, sieur .le I
'Anglade.
Diométte.
_
17 juin 1710.
Campra.
Danchet.
Les Files Vénitiennes.
Mnnlo la Fie.
Opéra-ballet.
29janvierl711.
( Batistin dit
| Menesson.
opéra.
( Stuck.
1
12 janvier 1712.
Campra.
Danchet.
Creuse, l Ukiniettne.
Tragédie lyrique.
5 avril 1712.
La Coste.
Roy.
Tragédie lyrique.
6 septembre 1712.
Campra.
Danchet.
Les Amours de Mars el Ue Vénus.
Opéra-ballet.
27 décembre 1712.
Destooches.
Roy.
Caltirhoé.
Tragédie lyrique.
24 avril 17 13.
Salomon.
L'abbé Pellegrin de I
a Roque).
Hiilée et Jason.
—
22 août 1713.
BouRGKOIS.
Fuzelier.
Lfs Amours dèourses.
Ballet lyrique.
28novembrel713.
Campra.
Danchet.
Tèlèphe.
Arion.
Les Festes de Tlialie.
Tilémaqve,
Tragédie lyrique.
10 avril 1714.
14 août 171 î.
Matho.
Mocret.
Fuzelier.
Lafont.
Opéra-ballet.
29 novembre 17 11.
1)1 STOUOHES.
L'abbé Pellegrin."
Tragédie lyrique.
29 avril 1715.
Bocroeois.
Menesson.
Ias Plaisirs de la Paix.
Ballet.
3 décembre 1715.
Salomon.
L'abbé Pellegrin.
Theonoé.
Tragédie lyrique.
20 avril 1716.
Bertin.
Menesson.
12juin 1716.
MONTECLAIR.
L'abbé Pellegrin (M"e
Barbier.)
Les Festes de l'Eté.
Ballet.
3 novembre 1716.
Gervais.
Lafont.
Hypermneslre.
Tragédie lyrique.
6 avril 1717.
Mmorlt.
La Grange-Cbancel et Roy.
Ariane.
—
9 novembre 1717.
Campra.
Danchet.
Camille, Reine des Volsques.
—
14 juin 1718.
Bertin.
L'abbé Pellegrin (M"«
Barbier.)
Le Jugement de Pâtis,
( Pastorale héroï-
9 octobre 1718.
Campra.
Fuzelier.
Les Ages,
( que.
Ballet.
i décembre 1718.
Destooches.
Roy.
Sèmiramis.
Tragédie lyrique.
10 août 1719.
Bertin.
L'abbé Pellegrin (M»
Barbier).
Les Plaisirs de la Campagne.
Ballet.
15 février 1720.
( Batistin dit
| L'abbé Pellegrin, et La Serre.
Potydore.
Tragédie lyrique.
16 mai 1720.
' Gervais.
Lafont.
Les Amours de Protèe.
Opéra-Ballet.
5 mars 1722.
Desmarets.
1 L'abbé Pellegrin sous
! son frère.
le nom ,1,-
j Renaud au la suite d'Armide.
Tragédie lyrique.
Octobre 1722.
Lcli.i.
Molière.
Poureeaagnac.
j Divertissement
( italien.
26 janvier 1723.
Mooret.
Seguineau (La Serre)
Pirithofis,
Tragédie lyrique.
13 juillet 1723.
Colin de Blamont.
Fuzelier.
l'êtes Crecuues el Hautaine*.
Ballet héroïque.
10 avril 1725.
Jacques Acbert.
Fuzelier.
La Heine des Péris.
Comédie persane.
29 mai 1725.
Lalande et Des-
tooches.
Roy.
Les Eléments.
Ballet.
6 novembre 1725.
La Coste.
L'abbé Pellegrin.
Tiligone.
l'ragédie lyrique.
28 mars 1726.
Destooches.
Roy.
1 es Strutui/eutes de l'Amour.
Ballet.
17 octobre 1720.
( Rebel et Fran-
i La Serre.
Pyrame el Thisliè.
Tragédie lyrique.
14 sept. 1727.
Mouret.
Fuzelier.
Les Amours des Dieia.
Ballet.
17 février 1728.
La Coste.
Lafont et l'abbé Pelle
>rin.
Or ion.
Tragédie lyrique.
20 juillet 172s.
Villeneuve.
L'abbé Pellegrin.
La Princesse i'Elide.
Ballet héroïque.
19 octobre 17J8S.
1 R.EBEL el FraX-
) La Serre.
Tarsis et Zilie.
Tragédie lyrique.
7 juin 1729.
S.iDI OU Ai -LE1TA.
1
Romagnesi et Dominic
ue.
i Bajoeeo e Serpilla ou Le Hari Joui 10
' el la Femme bigote.
j Intermède comi-
( que.
9 août 1720.
J.-B. Ql INAULT.
Fuzelier.
Les Amours des Déesses.
Ballet héroïque.
povembrc ou dé-
i Différents auteurs
t Abbé Pellegrin el Coli
i de Bla-
\ Le Parnasse.
Ballet.
cembre 1729.
/
i mont.
i
31 janvier 1730.
Rebel.
La Serre.
Pastorale Héroïque.
—
8 octobre 1730.
Colin de Blamost.
Fuzelier.
j tes Caprices i'Eralo,
j lires de la Musique.
) Divertissemenl.
20 octobre 1730.
Royer.
Fermelhuis.
Pyrrhus.
Tragédie lyrique.
18 janvier 1731.
Campra.
Danchet.
Le Jaloux Trompé.
Intermède.
17 mai 1731.
Colin de Blamont.
Fontenelle.
Endymion,
i Pastor -
20 février 1732.
Monteclair.
L'abbé Pellegrin.
Jephlé.
que.
Tragédie lyrique.
5 juin 1732.
Mocret.
Roy.
Les Sens.
ballet.
6 novembre 17'.12.
La Costi .
Fleury.
Btltlis.
Tragédie lyrique.
14 avril 1733.
1 Marquis de Br.as-
j Paradis de Moncrif.
L'Empire de l'Amour.
Ballet héroïque.
Époque <lo Rîiuiean (I733-1'S'Î41)
1" octobre 1733.
Rameao.
L'abbé Pellegrin
llippoltjle el Aricie.
22 juillet 1734.
Doplessis (cadet)
Massip.
Les Fêtes nouvelles.
2i février 1735.
Campra.
Danchet.
Achille el Déidamie.
5 mai 1735.
Mooret.
Roy.
Les Grâces.
23 août 1735.
Rameao.
Fuzelier.
Les Indes Galantes.
27oelobre 1735.
( Rebel et Frax-
La Motte et La g
erre.
Scander lier g.
Tragédie lyrique.
Ballet.
Tragédie lyrique.
Ballet héroïque.
Ballet héroïque.
Tragédie lyrique.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQIE ET DICTION. \ AIRE DU CONSERVATOIRE
3 mai l73r,.
23 t L736.
IS octobre 1736.
BOISMORTIKR.
NlBL.
Mllc DnvAi..
Grenet.
Rameai .
Colin deJBlamo
Fra
Fuzelier.
Le Clerc de La Bruére.
Fleury.
Lefranc de Pompignan.
Gentil-Bernard.
( Ferrand, Tannevot. l'ab
( legrin.
linï
21 mai 1739.
3 septembre 1739.
19 IlOV. 1730.
1 1 avril 1741.
I i octobre 1741.
30 janvier 1742.
10 avril 1742.
12 février 1743.
23 avril 1743.
20 août 1743.
II juin 1744.
14 nov. 1744. |
17 mars 1745.
12 octobre 1745.
7 décembre 1745.
1 octobre 1746.
11 avril 1747.
28 sept. 1747.
29 lévrier 1748.
27 août 1748.
5 nov. 1748.
4 février 1749.
22 avril 1749.
23 sept. 1749. Mokdokv
5 décembre 1749. Rameau.
5 mai 1750. ( Marquis
j SAC.
ROYER.
| Rebel e
I ra.nn.
Mios.
MoURET.
MoURET.
MoNUONVlLLE.
BOISMORTIER.
RAMEAt
Rameai
Le Cla
Mion.
Boismoi
RAMEAt
Rameai
28 août 1750.
28 août 1750.
18 février 1751.
18 février 1751.
21 sept. 1751.
19 nov. 1751.
îor août 1752.
22 août 1752.
19 sept. 1752.
9 novembre 1752. Daoverhne.
30 novembre 1752. Latilla.
29déeembre 1 7 r. 2 . RinaldodiGapo
',i janvier 1733. Moudonvilli .
1" mars 1753. BtaveT.
l°r mars 1753. J.-.i Roi sseai .
23 mars 1753. Gioccino Cocohi
1" mai 1753. Pergolese.
19 juin 17" "
20 sept. 1753.
23 sept. 1753.
9 novembre 1753.
12 lévrier 1754.
19 janvier 1755.
30 sept. 1755.
31 mai 1757.
12 juillet 1757.
12 juillet 1757.
14 février 175S.
9 mai 1758.
'j mai 1758.
•vrier 17110. Ramea
epl. 1760. ( Rebei.
I OŒOl
Rinai.dodiCapea
G:\ETANO LaTII.I.A
Nicolas Jojjelxi
( Gib m met Mon
( ,:„„.
île Miilido
L'abbé La Marre.
Le Clerc de laBruère.
La Serre.
Bellis et Roy.
Néricault-Destouches.
La Rivière.
Favart.
Lefebvre de Saint-Marc.
Duclos.
Fuzelier.
Moncrif.
Cahusac.
Voltaire.
D'Albarel.
Roy
Laujon.
Cahusac.
La Motte et Ballot de Sovot
Cahusac.
Aulreau et Ballot de Sovot.
Cahusac.
Fuzelier.
Cahusac.
Lefranc de Pompignan.
La Motte et l'abbé La Ma
Gentil Bernard.
Marmontel.
Les Génies.
te Triomphe de l'Harmonie.
Castor et Pollux.
Les Caractères de l'Amour.
Le Ballet de Ai Pair.
Les Fesles d'Ilehe ou les Tû
i.aiiel her.uque.
Ballet.
Ballet héroïque.
Ballet.
Ballet héroïque.
Tragédie lyrique
Ballet héroïque.
Ballet.
/.unie, Heine de Grenade.
Ballet héroïque.
Dardanm.
Tragédie lyrique.
Sitelis.
Le Temple de GniHe.
Pastorale.
Les Amours de Rngoiide.
Comédie lyrique.
Me.
) Pastorale héroï-
( que.
Don Quichotte riiez- lu Duchesse.
Ballet comique.
Le Fournir de l'Amour.
Ballet héroïque.
Les Caractères de lu Folie.
Ballet.
1. E< «le des Amonls.
Ballet.
Les Auuiislules.
Divertissement.
'/.elindiir. roi des Sylphes.
Ballet.
Lei Files de tvlymnie.
Ballet héroïque .
Le Temple de lu Gloire.
Fête.
Seul lu el Gluiieus.
Tragédie lyrique.
L'Année Gnlilnte.
Opéra-ballet.
Daphnis el Chine.
Pastorale.
Sait.
Ballet héroïque.
PygmaHon.
Entrée de ballet.
Les Fêles de fliiimeii et de l Amour.
Ballet héroïque.
Plu lue.
Ballet bouffon.
Suis.
( opéra (pour la
' Paix).
Le Carnaval du Parnasse.
Ballet 'héroïque.
'/.ortiosire.
Tragédie lyrique.
Lèandre et Iléro.
Trag. lyrique.
Almasis.
Ballet.
Isineue.
j Pastorale héroï-
l i"1*-
Tilon II l'Aurore.
opéra-ballei.
Fuie.
Ballet héroiqm .
La Guirlande »» les Fleurs eiieltanlées.
npéra-ballet.
Acanthe et CépMse ou ta Sympathie.
| Pastorale héroi-
La Serra Puilrona (la servante mai-
1 iniermezzo.
tivsse j .
// Giocatore (le joueur).
—
// Mufsiro di Musica (le maitre de
—
musique).
Les Amours de Tempe.
Ballot héroïque.
La Finta Cameritra.
Intermezzo.
Lu li'iiiea Superha.
—
Tilon el l'Aurore.
( pastorale hér i
Le Jaloux corrigé.
| que.
Opéra-bouffe.
Le Devin du Village.
Intermède.
Lu Seuliru governatriee.
i péra bouffe.
Tracollo
li Cinete rimpatriuto.
Divertimento.
La /.ingara.
Intermezzo.
i:ii Irtigiani Arrichili.
—
Il Paratajo
Bcrloldo m Corle.
—
1 Vwggialori.
—
Daphnis el Aleimatture.
p i torale langui--
Deuetiliott el Pgrrha.
/.<•« Surprises de l'Amour.
Le» Surprises de l'Amour (Aiiaerem, .
Les Surprises de i Amour (Les Syba-
Fine et Lnniiie.
les Fêles de Paphos.
i Us Fêles de Paphos
(Moncrif, Danchet, Favart et ' les Files d'Bvtcrpc.
Ballet.
Ballet.
Ballet.
Tragédie lyrique
Ballet héroïque.
Fragments
ques.
Opéra-balle
opéra-balle
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3823
m juillet 1762.
t« octobre 1762.
11 janvier 1763.
I octobre 1767.
lnovembrel767.
mai 1768.
mai 1769.
i décembre IT70.
S juin 1771.
S août 1771.
» octobre 1771.
i novembre 1771.
ir.déc. 1772.
Birton et Tb
La Motte.
Marmontel.
Duclos.
Gauthier de Mondorge
Joliveau.
Sedaine.
Bonneval.
Moncrif.
Cahusac.
Laujon.
Poinsinel.
Thomas.
Poinsinel.
La Motte.
La Motte.
Laujon.
Razins de Saint-Marc.
Desfontaines.
Joliveau.
Quinault.
Razins de Saint-Marc.
Fuuelier.
Le Monnier.
Chabanon de Maugris.
I |ic.i|iic do <•
Cimente.
Tragédie.
lïereute i/iuurunl.
Tragédie lyrique.
Il filas el ZèKe.
Fragment.
L'Opéra de Société .
Comédie-ballet.
Poivrent.
Tragédie lyrique.
Aime, Reine de Golconéc.
Ballet héroïque.
Les Fêtes Lyriques \ Lindor et Ism
«H-;. Ballet héroïque.
Les Files lyriques Erosim .
—
Su/rie.
—
Thèonis ou te Toucha .
( Pastorale héroï-
1 que.
Amphhn.
—
Eriietiiule, Princesse de Norwège.
i ragédie.
Lu Vénitienne.
Comédie-ballet.
Ùmphate,
Tragédie lyrique.
Ismine el ftmémos.
Tragédie.
Lu Fête de Flore.
Pastorale.
La Ciiitiiiuiilaine.
Pastorale.
Le Prix du la râleur.
Ballet héroïque.
ImadU tte Gaule.
Tragédie lyrique.
Adèle de Punlliteii.
—
Ilride et Julie.
Ballet.
I l 'nion de l'Amour et des iris.
Ballet héroïque.
SuHnas.
Tragédie lyrique.
4-1 SOT).
19 avril 1771.
Glci k.
Bailli du Roullet d'après Racine.
Iphigènie eu Aulide.
. .
2 août 1774.
—
Moline (d'après Calzabigi).
Orphée ei Kuridice.
Drame héroïqne.
22 novembre 17 71.
Floqobt.
l.e Monnier.
A:uiuu uu le Serment indisi rei .
Ballet héroïque.
l'-r aoûl 177Ô.
I . I [ 1 K .
Favart.
l'.ulttere assiégée.
Ballet.
■.t. sept. 177:..
I.ossi . .
Chabanon 'le Mauui-i-.
.Mens tl llu/ihue.
/ feutrée des !rag-
' veaux.
2fi sepl i 775.
_
—
l'iiiieiiiiiu ei Bawis.
2-
86 janvier 1776.
NOVKRRK.
'('..ild.'l . Vestris ellule-raph.^ .
\lr,l, t el Jason.
Ballet.
23 avril 1776.
Gluck.
Calzabigi el du Roullet.
Aieente.
Tragédie-opéra.
30 juillet 1776.
C\MII1NI.
Bonneval.
Les Romans.
Ballet héroïque.
30 sept. 1776.
Noverre (chorégraphe).
Les Caprices de Salatkie.
Ballet.
I" octobre 1776.
DÉSORM] UN .
Boutellier.
Enthyme et Lyris.
Ballet héroïque.
10 janvier 1777.
Pol ri ai .
—
Alain et Rouelle.
Intermède.
21 janvier 1777.
Starzi b.
Noverre [chorégraphe .
les Htraces.
Ballet héroïque.
23 sept. 1777.
Quinault.
Tragédie.
2 décembre 1777.
DÉSORMKR\ .
S Bocquetde Liancourt et Boutel-
( lier.
Quinault.
Uyrtil et Lueur i-.
17 janvier 177s.
PlCCISNI.
Rnluud.
Tragédie lyrique.
1« mars 1778.
Max. Garde) i'n nV^i l ; > 1 1 ■ - .
l.u Chercheuse d'esprit.
Ballet- pantomime
26 mai 1778.
Gosskc.
Desfontaines.
Lu File du Village.
Intermède.
i juin 1778.
1 LALASDE et DBS-
Roy.
Yertiiuiiie et Pomone.
Fragment.
1 1 juin I77s.
MOZART.
Noverre (chorégraphe).
l.e, Petits Riens.
Ballet- pant"!iiiu .■
Il juin 1778.
Pu i i\si
Noverre [chorégraphe .
Le Finie Gemelle.
ipéra bouffon.
'.i juillet 1778.
Grasier.
—
Aiiuelle el Lu/nu.
Ballet- pantomime
'.i juillet 177S.
Paisibllo.
Le Due Cuulesse.
i ipéra bouffon.
13 août 177S.
Pa*OUALi: A.N1 "--1
Il Cnrioso Indiscrelo.
Opéra bouffon.
18 août 177S.
Ciampi.
Garde) aîné.
Muette ii la Cour.
Ballet- pantomime
10 sept. 177S.
PlCCISNI.
l.u l'riiseulaiia.
1 ipéra-bouffon.
20 octobre 177S.
PlCCISSI.
lu Sposa collerica.
t intermède bouf-
1 fou .
Entrée.
S novembre 177 S.
Candbillb.
Lafont.
La Provençale.
12 nov. 177S.
Anfossi.
La Finta Giardiniera.
i Ipéra bouffon.
7 décembre 177*.
Piccissi.
Goldoni.
La Buona Fii/liuola (La bonne fille .
—
5 janvier 1779.
Floooet.
Le Monnier.
Ilelle.
Tragédie lyrique.
1 S janvier 1779.
Anfossi.
Il Geluso m cimento.
Opéra bouffon.
15 avril 1779.
Piccissi.
Goldoni!
\ l.u Buona FigHuola maritata (La bonne
! fille mariée).
j < >pi'ia italien.
16 mai 1779.
PlCl INM.
Anonvme.
// Vago :lispre::-alv.
Opéra italien.
18 mai 1779.
CtLDCK.
Guillard.
Iphigènie eu Taurule .
Tragédie lyrique.
10 juin 1779
( PaiSIELI." >' 1 ai;
( très.
Sacchim.
Lorenii.
Vldolo Cinese.
Opéra bouffon.
S juillet 1779.
L'Amure Soldat 0.
Intermède.
5 août 1779,
TommasoTr. m i i
Il Cavalière errante.
opéra italien.
22 sept. 1779.
Gluck.
Baron Tschudy.
Eehu ut Narcisse.
i ipera.
30 sept. 1779.
Anfossi.
Il Uatnmtiuio per Inganno.
Intermède.
18 nov. 1779.
Gardel (chorégraphe).
Slir:a.
Ballet.
14 déc. 1779.
Chrétien Bach.
Quinault de Vismes.
Amollis de Gaule.
Tragédie-opéra.
30 janvier 1780.
RoilOLPHE.
Noverre (chorégraphe).
ilèdée et Jason.
( Ballet tragi-pan-
22 février 1780.
Piccissi.
Marmontel.
Altjs.
' Tragédie lyrique.
6 juin 1780.
Grbtrt.
Racine, arrang1 par Pitra.
Anirtmàqut.
—
2 juillet 17S0.
Candeille.
, Moline.
1 Ballet d'Auberval.
Laure et Pétrarque.
| Pastorale héroï-
( que.
24 sept. 1780.
DÉ3ÀUGIBRS.
( L'abbé de Voisenon (œuvre pos-
| thume).
( Quinault, arrangé par Mar-
Erixéne ou l'Amour aluni.
Pastorale.
27 octobre 1780.
l'HILIDOR.
Persce.
Tragédie lyrique.
ENCYCLOPÉDIE DE la musique et dictionnaire du conservatoire
l Le Seigneur bienfaisant. °pé
BS janvier 1781.
15 février 17S1.
3 mai 1781.
2 juillet 1782.
24 sept. 1782.
24 sept. 17S2.
26 nov. 1782.
88 février 17 s::.
27 mai 1783.
29 juill
26 aoù
( flHEFORT.
1V.CINM.
Grétry.
Kl>l l.MA
Grétry,
Sacciiin
1783.
déc I7s:i.
15 janvier 1784.
26 juillet 1785.
9 décembre 1785
23 mai 17S6.
li juillet 1786.
5 septembre 1786
31 octobre 1786.
21 nov. 1786.
7 iléc. 1786.
iRi>Ei. I aine.
Ko- 1 Farmain de Rozoy.
I
Razins de Saint-Marc.
( Lourdet de Santerre.
( Ballet de Garde! et d'Auberval.
Quinault, arrangé par Morel.
Guillard.
Koy.
Moline.
Lourdet de Santerre.
i Le Bœuf, d'après l'abbé Pelle-
( grin.
I Billadon de Sauvigny.
j Ballet Gardel a nié .
Gardel aine (chorégraphe).
Me- ( Morel de Chedeville.
| Ballet de Max Gardel.
' Marmontel.
M. le Comte de Provence
j (Louis XVIII) et Morel.
i Ballet réglé par Gardel.
Guillard d'après Corneille.
. [ r.allet réglé par Gardel.
Du Roullet et baron de Tschudy.
Chevalier de Liroux.
i La Bruère.
J Divertissement réglé par Gardel
) cadet et Vestris.
! Morel de Chedeville et Mïr le C'e
) de Provence.
( Ballet réglé par Gardel (l'aîné).
Duplessis.
vres Gardel (chorégraphe).
( Marmontel.
( Ballet réglé par Gardel lamé.
Morel.
! Gersin.
, Ballet réglé par Gardel frères).
Desriaux.
< i :i i-ili-l Irèn-s (cliorégraphe-).
Hoffmann.
Guillard d'après Corneille.
I Guillard.
| Ballet réglé par Gardel (l'aillé).
Gardel l'aîné (chorégraphe).
, Rochon de Chabannes.
• Ballel réglé par Gardi I c id il
Beaumarchais
I Ballet réglé par Gardel (cadet).
1 Gardel l'aîné (chorégraphe).
Moline Iradui teui .
tphigênie en Tauriile.
Le l'esté tli ttirza.
Apollon et Coronis.
L'Inconnue persécutée.
Aile le ,le Pontkieu.
I La Douille épreuve ou Colinette il la
! Cour.
Thésée.
Electre.
( Le Feu, lro entrée des fragments de
j 1782.
Arituie dans llsle de Siuos.
L'Embarras îles richesses.
i ragédie lyrique.
Ballet-pantomime
Opéra.
Tragédie lyrique.
Comédie lyrique.
l 'ragédie lyrique.
1 ragédie lyrique.
Ballet héroïque.
Drame lyrique.
Comédie lyrique.
Tragédie lyrique.
Opéra.
Les Danaides.
Diane el Endumion.
Dardanus.
Pharre ou la Conquête tu l'emu.
( Le Premier Navigateur ou le Pour
I île l'Amour.
Pénélope.
La Toison d'Or.
Les Sauvages oit le Pouvoir ie la Danse.
Phèdre.
Les Horaces.
Œdipe d Colone.
Tragédie lyrique
Opéra.
Tragédie lyrique
Comédie lyriqur
tragédie lyrique.
Tragédie lyrique.
Opéra.
l'i-agédie lyrique.
Divertissement.
Tragédie lyrique.
Ballet comique
Divertisse! icnl
( opéra héroï-co
i que.
16 janvier 1788.
Mimer.
[ Gardel l'aîné chorégraphe oeu -
i vie posthume .
Le Déserteur.
29 avril 1788.
\ Sacchini, ache\
( par J.-B. Ki:i
i Guillard.
Arvire ed Evelina.
15 juillet 1788.
Grétry.
Sedaine d'après .Molière.
[mphytrion.
5 décembre 1788.
Chiîrdbini.
i Marmontel d'api -s M.Tisl.i
! Ballet de Gardel.
Dèmophon.
17 mars 1789.
Grétry .
( Morel de Chedeville.
( Ballet réglé par Gardel.
Aspasie.
2 juin 1789.
Le Moy.ne.
Rochon de Chabannes.
les Prétendus.
22 sept. 1789.
VOGEL.
1 Desriaux.
1 Ballet réglé par Gardel.
Dèmophon.
15 déc. 1789.
Le Mo y ni:.
Hoffmann.
Sephtè.
22 janvier 1791).
Le Moyne.
Forgeot.
Les Pommiers et le Moulin.
23 février 1790.
Miller.
i lardel chorégraphe).
Tèlèmaque duos l'Ile île Calypso
30 avril 1790.
ZlNGARELLl.
Mar Iitel.
Antigone.
15 juin 1790.
Le Moyne.
-.inhalai et Andrieux.
Louis IX en Egypte.
22 octobre 1790.
Ckampein.
Sàulnier.
le portrait ou la D
11 déc. 1790.
Miller.
Pierre Gardel.
Psyché.
15 février 1791.
MÉHI'L.
Valadier.
Corn.
S mars (79 1 .
Lanulé.
Le Baiily el de Linières.
Corisandre.
li juin 1791.
Cakdeille.
; Gentil-Bernard.
) Ballets réglés par Gardel el Lau-
l „n„i
Castor el l'ollux.
13 sept. 1791.
Louis .Iai.iv
| îenl.
Sàulnier.
L'Heureux stratagème.
il déc. 1791.
RoCHEFORT.
Gallet cliorégraphe .
BaechlIS et Ariane.
lyrique.
i imédie lyrique.
Ballel héroïque.
i ipéra lyrique.
Opéra.
Comédie lyrique.
Ballet-pantomime
i ipéra.
Comédie - i
Opéra.
TKC.H NIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 382
27 janvier an II
(1793).
;i février 1793.
20 mars 1793.
2 juin 1793.
9 août 1793.
3 novembre 1793.
16 nivôse an II
^5 janv. 1794).
30 pluviôse an II
(18 fév. 1794).
I i ventôse au II
(1 mars 1791).
lti germinal an II
(3 avril 1794).
Le Froi
REACX.
'< Citoyen Gossec.
René Candeille.
Haydn, Plesvel
(sic) et citoyen
! Mkhol.
MOZART.
Citoyen Jadin.
ILe Froid de Me-
REAOX.
Le Moyke.
I Le Moïse.
i MÉHUL.
Me- 1 C" Duprat de la Touloubre.
! J.-M. Chénier.
Ballet, citoyen Gardel.
Citoyen Lebœuf.
I Citoyen Gardel (chorégraphe).
Notaris.
Citoyens Saulnier et Dutilh.
Citoyen J.-M. Barouillet.
Guillard.
Beffroy de Reilly.
Arnault.
Fabre d'Olivet.
Citoyens Moline et Bouquie
Œdipe à Thèbt
Tragédie lyrique.
Citoyen Lefkbvre.
8 fructidor an II ) Citoyen Grétuy
(23 août 1794). j
1 1 nlïôse an II 1 —
(31 déc. 1794). j
28 nivôse an V i —
(17 Janv. 1797). j
25 messidor an VI j Ei.er.
(18 déc. 1798). (
lo prairial an VII ) Citoyen Mbhcl.
(«juin 1799). j
20 prairial an VII ) Gossec.
li juin 1799). j
28 thermidor an j Citoyens PERsnis,
VII (15 aoi'it \ Gresmck,
1799). )
13 frimaire
VIII (4
17991. J
13 floréal an VIII i Fostbnflle.
(5 mai 1800). {
25 prairial an VIII i méucl.
(14 juin 1800). j
5 thermidor an j M™ Dévisses.
VIII (24 juillet
1800). I
2 fructidor an VIII ( Arrangé par Le-
(20 août 1800). I rEBVRK.
18 vendémiaire an \ Porta.
IX (10 octobre j
1800). '
9 nivôse an IX f .1. Haydn , arr.
(24 déc. 1800). ( par Steidelt.
2« nivôse an IX ( Citoyen Lefeb-
18 janv. 1801). | yrb.
S ventôse an IX i Citoyen Kreutzer
(27 fév. 1801). ' et Nicolo
Citoyen J.-H. Guy.
Demoustier.
Guillard d'après Voltaire.
Citoyen Hoffmann.
Anonyme.
Ciloyen Guilbert Pixérécourt.
Citoyen Milon (chorégraphe).
Milcent.
P. Gardel (chorégraphe.)
Citoyen Milcent.
Milon v chorégraphe).
Guillard.
Van Swielen, de Ségur.
Milon (chorégraphe).
Le Triomphe île la République ou Le l Divertissement
Camp île Grand Pré. ( lyriqui
La Patrie Reconnaissante ou t'Apo~ i Opéra héroïque,
theose de Beaurepuire. }
Le Jugement de PAri*. Ballet-pantomimi
Le Mariage de Figaro.
Le Siège de Thiomillc.
Fabius.
Comédio lyrique.
Drame lyrique.
Tragédie lyrique
UiUiade à Marathon.
Toute la Grèce ou ce qu
Liberté.
Uoralius Coclès.
e peut la
Opéra.
\ Tableau patrioli-
f que.
Acte lyrique.
Toulon soumis (fait historiq
ue).
Opéra.
La Réunion du 10 août ou l'Inaugura-
tion de la République française.
. Sansculoltidedra-
\ matique , mêlée
J de déclamalion,
1 chants, danse»,
f évolutions mili-
Denis le Tyran' maitre d'école à Co-
rinthe.
l Opéra.
la Rosière Républicaine ou
la Raison.
Anncréon chez Polijcrale.
la Fête de
1 Opéra.
Opéra.
Appelle et Campuspe.
Opéra.
Ohjmpie.
Opéra.
Adrien.
Opéra.
La Nouvelle au\Camp ou le (
geance.
Léoiiidas ou les Spartiates.
>i de Ven-
j Scène lyrique.
Opéra.
Ilèro et Lèandre.
Ballet-pantomime.
Hécube.
Praxitèleou la Ceinture.
Tragédie lyrique.
Folie- pantomime.
Opéra.
Pygmalion.
Les Horaces.
Ballet-pantomime.
Tragédie lyrique.
n i
22 germinal an IX j Kr
(12 avril 1801). j
2 fructidor an IX
20 août 1801).
16 brumaire an X [ Citoven
(7 nov. 1801).
Mozart arrangé ,
par Lachnith. ]
12 ventôse an X j Steibelt.
(3 mars 1801). j
lf floréal an X j Catei~
(4 mai 1802). j
27 fructidor an X Wihtbk.
(14 sept. 1802). (
24 nivôse an XI j Citoyen Mehul.
(14 janv. 1S03). j
26 pluviôse an XI ) Gretry.
(15 fév. 1803). j
8 germinal an XI J Paisiello.
(29 mars 1803). j
16 germinal an XI i Arrangé parKALK-
(6 avril 1803). J brenner et
/ Lachnitb.
Feu Dujaure.
Citoyen Morel, ci-devant de Ché-
deville.
Citoyen Guillard.
Ballets réglés par le citoyen
Gardel.
Citoyen Gardel.
Desriaux d'après Voltaire.
Ballet du citoyen Gardel.
Citoyen Morel, ci-devant de Ché-
deville.
Pierre Gardel.
G.-H. Guy.
Guillard d'après Quinault.
La Création du monde.
Les Xoces de Gamaclie.
I Flaminius à Corinlhe.
]
Asti/ann.i.
) Les Mystères d'Isis.
| Le Casque et les Colombe
Le Retour de lèphire.
Sèmiramk.
Tainerlan.
SDaphnis et Pandrose oit
de l'Amour.
Delphis et Mopsa.
Proserpine.
} Saiil.
Vengeait
Kjll.t-pantomime.
Folie.
Opéra.
Opéra.
Opéra.
Opéra-ballet.
Divertissement.
Ballet.
Opéra.
' j BaUet-pantomlm».
Comédie lyrique.
Tragédie lyrique.
( Oratorio mis en
\ action.
ENCYCLOFËDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
(13 juin 1803 . i
21 fin-i iimlnr an I Louis Jadi
XI (9 août
I186S). )
1 1 vendémiaire an J Chbrdbini.
XII (4 octobre J
1803 . )
20 pluviÔBeanXIl i Porta.
is (av. 1S04). !
30 germinal an XII ) Dalayrac.
(20 avril 1804). (
21 messidoranXII j Lu Si eor.
(lOjuilletlSOi). )
Milon (<•
:i:i]ilir\
j Mahomet H.
i
| Anacrèon ou l'Amour fi
j
| /.f Connétable de Clisso
l(
el, Després et Deschamps. S Le Paril/on du Calife
\ Zobèide.
I Ossian ou les Kurdes.
Dercy et Deschamps.
Ballets réglés par les citoy
Gardel et Milon.
P: Gardei tehorégraphe).
1" brumaire an i
XIII (23 octo- !
bre 1804). I
27 frimaire an , Cherubini.
XIII (18 déc. (
1804). )
21 germinal an \ Arrangé ]
XIII (11 avril Kalkbrens
1805). ) et Lacbnitb
20 floréal an XIII j DarondeaocH
(10 mai 1805). \ neli.a.
30 fructidor an , Mozart arr. par ) Thuring et Baillot.
•XIII (17 sept. Kalkbri
P. Garde) (chorégraphe).
j Morel, Deschamps et Després.
/ Duport (chorégraphe).
i Un ■ hemi-lleure de capric
! Zènar.
Achille « Sevras.
La Prise de Jéricho.
Ballel.
Tragédie lyrique.
Opéra-ballet.
Opéra.
et) Opéra.
Opéra.
el ) Divertissement.
I
Ballet-pantomime.
7 brumaire an XIV i C„
(29 oct. 1805). s
15 avril 1806. Bi
l'El.sris.
Persdis
Suetjr
j Ballet réglé par Gardel.
Henry (chorégraphe).
\ Aignan.
| Ballet réglé par Gardel.
Duport et Blache (chorégraphes
Gardel (chorégraphe).
Duport (chorégraphe).
( Gentil-Bernard, arrangé par Mo
} rel de Chédeville.
ei.- \ Baour-Lormian.
I Ballets par Gardel.
Milon (chorégraphe).
Le t Esménard.
I Ballets réglés par Gardel.
Aeis et Galalhee.
BMlel-pantomime
1 Dou Juun.
Drame lyrique.
L'Amour ii Cythére.
Ballet-pantomime
i Sephluli ou les Ammonites.
Opéra.
Figaro.
Paul el Virginie.
L'Uijnieii île Zeplure nu le Volmie fur.
i Castor et Pollia:
Ballet-pantomime
Divertissement.
Opéra.
\ L'inauguration du Temple de lu Vie
J Intermède.
I.e Retour f Ulysse.
l 1 t Triomphe de Tnijim.
Ballet héroïque.
Tragédie lyrique.
I |k ■ de Sponlini (180? à 1826).
15 décembre 1807.
Spostini.
8 mars 1808.
Kreutzer
24 mai 1808.
4 octobre 1S0>.
Lefebyre
20 déc. 1808.
Gatel.
24 mars 1809.
Le Si-ecr
27 mars-1811
18 avril 1811
45 sept. 1812.
5 février 1S13.
6 avril 1813.
Mi.in i.
C M I 1 .
Jouy.
Aumer (chorégraphe).
Giraud et Leclerc.
Gardel (chorégraphe).
( Guillard.
< Ballets réglés par Milon el G;
( del.
Esménard et de Jouy.
Gardel (chorégraphe).
Gardel '■il"; i
Hoffmann.
Gardel (chorégraphe).
! De Jouy.
Ballets, réglés pai Gardel
Milon.
^ Dupaly.
) Ballet réglé par Gard»!.
S Morel.
Ballets réglés pai Gsirdel
Milon.
Milon (chorégi aph
De Jouy.
K A I. K B H E N N E R
(œuvre posthu-
me achevée par
son fils).
Persdis. j Baour-Lormiai
I Ballets réglé» par GardeL
Plusieurs compo- ( Morel.
siteurs. \
l'.HiaiiiuNi. Jouy.
Lu Vestale.
Les Amours d'Antoine el Cleopalre .
Arfslippe.
Venus el Adonis.
Alexandre chez Apelles.
Lu Murl d Adam et s, m apothéose.
L'eriitmil Corte:
Mexique.
I n Fête de Murs
et Amiante.
Vertiimue el l'enroue.
Ahel.
biérwnèdc.
I Les BayaOres.
t. 'Knleremeul des Siil'ine-.
\ Les Amazones ou la l'on
I Thèite.
I. Enfant prodifiue.
rrawdie lyrique
Ballel héroïque.
Comédie lviique.
Ballet.
Ballet héroïque.
Tragédie lyrique.
i Opéra.
\ Diverlis9emeQj
/ pantomime.
Opéra.
l; lli>i-|>.uilomime.
Tia-.ii.' lyrique.
Ballel pantooumtt.
Opéra.
/.■ lier- \ Opéra-twih L
lîallet ii.iulomii
de) Opéra.
Jérusalem délurée. • ipeia.
Le Laboureur Chinois. Optra»
Los éàmaevages nu r Etendard de de- / opér».
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3827
I Km i CZER. . 1
PlCCINI. \ ClIV
) Alcibiade
i Pelage ou
l;,n ,/,■ /
ardel.
[ Persois d'après ( Milon (chorégraphe) d'après j / /
j Grétry. ( Deforge. j
Kreutzer. Vigée. laPriuces < eBa iloi
Arrangé par Per- ^ Milon el Gardel (chorégraphes). L'Heureux Retour.
12 dec. 1815.
22 lévrier 1810.
SUIS. BKRTn
Kre
teni' \
Didelot (chorégraphe).
- | Milon (chorégraphe).
• /.,■,,),;
S PEBsnisetKa
j ZER.
Le Bros. Etienne.
I Si'Ontini , Per- \ Dieulafoy et Briffant
1 sois, Bertun et
Opéra.
i ipéra.
Ballet-pantomime.
Opéra.
Ballet.
\ Ballet anacréonti-
I que.
i stance < Ballet-pantomime.
I
Opéra.
de Cy- ) Opéra-ballet.
' Kreutzer.
<
30 juillet 1816.
Reicua.
Guy.
Katalie ou la Famille liasse.
1 Ip'IM.
4 mars 1817.
Bertok.
ùu>.
Ilni/er de S ;, ..,• nu le Uni Irniihllllliur.
17 sept. 1817.
Dcsazos.
Gardel el Milnii , <■ i M im-l- T':i 1 1 il" - .
, Les Fiancés ie Caserte ou l'Echangé
des rose .
i Ballet.
19 janvier 1818.
Le Bron. !
i
Etienne.
Ballel réglés par Milon.
Veinule ou les rieurs enchantées.
Opéra.
18 fëvriei 1818.
SCBNEITZUa FIT.]: .
Gardel (chorégraphe).
Proserpine.
Ballet-pantomime.
3 juin 1818.
~
Decomhe (id.).
i Le Séducteur au village ou Claire el
j Meetul.
( Ballel-pantorniiiie.
2'.' juin 1818.
CaTEL.
Jouy et K. Lefebvre.
i Ztrpltile e> l'ieur île nnjele e <
lu Servante justifiée.
j Opéra-féerie.
30 sept. 1818.
Kreotzer.
i (ardel i bsorégraphe).
Ballet villageois.
la nov. 18IS.
AlMON.
J.-N. Bouilly.
Les Jeu* ,
i tpêra.
22 dée. 1818.
SpoNTINI.
Dieulafoy et Briffault.
Ballet* (dirigés par Gardel.
Olympie.
Tragédie lyrique.
19 juin 1S20.
Kreotzer.
Milon chorégraphe).
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j DIEO , CUERO-
j BiNi, Kreotzer
( et Paer.
\ Théaulon et de Rancé.
, planche de Provence ou la i
!
.Opéra.
ir, jiiiJi'lSS 1 .
Girowetz.
Aumer (chorégraphe).
La Fêle ho
Divertisse]
0 février 1822.
Nu 01 1 i
• Etienne.
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' Garcia.
Delrieu.
Flnresluu mi le Conseil îles Die.
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' de Gai.lenuerg
1 et G. Dugazon.
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Ari'l K
S Mennechet el
1 Ballets réglés pai i i
Espagne.
Draine lyu :n. .
1Sdéc. 1S23.
, Arraii.
j Aumer (chorégraphe) d'après
te P . .
/ Ballet anacrjonli-
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( Dauberval.
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IpsUioé.
' Opéra.
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( Ballel règle par Gardel.
Les Heu i •
Opéra-féerie.
20 oot. 1824.
SCHNl 1 :
Beshaves.
/.mine el Azor.
Ballet-féerie.
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Carafa.
Planard.
1 ,i Belle au Bois dormant.
i ipéra-fi . .
10 juin 1825.
[ BOÏELDIl
\ TON cl liRl DT-
i Ancelot, Guiraud et Sov/met.
Pharamond.
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\
Blache père (chorégraphe.)
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de Hosshii et Mejeibeer (1" période 1SSÎB-1S49).
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17
Ùt 1828.
iV. 1S28.
27 avril 1829.
3 août 182'J.
15 mars 1830.
S avril 1831.
20 juin 1831.
18 juillet 1S31.
27 février 1833.
22 juillet 1833.
4 déc. 1833.
10 mars IS3'i.
15 sept. 1831.
23 février 1S35.
8 avril 1835.
12 août 1835.
29 février 18 36.
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21 sept. 1836.
Unov. 1836.
3 mars 1837.
5 mars 1838.
5 mai 1S3S.
10 sept. 1838.
28 janvier 1839.
1" avril 1839.
24 juin 1839.
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28 oct. 1839.
6 janvier ISiO.
10 avril 1840.
23 sept. 1S40.
2 déc. 1840.
19 avril 1811.
\ Pp. s
j NE
Soumet et Balocchi.
Aumer (chorégraphe).
Balocchi et Jouy.
i Anatole Petit (chorégraphe).
S
t Rouget de l'isle et Hix.
' Ballets réglés par Garde!.
Auiner (chorégraphe).
| Scribe et Delavigne.
( Divertissement réglé par Aumei
Scribe et Delestre-Poirson.
S Dauberval et Aumer (chorégra
) phes;.
) Scribe.
' Aumer (chorégraphe).
Bis et Jouy.
1 Moline de Saint- Yon et Fouge
de Vestris.
Scribe et Aumer (chorégraphe).
\ Scribe.
i Divertissement de Taglioni.
Castil-Blaze.
Scribe,
j Scribe et Corralli (chorégra-
! phe).
Scribe.
J Nourrit et Taglioni (chorégra-
phe).
S Cave et Duponchel.
( Coralli (chorégraphe).
Scribe et Mazières.
I Taglioni (chorégraphe).
Le Siège de Corinthe.
) Astolpbe et Joconde
I d'aventures.
Moïse.
\ Lu Somnambule ou l'arr
) veau seigneur,
I Lu Muette de Porlici.
I.e Comte Orij.
j la Fille mal gardée.
\ La Belle au bois dormant.
Guillaume Tell.
) François Ier à Chambord.
Robert le Ditibl
La Sylphide.
ACBËR.
Cherubini.
Labarre.
Mozart,
schheitzhœfi
Comte de Gallen
BERG.
Carlini et C.Gide
\ Scribe.
( Ballet de Taglioni.
\ Scribe et Mélesville.
I Ballets de Coralli.
Taglioni (chorégraphe).
Deschamps et Castil-Blaze.
. i Nourrit.
| Coralli [chorégraphe).
i Scribe.
) Divertissement de Taglioni.
j Taglioni (chorégraphe).
i Nourrit et Bonnachon (choré
j graphe).
i Scribe.
( Ballet de Taglioni.
\ Burat de Burgy et Nourrit.
( Coralli (chorégraphe).
Taglioni chorégraphe).
Victor Hugo.
1 Deschamps et E. Pacini.
' Divertissement de Coralli.
Gustare III <
Ah Baba ou
le Bal masqué.
i quarante voleu
Sérail.
la Révolte
Don Juan.
La Tempête ou l'Ile des G
Les Huguenots.
Le Diable boiteux.
La Fille du Danube.
La Esmeralda.
Strailella.
■il,...
M'
Csm ■ Gide.
il. de Ki olz.
Makuahi.
IIaI.ÉVY.
DONIZETTI.
BENOlSTCtRl!
Scribe et
graphe)
De Waillj et Aug. Barbier
De Saint-Georges.
Maziliev (chorégraphe .
Scribe .-l Mélesville.
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Scribe.
Coralli (chorégraphe .
Pillet et Vannois.
Scribe.
Scribe.
A. Nourrit et Scribe.
De Saint-Georges.
Mazilier (chorégraphe).
Royeret Van Niewenhuy
Scribe.
Pacini .i Berlioz.
Elsslei [choré- t ta Volière ou les Oisea
i Peste de Flo
r de Boeeaee.
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! de Berlioz.
Ad. Adam. 1 Th. Gaulieret de Sain
i Coralli (chorégraphe).
Il m i., ï. De Saint-Georges.
j Benvenuto'Cellini.
I La Gipsy.
s
I Le Lue des fies.
j | ,i Tarentule.
La Vendetta.
La Xaearilla.
Le Drapier.
Les Martyrs.
i le Diable amoureux.
La Favorite.
Le Comte de Carmagnola.
Le Freijsebul;.
Cisèle ou les Willis,
La Reine de Chypre.
Ballet-pantomime.
Tragédie.
Ballet-pantomime.
Opéra.
opéra.
Ballet-pantomime.
Ballet-féerie.
Opéra.
Opéra.
r.allrl-pantomime.
Opéra.
Opéra.
Opéra.
Ballet-pantomime.
Opéra historique.
Opéra.
Ballet-féerie.
Opéra.
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Opéra.
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Ballet-pantomime.
Opéra.
Ballet-pantomime
Ballet-pantomime.
Opéra .
Opéra.
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Ballet-pantomime.
Ballet-pantomime.
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Ballet-pantomime.
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LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS 3829
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. Lmhl Henriette nu la Serra
nte te f.reen-
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! mUller et Del
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S
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lient en dor-
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29 juin 1846.
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RoSENHAIN.
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—
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Zerline ou lu Corbeille d'oranges.
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]
Ballet-pantomime
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Pantagruel.
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Ballet-pantomime.
11 août 1856.
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La Rose de Floreaee.
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21 sept. 1857.
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S
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te Ballet-panl ime
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-
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I Nox.
a ) E. Blau et L. Besson d'aprè
' Voltaire.
' Zaïre.
—
9 juin 1890.
Léon Gastinel.
( E. Blau.
m.mi en [chorégraphe).
, Le Hère.
Ballet
16 mars 1 Î31.
•i. Massbnet.
Jean Iliihepili.
1 lia
Opéra.
16sept. 1891.
R. "Wagner.
H. Wagner.
1
—
28 déc. 1891.
i Bourg iult Dl
1 COUDBAY.
Louis Gallet.
Thamtira.
—
16 mai 1892.
E. Reyer.
C. du I.orle 'l'apte. Flaubert.
—
17 mai 1892.
G. ClIAREENriKK.
KTIER.
> Poêle.
Symphonie-drain
23 nov. 1892.
Sai i-Saens.
Ferdinand 1
•
opéra.
9 déc. 1892.
FODRNIER-Al 1 IX.
i mis Gallet.
Stratonice.
—
2i février 1893.
Paul Vu. ai,.
Pi irre Gailhard.
La Holadelta.
Ballet.
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
12 mai 1893.
R. Wagni R.
H. Ww.mr.
La Walkyrie.
Opéra.
15 sept. 1893.
H. Maréchal.
Ed. Noël.
Dêidande.
—
27 déc. 1893.
E. ClIAIlRIl R.
Catulle Mendès.
Gnendoline.
16 mars 1894.
.1. Massenet.
!.. Galle! d'après A. France.
Thaïs.
Comédie lyrique.
25 mai 1894.
G. Lbfebvre.
Charles Lomon.
Djelmn.
' ipéra.
12 oct. 1S94.
<;. Verdi.
Arrigo Boilo.
Otello.
—
8 février 1895.
Auguste U.iLMi: s.
Augusla Houri s.
Suire.
Dr nue lyrique.
îr, déc. 1895.
JE. Gdiraud et
1 Saint-Saens.
Louis Gallet.
Frêdégonde.
Drame lyrique.
24 avril 1896.
Duvernoy.
Du Locle et C. Nuitter.
Ilellé.
( ipi i.i.
19 février 18*97.
BRENEAU.
E. Zola.
Messidor.
Drame lvrique.
31 mai 1897.
WORMSER.
\ A. Aderer el Roddaz.
Hansen (chorégraphe).
L'Etoile.
Ballet.
10 nov. 1897.
R. Wagner.
R. \V»,,i ::.
Les Maîtres Chanteurs it Nuremberg
Opéra.
8 juin 1893.
Samuel Roosseac
R. Montorgueil et Gheusi.
La (Hache du Rhin.
Drame lyrique.
23 déc. 1898.
Paul Vidal.
E. Bergerat et de Sainte-Croix.
/,</ Bitrgonde.
Opéra.
5 mai 1899.
E. Chabrier.
17. Mikael et C. Mendès.
Bràiis.
Drame lyrique.
29 mai 1899.
/ Méhul avec réci-
J Utils de B.-Do-
!
' COCDRAY.
A. Duvalat A. Sylvi
opéra.
15 dot. 1899.
II. Bkrlr /.
La Prise de Troie.
Poème lyrique.
7 février 1900.
, V. JoNCiÉRES.
L. Gallel -t E. Blau.
Lancelot.
Drame 1; i ique.
15 février 1901.
Xavier Lerodx.
Louis de Grammont.
Aslartê.
86 avril 1901.
Georges lin.
Henry Bouchut.
Le Roi de Paris.
—
-'.'. oct. 1901.
C. Saint-Saisns.
Gheusi el Sardou.
Les llar hures.
1 ragédie lyrique.
3 janvier 1902.
R.Wag: i a.
R. Wagner.
Ij i ique.
21 mai 1902.
i Paul et Lucien
, Gheusi.
1 HlI.LEMAClIER.
Orsola.
—
26 nov. U>n2.
Al. DUVEBNOY.
i.. Ilarlmanii d'après Mermet.
Bacchtts.
1" déc. 1902.
LÉONCAVALLO.
Leoncavali.o.
P
Drame lyi
27 février 1903.
E. Reyer.
M. Carré et J. Barbier.
La Statue.
1
Vincent d'Indy.
Vincenl dïhdy.
■
■ ■' i
1 déc. 1903
/ Mozart i i; cits de
J J. Benedicts,
1 a rrangé;s pa i
1 Paul Vidal,
nie.ii-.'s de Rufl'eralh
| el L. Solvay.
1
1 L'Enlévemt ni au Sérail.
i ipéi i b u
80 avril 1904.
G. Eklangeb.
Ciilulle M
1
14 déc. 1904.
H. WAGNER.
R. W.VGKER.
!
Drame lyrique.
82 déc. 1905.
H. Bdsser.
C. Lomon. J. Hansen
5/i .
Ba i.i .
31 ocl 1906.
.Massenet.
Catulle \i
Ariane.
24 mai 1907.
F. Le Borne.
P. Ferrier el L. Tiercclin.
1
lu. (lin
25 nov. 1907.
H. Mai.:
II. Maréchal et Vanara.
BaJlet-t.
2.: oct. 1908.
R. Wagner.
R. Wagner.
Le Crépuscule det Di
Drame lyi [que.
13 janvier 1909.
II. Kl VRIER.
M. Maeterlinck.
Monna Vanna.
—
5 février 1909.
G. Sain c-Sai i.
i i (
Javolte.
Ballet.
5 mai 1909.
Massenet.
Catulle Mendès.
//./c ■/■'«..
' ipéra.
17 nov. 1909.
R. Wagner.
i 0r du r,
Drame lyrique.
16 février 1910.
Savabb.
I.c.i ni i ailbade.
Lu Forêt.
musicale.
16 février 1910.
Reynu.i..-H , : ,-.
Catulle Mendès.
La Fête che
Ballet.
6 mai 1910.
H. Strauss.
1 '-.'..: \\ '.t.- i ■ -ion fran. Mi-.-.
deMarliave et P. Gailhard
.Soi
Drame musical. —
30 déc. 1910.
G. Hue.
Gheusi et Mécane.
Le Mirm-le.
Drame lvrique.
3 mai 1911.
E. Chabrier.
Jeanne Catulle-.Mendès et Staats.
EspaùB.
Ballet.
9 juin 1911.
Giordano.
P. Mllllet.
Siberia.
Drame lyrique.
22 nov. 1911.
Saint-Saens.
Gallet et Saint-Saens.
Ilejuiiire.
—
S déc. 1911.
L. Lambert.
H. Le Roux, de Dubor, Clustine,
Ballet.
30 mars 1912.
Mm" Ferrari.
Milliet el M»'« Vacaresco.
LeCnhz-ur.
( ipéra.
24 avril 1912.
.1. Massenet.
Henri Cain d'après Parodi.
Roma.
—
30 oct. 1912.
A. Brcneac-.
Naqnet, Bboneatj et Clustine
d'après Euripide.
Ballet.
l.|u>i|iii- eonleuipoi-aine.
S janvier 1913.
29 janvier 1913.
23 juin 1913.
12 sept. 1913.
i juin 1914.
Il mai 1914.
■î\ mai 191 i.
26 mat 191 i.
2 juin 1911.
28 juin 1914.
11 mars 1915.
16 déc. 1915.
V. d'Indy.
V. d'Indy.
Fervaal.
Action musicale.
A. Gailhard.
m. Magre.
Le Sortilège.
Conte.
D'après Chopin, or-
\
Suite de danset
chestration de
H. Gailhard et
P. Vidal.
)
Ballet.
Volf-Ferrari.
Wulf- Ferrari , adaptation de
Les Joyau.r de tu Madone.
M. Lara.
opéra.
R. Wagner.
R. Wagner, version française
d'A. Ernst.
Parafai.
Festival sacré.
Ph. Gauhert.
G. Bernard.
Phiiotis.
Ballet.
A. Bachelet.
Ch. Méré.
Scesto.
Drame lyrique.
R. Strauss.
La Légende de Joseph.
Ballet.
Rimsk.y-Ki.il - \ -
Le Coq d'or.
Opéra populaire.
I. Stravinsky.
D'après Andersen adapt. de B.
Sanine.
Le Rossignol.
Ballet.
M. Steinberg.
L. Bakst.
Mutas.
j Comédie mylholo-
) gique.
Noël et J. Gallon
H. Cain et Adenis.
Uuiisli le Rassit
Ballet.
M. Ravel.
L. I.aloy.
Les Contes de n
i Mèrel'Oye
Ballet-pantomime.
Lully , Charpen-
H. Prunières.
K«e de Nantes.
v Concert du xvnv8
tier, Cesti, etc.
j siècle.
M. Delmas.
Stellu.-.
. luvertae.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
13 janvier 1910.
17 février 1916.
a mars 1916.
TciIAIKOWSKY.
MoNTEVERDI, L.
Rossi, Fr. Ca-
valli, elc.
V.d'Indy.
A. Brcnead.
Max d'Ollone.
AUBER, BeI.LINI,
Berlioz , Ciierc -
Max d Ollone.
H. Caïn el Gastumbide.
orchestrés , F_ Funck.Brentano.
Le Chaut de la Cloche (2« tableau).
L'Ouragan (3" acte).
Les Amants de Rimini (1er acte).
Les Girondins {Ie acte).
Le Roi Artus (3e acte).
Myriale (5" acte).
Graziella (2° acte, 2e tableau).
Carême-prenant.
10 janvier 1917.
8 février 1917.
22 mars 1917.
17 mai 1917.
21 nov. 1917.
25 mai 1918.
1er aTrii 1919.
G juin 1919.
20 juin 1919.
2 juill.-t 1919.
14 juillet 1919.
17 déc. 1919.
25 janvier 1920.
4 mai 1920.
8 juin 1920.
14 juin 1920.
10 juillet 1920.
14 mars 1921.
20 avril 1921.
10 juin 1921.
20 juin 1921.
5 déc. 1921.
M. Ravel.
DoNIZETTI.
G. Fadré.
R. Rose.
C. Franck.
FI. Schmitt.
M. 1, 'OLLONE.
A. Mariotte.
R. Hahn.
Granados.
M. DE Falla.
i Divers, 1830, ar-
rangés par A.
Bases.
!Cimarosa, orches-
tré par Res-
V. d'Indy.
FI. Schmitt.
Fr. Malipiero.
G. Dupont.
G. Grovlez.
H. Berlioz.
M. Ravel.
P. Duras.
M. Ravel.
.1. Massbket.
M. d Ollone.
C. Saint-Saens.
O. Wilde.
Saint-Georges de Bouhélier.
F. Périquet, L. l.aloy.
M. Sievra.
V. d'Indy.
A. Gide, d'après Shakespeare
Fr. Malipiero, H. Pruniéres.
Chékrl-Ganem.
A.Gérard.
H. Berlioz.
Une Fêle chez- La Pouplii
Les Abeilles.
Adélaïde ou le Langage des Fleur
Maria di Rohan.
Proinelhee.
Jeanne d'Arc.
Rébecca.
La Tragédie de Sa/orné.
Le Retour.
Hélène.
Salami.
Fêle triomphale.
Goyescas.
Le Tricorne.
Tuglioni chez Musette.
Fokine (chorégraphe).
Astii;ie féminité.
La Légende de saint Christophe.
Antoine et Cliopâtre.
Sept chansons.
Antar.
Maîmouna.
Les Troyens.
Daphnis et Chloè.
La Péri.
L'Heure espagnole.
P. Milliet et H. Grémont. Ilerodiade.
H. Caïn et E. Adenis d'après I La ilègère apprivoisée.
P. Delair et Shakespeare.
24 mars 1922.
l Ch. Dbbussy. or-
J chestré par H.
1 Busser.
Petite Suite.
1 avril 1922.
Verdi.
A. Boïto et P. Solanges d'à
Shakespeare.
près
Falstaf.
2S avril 1922.
P. PARAT.
L. Bakst.
Artèmis troublée.
1er mai 1922.
J. POCEIGII.
P. Hortola.
Frivolant.
18 mai 1922.
TCHAÏKOVSKY.
M. Petipa.
\ Le Mariage de la Relie
2 juin 1922.
STRAVINSKY.
B. Kochno d'après Pouchkine.
Matra.
17 juin 1922.
Ch. Debussy.
G. d'Annunzio.
Le Martyre de saint Sèba
27 oct. 1922.
H.Rabadd.
S II. Rabacd d'après H. de
Bor-
) La Fille de Roland.
29 nov. 1922.
J. Massenet.
A. Silvestre et E. Morand.
C.risèlidis.
22 déc. 1922
Mozart.
j E. Schikanederet Giesecke, trad
1 La Flûte enchantée.
1 Prod'homme el Kienlin.
\
15 janvier 1923.
G. PlERNÉ.
Caillavet et R. de Fiers.
Cydalist et Chêrre-pied.
13 avril 1923.
M. Mocssorhski.
M. Moussorgski et d'Haicourl
La Khorantchina.
l"juin 1923.
A. Roussel.
L. Laloy.
l'admarâti.
7 juin 1923.
Pizzetti.
i G. d'Annunzio, trad. de A
1 deret.
Do
1 Ph&dre.
31 oct. 1923.
A. Brcneac.
Caillavet el R. de Fiers.
Les Jardins au Paradis .
12 nov. 1923.
Ph. Gaubert.
Fresques.
, Chopin, orchestré
J par L. Aohert,
j ad a p t. p a r E.
( Vcillermoz.
i L. Bakst.
La \uii ensorcelée.
24 déc. 1923.
J. Massenet.
!.. de Gramont.
Esclarmonie,
Concert 1830.
Scène drama-
tique.
Drame lyrique.
i Poème normand
en 4 actes et 5
tableaux.
Concert du xvu*
siècle, musique
recueillie par
MM. Laloy el H.
Quiltard.
Ballet.
Opéra.
Tragédie lyriqu
Drame lyrique.
Drame sacré.
Ballet.
Drame lyrique.
Poème lyrique.
Drame lyrique.
Drame lyrique.
Tragédie lyrique.
Conte héroïque.
Fantaisie-ballet.
Poème lyrique.
Ballet.
Poème dansé.
^ Comé'die musi-
, cale.
Opéra.
Comédie lyriij
Comédie lyriqi;
Ballet.
i opéra-comique.
Mystère.
Tragédie lyrique.
Conte lyrique.
Opéra.
Ballet,
Drame musical.
Opéra-ballet.
Tragédie lyrique.
Ballet.
Divertissement.
Ballet.
Opéra romanesque
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES THÉÂTRES SUBVENTIONNÉS
19 mars 1924.
Ch. Tofrnemire.
E. Berteaux.
Les Dieux sont morts.
Drame lyrique.
Ballet-pantomime.
—
G. Hue.
P. Jobbé-Duval.
Siang-Sin.
10 juillet 1924.
V. d'Indy.
V. d'Indy.
Poème dansé.
27 octobre 1924.
Ch.-M. Widob.
M. Lena.
Nerto.
Drame lyrique.
Film historique.
13nov.l924.
H. Rabaod.
H. Dupuy-Mazuel.
Le Miracle des Loups.
24 déc. 1924.
M. d'Ollone.
J. Sarment.
L'Arlequin.
Comédie lyrique.
Drame lyrique.
16 janvier 1925.
Al. Geoboes.
J. Richepin.
Miarka.
1" mai 1925.
A. Mariotte.
A. Dumas et S. Ch. Leconte.
Eslher princesse d'Israël.
Tragédie lyri q ue.
Conte antique.
1" juillet 1925.
A. Roussel.
Th. Reinach.
La Saissance de la Lyre.
—
J L. Delibes , arr.
! par M. Bcsser.
i Staats.
(
Soir de Fcle.
Ballet.
23 nov. 1925.
A. Bloch.
F. Gregh.
Brocéliande.
Prélude féerique.
—
H. FÉVRIER.
E. Schuré.
L'Ile désenchantée.
Drame musical.
—
J. Ibert.
Mm" Nijinska.
Les Rencontres.
Ballet.
11 juin 1926.
R. Ducasse.
Orphée.
1 Mimodrame lyri-
17 dée. 1926.
P. Ladmibault.
A. Juhellé, G. Cleret.
La Prêtresse de Konjdwen.
} que.
Ballet.
24 déc. 1926.
G. Vebdi.
Piave, trad. E. Duprez.
La Trariala.
Opéra.
11 février 1927.
R. Strauss.
( H. von llofmannthal(trad
/ J. Chantavoine).
fr.de
j Le Cheratier à la Rose.
Comédie musicale.
18 février 1927.
A. HONEGGER.
Saint-Georges de Bouhél
er.
L'Impératrice aux Rochers.
Mystère.
8 avril 1927.
Ph. Gadbert.
M. I.éna.
Naila.
Conte lyrique.
—
G. Pierné.
G. Pierné.
Impressions de Music-Hall.
Ballet.
16 mai 1927.
) RlMSKY-KoRSA-
' KOW.
j Pouchkine et A. Bielki
1 Calvocoressi).
(trad.
( Le Coq d'or.
Conte-fable-opéra.
3 juin 1927.
E. Inghelbrecht.
Ed. Poë.
Le IHalile dans le he/froi.
Ballet.
16 déc. 1927.
J. Mazklier.
R. Gastambide.
Les Matines d'amour.
Fabliau-miracle.
—
M. Dei.ixes.
A. Boucheron, P. de Choudens.
Cyrca.
, Action chorégra-
| phique et sym-
| phonique.
16 janvier 192S.
Svlv. Lazzari.
Sylv. Lazzari.
La Tour de feu.
Drame lyrique.
2 avril 1928.
S G. Pdcciki et F.
( Alfano.
H. Rauauo.
; G. Adami et R. Simoni.
Turandot.
Drame lyrique.
22 juin 192S.
L. Népoty.
Marouf, savetier du Caire.
Opéra.
4 mars 1929.
/ Ravel, Ferroud,
[ Ibert,Poulenc,
1 ROUSSEL, MA-
\ NCEL, DELAU-
! NAY.MlLHAOD,
F Auric.Schmitt,
s
L'Eventail de Jeanne d'Arc.
Ballet.
3 avril 1929.
J. Cantelodbe.
J. Cantelodbe.
Le Mus.
Pièce lyrique.
15 mai 1929.
J. Ibert.
M. Nino.
Persèe et Andromède.
Opéra.
—
R. Manuel.
Dresa.
L'Ecran des jeunes filles.
Ballet.
19 juin 1929.
M. Emmanuel.
Th. Reinach.
Salamine.
Tragédie lvrique.
30 déc. 1929.
Beethoven.
Se. reconstituée par J. Chanta-
Les Créatures de Promèthèe.
Ballet.
voine et Lena.
:
A. PEYTEL.
à H. Ho, in de I
tous nos renie
Comique. (N. D. L. D.]
les renseignements qu
L'ÉDITION MUSICALE
Par Jacques DURAND
HISTORIQUE
Editer (du latin edere, faire sortir, mettre dehors)
exprime l'action d'imprimer et de publier un ou-
vrage.
L'histoire de l'édition musicale se confond, à son
origine, avec l'édition du livre. Les premiers éditeurs
de musique sont en même temps imprimeurs et
quelquefois graveurs et fondeurs de caractères.
En France, le privilège royal accordé à certains
imprimeurs leur donna l'investiture éditoriale en
quelque sorte. C'est après le décret de la Convention
de 1793, instituant la reconnaissance du droit d'au-
teur, que l'édition proprement dite prend son essor,
aidée en cela par les moyens de production toujours
améliorés.
On cite, dès le xvi° siècle, à Venise, Petrucui
comme éditeur-imprimeur; il fut l'inventeur de la
typographie musicale en caractères mobiles, et hi
paraître sa première publication en 1501.
Pierre Hautin, fondeur de caractères, à Paris,
améliore en 1526 ce mode d'impression musicale;
Pierre Attaingnant se sert des caractères de Hautin
en 1527, et fait progresser l'édition musicale. Le
15 février 1552, Henri II octroie à Robert Ballard,
conjointement avec son beau-frère Le Roy, le privi-
lège de seul imprimeur de la musique de la Chambre.
Chapelle et Menus Plaisirs du Roi. Pendant près de
deux siècles, la famille Ballard aura, en quelque
sorte, le monopole d'impression de la musique en
France.
En 1556, Jean Laet à Anvers, puis, à partir de 1561),
Pierre Phalèse à Louvain impriment des œuvres de
Roland de Lassjs. A Venise, en 1565, Antonio Gar-
dano, puis postérieurement à 1567, Adam Berg, à
Munich, et en 1583, Catherine Gerlacu à Nuremberg
font également paraître des œuvres de Roland de
Lassus. Vers la même époque, William Hvrd obtient
à Londres, avec ïallis, la patente de seul impri-
meur et marchand de musique 1575). En 1502, Ric-
cardo Amadino, qui, de 1583 à 1586, s'était associé à
Giacomo Vincenti, éditait à Venise des madrigaux
de Monteverdi et continuait à publier des œnvres de
ce musicien, dont Orfeo (1609).
On cite encore, au xvne siècle, comme éditeurs
de musique, Moreti à Bologne, Zannetti à Rome,
Ti.ni à Milan, Richter à Francfort, Kauffmann a Nu-
remberg, Hering à Dresde, Playford à Londres.
Au xviiic siècle, nous relèverons les noms sui-
vants : à Londres, Walsh et Hare, éditeurs de
Haendel, qui réalisèrent, vers 1730, d'importants pro-
grès dans la gravure musicale; Roger à Amsterdam;
à Paris, Uaillelx, La Cheyardière, Boivin, et Leclerc,
chez lesquels sont déposées les œuvres de J.-Ph.
Rameau. A Nuremberg, Ballhasar Schmidt; à Leip-
zig, Breitkopf, qui publie Bach; puis à Vienne, à la
tin du xviir siècle, Artaria. qui édite les œuvres de
Mozart, Haydn, Beethoven. En 1774, André fonde, à
Offenbach, une imprimerie qui prit une extension
considérable. Pour la période moderne, on peut
citer, au début du xix° siècle, à Paris, Richault, qui
fonda sa maison en 1805, grava et publia un nombre
considérable d'oeuvres tant symphoniques que dra-
maliques de Beethoven, Mozart, Bacb, Haendel,
Meyerbeer, Cherubini, Adam, Donizetti, Boïeldieu,
etc.; Brandcs, éditeur de Meyerbeer; Choudens, édi-
teur de Gounod, Bizet; Heugel, éditeur d'Ambroise
Thomas, Massenet; Dlrand, éditeur de Saint-Saëns,
Faire, Debussy, Ravel, des œuvres complètes de
Hameau; Hamellk, éditeur de Franck; Lemoine, édi-
teur d'ouvraues d'enseignement. A Leipzig, Bheii-
kopf et Haehtel, Peters, Hofueister, Kistner; à Ber-
lin, Botj et Bock, Simrock, éditeur' des œuvres de
Brahms; à Mayence, Schott qui édite des œuvres de
Wagner; à Brunswick, Litolff; à Milan, Bic.ordi; à
Londres, Novello; à Pétrograd, Bessel; à New-York,
Sciurmer.
Avant la guerre de 1914, les éditions classiques
allemandes jouissaient d'une faveur privilégiée sur
le marché mondial. Les événements ont donné l'es-
sor aux éditions classiques françaises, améliorées ou
nouvelles; elles commencent leur vie expansive, et
des résultats très importants sont déjà obtenus.
TECHNIQUE
Pour étudier la technique de l'édition musicale, il
faut remonter au xve siècle. Avant cette époque, se
situe la période xylographique (du grec |ûXov, bois,
et ypaçelv, écrirei, c'est-à-dire la période des signes
musicaux gravés sur bois. On cite des missels dont
les portées seules étaient imprimées en rouge, la
notation étant mise ensuite à la main.
L'invention des caractères métalliques mobiles, au
xV siècle, fut appliquée à l'édition musicale des 1476,
à Home, et permit de produire des missels où la
notation était entièrement composée typographi-
quement au moyen du double tirage, les lignes de
portée d'abord, les notes ensuite. C'est à la France
que revient l'honneur d'avoir inauguré l'impression
musicale à tirage unique, au moyen de caractères de
notes et de fragments de lignes formant la portée
(en 1525). Un peu plus lard, on essaya d'introduire,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ORPHÉON 3535
dans l'impression, des caractères de noies arrondies;
les notes, en forme de losange se maintinrent, néan-
moins, dans la typographie musicale, jusque vers la
moitié du xvnie siècle.
L'écriture musicale se compliquant, on fut amené
à chercher un procédé plus commode pour l'agen-
cement des notes que l'emploi des caractères mobi-
les, el c'est, sans doute, à la fin du xvi° siècle, que
la gravure sur cuivre, au moyen d'un burin, se
généralisa (vers 1 : i 8 6 ) . La gravure de musique et la
typographie musicale se sont développées ensuite
avec des l'ortunes diverses, la gravure arrivant,
néanmoins, bonne première. La typographie musi-
cale peut rendre, toutefois, des services dans des
cas spéciaux où le texte musical se trouve incorporé
au texte littéraire, comme dans les méthodes, par
exemple. Ce procédé ne s'est pas beaucoup répandu,
sauf en Angleterre, pour certaines éditions populai-
res. L'effet n'en est pas heureux au point de vue de
la présentation.
C'est seulement au xvin0 siècle que l'on eut l'idée
d'adjoindre au burin des poinçons représentant cer-
tains signes musicaux (clefs, notes, etc.), frappés sur
la planche à l'aide d'un maillet, la finition
sure étant confiée au burin.
Vers 1730, pour faciliter la frappe, la planche de
cuivre a été remplacée par la planche d'étaii. allié
au plomb. La planche, gravée en négatif, était tirée,
naguère, en taille-douce, comme l'on tire une es-
lampe. C'est-à-dire que la planche, préalablement
encrée an tampon, était placée sur la presse, recou-
verte de papier, puis, après un serrage convenable,
venait l'épreuve imprimée.
En 1702, naquit à Munich la lithographie qui, peu
à peu, modifia la manière d'imprimer la musique.
Ce procédé, connu d'abord sous le nom à'impression
chimique, fut introduit, en France, aux environs de
1802. Il s'y implanta vers 1815, mais servit d'abord
à populariser les dessins de l'époque romantique.
Ce n'est que vers la deuxième moitié du xix° siècle,
que ce procédé, appliqué à l'édition musicale, lui
donna un essor considérable au moyen du report.
Le tirage en taille-douce a le grand inconvénient
de fatiguer la planche; avec la lithographie, cet
inconvénient disparaît. La planche sert de matrice;
une épreuve, prise directement sur la planche au
moyen d'un papier spécial, appelé chine, est ensuite
décalquée sur une pierre lithographique (calcaire
compact du terrain jurassique). Cette opération s'ap-
pelle report.
La pierre ainsi préparée, placée sur une machine
à imprimer, où elle est encrée automatiquement,
pourra tirer quelques milliers d'exemplaires de la
planche.à reproduire. Le tirage terminé, la pierre est
nettoyée et prête à servir pour un nouveau report.
Actuellement, on tend à faire les reports par des
procédés photographiques, les pierres étant rempla-
cées par des zincs disposés ensuite sur machines
rotatives à grand rendement. On cherche aussi à
mettre au point une machine à écrire la musique
pour remplacer la gravure en usage, ou, tout au
moins, pour la concurrencer.
Les formats habituels dans l'édition musicale sont :
['in-quarto Jésus, correspondant cà une feuille de
54 centimètres sur 70 centimètres, pliée en qualre;
Yin-quarto raisin, correspondant à uni' feuille de
papier 50x65 pliée en quatre;
l'in-octavo colombier, correspondant à une feuille
de papier 61 x90 pliée en huit;
Vin-octavo grand Jésus, correspondant aune feuille
de papier 56X76 on 51 ?8 pliée en huit;
Vin-16 Jésus ou colombier, correspondant à une
feuille de papier 56X76 ou 61X00 pliée en seize.
Le papier, employé généralement pour imprimei
la musique, et qui donne les meilleurs résaltats, est
celui que l'on fabrique avec de Valfa, plante de
l'espèce des graminées poussant communément en
Algérie. Suivant un terme de métier, le papier d'alfa
est amoureux de l'encre lithographique et typogra-
phique. Avant lùli, l'Angleterre était grande pro-
ductrice de ce papier. Elle importait l'alfa comme
fret de retour, à des conditions déliant toute concur-
rence. Maintenant, le marché français tend à se
libérer en ce qui concerne le papier en général. Des
fabriques se fondent en Algérie même pour traiter
l'alfa, et les résultats obtenus sont des plus encou-
rageants.
Les éditions musicales se présentent soit sous
forme de fascicules non cousus, avec un titre cou-
verture en papier de couleur, soit sous forme de
volumes brochés, comme les partitions d'opéra. Cer-
taines œuvres d'enseignement sont cartonnées.
Jacqx-es DURAND.
NOTATION MUSICALE A L'USAGE DES AVEUGLES
D'APRÈS LE PROCÉDÉ LOUIS RRAILLE
Par Albert MAHAUT
Certainement, je puis jouer les fugues de Sébastien
Bach; je puis jouer du Widor, du Saint-Saëns, du
Franck, et tout ce que vous voudrez...
Donnez-moi, je vous prie, mais pointée en Braille,
la dernière œuvre parue, et je me fais fort de suivre
de bien près les plus avides de nouveautés.
Voulez-vous voir plutôt? J'ouvre mon livre; j'en
tourne les feuillets perforés de toutes parts. Mon
doigt court sur cette foule de points; ces points,
diversement combinés, me donnent le sens des notes,
des valeurs, des silence*, de tous les signes musico-
graphiques possibles. Non, sans doute, je ne puis
exécuter et lire simultanément; cela même pour-
tant me serait facile, ne s'agit-il que d'une partie à
vocaliser, d'une pièce de plain-chant à accompagner
à l'orgue, la basse aux pieds, l'harmonie à la main
droite, tandis que la main gauche suivrait le chant
sur le cahier. Mais nous sommes en présence d'un
ensemble, d'un morceau de piano ou d'orgue; pour
l'exécuter, il me faut l'apprendre par cœur : j'ai une
bonne mémoire, ce ne sera pas long1.
Je vais donc m'y mettre tout de bon; assis au
piano, mon livre sur les genoux, je cherche la pre-
mière page, je passe sur le titre, je lis rapidement
les indications générales de mouvement, d'expres-
sion, etc. A la fin de la ligne dans un même groupe
de signes, j'ai l'armure de la chef et la mesure,
l'une et l'autre données une fois pour toutes en tête
du morceau,
• • • •• •
• • •
• • •
•
• •• • •
• • •• • ••
• • • •
• • •
F 0 C 0
L
E N T 0 .
# # #
Va
et, sans perdre de temps, j'arrive au texte propre-
ment dit... Ne cherchez pas à vous y reconnaître : vos
notions habituelles vont être renversées. Ici, rien
n'est superposé, tout est aligné successivement. Mon
doigt suit la ligne, inflexiblement de gauche adroite,
passe à la ligne suivante qu'il suit de même, et
ainsi de suite, distinguant l'un après l'autre chacun
des signes, très vite, toujours courant (les lettres
M. D. m'indiquent une phrase de main droite) :
M . D .
Je parcours cette première phrase; elle est courte
et peut être retenue à première ou à seconde lecture.
Je poursuis, et je trouve immédiatement la phrase
de main gauche correspondante (annoncée par les
lettres M. G.) :
J'assemble les deux; j'exécute le passage; j'ap-
prends le fragment suivant que j'unis au premier; je
continue cette opération familière jusqu'à la cadence
finale; je joue le tout, et si, après cela, j'ai besoin de
respirer, je vais tout simplement faire un tour de
jardin.
Mais bientôt je rentre, et non sans espoir de
vous intéresser par de nouveaux détails, fût-ce
même quelques détails techniques, courts d'ailleurs,
je n'ai nullement le but de donner l'exposé com-
plet du système, mais simplement d'en tracer l'es-
quisse, avec des explications et des exemples suffi-
sants pour rendre déchiffrables à qui le désirerait
un texte musical de difficulté moyenne noté en
Braille.
Donc, je le répète, plus de portée, plus rien de
commun avec les dispositions usuelles. Sept signes
différents formés de deux, trois, ou quatre points,
représentent les sept notes de la gamme : ce sont
les cioches :
*mes signes, transformés par l'addition d'un | point en bas à droite, d'un point en bas à gauche,
ou des deux points réunis, deviennent, tour à tour,
noire se développe si npiilièrcm^iit .lie/ les aveugles, ' des noires, des blanches, des rondes :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTATION MUSICALE 3837
do
fa
La double croche s'exprime comme la ronde; la
triple, comme la blanche; la quadruple, comme la
noire, sans confusion possible : l'examen de la
mesure fixe instantanément sur le véritable sens du
signe s'appliquant tantôt à une valeur longue, tan-
sol
tôt à une valeur brève. Ainsi, la ronde se trouvant
entre deux barres de mesure ne pourrait être con-
fondue avec la double croche, qui serait nécessaire-
ment entourée de plusieurs autres valeurs :
•: r
D'autres signes représentent les silences : il y en a
quatre. Comme pour les valeurs, le même signe a
unejdouble signification se rapportant, selon le cas,
à un silence de longue durée ou à un silence de courte
.(-
durée; la pause est semblable au quart de soupir,
la demi-pause, au huitième de soupir, le^soupir, au
au seizième de soupir :
La position des notes sur l'échelle musicale est
déterminée par sept clefs différentes appelées clefs
d'octave1. Chacune des sept octaves formant l'éten-
due du clavier a donc sa clef spéciale : clef de pre-
mièrejoctave pour les notes les plus graves du cla»
vier; clef de septième octave pour les notes les plus
aiguës : le la du diapason serait déterminé par la
clef de quatrième octave :
La clef s'écrit immédiatement avant la note dont
elle détermine l'octave.
La première note d'un morceau ou d'une de ses
divisions doit toujours être fixée par sa clef d'octave.
Lorsqu'une note forme avec celle qui la précède
un intervalle de seconde ou de tierce, la clef n'est
jamais répétée :
Au contraire, elle l'est toujours, lorsque cette
note forme un intervalle qui atteint et dépasse la
sixte :
Lorsqu'une note forme avec la précédente un
intervalle de quarte ou de quinte, la clef d'octave
n'est marquée de nouveau que s'il y a changement
d'octave :
ENCi CLul'EDIE DE LA MU.iKiLU ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Ces trois règles assurent la clarté pour tous les
cas possibles.
Et les accords.' Nous lisons les accords comme le
reste, en signes alignés et non superposés. Une note
seulement est écrite : celle de la partie haute pour
la main droite, celle de la basse pour la main gau-
che ; suivent des signes d'intervalles, seconde, lierce,
ctc.,selonles intervalles formés entre la note extrême,
la seule effectivement, écrite, et les autres notes de
l'accord :
seconds tierce quarte quinte sixte septième octave
Toutes les notes de l'accord sont plaquées ensemble et ont la même durée que la note initiale
S'agit-il de parties simultanées, parties doubles
ou triples, avec des rythmes différents'.' Mous écri-
vons alors chaque partie intégralement et toujours
successivement; chacune d'elles doit former une
mesure complète, d'où parfois l'obligation d'intro-
duire des silences qui n'existent pas en réalité sur
le texte des voyants. Un signe nommé copule (du
latin copala, lien) est placé entre les parties qui doi-
vent être exécutées ensemble, et en indique la simul-
tanéité :
La barre de mesure (un espace laissé en blanc":
n'apparaîtra qu'après la dernière partie écrite.
Telle est notre manière de disposer; telles sont
les grandes lignes de notre procédé Braille.
Les autres signes en usage dans la notation ordi-
naire tiouvent leurs correspondants dans la nôtre :
doigté, liaison, signes d'articulation, etc., etc. D'a-
près des conventions très déterminées, certain».xle
ces signes se placent avant la note, d'autres se
placent après. Tout est prévu, tout est ordonné pour
assurer la clarté et le plus de rapidité.
Tableau des signes qui peuvent accompagner une
note, dans l'ordre de leur proximité par rapport à
cette note.
Avant la note : clef d'octave, altérations, petite
note, gruppetto, mordente, trille, piqué.
Après la note : point, double point, doigté, liaison,
signe d'intervalle, double barre.
Grâce donc à celte méthode claire et rapide1, j'ap-
prends et j'interprète. Grâce à elle, j'écris et j'ensei-
gne. Grâce à elle, pour tout dire, j'existe... Qu'il
s'agisse d'art, ou de métier, je suis armé. Et j'ai
autour de moi tout un groupe de collègues ou d'élè-
ves, qui vivent ou qui vivront par celte méthode.
Braille, l'aveugle français qui imagina cette mer-
veille d'ingéniosité, transforma le sort de ses fils
dont nous sommes. Mai y, notre premier initiateur,
avait lancé l'idée de l'aveugle musicien; Braille l'a
rendue féconde en mettant à son service ce procédé
sur, pratique, parfaitement approprié aux besoins et
aux aptkudes de ceux qu'il devait relever.
L'histoire des aveugles n'est pas vieille : avant
Haï y, rien n'avait été tenté. La charité s'ingéniait à
adoucir leur sort matériel, mais nul n'avait songe à
instruire et à utiliser ces êtres plongés dans la nuit.
Valent'm H Ai y, né en 1745, mort en 1822, le premier,
eut la révélation de ce que pouvait donner l'aveu-
gle. Le doigl pouvait se substituer à l'œil, il le comprit.
Passionnément, il s'attacha à cette cause si nouvelle.
Il réunit quelques enfants aveugles, imagina pour
eux des caractères tangibles el ses élèves lurent.,,
Ses essais firent grand bruit, même à la cour. Son
œuvre, emportée dans la tempête révolutionnaire, se
reconstitua sous le premier Empire. Une institution
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTATION MUSICALE 3839
fut officiellement ouverte à Paris pour élever les
aveugles et mettre entre leurs mains une profession.
Tout de suite, la musique apparut comme le domaine
le plus propice à leur activité. Cependant, les pro-
grès étaient lents et sans résultats bien positifs. On
avait repris les caractères d'HAÛY, caractères linéai-
res, semblables aux lettres des voyants, mais aucune
notation n'existait, et les efforts étaient en grande
partie stériles. Vainement Haut traçait-il des por-
tées revêtues de signes en relief; cela ne donnait
rien de pratique. Pour la musique, comme pour les
lettres d'ailleurs, il fallait renoncer aux dessins
linéaires difficilement saisissables au doigt Le mode
de perception étant différent, il fallait des signes
différents. On eut l'idée du point, perçu instantané-
ment, tandis que la ligne, qu'il faut contourner, est
perçue lentement.
C'est de l'idée du point que Braille, né en 1809,
mort en 1852, s'empara; tout jeune professeur à
l'Institution nationale des Jeunes Aveugles, où il
avait été élevé, il appliqua son esprit vif et sagace,
essentiellement méthodique, à l'élaboration de son
système basé sur l'emploi du point en relief. Il le
publia en 1829. Propre également aux manuscrits et
à l'impression, aux lettres, aux chiflres, enfin et
surtout à la musique, le procédé nouveau résolvait
le grand et difficile problème posé par HaCy. En-
thousiasmés, les professeurs aveugles accueillirent
la notation pointée et l'enseignèrent à leurs élèves.
Toutefois, pendant plus de vingt ans, et jusqu'à la
mort de l'inventeur, le système" Braille ne fut qu'of-
ficieusement enseigné à l'Institution. Les directeurs
voyants acceptaient mal l'idée d'un système conven-
tionnel, si totalement différent du système ordi-
naire. Mais les points de Braille seuls réussissaient;
les expériences des intéressés, les meilleurs juges,
devenaient de plus en plus concluantes; en 1854,
deux ans après la mort de Braille, son système fut
adopté officiellement, et servit à l'impression de la
musique et des livres scolaires.
De Paris, et bien vite, le Braille se répandit dans
les écoles de la province et de toutes les nations
européennes; partout, il fut acclamé et adopté. En
Angleterre surtout, comme en France, l'enseigne-
ment musical prospéra; les écoles d'aveugles devin-
rent de sérieuses écoles de musique. Les imprimeries
se multiplièrent; les bureaux de copie s'ouvrirent;
de riches bibliothèques répandent leurs manuscrits,
lettres et musique, dans la foule des lecteurs aveu-
gles; un grand obstacle est brisé; la nuit est vaincue.
Oue dire maintenant des résultats? Ne suffit-il
pas de rappeler vos souvenirs ? Qui donc n'a entendu
un organiste aveugle? Je cite l'orgue comme étant
notre instrument de prédilection; mais combien
d'instrumentistes, en tous genres, consciencieux,
sinon tous virtuoses, sont sortis de ces nouvelles
écoles! D'ailleurs, le Conservatoire est un lieu bien
connu des fils de Braille et d'HAuv : de 1850 à 1903,
30 aveugles ont passé par les classes du Conserva-
toire, et 2t ont été couronnés. Les classes d'har-
monie, de fugue, d'orgue, sont particulièrement
suivies par les étudiants aveugles. A la classe d'or-
gue seulement, depuis 1886, alors qu'un aveugle,
actuellement organiste à Saint-François-Xavier,
M. Adolphe M\rty, ouvrit le feu, huit anciens élè-
ves de l'Institution nationale concoururent; sur
ces huit, quatre quittèrent la classe avec le Ie'' prix,
M. Marty en tète, et deux avec le l,r accessit. Une
femme aveugle, MH« Joséphine Boulay, professeur à
l'Institution nationale, est trois fois lauréat : Ie' prix
d'orgue, 1" prix de fugue, et 2e prix d'harmonie.
Pour l'exercice 1903-1904, deux aveugles sont admis
à In classe d'orgue, un à la classe d'harmonie et un
à la classe de fugue.
Mais en dehors de ceux-là, combien d'autres,
honnêtes musiciens, trouvent dans leur art, en même
temps que le meilleur de leurs joies, un utile emploi
de leur vie! Plusieurs centaines de paroisses, à
Paris et
en province, sont pourvues d'organistes
aveugles; ils sont appréciés, recherchés par les
familles, par les pensionnats, pour l'éducation musi-
cale de la jeunesse; et qu'ils abordent les hautes
études ou qu'ils gagnent modestement leur vie, dans
tous les détails rie leur carrière, cette musicographie
pointée leur donne son concours indispensable, et
toujours efficace, résolvant toujours d'une manière
pratique les difficultés qui proviennent de leurcécité.
La notation Braille est donc plus qu'une intéres-
sante nouveauté, c'est un bienfait pour toute une
classe d'êtres longtemps délaissés, aujourd'hui éman-
cipés, qui ont pris rang dans le monde intellectuel
et artistique, dans le monde des laborieux et des
vaillants.
Albert MAHAL'T.
3840 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Table générale des signes.
OCTAVES LE
L'ÉCHELLE
MUSICALE
• • • •• •• • • • P°u f
• • • •• •• • • • L
• • • • • • • ' -
•• • •• •• • • • 0 ,,V 0
• • • •• •• • • • r u
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SILENCES ET
ALTÉRATIONS
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•• • * •• • • •• • <
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ade 3c6 vte 5U àU 7me 8ve |
DOIGTERS
paroles d
TRÉMOLO .• ffff
SIGNES
DIVERS
• •• • ••
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r
• ••
• • •
reprendre sur 2m a,
î mesures reprendre lin. '*
• • •• •• ••• •<
Substitution
• • ••
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Marche . péri
dant la
nesure
• • •
• • •
• •
• •
•
• • •
•
•
• •
•
• •
un
lm.
Zm?
10 m
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE EN FRANCE'
Par Arthur POUGIN
Quoique le premier essai d'une publication pério-
dique relative à la musique remonte, en France, à
plus d'un siècle et demi (1756), comme on le verra
plus loin, la presse musicale n'existe réellement chez
nous que depuis 1827, c'est-à-dire depuis l'appari-
tion de la Revue musicale fondée par Fétis. Mais ce
n'est pas à dire que, dès le xvne siècle, les questions
musicales ne trouvent pas d'écho dans nos premiers
périodiques, la Gazelle de Itenaudot, à partir de
1631, celle de Loret à partir de 1650, et le Mercure
(jalant à partir de 1672. Nous voyons, en elFet, la
Gazette de Henaudot enregistrer, en 1645, les impres-
sions produites par les représentations en musique
données à Paris sous l'action de Mazarin; elle sou-
ligne notamment l'admiration que suscit.i la Finta
Pazza de Strozzi. Plus tard, en "1647, elle consacre à
VOrfeo de Luigi Rossi d'intéressantes et pittoresques
remarques, tout en mettant diplomatiquement en
balance le goût français et le goût italien. A propos
de l'Ercole amante de Cavalli (1662), la Gazette el la
Muze historique de Loret marquent bien la persis-
tance du goût français pour le ballet de cour tradi-
tionnel, car toutes deux tiennent simplement la pièce
de Cavalli pour un ballet comportant des intermè-
des dramatiques.
Pendant la période Lullyste, nos trois périodiques
publient des articles sur les œuvres du Florentin.
.Nous citerons en particulier les « conversations sur
l'opéra » insérées dans le Mercure de 1073. La presse
ne manque pas non plus de signaler les réunions
musicales de tout ordre qui ont lieu durant la se-
conde moitié du xvue siècle, et qui vont se multiplier
au début du xvnie. C'est ainsi qu'en mai 1688. le Mer-
cure déclarait que rien n'était plus à la mode que la
musique, alors qu'il écrivait, en novembre 1713, qu'à
Paris, sonates et cantates, naissaient sous les pas. A
telles enseignes qu'on peut dire que, si la France ne
possède pas, avant 1756, de presse musicale, au sens
strict de presse spécialisée, toute la presse, de par le
large accueil qu'elle ménage aux choses de la mu-
sique, peut être tenue pour une presse musicalisée.
Depuis l'institution du Concert spirituel (1725), le
Mercure fait paraître régulièrement des comptes
rendus des séances de ce concert, comptes rendus
qui constituent une source précieuse d'informations.
Officiel et conciliant, selon l'heureuse expression de
M. Paul-Marie Masson, il note par le détail les im-
pressions ressenties par les auditeurs, notation d'au-
tant plus intéressante qu'au xvuie siècle, il y a cons-
tamment échange de vues entre les auteurs et le
t. Cel article a été révisé
DÙ9 prions de vouloir bien
public, les premiers se préoccupant avant tout de
donner satisfaction au goût du second-. En outre, le
Mercure présente une copieuse rubrique Spectacles,
ainsi que des annonces de publications musicales
qui permettent de préciser les dates d'apparition
de celles-ci. Enfin et surtout, il enregistre les tumul-
tueuses querelles musicales que le siècle vit naître,
ainsi que les innombrables polémiques, si riches en
indications sur le goût national et auxquelles prend
part toute la société française, tant est grand son
engouement pour la musique. C'est, à partir de 1733,
la lutte entre Lullysles et lîamistes, lutte assez
complexe qui résulte de facteurs multiples : opposi-
tion du goût français et du goût italien, caractère
populaire de la musique de Iai.i.y en présence du
faciès aristocratique de l'art de Rameau, résistance
du goût français à la musique pure qui, pourtant,
se développe rapidement dans le premier tiers du
xvine siècle.
Rameau, comme plus tard Gluck, a écrit à plusieurs
reprises dans le Mercure, lequel rapporte soigneuse-
ment les apparitions successives des Boudons de
1729 à 1752, et expose les divers aspects de la guerre
qu'ils provoquèrent. De même, lorsque Gluck vient
en France, les polémiques esthétiques que déclan-
chent ses œuvres, et la querelle des Gluckistes et
des Piccinnisles emplissent le Mercure.
11 convient de signaler aussi les Affiche.-: de Paris
ii partir de 1745, puis les Annonces, affiches et av-is
divers el l'Avant-Coureur, qui ouvrent leurs colonnes
aux comptes rendus musicaux ainsi qu'aux publica-
tions de compositions musicales.
Lorsque Fétis entreprit la publication de sa Revue
musicale, qui n'était point parfaite sans doute, mais
qui était singulièrement intéressante et remarqua-
blement variée, grâce aux vastes connaissances de
son directeur, l'Allemagne nous avait montré la voie
depuis un siècle, et se trouvait en possession d'une
presse spéciale qui rendait les plus grands services,
en répandant dans le public non une instruction
technique qui ne peut être utile qu'aux artistes, aux
professionnels, mais une somme de principes géné-
raux qui lui permettent d'asseoir ses jugements sur
une base solide, de les formuler d'une façon raison-
née et en connaissance de cause. Cet ensemble de
principes bien compris n'enlève rien au tempéra-
ment individuel, n'empêche point que, selon le goût
de chacun, telle manifestation artistique plaise ou
déplaise, mais il donne la faculté d'analyser les sen-
salions, les impressions reçues, et de dire pourquoi,
en ell'el, telle œuvre ou tel artiste touche notre sén-
ats. [N. D. L. D.]
Copyrigth by Librairie Dela^rave, 1930.
i;,£*7ui<a' J'ene fiistutrr du goût musiral en France
>sidc!e, 1012, p. ls.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
timent de telle et telle façon et provoque en nous le
plaisir ou le déplaisir, justifie notre blâme ou légi-
time noire enthousiasme. C'est là le rôle de la presse
musicale, et il est assez noble, assez élevé, pour que
l'on puisse constater sa très réelle utilité.
Le premier écrit périodique musical publié en
Allemagne fut la Critiea Musicu, que Mattheson, déjà
fameux alors non seulement par ses œuvres et par
ses écrits, mais par son duel avec Haendel, fit pa-
raître à Hambourg, en 1722. C'est aussi à Hambourg
que le compositeur Scheibe, futur maîlre de cha-
pelle du roi de Danemark, donna pendant quelques
années (1737-1740) son Critischer Musicus, « le Mu-
sicien critique », lequel fut assez vivement pris à
partie par le théoricien Laurenl Mi tzi.eh, qui, de son
côté, publiait à Leipzig un périodique intitulé Musi-
kaiische Bibliothek, « Bibliothèque musicale » (1736-
1734), et un autre, auquel il donna le titre singulier
de Musikalischer Staarstecher, <• l'Oculiste musical »
(1740). Dans le même temps, paraissait à Brunswick
un journal anonyme, Der Musikaiische Patriot, « le
Musicien patriote » (1741-1742). On vit ensuite le
célèbre théoricien Maritrg publier successivement à
Berlin Der Critischer Musicus an der Spree,« le Musi-
cien critique de la Sprée » (1750), Historich Kritische
Beitriige zur Aufnahme der Musik, « Essais historico-
critiques sur les progrès de la musique » (1754-4778),
el Kritùehe Briefe ûber die Tonkunst, « Lettres cri-
tiques sur la musique » (1759-1764). Puis, ce fut le
compositeur et musicographe Jean-Adam Hilleu,
qui donna à Leipzig ses Wœchenlliehe Nuchrichten
und Anmerkungen die Musik belreffend, « Notices
hebdomadaires et observations concernant la mu-
sique » (1766-1770), que l'on considère comme la
première véritable revue musicale ; le fameux abbé
Vogler, le futur maître de Carl-Maria de Weber et
de Mevi.rbeer, qui publia ses Betrachlungen der
Mannheimer Tonschule, ■< Journal de l'Ecole de mu-
sique de Mannheim » (1778-1781); l'historien Forkel,
qui fit paraître sa Musikalisch-K.ritische Bibliothek
(1778-1779), et le célèbre critique Reichardt, à qui
l'on doit non seulement le Musikalisches Kunstmatja-
zin, « Magasin de l'art musical » (1782-1791), mais
tussi le Musikalisches Wochenblatt, « Feuille hebdo-
madaire de musique » (1792), el la Berlinisohe Musi-
kaiische Zeitung, ^Gazette musicale de Berlin » (1805-
1806). A signaler ensuite le Magazin der Musik de
Cramer (Hambourg, 1783-1786); la Musikaiische Real-
zeitung, « Gazette musicale» de Bossler (Spire, 1788-
1790), et la Musikaiische Correspondent (1791-1792),
du même; la Berlinische Musikaiische Zeitung, de
Spazier (1793); le Journal der Tonkunst, « Journal de
musique » de Koch (1795); et enfin la célèbre Allge-
1. fille n'en eut pas motus [..irl'ois des reproches à se faire, particu-
lièrement en ce qui concerne l'opinion exprimée sur quelques iruvres
de Bi m n. C'est ainsi qu'en 1805, la Gazette analysait en ces termes
l'admirable Sonate à Kreutser : « Il faut cire saisi .l'une sorte de
terrorisme musical ou entiché de Bkithoven jusqu'à l'aveuglement pour
ne pas voir ici la preuve que, depuis quelque temps, le caprice de BEk-
rHnvKsest, a vint toutes choses, d'être .mire que les autres gens. Cette
sonate est écrile pour deux virtuoses qui ne rencontrent plus de dif-
ficultés, el qui on même temps possèdent assez d'esprit et de savoir
musical pour, en \ joignant l'exercice, pvai'otr au besoin composer Las
riiéoir* irm-rrs. lin firesto plein d'cfl'et, un audai<te original et beau
■ vec des variations on ne peut plus bizarres, puis encore un'presto,
la composition la plus étrange, qui doit être exécutée dans un moment
.... l'on veut goûter de t te qu'il y a de plus grotesque. » L'année
suivante, ayant ;i parler de Fnlelio, la Gazette ne craignait pas de
.lire : Le tour ne brille ni par l'invention ni par le style. L'ouver-
ture se compose d un long toi agio qui s'égare dans tous les tons, auquel
succède un allegro en ut, qui n'a rien de bien remarquable et qui, par
exemple, ne soutien! pas la comparaison a\ec l'ouverture du ballet de
meine Musikaiische Zeitung, <■ Gazette générale de la
musique » publiée à Leipzig par la puissante maison
Breitkopf et Hartel, dirigée d'abord par Hochlitz,.
plus tard par Finck, à qui succéda Selma Bagge, qui
compta au nombre de ses rédacteurs Gottfried We-
ber, Ignace Seyfried et le fameux humoriste Hoff-
mann, et dont l'existence brillante se prolongea
durant tout un demi-Siècle, depuis le 3 octobre 1798
jusqu'à la fin de 184-8, pour être reprise un peu plus
tard, pendant deux années, mais sans retrouver son
éclatante notoriété. On peut dire de la Gazette géné-
rale île ht ntiisi'/iie qu'elle fut certainement, en son
temps et pour sa spécialité, le modèle des journaux
allemands. Sa renommée ne fut surpassée par au-
cun autre journal, el l'intluence énorme qu'elle
exerça pendant nombre d'années, tout à lit l'ois sur
le public et sur les artistes, se répandit et rayonna
sur tous les pays de langue allemande1. Et j'allais
oublier l'excellent recueil intitulé Cœcilia, que les
frères Schott publièrent à Mayence, à partir de 1821.
el qui, dirigé alors par Gottfried Weber, passa en-
suite, à la mort de celui-ci, aux mains de Dehn, qui
ne le laissa pas déchoir. La publication de Ca ■';< -
poursuivit jusqu'en 1848.
Tel était l'état de la presse musicale en Allemagne-
lorsque Fétis eut l'idée de fonder en France sa Revue
musicale. L'entreprise était courageuse, on pourrait
presque dire audacieuse, en présence du peu de suc-
cès obtenu par celles qui l'avaient précédée. Le pre-
mier essai tenté en ce sens datait déjà de soixante-
dix ans. En effet, c'est au mois de mars 1756 que
paraissait, à Paris, le premier cahier d'une publica-
tion dont le titre, peut-être un peu développé, était
du moins suffisamment expressif : Sentiment il'itu
Imrmoniphile sur dif/'erens "«r/u./et de luusiijite-. Ce
premier numéro formait un fascicule de 84 pages
in-12, accompagné de trois grandes planches de mu-
sique, avec, en téie, l'épigraphe célèbre : Amiens
Sacrâtes, et amicus Plato, magis atniea oeritas. Qui était
l'auteur, ou quels étaient les auteurs de cette publi-
cation dont l'existence fut si courte, malgré le réel
intérêl qu'elle offrait, —car ce premier numéro ne fut
suivi que d'un second, et le recueil en resta là'.' Fétis
a cru pouvoir affirmer que l'abbé Laigieu était le
seul rédacteur du Sentiment d'un harmoniphile, tan-
dis que Quérard cite Leris et Morambert au nombre
de ses collaborateurs. J'ai des raisons de croire que
Quérard est dans la vérité, et je supposerais volon-
tiers que Laugier et Morambert (et peut-être quelque
autre encore) furent les vrais auteurs de la publica-
tion, qui était sans doute dirigée par de Léris.
L'abbé Laugier, qui était né à Manosque le 25 juil-
l'ruatethee. Les morceaux de .1. a ni n ont aucun motif neuf; les chœurs
sonl sans effet, et celui qui indique la joie des prisonniers en respi-
rant le grand air est évidemment manqué. >. Plus titrd encore, la Ga-
zelte caractérisait ainsi le beau quatuor en 011 \, op. 74, dédié an
prince Lobkoxxil/ : « Plus grave que gai, plus profond et plus plein
d'arl qu'agréable et plaisant. Il n'est pas désirable que la musique ins
Irntnentale s'égare dans cette manière. Le quatuor n'a pas pour objet
de célébrer la mort, de peindre les sentiments du désespoir, tuais
d'égarer 1 ame par un jeu doux et bienfaisant de l'imaginalion. ..
a. Avec la rubrique ordinaire i A lizwterdam. Et se trouve à Pa-
ris, elie/ Jouberl, imprimeur-libraire du lioi, rue Dauphine ; Uuchcsiic,
eue Saint-Jacques, auprès de la Fontaine Saint-Benoit, au leinplcdu
Goût; Lambert, rue et à coté de la t'.nnie.lio-l-'rançaisc, el aux adresses.
Ordinaires pour la musique. •• — Il esl a peine besoin de .lire que les
deux seuls numéros parus du Sentiment d'un Itarmoniphile sont
qourd'hui rarissismes, pour ne pas dire introuvables. J'ai la chance
pourtant de posséder le premier dans r
maigre toutes mes recherche
i nombreuse l
bliolhèque.mais,
i pu parvenir à rencontrer
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3843
let 171:), et qui mourut le 8 avril 1769', s'occupa
toute sa vie de musique avec aclivité et d'une façon
sérieuse. Lors de la grande querelle des Rouffons,
ouverle par la Lettre sur la musique française de Jean-
Jacques Rousseau, il prit part à la polémique avec
une brochure intitulée Apologie de la musique fran-
çaise eontre M. Rousseau, qui est certainement l'un
des écrits les plus intéressants de la série et l'une des
meilleures réponses qui aient été faites à l'auteur du
Ih'iin du village. L'abbé Lchisot de Moramhert était,
lui, musicien de profession. Né à Paris en 1721, il
s'y fit une situation comme professeur de musique
et de chant. Quant a Antoine de Léris, premierhuis-
sier de la Chambre des comptes de |Paris, qui était
né :i Mont-Louis (Houssillon) le 21 février 1723, et qui
mourut à Paris en 179"», c'était un amateur très actif
et très distingué de théâtre et de musique, à qui
l'on doit un livre excellent en son genre, le Diction-
naire portatif, historique et littéraire des théâtres,
dont la première édition, anonyme, parut en 1754,
et dont la seconde, portant son nom, fut publiée en
1763, avec un supplément important2. Ce livre est
un catalogue analytique bien fait de toutes les pièces
jouées ou seulement imprimées en France, depuis
les origines du théâtre, donnant la date précise de
leur apparition, avec un résumé historique de ces
origines, une chronologie des auteurs, une table
chronologique des opéras, et un dictionnaire biogra-
phique des auteurs, musiciens et acteurs.
Ces trois hommes, Lalt.ier, Morambert et de
Léris, étaient donc bien préparés à entreprendre et
à soutenir une publication comme celle qu'ils entre-
prenaient, et qui pourtant succomba sous l'indiffé-
rence du public. Dans 1' « avant-propos », placé en
tête du premier numéro du Sentiment d'un harmoni-
phile, le rédacteur s'exprime en ces termes :
« La musique est de toutes les sciences celle qui
me tlatte le plus. Dès ma tendre jeunesse, j'ai eu pour
elle un penchant décidé, et je préfère aux plaisirs
les plus vifs ceux que procure l'harmonie.
« Comme je ne me suis point contenté de sçavoir la
musique superficiellement, mais que je me suis tou.
jours appliqué à l'approfondir, j'ai beaucoup réflé-
chi non seulement sur les ouvrages de théorie que
j'ai lus, mais encore sur tous les ouvrages de pure
pratique que j'ai entendu exécuter, et j'ai mis par
écrit quantité de réllexions qui peuvent avoir leur
utilité, principalement dans ce siècle, où la musique
est devenue tellement à la mode qu'il n'y a presque
point de maison dont elle ne fasse un des principaux
amusemens. Elle tient, sans contredit, un des pre-
miers rangs dans l'éducation, et comme c'est même
une espèce de honte que de ne la point sçavoir, nous
voyons tous les jours, à l'exemple de Socrate, qui
l'apprit à soixante ans, plusieurs personnes d'un
âge avancé ne point rougir de prendre des maîtres.
« ... J'espère que personne ne se formalisera de la
liberté que je prends de dire nettement ma pensée
sur les ouvrages dont je parle. J'avertis les auteurs
de musique que je mets bas tout esprit de parti, et
que j'agirai avec cette franchise et cette intégrité qui
sont le caractère de l'honnête homme. Dans les mor-
ceaux de critique, je conserverai toujours les égards
que l'on doit au mérite et à la célébrité des auteurs,
sans sacrifier ceux qui sont dus à la vérité ».
1. C'est la date que donne une notice eontempori
crologe des hommes célèbresde Fronce, tandis que
du 7 avril 1769. 1
La critique du Sentiment d'un hurmoniphile est, en
ell'ei, celle d'un écrivain courtois et soucieux de la
dignité de sa plume, en même temps qu'elle est di-
rigée par le goût et par le savoir. Exempte d'emphase
et de pédantisme, elle se fait remarquer par la jus-
tesse des appréciations. Elle montre parfois une sé-
vérité qui peut paraître excessive, mais qui est basée
sur une discussion très sérieuse.
Le premier numéro du Sentiment d'un Imrmoni-
p/iile est ainsi composé : I. Te Deam de Philidor
(dont l'analyse est particulièrement sévère); II. Te
Deum de Calvière, avec des « Particularités de la vie
de Calvière3 » ; III. Service de Royf.r (pour l'anniver-
saire de sa mort) et compte rendu de la Messe de
Cilles, exécutée à cette occasion sous la direction de
Mohdon ville; IV. Analyse de l'Art* du chant, de Ré-
rard; V. Réflexions sur l'opéra de Castor et Pollux (de
Hameau); VI. L'Europe galante (de Campra, à propos
d'une récente reprise de cet ouvrage), avec des
« Particularités de la vie de Campra » et le catalogue
de ses œuvres; VII. Sur l'opéra (dissertation sur le
genre de l'opéra); VIII. Concerts (compte rendu
des conceitsi; IX. Académie de musique érigée à
Aix-en-Provence. — Les quatre feuillets de musique
(fort bien gravée) qui se trouvent à la fin du numéro
contiennent: n° 1. Epitaphe de Calvière, à trois
voix, paroles et musique de Morambert; n° ■>. Air :
« Tristes apprêts, pâles ilambeaux », de Castor et
Pollux; il- :t. Autre fragment du même ouvrage.
A propos de Castor et Polluai, il est assez curieux
de voir, â un siècle et demi de distance, l'auteur faire
aux chœurs de l'Opéra le reproche qu'on leur adresse
encore aujourd'hui, ce qui prouve que l'écrivain avait
le sens vrai de l'illusion théâtrale et de ses exigences.
Le morceau est intéressant, datant de 17j0, et mérite
d'être cité :
« Il serait à souhaiter que toutes les parties d'un
opéra fussent également bien rendues et concou-
russent à maintenir l'illusion. Si celui dont nous
parlons [Castor) a reçu tout le lustre qu'il pouvait
attendre du jeu de M. de Chassé, du chant de M. Jé-
liotte et des charmes de la danse, il n'en est pas de
même des parties qu'on peut appeller l'ensemble et
l'illusion du théâtre. Soit défaut d'intelligence de la
part de la troupe oisive qui chante les chœurs, soit
défaut de soins et de moyens propres à l'encourager,
delà part de ceux qui sont préposés pour la conduire,
il est constant que ce concours de tiens qui ne pren-
nent aucun intérêt à ce qui se passe refroidit l'ac-
tion, et que la conduite qu'il tient dans bien des cas
détruit totalement l'illusion.
« Ceux qui sont chargés de disposer tout ce qui
est nécessaire à l'effet vraisemblable du théâtre ont
fait une faute, dans le premier acte de Castor, de ne
pas offrir aux spectateurs, à travers un portique, le
combat qui se donne aux portes du palais. La mu-
sique le peint si parfaitement â l'oreille qu'il ne
manque que de l'offrir aux yeux, et cela se devroit
d'autant mieux que le théâtre semble vuide, quoique
Télaïre y reste, parce que cette princesse n'y dit
rien, et qu'elle n'est occupée que de ce qui se passe
dehors.
•« Quant à l'illusion que détruit le défaut d'action
dans les chœurs, il est sensible dans l'acte des
Enfers, pendant le chœur : Brisons tous nos fers. II
2. Paris, Jouberl, 1 vol. in-12 de plus de 700 pages.
3. Ces deui Te Deum venaient d'être exécutés pour célébrer
reuse délivrance de la Dauphine.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
faudrait que le chœur formât des Ilots presque con-
tinuels de gens qui poussent et qui sont repousses,
et que leur attitude fût celle d'une troupe qui s'op-
pose de toute sa force à l'entreprise d'un héros
qu'elle ne peut intimider, et non pas offrir pour dé-
fendre l'entrée des Enfers un las de gens inanimés
qui viennent, les deux bras croisés, former un con-
traste choquant avec la pétulance de Pollux. »
On voit que la critique de 1' « harmoniphile « était
basée sur le raisonnement et sur le vrai sentiment de
l'art.
La seconde livraison du recueil ne nous est con-
nue que par une analyse qu'en donna Fbéron dans
V Année littéraire d'octobre !7o6, et par laquelle nous
apprenons qu'elle contenait une nouvelle méthode
de chiffrer la basse continue pour l'accompagnement
au clavecin. La publication de cette méthode amena
même, dans le Mercure de France, une polémique
très vive entre l'abbé Houssier et Moramrert, qui
n'était pas moins abbé que lui. Houssier affirmait
que ce système lui appartenait comme ayant été
inventé par lui, qu'il l'avait communiqué à Laugier
(troisième abbé), que celui-ci devait être l'auteur de
l'article, et par conséquent coupable d'un effronté
plagiat. Morambert répondit que Laugikr n'y était
pour rien et que l'article était de lui, mais Houssier
n'en voulut pas démordre, et cette dispute entre
gens d'église sur une question de chiffres finit par
n'avoir point de conclusion.
Malgré tout ce bruit fait autour de lui, les jours
étaient comptés du pauvre Sentiment d'un harmoni-
phile, et, en dépit de ses bonnes intentions, il s'étei-
gnit obscurément et prématurément, avec le second
numéro de son âge. Il était trop en avance sur son
temps, et l'on peut, sans le flatter, constater -qu'il
méritait un meilleur sort.
Quelques années s'écoulèrent avant que l'on vit se
produire une nouvelle tentative, et c'est seulement
au mois de janvier 1770, que parut le premier nu-
méro du Journal de musique historique, théorique et
pratique sur la musique ancienne et moderne, les
musiciens et les instruments de musique, publié
sous la direction de M. A*** de B*". Le développement
inusité de ce titre semblait promettre beaucoup plus
de cboses que le nouveau recueil n'en devait faire
connaître. Mais avant de le faire connaître lui-même,
il est bon de remarquer que Fétis s'est trompé assez
gravement au sujet de ce Journal, dont il parle inci-
demment aux noms de divers personnages, dans la
Biographie universelle des musiciens, notamment à
ceux de Mathon de la Cour et de Framicourt. En
parlant de Mathon de la Cour, il avance que celui-ci
« a travaillé au Journal de musique publié à Paris
depuis le mois de juillet 1764 jusqu'au mois d'août
1768 », et il ajoute que « ce recueil fut ensuite con-
tinué par Framicourt, puis par Framery ». El au nom
de Framicourt, il dit encore1 : « Dans sa jeunesse, il
avail fait un voyage à Berlin et y avait connu Mau-
i'Urg, qui lui avait suggéré l'idée de faire paraître en
France un recueil périodique sur la musique; Ma-
thon de la Cour en publiait un à des époques indé-
terminées, depuis 1764. Il en abandonna la rédaction
au mois d'août 1768, et M. de Framicourt fit repa-
raître ce journal en 1769. Il cessa d'y travailler après
1. Framicouht, amateur de musique assez, instruit, parait-il, était
conseiller au prcsidial d'Angers.
'2. tin musicographe belge très prolilïque, l.dnu.ud (in a Gra-
vement emboîté le pasde f\ns dans des llrrlirrchrs /li.ifnriqucx con-
cernant les journaux de musique depuis les temps les /<'»> reculés (.';
le numéro d'avril 1771. Framery s'en chargea alors
et le continua jusqu'en 1778. i
Malgré la précision et l'abondance des détails, il y
a pas mal de confusions el beaucoup d'erreurs dans
ces quelques lignes, dont la première et la plus
importante est celle-ci. qu'il ne parut aucun Journal
de musique en 1764, et que c'est en 1770 seulement
qu'on vit naître celui dont je veux ici parler2. Je
crois bien qu'à ce moment, Mathon de la Cour n'y
élait encore pour rien, et l'on a vu qu'il était placé
sous la direction [d'un sieur A*" de B"\ Qu'était-ce
que ce directeur à peu près anonyme? A cette ques-
tion, il m'est impossible de répondre. Mais ce que je
puis constater, c'est que le Journal de musique n'of-
frait vraiment que peu d'intérêt, et que, d'autre pari,
sa publication élait un peu trop capricieuse, les nu-
méros paraissant sans aucune régularité. Pour ces
différentes raisons, le succès fut si médiocre qu'a-
près la quatrième livraison, celle du mois d'avril
(chacune était de 80 pages in-octavo), le Journal allait
disparaître, lorsque Framery s'en chargea et eu prit
la direction. Tout jeune encore, puisqu'il était né en
174,'i, Framery, qui cherchait sans doute à se faire
connaître, élait dans de bonnes conditions pour diri-
ger une publication de ce genre. Auteur et composi-
teur dramatique, il connaissait son sujet, savait ce
dont il parlait, et pouvait rendre des services. De
fait, le Journal de musique devint, sous son impul-
sion, beaucoup plus intéressant, et la rédaction en
fut beaucoup meilleure. Framery eut même une idée
assez ingénieuse : n'ayant point à sa disposition, pour
faire des citalions musicales, de caractères propres
de musique, il imagina de se servir à cet effet de la
notation en chiffres de J.-J. Rousseau, en y introdui-
sant quelques modifications qu'il expliquait. Cepen-
dant, malgré ses efforts, il ne put parvenir à se créer
un public, et, découragé sans doute, au bout d'une
année, il cessa la publication3.
Celle-ci fut reprise en 1773 avec le même privilège
(on sait qu'à cette époque il fallait un privilège pour
toute espèce de publication), et un nouveau recueil
parut sous ce titre : Journal de musique, par une so-
ciété d'amateurs. Je crois bien que c'est alors que,
sous le couvert de cette « société d'amateurs, » Ma-
thon de la Cour en prit la direction. File ne fut heu-
reuse ni sous le rapport de la rédaction, ni sous le
rapport de l'administration. Le journal était fait un
peu à la diable, sans ordre, sans plan arrêté, sans
aucune espèce d'idées d'ensemble; d'autre part, les
numéros paraissaient quand ils pouvaient, et avec
une irrégularité par trop fantaisiste. Alors qu'il de-
vait en être donné douze chaque année, il n'en parut
que six pour 1773 et un seul en 1774, puis... plus
rien. Après un long intervalle, la publication fut
reprise de nouveau en 1777, mais d'une façon tou-
jours aussi capricieuse, si bien qu'à des intervalles
indéterminés il parut encore cinq numéros, dont le
dernier au commencement de 1778, et ce fut tout.
Celle fois, le Journal de musique avait vécu.
Un long temps s'écoula avant que l'on vît se pro-
duire une nouvelle tentative, et ce n'est que le
37 avril 1802 que parut le premier numéro d'un jour-
nal hebdomadaire ainsi intitulé : Vori'espondance des
jusqu'à nos jours, brochure ,1e 71 pages (Anvers, 1872, in-8»), sur
renseignements de laquelle j'appelle la lilétianee la plus complète.
3. La première période de l'existence du Journal de musique ci
prend quatre numéros, de janvier à avril 1770; la seconde, sou!
direction de FnAMSUY, en comprend douje, de mai 1770 à avril 17
Au total, seize numéros.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 384
amateurs 7nusicicns, rédigée par le citoyen Cocatrix.
N'ayant pu découvrir sur ledit <■ citoyen » d'autres
renseignements que ceux donnés à son sujet par
Fétis, je suis obligé de me borner a reproduire la
courte notice que celui-ci lui a consacrée :
o Cocatrix (...), amateur de musique, né à la Ro-
chelle vers 1770, se rendit à Paris en 1797, et y fut
employé dans les bureaux de la marine, puis réformé
en 1800. Assez bon musicien, il s'était lié avec le
fournisseur Armand Séguin, amateur comme lui,
qui lui suggéra le dessein d'écrire un journal concer-
nant la musique. Ce journal parut en 1803, sous le
titre de Correspondance des professeurs et amateurs de
musique, rédigée par le citoyen Cocatrix. 11 en parais-
sait une feuille in-4° chaque semaine. Celte publica-
tion ne se soutint qu'environ dix-huit mois. La rédac-
tion en était faible, et manquait d'intérêt et de
variété. Le rédacteur n'avait pas d'ailleurs le savon
nécessaire pour une telle entreprise, et ses opinions
étaient entachées de beaucoup de préjugés de son
temps. Vers la fin de 1804, Cocatrix s'est éloigné de
Paris; on ignore ce qu'il est devenu '. »
Cocatrix ne s'en faisait pas accroire, puisque, sim-
plement, il se qualifiait lui-même d'amateur. Mais,
quoi qu'en dise Fétis, cet amateur n'était pas dénué
d'un cerlain sens artistique, et son journal n'était
pas aussi dépourvu d'intérêt, et surtout de variété,
que l'affirme son biographe. .Même, si l'on veut être
informé du mouvement musical pendant les trois
années que parut la Correspondance, on ne sera pas
malavisé d'y avoir recours. Il est juste de recon-
naitre toutefois qu'elle est beaucoup plus intéres-
sante au point de vue des faits proprement dits qu'en
ce qui concerne la critique. De celle-ci, on peut dire
qu'elle était à peu près nulle, par suite du manque
de savoir et de connaissances justement signalé par
Fétis chez ses rédacteurs. On trouve bien, dans la
Correspondance, un cerlain nombre d'articles signés
du nom de Cartier, l'excellent violoniste, qui y don-
nait de temps à autre des notices biographiques
intéressantes sur des violonistes fameux, et aussi
quelques articles du compositeur Cambini, qui ne
manquaient ni de fond ni de solidité. Mais la critique
courante n'existait vraiment pas, en dépit de cer-
taines communications burlesques de Woldemar, le
violoniste toqué, et de divers articles portant pour
signature tel ou tel pseudonyme d'amateur. Je le
répèle pourtant, la colleclion de la Correspondance
est loin d'être inutile à consulter, et l'on y peut
trouver profit. En réalité, le seul dépouillement des
107 numéros, qui forment la collection complète,
otfre un très vif intérêt, et il n'est pas un travailleur
sérieux qui n'y puisse trouver d'utiles et précieux
renseignements.
La Correspondance des amateurs musiciens existait
encore lorsqu'on vit paraître, le 22 janvier 1804, le
premier numéro d'une nouvelle feuille musicale, le
Journal de musique et des théâtres de tous les pays,
par une société de musiciens et de gens de lettres .
Ici, l'hésitation serait permise jusqu'à un certain
point en ce qui touche la personnalité des rédac-
teurs de ce journal. Il me semble pourtant que
1. Reclilions quelques erreurs dans ces quelques ligne». D'abord,
ce n'esl pas en 1803, mais, comme il est dit plus haut, le 27 avril 1802,
que le journal fit son apparition. Ensuite, il ne vécut pas seulement
dix-huit mois, mais treis années pleines, soit jusqu'au 20 ayril 180a.
Lniin, il ne parut pas d'abord in-4°, mais in-8B, et il ne prit le titre
indiqué que précisément lorsqu'il changea son format et devint bi-
hebdomadaire; son titre primitif Mail celui que j'ai reproduit plus
haut. Au reste, voici sa hiblio^r.iptii ■ c-cicfe : !'• année (du 27 avril
celui-ci ne fait qu'un avec celui dont Fétis entreprit
à cette époque la publication, et qu'il signale ainsi
dans sa propre jnotice de la Biographie universelle
des musiciens : « Lié d'amitié avec Roquefort et
Delaulnaye, il (Fétis) conçut, avec ces littérateurs
musiciens, le projet d'un journal de musique dont il
parut quelques feuilles in-4°à la fin de l'année 1804;
mais la littérature et la critique musicale n'exci-
taient alors qu'un médiocre intérêt, et il fallut
renoncer à cette entreprise. « Ht dans sa notice sur
Roquefort, il dit encore : « Ln 1804, nous com-
mençâmes ensemble la publication d'un journal de
musique, dont il ne parut que quelques numéros. »
Selon Fétis, son journal parut à la fin de 1804,
tandis que la publication de celui que je mentionne
ici est, comme on l'a vu, du commencement de cette
année, le 22 janvier; mais il se peut très bien qu'à
cinquante ans de dislance, et pour un fait auquel
il attachait peu d'importance, il se soit trompé sur
une date qu'il donnait d'ailleurs sans précision.
D'autre part, si l'on prend note de la présence au-
près de lui, dans son Journal, de ses amis Roquefort
et Dblal'lnaye, et si l'on remarque, dans celui dont
je parle, un article signé de sa propre initiale F...,
un autre qui porte la signature de Frotoquer, qui
forme l'anagramme du nom de Uoquf.fort, un tra-
vail anonyme sur la Danse armée des Grecs, qui
semble bien pouvoir être attribué à Delaulnaye, le-
quel s'occupait beaucoup de la saltation-, on sera
sans doute amené à supposer, comme je le fais, que
le Journal de musique publié par une société de mu-
siciens et de gens de lettres n'était autre que celui
de Fétis, Roquefort et Delaulnaye.
Quoi qu'il en soit, le Journal de musique, j tl n s
sérieux sans doute que la Correspondance des ama-
teurs musiciens, était aussi moins agréable, et sur-
tout moins varié. Un peu lourd, un peu épais, tran-
chons le mol, un peu pédant, il manquait essenliel-
lement d'allure et de mouvement, se désintéressait
un peu trop des faits d'actualité et était loin de se
conformer au précepte antique : utile dulci. Ce qui
paraît certain, c'est qu'il trouva peu de lecteurs,
puisque sa publication cessa avec le huitième nu-
méro. Fétis devait prendre sa revanche plus tard.
Quelques années s'écoulent, et il faut attendre jus-
qu'au mois de janvier 1810 pourvoir paraître, sous ce
titre mythologique et quijpeint bien l'époque : les Ta-
blettes de Polymnie, un nouvel organe musical. Mais
celui-ci, qui était dirigé par le chanteur et composi-
teur, Alexis de Garaudé, artiste d'ailleurs fort dis-
tingué, prenait plutôt l'allure et le ton d'un pamphlet
que d'une publication impartiale et sérieuse. Ga-
raudé n'était certainement pas le seul rédacteur des
Tablettes de Polymnie, qui paraissaient mensuelle-
ment, sous forme de revue, et l'on ne connaît pas
beaucoup les autres, les articles ne portant généra-
lement pas de signature. On sait cependant perti-
nemment que l'un des plus actifs était le composi-
teur Cambini, que nous avons trouvé déjà dans la
Correspondance de Cocatrix. Musicien italien, depuis
longtemps fixé en France, Camrini, absolument dé-
pourvu du génie de l'invention, sinon d'une certaine
fso2 au 3 décembre 1803), 53
29 décembre 1804), 98 numéros;
1805). 16 numéros.
2. Deuclnave a publié un écrit ainsi intitulé : De la Saltation théâ-
trale ou Recherches sur l'origine, les progrès et les effets de ta pan-
tomime chez les ancien*, écrit qui fut couronné par Y Académie des
inscriptions (1790).
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DiCTlUNiVAlHE OU CUNSEttlATUlHE
habileté de forme, élait doué d'une fâcheuse facilité
d'écrire. Cette facilité lui avait permis d'écrire
soixante symphonies, cent quarante-quatre quatuors
pour instruments à cordes, un nombre invraisem-
blable d'autres compositions de divers genres, et
enfin, avec quelques oratorios exécutés au Concert
spirituel, une douzaine d'opéras et de ballets repré-
sentés tant à la Comédie-Italienne qu'au théâtre
l.ouvois et au petit théâtre des Beaujolais. Malheu-
reusement, cette immense quantité d'ouvrages n'avait
obtenu qu'un succès négatif; et Cambini, de sa na-
ture envieux et jaloux, en avait conçu une vive irri-
tation contre les artistes mieux doués et plus heu-
reux que lui vis-à-vis du public. Il crut trouver le
moyen de s'en venger lorsque Garaudé, qui eut le
tort de le laisser faire, lui eut confié une part de
rédaction dans son journal, et il ne songea qu'à
déverser sa bile sur des œuvres et des artistes qu'en-
touraient le respect et l'admiration de tous. On peut
croire^ an surplus, qu'il n'était pas le seul dans cet
état d'esprit, car la critique des Tablettes de Polymnie
se faisait remarquer non seulement par sa flagrante
injustice, mais par son pédantisme, et surtout par
un ton acerbe exclusif de toute espèce de courtoisie.
Parmi les artistes en vue, les Tablettes s'achar-
naient particulièrement contre Spontini, et plus
encore contre Méhul. Si, en parlant de SpoNTinr, elles
n'hésitaient pas à dire que la Vestale u était irnpu-
remenl écrite et que l'examen de la partition faisait
de la peine », il faut voir de quelle façon elles trai-
taient l'admirable artiste qu'était Méhul, et comment,
elles appréciaient le plus accompli de ses chefs-
d'œuvre, Joseph. Dans le numéro de juillet 1810, les
Tablettes donnaient précisément une analyse de cette
partition de Joseph qui est un acte de la plus insigne
mauvaise foi et qui aurait dû faire rougir son au-
teur. On ne saurait reproduire ici dans son entier
cette diatribe vraiment curieuse, qne l'on attribua à
Cambini et qui amena, comme on va le voir, la pro-
testation indignée d'un noble et grand artiste; mais,
comme échantillon, on peut faire connaître la façon
dont l'écrivain appréciait le délicieux'second acte du
chef-d'œuvre :
« Le second acte, dit-il, n'a rien de bien remar-
quable; le chant des couplets de Benjamin, malgré
le manque de couleur locale, serait passable pour
nos oreilles corrompues, si une imitation obstinée
des basses qui l'accompagnent n'en intervertissait la
mélodie et ne la couvrait presque entièrement; mais
le moyen de ne pas paraître savant! Les maîtres ita-
liens (les orthodoxes, j'entends) se seraient contentés
de fondre cette partie de basses dans les violons, en
les faisant jouer très doux, et auraient mis aux
basses des notes simples : le chant eût alors ressorti
et repris sa place, et rien n'aurait pu nuire à son
elfet; car ces maîtres ont la bonhomie de croire que
l'effel ne s'obtient qu'en laissant la mélodie à son
aise.
< Le réveil de Jacob, fondu dans un trio, n'a ni la
majesté, ni l'expression qu'on espérait y trouver; un
chant commun, une recherche servile dans le choix
des intonations, fatiguent et dépilent l'auditeur, et
sans les dix dernières mesures qui terminent ce trio
et qui ont quelque lueur de sensibilité, il serait par-
faitement ennuyeux. Suit un trio entre Jacob et
Benjamin, sans caractère, sans couleur, et dont la
facture est même très médiocre; puis de petits bouts
d'hymnes qui ne sont qu'un placage d'accords, et un
final dont les détails ne sont dus qu'au poète, et qui
finit par un chu'ur à grand bruit : voilà ce qui cons-
titue la musique du second acte. »
Tout l'article, très long et très développé, élait
écrit sur ce ton. Il est probable qu'il produisit dans
le monde artistique une sorte de scandale, l'admira-
tion étant grande pour Mkhul et pour ses ouvrages.
Ce qui est certain, c'est qu'il amena un résultat que
l'auteur n'avait sans doule pas prévu. Ce résultat,
ce fut une rude apostrophe d'un des patriarches de
la musique française, du vieux Gossec, alors âgé de
soixante-dix-sept ans, et qui était, avec Méhul et
Cherubini, l'un des trois inspecteurs du Conserva-
toire. Indigné de la petite infamie dont le journal
se rendait coupable, Gossec ne put se retenir et lui
adressa la lettre suivante, écrite de la bonne encre,
comme on peut le voir :
« A Messieurs les propriétaires des Tablettes
de Polymnie.
« Messieurs,
« Depuis le 6 mai dernier, époque de mon abonne-
ment à vos Tablettes de Polymnie, j'ai reçu trois nu-
méros de cette feuille (mai, juin et juillet). Je vous
renvoie ceux de mai et de juin, el je garde celui de
juillet comme un monument curieux d'injustice ou
d'impéritie, ou de délire...
« Je me suis inscrit avec plaisir sur la liste de vos
abonnés, dans l'espoir de ne trouver dans ces feuilles
que des choses instructives dictées par la justice et
l'impartialité. Aujourd'hui, j'y rencontre des articles
dilfamans, dirigés contre des ouvrages admirés de
foule l'Europe, et déprisés ici pas quelques miséra-
bles pigmées en fait de musique; des articles, dis-je,
enfantés sans doule par l'ignorance, ou par mi esprit
de parti, et peut-être par un motif plus puissant que
je n'ose interpréter.
« Je vous prie, messieurs, de faire disparaître mon
nom de la liste de vos abonnés, et de vous dispenser
de m'envoyer vos Tablette*, que je ne veux plus rece-
voir. Disposez en faveur de quelque malheureux, ou
comme il vous plaira, du reste de l'argent de mon
abonnement; j'en fais absolument l'abandon.
« Je suis votre serviteur.
« Gossec.
« L'un des inspecteurs du Conservatoire. »
Malgré tout, et en dépit de la façou dont on y en-
tendait la critique, les Tablettes de Polymnie ne sont
pas inutiles à consulter, et si le recueil était peu
estimable en raison de l'inconvenance de sa polé-
mique et de son véritable manque de probité artis-
tique, il reste une source de renseignements qu'on
aurait peine à trouver ailleurs. Malheureusement,
son existence fut courte, peut-être à cause de sa
conduite, qui n'élait pas pour lui attirer de nom-
breuses sympathies, et au mois d'octobre 1811, il se
vit obligé de cesser sa publication.
On ne voit guère à signaler ensuite qu'un journal
éphémère, qui parul deux fois par semaine pendant
les trois mois de juillet, août el septembre IN lu, sous
le litre de l'Indicateur munirai frcmçais et étranger, et.
sous la direction d'un amateur de musique minime
César Gardeton. Je n'ai pas eu sous les yeux ce jour-
nal, dont, sans doute, on aurait peine aujourd'hui à
rencontrer un exemplaire; mais si j'en juge par les
autres publications de son propriétaire, il devait être
TECII.\1{)UE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3m
fait sans plan, sans ordre et sans méthode, et présen-
ter un médiocre intérêl. Gardeton publia, en effet,
deux années d'un almanach spécial intitulé Annales
■le hi musique (pour 1810 el 1820, et une prétendue
Bibliographie musicale de la France (1822), qui sont
bien les compilations les plus maladroites qu'on
puisse imaginer, outre qu'elles fourmillent des
■erreurs les plus grossières.
Par tout ce qui précède, on peut voir ce que fut
la presse musicale en France pendant plus d'un
demi-siècle, c'est-à-dire à partir de la première
tentative faite en 1756 par les rédacteurs du Sentiment
d'un harmonipltile : elle se réduit à plusieurs essais,
les uns intéressants, mais insuffisants, comme le
fournit de musique el la Corr,< sj ondancedes amateurs
musiciens, d'autres plus sérieux sans doute el plus
dignes d'attention, mais entachés d'un vice originel,
comme les Tablettes de Volymnîe* Les défauts des
uns et des autres, joints à l'indifférence complète
dont le public donnait la preuve alors à l'égard de
l'étude des questions musicales, tirent que ces essais
demeurèrent inutiles et ne produisirent pas les
résultats qu'on en eut pu espérer. Nous approchons
cependant du moment où un artiste instruit, à l'in-
telligence vigoureuse, joignant a une ferme volonté
un esprit de vulgarisation remarquable, allait forcer
ce public à l'écouter en se taisant comprendre de
lui, et en donnant de l'intérêt à des discussions que
nul encore n'avait su lui rendre familières et profi-
tables. Cet homme, resté unique en son genre par
la généralité de ses connaissances, par son savoir
immense, par l'habileté avec laquelle il savait
mettre ses explications à la portée de ceux-là mêmes
qui n'étaient point des professionnels, et communi-
quer à tous l'amour de l'art qu'il chérissait, c'était
Fétis, qui allait enfin, avec sa Ueoue musicule, opé-
rer en France une sorte- de révolution, fonder en ci-
pays la véritable presse musicale, et par son exemple
encourager la création d'un grand nombre de publi-
cations qui, à sa suite, ont rendu et rendent chaque
jour les plus grands et les plus signalés services.
Fétis a donné lui-même, dans sa notice de la Bio-
graphie universelle des musiciens, des détails circons-
tanciés, qu'il n'est pas inutile de reproduire, sur la
création du journal fondé par lui :
« Vers la iîn de 1826, engagé dans de grands tra-
vaux de différents genres, il [Fétis] conçut un projet
que plusieurs de ses amis condamnèrent comme
téméraire, et dont ils considérèrent la réalisation
comme impossible : ce projet était celui d'un .jour-
nal uniquement consacré à la musique. Jamais
publication de ce genre n'avait pu subsister en
France, car personne (les musiciens pas plus que
d'autres) ne lisait ce qui concerne la musique, et
l'on ne croyait pas qu'il fût possible de former une
classe ilt- lecteurs pour un écrit spécialement consa-
cré à cet art. Dans le premier projet de Fétis, Castil-
Blaze devait s'associer à lui, et se charger de rendre
compte des représentations d'opéras et des concerts.
Mais des engagements antérieurs ne permirent pas à
ce critique de prendre part à la nouvelle entreprise
projetée, el Fétis prit dès lors la résolution de faire
1. Je a'ai pas parle, et pour cause, de diverses publications qui
pourraient amener une confusion et qui Iteurirent surtout à l'époque
de la Révolution, telles que le Journal hebdomadaire de musique, le
Journal d'Euterpe, le Journal des Troubadours, etc. Maigre leurs
titres, ce n'étaient point là de véritables journaux, mais simplement
des publications [n Tindu|ue- de iiiiisn|iif pin.-, -oit pour le chant, s«it
pour la liaipe, le piano, la guitare, elc.
seul ce journal, convaincu qu'il y aurait, dans
l'unité de doctrine et de vues d'un tel écrit, avan-
tage pour le public et pour l'art. C'est contre ce
projet gigantesque que s'élevèrent les amis de Fétis,
persuadés que les forces d'un seul homme ne pour-
raient y suflire. Cependant, ils ne purent ébranler sa
résolution, et la Revue musicale parut, pour la pre-
mière fois, au commencement du mois de février
1827-, et fut continuée sans interruption jusqu'à la
fin de la huitième année, au mois de novembre
18353 A l'exception de dix ou douze articles, Fétis
rédigea seul les cinq premières années, dont l'en-
semble forme environ la valeur de huit mille pages
in-8° ordinaire. Pendant les trois premières années, il
donna chaque semaine vingt-quatre pages d'impres-
sion, d'un caractère petit et serré, et la quatrième
année, trente-deux pages d'un plus grand format.
Pendant ce temps, il lui fallut assister à toutes les
représentations d'opéras nouveaux, aux reprises des
anciens, aux débuts des chanteurs, aux concerts de
toul genre, visiter les écoles de musique, s'enquérit-
des nouveaux systèmes d'enseignement, visiter les
ateliers des facteurs d'instruments pour rendre
compte des nouvelles inventions ou des perfection-
nements, analyser ce qui paraissait de plus impor-
tant dans la musique ivelte, lire ce qui était
publié, en France ou dans les pays étrangers, sur la
théorie, la didactique ou l'histoire de la musique,
prendre connaissance des journaux relatifs à ces arts
publiés en Allemagne, en [latte et en Angleterre,
et même consulter un grand nombre de revues scien-
tifiques, pour les faits négligés par ces journaux, et
tout cela, sans négliger les devoirs de professeur de
composition au Conservatoire, el sans interrompre
d'autres travaux sérieux... Il était peut être impos-
sible qu'au milieu de tant d'activité et dans une
rédaction si rapide, il ne se ulissùi point des erreurs
défaits, et, sans doute, on peul en signaler plusieurs ;
mais il ne faut pas oublier que souvent les articles
étaient improvisés dans l'imprimerie, lorsque la copie
manquait pour remplir le journal, ou lorsque quel-
que circonstance obligeait a changer inopinément,
et au moment de mettre sous presse, la disposition
primitivement adoptée. lh-s négligences de style se
font aussi remarquer dans la rédaction de la Revue
musicale; les mêmes considérations peuvent peut-
être leur servir d'excuse... Ce journal a d'ailleurs
produit un grand bien en France : il y a augmenté
le nombre des amateurs de musique, a échauffé
leur zèle, fait fonder en beaucoup de lieux des éco-
les et des concerts publics; il a formé des lecteurs à
la littérature musicale et des critiques pour les
journaux; l'érudition en musique a même fait tant
de progrès parmi les Français, depuis la publication
de la Revue, que les livres qui y sont relatifs, et qui
étaient autrefois dédaignés, se vendent maintenant
à des prix très élevés. »
Nous voyons, par ce récit de Fétis, dans quelles
conditions il se trouvait pour fonder sa Revue musi-
cale, dont il ne tarda pas à réaliser le projet. En
lançant, au mois de janvier 1827, le numéro-pros-
pectus du nouveau recueil, il s'exprimait comme on
va le voir dans l'appel qu'il adressait au public en
tète de ce numéro. Il ne me semble pas non plus
î. Comme on le verra plus loin, le nu
e janvier.
?,. Fétis se trompe : c'est à la lin ,1e
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
inutile de reproduire en entier ce morceau, qui
appartient de droit à l'histoire de la presse musi-
cale1 :
Utilité d'un journal de musique
et plan de celui-ci.
« Le besoin de savoir agite le monde entier : la
civilisation s'avance à pas de géant et renverse tout
oe qui lui est opposé. Parvenue au point où elle
est, elle inspire à chacun le désir d'être instruit de
tout ce qui le touche soit dans ses droits, ses devoirs
ou ses plaisirs. Il n'est point d'homme bien élevé
qui, de nos jours, reste volontairement étranger aux
questions qui se traitent devant lui. Le langage des
arts, celui des sciences même deviennent chaque
jour plus populaires. Le temps des secrets est passé
pour toute chose, et celui qui viendrait aujourd'hui
parler des mystères de son art se ferait siffler.
« Mais par cela même qu'on veut savoir beaucoup,
on est forcé d'apprendre vite. Or, rien n'est plus
propre à communiquer promptement les notions
dont on a besoin dans le monde que les journaux,
soit quotidiens, soit périodiques. A mesure qu'on
avance dans la civilisation, les besoins se spéciali-
sent et demandent de nouveau organes. Les feuilles
politiques, destinées à éclairer la société sur ses
intérêts les plus chers, ne peuvent accorder que peu
d'espace à des objets qui ne sont pour elles que se-
condaires, tels que les découvertes et les inventions
qui se font chaque jour dans les sciences, les arts et
l'industrie. Leurs rapides revues, leurs analyses
légères ne peuvent donc être considérées que comme
une sorte d'invitation d'examiner les faits qu'elles
énoncent ou les opinions qu'elles émettent. De là,
l'utilité des journaux littéraires, scientifiques, de
théâtre et autres, qui se subdivisent encore en une
foule d'objets particuliers. Quoique moins avancée
sous ce rapport que d'autres pays voisins, la France
possède cependant un nombre considérable d'écrits
périodiques en tous genres ; la musique seule, moins
favorisée que les autres productions du génie de
l'homme, n'y a point eu jusqu'ici d'organe qui ne
parlât que son langage, tandis que l'Allemagne pos-
sède cinq journaux ou revues sur cet objet, l'Angle-
terre quatre, et plusieurs autres pays du Nord au
moins un.
« J'ai dit que la France n'a point eu jusqu'à ce
moment de journal consacré à la musique : cela
n'est point exact. En 1770, Fraueuy essaya d'en éta-
blir un qui paraissait une fois par mois, mais qui
n'eut qu'une courte existence11. L'année 1802 vit
éclore une Correspondance des amateurs, et plus tard,
on eut les Tableurs de l'olymnie. Mais le temps
n'était pas venu pour ces sortes de publications : de
pareils écrits ne s'adressaient alors qu'aux musi-
ciens de profession, et le nombre de ceux qui s'in-
téressaient aux progrès de leur art n'était point
assez considérable pour alimenter un journal qui
leur fût spécialement destiné.
. La position est changée : ce qui le prouve, ce
sout les demandes qui nous sont adressées de toutes
l. Voici le litre roraplct de ce numéro -pc. imen : Revue m
cale, rédigée par une société de musiciens, compositeurs, artist
théoriciens, et publiée par .tf. Féti$, professeur de composait
ffcole royale de musique et bibliothmirc de cet établissement.
i. Nous avons vu plu» tiaul que ce n'est pas Framer» qui U
JOU1
,1,1.
*tait agonisant.
parts, et auxquelles nous ne faisons que céder en
jetant cet écrit dans la circulation. Nous ne ferons
point de promesses, point de pompeux prospectus.
Nous ne vanterons point d'avance notre impartia-
lité, notre zèle, notre conscience ; à quoi tout cela
servirait-il? On verra bien. A l'égard de notre plan,
le voici.
« Nous examinerons toutes les questions qui se
rattachent à la musique, sous les rapports histori-
ques, de théorie ou de pratique; nous analyserons
les ouvrages nouveaux relatifs à cet art, les compo-
sitions nouvelles de quelque genre que ce soit, elles
perfectionnements de méthode qui seront publiés
soit en France, soit dans les pays étrangers. Nous
rendrons compte des représentations d'opéras nou-
veaux, des concerts, des cours, des inventions ou
des perfectionnements d'instruments. Nous donne-
rons des notices sur les artistes les plus célèbres;
enfin, nous annoncerons toute la musique aussitôt
qu'elle sera publiée. Il nous a paru qu'il serait utile
de joindre à des analyses des exemples notés pour
en éclairer le sens, et nous avons pris des mesures
pour remplir cet objet d'une manière satisfaisante.
Nos souscripteurs recevront chaque trimestre un
portrait lithographie d'un compositeur, d'un chan-
teur ou d'un instrumentiste célèbre.
« Le succès de notre journal est assuré si nous lui
donnons le degré d'intérêt dont il est susceptible;
sinon ce ne sera pas la faute du public, et nous ne
nous plaindrons pas. Nous montrons dans ce pros-
pectus et spécimen ce que nous voulons faire; mais
comme il est dans la nature des choses qu'on s'ins-
truit par l'expérience, nous espérons faire mieux à
mesure que nous avancerons. »
Fétis, qui n'était pas la modestie en personne,
s'exprimait pourtant ici avec une réserve et une
retenue parfaites. Lorsqu'il fonda la Revue musicale.
il avait quarante-cinq ans, c'est-à-dire qu'il était
dans toute la force et la vigueur de l'âge. Il avait
bien réfléchi à son entreprise, s'était rendu compte
des défauts de celles qui l'avaient précédée, de
manière à les éviter, et l'on peut croire qu'il s'était
soigneusement outillé pour être sûr de la mener à
bien et grouper toutes les chances en faveur du
succès. Compositeur, théoricien et professeur, écri-
vain déjà exercé, il réunissait d'ailleurs toutes les
conditions qui semblaient devoir assurer ce succès.
Il ne faisait, comme il le disait, aucune promesse,
mais il comptait sur son savoir, sur son intelligence,
sur son activité, pour tenir celles qu'il s'était faites
à lui-même, et il eut raison. En fait, on peut dire
que du premier coup, et dans les conditions où se
trouvaient alors tout à la fois la presse périodique
et la musique, il lit un recueil excellent. Et comme,
on peut le dire aussi, il le faisait à peu près à lui
seul, et que ce recueil paraissait toutes les semai-
nes, sous forme de revue, par cahiers de 2't, puis de
32 pages in-8°, il est presque permis de qualifier son
entreprise de colossale, d'autant plus que l'homme
qui ne craignait pas d'en endosser la responsabilité
avait déjà la charge d'une classe de composition au
Conservatoire et de la direction de la bibliothèque
de cette institution. En réalité, on ne saurait lui
savoir trop de gré de son courage, de son effort,
et du talent qu'il sut déployer en cette occurrence.
Quant à l'immense service qu'alors il rendit à l'art, il
est incontestable.
Si l'on feuillette la première année de la Revue
musicale, on est vraiment frappé du rôle utile et du
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3849
caractère sérieux et instructif donnés à la publica-
tion, en même temps que de la variété que l'auteura
su y introduire. Etudes historiques sur les sujets les
plus divers, biographies d'arlistes célèbres, traduc-
tions intéressantes de journaux étrangers, discus-
sions esthétiques, tout y trouve sa place, sans négli-
ger aucunement l'actualité, et en tenant un compte
exact et complet de tout ce qui touche le mouve-
ment musical contemporain.
Au point de vue historique, il faut signaler une
longue étude sur l'Etat actuel de la musique en Italie,
en Allemagne, en Angleterre et en France, une autre
sur les Manuscrits relatifs à la musique qui se trou-
vent dans les principales bibliothèques de l'Europe,
d'autres sur l'Authenticité du Requiem de Mozart,
sur un Manuscrit du treizième siècle de Jérôme de
Moravie, sur la Collection manuscrite d'ancienne
musique française de Michel Danican-Philidor, sur les
Journaux de musique publiés dans les divers pays de
l'Europe; puis, des articles sur le Roi des violons, les
Révolutions de l'orchestre, l'Expression musicale, 1rs
Instruments nationaux, la Contrebasse et son archet,
l'Ancienne Musique des Irlandais, le Récitatif, les
Chants populaire de la Grèce moderne, le Diapason,
le Concerto, le Travail de Yillotcau sur la musique des
peuples orientaux, le Chant et les chanteurs, la Solmi-
sation et lesolfège, l'Exécution musicale, un Manuscrit
autographe de Doni, les Derniers Moments el la moi I de
Beethoven, le Métronome de Maelzel, la Harpe ii double
mouvement d'Erard, etc. On voit combien tout cela
est substantiel et intéressant ', en y joignant des
notices biographiques sur de grands artistes, les
compositeurs Josquin Desprès, Gregorio Allegki,
VlADANA, SCARLATTI, ClMAROSA. BEETHOVEN, D'ALAYRAC,
Della Maria, Co.nti, le théoricien Ceroxe, le virtuose
Dragonetti, le musicographe Charles Birney, les
cantatrices Elisabeth Billington, Caterina Gaurielli...
L'actualité, je l'ai dit, n'est pas traitée avec moins
de soin. Avec les analyses des ouvrages repré-
sentés à l'Opéra, à l'Opéra-Comique, au Théâtre-
Italien, même à l'Odéon el aux Nouveautés, où alors
on s'occupait de musique, on trouve des comptes-
rendus des séances de l'Académie des beaux-arts,
de tous les concerts importants, des concours et des
exercices du Conservatoire et de l'Ecole de musique
religieuse de Choron, de l'Exposition des produits
de l'industrie en ce qui concerne les instruments,
des critiques raisonnées de tous les livres, traités
théoriques, méthodes d'enseignement, etc., qui pa-
raissaient en France où à l'étranger. Enfin, des nou-
velles étrangères abondantes, des communications
de province, des notices nécrologiques, des anec-
dotes, complétaient l'ensemble d'une publication
excellente et telle qu'on n'en connaissait pas jusqu'a-
lors. En résumé, tout artiste, tout amateur qui
voulait se tenir au courant de l'ensemble du mouve-
ment musical non seulement en France, mais à l'é-
tranger, dans quelque ordre d'idées que ce lût,
pouvait, pour la première fois, grâce à la Revue
musicale, être exactement et complètement rensei-
gné sur tous les faits de nature à solliciter et à rete-
nir son attention.
Fétis continua ainsi jusqu'au moment où, à la
suite de la révolution de 1830, qui séparait la Belgi-
que de la Hollande en établissant son indépendance,
il ifut appelé par le roi Léopold à la direction du
Conservatoire de Bruxelles et à celle de la chapelle
du souverain. Celte situation nouvelle l'obligeait
naturellement à s'éloigner de Paris, et vers le milieu
de l'année 1832, il dut aller se fixer définitivement à
Bruxelles. Dans ces conditions, qu'allait devenir la
Revue musicale, objet de tant de soins et d'affection
de la part de son fondateur? Fétis en confia la direc-
tion à son fils Edouard, qui, sous l'impulsion que
lui-même ne cessait de lui donner malgré son éloi-
gnement, en continua la publication pendant trois
années, c'est-à-dire jusqu'à sa fusion avec la Gazette
musicale, récemment créée, comme nous allons le
voir.
C'est le b janvier 1834 que parut le premier
numéro de la Gazette musicale de Paris, fondée et
dirigée par Maurice Schlesinger, éditeur de musique,
fils d'Adolphe Schlesinger, lui-même l'un des plus
importants éditeurs de musique de Berlin, celui que
Beethoven, dans ses lettres, appelait « l'éditeur
juif ». Maurice Schlesinger, qui fut l'éditeur des
œuvres de Meyerbeer, était établi depuis plusieurs
années à Paris, lorsque lui vint l'idée de créer un
nouveau journal de musique. Il réunit un corps de
rédaction qu'on pourrait qualifier de franco-alle-
mand, car, à côté des noms de Castil-Blaze, de
Berlioz, d'IlALÉvv, d'Adolphe Adam, de J. d'OmicuE,
que je n'ai pas à faire connaître, on y trouvait ceux
de Joseph Mainzer, de François Stoepel, de Marx,
de Seyfried, d'ANDERS, de Duesberg, etc,, sur les-
quels quelques renseignements ne seront sans doute
pas inutiles.
Tous étaient Prussien0, comme Schlesinger, à
l'exception de Seyfried, qui était chef d'orchestre à
Vienne, où il était né. Joseph Mainzer, dont l'exis-
tence fut singulièrement agitée, avait vu le jour à
Trêves, où il fut ordonné prêtre en 182S, à peine âgé
de dix-neuf ans. Il avait fait de bonnes études mu-
sicales, et consacra presque toute sa vie à l'enseigne-
ment du chant populaire, ouvrant des écoles et pu-
bliant une foule de traités et de manuels pour cet
enseignement, d'abord en Allemagne, puis en France,
et enfin en Angleterre, où il se fixa définitivement. Il
venait de s'établir à Paris, lorsque parut la Gazette
musicale, dont il fut bientôt l'un des collaborateurs
les plus actifs, en même temps que du Monde drama-
tique et du National. Il donna à la Gazette plusieurs
séries d'articles sur divers sujets : La Chapelle Sixtine
à Rome, Sur Vinstrumentalion, Ile la Musique cl de lu
poésie nationales, Vienne et la synagogue juive... 11 fil
représenter au théâtre de la Renaissance un grand
opéra en quatre actes, la Jacquerie (1839), avec succès;
mais le plus singulier, c'est qu'après avoir été pen-
dent plusieurs années le collaborateur de Berlioz,
il publia en 1838 le premier numéro (et uniquei
d'une revue intitulée Chronique musicale, qui n'était,
en une centaine de pages in-octavo, qu'un long pam-
phlet exclusivement consacré à Berlioz et à ses
œuvres1.
Mainzer était un musicien instruit et de talent.
François Stœpel était un ambitieux dont l'éducation
musicale resta incomplète, qui ne manquait point
d'intelligence, mais dont les connaissances s'avé-
raient trop superficielles. Ne trouvant pas à se faire
en Allemagne la situation qu'il avait rêvée, bien
qu'il y eût publié divers écrits, fondé un journal dont
le succès fut nul el fait paraître quelques composi-
tions, il vint à Paris, créa une école de musique qui
ne réussit pas, et devint l'un des rédacteurs les
plus laborieux de la Gazrtle musicale. Dans le seul
cours de la première année, il y donna, entre autres,
h.\C) CLurEblE UE LA MtlïluVE ET UtCTlOiX XA1RE OU COSSERV ATOME
les travaux suivants : Georges &nshm, esquisse bio-
graphique, compte rendll de Seuf mélodies il'lli'cloi
Bertioz, Sfur les quintes et les octaves eachév», Ferdi-
nand Hitler, notice biographique. De SpontiM et dit
caractère 'le ses productions dramatiques, Essai sur la
poétique île la musique instrumentâtes...
Je n'ai pas à parler longuement d'Adolphe-Ber-
nard Maux, suffisamment connu par les nombreux et
importants travaux théoriques et historiques qui lui
ont valu une si grande renommée. Directeur de la
Gazette musicale de Berlin, fondée par Schlesinger
père, collaborateur de la C-ecilia et du Lexique uni-
versel île musique de Schilling, directeur de musique
à l'Université de Berlin, il n'avait sans doute que
peu de temps à accorder à la Gazette musicale de
Paris, où l'on ne trouve de lui, pour la première
année, qu'une Esquisse biographique île Beethoven*:
Gottfried-Engelbert Anders était un être mysté-
rieux et assez singulier. Après avoir fait de bonnes
études musicales à Bonn, sa ville natale, il vint se
fixer à Paris en 1829, et quelques années plus tant,
en is:c, il était chargé, à la Bibliothèque royale, d*e
la conservation du dépôt de la musique. C'est là que
j eus l'occasion de le connaître, lors de la publica-
tion de nies premiers essais dans la presse, et je
trouvai en lui un homme de bon conseil, de savoir
réel et de grande obligeance, en dépit de son état
valétudinaire el de son infirmité (il boitait d'une
jambe). Dès la fondation de la Gazette musicale, il fit
paitie ,1e sa rédaction, et donna tout d'abord une
longue série d'articles bien faits sur la partie instru-
mentale de l'Exposition des produits de l'industrie.
Bientôt, il s'occupa assez activement de ce qu'on
appeMe « la cuisine u du journal, et surtout, c'est lui
qui dressa, presque jusqu'à sa mort, les excellentes
tables de la Gazette, dont on peut dire que l'utilité
est inappréciable. A.ndf.rs, a-t-on dit, travaillait
beaucoup, et, pendant longtemps, prépara des ma-
tériaux pour deux grands ouvrages, une littérature
générale de la musique el un grand Dictionnaire
théorique, historique et biographique de l'art, dont
il n'eut pourtant jamais la force ou le courage d'en-
treprendre la rédaction. La vérité, c'est qu'ANDERS,
qui avait su réunir une bibliothèque musicale su-
perbe et d'une richesse rare, passait uniquement sa
vie à lire et à prendre des notes, sans jamais écrire
nue ligne. Et le malheur, c'est qu'il avait l'étrange
manie de tracer ces unies en signes hiéroglyphiques,
que lui seul pouvait comprendre, de telle soi te qu'à
sa mort, cet unique fruit de ses recherches est resté
stérile et inutile. Andehs n'a publié que deux écrits
de peu d'étendue : Sicolo Pagani)ii,sa vie, sa personne.
et quel, pies mots sur son secret (1831), et Détails bio-
graphiques sur Beethoven (1839)3.
I. Duesberg, écrivain resté obscur, avait, lui aussi,
quitté l'Allemagne pour venir se (aire une situation
à Paris, où il devint le correspondant de divers jour-
naux de son pays. Il entra à la Gazette musicale peu
de temps après sa fondation, mais n'y donna jamais
de travaux orginanx. Il ne s'y rendit pas moins toi I
utile en lui fournissant, jusqu'à sa mort, de nom-
breuses traductions ou analyses de livres et de tra-
vaux allemands. C'est aussi Duesberg qui lut chargé
de « mettre sur pied » et de rendre lisibles les articles
que Richard Wagner (qui, nul ne l'ignore, ne sut
jamais écrire correctement le français) fournil, à la
(■•Lut n.'\ m ÎT'.U, .i i llicrbelderungen ;
langueur, i Paris, en 1R3G.
nllt-en I7'.i5j Maux mourut ù Berlin en
Gazette mus, r„lc au cours des années 1840, 1841 et
IN4-J : Visite n Beethoven, La Musique allemande. Du
Métier île i irtuoseel de l'indépendance des compositeurs
1 1840), De VOuvertwe, Un Musicien étranger à Paris,
Caprins esthétiques, le Freischiitz, Une Soii ce heureuse
(1841), lu Reine de Chypre (1842). Duesberg traduisit
particulièrement divers fragments intéressants des
écrits de Charles-Marie de Weiier4.
Quant à Seyfried, pas plus que Maux, il ne montra
de fécondité à la Gazette musicale. On ne trouve de
lui, dans la première année de ce journal, que deux
articles peu importants: l'un sur l'Origine de l'orgue,
l'autre sur la Musique en (lune. SeïfrIED est trop
connu comme compositem el comme chef d'or-
chestre pour qu'il y ait lieu d'en parler longue-
ment ici".
On vuit ce qu'était la rédaction de la Gazette musi-
cale du côté allemand; plus active peut-être que du
côté français, si toutefois on excepte Berlioz. Dès les
premiers jours, en effet, celui-ci, qui, il n'est pas
besoin de le dire, se rendait compte de l'utilité que
pouvait avoir pour lui un journal à sa dévotion (et
qui sut s'en servir . y avait pris une place prépon-
dérante. En dehors de certains articles d'actualité,
de quelques fantaisies musicales qu'on devait retrou-
ver plus tard dans les Soirées ,1c l'orchestre, telles
que Rubini à Calais et le Suicide par enthousiasme,
il publia, la première année, plusieurs études impor-
tantes sur Gluck, sur son Ijiltigénic en Taurideel sur
le Guillaume Tell de Rossim. Halévy, de son coté,
donnait divers articles intéressants : Ali-Baba et
sainte Cécile, les Canons de M. Chsrubini et une
grande notice sur Boïfldieu, qui venait de mourir.
Quant à la collaboration d'Adolphe Adam, elle est
presque nulle pour cette première année, et celle de
Cas i.L-Bi.A/.fc. et de D'uni u., n. se borne a deux ou trois
articles, d'ailleurs assez importants.
La Gazette musicale suivait donc tranquillement
son chemin, concurremment avec la Reçue musicale.
moins doctrinaire que celle-ci, faisant preuve de
moins d'idées générales, et se laissant aller un peu
au hasard, niais, en somme, assez jeune et assez
vivace. Toutes deux, sans doute, eussent pu conti-
nuer de vivre côte à côte. Mais il est permis de croire
que Fétis pouvait être désireux de se soustraire à
l'obligation de s'occuper, à soixante-quinze lieues
de Paris, d'un journal paraissant en celte ville,
d'autant que l'importance et la responsabilité de la
haute situation qui lui était faite à Bruxelles ne lui
permettaient pas d'accorder à ce journal toute l'at-
tention possible. Qu'elle vint de lui ou de Schlesimgbb,
il est à peu près certain que l'idée d'une fusion en
une seule feuille de la Revue musicale et de la Gazette
musicale se lit jour d'un côté, et qu'elle lut bien
accueillie de l'autre. En l'ait, des arrangements
furent pris en ce sens, un traité intervint, et au mois
de novembre In:Jo, la Revue musicale disparaissait,
tandis que son litre s ajoutait a celui ■lu journal de
SCHLESIHGBR, qui prenait alors celui ,1e Heine et Ga-
zette musicale de Paris, Fétis s'y. réservant d'ailleurs
une placé et en restant le collaborateur.
La situation de la Revue et Gazette musicale deve-
nait, par ce fait, particulièrement importante, el peu
à peu, on voit sa rédaction se corser et s'enrichir de
noms nouveaux. Au premier rang, brille celui de
Liszt, qui ne laisse pas que de monlrer une certaine
. est mort ù Pai
•'I il « r en I"
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3 8. il
activité, et qui, entre autres, publie sous ce titre :
Lettres d'un bachelier es musique, une longue série
d'articles laquelle se poursuit pendant plusieurs an-
nées, ce qui ne l'empêche pas de donner aussi des
études analytiques sur les compositions des pianisles
ses confrères, Thalrerg, Charles-Valentin Alkan,
Schumann, Chopin, etc. L'excellent Slephen Heller se
montre aussi de lemps à autre, en des articles cri-
tiques pleins de savoir et d'élégance. Puis, on voit
paraître tour à tour le vénérable Berton, l'auteur de
Montnno et Stéphanie, Bottée de Touluon, le successeur
de Fétis à la Bibliothèque du Conservatoire, X. Bois-
selot, Auguste Morel, Germanus Le Pic, Elwart, Stk-
phen de La Madeleine, F. D anjou, Adrien de La Face,
dont les recherches historiques étaient dignes d'in-
térêt, A. de Pontécoulant, le violoniste et chanteur
Henri Panofka; mais surtout viennent prendre une
grande place Henri Blanchard, l'ancien chef d'or-
chestre des Variétés, qui fut aussi dramaturge à ses
heures, Georges Kastner, Maurice Bourges, Edouard
Mo.nnais, qui prend bientôt l'habitude de signer ses
articles du pseudonyme de Paul Smith, Louis Rbias-
tar, qui envoie de Berlin des correspondances inté-
ressantes, sans compter quelques simples dilettantes
tels que Charles Mkrruau, le futur secrétaire de la
préfecture de la Seine, Adolphe Guéroult, le futur
directeur de l'Opinion nationale, Victor Schœlchek,
Ernest Legouvé, llippolyte Prévost, P. Richard, de la
Bibliothèque royale... De la rédaction primitive,
Berlioz reste le plus actif. A un moment même, il se
multiplie avec une sorte de rage. Tout lui est bon :
critique de théâtres, comptes rendus de concerts,
analyses de publications nouvelles, biographies, jus-
qu'à des questions d'acoustique, il touche à tout, et
l'on voit parfois jusqu'à trois articles signés de son
nom dans le même numéro. C'est à cette époque
qu'il publie ses belles études sur les symphonies de
Beethoven et divers fragments de son Voyage en
lilernagne, ainsi que la série d'articles d'où devait
sortir le Traité d'instrumentation1.
A mesure que les années s'écoulaient, certains col-
laborateurs disparaissaient, dont d'autres venaient
prendre la place. La liste en est longue, car on peut
dire que, pendant près d'un demi-siècle, il n'est guère
d'écrivain s'occupant de choses musicales dont le
nom n'ait tiguré dans les colonnes de la Revue et Ga-
lette. A ceux de Léon Kreutzer, J.-B. Laurens, Amé-
dée Méreaux, l'excellent pianiste qui était feuilleto-
niste musical du Journal :1e Rouen, Meifred. Martin
(d'Angers), qu'il faut signaler maintenant, viennent
se joindre bientôt ceux de Georges Bousquet, Oscar
Comhtta.nt, Gustave Héqcei qui si-ne surtout du
pseudonymede Léon Durocher), D.-A.-D. Saint-Yves,
puis Adolp'he Botte, Paul Bernard, Arthur I'oumn,
Maurice Cristal (de son vrai nom Maurice Germa),
Mathieu db Monter, et plus tard encore A. Thuhner,
Charles Bannelier, Elias de Hau/.e (pseudonyme d'A-
chille de Lauzières), Edmond .Neukomm, Charles
Beaouuier, qui n'était pas encore député, II. Lajvûix
fils, Octave Eolque, Ad. Jollien, Ernest David, P. La-
come... Parmi ces derniers, plusieurs ramenèrent ie
journal dans la voie des sérieuses études historiques,
grande élude de I.esi
^ée par suite de la n
Lu,
lit,,-;
1838, deux longues « Lettres confidentielles » de Henri H,,m ; en
lS4i. plusieurs articles de Bkrlioz sur Ram nu et sur Castor et !',,!! us ;
en 1843, une nouvelle de GBOltGG Sanu, Cari, accompagnée de deux
morceaux d'HAi.EïY; sans compter de nombreuses séries d'articles de
Fktis sur dirers sujets In-t, triques on , l'actualité.
qui avaient été un peu négligées pendant quelques
années. A mentionner, sous ce rapport, une série
d'études sur les musiciens du xvin» siècle (Campra,
Duni, Philidor, Mondonvii.le, Mouret, Floquet, Grbs-
nick, Martini, Dezèdes, Devienne, Della Maria), par
Arthur Pougin, ainsi qu'un long travail sur Rossini
et un autre sur la Jeunesse d'Hérold; d'Edmond
.Neukomm, Moschelès, sa vie et ses œuvres, Grimrn et la
musique de son temps, une biographie de Werer;
d'Ernest David, Hassé et ses contemporains, Claudio
Monteverde, Adrien Willaert et l'école vénitienne; de
Mathieu de Monter, une longue élude sur Berlioz;
d'Ad. .lui. lien, Gœthe et la musique, la Saint-Huberty,
la Uusique et les Philosophes au dix-huitième siècle;
d'il. I.avoix lils, Les Traducteurs de Shakespeare en
musique, la Musique et l'imagerie; d'Octave Fouque,
la Salle Ventiidoar, etc.
Après une existence brillante de près d'un demi-
siècle, pendant laquelle elle avait vu son autorité
et sa renommée s'établir non seulement en France,
mais à l'étranger, de la façon la plus solide et la
plus honorable, la Revue et Gazette musicale était
parvenue, on peut le dire, à l'apogée de sa fortune.
C'est à ce moment qu'elle disparut tout à coup,
d'une façon qu'on pouvait qualifier de bizarre, si ce
fait singulier n'avait pas pour cause première une
situation qui allait devenir dramatique. En 1846,
Maurice Schli-singer avait cédé son fonds d'édition
musicale à Gemmy Brandis, qui, par ce fait, était
devenu en même temps propriétaire et directeur dfl
journal fondé par lui. Celui-ci, étant mort en 1873,
eut pour successeur son frère Louis Brandis, qui
continua, comme il l'avait l'ail lui-même, la publi-
, al i< m de l'a Revue et Gazette musicale. Le journal
parut ainsi jusqu'à la lin île l'année 1880, et c'est
alors que, à la surprise générale, sa publication cessa
subitement, sans avis préalable, et sans que rien eût
pu faire prévoir cette disparition. Quelques années
plus tard 1881 , Louis Brandis qui, tout en aban-
donnant le journal, avait continué de gérer la mai-
son, se brûlait la cervelle d'un coup de pistolet...
Le succès de lah>» me musicale de I-'f.tis avait donné
l'idée de quelques publications de ce genre. Presque
en même temps que la Gazelle musicale (dont nous
avons du confondre l'histoire avec celle de la Revue,
qu'elle continuait), et même un peu auparavant,
quelques essais furent tentés. Le mois de novembre
1833 voyait naitre simultanément deux recueils con-
sacres à la musique : le Pianiste et ['Encyclopédie
pittoresque de la musique, dont l'existence ne devait
pas se prolonger longtemps. Le Pianiste, spécialité
dans une spécialité, était, comme l'indique son titre,
particulièrement et uniquement destiné à s'occuper
du piano. Ce journal paraissait une fois par mois,
fondé et dirigé par Charles Chaulieu, ancien élève de
Louis Adam et de Catel au Conservatoire, où il avait
obtenu les premiers prix de piano et d'harmonie.
Dans sa notice sur Chaulieu, Fétis dit fort justement
que a ses articles sont remarquables par l'ingénuité
des observations et parla naïveté du style „. J'ajoute
que Chaulieu ne se doutait pas de ce que doit être
un journal et de la façon dont il peut intéresser le
lecteur. Le sien contenait des notices absolument
nulles sur les pianistes célèbres du passé ou du pré-
sent, de nombreuses analyses de méthodes et de
morceaux de piano, certaines remarques frivoles sur
la facture des instruments, et des nouvelles diverses>
le tout dans une langue enfantine et en des condi-
tions absolument superficielles. Ce que le Pianiste
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE l)V CONSERVATOIRE
me parait avoir offert de plus intéressant, ce sont
les portraits lithographies d'artistes qu'il donnai I
dans chacun de ses numéros. La première année
contient ainsi ceux de Muzio Ci.ementi, Hummel, Kalk-
brenner, J.-B. Cramer, Henri Bbrtini, Steibelt, Henri
Herz, Louis Adam, J.-li. Pixis, Ddssek, Jean-Sébas-
tien Bach et Haendel. La publication du Pianiste,
dont les numéros ne portaient point de date, ne
dura que deux années.
L'Encyclopédie pittoresque <-!■•■ la musique, « conte-
nant l'histoire de la musique ancienne et moderne,
la biographie, elc, » était une publication pério-
dique, mais non un journal proprement dit. Les
pages, en effet, se suivaient couramment, comme
celles d'un livre, et les numéros (ou les livraisons)
ne portaient ni titre ni date. Abondante en illustra-
tions de valeur d'ailleurs médiocre, cette publica-
tion bizarre, dont les articles n'étaient point signé?,
n'offrait aucun intérêt réel et pas davantage d'uti-
lité. On voyait qu'aucun principe, aucune idée pre-
mière et d'ensemble ne présidait à la confection de
ce recueil, où tout était fait sans ordre et allait
au hasard. Les deux directeurs étaient le guitariste
Adolphe Ledhcy et l'excellent pianiste Henri Bertini,
qui auraient pu mieux employer leurs loisirs. Leur
Encyclopédie n'eut du reste qu'une année d'existence.
Cette année terminée, les souscripteurs reçurent.,
pour la réunion en volume, une feuille de titre qui
porte la date de 183:i. Mais, comme nous l'avons dit,
le premier numéro parut en novembre 1833. et le
dernier, par conséquent, en octobre 1834.
Presque en même temps que le Pianiste et l'Ency-
clopédie pittoresque de l'a musique, c'est-à-dire le 3 dé-
cembre 1833, paraissait le premier numéro d'un
journal qui, au contraire de ceux-ci, dont l'existence
fut courte, était destiné à une longue carrière,
puisque, sa publication se poursuivant encore à
l'heure présente, elle en est à sa quatre-vingt-dix-
septième année. Ce journal, c'est le Ménestrel, qui
non seulement représente le doyen des journaux de
musique français, mais qui a atteint une longévité
unique dans l'histoire de la presse musicale euro-
péenne.
Fondé par deux éditeurs de musique associés,
Antoine Meissonnier et Jacques-Léopold Heugel, le
Ménestrel n'offrait d'abord qu'un médiocre intérêt
littéraire, la place réservée à la rédaction étant par
trop restreinte. En effet, des qualre pages que com-
portait chaque numéro, la deuxième et la troisième
se trouvantrégulièrement occupées par un morceau de
musique, la première et la quatrième étaient seules
consacrées au texte; et comme une moitié de la pre-
mière était prise par le titre et par une vignette
d'en-tète, celui-ci n'avait réellement à sa disposi-
tion qu'une page et demie. On comprend que, dans
ces conditions, toute critique sérieuse était impos-
sible, et que le journal devait se borner, ou à peu
près, à offrir à ses lecteurs le simple ensemble des
nouvelles artistiques de la semaine. Au bout de
quelques années, et lorsque Léopold Heugel fut resté
seul à la tète de la maison, il fit subir au journal
une première transformation. La musique étant
donnée à part et en supplément, les qualre pages
qui formaient le numéro furent entièrement consa-
crées au texte, et déjà l'espace permettait la publi-
cation d'articles d'une certaine importance, donnant
les comptes rendus des œuvres nouvelles représen-
tés sur les différents théâtres, et même quelquefois
certaines variétés sur divers sujets. Les rédacteurs
étaient alors Jules Lovv, Edmond Viel, Elwart, etc.
Mais, aux environs de 1860, une seconde transforma-
tion permit au Ménestrel de prendre toute l'ampleur
et d'acquérir toute l'autorité qu'il n'a cessé d'exercer
depuis lors. Le changement de format et la publica-
tion régulière par huit pages, en lui donnant tout
l'espace nécessaire, lui permirent d'aborder toutes
les questions intéressant la musique, dans tous les
ordres d'idées, et aussi de publier les nombreux et
sérieux travaux historiques ou biographiques qui
ont consacré et justifié sa très haute réputation.
Pour ces travaux, il lit appel aux écrivains spéciaux
les plus en renom, et la liste serait longue à établir
des ouvrages importants qui virent ainsi le jour
dans ses colonnes, et qui, sans lui, n'auraient peut-
être pas enrichi la littérature musicale de tant d'é-
tudes intéressantes et substantielles, dont le nombre
et la valeur n'ont rien à envier à ce qui se fait en
Allemagne. On peut dire que, sous ce rapport, le
Ménestrel a rendu un immense service en encoura-
geant les travaux historiques relatifs à la musique,
en les faisant naître et en leur donnant la possibi-
lité de se produire. Ce que ce journal a publié sous
ce rapport depuis près d'un demi-siècle est incalcu-
lable, et l'on ne peut que signaler ici quelques-uns
des ouvrages, biographiques ou autres, qui ont reçu
l'hospitalité de ses colonnes avant de paraître en
librairie : Boîeldieu, par Gustave Héquet; Richard
Wagner, par A. deGasperini; Rossini, Félicien David.
par Alexis Azevedo; Weber, Gluck, Chopin, Beethoven.
F. Schubert, Félix Mendelssohn, par H. Barbedktte;
Histoire de l'Opéra-Comique, la seconde salle Favarl,
par Albert Souries et Charles Malherbe; Hérold, Au-
ber, par B. Jouvin; Albert lirisar, Adolphe Adam.
Hameau, Figures d'o/» ira-comique, Cherubird, Mèhul.
.1.-1. Rousseau musicien, Les Vrais Créateurs de l'opéra
français. Verdi, Pierre Jélyotte, L'Opéra -Comique
pendant la Révolution, par Arthur Pol'Gin; Mozart.
Beethoven, par Victor Wilder; Traité de l'expression
musicale, par Matins Lussï; Michel île Glinka, par
Octave Fouque; F. Halévy, par Léon Halévy; Meyer-
beer, par Henri Blaze de Blry...; sans compter de
nombreux travaux de divers genres de MM. Paul Ber-
nard, Weckerlin, Edmond Neukomh, Paul d'Estrée,
Oscar Comettant, Denne-Baron, P. Lacome, Ernest
David, Amédée Boutarel, Michel Brenet, Julien Tier-
sot, Camille Benoit, Jules Carlez, Paul-Emile Che-
valier, J. Jemin, Camille Le Senne, Raymond Boi'yer,
Gustave Ciiouijuet, Gustave Bertrand, Geoiges dk
Massougnes, Mme Marie Jaki.l, etc., auxquels il faut
ajouter d'intéressantes correspondances résumant
le mouvement musical à l'étranger, entre autres de
Londres (MM. Johnston, Francis Hukfer), de Vienne
(M. Oscar BERGf.MF.N),de Saint-Pétersbourg (MM. Man-
geant, Albert Vizentini, César Cui), de Bruxelles
(M. Lucien Solvay)... Le Ménestrel, dirigé depuis la
mort de Léopold Heugel par son lils M. Henri Heugei .
a conservé toute son importance, toute son influence,
toute son activité, et s'efforce, jusque dans les moin-
dres détails d'actualité, d'être surtout un journal
historique, un recueil de faits de toute sorte, dont la
collection constitue une mine de renseignements et
de documents précieux résumant le mouvement
musical des diverses parties de l'Europe. Il sera,
pour les historiens de l'avenir, une source indispen-
sable à consulter.
Quel était le directeur, quels étaient les rédac-
teurs de la Romance, « journal de musique », dont le
premier numéro paraissait le i janvier 1834, juste
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3853
un mois après celui du Ménestrel1! Je serais bien en
peine de le dire, les articles, pour la plupart courts
et d'ailleurs sans consistance, restant anonymes ou
parfois signés d'initiales (A. G., J. »., S. T., L. C),
et le seul renseignement, insuflîsanl, consistant en
cette note : « On s'abonne à Paris, rue du Coq-Saint-
Honoré, n° 4, aux bureaux de l'Artiste. » Ce journal
était hebdomadaire et paraissait par quatre pages
de texte qu'accompagnait chaque fois une romance.
Littérature très superficielle, critique sans portée et
d'un intérêt absolument nul, ne reposant sur aucun
principe général. Je crois que la Romance n'eut que
deux années d'existence2.
Voici venir un journal qui, par ses allures batail-
leuses, par son caractère agressif, par son mépris à
peu près complet des moindres convenances et des
intérêts d'autrui, fit en un temps beaucoup parler
de lui, causa quelque scandale el s'attira de nom-
breux et retentissants procès. Je veux parler de la
France musicale, fondée par les deux frères Marie et
Léon Escudier, qui en commencèrent la publication
au mois de décembre 1837. Chefs d'une maison d'é-
dition musicale où ils s'étaient fait une spécialité
de la publication d'opéras italiens, notamment des
œuvres de Donizk.tti et de Verdi, les trères Escudier
donnèrent naturellement une couleur toute particu-
lière à leur journal et l'orientèrent de ce côté. Per-
sonne n'y eût pu trouver à redire s'ils ne s'étaient
pas elforcés et n'avaient en quelque sorte pris à
tâche de rabaisser toute autre musique que celle
qu'ils publiaient, et s'ils n'avaient employé des pro-
cédés de critique contraires à toute bienséance pour
déverser le mépris sur des œuvres et des artistes
dont le seul défaut était de ne point appartenir à
leur maison de commerce. La France musicale, avec
sa polémique ardente, personnelle, et trop souvent
excessive et discourtoise, était d'ailleurs, surtout dans
les premières années de sa carrière, un journal
vivace, alerte, et sinon bien fait et bien entendu, du
moins presque toujours intéressant. On y vit se suc-
céder un grand nombre de rédacteurs : Castil-Bla/.e,
Jules Maurel, A. Elwart, Charles Villagre, Oscar
COMETTANT, Po.NTÉCOULANT, A. FaRRENC, SeXliuS IH -
hanij, et plus lard A. Malliot, Giacomelli, Gustave
Chouquet, A. de Bury, Théodore de Lajarte, Arlhur
Pougin, E. i'I'hoinan, A. Thirner, Edouard Gregoir,
Jules Carlëz, A. Lomon, M. A. Gromier, Henri Yvert,
■A. des Appiers, etc. C'est dans7a France musicale que
parut tout d'abord, sous forme d'articles, le livre
fameux de Liszt sur Chopin. Parmi certains travaux
importants qui trouvèrent place dans ses colonnes,
on peut citer : Haendel et son temps, par Victor
Schœlcher; Des Livres rares et de leur destinée, par
A. Farrenc; Adolphe Sax, ses ouvrages et ses luttes,
par Oscar Comettant; L'Opéra-Comique et ses trans-
formations, par A. Thurner; William-Vincent Wal-
lacc, par Arlhur Pougin; Troubadours et trouvères,
par Escudier; Instruments Sac et fanfares civiles, par
Théodore de Lajarte; Le Nouveau Régime des théâtres
dans les départements, par A. .Malliot; Institut Boïel-
dieu, création d'un Conservatoire de musique à Rouen
par le même, etc.
Par une singulière fantaisie, les directeurs de la
France musicale changèrent, en 1849, le titre de ce
journal, qu'ils intitulèrent la Musique, gazette de la
France musicale; mais dés l'année suivante, ils lui
rendirent son titre primitif. En 1860, une discussion
d'intérêt s'étant élevée entre eux, les deux frères se
séparèrent, et l'aîné, Marie Escudier, demeura seul
à la tête de la France musicale, à laquelle Léon ne
larda pas à créer une concurrence en fondant l'Art
musical, comme on le verra plus loin. Les événe-
ments de 1870 firent suspendre, comme tant d'autres,
la publication de la France musicale; elle ne fut
jamais reprise. En rappelant son souvenir, il est juste
de constater que ce journal tint pendant longtemps
une place importante dans la presse musicale.
En 1838, le compositeur Joseph Mainzer faisait
paraître le premier numéro d'une revue qui portait
le titre de Chronique musicale. Ce premier numéro,
qui ne fut suivi d'aucun autre, formait une forte
brochure de % pages, uniquement consacrée à un
éreintemenl en règle de Berlioz, dont pourtant/chose
assez singulière, Mai.nzer avait été le collaborateur
à la Gazette musicale.
Kn lsi-1, Marie Champein, de retour de Belgique,
où il venait de passer plusieurs années, fondait coup
sur coup à Paris deux journaux de musique qui
n'eurent l'un et l'autre qu'une existence éphémère.
Il avait donné au premier le titre de celui des opéras
de son père que l'on considère comme son chef-
d'œuvre : la Mélomanie; l'autre était intitulé le Musi-
cien. Le seul souvenir qui subsiste de ces deux jour-
naux se trouve dans ces lignes de la notice que Fétjs
a consacrée à Champein : « Il entreprit en 1841 la
publication d'un journal hebdomadaire intitulé la
Mélomanie, qui n'eut qu'une existence de quelques
mois. L'année suivante, il fil paraître le Musicien,
autre feuille du même genre. Un article de ce jour-
nal, dirigé contre Mme Stoltz, ayant été déclaré ca-
lomnieux, M. Champein fui condamné en police cor-
rectionnelle et passa en Angleterre pour se soustraire
aux conséquences de ce jugement3. »
En 1842, l'éditeur Troupenas faisait paraître un
journal intitulé la Mélodie, dont il ne parut guère
qu'une année, et c'est vers le même temps qu'un
autre édileur, de burlesque mémoire, le fantaisiste
Bernard Lattf, qui eut cependant une période de
succès, commença la publication d'un autre journal,
le Monde musical, qui dura un peu plus longtemps,
pour se fondre ensuite dans le Ménestrel. A signaler
encore, en 1844, l'Europe musicale et dramatique; en
IS4.'i, l'Album de Sainte-Cécile, publié par l'éditeur
Pacini, qui passe, au bout de quelques mois, chez
l'éditeur Bonoloi, successeur de ce dernier, lequel
change son litre el en fait la Presse musicale, sans
que ce changement lui assure le succès.
L'année 184o voit naître la Revue de la musique re-
ligieuse, populaire et classit/iie, excellent recueil dans
sa spécialité, dirigé par le savant Félix DANJOu.avec
1. Les numéros des sis premiers mois portaient seulement la date
du jour et du mois, non eelle de l'année ; ce n'est qu'à partir de celui
du 12 juillet, que le journal porle régulièrement en tète : « Première
année. 1834. »
i. le ne mentionne ici que pour mémoire un journal dirige par un
Français, mais publie a l'étranger, en Belgique, à partir de 1834 jus-
qu'en 1839. Ce journal était le Franc-Juge, a revue de la littérature
de la musique et des beaui-arts », fondé à Bruxelles par Marie-Fran-
çois-Stanislas Ciumpein, fils du compositeur Chxmphn, aujourd'hui
liien oublié maigre les vingt et quelques 0|m-i.is qu'il lit represent,
et qui cependant obtint à la Comédie-Italienne deux succès relent
sants avec les Dettes et la Mrloma>n>\ Nous retrouverons un p
plus loin Chami-ein avec deux antres journaux, cette fois publiés
Paris.
3. Le 10 avril 1821, le théâtre du Gymnase-Dramatique represent,
un opéra-comique en un acte intitulé Une FrUnçaise, musique
EHcyci.oi>i:nih: de la musique et dictxovnmre ou cossEnvATomu
la c.illuhnration de Feus, de l'abbé Stéphen Morelot,
ancien élève de l'Ecole des Chartes, l'abbé Petit,
J.-H. Laurens, C. Cal, etc. La Reuuc de la musique
religieuse, qui paraissait chaque mois par livraisons
de trois ou quatre feuilles, était un périodique subs-
tantiel et fort intéressant, fertile en travaux solides
et dignes de la plus grande attention. Elle semblait
avoir conquis le succès qu'elle méritait à tous égards,
lorsque la révolution. de 1848 vint lui porter un coup
fatal et amena sa disparition. Gomme on le verra
plus loin, elle a été remplacée par la Maîtrise, puis par
la Tribune de Saint-Gervais. La collection, très pré-
cieuse, en est aujourd'hui fort rare.
Celle même révolution dj 1848 porta aussi un coup
mortel à une autre publication, la Critique musicale,
journal hebdomadaire qui avait fait son apparition
le Ier novembre 1840, et qui était dirigé par un an-
cien Il Titiste devenu homme de bourse, nommé Alexis
Azbvbdo, lequel acquit, une douzaine d'années plus
tard, un semblant de notoriété, lorsqu'il occupa le
feuilleton musical d'un grand journal politique très
répandu sous l'Empire, l'Opinion nationale. Azevedo,
qui avait donné quelques articles à La France musicale
et à la Mélomanie, n'avait l'étoffe ni d'un critique ni
d'un directeur de journal. Pourvu d'une instruction
musicale très insuffisante, il remplaçait le savoir par
la violence et traitait de Turc à More quiconque se
permettait de penser autrement que lui. Passionné à
l'excès, il ne prisait qu'un genre de musique, la
musique italienne, et, dans cette musique, celle de
Rossmi, dont il estimait les pochades de jeunesse à
l'égal de Guillaume Tell et du Barbier; pendant le
cours de sa carrière de critique, il ne cessa de déver-
ser l'injure sur de grands artistes tels que Meyerbeer,
Berlioz, Halévy, Godnod, préférant à leurs œuvres
n'importe quelle platitude signée d'un nom ultra-
montain. D'autre part, partisan acharné du système
Chevé, il s'escrimait avec fureur contre ceux qui
osaient soutenir que le procédé du chiffre est à la
notation musicale ce que le dessin linéaire est à la
peinture. Enfin, néologiste forcené, il croyait avoir
tout dit quand il avait parlé de « l'école du civet
sans lièvre » (la musique sans mélodie), du cassero-
lage i l'abus de l'orchestration), de la braillardocratie
(les chanteurs qui crient), etc. ,Son journal la Cri-
tique musicale, où il comptait pour collaborateurs
J. Meifred, professeur décor au Conservatoire, H. .loi -
\ in, futur critique musical du Figaro, Johannes \\i-
her', futur critique musical du Temps, Fiorentino,
futur critique musical du Moniteur universel, Biche-
Latour, futur directeur du Grand Théâtre de Bor-
deaux, Cyprien de Lespar, Charles Pellecart, etc.,
n'offrait qu'un intérêt médiocre et n'apportait aucun
élément dans la pratique du journalisme musical'.
A mentionner simplement, dans les années qui
suivirent, la naissance, je n'ose dire l'existence, de
quelques journaux éphémères et qui n'ont laissé
aucune trace de leur passage : La Musique. « gazette
universelle des artistes et amateurs », dont le pre-
mier numéro paraît le 1 janvier 1849; la Chronique
musicale (5 avril 1850), journal mensuel, dirigé par
P. Villeblanche, « professeur à l'Athénée national n ;
le Moniteur musical (23 avriH851), dirigé par Charles
Soullier, qui devait fonder dix ans plus tard un
1. A partir de son M" num
n titre pour prendre relui
nlondrcavec uu autre Uni
journal orphéonique, l'Union chorale de Paris, et
fut ensuite collaborateur de l'Art musical ainsi que
d'une autre Chronique musicale, et à qui l'on doit un
Annuaire musical pour 1855, et un Nouveau Diction-
naire de musique illustré, élémentaire, théorique, pro-
fessionnel et complet, tout cela de mince valeur; en-
lin, l'Avenir musical (novembre 1852)2.
Et nous arrivons à une entreprise plus sérieuse,.
l'Univers musical, journal hebdomadaire fondé, à la
fin de 1853, par l'éditeur de musique Benoît et qui
passa ensuite aux mains de l'éditeur Ledentu. Ce
journal eut successivement pour rédacteurs en chef
Philippe Martin, Stéphen de la Madeleine et Louis
IIoger, et pour collaborateurs A. Elwart, Charles
Poisot, Léon Gâtâtes, Martin (d'Angers), M. Parhen-
riEti, etc. L'Univers musical, dont l'existence s'est
prolongée pendant une quinzaine d'années environ,
a publié un certain nombre de travaux qui n'étaient
pas sans intérêt : De la Nature du son et de ses effets,
par Stéphen de la Madeleine; Etude sur l'appareil
respiratoire, par le même; Esthétique et mécanisme
des traits, par le même; Histoire de la musique en
France, par Charles Poisot (publiée plus lard en
volume : Dentu, éditeur, 1860); une traduction
abrégée de l'Histoire de la musique do P. Martini, par
le même; des Lettres sur les orphéons, par A. Elwart.
etc. Il faut constaler cependant que, malgré les soins
qui étaient apportés à sa rédaclion, l'Univers musi-
cal ne put jamais acquérir d'intluence ou d'autorité,
et ne sut parvenir à atteindre l'oreille du public; le
journal manquait de chaleur, de vie et de mouve-
ment, et finit par mourir de consomption.
Nous trouvons ensuite un recueil d'un autre genre,
la Revue de musique sacrée ancienne et moderne,
fondée en 18.Ï6 par l'abbé Normand, de batailleuse
mémoire, sous son pseudonyme ordinaire de Théo-
dore Nisard, et publiée à Rennes, à la librairie Vatar.
Malgré son titre et sa qualité de prèlre, l'abbé Nor-
mand .était un polémiste enragé, |qui avait eu plus
d'une fois maille à partir avec d'autres écrivains spé-
ciaux, notamment avec Fétis, Danjou et Félix Clé-
ment. Il s'assagit et s'apaisa pourtant en publiant
sa Revue, recueil sérieux, intéressant et bien fait,
pour lequel il s'entoura d'«*cellents collaborateurs
tels que J. d'Ortigue, l'abbé Jouve, Alexandre Le-
clercq, Adrien de la Fage, Aristide Farrenc, R.-J.
Pottier, Castil-Blaze, A.-J.-H. Vincent, Bëaulieo,
Avy, etc., et qui méritait mieux que
inditlerence
du public. Entre autres travaux intéressants, Nisard.
y publia une solide étude sur Francou de Coloqne, son
siècle, ses travaux et son influence sur la musique me-
surée du moyen âge. 11 faut croire cependant que la
Revue de musique sacrée, malgré ses consciencieux
efforts, n'obtint qu'un succès médiocre, puisqu'elle
dut disparaître après une seule année de publica-
tion. La collection des numéros de cette seule année
est aujourd'hui fort rare, et elle demeure précieuse-
en raison de la valeur des écrits qu'elle renferme.
Cette même année 1856 vit naître une feuille d'une
nature.toute particulière, la Réforme musicale, « jour-
nal des doctrines de l'école Galin-Paris, Chevé »,
c'est-à-dire consacré à la propagation de la notation
chiffrée. Avec des rédacteurs comme Aimé Paris,
Alexis Azevedo, Emile Cantrel, dirigés par Louis
2. Le seul souvenir peut-être qui reste de ces journaux est dans la
mention qu'on en trouve dans le petit livre Intitulé hi l'resse pari-
sienne, statistique de tous les journaux nés, morts, ressuseités ou mé-
tamorphosas a Paris depuis le 11 février 1815 jusqu'à l'Empire, par
Henry Izaubard (Paris, Krabbe, 1853, in-ISl.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÈDAdOtilE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE S*65
Rouer connue rédacteur en chef, il n'est pas besoin
de dire si ce journal recherchait avec ardeur les
occasions de lutte et de polémique. A part la dis-
cussion des questions relatives à la prétendue préé-
minence de la notation chiffrée sur la notation
usuelle, il n'offrait qu'un intérêt très relatif. Il vécut
cependant, tant bien que mal, pendant une dizaine
d'années.
C'est encore un organe d'un autre genre que nous
trouvons, toujours en cette année I806 : Le Luth
français, « journal de la facture instrumentale ».
Le titre était joli, quoiqu'il pût paraître un peu
démodé et nous reporter an genre troubadour. Le
fondateur de ce journal était un certain Giacqmelli,
Italien de naissance, comme l'indiquait son nom,
petit bossu très intelligent, très malin, peu scrupu-
leux, directeur d'une agence de concerts doublée
d'un journal, la Preste théâtrale et musicale, à l'aide
desquels il savait faire reconnaître généreusement
les services qu'il pouvait rendre aux artistes qui
avaient affaire à lui- Son Luth français n'eut qu'une
courte existence, car le premier numéro punit le
a juin 1856, et celui du 20 février 1857 fut le dernier
de la série. Il comptait parmi ses collaborateurs
Adrien de La Fage, Oscar Comettant, Ed. Renaudin,
II. Hoche et Alexandre Maliishan, violoniste qui n'avait
de commun que le nom avec l'illustre cantatrice. Un
différend s'éleva dès les premiers jours entre celui-
ci et Giacomblli, si bien que ledit Malihran s'en alla
de son côté fonder une succursale, c'est-à-dire une
concurrence, sous le titre de l'Union instrumentale,
« journal de la fabrication universelle des instru-
ments de musique », dont il lit paraître le premier
numéro le 25 juillet 1856, mais dont la carrière
fut encore plus éphémère que celle du Luth fran-
çais.
Le 15 avril 1857 voyait paraître le premier numéro
d'un recueil fort important qui a laisse des traces
sérieuses de son passage, la Maîtrise, journal de
musique religieuse, publié par les éditeurs du Ménes-
trel, avec, pour directeur, Loris Niedermeyer, fonda-
teur de l'excellente Ecole de musique religieuse, et
pour rédacteur en chef Joseph d'OariGUE, l'auteur du
Dictionnaire de plain-chant et de musique d'église,
avec la collaboration des abbés Jouve, Arnaud
et Si.'i'hen Morklot, de Victor Pelletier, Edouard
Bertrand, P. A. Schubiger, Vaucorbeil et Morel de
Yolkine. Toutefois, et bien que le texte de 2a Maîtrise
fût loin d'être sans valeur (il en faut surtout signaler
une solide étude d'Edouard Bertrand sur l'histoire
de l'orgue), le grand intérêt offert par ce recueil
superbe consistait dans son excellente et abondante
publication d'oeuvres de musique religieuse, soit pour
chant, soit pour orgue (chaque numéro mensuel ne
contenait pas moins de six morceaux). Dans cette
publication vraiment remarquable, les noms des
artistes modernes s'avoisinaient aux noms glorieux
des grands classiques. Pour ceux-ci, c'était Pales-
trina, Roland de Lassu>, Jean-Sébastien Bach et son
fils Philippe-Emmanuel, Haendel, Vittoria, Cléram-
BAILT, FrESCOBALDI, SCARLATII, MARCELLO, le P. MARTINI,
Haydn, Mozart, Le Bègue, Durante, Albrechtsberger,
Eberlin, et pour les modernes Ciierubini, Lesueur,
Boely, Auber, Benoist, Rossini, Gharles-Valentin
Alkan, Niedermeyer, Ambroise Thomas, Gounod, Lem-
mens, Rembt, Rinck, Lefébure-Wély, César Franck,
Chauvet, prince de la Moskowa, Gevaert, Clément
Loret, etc. Cette collection de la MaUrise est assu-
rément l'une des plus précieuses qu'on puisse ima-
giner. La carrière du journal comprend quatre
années pleines.
Elle avait à peine terminé son existence qu'on
voyait surgir un autre organe de musique religieuse,
le Plain-C liant, « revue mensuelle de musique
sacrée », qui paraissait au mois de janvier 1860,
sous la direction de Théodore Nisard, auquel, peu
après, succédait Adrien de La Fage comme rédac-
teur en chef. Dans le même temps paraissait encore
un journal intitulé la Paroisse, qui, en 1802, fusionna
avec celui-ci, de telle sorte que le Plain-Chant, réuni
à la Paroisse, jugea bon d'abandonner son titre pour
prendre celui de Revue de musique sacrée, ancienne
el moderne, qui semblait faire revivre le recueil de
ce nom que Théodore Nisard avait dirigé pendant
une année. Au nom lire de ses rédacteurs se trou-
vaient Georges Schmitt, organiste du grand orgue
de Saint-Sulpice, Louis Roger, l'abbé Jouve, L. C.
I.auhens et quelques autres. Cette nom elle Revue de
musique sacrée poursuivit sa publication jusqu'en 1870.
Lors de la rupture survenue entre les deux frères
lïso :r, rupture que nous avons signalée en par-
lant de la France musical-', il fut convenu, à la
suite d'arrangements pris entre eux, que l'aîné,
.Marie, conserverait la propriété du journal, tandis
que Léon resterait à la tête de la maison d'édition
musicale. Mais quelques mois s'étaient à peine écou-
lés que Léon, qui, mieux que personne, pouvait ap-
précier l'importance et l'utilité d'un journal attaché
à une maison de ce genre, songea à en fonder un
nouveau qui remplacerait pour lui la France musi-
cale. Le 6 décembre 1860, il lançait donc le premier
numéro de l'Art musical, qu'il dirigeait person-
nellement, ayant pour premiers collaborateurs Oscar
('.omettant, Franz de Villars, Jules Maurel, P. La-
cohb, Edmond Neukomm, de Lauzières-Thémines, aux-
quels se joignirent par la suite E. Tïioinan, Albert
m Lasallr, Arthur Pon.ix et P. Scudo. Ce dernier,
qui riait alors critique musical à la Rfil ue des Deux-
Hondes, n'était pas tendre, dans ce recueil célèbre et
fort lu, pour les œuvres de Verdi, alors dans tout
leur éolal au Théâtre-Italien, et, malgré sa qualité
.le compatriote du maître, ne laissait pas que de le
maltraiter sans ménagements. Or, Léon Escudier
était précisément le propriétaire et l'éditeur en
France des œuvres de Verdi, et l'on conçoit que les
attaques de Scudo contre ces œuvres ne devaient
pas lui plaire. Que fit-il? A l'aide d'un gros sacri-
fice d'argent, il réussit à museler le critique de la
Hevne des Deux Mondes en l'attachant à l'Art musi-
cal, et la Revue devint moins âpre dans ses appré-
ciations sur Verdi et sa musique. Il arriva seulement
que la. Revue, peu flattée de voir le nom de son col-
laborateur s'étaler dans les colonnes d'un simple
journal de musique, ce qui paraissait déshonorant
sans doute aux yeux de ses lecteurs, lui fit défense
de prostituer ainsi sa signature. Celui-ci se décida
donc à la couper en deux, et tandis que ces articles
de la Revue portaient le nom de P. Scudo, ceux de
l'Art musical étaient simplement signés P. Se... Et
ainsi, l'honneur se trouvait sauf.
L'Art musical publia un certain nombre de tra-
vaux intéressants. Des études sur les deux lphigénie
de Gluck, sur la Serva padrona de Pergolèse, par F.
de Villars; des souvenirs de P. Scudo sur les chan-
teurs italiens célèbres; les biographies de Bellini et
de Boïeldieu, une étude sur F. Halévy écrivain, des
notices sur Mercadante, Pedrotti, Cagnoni, par
Arthur Pougin; le Mémorial du Théâtre Lyrique, par
ix;,i;
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Albert de Lasalle; des notices sur le violiste Mac-
gars et sur le compositeur Jean Ockkgiieh par E.
Thoinan; une biographie de Donizetti, par de Lau-
zières-Tiiêmines, etc. Comme tanl d'autres, l'Art
musical dut interrompre sa publication pendant les
événements de 1870-71; il la reprit lorsque Paris
fut délivré de la guerre étrangère et de la guerre
civile, puis, quand mourut son fondateur, il passa
aux mains de l'éditeur Alphonse Leduc, qui en
réduisit le format. Il vécut encore ainsi quelques
années, et finalement disparut aux environs de 1880.
En 186:1, parurent les premiers Bulletins de la
Société des compositeurs de musique, qui venait de se
fonder en 1862. Bien que ces Bulletins ne fussent
pas destinés à pénétrer jusqu'au grand public (ils
étaient tirés à cent exemplaires réservés aux seuls
membres de la Société, aussi sont-ils aujourd'hui
absolument introuvables), il n'en appartiennent pas
moins à l'histoire de la presse musicale. Ils se pu-
bliaient par les soins de M. Weckerlin, bibliothécaire
de la Société, et leur existence se prolongea jus-
qu'en 1868. iNon seulement, ils rendaient compte des
Iravaux de la compagnie en publiant les procès-
verbaux de ses séances et les rapports lus annuelle-
ment en Assemblée générale, en donnant des notices
nécrologiques sur ceux de ses membres qui étaient
frappés par la mort, mais ils reproduisaient le texte
des lectures et conférences faites dans les séances
extraordinaires. On y trouve ainsi des notes fort
intéressantes sur les sujets suivants : Histoire de la
chanson, par M. Weckerlin; Résumé du mouvement
musical contemporain en Allemagne, par le même;
.Sur la musique des Arabes, par le même; Origines
comparées dn chant et du langage, par le même;
Compositeurs et. éditeurs, par le même; Histoire de
l'impression de la musique, principalement en France,
par le même; Elude sur l'origine et la format i'Oi de
l'air, par M. Gevaert; Expériences sur l'étude optique
des sons, par M. Lissajous; Recherches des physiciens
sur le timbre des sons musicaux, par le même; Confé-
rence historique sur l'art musical, par M. l'Eus; les
Chants du Pérou, par M. Oscar Comettant; Etude sur
la formation du genre de musique religieuse auquel
appartiennent les séquences, par M. Félix Clément;
De l'accompagnement du plain-chant, par le même;
Considérations morales et historiques sur renseigne-
ment populaire de la musique en France, par le même;
Ethnographie et géographie musicales : l'Espagne, par
M. P. Lacome; La Musique au.r onzième, douzième,
treizième siècles, par M. Gevaert; Observations sur
le mode mineur, par M. Charles Poisot; Considéra-
tions sur le professorat musical abandonné à la volonté
individuelle, par M. Poi-ulus. 11 est regrettable que
la Société des compositeurs ail renoncé à la publi-
cation de ces Bulletins, qui formeraient aujourd'hui
un recueil de documents originaux et précieux.
A enregistrer ensuite la Semaine musicale, fondée
en 186a par un compositeur amateur, Banault de
Saint-Andréa (qui publia quelques mélodies sous le
pseudonyme d'Andréas Balken), avec Louis Uoger
comme rédacteur en chef, journal d'une valeur
médiocre, et dont l'existence se prolongea obscuré-
ment pendant environ trois années. Dans le même
temps, c'est-à-dire au»si en 186.:j, paraissait la Chro-
nique musicale, « résumé des faits et nouvelles de
l'art, paraissant le 1er et le 16 de chaque mois »,
sous la direction de J.-P. Moschelès (pseudonyme
d'Adolphe Papin). Excellent petit journal, aussi bien
fait qu'il affichait peu de prétentions, qui se publiait
d'abord dans le format in-folio, et à partir de 1868
sous la forme d'une brochure in-octavo. 11 vécut jus-
qu'en 1870.
A citer encore, pour mémoire, le Courrier musical ,
qui parut pour la première fois le 21 mars 1867, et
dont la courte existence se termina avec son cin-
quième numéro. Il était dirigé cependant par un
musicien instruit, M. Félix Grenier, à qui l'on dut,
par la suite, de bonnes traductions annotées du livre
de FoRKEi, sur Jean-Sébastien Bach, de celui de Fer-
dinand Hiller sur Félix Mendelssohn-Bartholdy etc.
Une publication assez singulière, parce qu'elle
était irrégulière et intermittente, était le Bibliogra-
phe musical, publié par Pothier de Lalaine, avec le
concours de MM. Gustave Bertrand, Weckerlin,
Arthur Pougin, Tr. Thoinan, H. Lavoix fils, Charles
Poisot, Gustave Choiquet, Populus, Charles Nuitter.
Ce petit recueil paraissait par cahiers petit in-8°. Il
y en eut une vingtaine, puis il disparut discrète-
ment.
Tout autre était la Chronique musicale, deuxième
du nom, fondée en 1873 (1er juillet) et dirigée par
M. Arthur Heilhard. Celle-ci se présentait comme
une publication sérieuse et somptueuse, richement
illustrée, paraissant tous les quinze jours sous forme
de revue, et dont la collection reste précieuse à
consulter. En dehors de la critique courante, qui y
était traitée avec largeur, ou y trouve nombre de
travaux historiques et biographiques d'un vif intérêt
et d'une incontestable valeur, accompagnés de docu-
ments graphiques et de reproductions musicales qui
en doublent l'importance. Ces travaux portaient la
signature des écrivains musicaux les plus connus et
les plus autorisés, comme on peut le voir par cette
liste de quelques-uns d'entre eux : La presse musicale
en France, Louis Constantin roi des violons, par E.
Thoinan; Les fondateurs de l'opéra fiançais, par P.
Lacome; Les origine* de V opéra-comique, La salle de
spectacle des Tuileries, Deux opéras révolutionnaires
de Grétry, Les décors et les machines de l'Opéra, par
Charles N.uitteh ; André Philidor, Le Cousin-Jacques,
Le thê(ttre de l'Athénée, Lully, Les théâtres à Paris
pendant la Révolution, Partant pour la Syrie, par
Arthur Pougin ; Un peu de musique russe. Une visite au
Conservatoire de Bruxelles, par Gustave Bertrand;
L'histoire en chansons, par J.-B. Weckerlin; Laum
Rossi, La veuve et la sonir de Mozart, J.-C.-H. Rinck,
par Ernest David; JeanMonnet, par Arthur IIeclhahd;
Le théâtre de madame de Pompadour, Les spectateurs
sur le théâtre, Les costumes de théâtre. Les commen-
cements de Spontini, par Adolphe Jullien; Quinault,
par Daniel Bernard; les Noêls de Nicolas Saboly, Cas-
til-Blaze, par Charles Soullier; Hygiène de la voix,
par le D'Mandl; Michel Haydn, Le chevalier Sigis-
mond Neukomm, par Edmond Neukoum; Des condi-
tions économiques de la musique et du théâtre en
France, par J. de Filippi; Les traités de contrepoint
et de fugue an dix-neuvième siècle, Lays, par Henri
Cohen; Les cantatrices draina tiques, par Paul Fou-
chbr ; La musique à la Comédie- Française, par Jules
Bonnassies; Naissance et développement des chants
populaires, De la musique dramatique, Rossini, Beetho-
ven et l'école italienne contemporaine, par Louis
Lacohbe; La musique en Suède. L'école de l'orchestre,
par Maurice Cristal; La musique dans l'imagerie du
moyen âge, par H. L.woix fils; Les airs a danser de
l'ancienne école française, Les archives et la bibliothè-
que de l'Opéra, par Théodore de Lviarte; Les soupirs
d'une flûte, par A. Tiiihner; Le mécanisme vocal et
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE BT PÉDAGOGIE
léchant, par Mme Andrée Lacombk; Les instruments à
archet à l'Exposition de Vienne de 1873, par .1. Gal-
lay, etc., etc. L'existence de ce recueil superbe, qui
fut un modèle en sou genre et sous tous les rap-
ports, fut malheureusement trop courte ; par suite
d'incidents divers, elle n'alla guère au delà de sa
troisième année.
Il n'y a vraiment rien à dire d'une sorte de petit
pamphlet musical bimensuel intitule les Doubles
Croches malades, « mélanges de critique musicale »,
qu'Alexis Azbvedo essaya de faire paraître dans les
premiers mois de 1874, sous forme de petites bro-
chures in-18 semblables à la Lanterne de Rochefort.
Cela n'avait aucune valeur, et l'auteur, devant la
complète indifférence du public, eut bientôt fait de
renoncer à une entreprise qui fût devenue ruineuse.
Le premier numéro des Doubles Croches malades por-
tail la date du 4 avril 1874, le dernier celle du 20 dé-
cembre de la même année.
Deux ans plus tard, le 3 juin 1876, paraissait le
Journal de musique, publication hebdomadaire dont
l'éditeur était Paul Dalloz, directeur du Moniteur
universel, et le rédacteur à peu près unique Armand
Gouzien, commissaire du gouvernement près du Théâ-
tre-Lyrique, que ses fonctions mêmes obligeaient
à masquer sa personnalité. Sans conséquence et
peu intéressant, ce journal n'était guère autre chose
qu'une sorte de recueil anecdotique sur la musique
et les musiciens, dont, à coups de ciseaux, il puisait
les éléments à droite et à gauche, dans les journaux
et dans les livres, en y joignant les nouvelles et les
cancans du jour. La lecture dece./ouriid/ de musique
ne pouvait rien apprendre à personne, et c'est en
vain qu'on aurait cherché dans ses colonnes quelque
travail utile, sérieux et intéressant sur un sujet quel-
conque de l'histoire de l'art.
Puis vint, sous la direction de M. Arthur Pougin,
la Revue de la musique (21 octohre 1876), dont, par
suite de circonstances particulières, l'existence ne
dépassa pas la moitié d'une année, bien que la
publication fût très soignée au point de vue artis-
tique et très élégante au point de vue matériel. Ce
journal parut d'abord sous le titre de la Musique;
mais il dut changer de titre dès son deuxième nu-
méro, pour obéir à certaines revendications, et pour
éviter certaines difficultés qui nuisirent à son expan-
sion, en dépit de son caractère neuf et du bon ac-
cueil qu'il avait reçu du publia.
Dans un autre genre, on vit naître, le 16 novem-
bre 1878, la Revue du monde musical et dramatique,
recueil un peu frivole, non dénué de quelque inté-
rêt, mais fait un peu à la diable, sans plan rationnel
et sans idées générales, qui vécut environ deux an-
nées. Il avait pour directeur Armand Roux, époux
d'une aimable cantatrice, Mme Brunet-Lafleur (plus
tard Mmi! Lamoureux), et comptait dans sa rédaction
MM. Armand Silvestre, Georges Duval, Arthur
Pougin, Léon Kerst, H. Lavoix fils, Jacques Hermann
(Mmc Madeleine Pidoux), Théodore de Lajarte, Ed-
mond Stoullig, Alfred Le Roy, etc.
Un journal, qui s'était annoncé avec quelque fra-
cas comme devant le défenseur et le porte-drapeau
de la jeune école française, et dont le litre, la Re-
naissance musicale, semblait indiquer les tendances,
lançait son premier numéro le 6 mars 1881, sous la
direction de M. Kdmond Hippeau, un écrivain qui,
depuis, entra dans la carrière diplomatique après
avoir publié deux livres consacrés à Berlioz (Berlioz
intime, Berlioz et son temps). Mais, du premier coup,
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3857
ce journal prenait position comme organe surtout
et particulièrement wagnérien, ce qui lui attirait
aussitôt de la part de Saint-Saens, dont il avait sol-
licité la collaboration, la lettre caractéristique que
voici :
« Monsieur et cher confrère,
« Lorsque vous m'avez demandé, il y a quelque
temps, ma collaboration pour la Renaissance musi-
cale, je vous l'ai donnée à la condition que votre
journal serait franchement et sans arrière-pen-
sée l'organe de la jeune école française, et que
les questions concernant les écoles étrangères n'y
seraient traitées qu'au second plan et à titre de ren-
seignements, vous avertissant de mon intention de
me séparer de vous avec éclat, si je m'apercevais
qu'il en fût autrement.
« Je reçois votre programme, et je me vois forcé
de me séparer de vous dès le premier numéro. A
la cinquième ligne, je lis le nom de Wagner, et c'est
en vain que j'y cherche celui de Gounod : il n'y
brille que par son absence. Vous inscrive/, en lettres
d'or, en haut de votre drapeau, Tannhàuser à côté
des Troyens, et vous n'ayez pas une place pour Faust.
Nul n'ignore que l'auteur du Tannhàuser a été blessé
au plus haut point de l'accueil que l'Allemagne a fait
à Faust, et que ses fidèles affectent pour cette œuvre
un souverain mépris. Il y a là une fâcheuse coïnci-
dence.
« Un journal de musique dévoué à la jeune école
française ne saurait oublier les services que M. Gou-
nod a rendus à cette école, la lutte si longue, et à la
fin victorieuse, que celte belle partition de Faust
a soutenue en France et dans le monde entier.
L'oublier, c'est être ingrat et trahir la cause qu'on
prétend servir. Y avez-vous songé? Je ne le pense
pas, et c'est pourquoi je crois devoir vous en avertir
et refuser de m'engager avec vous dans une voie où
nous marcherions ensemble, j'en suis convaincu,
mais où nous ne marcherions pas du même pas.
« Ah ! il fui un temps, qui n'est pas encore bien
éloigné de nous, où il était beau d'être wagnérien.
Richard Wagner était méconnu en Allemagne plus
encore que partout ailleurs; son nom signifiait pro-
grès, audace, bataille livrée à la routine. Sa cause
était celle de tous ceux qui pensent, qui voient et
qui espèrent. Sa musique était la musique de l'avenir.
« La situation est bien changée. L'Allemagne a
adopté les œuvres de Wagner, elle les exécute con-
tinuellement et les répand dans le monde entier.
De tous les points du globe, on est venu à Bayreuth
assister aux représentations de la Tétralogie, Partout
où il y a des Allemands, fût-ce au bout du monde,
on organise des comités Wagner qui donnent des
concerts, réunissent des fonds pour l'œuvre de Bay-
reuth, opèrent une pression pour faire monter dans
les théâtres l'œuvre du maître. La musique de l'ave-
nir sera bientôt, si cela continuera musique dupasse.
Or, Richard Wagner a conquis le monde, mais il
n'a pas conquis la France; il ne s'en console pas,
ce que je comprends, et les Allemands intelligents
feront tout au monde pour travailler à cette con-
quête. Qu'ils y travaillent, soit; mais qu'ils cherchent
d'autres que moi pour les y aider.
« Je serai, tant qu'on voudra, pour Wagner contre
Brahms, pour Wagner contre Verdi ; pour l'Allemagne
contre la France, jamais. Mes prédilections musi-
cales ne me feront jamais oublier que si l'art n'a pas
341
3»*>N
EKCYC.LOh-ÈDIE DE LA MUSIQUE ETfDICTIOMNAIRE DU CONSERVATOIRE
de patrie, les artistes pu oui une, et qu'il ne eomneat
pas à l'école française de s'abriter en'Krance sous
la protection d'uci étranger.
« Veuillez itgréer, Monsieur et cher confrère, l'as-
surance de mou entière, sympathie.
« C. Saist-Saëns. »
Malgré le bruit qu'elle s'elforcait de l'aire autour
d'elle, ïtTheniinisftncè mvcmeale ne vécut giiere__au
delà de deux années.
Six mois après' là lienaissance musicale, le 20 oc-
tobre 1881, paraissait, sous la direction de M. Arthur
Pol'gin, un lourual qui se présentait dans des., con-
ditions nouvelles et particulières, la Musique popu-
laire, journal méritant son titre el par lajfaçon dont
il était compris et par le prix auquel il était offert
au public. La Musique, populaire paraissait par huit
pages de texte illustrées el huit pages de musique,
au prix de 13 centimes le numéro. La rédaction s 'ef-
forçait de répondr ■ à son titre en popularisant, dans
le bon sens du mot, les connaissances relatives à
l'histoire de l'art et des artistes, en variant les sujets
autant qu'il était possible, et en tenant le lecteur au
courant de tous les faits qui pouvaient l'intéresser.
Quant à la partie musicale proprement dite, elle
comprenait des morceaux de chant, ou de piano, ou
de violon, d'auteurs contemporains, souvent inédits,
auxquels se joignaient (el c'était là le coté neuf) des
fragments d'opéras classiques dont il n'existait point
de partitions au piano, qui, par conséquent, étaient
inconnus de la masse du public; ces fragments,
choisis avec le plus grand soin dans les œuvres de
Campra, de Puiudor, de Sacchini, de Piccinni, de
Dezèdes, de d'Alayrac, de Méiiul, de Beuton, de
Solié, etc., se présentaient avec un accompagnement
de piano dont la réduction était faite expressément
pour ce journal. Le succès ne pouvait manquer d'ac-
cueillir une publication de ce genre. Aussi, dés 1rs
premiers jours, son tirage effectif s'élevait à plus de
quinze mille exemplaires. Malheureusement, au
bout d'une année environ, de nouveaux éditeurs
voulurent imposer à celte publication des conditions
nouvelles qui en changeaient complètement la na-
ture et qui amenèrent la retraite du rédacteur en
chef. A celui-ci succédèrent MM. Alphonse B\rai.lf,
Bailly, etc.; le journal perdit sa raison d'être,
échangea son titre contre celui de la Musique des
jauni s . périelita peu à peu et finit par disparaître.
En 1889, un facteur de pianos, Edouard Manceot,
fonda le Monde musieal, journal destiné particuliè-
rement, dans sa pensée, à être l'organe de la fac-
ture instrumentale, mais qui, peu à peu, lit une
large place aux comptes rendus des concerts. Au-
jourd'hui dirigé par le fils de son fondateur, I" Won&e
musical insère également des articles d'esthétique
musicale.
Le Courrier musical a été fondé en 1898 par
M. Albert Diot, puis eut pour direcleur M. René
Doirf. C'est, une revue mensuelle, abondamment
iHuslrée, dont le programme se rapproche de celui
du Monde musical, sous cette réserve qu'une plus
grande place y est réservée à l'esthétique ainsi qu'à
l'histoire de la musique.
La Tribune de Saint-Gervais, foudre en 189S par
GharîfiS Bordes, est l'organe trimestriel de la Schola
tientoficm. tes Tablettes de la Sekola en sont le sup-
plément mensuel, qui contient les communications
relatives à l'enseignement de l'école et de ses suc-
cursales, ainsi qu'à leurs manifestations artistiques,
accompagnées de brefs articles de critique ou d'es-
thétique. La Tribune de Saint-Gervais se consacre
spécialement à la musique liturgique, telle que l'ont
définie les décrets pontificaux de 190î : chant gré-
gorien et polyphonie vocale a ëapeMa.
En 1001, après le Congrès d'histoire delà musique
tenu l'année précédente à l'Exposition, Jules Comba-
rieu fonda la Revête musicale, dont il fnt le directeur,
M. Louis Laloy assumant, sans le tilre, les fonctions
de rédacteur en chef. Cette revue mensuelle avait
pour objet, sans se désintéresser de l'aclualité,
d'offrir l'espace qui leur était nécessaire aux travaux
historiques des savants français et étrangers. Elle a
duré jusqu'à la mort de M. Coihiariei-, survenue
en 1907.
En 1905, M. Laloy se sépara de M. Comrarieu pour
fonder, avec la collaboration de M. Jean Marnold et
l'assistance d'un comité de rédaction composé de
MM. Pierre Al-rry, Henry Cu-tiuer-Villars, Lionel
de la Laurencie, Romain Rolland, le Mercure musical,
qui, en 1907, vint s'associer à la revue S. 7. M., pu-
blication française de la Société internationale de
musique, dont avait pris l'initiative M. Jules Ecor-
chevtlle. Le programme de l'une et l'autre revue
était celui de leur aînée, avec un goût plus décidé
pour la musique nouvelle. En 1911, le Courrier nm-
sical entrait à sou tour dans l'association. Mais la
guerre, où Jules Ecorcheville fut tué en février 1916,
mit fin à l'existence de S. /. .If. Le Courrier musical
a aujourd'hui repris son indépendance, el deux re-
vues ont succédé à S. I. M. : d'abord, la Revue de
Musicologie, ancien Bulletin de la Société française de
Musicologie, fondé en 1917 par M. Lionel de la l..u-
rencie, revue trimestrielle qui se consacre exclusive-
ment à la musique ancienne, puis la Revue musiatie,
fondée en 1920 el dirigée par M. Henry Priwiéres.
C'est une puhlication mensuelle, et illustrée. Citons
encore l'Année musicale, due à la collaboration de
Michel Brenet, Jean Chant.woine, Louis Laloy et
Lionel de la Lai'reniïpe, qui, de 1911 à 1914, donna
d'importants articles d'histoire et de critique musi-
cales.
La Revue Pleyel, devenue la revue Musique, et au-
jourd'hui disparue, insérait, comme la Renie musi-
cale, des articles d'histoire et de critique, également
illustrés, et paraissait chaque mois, avec M. Marc
Pincherle pour rédacteur en chef.
le Ménestrel, dont il a été question plus haut, a
aujourd'hui pour directeur M. Jacques IIf.ucel et
parait chaque semaine, avec un ou deux articles
d'histoire ou d'esthétique, et des comptes rendus
variée.
Dans les principaux journaux quotidiens, la cri-
tique musicale est exercée de la façon suivante:
Cunaiia : Pierre Lu... Paul la Flbm.
Journal iet Débats : Henri du Çqbzon.
Echo ie Paris : Adolphe Bosch'ot.
Ere novttlle Louis Laloy.
Exeelsior . Emile Voim**mo2.
fïjwo .- p.-B. ioua-m.
Information . Louis Schneider.
[nlransigeanl : G. Brict.
Lit-crti : R. Kbmp.
(Mutrv : R. Brossbi..
Çaris-Uidt : André Ccsi roy.
Pi ■
Temps : Henry Mm.iikrhe.
Parmi lescritiques des revues, on peut filer MM. Ca-
mille BELLMOTBà la Revue des J)e«.r Mondes. Maurice
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTES SUR LA PRESSE MUSICALE 3859
Brillant au Correspondant, Raymond Bouyer à la
Revue bleue, FI. Schsiitt à la Revue de Franc?, G. Au-
ric aux Annales, A. George aux Nourelles littéraires.
Le mouvement contemporain de la presse musi-
cale à Paris se complète avec la Bibliographie musi-
cale française, « publiée par la chambre syndicale;
des éditeurs de musique », et qui est, au point de
vue spécial, l'analogue de la Bibliographie de la
France, et avec le Petit Poucet, « journal des concerts
militaires », gentille petite revue fondée en 1893 par
M. Henri Radiguer, faite en son genre avec beau-
coup de goût et qui, depuis 1905, a échangé sou
titre contre celui de l'Art musiml populaire, « organe
de l'Ecole de chant choral et de l'Harmonie des an-
musiciens de l'armée ». On ne peut, ensuite, que
mentionner les titres de quelques journaux peu
importants, fondés en ces dernières années et dont
l'existence a été éphémère : la Presse musicale (1901),
la Vie musicale (1902), Paris musical (1904), l'Echo
musical (1904), l'Echo des orchestras, etc.
Pour être complet, il faudrait signaler aussi les
nombreux journaux orphéoniques qui, depuis un
demi-siècle, se sont efforcés de suivre ou de guider
le mouvement des sociétés musicales, soit vocales,
soit instrumentales, qui couvrent, la surlace du ter-
ritoire. La plupart sont des organes d'éditeurs ou de
facteurs d'instruments, et il en est peu qui cherchent
à engager l'Orphéon dans une voie véritablement
artistique par la régénération et l'élévation de son
répertoire. Il serait impossible'de dr isser la liste de
tous les journaux de ce genre qui ont vu le jour
depuis une cinquantaine d'années et dont certains
n'ont l'ait que naître et mourir. Nous nous bornerons
à rappeler les titres de quelques-uns d'entre eux ;
l'Orphéon, fondé par Eugène Delaporte vers 1854;
le Journal <les sociétés musicales (1854); l'Echo des
Orphéons, dirigé par i.khauer (1860); lu Franc- cho-
rale (1862), avec J.-F. Vai dix pour directeur, et pour
collaborateurs Camille de Vos, Charles Coligv, , etc. ;
l'Union chorale de Fui is. de Charles Soi llieis (1862);
l'Orphéon illusirê (18631; le Moniteur de l'Orphéon,
d'Alfred Le Roy (1866); le Monde orphéonique, etc.
La province a voulu parfois, elle aussi, prerMre sa
part du mouvement de la presse musicale; mais,
pour diverses raisons qu'il serait peut-être difficile
d'apprécier, elle n'a jamais réussi à faire viv;e un
journal sérieux. On comprend que, sous ce rapport,
les renseignements seraient malaisés à réunir, et
que nous ne saurions avoir la prétention d'être
complet. Nous nous bornerons donc à grouper ici
les titres de quelques feuilles musicales parues en
province et qui sont venues à notre connaissance.
La plus ancienne, dont nous puissions faire mention,
est le Troubadour Provençal, fondé en 1833 à Avignon
par Charles Soullier, et dont l'existence ne dépassa
pas une année. En 1838, un marchand de musique
de Lyon, Renacci, fit paraître un journal intitulé le
Trouiùrc, qui reproduisait à peu près exactement
l'aspect et la physionomie de la France musicale. En
1862, on vit à Strasbourg l'Écho du Rhin, « journal
de l'Association des sociétés chorales d'Alsace », et
en 1860, un prêtre, l'abbé Bressieux, publiait, à Avi-
gnon, le Moniteur des chantres. Puis ce fut, à Mar-
seille, en 1876, un très intéressant Journal musical,
qui vécut trois années et qui avait pour collabora-
teurs MM. Alexis Rostand, Auguste Morel, Cari Cis-
ve.n.n (Charles VincensI, Félix Grenier, L. Daithjn,
Charles Domergue, H. de Varlène, Ernest Redon,
J. Desaix, A. Dethou et Marcel Glim En 1877, Anatole
Loquin, qui rédigeait le feuilleton musical de la
Gironde sous le pseudonyme de Paul Lavigne, publia
à Bordeaux, sous le titre de la Musique a Bordeaux,
une revue très substantielle, qu'il dut abandonner
après de»x années d'efforts. Peu après, paraissait à
Angers le Bulletin officiel de I \s-ocialinn artistn/uc
des concerts populaires d'Angers, dirigé par Jules
Bordier, fondateur de cette association. (Après la
mort de Jules Bohdier et la dislocation des Concerts
populaires, ceux-ci furent réorganisés par son ami
KL le comte Louis de Romain, qui a repris aussi la
publication du journal sous le nouveau titre d' In-
gers artiste.) On vit paraître ensuite, à Rennes, le Son-
neur de Bretagne, dirigé par M. Charles Collin, à
Lille, la Semaine musicale, fondée par M. François,
éditeur de musique, à Valenciennes, le Bulletin mu-
sical (1888), à Reims, Sainte-Cécile, fondée par
M. Mennesson, éditeur de musique (1801). Tous ces
journaux ont bieutùt disparu. Le dernier en date,
la Revue musicale de Lyon, fondée en 1903 et dirigée
par M. Léon Vallas, a duré jusqu'à la guerre.
Arthur POTJGIN.
THÉÂTRES ET SALLES DE CONCERT
Par Victor BLAVETTE
"Il MU I.KS I.VIIM' • 1-.
L'élude des monuraeuts antiques et des vestiges
des civilisations anciennes antérieures à l'époque
hellénique n'a pas, jusqu'à présent, révélé l'existence
de constructions spécialement disposées pour des
auditions musicales. Les nombreuses recherches
exécutées en Egypte depuis plus d'un demi-siècle et,
plus récemment, en Chaldée, n'ont rien fait con-
naître à ce sujet; celles, plus récentes encore, entre-
prises sur l'emplacement des cités assyriennes n'ont
amené la découverte d'aucun vestige de dispositions
architecturales spécialement conçues en vue de re-
présentations théâtrales ou d'auditions musicales.
Bien ne permet de prévoir ce que l'avenir et les dé-
couvertes futures réservent à ce sujet.
Les récits déclamés et chantés furent probablement
l'un des premiers procédés d'instruction des masses
imaginés, dès que les agglomérations se formèrent,
et ces récits vrais ou, plus souvent, fabuleux furent
l'un des principaux moyens mis en action pour créer
le patriotisme, exaller les prouesses des chefs, exci-
ter à la haine des ennemis et provoquer, plus que
l'attrait du butin et des terres à conquérir, ces expé-
ditions lointaines dont le souvenir compose presque
exclusivement la primitive histoire.
Il est bien rare, qu'à défaut de constructions, les
dispositions naturelles du terrain n'aient pas pré-
senté, sauf peut-être sur les bords immédiats des
grands tleuves et dans les basses vallées, des sortes
de conques ou d'amphithéâtres naturels permettant
au peuple de se grouper autour des premiers bardes
dépositaires des souvenirs lointains. C'est dans les
dispositions naturelles du terrain, indiquées par
l'expérience et d'accord avec les besoins de la vue
et de l'accoustique, qu'il faut rechercher l'origine
des premiers théâtres connus.
Les premiers auditeurs se contentèrent de la pente
naturelle du terrain et conservèrent ses irrégulari-
tés; d'autres, plus raffinés, taillèrent des gradins sur
cette pente et dressèrent la partie du sol destinée aux
rôcitateurs et aux chanteurs; d'autres encore, plus
laborieux ou plus exigeants, firent appel à la géomé-
trie pour corriger ce que la nature avait laissé d'ir-
régulier et, plus tard, à l'architecture pour compléter
le tout par des constructions.
Ces sortes de conques commençant au bas des
coteaux se présentent presque toujours de manière
à offrir à ceux qui les occupent une vue étendue soit
sur la plaine qui leur fait suite, soit sur la mer, lors-
qu'elles ne sont qu'à quelque distance du rivage.
Ce premier décor, complément naturel des récits
déclamés ou chantés, pouvait permettre, avec, en
quelque sorte, ligure à l'appui, l'invocation des
plaines tantôt couvertes de riches moissons, tantôt
foulées par les aimées, des sombres forêls, des loin-
taines montagnes ou de la mer propice aux péril-
leuses courses vers les rivages inconnus.
L'énumération serait longue des théâtres auxquels
la nature, avec ses perpétuelles transformations, a
fourni les plus somptueux et les plus variés des dé-
cors. Citons seulement : celui d'Argos,avec sa plaine
et le port; celui d'Epidaure, avec le sanctuaire d'Es-
culape au premier plan et les montagnes au fond;
celui d'Athènes, avec aussi la plaine et la mer; celui
de Taormina, peut-être le plus splendidement situé
et d'où la vue embrasse, à la fois, une grande éten-
due de mer et la masse imposante de l'Etna; celui
d'Orange, avec la belle vallée du Rhône, etc.
Ce n'est que tard qu'on construisit les hauts murs
enveloppant les scènes et qu'on sacrifia ainsi aux
premières recherches d'effets scéniques et aux be-
soins de l'acoustique et, encore, ce sacrifice ne fut-
il pas partout complet : à Taormina, le fond de la
scène est percé de larges arcades laissant apercevoir
le plus merveilleux des paysages.
Si les premiers auditeurs recherchaient, pour
écouter à l'aise les conteurs d'aventures et leschantres
des exploits héroïques, des emplacements favorables
pour la vue et la contemplation de la nature, ils se
préoccupaient aussi de se défendre contre les ardeurs
du soleil; les coteaux élevés, à la base desquels ils
établissaient leurs théâtres, avaient encore l'avantage
de leur offrir, vers la lin du jour, une ombre propice.
Le nombre des théâtres grecs est élevé; celui des
théâtres romains est considérable; chaque ville de
quelque importance en possédait, au moins, un.
Les dimensions de ces ouvrages sont considé-
rables : le théâtre d'Argos, presque entièrement pra-
tiqué dans le rocher, et dont la forme naturelle n'a
pas été complétée par l'adjonction de constructions
qui auraient pu lui donner, en plan, la forme tradi-
tionnelle d'un demi-cercle, est, malgré cela, large de
près de 90 mètres et comporte 70 rangées de gradins;
il n'y reste pas de vestiges de la scène.
Le théâtre d'Epidaure mesure 1 16 mètres de largeur
et comporte oo rangées de gradins.
Sa forme est celle d'un demi-cercle outrepassé.
Presque tous ses gradins reposent directement sur
le rocher entaillé pour les recevoir. La partie cen-
trale horizontale, l'orchestre, est assez vaste pour
qu'on puisse y inscrire un cercle de 20 mètres de
diamètre. Le bâtiment encadrant la scène présente
un front n'atteignant qu'environ le tiers de la masse
des gradins. Il résulte de cetle disposition que, quelle
qu'ait été la hauteur de cette construction, elle ne
rhi'.ilro d'Epi'Inun.'. d'après Dofr.iJse.
3862
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pouvait totalement masquer, à la plupart des spec-
tateurs, la vue de la campagne et celle des sanctuaires
voisins. Douze mille personnes pouvaient se ranger
sur les gradins.
Le théàtrejde^Dionvsos,[ adossé au rocher de l'A-
cropole d'AthènesJet reconstruit au ive siècle avant
J.-C, présentait'des dispositions analogues.
Ces théâtres, établis à flanc de coteau, n'offraient
pas d'abri aux spectateurs contre les intempéries;
l'ombre produite par les collines auxquelles ils étaient
adossés pouvait seule, vers le soir, les préserver du
soleil. Ils étaient généralement dépourvus de circu-
lations couvertes. L'accès des gradins se faisait par
des passages ménagés entre ces gradins et la scène,
et par des chemins ou sentiers tracés aussi à flanc
de coteau et conduisant aux diverses entrées ména-
gées dans un mur d'enceinte peu élevé ou pratiquées
à travers un dernier dossier de gradin assez haut
pour former clôture.
Il est à présumer que la partie de la population
qui n'avait pas accès aux gradins, ou qui n'avait pu
y trouver place, pouvait cependant jouir du spectacle
en montant sur les parties plus élevées et non amé-
nagées du tertre.
Bien que les chœurs et les danses aient été l'ac-
compagnement des représentations, et qu'il semble
que la partie centrale horizontale des théâtres qui a
conservé le nom d'orchestre ait toujours été réservée
aux évolutions des choristes et aux exercices des
danseurs, les anciens, trouvant probablement celte
adaptation peu commode pour la musique seule,
construisirent, à une époque postérieure à celle de
l'aménagement des premiers théâtres, des édifices
plus petits que ceux-ci et spécialement destinés aux
auditions musicales.
La disposition de ces édifices semble avoir1 été, ;t
l'origine, nettement différente de celle des théâtres;
Us paraissent avoir été construits sur plans ellip-
tiques ou circulaires. Celui attribué à Périclès, et
dont l'emplacement reste inconnu, était couvert; sa
charpente aurait été faite avec les mâts de la flotte
deXerxès. L'Odéon. qu'il érode A tticus construisit bien
plus tard, vers la fin du 11e siècle après J.-C, en
souvenir de sa femme Regilla, se situait au pied de
l'Acropole d'Athènes, à quelque distance du théâtre
de Dionysos et adossé, comme lui, au liane du rocher;
son plan relevé à la suite de fouilles relativement
récentes est cependant celui d'un théâtre. Au dire
de Pausanias, son plafond était en bois et superbe.
Odéon d'Hérode Atticus.
11 pouvait contenir de cinq à six mille auditeurs,
tandis que le théâtre de Dionysos, son voisin, eu
pouvait contenir quatre ou cinq fois autanl.
L'énumération des théâtres romains connus, cons-
truits à Rome même ou dans tout l'empire, serait
trop longue et sans intérêt.
Scala de Milan.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Si plusieurs de ces théâtres, celui d'Orange, par
exemple, ont été, comme les théâtres grecs, cons-
truits à liane de coteau, beaucoup d'aulres, élevés
dans les agglomérations mêmes, reposent sur ter-
rain plat. Ils comportaient alors, pour soutenir les
gradins, d'énormes constructions utilisées comme
galeries d'abri, circulations et escaliers.
Les théâtres de Pompée et de Marcellus à Rome
et celui d'Arles, en Provence, sont des exemples
remarquables de cette disposition.
L'examen des parties conservées de quelques-uns
de ces édifices a permis de reconnaître que la scène
était couverte par une toiture fixe supportée par une
charpente en bois, et que l'ensemble de l'amphi-
théàtre s'abritail par un vélum amarré à des po-
teaux implantés conlre le mur de pourtour ou au-
dessus d'un portique doublant ce mur.
L'étude des parties conservées du théâtre d'Arles,
faite avec le plus grand soin, a permis de préciser
quelques-unes des dispositions imaginées pour la
manœuvre d'un rideau s'élevant du sol, et pour celle
de décorations très sommaires destinées simplement
à situer les scènes représentées sans masquer bipar-
tie haute de la riche décoration architecturale lixe.
Au iv" siècle de notre ère, la proclamation du
christianisme comme religion d'Etat et les invasions
des barbares éloignèrent, en Occident lout au moins,
les populations des représentations théâtrales et
provoquèrent l'abandon et le commencement de la
destruction des théâtres. Certains, comme celui de
Marcellus à Rome, furent transformés eu châteaux
forts; d'autres, comme celui de Pompée, également
à Rome, disparurent sous des habitations particu-
lières ne laissant souvent, comme trace apparente,
qu'une petite place à l'endroit de l'orchestre, et une
rue dont le tracé rappelait la forme extérieure de la
construction supportant les gradins. D'autres furent
presque complètemenl rasés et leurs matériaux em-
ployés à la construction d'édifices répondant mieux
qu'eux aux besoins de l'époque
Pendant tout le moyen âge, les églises furent le
principal et presque l'unique refuge de l'art musical
et dramatique. Les troubadours dans le midi de la
France et dans les pays voisins, les trouvères dans
les province du Centre ri du Nord, chanteurs et dé-
clatnateurs errants, ri peut-être poètes, sollicitant ou
acceptant l'hospitalité de la noblesse, maintinrent
le goût des récils ('-piques et du gai savoir. Les hauts
faits des chevaliers furent un de leurs thèmes favo-
ris. Les grandes salles d'armes des châteaux ou 1rs
appartements privés des seigneurs leur servirent de
salles d'audition.
Quelques « mystères » représentés dans les églises
ou dans leurs dépendances par les membres des
confréries religieuses, et les « moralités » représentées
dans les salles de justice par les clercs de la basoche
maintinrent, dans les masses, le goût du spectacle
et préparèrent la renaissance des grandes représen-
tations scéniques.
Il faut arriver jusqu'au xviu1' siècle pour trouver,
dans les palais royaux, des salles de spectacle ré-
servées aux hôtes privilégiés de ces palais, et, dans
les dépendances des habitations seigneuriales, des
théâtres accessibles au public.
Ces théâtres servirent indistinctement à la comé-
die, à la tragédie et à l'opéra. Les premières salles
spécialement aménagées pour les auditions musicales
ou salles de concert furent construites au commen-
cement du'xixe siècle.
Parmi les théâtres plus spécialement affectés aux
représentations lyriques, il faut citer : en Italie : le
théâtre San Carlo â .Naple*, construit en 1737, incen-
dié en 1910 et restauré ensuite sur le même plan;
l'Apollo de Rome, la Scala de Milan, l'Opéra et 10-
péra-Comique à Paris. l'Opéra de Berlin, l'Opéra de
Vienne, le théâtre du Prince Régent à Munich, etc.
Les salles des théâtres italiens un peu anciens dif-
fèrent, comme disposition, de celles des théâtres
français : les balcons franchement en saillie en avant
des loges n'y existent pas; il n'y a qu'un parterre
divisé en places de différentes catégories, afin de va-
rier les prix à percevoir et plusieurs rangs super-
posés et semblables de loges.
Cette disposition peut offrir aux spectateurs autres
que ceux du parterre plus d'intimité et plus de
liberté, mais elle est loin de donner à l'ensemble cet
air de fête et de réunion de bonne compagnie qu'on
a plaisir à trouver dans nos salles, et dans celles
construites sur des plans analogues, lorsque leurs
loges très ouvertes et leurs larges balcons sont occu-
pés par une société élégante et richement parée.
Les salles sans balcons paraissent vides, même si
toutes les loges sont occupées; il s'y produit plus
difficilement cette communion d'émotions si chère
aux artistes de la scène et si nécessaire pour déve-
lopper et soutenir leurs efforts.
Souvent, les salles italiennes se développent en lon-
gueur, de sorte que la plus grande partie des loges
se trouve être de côté, et que les occupants de ces
loges, sauf ceux du premier rang, sont presque tota-
lement privés de la vue de la scène.
Malgré le vide considérable de leur milieu et mal-
gré leur hauteur, l'acoustique des salles de théâtre
italiennes est. généralement bonne. Cela semble
tenir à l'emploi en grand du bois et des matériaux
légers dans leur construction.
Parmi les théâtres modernes spécialement édifiés
pour des représentations lyriques, l'Opéra de Paris
tient la première place par l'ampleur de sa concep-
tion monumentale et la richesse de sa décoration,
richesse qu'on peut même trouver excessive sur cer-
tains points. Le volume de la salle semble approcher
du maximum de ce que peut animer la voix humaine
en solo. Le magnificence de l'escalier principal et
l'heureuse disposition des escaliers latéraux, si com-
modes et si pratiques, ne sauraient être Irop i emar-
quées.
Les salles des Opéras de Berlin, Vienne, Dresde,
etc., et d'antres théâtres lyriques allemands de cons-
truction déjà ancienne, ne différent pas sensible-
ment, comme disposition, de celles des théâtres
français.
Celle Me notre récent Opéra-Comique rappelle
aussi nos salles les plus appréciées.
En Angleterre, par un besoin de conforl inhérenl
à la race, les dispositions habituelles des salles àe
théâtre, réminiscences plus ou moins éloignées des
théâtres antiques, ont été abandonnées dans la cons-
truction des salles les plus récentes. Sauf quelques
loges dites d'avant-scène, conseï vées sans doute pour
ne pas rompre trop brusquement avec la tradition,
toutes les loges de côté ont été supprimées, et les
fauteuils ou banquettes des spectateurs sont amé-
nagés sur de profonds amphithéâtres fortement
inclinés vers la scène. C'est certainement l'abandon
de l'harmonie du vaisseau et des vis-à-vis gracieux;
mais c'est la commodité retrouvée pour tous, et la
possibilité de voir de toutes les places ce qui se
TECHNIQUE, ESTIIÉTinUE ET PÉDAGOGIE
TH .ATRES ET SALLES DE CONCERT 3867
passe snv la scène et d'entendre ce qui s'y dit ou ce
qui s'y chante.
La disposition des salles de l'orme variant, en plan,
entre le demi-cercle et le cercle presque complet,
présente le grave inconvénient d'obliger à placer de
coté, soit sur les galeries, soit dans les loges, une
grande partie des spectateurs; celle des salles rec-
tangulaires, sans loges sur les côtés et avec leurs
seuls amphithéâtres superposés à l'opposé de la
scène, a l'inconvénient d'obliger, pour trouver un
nombre de places suffisant, à multiplier ces amphi-
théâtres ou à leur donner une profondeur excessive.
La forme en éventail avec gradins tracés suivant
des arcs de cercle concentriques, dont le centre se
trouve vers le milieu de la scène, présente, sur celle
rectangulaire, l'avantage d'augmenter, par l'allonge-
ment progressif des gradins, le nombre des places si,
sur celle circulaire, l'sva»*a#e de supprimer totale-
ment les places de enté.
Deux constructions de théâtres avec application
très nette de la salle en éventail ont été réalisées en
Bavière vers la fin du dernier siècle : le théâtre des
Fêtes de Bayreutli, édifié d'après les idées de Wagner,
et tout spécialement ponr la représentation de ses
œuvres, et le théâtre du Prince-Régent, élevé dans un
nouveau quartier de Munich, et servant aussi presque
inclusivement aux représentations des oeHvres du
maître allemand.
La conception de ces deux lédilices est la même;
ils diffèrent seulement par les accessoires et par les
matériaux mis en œuvre. Le théâtre de Iîayreuth.
édifice en quelque sorte provisoire, exécuté avec de^-
moyens restreints, est presque totalement conSlmflil
en bois; celui du Prince-Hégent à Munich, édifiée
principal et unique d'un quartier neuf dont il est,
jusqu'à présent, le principal attrait, est construil en
matériaux durables, el accompagné rie vjisMics id peu-
dauces telles que café, brasserie, jardin1, etc.
-Kéut'iil j Munich.
ENCYCLOPEDIE Uli LA MUSIQUE ET DICT10SSA1RE DU CONSERVATOIRE
Dans les deux salles, une rangée de loges est éta-
blie eu arriére du dernier gradin. A. Bayreuth, elles
ne forment qu'une sorte de portique adossé à la
paroi courbe du fond; à Munich, ces loges, dont
deux sont aménagées pour la cour et une centrale
pour le roi, sont doublées d'une circulation les des-
servant commodément.
Toutes les places de ces vastes amphithéâtres en
éventail sont facilement accessibles par des portes
ouvertes dans les murs rayonnants et ne desservant
chacune que quatre ou cinq gradins au plus.
Malgré leurs grandes dimensions, ces salles sans
superposition de balcons ne peuvent contenir qu'un
nombre restreint de places : 1 3.'>0 environ à Bay-
reuth et 1140 à Munich.
Dans ces deux théâtres, l'orchestre des musiciens,
établi en contre-bas des gradins des spectateurs et
logé en grande partie sous la scène, est invisible
pour ceux-ci. Les instrumentistes se sont, jusqu'à
présent, accommodés de cette disposition; il semble
que le public y trouve un réel avantage.
Les parois rayonnantes des deux salles, percées de
portes dans leur partie basse seulement, sont déco-
rées de niches ou alvéoles formant une succession de
surfaces diverses, comme forme et comme direction,
et destinées à briser les ondes sonores. Les plafonds
sont sensiblement plans comme ensemble; celui de
Munich est coupé de nervures concentriques en plan
avec les gradins et destinées, peut-être, comme les
décorations des parois verticales rayonnantes, à
briser les ondes sonores.
Des odéons anciens, il faut arriver jusqu'au com-
mencement du xixe siècle pour trouver des salles
spécialement étudiées et aménagées pour l'audition
d'oeuvres musicales sans elfets scéniques. Ces salles,
maintenant nombreuses, peuvent être rangées en
deux catégories : celles annexes des conservatoires
de musique, réservées presque exclusivement aux
élèves de ces établissements, et celles publiques, sou-
vent très vastes, accessibles à tous soit par abonne-
ment, soit en payant le prix des places pour chaque
audition.
Parmi les premières, il faut citer, bien qu'elle ait
été aménagée pour servir aussi de théâtre d'études,
la salle de l'ancien Conservatoire de Paris, celles des
Conservatoires de Bruxelles, de Genève, de Berlin,
de Leipzig, de Francfort, etc. Parmi les secondes :
la salle de l'Odéon de Munich, la grande salle du
Conservatoire de Vienne, la salle du Budolphinum à
Prague, les deux salles du Neties Gewandhaus à
Leipzig, les trois salles de la Philharmonie à Berlin,
les deux salles du Tonhall à Zurich, la salle du nou-
veau casino à Berne, le Victoria-Hall à Genève, la
salle Victor-Poirel à Nancy, la salle Hameau à Lyon,
les salles Krard, Pleybl, Gaveau à Paris, etc.
La salle du Conservatoire de Paris, seule partie
conservée de l'ancien établissement, a été inaugurée
en 1811. Elle fut d'abord destinée à servir aux études
et répétitions des artistes de l'Opéra et aux élèves
du Conservatoire.
Elle consiste en un petit théâtre de forme allon-
gée dont la scène était pourvue de dessous, d'un
gril et d'une machinerie rudimentaire. Depuis long-
temps, cette machinerie a été, en partie, démontée,
et la décoration répétant, en plan, le fond circulaire
de la salle reste fixe. La décoration picturale, grise
avec tentures vertes, critiquée dès l'origine, comme
nuisant à la beauté des femmes, a été complètement
remplacée, vers la moitié du siècle dernier, par la
décoration pompéienne existant encore.
Sauf les gros murs extérieurs, la construction de
cette salle est entièrement en bois revêtu de plâtre
et, parfois, simplement de toile marouflée; l'empla-
cement de l'orchestre, limité par le décor de concert
construit en bois et toile, est couvert par un plafond
aussi en bois et toile suspendu sous l'ancien gril.
Cette construction en matériaux peu consistants
empêche toute résonance, tandis que les dimensions
réduites du vaisseau rendent impossible la percep-
tion de tout écho. L'acoustique de cette salle est
parfaite.
La salle du Conservatoire de Bruxelles répète, en
plan, mais avec des dimensions plus grandes, celle
du Conservatoire de Paris.
La salle du Conservatoire de Genève rappelle aussi,
comme forme, celle du Conservatoire de Paris. C'est
un rectangle allongé terminé, à chaque extrémité,
par une abside demi-circulaire dont le diamètre est
presque égal au petit coté de ce rectangle; l'abside
abritant une partie de l'orchestre est à paroi pleine;
celle opposée est divisée, dans la hauteur du premier
étage, en cinq travées par des colonnes, entre les-
quelles sont installés deux rangs superposés de loges.
Une tribune passant devant ces loges règne tout au-
tour de la salle, sauf au devant de l'orchestre. Le
plafond plan se décore de caissons; l'éclairage est
assuré par dix fenêtres. L'acoustique de cette salle
est bonne.
Conservatoire de Paris
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDA GOGIE THÉ A TRES ET SALLES DE CONCERT 386<«
Les conservatoires des grandes villes allemandes,
installés dans des bâtiments spécialement conçus
pour leur destination, possèdent, en général, des
salles d'exercice el de concert bien appropriées.
Celui de Berlin, qui occupe une aile des nouveaux
bâtiments de l'école des Iteaux-Aris, possède une
petite salle de théâtre et une salle de concert pou-
vant recevoir environ 750 auditeurs. En plan, cette
salle est un rectangle d'environ 31 m. 50 sur 17 m. 50,
non compris, à l'une de ses extrémités, une alvéole
de 14 m. 50 sur 13, dans laquelle sont installés les
gradins de l'orchestre et, au fond, un orgue. Une
tribune d'honneur occupe, en partie, l'extrémité op-
posée à cette alvéole. Les longs côtés du rectangle
sont, à l'étage, garnis de tribunes sous lesquelles
sont ménagées les circulations desservant le par-
terre. Il n'y a pas de tribune en avant de ,1a loge
d'honneur. L'éclairage diurne est obtenu 'par qua-
torze ouvertures latérales en forme de demi-cercle
outrepassé, formant autant de pénétrations dans la
voussure du plafond el, au-dessus de l'orchestre,
par un plafond vitré décoré d'une grisaille.
La salle de concert du Conservatoire de Leipzig se
compose aussi d'un vaisseau central rectangulaire
avec amortissements courbes dans les angles, et me-
surant environ 24 mètres sur H, non compris les
galeries latérales formant tribunes à la hauteur du
premier étage, une grande alvéole pour l'orchestre à
l'une des extrémités et une Iribune d'honneur à
l'autre.
La salle du Conservatoire de Francfort est un rec-
tangle avec orchestre à l'une de ses extrémités et
tribune à l'autre. L'ensemble, tout compris, mesure
environ 24 mètres de longueur sur 9 m. 60 de largeur
el 7 m. 50 de hauteur. Le plafond est plan avec vous-
sures de raccordement.
La salle de L'Odéon de Munich constitue une sorte
de basilique dont trois côlés sont droits et le qua-
trième demi-circulaire. Les trois côlés droits sont
doublés de portiques; l'orchestre, disposé pour réu-
nir de 100 à 300 exécutants ou choristes, occupe
l'abside. Au premier étage, un second portique en-
toure l'ensemble; des sièges sont installés entre les
colonnes de ce second portique et en arrière de
celles-ci. L'orgue occupe la partie milieu du fond de
l'abside. Le nombre des places est de 144.;. Cette
salle ne se recommande ni par sa disposition archi-
tecturale ni par son acoustique.
La grande salle du Conservatoire de Vienne sert
aussi à donner un certain nombre de concerts pu-
blics. C'est un rectangle de 40 mètres de longueur
sur près de 14 de largeur, avec, en plus, deux étages
de galeries sur trois côtés. L'orgue est adossé au
petit côté dépourvu de galerie. La galerie supé-
rieure du fond opposé, plus large que celles laté-
rales, se divise en deux étages formant deux amphi-
théâtres superposés. La hauteur du vide central est
d'environ 17 mètres. L'orchestre est aménagé pour
80 exécutants; la salle peut recevoir 1500 auditeurs,
dont 200 debout dans la galerie du fond sous les
amphithéâtres; l'acoustique est 1res appréciée.
La salle du Rudolphinum à Prague sert aux exer-
cices des élèves du Conservatoire et à donner des
concerts publics. La partie centrale de cette salle a
environ 21 mètres de longueur sur autant de largeur,
non compris les galeries qui l'entourent sur trois
côtés, et qui servent de circulation au rez-de-chaus-
sée, et de tribunes divisées en loges au premier étage.
La galerie du fond opposée à l'orchestre est légère-
ment incurvée en plan; les gradins de l'orchestre,
avee l'orgue au fond, sont aménagés dans une pro-
fonde alvéole presque de même largeur que le vide
de la salle. Le plafond, supporté par les hautes co-
lonnes corinthiennes des galeries, se décore de cais-
sons fortement accentués au-dessus de galeries, el de
vigoureux encadrements sur la partie centrale. L'é-
clairage de jour est assuré par de grandes fenêtres
ouvertes dans la paroi du fond des galeries; celui
de nuit par un lustre central et par des lustres secon-
daires suspendus dans les entre-colonnements, ainsi
que sous le linteau séparant la partie centrale de
l'orchestre.
La trop grande distance verticale entre le sol du
parterre et celui des galeries n'est que faiblement
corrigée par la forte inclinaison de l'ensemble des
gradins de ce parterre. La hauteur totale de la salle,
qui atteint près de 20 mètres, semble exagérée. Le
nombre des places est d'envir»n 1400.
Dans le but de corriger l'acoustique défectueuse,
des draperies descendant jusque sur les gradins du
parterre ont été suspendues sous le balcon établi en
avant des colonnes des galeries.
.\eue> Grwjndhuu3 de Leipz
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le Neues Cenandhaus de Leipzig, achevé en 1881,
apparaît, jusqu'à présent, comme la plus complète
conception architecturale réalisée pour l'audition
des œuvres musicales non destinées au théâtre L'é-
difice, situé dans le nouveau quartier, à proximité
du Conservatoire et- d'antres prainds édifices moder-
nes, est complètement isolé. Largement desservi par
deux entrées principales, tout le rez-de-chaussée
abrite les services accessoires : bureaux, bibliothè-
que, vestiaires, etc.
Du vestiaire du public qui, dans ce rez-de-chaus-
sée, occupe toute la partie centrale de l'édifice,
deux larges escaliers latéraux donnent directement
accès au parterre de la salle principale et à des pas-
sages se raccordant avec les dégagements d'une
autre salle de moindre importance. Celle dernière
est, en oulre, desservie par deux escaliers secondaires
partant du vestibule arrière. Quatre .mires escaliers
conduisent des paliers des deux escaliers principaux
aux tribunes de la grande salle et aux loges de la
petite.
En plan, la salle principale formé un rectangle de
38 mètres de longueur sur 19 de largeur, à angles
arrondis. La petite salle, sensiblement de même
forme, mesure seulement 24 mètres sur 12. Il con-
vient de remarquer que, dans ces deux salles, la lar-
geur est égale à la moitié de la longueur. La hau-
teur de la grande salle atteint 14 mètres environ;
celle de la petite n'est que de 8 mètres. L'éclairage
diurne de la grande salle s'obtient par 14 fenêtres*
en demi-cercle outrepassé ouvrant directement sur
le dehors et formant pénétrations dans la voussure
du plafond; celui de la petite, par trois grandes ou-
vertures ménagées dans le plafond et ne donnant
qu'une lumière de second joui-. L'éclairage artificiel
de la grande salle est obtenu par trois grands lustres
suspendus au plafond et par des appliques apposées
contre les pilastres décorant les parois; celui de la
petite salle, par un certain nombre de plafonniers
et par des appliques aussi apposées contre les pi-
lastres.
Le sol des deux salles est horizontal, à l'exception
de quelques gradins établis au fond de la grande,
dans le petit espace la séparant du foyer, et de trois
gradins établis sous une étroite galerie régnant
autour de cette grande salle. Cette galerie, élevée
de :! à 4 mètres seulement au-dessus du parquet, ne
reçoit que trois rangs de fauteuils; elle est divisée
en loges séparées par de simples accotoirs à hauteur
d'appui et ne pouvant gêner la vue.
L'orchestre, disposé au fond entre la galerie et le
parquet, comprend une partie plane pouvant être
agrandie de 2 à 3 mètres et des gradins. Le chef d'or-
chestre monte sur une estrade élevée de 0 m. 70 envi-
ron au-dessus de la partie plane, ce qui lui permet de
diriger les chœurs massés sur la partie de la galerie
adossée au fond de la salle. L'orgue est installé dans
une grande niche eu arrière fie cette galerie. A l'ex-
trémité de la salle opposée à l'orchestre et aussi en
arrière de la galerie sont établies une grande loge
d'honneur et deux loges secondaires.
Le nombre des sièges est d'environ 1650; il n'y a
pas de places debout.
Les parties basses des murs sont revêtues de lam-
bris en sapin sans grandes saillies et isolés de la
maçonnerie par un vide d'un décimètre environ.
Sous les panneaux de simili-tapisserie décorant les
parties hautes de ces murs, entre le dessus des lam-
bris et le dessous de la corniche sur laquelle repose
la voussure, les lambris d'isolement sont constitués
par un lé^er galandai;e en roseaux et mortier. La
voussure et la partie centrale du plafond sont en
construction légère suspendue à la charpente du
comble.
La petite salle est dépourvue de galerie; quelques
loges seulement s'établissent entre les pilastres:
l'orchestre sans gradins est entouré d'un seul rang
de fauteuils.
La construction de cette salle est. la même que
celle de la grande. Un foyer, vaste pièce de 32 mètres
de long sur 12 de large, non compris la loggia au-
dessus de l'avant-vestibule du rez-de-chaussée, est
disposé pour servir de promenoir aux auditeurs de
la grande salle pendant les entr'actes.
La construction de cet édifice, exécutée aux frais
d'j société privée, a coûté, sans le terrain, deux
m t liions de marks, soit deux millions et demi de
francs en 1884. Il est bien et largement conçu; sa
décoration intérieure, un peu chargée, vise a la
somptuosité. L'acoustique des deux salles est réputée
excellente
Des trois salles de la Philharmonie de Berlin,
celle carrée qu'on rencontre eu premier, au rez-de-
chaussée, sorte de hall central de l'établissement,
ne paraît pas avoir été spécialement étudiée pour
servir de salle de concert, et présente une acousti-
que défectueuse. La grande salle qui lui fait suite,
aussi au rez-de-chaussée, est un rectangle a angles
arrondis d'environ 32 mètre- de longueur sur 20 de
largeur, non compris remplacement de l'orchestre.
Sa hauteur est d'environ 19 mètres. Des lo!_res sont
installées entre les points d'appui au rez-de-chaussée
et sur un balcon. L'-extivinile opposée a l'orchestre
s'ouvre sur une salle de restaurant de laquelle on
peut entendre le concert. L'orchestre, aménagé p*u*
une centaine d'exécutants, peut être agrandi vers la
salle; un orgue dissimulé derrière un grillage doublé
d'étoffe en occupe le fond; le parquet est horizontal.
Cette salle servant aussi pour -les banquets et des
bals, tous les sièges du rez-de-chaussée, à l'excep-
tion de ceux des loges, sont mobiles.
Une troisième -aile, dite « salle Beethoven », située
au premier étage, est exclusivement aménagée en
salle de concert. Elle consiste en un rectangle 'le
21- mètres de Ion;: sur 20 de large, non compris rem-
placement pour l'orchestre et, à l'autre extrémité,
un emplacement égal garni de sièges. Un balcon
s'étend sur tout le périmètre, a l'exception iln côté
occupé par l'orchestre ; l'ensemble peut recevoir'
1100 auditeurs.
I..' lonhall de Zurich, vaste établissement en vue
du lac, possède une grande et une petite salle de
concert. La grande est un rectangle à coins arrondis
d'environ 30 mètres sur 19, y compris remplace-
ment de l'orchestre, avec balcon et tribunes au pre-
mier étage. Cette salle servanl aussi pour' des ban-
quets el .les bals, son parquet esl horizontal, et les
sièges le garnissant sont mobiles. La partie basse
île i orchestre peul ''ire agrandie en avançant le po-
dium. L'orgue occupe une grande niche en arrière
de L'orchestre; la partie du balcon passant entre
celle niche et le dernier -radin de l'orchestre est
uenéralemeiil réservée aux chœurs. Le nombre des
places s'élève à environ 1 ooo.
L'éclairage diurne est obtenu par six baies demi-
circulaires formant pénétrations dans la voussure
du plafond au-dessus des tribunes latérales. Trois
grands lustres, suspendus au plafond central et
TEClINIQtJEs ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE THÉÂTRES ET SALLES DE CONCERT 3871
d'autres plus petits suspendus au plafond des tri-
bunes, assurent l'éclairage de nuit. La décoration est
blanc et or, et l'acoustique satisfaisante.
La petite salle située au premier étage, derrière la
tribune milieu de la grande et au-dessus du vestibule
la desservant, est réservée à la musique de chambre.
Le nouveau Casino de Berne, édifice monumental
récemment construit, possède aussi deux salles de
concert, toutes deux établies au premier étage. La
plus grande forme un rectangle de 35 m. de longueur
sur 16 de largeur, terminé, sur l'un de ses petits
côtés, par une niche très plate au fond de laquelle
est installé un orgue dissimulé par des pilastres et
des grillages métalliques. Trois tribunes avec gradins,
dont le plus bas est à environ 3 m. 30 au-dessus du
parquet, garnissent les longs cotés et celui opposé
à l'orchestre; les tribunes latérales sont séparées
du vide central par des colonnes jumelées; celle du
fond est comprise dans ce vide. Une voûte très apla-
tie construite en matériaux légers recouvre la partie
milieu; les tribunes latérales sont couvertes par un
plafond. L'éclairage diurne est assuré par dix baies
demi-circulaires s 'ouvrant au-dessus de la coi niche
couronnant l'ordre des tribunes; celui du soie s'ob-
tient au moyen de lustres suspendus à la voûte e*
aux plafonds. La hauteur de la partie centrale e&t
d'environ li mètres; le nombre des pi
atteindre 1 400; l'acoustique est satisfaisante La
petite salle située contre le fond de la grande opposé
à l'orchestre sert de foyer, de salle de bal et, à l'oc-
casion, de salle de concert.
Le Victoria-Hall à Genève, construit de 1891 à!893,
esl, comme le Gewandhaus de Leipzig, un édifice
Spécialement destiné aux auditions musicales. La
salle est un rectangle d'environ 32 mètres sur li,o0,
dont les angles sont abattus par des pans coupés.
Des tribunes latérales portent la largeur à près de
19 mètres, et de profondes alvéoles établies aux
extrémités et destinées, l'une à l'orchestre, et l'autre
à des amphithéâtres superposés, portent la longueur
totale â environ 50 mètres. L'orchestre avec ses
10 rangées de gradins pour les choristes occupe, à
lui seul, une longueur de près de 17 mètres. L'orgue
installé au fond est séparé des gradins par un balcon
portant une rangée de fauteuils dits « fauteuils
d'orgue ».
Les 1 850 places sont réparties entre : un parterre
avec loges découvertes et amphithéâtre, le grand
balcon, le balcon de l'orgue, les corbeilles des angles,
l'amphithéâtre du premier étage, les tribunes el
l'amphithéâtre du deuxième étage.
Le plafond est plan avec parties inclinées sur les
côtés et formant voussures, celles-ci percées de dix
œils-de-bœuf. La superposition des étages a conduit
à donner à cette salle la grande hauteur qui nuit à
son acoustique. Sa décoration, rehaussée par une
coloration accentuée, est très chargée.
La Salle Hameau à Lyon, inaugurée en 1908, a été
édifiée par une société particulière avec le concours
de la ville. Située au-dessus d'une autre grande
salle destinée à des réunions diverses, elle peut re-
cevoir 1 600 auditeurs. L'ensemble, mesurant environ
32 mètres sur 18, comprend un parterre horizontal,
une galerie avec loges découvertes sur les longs côtés
el amphithéâtre au fond, et un second amphithéâtre
au-dessus du premier. La partie opposée â ces am-
phithéâtres est sensiblement demi-circulaire; elle
abrite l'orchestre et, en arrière, en partie au-dessus
de l'orchestre, l'estrade des choristes.
Cette disposition de l'espace réservé aux choristes,
analogue à celles précédemment adoptées dans les
salles du Rudolpbinum â Prague, du Gewandhaus à
Leipzig, au Casino de IJerne.au Victoria-Hall de Ge-
nève, etc., a le grand a v,* otage d 'empêcher les chœurs
d'étouffer la sonorité des instruments à cordes et
d'éviter l'encombrement de la partie basse de l'or-
chestre.
Des ouvertures pratiquées dans la partie haute
des murs latéraux et un plafond vitré assurent un
abondant éclairage diurne.
Malgré sa construction en matériaux rigides : ma-
çonnerie et ciment armé, et malgré l'absence de ten-
tures, l'acoustique de cette salle est bonne.
La salie Victor-Poirel à Nancy, disposée pour ser-
vir de théâtre et de salle de concert, présente un vaste
amphithéâtre demi-circulaire prolongé vers la scène
par des parties droites; la partie centrale garnie de
gradias lies inclinés est séparée de la galerie l'en-
tourant par un rang de colonnes supportant des
arcades. Les gradins de cette galerie, disposés paral-
lèlement à la courbe, sont aussi très inclinés. L'éclai-
rage de jour s'assure par des ouvertures Jan, le mur
de fond de la galerie et par un plafond vitre. Des
draperies ont été disposées dans les parties hautes
des arcatures pour améliorer l'acoustique.
La salle du Trocadéro a Paris, construite en vue
des solennités de l'Exposition universelle de 1878,
est un immense amphithéâtre en forme de fer à che-
val contenant près de 6000 places. Une grande niche
avec, au fond, un orgue colossal de Cavaillé-Coll,
peut servir à abriter les autorités en cas de solenni-
tés, ou l'orchestre et les chœurs en cas de concert.
De larges baies sont ouvertes dans le mur circulaire
de l'amphithéâtre.
Malgré l'application des données scientifiques con-
nues au moment de la construction, et malgré les
essais faits au moyen de la lumière sur modèles en
petit pour assurer une bonne acoustique, le résultat
obtenu n'a pas répondu aux espérances des archi-
tectes : une sonorité excessive s'est révélée, el des
échos se produisent. De nombreux essais ont été
tentés, par la suite, pour remédier aux inconvénients
reconnus; filets tendus contre les verrières, modifi-
cation de la conque de l'orchestre au moyen de ten-
tures et de cloisonnements légers, matelassage des
parois verticales de l'amphithéâtre, etc. Les récents
travaux exécutés ont donné des résultats appré-
ciables; mais les dispositions adoptées pour modi-
fier la forme de grande niche enveloppant l'orchestre
nuisent à la disposition architecturale de l'ensemble
Les salles Erard, Gaveau et la nouvelle salle Pleyel,
à Paris, sont des compléments des magasins de vente
de ces établissements industriels. Celle de la maison
Gaveau peut recevoir I 060 auditeurs assis; son par-
terre légèrement incliné correspond sensiblement,
comme niveau, avec le premier étage de l'immeuble.
Presque tout le rez-de-chaussée, sous ce parterre,
est occupé par un vestiaire très commodément ins-
tallé. La salle rectangulaire, en plan, mesure 20 mètres
de largeur sur près de 23 mètres de longueur, non
compris la grande niche abritant, au fond, les gra-
dins des choristes et l'orgue. L'estrade de l'orchestre
est en avant de cette niche. Le parterre s'entoure
de loges au fond desquelles passent les légers points
d'appui supportant la première galerie. Les sols de
cette première galerie et de celle supérieure corres-
pondent avec les deuxième et troisième étages de
l'immeuble. La disposition de ces galeries fait pa.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
rai tre la salle plus longue qu'elle n'est réellement. L'un
de ses côtés et le fond étant adossés à des construc-
tions voisines, elle ne reçoit de jour direct que par des
fenêtres ouvertes en arrière de la galerie sur les deux
autres côtés. L'éclairage de nuit est assuré par des
cordons d'ampoules électriques courant sous les deux
galeries et dans la mouluration du plafond. La hau-
teur, sous la partie centrale de ce plafond, est d'envi-
ron 13 m. SO. La décoration en relief, assez vigou-
reuse sous le balcon de la première galerie, va en
s'afflnant vers le haut pour laisser lisse la partie
milieu du plafond.
La salle Pleybl, récemment construite, fait partie
d'un vaste établissement abritant des salons d'expo-
sition, des studios isolés mis à la disposition des
artistes, deux petites salles d'auditions, l'une de
oOO places, l'autre de 200, et de nombreux services.
Etablie au premier étage, elle est accessible par
plusieurs escaliers débouchant dans un spacieux
vestibule et des galeries sur lesquelles s'ouvrent de
nombreux vestiaires commodément disposés.
En outre du large accès sur le faubourg Sainl-
Honoré, une sortie de secours a été ménagée vers
la rue Daru.
De forme trapézoïdale et mesurant environ b0 mè-
tres suivant son grand axe et 30 mètres suivant la
grande base du trapèze, cette salle comporte, contre
la petite base, une grande estrade pouvant recevoir
jusqu'à 600 exécutants et choristes. En avant de celte
estrade, un parterre horizontal précède une rangée
de loges découvertes, en arrière desquelles s'étend,
jusqu'au fond, une partie légèrement inclinée. En
élévation, contre la paroi du fond opposée à l'estrade
des exécutants, sont disposés deux larges amphi-
théâtres desservis par des escaliers spéciaux.
L'ensemble abrite environ 3 000 places, toutes de
face.
Les parois latérales sont légèrement inclinées vers
l'intérieur.
La voûte comporte des parties planes inclinées au-
dessus de l'orchestre, et, sur le restant, une grande
surface cylindrique ascendante dont les génératrices
se raccordent avec ces parties planes.
L'éclairage, entièrement artificiel, est obtenu au
moyen de foyers lumineux dissimulés. Il n'existe
aucune saillie décorative.
La décoration picturale, détruite par l'incendie
survenu le 19 juillet 1928, peu de temps après l'i-
nauguration, n'a pas été reproduite; elle a simple-
ment été remplacée par une haute partie gris foncé
formant soubassement et par un ton pierre sur tout
le restant. Celte nudité s'accorde avec la simplicité
voulue de la décoration des autres parties de l'édi-
fice, et par son austérité, fait supposer que cet état
n'est que provisoire.
La forme inattendue de la voûte est le résultat de
la mise en application des théories actuelles de la
science de l'acoustique. 11 convient de se demander,
en présence de ce résultat si nettement accusé, si
cette science a bien dit son dernier mot, et si ses
données ne comportent pas quelques accommode-
ments.
V. BLAVEÏTE.
SONORITÉ DES SALLES
Par M. Gustave LYON
Le problème de la bonne acoustique dans une
salle de concerts a été étudié et réalisé d'une façon
très satisfaisante en 1028, lors de l'édification de la
Salle Plkyel, 252, rue du Faubourg-Saiut-Honoré, à
Paris (8«i.
Cette réalisation a été la conséquence des lois
formulées par M. Gustave Lyon à la suite de nom-
breuses recberches entreprises par lui pour remplir
la mission que lui confia en 1904 le ministre de l'Ins-
truction publique delà République française, d'amé-
liorer l'acoustique du Trocadéro; à l'époque, il était
absolument impossible dans cette vaste salle d'en-
tendre distinctement, même de comprendre la moin-
dre pbrase d'un conférencier quel qu'il fût. — Les
défauts ont pu être corrigés pour la plupart. —Ceux
qui subsistent eussent pu «Hre supprimés, mais au
prix de dépenses exagérées, el d'ailleurs au détri-
ment de l'acoustique de certaines régions de cet
énorme vaisseau.
Depuis 1904, on a entendu de presque toutes les
places du palais du Trocadéro les conférences ou
les représentations théâtrales populaires qu'y orga-
nise si parfaitement M. Gémier, tant que les collec-
tions réalisées par M. Gustave Lyon ont été mainte-
nues en place et en bon état de conservation. —
Les lois qui ont déterminé ces corrections s.- résu-
ment ainsi :
La perception d'un son par un auditeur est le
résultat, l'intégration, peut-on dire, d'une séi ie de
pressions successives frappant son tympan par suite
de l'arrivée au contact de celui-ci :
1° de l'onde directe,
2° d'une série successive d'arrivées très rappro-
chées d'ondes rélléchies sur les divers obstacles
(murs, plafonds, etc.) que rencontre l'onde directe
dans sa propagation.
Première loi. — L'onde directe, si elle était seule
perçue, cesse d'être entendue à partir d'une distance
de 11 mètres environ séparant l'auditeur de la source
sonore.
Deuxième loi. — Un auditeur qui reçoit deux
ondes sonores successives ne peut les séparer à l'au-
dition que si l'arrivée de la plus tardive est posté-
rieure de plus de 1/15 de seconde au moment de
l'arrivée de la première, ce qui exige que le parcours
de la plus longue dépasse celui de la plus courte de
22 mètres au plus.
Ceci pour des sons secs et brefs (claquette de bois).
— Pour des sons moins courts de production (voix
humaine, chant, instruments de musique à vent,
etc.), la limite est de 1/10 de seconde ou 34 mètres
d'écart entre les deux chemins parcourus.
Conclusion. — 11 est nécessaire d'envoyer aux
Copyright by Librairie Detagrave, 1930.
auditeurs le plus grand nombre possible d'ondes
réfléchies sur les obstacles intérieurs que l'onde
directe rencontre, mais en se limitant aux ondes
réfléchies qui auront, pour arriver de la source
sonore à l'auditeur, un chemin à parcourir au plus
égal à la distance de l'auditeur à la source sonore,
augmentée de 22 mètres, pour les sons secs, et de
34 mètres pour les sons musicaux non percutés, —
22 et 34 mètres étant les espaces parcourus par le
son en 1/15 de seconde et en I 10 de seconde.
Comme, d'autre part, tout le monde est d'accord
sur le fait que dans les théâtres antiques (Orange,
Nîmes, Arles, Béziers, Piezzolo, etc.), l'audition
pour toutes les places de front est très bonne, il a
paru opportun d'appliquer les principes des anciens
(Comédie-Française, orchestres symphoniques Co-
lo.wi: et autres).
Les caractéristiques des théâtres anciens sont les
suivantes :
Une estrade,
I n mur vertical de scène,
Des fauteuils en gradins,
l'as de plafond horizontal.
Estrade. — Pour qu'un auditeur placé en A sur le
prolongement de la diagonale de l'estrade croie en-
tendre en même temps le triangle I et le xylophone
X frappés au même moment, il faut que la ligne T.\
soit 22 mètres.
Pour qu'un auditeur pla£é en Ç croie entendre en
même temps l'onde directe du violoniste V et l'onde
réfléchie par le mur de scène .M, il faut que :
• 2 VU = 22 m. ou VI! Il mètres.
Ceci pour les sons secs pi oduits par percussion ou
staccato.
M-
TV
7+
^-^ T
»A
Dès qu'on envisage d'autres sonorités instruments
à vent, voix humaine, — à cordes frappées ou pin-
cées, etc.), l'émission n'étant pas instantanée, on
peut passer, comme on l'a déjà dit, de la limite
22 mètres à la limite 34 mètres.
Mur d'estrade. — Ce mur, au lieu d'être plan et
vertical, comme chez les anciens, devra avoir une
base cintrée, comme enveloppant l'estrade, et être
également cintré en altitude, c'est-à-dire concave,
243
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
véritable conque sonore établie pour renvoyer vers
le centre de la masse des auditeurs toutes les ondes
ou les rayons sonores réfléchis.
Pour éviter le trouble que ressentiraient les audi-
teurs près de l'estrade, il faut limiter aux environs
de 7 mètres la hauteur de cette surrace rélléchissante
de scène.
Dans la Salle Pleyel, on a suivi ces indications.
— Un premier théâtre antique a été construit :
Estrade, 2ï- mètres de long, — 13 mètres de pro-
fondeur. — Mur de scène cintré sur le sol, cintré en
hauteur limitée à 7 mètres au-dessus de l'estrade.
Profitant de l'estrade déjà construite, un second
théâtre antique a été établi, les fauteuils en gradins
partant du niveau +7 mètres; le mur de scène, qui
n'est ni plan ni vertical, constitue un véritable ré-
llecteur sonore renvoyant la portion des ondes qui
s'y réfléchissent sur les auditeurs de ce premier bal-
con ; c'est une conque sonore plus large que celle
du bas, plus inclinée et n'ayant pas plus de 7 mètres
de hauteur en verticale.
Dès lors, au niveau +14, on a établi encore des
fauteuils en gradins, disposés de façon à ce que de
chacun d'eux on vit toute l'estrade. — Le mur de
scène de ce troisième théâtre antique est encore une
conque sonore plus étendue que les deux premières,
plus inclinée aussi et venant à la suite de la deuxième
conque qu'elle semble prolonger.
Cette deuxième conque termine le toit de l'ensem-
ble qui, dès lors, est à l'abri du vent, de la pluie,
tsrèle, poussière, etc., et n'a pas de plafond hori-
zontal.
Le résultat a répondu en tous points aux espé-
rances. — Après l'incendie du 10 juillet 1928, on
reconstruisit la salle identiquement pareille comme
forme et parois à la première, et le 30 novem-
bre 1928-, eut lieu la reprise dans la Salle des con-
certs d'abonnement de l'Orchestre Symphonique de
Paris.
Dans les théâtres antiques, rien n'existe au-dessus
et derrière les spectateurs des derniers gradins. —
Les parties des ondes sonores venant de l'estrade
qui passent au-dessus de ces derniers rangs d'audi-
teurs continuent donc leur course à travers l'espace,
sans revenir jamais en arrière.
Dans la Salle Pleyel, il a bien fallu fermer la salle
derrière les auditeurs, pour séparer de la salle les
magasins Pleyel mitoyens.
Le double rideau de molleton orthophonique qui
absorbait les ondes sur les murs verticaux de clô-
ture, ne pouvait plus être admis à cause même du
danger d'incendie; on obtint alors des sons de
retour sensibles sur l'estrade lorsque ces sons étaient
secs et percutants : castagnettes ou coups de talons
sur l'estrade, coups de langue staccato pour les ins-
truments puissants (trombones, pistons, etc.). On
a supprimé ces retours à l'aide de matelassage eu
produits ignifugés mous(feutres spéciauxaméricains,
poils et amiante), ou de modification des formes ou
des matériaux des bandeaux, main courante des bal-
cons ^premier et second), gaines d'aération, etc/
L'incendie de juillet 1028 permit aussi de réaliser
l'aération de la salle par le procédé inventé par
M. G. Lyon en 1911, et que des architectes améri-
cains appliquèrent avec le plus grand succès (santé,
économie) aux écoles de Saint-Louis en 1020, sous
le nom d'aération en circuit fermé.
Dans la Salle Pleyel, sous chaque siège, est ména-
gée une arrivée continue d'air biologiquement et
chimiquement pur, à raison de 83 litres par minute.
— Cet air, à 18°, enlève les 100 calories horaires de
chaque assistant, continue à s'échauffer en arrivant
à la hauteur de la respiration de chacun (en moyenne
22 aspirations par minute, de chacune un demi-
litre, suivies de 22 expirations d'air chaud à 37° en-
viron, bouche ouverte et chargé d'acide carbonique
et de poisons biologiques). Il monte ainsi vers le
plafond, roule le lon^ du toit incliné vers l'arrière
où il est repris par un aspirateurde même puissance
que celle du ventilateur de cave. — Repris à raison
de 15 000 m3 par heure, l'air est renvoyé :
1» Dans une chambre de dépoussiérage;
2° Dans une chambre d'ozonisation;
3° De là, dans une chambre à giclagc d'eau basi-
que pouvant être portée, par serpentins vapeur, à
+ 80° £n hiver, et par serpentins ammoniaque; à
— 10° en été. Cet air purifié, humidifié, revient ainsi
au ventilateur qui le renvoie à nouveau dans la
salle par les gaines horizontales passant sous cha-
que rangée de fauteuils. Il arrive à 18° et sans qu'on
en perçoive le mouvement, à cause des détentes
obtenues par quatre variations successives des sec-
tions d'arrivée.
L'ancien procédé, renouvellement cinq fois par
heure de l'air de la salle, exigerait pour un résultat
moins bon (air impur, courants d'air, etc.) la circu-
lation horaire de 165 000 m3, soit 1 1 fois plus, environ
de frais d'installation et d'exploitation.
G. LYON.
JURISPRUDENCE
LE THEATRE ET LES AUTEURS
Par Adrien PEYTEL
LE DROIT DES AUTEURS DRAMATIQUES ET LYRIQUES
ET DES COMPOSITEURS DE MUSIQUE
I. La Li-gislalion.
Le langage usuel et même le vocabulaire juridique
donnent souvent aux droits des auteurs et des com-
positeurs le nom de propriété littéraire. Et pourtant,
rien n'est plus éloigné du sens exact du mot « pro-
priété », tel que ie définit le Code civil, que le mono-
pole assuré par les lois aux auteurs ou à leurs ayants
cause sur les œuvres dramatiques ou musicales. Ce
n'est en réalité que le privilège exclusif d'une exploi-
tation temporaire : un monopole régi par la loi
française et par des conventions internationales
comme les brevets d'invention, les modèles, les mar-
ques de fabrique, pour lesquels on a créé cette locu-
tion également inexacte de « propriété industrielle » '.
L'auteur n'est pas le propriétaire de son œuvre
comme on l'est d'un meuble, d'un immeuble; il n'a
qu'un privilège, qui lui vient de la loi, celui de l'ex-
ploiter pendant un temps déterminé, après lequel la
protection cesse; l'ouvrage tombe alors dans le
domaine public et peut être livré à la publicité sans
que l'auteur, qui ne peut plus s'opposer à cette pu-
blication, en lire le moindre avantage.
Il faut remonter à la Révolution de 1 789 pour trou-
ver l'origine du droit des auteurs. Auparavant, bien
que quelques arrêts du Conseil du Roi aient contraint
les libraires à obtenir des lettres scellées pour l'édi-
tion des livres nouveaux, on ne parait pas s'être
occupé de la représentation. L'auteur vendait sa
pièce ou recevait une part de la recette, suivant des
conventions particulières qui inclinaient parfois les
comédiens, pourvus de privilèges, à ne pas recher-
cher dans leur comptabilité d'expression exacte de
la vérité.
Soulevée par Beaumarchais, soutenue par Sedaine,
Ducis et Fabre d'Eglantine, la question du droit des
auteurs fui portée à la Constituante, qui, par son
décret du 13 janvier 1791, complété le 12 juillet,
décida que les œuvres des auteurs seraient ou pour-
raient être représentées sans leur consentement écrit,
et que les héritiers ou les cessionnaires des auteurs
seraient propriétaires des ouvrages pendant cinq ans.
Ce décret distinguait fort heureusement le droit
de représentation du droit de publication, celui-ci
n'entraînant pas celui-là. Mais l'année suivante, le
30 août, un autre décret décidait que les pièces
Cassation, Î5 juillet 1887. D. P., 88, 1, 5.
imprimées avant le 13 janvier 1791 pourraient être
jouées sans rétribution pour les auteurs et que, désor-
mais, le droit de représentation ne serait réservé
pour dix ans qu'aux auteurs qui, lors de la publica-
tion de l'ouvrage, auraient fait une réserve formelle,
imprimée en tête de la pièce : ce décret fut rapporté
par la loi du 1er septembre 1793.
Sous l'Empire, le droit des auteurs fut élargi, il
était garanti à l'auteur et sa veuve pendant leur vie,
et à leurs enfants pendant vingt ans, par le décret
du o février 1810. Mais ce règlement ne visait que la
librairie et l'imprimerie, si bien que le Conseil d'Etat
put décider que le droit des auteurs dramatiques
n'élail pas modifié en ce qui concerne les représen-
tations et devait être limité à dix ans.
La trop courte durée de ce délai apparut bientôt
quand on vit que des œuvres musicales en plein suc-
cès allaient tomber dans le domaine public, et une
loi hâtivement faite et promulguée le 3 août 1844
assimila les veuves aux enfants, et prorogea pour
tous la durée du droit à vingt ans. La loi des 8-
19 août 1854 élargit encore le droit des veuves, qu
fut accordé pour la vie, et donna aux enfanls la
jouissance des droits de leur auteur pour trente ans
à partir, soit du décès de l'auteur, soit de l'extinc-
tion du droit de la veuve.
Enfin, la loi du 14 juillet 1866 unifia tous ces sys-
tèmes sans établir, comme on l'avait fait espérer en
1854, une réforme générale basée sur des principes
nouveaux; on en est resté au monopole et à la pro-
tection temporaire.
L'article premier de cette loi fixe la durée du
droit des auteurs et de leurs ayants cause à cin-
quante ans à partir du décès de l'auteur. Cette loi,
qui est encore en vigueur, est ainsi libellée :
« Article premier. — La durée des droits accordés
par les lois antérieures aux héritiers, successeurs
irréguliers, donataires ou légatairesdes auteurs, com-
positeurs ou artistes, est portée à cinquante ans, à
partir du décès de l'auteur.
« Pendant cette période de cinquante ans, le con-
joint survivant, quel que soit le régime matrimonial,
et indépendamment des droits qui peuvent résulter
en faveur de ce conjoint du régime de la commu-
nauté, a la simple jouissance des droits dont l'auteur
prédécédé n'a pas disposé par actes entre vifs ou par
testament. — Toutefois, si l'auteur laisse des héri-
tiers à réserve, cette jouissance est réduite, au pro-
fit de ces héritiers, suivant les proportions et dis-
tinctions établies par les articles 913 et 915 du Code
Napoléon. — Cette jouissance n'a pas lieu lorsqu'il
existe, au moment du décès, une séparation de corps
I prononcée contre ce conjoint; elle cesse au cas où
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
le conjoint contracte un nouveau mariage. — Les
droits des héritiers ou successeurs, pendant cette
période de cinquante ans, restent d'ailleurs réglés
conformément aux prescriptions du Code Napoléon-
— Lorsque la succession est dévolue à l'Etat, le
droit exclusif s'éteint sans préjudice des droits des
créanciers et de l'exécution des traités de cession qui
ont pu être consentis par l'auteur ou par ses repré-
sentants.
« Art. 2. — Toutes les dispositions des lois anté-
rieures contraires à celles de la loi nouvelle sont et
demeurent abrogées. »
Cette loi a eu l'avantage de simplifier une situa-
tion jusque-là singulièrement complexe, en suppri-
mant les distinctions faites parles lois antérieures
entre les catégories d'héritiers. Déplus, elle a fixé le
cas des successions en déshérence en décidant que
les œuvres tombaient dans le domaine public sous
réserve des droits des créanciers et des cessionnai-
res, dont les droits sont garantis jusqu'à l'extinction
des dettes ou jusqu'à l'expiration des contrats.
11. Les ouvrages posthumes.
Le décret du 1er germinal an XIII donne aux pro-
priétaires d'un ouvrage posthume les mêmes droits
qu'à l'auteur, à la charge d'imprimerséparément les
œuvres posthumes et sans les joindre à une nouvelle
édition des ouvrages déjà publiés et devenus pro-
priété publique. Ce texte, confirmé par le décret du
Î8 juin 1800, qui l'applique aux ouvragesdramatiques.
n'a trait qu'à la publication, et les formalités qu'il
exige sont inutiles pour la représentation, dont le
droit est réservé sans condition1.
On estime, en général, qu'il tant entendre par œu-
vres posthumes celles qui n'ont pas été publiées
du vivant de l'auteur, même si elles ont été repré-
sentées. Dans le cas contraire, une œuvre publiée
mais non représentée du vivant de l'auteur n'est
pas une oeuvre posthume, puisqu'elle n'entre pas
dans la définition stricte admise par les auteurs.
Cette distinction a un intérêt pratique depuis que
la Cour de cassation a estimé que « le droit privatif
de publication d'une œuvre posthume ne dure, au pro-
fit de ses successeurs, que dix ans après sa mort2. »
III. Preuve du droit de propriété.
Le droit de propriété littéraire, pour employer le
langage courant, n'est soumis à aucun mode légal et
spécial de preuve, ni à aucune formalité destinée à
la constater.
C'est à l'auteur qu'il appartient de prouver son
droit par tous les moyens, eu établissant que l'œuvre
discutée est originale, que c'est lui qui l'a créée et
qu'il peut la prétendre sienne.
La revendication de ce droit n'est pas soumise à
la formalité du dépôt, qui est impossible tant que
L'œuvre n'est pas publiée, de telle sorte qu'on ne
peut opposera l'auteur qui prétend établir ses droits
sur une pièce, le défaut de dépôt3.
La nécessité de cette preuve s'impose toutes les
fois qu'un auteur ou un compositeur entend se pré-
1. Pouillet. Traité de la Propriété littéraire et artistique, p. 179.
— Georges Bureau, Le Théâtre et sa Législation, p. 388.
i. Cass., 28 décembre 1880, D. P., 1881, I, 162.
3. Cass., 7 janvier I 12, Siray, 1852, I, 465.
1. Cass., 22 novembre 1867, Annales, 67, p. 330.
5. Trib. corr. Rouen, 12 novembre 1875. — Ami., 1877, p. 211
0. Cour Paris, Il avril 185-2. — D. P., 52, 2, 130.
valoir des droits que lui donne la loi : depuis le
décret du 19 juillet 1791, les ouvrages destinés aux
spectacles publics, imprimés ou non, ne peuvent être
représentés sans le consentement de l'auteur ou de
ses ayants droit; celui qui s'oppose à une repré-
sentation ou qui réclame le bénéfice de son autori-
sation est obligé d'établir la qualité qui justifie son
intervention.
Il en est de même quand l'auteur agit devant les
tribunaux correctionnels en vertu des articles 425 à
429 du Code pénal. Ces textes établissent qu'il y a
contrefaçon toutes les fois qu'une édition est impri-
mée au mépris des lois et règlements relatifs à la
propriété des auteurs. La contrefaçon est un délit
(article 425!. Le contrefacteur ou celui qui introduit
en France des ouvrages contrefaits à l'étranger sont
punissables d'une amende de 100 à 2 000 francs et
le débitant encourt une amende de 25 à 500 francs;
de plus, l'édition contrefaite doit être confisquée
(article 427).
L'article 429 est spécial aux directeurs ou entre-
preneurs de spectacles et aux associations d'artistes,
qui font représenter sur leurs théâtres des ouvrages
dramatiques au mépris des lois et règlements relatifs
à la propriété des auteurs. La peine édictée en ce cas
est de 50 francs au moins et de 500 francs au plus,
ainsi que la confiscation des recettes au profit de
IV. Objet du droit de propriété.
La protection de la loi s'applique à toutes les œu-
vres qui constituent une création originale issue de
l'effort intellectuel et personnel de l'auteur.
Savoir si un ouvrage est on non protégé par la loi
est une question de fait qui dépend du pouvoir d'ap-
préciation des tribunaux et qui échappe, de oe fait,
au contrôle de la Cour de cassation1. Toutefois, les
juges n'ont pas à se préoccuper de la valeur artisti-
que de l'œuvre, et son importance, son étendue ne
sont pas des facteurs d'appréciation. L'ouvrage pro-
tégé peut être une tragédie, une comédie, un ballet,
un opéra aussi bien qu'une pantomime5 ou une
chanson".
Il n'est même pas nécessaire que l'œuvre soit une
création personnelle de l'imagination de l'auteur,
elle peut être une adaptation : le seul fait de l'ar-
rangement nouveau crée un droit.
Si l'auteur a adapté ou présenté de façon originale
une œuvre tombée dans le domaine public, on estime
qu'il a acquis un droit privatif sur son ouvrage, mais
il n'en résulte en aucune façon qu'il se soit appro-
prié ainsi un privilège quelconque sur l'œuvre dont
d s'est servi7. Ainsi, celui qui publie des chants po-
pulaires ne puise dans cette publication le principe
d'aucun droit exclusif sur ces chants8, mais il a une
action contre ceux qui reproduiraient la disposition
qu'il a donnée au texte, le choix de ses extraits ou
l'orchestration qui accompagne les divers motifs".
Un pas de ballet, emprunté ,j des danses nationales
qui sont évidemment du domaine publie, peut être
protégé s'il comporte un travail personnel d'adapta-
tion sur la musique"1. Il en est de même pour une
Cass., 27 novembre 1869, D. P.. 70, I, 183.
Cour Paris, 9 deeenibr.' |s, . — I ., 66, p, 189.
T,il.. Seine, 0 décembre 1864. — Ann., M, p. l
uillet 1862. - H. P., 6::. 1, 204,
i. Trib. .i». Seine, il juillel 1862. — Ann., 63, p. 234. — Trib.
Seui,., m r.-v. i.-i mu. — /;„.-. /■.<'., i"ii, i, 193.
Cass..
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
JURISPRUDENCE
pièce tirée d'un thème ancien, dont les personnages
ont été modifiés el dont un ordre nouveau des scènes
fait une œuvre originale', ou pour un livret d'opéra,
tiré d'une comédie dont l'intrigue est simplifiée et
dont les situations sont arrangées en vue de l'effet
musical.
Quand l'œuvre primitive est du domaine privé, il
ne suffit pas que l'auteur de l'adaptation ou de l'ar-
rangement établisse son travail et sa part de création,
il faut encore qu'il justifie de l'autorisation de celui
auquel appartient l'ouvrage dont il s'est inspiré. Il
en est ainsi pour le musicien qui écrit des motifs de
danse sur les thèmes d'un opéra : son ouvrage n'est
protégé que s'il a l'autorisation de l'auteur de l'o-
péra -'.
Ce n'est pas seulement l'œuvre en soi qui est pro-
tégée, mais aussi le litre sous lequel elle est connue,
qui constitue en quelque sorte « l'enseigne que l'au-
teur a donnée à son œuvre et sous laquelle il l'a fait
connaître ».
C'est ainsi que les tribunaux oui estimé qu'un
Decourcelie est propriétaire du litre Les Deu i Gosses,
et qu'un Paul Féval peut s'opposer à ce qu'un film
cinématographique ait pour titre Le Bossu, alors
même qu'il u\ a aucune contrefaçon3.
Toutefois, si le titre est d'une banalité telle qu'ie
constitue une locution courante, et en qui
nécessaire en tête d'une pièce, il ne peut faire l'objee
d'un droit, exclusif; il en est de même '
titre seul existe et qu'il n'esfaccompagné d'aucune
œuvre : ce n'est qu'au jour de la publication de l'ou-
vrage el non au jour de l'annonce qui eu a été faite
qu'on doit se placer pour juger de la priorité du
droit1.
LA COLLABORATION
Le mot « collaboration » a pris dans le langage
usuel une telle extension qu'il ne correspond plus à
la véritable signification qu'il doit conserver du point
de vue juridique. Pour qu'il y ait vraiment collabo-
ration, il faut une oeuvre commune et l'intention de
parlager les efforts comme les bénéfices : c'est une
convention tacite souvent qui ne peut s'établir que
par le concours de plusieurs volontés et non par
suite de circonstances de l'ait.
Deux ou plusieurs auteurs collaborent quand ils se
prêtent un mutuel concours soit dans la conception,
soit dans l'exécution du plan, soit dans l'ensemble
des travaux nécessaires pour mener à fin un ouvrage
projeté5. Telle est la définition qui ressort de la
jurisprudence, puisque nos lois sont muettes sur ce
point.
I. Conditions pour qu'il y ail collaboration.
La collaboration est un fait insaisissable; il peut
résulter des interventions les plus diverses, soit que
les auteurs se partagent le travail, soit que l'un ap-
porte l'idée et que l'autre écrive, soit qu'un autre
apporte un dénouement, une nouvelle scène, un
1. Cour Paris, 27 juin 1862. — Ann., 66
2. Cour Paris, 12 juillet 1855. — Ann., ;
Cour Paris, 20 novembre 1857, — Ann., 57, p. 453.
3. Trib. civ. Seine, 5 novembre 1910. - Ga:. Trib., 4 j»n<
i novembre 1005. — Gaz. Trib.. 20 décembre
56, p. 74. — Trib. <
4. Trib. Corr.
esprit spécial. Tout ce qui contribue au succès de
l'œuvre implique, pour celui qui l'apporte, un droit
de collaboration''. Il suffit, pour constituer un fait
de collaboration, d'une addition de personnages,
d'une modification dans le plan ou dans une partie
du dialogue7. Il suffit même d'avoir approprié le
texte au théâtre où il doit être joué, en faisant des
coupures, en surveillant les répétitions et la mise en
scène8.
Dans les féeries, l'importance des machines et des
trucs est considérable, le dialogue n'étant que le
moyen de mettre en valeur des inventions sensation-
nelles. L'auteur de ces trucs est donc un collabora-
teur, bien qu'il n'ait pas écrit une ligne de texte9.
Dans les ballets d'action, qui sont de véritables pièces,
l'importance du maître de ballet est considérable; il
doit, pour régler les danses, les mimes el les entrées,
diriger les mouvements de l'orchestre et parfois faire
modifier la partition : le ballet est, en effet, « une
œuvre d'arl donl le mérite revienl en grande partie
m: chorégraphe », dit un jugement du tribunal de la
Seine à propos de La Fête chez Thérèse pour laquelle
M. Stichel réclamait de M. Reynaldo Hahn et de
M. Meudès le droit d'être coi ne collabo-
raleui el d'avoir son nom sur l'affiche l0.
La jurisprudence n'e l pas allée plu loin, et pour-
tant, il semblerait qu'il faille encore élargir la nature
juridique de la collaboration : elle a décidé que le
peintre des décors d'une pièce n'est pas un collabo-
ra i' mi i" . S;; us doute, dans l'espèce, cette décision se
justifiait par cet argument que le décorateur aurait
des droits ui la reprisi de la pièce faite sans ses
décoTS. Mais il nie paraît impossible de poser aussi
brutalement le principe de la non-collaboration dans
cette hypothèse. On peut très bien concevoir des
pièi , el ces dernières années nous ont montré un
ballet au rhéàtre Michel, dont le succès était dû
en grande partie à celui qui avait habillé la pièce et
en avail brossé le décor. Dans ce cas, sans aller jus-
qu'à dire que l'auteur du ballet était M. Poiret, on
doit admettre qu'il avait droit au titre et aux avan-
: la collaboration.
Dans les cas douteux, il semble que les tribunaux
pourraient tenir compte du travail commun et de
l'intention des parties qui se sont accordé une con-
fiance réciproque pour aboutir au succès, tjuand
l'intention de collaborer n'existe pas, il n'y a pas de
collaboration. Ainsi, le régisseur du théâtre qui donne
des conseils et des indications n'est pas collabora-
teur; le vaudevilliste qui indique en têtedes couplets
les airs sur lesquels ils doivent être chantés, n'ac-
cepte pas par ce seul fait la collaboration du musi-
cien, auteur de ces airs : il n'y a aucune indivisibi-
lité entre les deux œuvres et le vaudeville peut être
représenté sur la seule autorisation de l'écrivain12.
S'il en était autrement, on imagine quel nombre de
collaborateurs aurait un revuiste!
L'élément intentionnel a, dans l'appréciation de
ces questions, une importance capitale. L'auteur
d'un roman, d'une nouvelle, dont on tire une pièce,
a sans doute droit à une indemnité, mais il n'est pas
le collaborateur de l'auteur dramatique, puisqu'il n'a
6. Trib. civ. Seine. 22 juin 1887. — Ann., 89, p. 127.
7. Trib. civ. Seine, 18 novembre 1868. — Ann., 60, p. 43.
8. Cour Paris, 4 mars 1S3G. — Ann. 56, p. 74.
9. Cour Paris, 28 juin 1860. — Ann., 60, p. 66.
10. Trib. civ. Seine, 10 février 1911. — Gaz. Palais. 1911, 1, 34.
11. Trib. civ.de la Seine, 16 juillet 1881. — La Loi, 17 juillet.
12. Cassation^ février 1881.— Ann., 81, p. 240;Sirey,81, 1,49-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
eu aucune part active dans [la mise en scène du
roman '.
Sans doute, la Société des gens de lettres a-t-elle
décidé que ses membres renonceraient à poursuivre
pour contrefaçon les auteurs qui tireraient, sans
autorisation, des pièces d'œuvres littéraires, à condi-
tion que les écrivains lussent considérés comme col-
laborateurs, mais cette décision et ce choix ne cons-
tituent que des arrangements personnels non oppo-
sables aux tiers. L'écrivain peut être, pour les
commodités personnelles des parties, considéré
comme collaborateur et loucher une part de la re-
cette, mais cet arrangement ne fait pas de l'œuvre
adaptée un tout indivisible, si bien que d'autres
adaptations sont possibles dès que l'une ou l'aulre
des deux œuvres n'est plus protégée par la loi.
Cette conséquence n'est vraie que si l'écrivain n'a
donné à l'auteur que l'autorisation d'adapter; si, au
contraire, il a pris une part active à la mise en scène
de son œuvre, il y a collaboration. S'il y a accord
préalable et intention de collaborer, l'auteur n'a pas
besoin, pour établir son droit, d'établir qu'il a intro-
duit des éléments nouveaux ou qu'il a créé person-
nellement une inlrigue, la convention suffît à justi-
fier son droit-.
Le traducteur d'une œuvre ne devient pas, par le
seul fait de son travail, le collaborateur de l'auteur;
il a un droit de propriété sur sa traduction, mais i|
n'a pas de droits exclusifs sur l'ouvrage original,
puisque, sans collaboration, il n'existe pas d'indivi-
sibilité entre les deux œuvres. C'est ce qui a été jugé
sur la réclamation de M. Wilder, qui s'opposait aux
représentations en France des œuvres de Wagner sur
d'autres livrets que ceux qu'il avait traduits. Dans
cette espèce, il n'y avait pas de doute, Wagner, mort
le 13 février 1883, ne pouvait avoir collaboré avec
Wildeu qui n'avait traduit les opéras qu'en I88.'i;:.
Quand le traducteur est simplement rémunéré pour
son travail, il n'a pas le droit de propriété littéraire
sur la pièce, car l'intention des parties était de faire
un contrat de louage de services et non une conven-
tion de collaboration; son nom ne doit donc pas pa-
raître sur l'affiche à côté de celui de l'auteur.
Le traducteur ne paraît donc avoir qualité de col-
laborateur qu'à l'égard de l'auteur et non à l'égard
du tiers; l'œuvre originale et l'œuvre traduite ne for-
mant jamais un tout indivisible.
Enfin, il est, dit-on, certains directeurs qui ne re-
çoivent de pièces que sous la condition d'imposer des
collaborateurs de leur choix; certains vont même
jusqu'à prétendre que c'est un moyen de s'assurer
une bonne presse. Si le directeur impose cette con-
dition après la réception officielle de la pièce, il com-
met une faute entraînant la résiliation du contrat de
réception à ses torts4; s'il a l'habileté de faire ce
marché avant toute réception, l'auteur ne peut se
plaindre que de sa propre faiblesse.
Si aucun élément de violence ou de dol ne vicie le
consentement de l'auteur, la convention de collabo-
ration demeure valable quel que soit le motif de cet
acquiescement. Cet abandon de part des bénéfices
ivier 1840. - 1). P., 40, 2, 85 : Lefranc ••!
1. Cour de Paris. 27 janvie
Labicbec. P. .1" Mussel
2. Cour Paris, 14jailleU879. — Ann./18 p. 102 Klein c
3. Trib. civ. Seine, S août. — Cbosson, fe Droit de ' auti
matiqnr, p. 64.
4. André Hem. Code pratique >'« Théâtre, p. 32 et suiv.
5. Trib. ciï. Seine, 5 mai 1886. — Chosson, op. cil., p 3!
6. Trib. eiv. Seine, ::o avril Isa;). — Ci;. Palais. 1" m.ii.
peul être la rémunération de démarches, de mises
en relations, de concours financiers qui n'ont rien
de littéraire : de semblables conventions sont pour-
suit licites, avec cette restriction pourtant que si
l'auteur véritable signe seul son œuvre, le tiers, qui
jouit d'une part des bénéfices, n'a pas de droit de
propriété littéraire sur l'œuvre, mais une simple
créance sur l'auteur. Il a été jugé que l'intermédiaire
qui réunit deux auteurs à la condition de toucher
une part des droits sur la pièce pour laquelle le col-
laborateur a été procuré par lui, n'a rien à prétendre
sur les autres pièces qu'écrivent les auteurs par lui
réunis, même si la première pièce n'est jamaisfaite'.
II. L'autorisation de jouer.
Tous les collaborateurs, ayant un droit égal et indi-
viduel sur toute l'œuvre qui leur est commune, doi-
vent consentira la représentation, et, en principe, le
directeur agit régulièrement en s'assurant du senti-
ment de tous. Cependant, si un seul des collabora-
teurs apporte la pièce, il est censé agir comme le
mandataire des autres, et les représentations ne
deviennent illicites que du jour où un autre collabo-
rateur signifie l'opposition à la continuation des
représentations1'.
Si, au contraire, celui qui a agi a réservé comme
condition expresse du contrat le consentement de ses
collaborateurs, le directeur ne peul s'en dispenser7;
mais quand tous les collaborateurs ont consenti aux
représentations, l'un d'eux ne peut postérieurement
revenir sur son adhésion pour s'opposer à l'exécution
du contrat passé avec le directeur8.
Dans tous ces cas, la réserve du droit des auteurs
ne doit s'entendre que s'il s'agit des collaborateurs
eux-mêmes : les cessionnaires ou les héritiers des
auteurs ne peuvent avoir que des droits matériels sur
les bénéfices et non des prérogatives leur permettant
d'autoriser des représentations9.
III. Indivisibilité de l'œuvre.
C'est le principe de l'indivisibilité de l'œuvre écrite
en collaboration qui doit servir à trancher les dissen-
timents entre collaborateurs. On ne peut séparer
l'une de l'autre les diverses parties dont est faite
l'œuvre commune, ni les modifier sans l'assentiment
de tous les collaborateurs, même s'il est facile de
reconnaître le travail de chacun10; même s'il s'agil
d'un opéra" dont le poème et la musique ne consti-
tuent pas deux œuvres séparées et indépendautei ' .
Cette iudivisibilité entre les paroles et la musique
ne peut être admise pourtant qu'à la condition que
l'œuvre soit nouvelle dans toutes ses parties, et elle
cède si, sur des parties tombées dans le domaine
public, il a été fait une musique nouvelle, ou si, sur
une partition tombée dans le domaine public, on
adapte an nouveau livret : c'est ce qui a été jugé à
propos de Lu Veuve Joyeuse de M. Franz. Lehar13.
De ce principe, il résulte qu'on ne peut représenter
7. Trib. riv. Seine, 10 mai 1861. I il ! i, p. 308
8. Cour Paris, 21 lévrier 1872. — Ann., 73, p. 153 ; Saotagi e. In
roise Thomas
9. Cour Paris, 3 décembre 1801. - Ann., iud. 92. p. 111.
10 i .un Paris, 13 mai 1884. Ann. B5, p.30;Cass., SI fi». 187!
ircy, 73, 1, 213.
11. Cour Paris, 10 décembre 1878. - H. P. 80; 2, 62.
12. Cmr Paris, 3 décembre 190 i. -- Oat Palais, U février 1906.
i :. Cour Paris, 14 mais 1012. - Cbossoo, op. cit., p. 63.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
JURISPRUDENCE 3879
une partie de l'œuvre sans l'àulre, el que chacun des
collaborateurs peut s'opposer à la représentation
non seulement du tout, mais aussi de l'œuvre de
l'autre. C'est ainsi que le librettiste a le droit d'in-
terdire l'exécution des motifs d'un opéra adaptés pour
la danse, et l'exécution de l'ouverture, bien qu'il
s'agisse d'une partie purement musicale, parce que
c'est une partie intégrante de l'ouvrage qui est le
retlet des situations principales de l'opéra par la re-
production des motifs les plus saillants de l'œuvre'.
Dans la pantomime, il semblerait qu'il doit en être
de même, puisque la musique et le livret fonl un tout
comme dans l'opéra. Pourtant, les tribunaux ont jugé
que, dans ce genre de spectacle, le jeu de l'acteur
demeure l'essentiel, si bien que la musique, qui ce-
pendant le met en valeur, n'est qu'un accessoire
divisible, dont on peut se passer et qu'on peut rem-
placer sans que le compositeur ait le droit de se
plaindre2.
I\ . Désaccord entre collaborateurs.
L'œuvre écrite en collaboration étant indivisible
et chacun des collaborateurs ayant sur toute la pièce
un droit personnel, il en résulte nécessairement que
l'un de ceux-ci peut s'opposer à la représentation
de l'œuvre commune alors que les autres y consen-
tent
Dans cette hypothèse, l'œuvre ne sera jamais jouée
el le droit de l'un paralyse indéfiniment les droits
des autres. Cette prérogative n'effraye pas certains
auteurs1, qui n'admettent pas que les tribunaux
puissent apprécier les motifs personnels que peut
avoir l'auteur à refuser un consentement indispen-
sable, puisqu'il est le propriétaire d'une part indi-
visible de l'œuvre4.
Une semblable solution paraît néanmoins exces-
sive : il est certain que les collaborateurs n'ont tra-
vaillé a l'œuvre commune qu'en vue de la représen-
tation, l'intention de faire représenter la pièce doit
donc être présumée; si, de plus, le collaborateur
opposant n'a pas de motifs légitimes et sérieux pour
refuser son consentement, il semble que les tribu-
naux puissent l'obligera céder, afin qu'une mauvaise
volonté injustifiée ne vienne pas paralyser les droils
des autres collaborateurs5.
11 faut reconnaître que la jurisprudence reste sur
ce point très divisée, et le principe reconnu par la
Cour de Paris est que la propriété de chacun des
collaborateurs résidant sur la totalité de l'œuvre, il
suffisait du refus d'un seul pour empêcher la repré-
sentation6.
L'exemple du tribunal obligeant M. Maeterlinck à
laisser jouer Monna Vanna dont la musique était de
M. Février, n'emporte pas ;de décision de principe,
puisque les motifs du jugement sont fondés sur l'in-
terprétation d'un contrat de cession à une maison
d'édition7.
V. Décès d'an collaborateur.
Du principe de l'indivisibilité, on tire nécessaire-
ment cette conséquence que c'est à la date de mort
i. Cour Paris, 12 juillet 1855.— Sirev, 55, 2, 595 ; D. P., 55, 2,256.
2. Tril). civ. Seine, 17 juin 1893. - Le Droit, 22 juin, Galipaui c-
M, Georges Hur-'au, op. cit., p. 394.
4. Trib. civ. Seine, 19 août 1872. — Sirey, 72
Trib. civ. Seine, 2 janvTer 1879. — Cbosson. op. ci
Cour Paris, 18 décembre 1878. — Sirey, 79, 2, 213
49; D. P., '
p. 43.
du dernier survivant des collaborateurs qu'il faut se
placer pour faire partir le délai de protection de
l'œuvre faite en collaboration8. Reste à savoir com-
ment les bénéfices seront partagés entre le survivant
et les héritiers de l'auteur prédécédé, quand les droils
de ce dernier seront légalement éteints.
La jurisprudence, après quelques hésitations, s'est
fixée en ce sens que les héritiers de l'auteur prédé-
cédé ne voient pas leurs droits tomber dans le do-
maine public avant que soient éteints les droits
appartenant à l'autre collaborateur ou à ses repré-
sentants9. Quant aux auteurs, ils demeurent parta-
gés sur cette question, les uns admettant le maintien
des droits des héritiers du prédécédé, les autres assi-
milant les droits de ceux-ci à un usufruit, qui ne
cesse que pour accroître la part du survivant.
SANCTION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ
I. Peines prévues par la loi.
L'article 428 du Code pénal punit d'une amende
de 50 à 500 francs et à la confiscation des recelles,
tout entrepreneur de spectacle, toute association
d'artistes, qui aura fait représenter sur son théâtre
des ouvrages dramatiques sans l'autorisation de
l'auteur ou de ses ayants cause.
L'article 429 du Code pénal et la loi des 13-19 jan-
vier 1791 décident que les recettes ainsi conlisquées
devront être remises à l'auteur à titre d'indemnité
pour le préjudice subi.
C'est aux tribunaux qu'il appartient de décider s'il
y a lieu à une indemnité supplémentaire, ou bien de
lixer l'indemnité si la saisie des recettes n'a pas pu
avoir lieu.
La Cour de cassation a jugé que, lorsque le prévenu
est poursuivi devant la juridiction répressive en ré-
paration du préjudice causé, et quand il fait des
offres, le Tribunal a le droit d'arbitrer que la somme
offerte est suffisante. Toutefois, ces offres ne peuvent
être considérées comme libératoires au sens de l'ar-
ticle 1258 du Code civil, puisque la question de vali-
dité des offres échappe à la compétence des tribunaux
correctionnels. Déplus, le Code civil exige que, pour
êlre valables, les offres réelles doivent représenter
la totalité des sommes exigibles et liquides. Or, l'é-
valuation de la réparation du préjudice subi dépen-
dant entièrement du droit d'appréciation souveraine
des juges, les conditions de nécessité de la validité
des offres ne peuvent se rencontrer10.
Mi le Code pénal, ni la loi de 1791 ne précisent la
procédure qui doit être suivie pour la saisie des re-
celtes, mais la netteté de l'article 3 de la loi du
19 juillet 1793 détermine aisément la manière dont
on doit opérer. Cet article déclare, en effet, que les
officiers de paix seront tenus de faire confisquer, à
la réquisition et au profit des auteurs-compositeurs,
tous exemplaires des éditions imprimées ou gravées
sans la permission formelle et par écrit des auteurs.
Or, la loi du 1er septembre 1703 déclarant que la loi
du 19 juillet, qui ne s'appliquât qu'au droit de pu-
irey, 1900,2, 65. — Trib. cor
! Palais, 25 décembre 1909.
es de la propriéti littérain
.issu
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONXAIHE DU t'.O.VSERVATOIRE
hlicution, dispose également pour le droit de repré-
sentation, il suffit d'appliquer l'article 3 que nous
venons de citer aux représentations, pour détermi-
ner la procédure de la saisie
Le tribunaljde la Seine a jugé le*6 décembre 1876 '
que la saisie des recettes est nulle quand elle a été
opérée par l'huissier en vertu d'une ordonnance du
président du tribunal. Toutefois, quelques années
après, le 3 avril 1878-, le même tribunal jugeait que
la disposition de la loi du 19 juillet 1793 ne pouvait
s'appliquer qu'à la confiscalion des éditions publiées,
et que, même si une loi spéciale avait investi les
commissaires de police de la mission de saisir les
recettes, il rend ait néanmoins, en cas d'urgence, dans
les attributions du président, du tribunal, d'autoriser
la saisie, le décret du 3 mars 1808 permettant à ce
magistral de répondre à toute requête à fins d'arrêt
ou de revendications, ou toute autre mesure d'ur-
gence. Si bien, que si, en principe, les recettes doivent
être saisies par le commissaire de police ou les juges
de paix, on considère qu'aucun obstacle n'interdit
au président du tribunal d'autoriser l'huissier à saisir
en vertu de ses pouvoirs généraux.
II. Le délit de représentation illicite.
L'article 328 du Code pénal parait n'autoriser les
tribunaux à prononcer l'amende et la confiscation
que lorsqu'il y a représentation d'ouvrages drama-
tiques. Mais il est évident que la loi n'a pas voulu
restreindre son application à ces étroites limites,
car les décrets des 13 janvier et 19 juillet 1791, qui
sont à la base de cette matière, ne distinguent nul-
lement les ouvrages littéraires ou artistiques quels
qu'ils soient. D'ailleurs, les tribunaux ont toujours
fait rentrer dans les cadres de l'article 428 l'exécution
des œuvres musicales de toute nature.
Une question se pose pourtant. Est-il nécessaire
que les auteurs aient donné au préalable leur auto-
risation par écrit, comme semblait l'exiger le décret
de 1791? Ce formalisme parait aujourd'hui complè-
tement abandonné. Il suffit que le consentement des
auteurs ne puisse être douteux. Autrement, il fau-
drait aller jusqu'à soutenir que l'auteur peut en
même temps reconnaître qu'il a donné une permis-
sion verbale, et obtenir cependant une condamna-
tion contre celui qui se serait contenté de cette auto-
risation non écrite.
La Cour de Nîmes a décidé, en effet, que l'article 428,
visant un délit et non une contravention, il suffit au
prévenu d'établir sa bonne foi pour que l'action cor-
rectionnelle soit sans objet3.
Au point de vue civil, la jurisprudence estime qu'il
n'est pas nécessaire qu'une œuvre ait été représentée
ou exécutée dans son entier pour que le défaut
d'autorisation préalable entraine l'application de la
loi. Il suffit que des fragments détachés d'un ouvrage,
des motifs d'opéra, des phrases musicales séparées
de l'ensemble aient été représentés, pour qu'il y ait
lieu à réparation ; celui qui a organisé ces représen-
tations partielles n'ayant pu le faire sans le consen-
tement préalable de l'auteur ou de son représen-
tant'-.
D'autre part, il est incontestable que l'auteur a
toujours le droit d'empêcher la représentation pu-
1. Annales, 92, p. 229.
J. Ann., 92, p. 233.
3. Cour de Nîmes, 5 aoûl 1881. — Atn,.. 83, p. 174.
',. i our de Paris, li juillet 18 15. — Ann., 56, p. 89.
blique de ses œuvres, quel que soit le préjudice qui
puisse résulter de celle interdiction. Et même, si les
délinquants expriment leur intention d'acquitter
ultérieurement les droits dus aux auteurs, cette
intention ne peut suppléer au défaut de consente-
ment exigé|par la loi ".
Publicité.
Lorsque la loi prohibe la représentation ou l'exé-
cution d'ouvrages sur un théâtre, alors que les orga-
nisateurs n'ont pas été autorisés à donner ces repré-
sentations, elle vise évidemment tous lieux où le
public peut assister au spectacle, sans qu'il soit né-
cessaire que ces représentations aient lieu dans un
véritable théâtre.
C'est ainsi que les tribunaux ont condamné les
entrepreneurs de fêtes musicales ou dansantes sui-
des places publiques, sur des promenades ou dans
des jardins publics6.
La Cour de Paris, le 12 juillet 1855, a jugé que les
organisateurs d'un concert dans un cercle sont res-
ponsables en cas de défaut d'autorisation préalable.
Et la même jurisprudence s'est affirmée pour les
représentations données dans un café, dans une salle
d'asile et dans le foyer d'un théâtre. Le forain qui
fait exécuter des morceaux de musique par son
orchestre à l'extérieur de son théâtre est également
soumis à la nécessité de l'autorisation. Il en est de
même du propriétaire du manège de chevaux de bois
qui fait exécuter des morceaux de musique à l'aide
d'un orgue mécanique7.
Dans d'autres cas, l'appréciation du caractère pu-
blic d'une représentation présente des difficultés.
Ainsi, quand, dans un cercle, on organise un concert
auquel peuvent seuls assister les membres du cercle,
le défaut de publicité est évident. Mais, si les membres
du cercle peuvent amener des étrangers, ou si le
cercle se trouve ouvert ce jour-là, la représentation
devient publique. S'il en était autrement, déclare la
Cour de cassation, ce serait méconnaître l'esprit de
la loi de 1791 et abandonner la propriété littéraire
ou artistique à la merci des nombreuses socii tés qui,
sous le nom de cercle, s'établiraient sur tous les points
du territoire8.
Enfin, il importe peu que les représentations soient
ou non payantes, et la loi n'a pas restreint 1rs droits
des auteurs et compositeurs au seul cas où les orga-
nisateurs du spectacle cherchent un but de spécula-
tion. La perception d'un prix d'entrée n'est donc pas
une condition nécessaire à l'existence du délit.
Quand les représentations sont gratuites, la seule
conséquence au point de vue des poursuites peut être
de diminuer l'indemnité à allouer aux auteurs. Les
tribunaux estiment que cette indemnité doit être
proportionnelle aux avantages qui oui été retirés de
la représentation illicite".
III. Droit de poursuivre.
La loi accorde le droit de poursuite, non seule-
ment aux auteurs et aux compositeurs, ainsi qu'à
leurs ayants cause, mais aussi au ministère public
I .iSS.lthUl. I \
7. Cour de Rouen, -I février issu. — An»., 30, p. 1
lion, 21 juillet ISSl. - Ann., 81, p. 235.
8. Cassation, is janvier 1881. Ann., 8t. p. 228.
9. Cassation 28 janvier ISSl — Ann., 8t, p. SÎ8
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
JURISPRUDENCE 3881
qui, en dehors de toute plainte et sur sa propre ini-
tiative, peut entamer l'action.
Un directeur de théâtre, qui posséderait un droit
exclusif de représentation pendant un certain temps
sur un ouvrage déterminé, devrait être considéré
comme un ayant cause de l'auteur, il aurait donc
une action directe contre le directeur d'un autre
théâtre qui, sans autorisation, jouerait la même pièce.
11 a même été jugé par la Cour de Rouen, le 9 mars
1866, que ce directeur aurait le droit de poursuivre
l'autre directeur devant les tribunaux répressifs. De
même, il a été jugé par la Conr de Hennés, le 20 dé-
cembre 18671, que la Société des auteurs et compo-
siteurs dramatiques, quand elle agit, dans le but de
protéger les œuvres des auteurs, doit le faire, non
pas en son propre nom, mais au nom des auteurs
eux-mêmes, car, à la différence du directeur dont
nous venons de parler et qui est un ayant cause de
l'auteur, cette Société ne tient pas des droits person-
nels des auteurs, mais elle est simplement chargée
de défendre leurs intérêts.
IV. Objet «le la poursuite.
La poursuite doit être dirigée contre les organisa-
teurs de la représentation illicite, car c'est à eux
qu'incombe l'obligation de demander l'autorisation
préalable.
Les tribunaux oui les pouvoirs les plus étendus
d'appréciation pour vérilier et'décider quels sont,
en dehors des directeurs apparents, les véritables
organisateurs de la représentation.
Supposons que les auteurs du délit viennent à le
commettre dans une salle dont ils ont obtenu la
disposition. Quelle sera la responsabilité du proprié-
taire de cette salle?
Peu importe, tout d'abord, que ladite salle ail été
mise à la disposition des délinquants d'une façon
permanente ou seulement accidentelle; qu'elle leur
ait été louée ou livrée gratuitement; qu'un prix
d'entrée ait été perçu pour la représentation, et que
le propriétaire de rétablissement ait louché sa part
de la recette. Ce qu'il faut simplement considérer,
c'est si le propriétaire dont s'agit a coopéré, 'le
quelque manière que ce soit, à l'organisation de la
représentation, s'il s'est immiscé dans les détails
de la préparation du divertissement, s'il a concouru
à l'élaboration du programme, auquel cas il sera
coauteur; ou bien s'il a sciemment et volontairement
« participé au délit par des faits détermines qui n'en
constituent pas l'exécution, mais à raison desquels
la perpétration de l'acte ou une adhésion à l'acte
peut lui être imputée », auquel cas il sera complice.
La jurisprudence nous semble errer quelque peu
dans l'application de ces principes.
Il a été fort bien jugé que le maire d'une ville,
mettant â la disposition d'un individu qui vient à
commettre le délit, la salle du Casino de cette ville,
n'encourt aucune responsabilité s'il reste complète-,
ment étranger à l'organisation du divertissement
incriminé'-.
Qu'un cafetier, prêtant son établissement à des
chanteurs ambulants, dans les mêmes conditions,
devrait être écarté de toute poursuite3.
11 a été jugé, par contre, qu'un cafetier, en rece-
1. Annale,, 69, p. «4.
2. Cass. du 14 novembre 1*73 ; Ann
, 74, p. 47
3. C.Paris, du 2 février 1866 : Ann.
«6, p. 104
vrierl881 : Ann., 81, p. 232.
vant dans son établissement une troupe d'artistes
ambulants, s'exposait à une poursuite éventuelle en
qualité de complice, de ce fait « qu'il connaissait la
composition du concert, puisque le programme était
resté déposé sur le comptoir)!). Et qu'il devait être
d'autant plus déclaré responsable, que la Société des
auteurs et compositeurs l'avait, un mois auparavant,
averti par une sommation extra-judiciaire d'avoir à
s'abstenir, désormais, de semblables représenta-
tions ». La complicité reposait ainsi sur cette cir-
constance que le cafetier dont s'agit avait fourni les
moyens de commettre le délit, sachant, par les aver-
tissements à lui adressés, qu'il se prêtait à sa per-
pétration \
Enfin, la Cour de Paris (du 2 mars 1876; Ann., 76,
p. 109) a considéré qu'une circulaire, émanant de la
Société des compositeurs de musique et adressée â
tous les propriétaires de salles publiques treize mois
avant un concert incriminé, « ne pouvait avoir pour
conséquence d'imposer les conditions de location
des salles de concert et de rendre les propriétaires
de ces salles à tout jamais responsables des infrac-
lions qui s'y commettraient, même à leur insu ».
ACCEPTATION DES OUVRAGES
L'acceptation d'une pièce par un directeur peut,
en principe, résulter de tous les faits quels qu'ils
soient qui apportent au juge chargé de décider s'il
y a ou non acceptation, la preuve de cette accepta-
lion. Mais â défaut d'un acte écrit, il est indispen-
sable qu'on établisse qu'il y a réellement accepta-
tion; et.il a été jugé, particulièrement, que le seulfait
par le directeur de faire des compliments sur une
pièce et de la déclarer satisfaisante ne suflit pas pour
faire présumer que cette pièce a été acceptée.
D'autre part, la Société des auteurs passe avec les
directeurs des traité- d'après lesquels la délivrance
d'un récépissé et l'inscription d'un numéro d'ordre
doivent accompagner toute acceptation de manus-
crits. Dans les quaranle .jouis qui suivent celte re-
mise du manuscrit, la réception devient définitive ;
ou bien certaines réserves peuvent être notifiées;
de telle sorte que, si la restitution du manuscrit est
tardive et occasionne à l'auteur un préjudice, les
tribunaux peuvent, en se fondant sur l'obligation
consentie par le directeur envers la Société des
auteurs, condamner ce directeur à des dommagi -
intérêts.
Pour contrôler cette acceptation et le respect du
délai imposé, les directeurs doivent adresser chaque
mois à la Société le relevé des pièces reçues, avec
leur numéro d'ordre et la date de réception.
Une pièce peut être acceptée purement et simple-
ment, ou bien elle peut n'être admise qu'à correc-
tions. Dans ce cas, l'acceptation ne devient définitive
qu'après les corrections faites par l'auteur et agréées
par le directeur. Si, par la suite, l'ouvrage n'est pas
représente, l'auteur est admis parles tribunaux à
réclamer des dommages-intérêts pour les frais dé-
boursés en raison de cette acceptation provisoire et
de la perte de temps causée par le fait du directeur,
toutes les fois qu'une faute peut être établie à sa
charge s.
i. Cass. du 22 janvier 1869; Ann., 69, p. 408 ; — C. Toulo
uin 1869; Ann,, 69, p. 408.
i. Tribunal de commerce de la Seine, 30 avril 1867. — Ga
NCYCLOPÉOIE DE LA MUSIQUE ET DICT10SSA1HE DU CONSERVATOIRE
LES DROITS ET LES OBLIGATIONS DE L'AUTEUR
ET DU DIRECTEUR
La Société des auteurs, dans les traités qu'elle
passe avec les directeurs, leur impose, en général, le
maintien des conventions intervenues avec les en-
treprises de spectacle précédentes, car, à défaut de
cette clause, le directeur d'un théâtre ne se trouve-
rait pas tenu des obligations de son prédécesseur. 11
en résulte une présomption à la charge du directeur,
l'empêchant de déclarer qu'il ignorait les conven-
tions antérieures et qu'il n'a pas à les exécuter.
Cependant, si l'acte de vente du théâtre ne fait
pas mention de ces obligations antérieures, le direc-
teur qui s'y trouve tenu alors qu'il les avait ignorées,
peut réclamer des dommages-intérêts à son ven-
deur1.
Quand, au lieu d'une vente, il s'agit d'une faillite,
le syndic qui continue l'entreprise demeure lié, à
l'égard des auteurs, des obligations du failli.
I. Droit ilt- représentation.
La pièce une fois acceptée, il en résulle pour le
directeur l'obligation de la représenter, et pour l'au-
teur l'obligation de ne mettre aucun obstacle aux
représentations.
Si la pièce est faite en collaboration, l'obligation
devient indivisible entre chacun des co-slipulants. Il
en résulte que l'un des auteurs de l'ouvrage a le
droit de réclamer la représentation, alors même que
son collaborateur s'en désintéresserait, ou même s'y
opposerait-.
Il est évident que toutes ces conventions sont su-
bordonnées à cette force majeure que l'autorité
administrative ne s'oppose pas à la représentation.
Dans ce cas, les parties se trouvent déliées de leurs
obligations jusqu'à ce que les tribunaux administra-
tifs aient slatué sur la validité de l'interdiction de
l'administration.
En livrant la pièce au directeur, l'auteur perd les
droils de représentation qu'il avait sur elle, en ce
sens qu'il ne peut faire jouer cette pièce sur un
autre théâtre de la même ville. Mais, dans la plupart
des cas, l'auteur peut fort bien conserver son droit
de faire représenter la même pièce, soit en tournée
dans les départements, soit sur des théâtres de
province.
La Société des auteurs et compositeurs dramati-
ques a même décidé, le 28 mai 1868, que la clause
suivante figurerait dans ses traités à venir : Les
ouvrages appartenant à un théâtre de Paris pourront,
sans avoir cessé de faire parlie de son répertoire,
être représentés sur les théâtres placés, avant et
depuis l'annexion, dans le rayon de l'ancienne ban-
lieue, sauf aux directeurs à se conformer aux délais
d'usage et obtenir le consentement des ailleurs. »
Les théâtres de banlieue sont ceux de Halignolles,
Mont maître, Hcllevi lie , Montparnasse, Grenelle, Saint
Marcel et l'assy, Adamville, Aubervilliers, Asnières,
Bellevue, Boulogne, Billancourt, Charenton, Clamait.
Chaville, Courbevoie, Gentilly, drand-Monlrouge, La
Villette, Le ltaincy, Levallois, Meudon, Nanlerre,
Cour de Paris, 33 décembre 1887. — li.illoz, 89, 2,
Cour de Paris, 21 février 1872. - Annales, 73, p.
Trih. civ. Seine, 6 juin 1844. Un:, dm trib. du 7 ju
Trib., «n. Seino, 23 juin [868. —Ànn..6i, p. 1
Puteaux, Komainville, Saint-Mandé, Saint-Cloud,
Saint-Denis, Sceaux, Sèvres, Virotlay, Ville-d'Avray',
Argenleuil, Auteuil, Chàtillon, Créteil, Kontenay-
sous-Bois, Joinville-le-Pont, Montreuil, Vitry, Vanves.
Sauf conventions contraires, c'est le directeur qui
fixe la date de la première représentation, mais
tout arbitraire est exclu de ce fait que chaque pièce
doit être jouée à son tour de réception. Ne sont
exceptées de cette règle que les pièces de circons-
tance, les pièces d'actualité qui ne sont susceptibles
de vogue que d'une façon toute passagère.
Lorsque, en vertu du traité intervenu, un délai a
été fixé pour la représentation de l'ouvrage, si le
directeur laisse expirer ce délai sans chercher à
s'acquitter de l'obligation ainsi contractée, il peut
être condamné à la restitution du manuscrit et à des
dommages-intérêts.
Le directeur ne peut accroître le délai fixé du
temps de clôture de son théâtre3.
11 ne peut non plus prétendre que l'auteur a aban-
donné son droit, sous le prétexte que d'autres pièces
de lui auraient été jouées sur le même théâtre depuis
le traité invoqué1.
Toutefois, si l'auteur y consenl, ou s'il exige l'exé-
cution du traité, les tribunaux peuvent imparlir un
nouveau délai au directeur, en le condamnant à des
dommages-intérêts pour le relard5.
Evidemment, lorsque, en vertu de conventions pos-
lérieuresau traité, les auteurs ont promis d'apporter
certaines modifications à l'ouvrage, ils ont renoncé
par cela même à se prévaloir du délai primitivement
i\%é; ils ne peuvent arguer de son expiration puiir
demander la remise du manuscrit et une condam-
nation à des dommages-intérêts contre le directeur,
celui-ci élant fondé à repousser leurs prétentions,
en excipant de ce qu'il attend les remaniements pro-
jetés6.
Le directeur n'esl pas non plus en faute, et il peul
lui être accordé un sursis, lorsque les répétitions
ont été interrompues par la maladie d'un acteur, sur-
tout si l'auteur n'a pas agréé le nouvel interprète qui
lui était proposé7.
Les traités passés entre la Société des ailleurs et
les directeurs contiennent toujours une clause aux
termes de laquelle ces derniers s'engagent à repré-
senter les ouvrages acceptés dans un délai déterminé,
sous peine de reirait du manuscrit et d'une indem-
nité fixée d'avance, la résolution du contrat el la
réparation du dommage devant être acquises à l'au-
teur de plein droit et sans mise en demeure. Cette
stipulation est de rigueur et exclut l'application d»
l'article 1230 du Code civil8.
Si l'auteur, dans un traité particulier, a stipulé
un délai plus court que celui imparti par le traité
général, le directeur ne sera pas fondé â opposer ce
traité général au traité particulier.
L'usage veut que l'auteur puisse retirer sa pièce
du répertoire d'un théâtre, lorsqu'elle n'a pas été
représentée dans l'espace d'un an. Il a été jugé
qu'une seule représentation, ou un petit nombre de
représentations, pendant ce délai, ne sufflsaienl pas
à conserver au directeur ses droits sur l'ouvrage.
Mais l'auteur doit mettre le directeur en demeure
,;. Cour Paris du 12 décembre 1837. — Gaz. des Mb., I "
6-13 .Ire ibre.
6. Trib. civ. Seine, 27 juillet 1806. — Gaz. (tes trib. du 28 juillet.
7. Trib. civ. Seine. I s octobre 1S07. — Ann., 67. p. .17.
s. C. Paris, du '26 août 1ms; Ann., 58, p. 393.
.... Trib. connu. Seine. 30 avril 1867 ; llaz. des trib.. .In 19 mai
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
JURISPRUDENCE 3883
et demander la résiliation des conventions interve-
nues. Le délai de 365 jours court à dater de la som-
mation1.
Mais, lorsque l'auteur a laissé son ouvrage au
répertoire, le directeur qui voudrait, à un moment
quelconque, le faire représenter à nouveau n'aurait
point à requérir de consentement préalable. L'auteur,
aans de telles circonstances, ne saurait prétendre à
d'autre droit que celui de diriger les répétitions2.
II. Durée des représentations.
D'une façon générale, le directeur et l'auteur ont
le droit d'arrêter les représentations lorsque l'in-
succès de l'ouvrage ne peut faire de doute, ou lors-
que l'ouvrage cesse d'avoir un succès suffisant pour
justifier la continuation des représentations. Il ne
peut y avoir de droit précis à cet égard, car ce sont
des questions de fait et d'appréciation qui échappent
aux principes de droit.
Pourtant, il est évident que le seul fait de l'insuc-
cès aux premières représentations ne peut suffire
pour justifier l'arrêt de la pièce, car il arrive souvent
que les critiques de la pièce se trouvent démenties
par l'accueil que le public fait à la pièce. Il ne suf-
firait donc pas d'une répétition générale déplorable
pour justifier le directeur qui retirerait aussitôt la
pièce de l'affiche.
C'est sur l'appréciation des faits et des circons-
tances que les tribunaux peuvent se régler pour
décider si l'arrêt de la pièce est justifié, sans qu'il
soit possible de formuler une règle à cet égard. Il a
d'ailleurs été jugé que les tribunaux ne doivent pas
tenir un compte excessif des applaudissements ou
des sifflets, dont on a établi à diverses reprises qu'ils
avaient été provoqués, et la jurisprudence a flétri
bien souvent de semblables procédés1.
III. Distribution îles rôles.
Les auteurs ont en partie le droit de choisir leurs
interprètes; mais, sauf conventions contraires, ils
doivent les choisir dans la troupe du théâtre et ne
peuvent exiger l'engagement d'autres artistes.
Les traités passés entre la Société des auteurs et
les directeurs contiennent les dispositions conformes
aux usages du théâtre.
L'auteur a le droit de retirer sa pièce si la distri-
bution des premiers rôles et des doubles, qu'il a
décidée, n'est pas respectée par le directeur. Une
copie, faite en double, de la liste des interprètes et
signée par les parties, doit être échangée au début
des répétitions. S'il n'y a eu qu'un accord verbal,
l'auteur se trouve sans preuve, et c'est pourquoi la
Cour de Paris, le 21 janvier 1863, a admis que, dans
ce cas, il pouvait déférer le serment au directeur sur
l'accord intervenu pour la distribution de sa pièce.
Si l'auteur a le droit de faire respecter la distri-
bution, il est tenu lui-même de s'y tenir; et comme
le directeur se trouve responsable du dédit de l'ar-
tiste, s'il s'est cru obligé de se soumettre aux fantai-
sies de l'auteur, il pourrait se retourner eontre cet
auteur, qui serait, en définitive, responsable à cet
égard de la perle subie par son refus injustifié de
laisser la pièce dans sa première distribution.
Quand l'auteur n'use pas de son droit de distribu-
tion, le choix des interprètes appartient au directeur,
et ce droit de choisir les interprètesdevient une obli-
gation si nette que le directeur ne pourrait repous-
ser les représentations d'une pièce en excipant de la
négligence de l'auteur qui n'aurait pas décidé la
distribution'1.
IV. Répétitions.
La pièce une fois acceptée, les rôles distribués,
il importe de la répéter, et le directeur est dans
l'obligation de prescrire le nombre des répétitions
nécessaires à la bonne mise en valeur de la pièce.
Tant que l'auteur estime que la mise au point est
insuffisante et le travail de mise en scène incomplet,
il a le droit de s'opposer aux représentations de son
ouvrage. La faute du directeur dépend alors de la
preuve qu'on peut apporter contre lui, et c'est encore
là une question de fait qui dépend de l'appréciation
des juges.
L'auteur, et chaque collaborateur s'il y en a, doit
recevoir un bulletin fixant les jours et les heures de
répétition. Il a le droit de contrôler le travail, de le
diriger soit par lui-même, soit par un mandataire.
Toutefois, les conseils donnés par l'auteur ne sont
obligatoires pour les artistes que tant qu'ils ne sont
pas contredits par le directeur dont les artistes
dépendent. De telle sorte qu'il pourrait y avoir lieu
.'i dommages-intérêts si, de parti pris et abusive-
ment, le directeur contredisait les indications de
l'auteur.
Enfin, il a été jugé que si l'auteur peut diriger les
répétitions, ce n'est pas pour lui une obligation, ce
travail devant être fait par le directeur, et l'auteur
n'ayant qu'un droit et non pas une obligation de
contrôle.
V. Première représentation.
C'est, le directeur qui fixe en principe la date de
la première représentation et qui en arrête le pro-
gramme.
C'esl encore une question de bonne foi qui se
pose pour savoir si l'auteur a le droit de s'opposer
au choix de certains jours. Il y a des usages au théâ-
tre qui dépendent des pièces, des théâtres et des
publics. En dehors d'une intention malveillante de
lapait du directeur, il semble qu'on ne pourrait ad-
mettre l'opposition faite par l'auteur au jour choisi
par la direction; d'autant plus que les intérêts des
uns et des autres sont solidaires, et qu'il leur im-
porte de présenter la nouvelle pièce, pour laquelle
des frais ont été engagés, dans les meilleures condi-
tions possibles de succès.
On admet que l'auteur a le droit de se tenir der-
rière la scène pour donner des conseils utiles à la
troupe, et aussi pour l'aire baisser le rideau en cas
d'insuccès trop manifeste.
On admet également que l'annonce de son nom
dépend de sou unique appréciation. Enfin, après la
première représentation, l'auteur peut exiger une
nouvelle répétition, en cas de défaillance trop
visible.
1879. h- Droit. 4
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
VI. Affiches.
Il esl d'usage que le noua de l'auteur ne ligure pas
sur la première affiché. Mais, sauf conventions con-
traires, le directeur ne peut pas plus se dispenser de
mentionner sur 1rs affiches apposées par la suite le
nom de l'auteur, que celui-ci ne peut s'y opposer;
d'une pari, en ell'et, il Tant présumer que l'auteur, en
faisant recevoir sa pièce, souhaitait, entre autres
avantages, celui de la notoriété; d'autre part, les
directeurs, le plus souvent, spéculent sur la célébrité
des auteurs plutôt que sur leur talent.
Le directeur ne pourrait taire figurer sur l'affiche
une autre nom que celui de l'auteur, non plus qu'in-
tervertir l'ordre qui lui a été indiqué, au cas de col-
laboration.
11 ne saurait davantage causer impunément un
préjudice a l'auteur, eu annonçant sur l'affiche que
la pièce n'est représentée qu'en vertu d'une décision
judiciaire1.
Vil. Droits d'autenr.
« Les'auteurs et les entrepreneurs, disait l'article 10
du décret du 8 juin 1806, seront libres de déterminer
entre eux, par des convention mutuelles, les rétribu-
butions dues aux premiers par somme fixe ou autre-
ment ».
Le mode de rémunération qui consiste dans le
payement d'une somme fixe, déterminée à l'avance,
n'est point celui qu'on préfère dans la pratique. Ce
qui est habituellement stipulé, c'est le prélèvement
d'une somme proportionnelle sur le montant de la
recette, puis la jouissance d'entrées personnelles et
d'un certain nombre de billets île faveur.
Le prélèvement du tant pour cent, qui forme la
part de l'auteur, s'exerce, sauf conventions contraires,
sur la recette nette; c'est-à-dire que l'on commence
par déduire du chiffre total produit par la venir nu
bureau, par la location, par les abonnements, etc.,
1rs frais journaliers et le droit des pauvres. Souvent,
les frais journaliers sont évalués à forfait; mais l'au-
teur pourrait, à défaut de cette évaluation, exiger
que toutes dépenses alléguées lui fussent justifiées,
de même qu'il pourrait contrôler le compte établis-
sanl le montant de la recette brute.
Il ne saurait toutefois, en principe, incriminer le
directeur du fait de la distribution des billets gra-
tuits.
Il a été fort bien jugé que, si le prix des places a
été accidentellement augmenté à l'occasion d'une
représentation extraordinaire, donnée à bénéfice, la
part de l'auteur doit se trouver accrue en proportion,
el non pas se restreindre selon le produit des repré-
sentations habituelles2.
Il a été jugé fort équilablement aussi que, lorsque,
dans une représentation à bénéfice, des auteurs lais-
sent jouer sur un théâtre certains ouvrages appar-
tenant à une autre entreprise, sans fixer une rétri-
bution spéciale, ils ne peuvent exiger que leurs
droits soient réglés d'après les conventions interve-
nues entre eux et l'entreprise du répertoire de laquelle
ces ouvrages dépendent, mais bien d'après les usages
accoutumés au théâtre où cette représentation ex-
traordinaire est donnée3.
10 septembre IS3S ; Voy. />., /tè/i., The
Dans le cas de collaboration, l'expiration de la
jouissance légale des héritiers de l'un des collabora-
teurs fait tomber leur part dans le domaine public.
Le fait de la survivance de l'autre ne saurait légiti-
mer leurs exigences relativement aux prolits des
représentations1.
Le règlement des droits d'auteur s'effectue, pour
chaque représentation, d'après le nombre d'actes des
pièces qui composent le spectacle. Lorsque ces pièces
émanent d'auteurs différents, certains d'entre eux
pourraient subir un sérieux préjudice de ce fait que
les autres auraient eu la fantaisie de donner le nom
d'actes à telles ou telles parties de leur ouvrage, qui
ne seraient à proprement parler que des scènes, si
cette division arbitraire leur élait opposable. Les
tribunaux peuvent évidemment intervenir, si des
contestations s'élèvent, et régler la répartition des
profits sur des bases plus équitables".
Le décret des 19 juillet-6 août 1791, article 2, porte :
« ... La rétribution des auteurs, convenue entre eux
ou leurs ayants cause et les entrepreneurs de spec-
tacles, ne pourra être ni saisie ni arrêtée par les
créanciers des entrepreneurs du spectacle. » C'est là
un privilège tout aussi favorable aux directeurs obé-
rés qu'aux auteurs. S'il n'existait pas, en effet, les
directeurs verraient probablement disparaître tout
espoir de revenir à meilleure fortune en montant
des pièces nouvelles, étant donné que les auteurs,
sachant la perception quotidienne de leurs droits à
peu près impossible, en pratique, garderaient leurs
manuscrits pour des entreprises plus prospères.
Notons que la saisie-arrèt demeure toujours pos-
sible pour les créanciers des auteurs.
Aujourd'hui, la plupart des auteurs dramatiques
font partie de la Société des Auteurs et Cou,/ ositevn
dramatiques. Il a été jugé que cette Société consti-
tuait un être moral, et que. lorsqu'elle poursuivait
le recouvrement des droits revenant à l'un de ses
membres auprès d'un directeur avec qui elle avait
conclu un traité, celui-ci ne pouvait lui opposer, à
titre de compensation, la créance qu'il aurait contre
taire.
Il faudrait certainemenl adopter la même solution
s'il s'agissail de la Suris/é des Auteurs, Compositeurs
et éditeurs de Musique.
L'usage, est qu'une partie de la rétribution due
aux ailleurs soit représentée par un certain nombre
de billets de faveur. Ce nombre esl déterminé soif
par le traité intervenu, soit par les règlements du
théâtre.
Les billets de faveur ainsi délivrés peuvenl être
vendus, et leurs détenteurs ont le droit de revendi-
quer la place qui s'y trouve assignée0.
DOMAINE PUBLIC
Les ouvrages tombés dans le domaine public peu-
vent être représentés par lous, et chaque directeur
a le droit d'y puiser sans avoir aucune autorisation
à requérir.
Il en résulte, évidemment, que les droits d'auteurs
disparaissent du même coup. Cependant, ce principe
n'est pas exact, en raison des décisions de la Société
des auteurs et compositeurs dramatiques qui, pour
C. Pacis. du -M juin 1858; S., 59, -', LI3.
Trib. civ. Seine, LS mai 1858. — Aiin.,58, ].. J4
Trib. civ. Seine, s décembre 1852 le Droit, du
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
JURISPRUDENCE 3885
protéger les auteurs vivants contre l'abus de l'ancien
répertoire, qui leur faisait une concurrence d'autant
plus violente que les directeurs préféraient ces
pièces sur lesquelles ils n'avaient à payer aucun
droit, prit des décisions qu'elle opposa aux direc-
recteurs. Elle conclut, d'accord avec le directeur de
l'Opéra-Comique, M. Crosnier, une convention aux
termes de laquelle il s'engageait à acquitter certains
droits au profit des héritiers des auteurs dont les
œuvres étaient tombées dans le domaine public, et,
à leur défaul, au prolit de la caisse de secours de
l'Association. Elle conclut ensuite un traité analogue
avec Perrin, puis avec ses successeurs pour le Théâ-
tre-Lyrique, puis avec Carvalho.
Enlin, elle prit, le 29 janvier 1838, une délibéra-
tion dans les termes suivants :
« La commission des Auteurs et Compositeurs
dramatiques : — Considérant qu'il est du devoir
rigoureux de la commission d'assurer, par tous les
moyens possibles, la perpétuité de la propriété litté-
raire aux héritiers des auteurs dramatiques et de ne
pas souffrir que leurs œuvres soient, même a défaut
d'héritiers, une proie abandonnée à titre gratuit au
premier occupant; — Considérant que, lors même
que la ligne des héritiers au nom de la loi est éteinte,
elle ne saurait être mieux réprésentée que par les
descendants de ceux qui ont travaillé avant nous, et
qui, faute d'être protégés dans leurs productions,
n'ont laissé à leur famille qu'un nom donl h' public
se souvient et une misère qui l'indigne; — Considé-
rant que la caisse de secours créée par les auteurs
et compositeurs dramatiques est la tutrice de imitas
les infortunes, tutrice à laquelle on peut s'adresser
sans humiliation, puisqu'elle ne fait que répartir les
épargnes recueillies sur notre travail ou la part
qu'on restitue aux travaux de nos devanciers, dont
l'Association a commencé par adopter les descen-
dants; — Considérant que tout auteur qui va spon-
tanément demander à l'ancien répertoire une pièce
acceptée depuis longtemps, un titre consacré, les
chances plus assurées d'un succès, ne peut évaluer
le secours qui lui est ainsi apporlé au-dessous de la
part d'un collaborateur;
« Décide : 1° pour toute pièce notoirement em-
pruntée à l'ancien répertoire, la part faite à l'auteur
primitif, part qui sera attribuée aux héritiers de cet
auteur ou, à défaut d'héritiers, à la caisse de secours
qui les représente, sera égale à la moitié des droits
revenant à la pièce partout où elle sera jouée; —
il est bien entendu que, si une pièce de l'ancien ré-
pertoire est transformée en pièce lyrique, le droit
du musicien restera entier; — 3° si un ouvrage lyri-
que du domaine public est soumis à une révision, à
un travail d'appropriation, à un remaniement de
musique, l'auteur de ce travail abandonnera à la
caisse de secours la moitié des droits attribués à la
musique. La commission se réserve le droit d'appré-
ciation sur toute réclamation et en toutes circons-
tances. »
Ensuite, la Société généralisa, dans tous ses traités
avec les directions théâtrales, le système qu'elle
n'avait jusque là mis en pratique qu'avec timidité.
Elle stipula que ses agents percevraient désormais,
pour les ouvrages du domaine public, les mêmes
droits que pour les autres ouvrages. Les sommes
ainsi recouvrées sont remises par elle aux héritiers
directs, et, à leur défaut, profitent à sa caisse de
secours.
Presque tous les théâtres, aujourd'hui, sont liés
par des traités avec la Société des auteurs, et l'on
peut dire que celle-ci fait, dans la plus large mesure,
commerce du domaine public.
Elle est parfaitement fondée à alléguer, lorsqu'elle
stipule en faveur des héritiers des auteurs disparus,
que telle est la condition de la stipulation qu'elle
fait pour soi-même; en effet, elle ne consent certains
avantages aux directeurs pour la représentation des
ouvrages modernes qu'en considération de ce qu'ils
admettent un prélèvement sur les recettes fournies
par l'ancien répertoire; l'article 1121 du Code civij
autorise, dans des conditions semblables, la stipula-
tion pour autrui.
DROITS ETRANGERS
Le décret du 28 mars 1852 considérait comme un
délit la contrefaçon sur le territoire français d'ou-
vrages publiés à l'étranger et mentionnée à l'art. 425
du Code pénal, mais il ne s'appliquait pas au droit
de représentation; il ne visait ni la loi de 1791, ni
l'art. 428 du Code pénal, et le mot « publié » employé
au décret ne pouvait s'appliquer évidemment aux
représentations théâtrales.
La Convention de Berne, le 9 septembre 1880, mo-
difia cet état de choses entre les nations qui y ont
adhéré : l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, la France,
la Grande-Bretagne, la Suisse, lu Tunisie, Haïti, le
Luxembourg et Monaco.
L'article 18 de cette convention permettait aux
autres nations d'entrer dans l'Union à leur simple
demande, et l'art. 15 prévoyait que îles traités par-
ticuliers d'Etat à Etat pouvaient s'établir au prolit
respectif des nationaux de chacun d'eux, en leur
accordant des avantages plus étendus que ceux con-
férés d'une façon générale par la convention.
L'art. 2 de cette convention déclare que les droits
garantis aux étrangers sont ceux « que les lois res-
pectives accordent actuellement ou accorderont par
la suite aux nationaux ». Il se peut, par conséquent,
que les nationaux de certains pays unionistes béné-
ficient hors de chez eux d'avantages que leur propre
législation ne leur offre pas. Il est bon de noter, à
ce propos, que la législation française est particuliè-
rement généreuse.
Le droit de représentation fait l'objet de l'article 9.
Il y est spécifié en termes formels que les œuvres
théâtrales, qu'elles aient été publiées ou non, ne peu-
vent être représentées sans l'autorisation de l'auteur.
Le droit de représentation de la traduction est
également déterminé par l'article 9. Dès qu'une
œuvre théâtrale est publiée ou représentée, court un
délai de dix ans pendant lequel on n'en peut repré-
senter aucune traduction sans le consentement de
l'auteur. Notons que le traducteur, lorsque sa tra-
duction a été autorisée, devient nécessairement pro-
priétaire de son travail personnel. Au surplus, en
vertu des dispositions de l'article 2, ainsi que nous
l'avons déjà fait remarquer, certains étrangers ont
la faculté de s'opposer à la représentation d'une tra-
duction de leur œuvre en France, aussi longtemps
qu'ils pourraient s'opposer à la représentation de l'o-
riginal, puisque la législation française n'établit au-
cune différence entre le droit sur la traduction et le
droit sur l'original; les Français ne rencontreraient
pas forcément la même protection chez les autres
Unionistes.
Le droit d'exécution, pour les œuvres musicales
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
publiées, ne fait l'objet d'une propriété exclusive pour
les compositeurs qu'autant que, sur le titre ou en
tète desdites œuvres, toutes réserves sont faites à cet
égard.
En ce qui concerne les adaptations et arrange-
ments, la convention s'est prononcée de la façon
suivante : « Sont spécialement comprises parmi les
reproductions illicites, auxquelles s'applique la pré-
sente convention, les appropriations indirectes non
autorisées d'un ouvrage littéraire ou artistique, dé-
signées sous des noms divers, tels que : adaptations,
arrangements de musique, etc., lorsqu'elles ne sont
que la reproduction d'un tel ouvrage, dans la même
forme ou sous une autre forme, avec des change-
ments, additions ou retranchements non essentiels,
sans présenter d'ailleurs le caractère d'une nouvelle
œuvre originale. Il est entendu que, dans l'applica-
tion du présent article, les tribunaux des divers pays
de l'Union tiendront compte, s'il y a lieu, des réserves
de leurs lois respectives. »
Mentionnons encore un point. La Conférence de
Berne, dit M. Pouillet, a décidé que « ceux des pays
de l'Union dont la législation comprend implicite-
ment, parmi les œuvres dramatico-musicales, les
œuvres chorégraphiques, admettraient ces œuvres
au bénéfice des dispositions de la convention ».
Enfin la convention, voulant étendre ses bienfaits
jusqu'aux auteurs appartenant à des nations non
unionistes, a décidé que, lorsqu'ils auraient publié
une œuvre dans un pays de l'Union, chez un éditeur
national ou non d'un pays de l'Union, ladite œuvre
aurait, pour ainsi dire, droit de cité, qu'elle serait
protégée, et que l'éditeur représenterait l'auteur en
possédant ses droits. Le mot « éditeur », d'ailleurs,
doit être pris ici dans une acception assez large pour
que l'entrepreneur du spectacle lui soit assimilé,
ainsi qu'il ressort des discussions de la Conférence.
Certains traités, intervenus entre la France et quel-
ques pays non unionistes, établissent les droits de
leurs nationaux quant à la matière qui nous occupe.
Signalons ceux passés avec les Pays-Bas le 29 mars
1835 et le 27 avril 1860, et la déclaration ultérieure
du 19 avril 188S; avec le Portugal, le 11 juillet 1866 ;
avec le Norvège, le 15 février 1884; avec le Mexique,
le 27 novembre 1886; avec la Bolivie, le 8 septembre
1887.
A. PEYTEL.
APPENDICE
LE PHONOGRAPHE
Par A. MACHABEY
AVANT-PROPOS
On s'explique que le phonographe n'ait Irouvé
dans celle publication qu'une place tardive et res-
treinte. A l'époque où fut conçu le plan de l'Encyclo-
pédie, la machine parlante n'était qu'un jouet désa-
gréable, dont les musiciens se détournaient avec
horreur; et c'était justice.
Aujourd'hui tout est changé : le principe, à la
fois si simple et si merveilleux, découvert par Charles
Cros, réalisé par Edison, perfectionné pendant cin-
quante ans, secondé par des inventions modernes
comme celle de l'amplification, aboutit enlin au
phonographe de 1029, aussi susceptible de figurera
côté des instruments de musique, que le piano méca-
nique dont on a parlé dans un tome précédent.
Nous donnerons successivement dans cette étude,
aussi concise que possible, quelques renseignements
sur ce qu'on peut appeler la préhistoire du phono-
graphe, la genèse des travaux acoustiques qui con-
duisent à la découverte de Charles Cros, — l'inven-
tion d'K.DisoN et son développement, — l'histoire suc-
cincte du rouleau et du disque, — celle de l'enregis-
trement, — quelques considérations sur les ressources
oll'ertes par le phonographe, — enfin quelques
notes sur les machines dérivées du phonographe.
On comprendra mieux ainsi l'aide que cette
machine apporte à la musique et comment se jus-
tifie sa présence dans l'Encyclopédie.
PRÉHISTOIRE DU PHONOGRAPHE
La préhistoire du phonographe n'appartient pas
à la préhistoire de l'humanité, mais au contraire à
des stades déjà avancés des civilisations qui nous
ont précédés. Malgré cela, nous n'avons aucun ves-
tige de machine parlante, nous ne connaissons
aucun monument figuré qui puisse être rattaché à
l'histoire du phonographe.
Seuls, quelques textes nous renseignent à ce
sujet, mais beaucoup plus sur le désir de conserver
et reproduire la parole ou la musique que sur la
réalisation pratique de ce désir.
Sir Robert Hart rapporte le fait suivant : il y a en-
viron trois mille ans, le gouvernement d'une province
chinoise correspondait avec l'empereur, éloigné de
4 000 milles, au moyen d'un coffret dont le bois pré-
paré d'une certaine façon restituait avec le timbre de
qu.
la voix humaine les paroles qu'on lui avait confiées1.
Le docteur Lothar, s'appuyant sur une relation du
même auteur, cite encore un appareil chinois, vieux
de deux mille ans, dans lequel un cylindre, conju-
gué ou non avec un plateau, pouvait reproduire la
voix et toute sorte de bruits. (Nous avons entre les
mains l'ouvrage de Sir liait sur la Chine,
fait aucune allusion à cet appareil.)
MM. Chapuis et Gélis rappellent que Ta-tch'ouan,
fils d'un roi chinois, avait contruit un automate en
bois, si parfait, qu'il l'avait fait passer pour son
propre fils : cet automate était donc doué de la
parole.
Les civilisations méditerranéennes et du proche
Orientont été aussi préoccupées du problèmede la ma-
chine parlante : on connaît le texte d'Anaxagore sur
les statues musicales d'Egypte; l'explication météo-
rologique des savants du xvin» siècle est encore plus
compliquée que l'hypothèse d'une musique mécani-
que; enfin, il faut faire la part de l'imagination.
Le D-- Lothar cite encore un passage de Xénophon
relatif à une machine qui parlait avec une voix
caverneuse; Maspéro décrit les slalues parlantes
des Chaldéens, des Assyriens et des Hébreux.
D'après les Commentarios sobre el Exodo de Forlat
(Encyclopedia universal ilustrada, « Automates »),
Albert le Grand avait construit un automate capa-
ble d'ouvrir la porte aux visiteurs et de leur sou-
haiter la bienvenue. Thomas d'Aquin aurait détruit
cet automate dans un moment de frayeur.
A la même époque (xin<= siècle), le grand philo-
sophe scientifique Grosseteste, maître de lioger
Bacon, avait construit, en airain, une tête « pour lui
faire raconter les choses qui se passaient ».
D'autres attribuent cette construction à lioger
Bacon lui-même (Thom's Early English Prose, 1. III).
Nous passerons sur les automates de tous ordres
qui furent la dislraction des mécaniciens du xvB et
surtout du xvi0 siècle, pour nous arrêter seulement
à ce qui touche directement notre sujet.
On sait que Kepler souhaitait et considérait
comme possible la reproduction de la parole.
Le physicien Porta publiait en 1389 un traité de
physique, Magia Naturalti, et prétendait « retenir les
paroles dans des tubes de plomb et les faire enten-
dre à volonté, en ouvrant l'une de leurs extrémi-
tés ». Est-ce une naïveté ou l'indice d'une décou-
verte ? Porta avait déjà remarqué que la voix se ré-
:tsss
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
fléchit sur les surfaces planes et se propage à de
longues distances dans des tubes de cuivre (Op. cit.,
pp. 232, 257, 296).
Le i\ ii" siècle nous offre la plus curieuse fantaisie
scientifique à l'endroit de la machine parlante. Siry
(vers 19001 et A. Cœuroy (1020) en rapportent quel-
ques échantillons : c'est le capitaine hollandais Was-
l n loch rencontrant, dans sou voyage à Magellan, îles
éponges qui retiennent les paroles humaines, comme
les nôtres retiennent l'eau... » [Courrier véritable,
1632.) Dans la Magie mathématique de 1618, Wal-
chius prétend qu'il est possible de conserver entiè-
rement les sons vocaux, c'est-à-dire toute parole
articulée de la voix, soit dans une caisse, soit dans
un tube, et que cette caisse ou ce tube étant ouverts,
les mots en sortiraient sûrement dans l'ordre où ils
auraient été prononcés...
Vers 1650, Cyrano de Bergerac, que Tallemant
traitait de fou, écrivit son Histoire comique de la
Lune. On y trouve (éd. Garnier, p. 178) la descrip-
tion d'une boîte contenant un mouvement « pres-
que semblable à nos horloges ». C'est un livre mira-,
culeux : quand on le fait fonctionner, « il en sort
comme de la bouche d'un homme ou d'un instru-
ment de musique, tous les sons distincts... » qui
servent à l'expression du langage. Cyrano n'était
pas qu'un fou : c'était un physicien el un disciple
de Gassendi; que se passait-il dans les laboratoires
des alchimistes à l'époque où l'on inventait l'ascen-
seur, la machine à calculer, où Iles, tries lui-même
construisait un automate?
En 1682, le physicien allemand J.-J. Bêcher, dans
son Nàrrische Weisheit (la folle sagesse et la folie
sage1), décrivant le « Stentrophonicon » et quel-
ques appareils, ancêtres du téléphone, ajoute que
l'opticien nurembourgeois Franz Grùnder, chez qui
il avait vu de tels instruments, avait eu l'idée d'en-
fermer quelques mots dans une bouteille au moyen
d'une ligne spirale, de telle sorte qu'on pouvait les
. emporter à travers le pays, et, plus d'une heure
après, les entendre en ouvrant la bouteille. Bêcher
dit qu'il n'a pas vu la réalisation de cette idée et
qu'il la croit impossible.
Avec le xvnie siècle, commence l'ère des construc-
tions mécaniques. Déjà, Kircher avait projeté de
construire une tête parlante pour la distraction de
la reine Christine de Suède.
En 170b, les gazelles du temps rapportent qu'un
recteur de collège de Dresde, ValentinMerbitz, a mis
cinq ans à faire une tête parlante.
En 1770, Friedrich von Knauss construit une tête
parlante qu'il offre au duc de Toscane; antérieure-
ment, il en avait construit dois autres.
Mais la palme revient sans aucun doule à l'abbé
Mical.Ce mécanicien, qui avait pri< La soutane, con-
sacra plusieurs années à la reproduction artificielle
de la parole humaine el parvint à son but. Antérieu-
rement à 1780, il avail déjà construit puis détruit
deux personnages automatiques et une tête parlante
cités par les gazettes de l'époque et les Mémoires
secrets. Le 1er juillet 1783, il écrivit à l'Académie
des sciences pour l'informer qu'il soumettait à son
examen deux tètes parlantes. Le .') septembre sui-
vant, une commission de savants comprenant entre
autres Lavoisier et La Place, décida que ces tètes
méritaient l'approbation de l'Académie; le rapport
rédigé par Vicq d'Azir était extrêmement favorable;
Mical fut présenté à Louis XVI; le public fut admis
à défiler devant les deux tètes mélalliques qui pro-
nonçaient quelques paroles en l'honneur du roi. Le
constructeur, alors âgé de cinquante-trois ans, pou-
vait espérer la juste récompense de ses travaux.
Cependant. Mical mourut besogneux en 1789 ou 00,
après avoir peut-être détruit les deux têtes.
Son invention consistait à s'approcher le plus près
possible du dispositif organique qui permet la parole
humaine. (Pour la description, voir Rivarol, Bachau-
mont, et les pièces de l'Académie des Sciences.
Presque à la même époque, les Allemands Krat-
zenstein, Anton Felkel (de Vienne) et Kempelen
réussissaient, d'ailleurs moins bien que Mical. à
faire parler la mécanique. Kempelen a publié un
ouvrage théorique et pratique où se trouve décrite
son invention.
En 1796, Robertson présente en Angleterre une
tête parlante et un joueur de trompette; en lSoT,
Posch de Berlin réalise encore le même problème.
En 1828, l'Anglais Robert Willis présente une ma-
chine destinée à prononcer les voyelles. En 183b,
Faber, de Vienne, construisit le plus remarquable
des automates parlants, qui fut promené dans toute
l'Europe et en Amérique; son fils en construisit un
autre à peu prés identique, qui fut exhibé au Grand
Hôtel vers 1877 et fit courir tout Paris. En 1882,
cette machine parlante se trouvait, selon Du Moncel,
à l'Ecole de Médecine.
Toutes ces tentatives ne résolvaient qu'une moitié
du problème : la reproduction de la parole. On avail
fi n i par perdre de vue l'enregistrement
Cependant, le rêve de Porta, Cyrano, Grùnder
el autres allait se trouver réalisé par une toute
autre voie, et bien plus simplement, par Ch. Chos el
Edison, en celte même année 1877, qui vil la lin des
parlants et le déhul 'lu phonographe.
PERIODE HISTORIQUE
La période historique du phonographe comprend
les travaux qui sonl fondés, non plus sur- le principe
île la machine parlante, mais sur celui de l'enregis-
trement des vibrations sonores.
Le premier1 en daie qui para:! avoir tenté l'inscrip
tion vibratoire esl un savanl oraloi ien français, Jean-
Baptiste Di iiamel, donl I-- travaux sur L'acoustique
physique datent de 1700. M fallul attendre ensuite
les travaux du musicien physicien allemand Chladrj
qui, à parlir de 17.N7, lit de nombreuses expériences
sur- les plaques vibrantes. Le germe était lancé.
En 1807, Thomas Yi vibrations sono-
res sur une surface revêtue de noir de fumée et se
déplaçanl devant une pointe vibrante, ëd is^i,
Whratstone i eprei -m les plaques
vibrantes dont le malhémal i n Lagrange avail
donné l'équation générale.
En 1842, Wertheim modifie el perfectionne le dis-
positif de Thomas ¥oi ite fois, un diapason
fixé horizontalement, et poil inl une pointe flexible,
est mis eu vibration; de\ ml la pointe, un cylindre
recouvert de noir- de fa m sf animé d'un double
mouveinenl de rotation el de translation. Les vibra-
tions s'} inscrïvenl de telle sorte qu'on peut les
compter et étudier leur foi nie ; c'esl le seul pro-
blème qu'on se proposait alors de résoudre, en »ue
d'établir les équations générales de l'acoustique.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PHONOGRAPHE :«>
On ne parait pasj_avoir pressenti, à_,cette époque,
que les inscriptions pouvaient restituer un son iden-
tique au son original.
Un important progrès allait être réalisé dans cette
voie par Edouard-Léon Scott. D'origine irlandaise,
sa famille était lixéeen France depuis lexvne siècle.
Né à Paris le 24 avril 1817, Scott entra dans nne
imprimerie à l'âge de dix-sept ans, | soit vers 1834;
ce n'est que vingt-trois ans plus tard, après de
patientes études, qu'il déposa, le 26 janvier 1857, sur
le bureau de l'Académie des sciences, son pli cacheté
relatil'au phonautographe. Cet appareil est décrit et
représenté dans tous les traités de physique (voir
aussi dans l'Kncyclopédie, 2e partie, I, p. 429); nous
nous bornerons donc à signaler sa ressemblance avec
le phonographe à rouleau, qui devait surgir vingt ans
plus tard.
Ce que nous devons retenir, c'est la prescience
que Scott eut du phonographe : < Pourra-t-on, dit-il
dans son rapport, entre deux hommes réunis dans
un cabinel silencieux, faire intervenir un sténogra-
phe automatique qui conserve l'entretien Mans ses
plus minutieux détails, tout en s'accommodant de la
vitesse de la conversation? Pourra-t-on conserver à
la génération futureîquelques traits de la diction
d'un de ces éminents, de ces grands artistes qui
meurent sans laisser après eux la plus faible trace
de leur génie?... Je le crois. Le principe est trouvé. »
En réalité, Scott avait inventé ce qui concerne l'en-
registrement : la forme du cornet, la membrane
vibrante, le style pour lequel il avait pris un brevet,
le cylindre entraîné par une vis hélicoïdale. Il n'a
pas formulé le principe de la réversibilité. Scott vit
son appareil adopté dans les laboratoires, où il n'a
cessé de rendre des services; il fut (perfectionné
légèrement par Kœnig, qui pendant de longues
années, de 1862 à 1872, s'attacha à l'étude des flam-
mes vibrantes, mais sansenTrieu tirer pour ia repro-
duction de la parole.
En 1874, Barlow construit unl'Jogographe, dérivé
du phonautographe de Scott, et dans lequel le style
inscripteur est amélioré. Enfin, en 1877, Charles Cros
énonce le principe de réversibilité sur lequel est
fende le phonographe. Nous croyons que le texte
intégral du pli cacheté déposé par le poète physicien,
le 30 avril 1877, sur le bureau de l'Académie 'des
sciences, doit trouver sa place dans un ouvrage en-
cyclopédique; nous le donnons d'après les « Comptes
rendus de l'Académie des sciences », 1877, t.LXXXV,
page 1082. (Il s'agit de la séance du 3 décembre 1877,
au cours de laquelle fut donnée, par Dr Mo.ncel,
lecture du pli du 30 avril 1877.)
M. Ch. Cnos demande l'ouverture d'un pli cacheté déposé par
lui le 30 avril 1877 et portant pour litre : « Procédé d'enregistre-
ment cl de reproduction des plién'Unciies perru, par ruine. » Ce
pli, ouvert en séance par M. I crétaire perpétuel, contientla
note suivante : « En général, mon procédé inii'i-t- i >btenir le
tracé do va-et-vient d'une memlir. \ ihr.mle ■■! a se servir de ce
tracé pour reproduire le même va-et-vient avec ses vibrations
intrinsèques de durées et d'intensités sur la même membrane ou
sur une autre appropriée a rendre les sons et les bruits qui ré-
sultent de cetle série de mouvements.
« II s'agit donc de transformer un tracé exti imemenl délicat tel
que celui qu'on obtient avec ces index légers frôlant île, sur-
faces noircies a la flamme, de transi m- : , ;.- >■. r. - tracé, eu
reliefs ou creux résistants capables de conduire un mobile qui
transmettra les mouvements à la membrane s more, l'n index
léger est solidaire du centre de figure d'une membrane vibrante ;
il je termine par une pointe (fil métallique, barbe de plume) qui
repose sur une surfaee noircie à la flamme. Celle -n: fa,'c lait corps
avec un disque animé d'un double mouvement de rotation et de
progression rectiligne. Si la membrane est en repos, la pointe
-impie; si la membrane vibre, la spirale sera
ondulée, et les ondulations représenteront exactement tous les va-
et-vient de la membrane en leurs temps et en leurs intensités.
« On traduit, au moyen de procédés photographiques actuelle-
ment bien connus, cette spirale ondulée et tracée en transpa-
rence, par une ligne de semblable dimension tracée en creux ou
en relief dans une matière résistante (acier trempé, par exemple).
« Cela fait, on met cette surface résistante dans un appareil
moteur qui la fait tourner et progresser dune vitesse et d'un mou-
vement pareils à ceux dont avait élé animée la surface d'enregis-
trement. Une pointe métallique, si le tracé est en creux (ou un
doigt à encoche s'il est en relief), et tenue par un ressort sur ce
tracé, et d'autre part l'index qui supporte cette poin
dérjilu cenlreil ■ iiirure de la membrane propre à produire des
-on*, l'an- r - e ,;i hti, m,, i elle membrane sera animée non plus
par 1 air vibrant, mais par le tracé commandant l'index à pointe,
d'impulsion ixa l menl pareill n durées et en intensités, à
celles que la mbrane d'enregistrement avait subies.
l-e lia. ■■ spiral représeuie des temps successifs égaux par des
longueurs croissantes ou décroissantes; cela n'a pas d'inconvé-
nients si l'on n'utilise que ta portion périphérique du cercle
tournant, les tours de spire étant 1res rapprochés; mais alors
on perd la surface centrale.
« Dans tous les cas, le tracé en hélice sur un cylindre est très
piéférable, ,■! je m'occupe actuellement d'en trouver la réalisation
pratique. »
On remarquera plusieurs choses dans ce mémoire :
c'est d'abord la filiation directe du phonautographe
cl du phonographe; ensuite, l'indication et la réver-
sibilité de l'enregistrement vibratoire (§ 5); enfin, l'u-
tilisation possible et de la surface horizontale (disque ,
et de la surface cylindrique, pour les enregistrements.
Cros avait prévu que, sur le disque, des temps se-
raient représentés par des espaces inégaux; il en
redoutait des inconvénients qui ne se sont pas pro-
duits à la réalisation : un disque est utilisable sur la
majeure partie de sa surface.
Entre les deux dates du 30 avril et du 3 décembre,
la Semaine du Clergé, du 10 octobre 1877, avait pu-
blié, par la plume de l'abbé Leblanc, un article où
Ion décrivait le phonographe de Charles Cros; on
en prévoyait la réalisation pratique pour l'Exposition
de 1878; la construction de l'appareil avait été pro-
posée à Bréguet. II n'y a donc aucun doute que le
principe ait été officiellement et publiquementénoncé
antérieurement à la communication iI'Edison.
Vers la même époque, fin de 1877, un autre phy-
sicien, Marcel Deorez, auquel on doit d'intéressants
dispositifs de laboratoire, ayant observé minutieu-
sement les phénomènes vibratoires d'un téléphone à
ficelle, déclarait eu substance que la voix peut sur-
vivre, se conserver et se reproduire. Il imagina un
phonographe qui eût été sans doute assez semblable
à celui d'fiDisotv.et tenta de le réaliser avec la colla-
boration d'un certain Napoli. Les essais furent infruc-
tueux, et les deux constructeurs crurent même le
problème insoluble; en revanche, ils annoncèrent
plus tard un appareil supérieur à celui d'EDiso.\ et
qu'on ne vit jamais.
Leur principe, qui consistait à graver les sillons à
l'eau-forte, fut repris quelques années après sans
succès dans l'industrie du disque.
Quant à l'invention d'EDisoN, elle fut connue offi-
ciellement en France le 11 mars 1878; mais le brevet
avait été pris en France le 18 décembre 1877, c'est-
à-dire sept mois et demi après le pli cacheté de
Charles Cros, et deux mois après l'article de la Se-
maine du Clergé. On a voulu réclamer, en faveur
d'EDisoN,son brevet du 31 juillet 1877;mais Du Mo.n-
cel, absolument impartial en la question, rappelle
que ce brevet était relatif au télégraphe Morse : l'in-
venteur américain songeait alors à reproduire la dé-
pèche transmise au moyen des vibrations inscrites-
;n'.ni
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
,1 avait aussi remarqué que la transmission extrê-
mement rapide par le Morse donnait naissance à un
son musical. Ce n'est que plus tard qu'il songea à
utiliser ces circonstances pour tenter de reproduire
la parole.
Ce qui reste indubitablement à son actif, c est
d'avoir réalisé pratiquement la première machine
parlante. Le témoignage le plus irréfutable vient de
Charles Cbos lui-même. En effet, M. Emile Picard a
bien voulu nous faire connaître le texte d'une note
de notre poète, adressée à l'Académie le 18 mars 1878,
huit jours après la présentation du phonographe
d'EmsoN. 11 rappelle son projet « d'un appareil ayant
même but et à peu près mêmes moyens que le phono-
graphe ». H ajoute : « M. Edison a pu construire son
appareil. Il est le premier qui ait reproduit la voix
humaine, il a fait une œuvre admirable. »
Voilà qui clôt le débat et rend à chacun ce qui lui
est dû. Charles Cros a fait preuve d'une grande
loyauté et d'un bel esprit scientifique. Il n'en a pas
été de même de Léon Scott, qui prit la plume et
s'éleva de façon véhémente et injustifiée contre Edi-
son, réclamant pour lui-même l'antériorité de l'inven-
tion de la machine parlante ; on sait cependant que
le phonautographe n'est demeuré qu'un appareil en-
registreur et que son inventeur ne l'a jamais perfec-
tionné.
Quant aux étrangers qui retracent l'histoire du
phonographe, s'ils parlent de Young et de Scott, ils
oublient systématiquement Crûs.
Celui-ci mourut d'ailleurs à peu près oublié en
1888; il n'avait que quarante-six ans.
LE PHONOGRAPHE D'EDISON
La première machine de laboratoire d'EDisoN était
rudimentaire; elle se composait :
1° d'un plateau horizontal, sur lequel était fixé le
bâti métallique de la machine;
2° d'un cylindre métallique, sillonné d'une hélice
creuse et entraîné par une manivelle;
3" d'une feuille d'étain enveloppant ce cylindre;
4° d'un tambour horizontal : sur la face extérieure
était tendue une membrane de parchemin; elle rece-
vait les vibrations sonores et les transmettait à une
pointe en contact avec la feuille d'étain qui recou-
vrait le cylindre et ses sillons. Ceux-ci guidaient la
pointe.
L'appareil présenté à l'Académie des sciences
était pluscompb't : à l'extrémité opposée à la mani-
velle, l'axe prolongé du cylindre portait un assez lourd
vidant qui régularisait la rotation. La membrane
vibrante pouvait être rendue solidaire d'un cornet
qui amplifiait et dirigeait les ondes sonores restituées
par la feuille d'étain.
Edison demeura plusieurs années sans perfection-
ner son appareil; il parait qu'il n'avait pas confiance,
lui-même, dans le développement industriel de son
invention. Cependant, l'idée était lancée : une so-
ciété qui comprenait entre autres Bell et Tainter se
mit en devoir, des 1881, d'exploiter les brevets d'E-
dison. Celui-ci, d'ailleurs, reprit ses travaux phono-
graphiques après 1887.
La conception pratique de la machine parlante à
rouleau fut bientôt la suivante :
Le cylindre n'était plus animé que du mouvement
de rotation.
Le diaphragme, avec son cornet, devenait mobile :
une charnière le reliait à une monture métallique
coulissant sur une tige horizontale qui servait de
guide; l'autre extrémité de cette pièce portail un
demi-écrou,dont les filets reposaient sur ceux d'une
vis hélicoïdale horizontale parallèle à la tige-guide.
Un moteur d'horlogerie animait d'un mouvement
de rotation le cylindre et la tige ifiletée : celle-ci en-
traînait l'écrou guidé qui portait le diaphragme; la
pointe de celui-ci reposait sur le cylindre métallique.
Lors de l'enregistrement, ce dernier était recou-
vert d'un autre cylindre creux, de cire1 ou de cellu-
loïd (voir plus loin) ; la pointe du diaphragme laissait
donc sur la matière tendre un sillon hélicoïdal (pho-
nogramme).
Pour la reproduction, on ramenait le train du
diaphragme à son point de départ, on plaçait la
pointe au début du sillon et, grâce à une certaine
liberté de l'articulation de ce diaphrame, l'entraî-
nement se réalisait par la vis sans fin, sans que la
pointe sortît des sillons primitivement tracés.
Le diaphragme s'est toujours souvenu de sa forme
primitive : c'est généralement une boite circulaire
plate; l'une des faces est métallique et porte les
accessoires : rainures, goujon, vis, etc., nécessaires
à sa fixation; l'autre est la membrane vibrante. Elle
a été constituée de plusieurs substances : parchemin,
cristal, mica, métal; aujourd'hui, ces deux dernières
matières se divisent le marché : le mica est encore
très apprécié; quant au métal, aluminium ou alliages
divers réduits en feuilles extra-minces, son emploi
se généralise. Il est plus facile à travailler et se
prête davantage au perfectionnement. On tend, en
effet, à abandonner la surface plane pour des profils
compliqués de renflements et de stries qui ('tendent
la sensibilité du microphone acoustique.
On vient de comprendre que le phonographe à
rouleau pouvait successivement enregistrer et repro-
duire. A chacune de ces opérations correspondait
un diaphragme spécial, différant par le poids, et sur-
tout par la taille de la pointe de saphir destinée, dans
le premier cas, à graver, dans le deuxième, au con-
traire, à être seulement animée et guidée par le
sillon.
On construisit aussi des diaphragmes susceptibles
de prendre plusieurs positions, et conséquemment
de reproduire des timbres et des intensités diverses
selon le genre de rouleau — et, plus tard, de disqui
— placé sur le phonographe.
Enfin, lapointe de saphir, destinée à un usage pro-
longé et iixéc au centre de la membrane vibrante, lit
place, petit à petit, à l'aiguille métallique.
Celle-ci est l'ixée au moyen d'une vis de serrage
dans un petit tube qui termine un levier solidaire
de la monture circulaire du diaphragme. Ce levier
se prolonge jusqu'au centre de la membrane auquel
il est rattaché par une vis ou un rivet.
Ainsi, toutes les oscillations imprimées par les sil-
lons à l'aiguille se transmettent au bras de levier et,
de là, .i la membrane vibrante : un cornet recueille
ces \ ibrations, les amplifie et les apporte à l'oreille.
De nombreuses variantes ont été apportées à ce
dispositif schématique, qui reste fondamental.
Quant au cornet, il est remplacé souvent, surtout
dans les appareils automatiques, par un tube de
caoutchouc terminé par deux écouteurs susceptibles
de pénétrer dans les oreilles; parfois même, un seul
appareil recueille les sons de la membrane dans une
<|ui eut tldôo de r
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PHONOGRAPHE
sorte de galerie horizontale qui porte plusieurs de
ces tubes acoustiques.
Le phonographe à rouleau s'est prolongé jusque
vers 1910; depuis cette époque, il a à peu près disparu
des fabrications pour faire place à l'appareil à
disques.
L'appareil à disque comprend les mêmes éléments
que le précédent, mais la vis sans fin devient inutile :
en effet, l'entraînement du diaphragme se fait par
les sillons du disque dans lesquels l'aiguille est en-
gagée.
Progressivement aussi, le cornet avec pavillon
extérieur disparait : il est placé dans le coffret de
l'appareil et reçoit une forme et une longueur appro-
priées à son meilleur rendement. Celui-ci s'est
beaucoup élevé : dans les meilleurs appareils « Co-
lumbia », fondés sur les brevets primitifs Edison,
Bell, Tainter et Macdonald et construits il y a
trente ou quarante ans, le son reproduit était envi-
ron 1/1G du son original. Actuellement, leurs inten-
sités, sans être égales, sont beaucoup plus voisines
(70 à 80 o/o pour les meilleures marques).
L'appareil à disques préconisé par Berliner ne
peut pas servir à enregistrer : on en comprendra
plus loin la raison. Malgré cela, il jouit de la faveur
uuiverselle.
La construction du phonographe est du ressort de
la technique métallurgique, et n'a nécessité aucune
innovation; nous n'avons donc rien à en dire.
Il n'en est pas de même de là fabrication des rou-
leaux et surtout du disque, que nous décrirons plus
loin avec quelques détails.
Disons seulement que le phonographe enregis-
treur à rouleau a survécu sous la forme du « Dicta-
phone » ou appareils similaires; l'entraînement du
cylindre de cire et de la pointe traceuse se fait
généralement par un moteur électrique; le cornet
est remplacé par un tube souple à embouchure. Les
lettres ou les ordres dictés et gravés sur la cire
sont reproduits à volonté par un appareil identique,
mais muni d'un casque à écouteurs.
LE ROULEAU ET LE DISQUE
L'organe reproducteur du phonographe — disque
ou rouleau — était une chose nouvelle dans la
science et dans l'industrie. Il a donné lieu pendant
au moins vingt ans à des essais, des hésitations, des
recherches, des échecs qui auraient sans doute dé-
couragé et ruiné des inventeurs isolés. Mais la puis-
sance des industries qui, dès le début, comprirent et
exploitèrent le phonographe, permit la continuité des
efforts financiers et scientifiques qui devaient abou-
tir un jour au disque de matière plastique dont nous
décrirons plus loin la fabrication.
Edison s'était servi, pour inscrire les vibrations,
d'une feuille d'étain; une difficulté presque insur-
montable surgit du fait qu'on ne pouvait éviter, à
la soudure, un bourrelet formé selon une généra-
trice du cylindre.
Bell surmonta la difficulté en remplaçant l'élain
par de la cire, pour l'empreinte originale : on y
trouva, en outre, l'avantage d'obtenir des sillons
continus et non plus des séries de points en creux
comme sur l'étain.
Les répliques de l'original destinées au commerce
furent d'abord tantôt en cire, tantôt en celluloïd.
On lirait du cylindre-cire initial, rendu conduc-
teur par une pellicule d'or, un galvano cuivre épais
d'environ 5 millimètres et qui portait, sur sa face cy-
lindrique intérieure, les sillons en relief. On plaçait
dans ce cylindre un mandrin concentrique légère-
ment conique, mais de diamètre plus faible, et dans
la partie libre, entre les sillons et le mandrin, on
coulait de la cire chaude.
Après refroidissement et durcissement de celle-ci,
on pouvait démouler avec assez de facilité, en raison
de la différence du retrait entre le cuivre et la cire.
Si l'on se servait de celluloïd, celui-ci, sous forme
de feuille appliquée contre les sillons intérieurs du
galvano, était amolli et dilaté par de l'eau chaude
ou de la vapeur sous pression ; après refroidissement,
on démoulait. Les résultats n'ont jamais été satis-
faisants : l'adhérence, la pénétration, beaucoup moins
complètes qu'avec la cire, laissaient subsister des
lacunes, des bulles d'air qui firent abandonner ra-
pidement le celluloïd.
Le rouleau de cire du commerce régna jusque
vers 1910; on le reproduisait aussi mécaniquement
au moyen de « machines à reproduire », fondées sur
le même principe que celles dont on se sert en mé-
tallurgie.
Il y eut des « doubleuses » à main, à pied et à
moteur électrique : les premières fournissaient 70 à
80 exemplaires par jour; les dernières 180 à 200.
Les résultats, au point de vue auditif, étaient satis-
faisants.
On ne citera que pour mémoire les essais tentés
en faveur de rouleaux enregistreurs en plomb, ou
en alliage malléable à base de plomb, ou l'emploi
de bandes sans fin se déroulant devant la pointe
vibrante.
Disque.
Nous avons vu que, dès le début du phonographe,
deux tendances se manifestent : l'une vers le rou-
leau, l'autre vers le plateau.
Edison avait déjà songé à remplacer le cylindre
par le plateau, pour éviter le raccordement. Mais
c'est surtout Berliner qui, en 1887, donna toute son
impulsion au disque.
Il imagina un plateau circulaire horizontal dont
la rotation, provoquée par un volant à main, engen-
drait à son tour le déplacement transversal.
Le centre se rapprochait ainsi de la pointe fixe
enregistreuse qui traçait alors une spirale sur la
surface libre.
Le disque lui-même était de zinc, on le plongeait
dans une solution cire-benzine: séché, il se trouvait
recouvert d'une légère couche de cire dans laquelle
la pointe laissait un sillon continu, atteignant le zinc
lui-même à la manière d'un burin. On traitait en-
suite par l'acide, comme s'il s'agissait d'une planche
à graver1; on dissolvait la cire, et le disque était
propre à reproduire ou à donner des galvanos en
relief pour le tirage des exemplaires du commerce
(les sillons avaient environ 1 dixième de millimètre
de profondeur).
Toutes les matières « thermoplastiques » furent
tour à tour essayées pour le pressage des disques :
cire, celluloïd, caoutchouc durci, etc.; en 1S97,
Berliner adopta une matière plastique isolante,
mais il n'avait pas réussi à éliminer les bruits para-
sitaires extrêmement gênants — grattements et cla-
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
quemenls — qui entravèrent longtemps la progres-
sion du disque, au profit du rouleau.
En 1897 aussi, un autre Américain, Jones, eut l'i-
dée très simple de remplacer le zinc initial par de
la cire; les bruits parasitaires diminuèrent considé-
rablement et le disque commença à se multiplier au
détriment du rouleau.
Il avait fallu dix-neuf ans d'efforts pour obtenir
ce résultat. Dès lors, il ne restait qu'à perfectionner,
en ce qui concerne le disque du commerce, la ma-
tière plastique et les moyens de produclion, pour
atteindre, après 25 à 30 nouvelles années de travail,
la méthode de fabrication que nous allons décrire
avec quelques détails.
LA FABRICATION DES DISQUES1
Le disque phonographique est d'une apparence si
simple qu'on imagine difficilement le nombre, la
complexité et la délicatesse des opérations par les-
quelles il passe, avant de revêtir l'aspect que nous
lui connaissons.
Nous avons pensé qu'on s'intéresserait à l'histoire
rapide et d'ailleurs simplifiée d'un disque.
La forme première du disque est la « cire » : c'est
un plateau de 35 centimètres environ de diamètre
sur 25 milimètres d'épaisseur; composé de deux cires
naturelles intimement mélangées, saponifiées, puis
moulées, ce plateau est passé au tour sur sa face
inférieure, puis soigneusement surface et poli sur sa
face supérieure au moyen d'un tour vertical dont le
train porte deux outils : l'un en acier pour dégros-
sir, le second en saphir pour finir et polir; les co-
peaux disparaissent dans un aspirateur électrique
contigu à l'outil.
La face ainsi travaillée présente alors l'aspect d'un
miroir blond prêt à recevoir les sillons musicaux.
Une précaution essentielle est d'éviter toute vibra-
tion des machines : leurs socles sont puissants, les
courroies sont collées et non cousues; la tempéra-
ture est maintenue uniforme afin d'éviter le léger
jeu qui peut provenir des différences de dilatation.
On comprend que la plus faible oscillation systéma-
tique entraînera un gauchissement ou une dépres-
sion de la surface à graver, et, par conséquent, une
fluctuation périodique dans l'audition musicale.
La « cire » est ensuite envoyée, dans une boite
solide, au laboratoire du studio où se réalise l'enre-
gistrement ; nous décrirons celui-ci plus loin, dési-
rant nous borner ici aux seules opérations d'usinage,
et nous reprendrons la cire au moment où, sillon-
née d'une spirale très serrée, — empreinte matérielle
des vibrations musicales captées par le microphone,
— elle est replacée avec précaution dans sa boite et
"envoyée à l'usine.
On la marque alors d'un numéro qui suivra la face
du disque dans toutes ses pérégrinations.
Galvanoplastie.
La cire, trop peu résistante, est impropre au mou-
lage direct des disques. Il en faut donc tirer des
renseignements aux usines.. Cotumbiai,
visiter méthodiquement sous ta conduite
ui maisons françaises, auiqucllcs nous
nous avons été a*in
empreintes métalliques. On y parvient par une série
d'opérations galvanoplastiques qui constituent l\>
partie essentielle et la plus délicate de la fabrication.
Pour obtenir un galvano à partir de la cire, il faut
rendre celle-ci conductrice du courant; pour ce, on
l'enduit, au moyen d'un coton, d'une poudre extrê-
mement fine de graphite qui pénètre dans les plus
petits recoins des sillons. Un pinceau souple enlève
les aspérités ou les accumulations de graphite qui
pourraient subsister, et, par un lavage à l'alcool mé-
langé d'eau, on fait disparaître les bulles d'air qui
auraient pu se former entre la cire et le graphite,
surtout dans les sillons. La cire est ensuite fixée au
moyen d'un fil de cuivre qui la ceinture, sur une
règle plate de bois, munie d'une armure métallique
par laquelle on suspend ce balancier improvisé à un
arbre horizontal oscillant au-dessus du bain galva-
noplastique. La cire ainsi immergée, animée d'un
mouvement pendulaire, se recouvre pendant 15
heures, sur la surface sillonnée et sur une portion
de la partie cylindrique, d'une couche de cuivre qui
atteint progressivement l'épaisseur moyenne d'un
millimètre.
On détache cette sorte de calotte, et on la passe au
tour pour n'en conserver que la partie circulaire
plane qui porte les sillons et une marge d'environ 2
à 3 centimètres sur le bord extérieur.
Les sillons sont alors en relief et ne pourraient
servir à la reproduction sonore sur un phonographe,
En revanche, cette première épreuve pourrait ser-
vir de cliché pour imprimer les disques définitifs;
mais il faudrait craindre l'usure, par le pressage
répété, de cet « original »; et comme la cire, d'autre
part, est devenue inutilisable, l'enregistrement n'au-
rait donné lieu qu'à un nombre insuffisant d'exem-
plaires.
Il convient donc de tirer de cet » original » non des
disques, mais des épreuves métalliques qui serviront
à les imprimer.
A cet effet, le cuivre original, lavé, décapé, poli,
reçoit, par un procédé chimique très simple, une
mince couche d'argent qu'on oxyde par immersion
dans un bain de teinture d'iode; on lave, on accouple
dos à dos deux originaux identiquement préparés et
fixés dans une couronne de bois munie d'un manche ;
ce nouveau balancier est à son tour plongé dans le
sulfate de cuivre, et relié à l'arbre oscillant par une
armature conductrice. Au bout de 15 à 10 heures, on
décolle de l'original, facilement, grâce à la pellicule
d'oxyde d'argent, une empreinte d'environ 1 milli-
mètre d'épaisseur dont les sillons, en creux, peuvent
être joués sur un phonographe, mais ne pourraient
imprimer les disques. A son tour, cette deuxième
épreuve cuivre, appelée « mère », devra fournir un
cliché en relief qui servira enfin au pressage.
Dans ce dessein, la « mère », ébarbée, tournée,
décapée, polie, lavée, est légèrement oxydée par im-
mersion dans le bichromate de potasse, — opération
qui permettra ultérieurement le décollement de la
« mère » et de l'empreinte qu'on en tirera — puis
plongée dans un bain galvanoplastique de sulfate
double de nickel. Aprèsune demi-heured'électrolyse,
une mince couche de nickel recouvre la « mère » :
cette pellicule suffira à proléger la matrice défini-
tive contre une usure trop rapide au pressage.
On retire la « mère » du bain de nickel, on la
i ftu.iiN .i. ][<>-.*.' .hn* I
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PHONOGRAPHE I3S93
passe rapidement au sulfate de cuivre pour empêcher
cette fois l'oxydation, et on la plonge — une dernière
fois — dans un bain de sulfate de cuivre, où elle
oscillera pendant quatre heures.
A ce moment, on décolle l'empreinte : on a d'une
part la « mère-cuivre » qui peut servir indéfiniment,
et d'autre part un galvano de 3/10 de millimètre
environ d'épaisseur, dont la face sillonnée en relief
est nickelée. C'est le « shell », partie essentielle de
la matrice définitive.
Le dos du shell est meule, ainsi qu'un côté du
cuivre, préalablement plané; les deux surfaces à
souder sont étamées, les sillons extérieurs du shell
élant protégés par une pâte de blanc de Meudon;
puis, shell et cuivre accouplés sont placés dans un
moule à 400° et sous une presse d'environ 150 kilos
par centimètre carré. Un simple papier buvard assez
épais suffit à proléger les sillons contre l'écrasement,
La matrice n'est pas encore terminée : elle doit
être exactement centrée, faute de quoi, les disques
imprimeraient au diaphragme un mouvement de
va-et-vient préjudiciable à l'audition musicale.
Le centrage est obtenu au moyen même des sil-
lons. La matrice élanl placée horizontalement sous
une perceuse et animée d'un mouvement de rotation,
un levier armé d'une pointe est entraîné à la ma-
nière d'un bras de diaphragme, mais du centre vers
l'extérieur, par la spirale en relief; ce levier agit
indirectement sur une aiguille se déplaçanl devant
un cadran : le centrage est. obtenu quand cette
aiguille parcourt le cadran régulièrement, dans le
même sens, sans à-coups ni retours en arrière. On
perce à ce moment un premier trou central : on l'a-
lèse, on le rectifie, puis, après un nouveau centrage,
on pratique le trou définitif qui servira à fixer la
matrice dans le moule (environ 2 cm. 5 de diamètre).
La matrice, ébarbée, nettoyée, polie, est prête pour
le pressage.
Nous avons observé jusqu'ici quatre états du
disque : 1° cire, sillons en creux; — 2° original-
cuivre, sillons en relief; — 3° mère-cuivre, sillons
en creux; — t° matrice, nickel-cuivre, sillons en re-
lief. Le cinquième et dernier état est le disque du
commerce : avant d'en aborder le pressage, ouvrons
une parenthèse pour parler des matières dont il est,
constitué.
matières plastiques.
Jadis (et même fréquemment aujourd'hui), le dis-
que était constitué d'une seule épaisseur de matière
plastique imprimée sur ses deux faces. Le disque
Columbia doit une partie de sa supériorité aux dispo-
sitions suivantes :
Il comporte une couche médiane de 1 millimètre
à 1 mm. S matière plastique très fine, niais non sen-
sible, étant convenu que nous donnerons à cet ad-
jectif le sens de « susceptible de recevoir les sillons
définitifs »; sur chaque face de ce « support c'esl
son nom), adhère un cercle de papier qui présente
extérieurement une couche de matière sensible des-
tinée à recevoir les sillons.
1 " Matière du « support ». — Elle comprend es-
sentiellement de l'ardoise, des débris de disques, du
mica et un agglomérant : les copeaux qui provien-
nent du tournage des « cires ». Ces différents subs-
tances sont concassées, pulvérisées, mélangées,
réduites en pâle, laquelle, laminée entre rouleaux et
divisée en rectangles d'un décimètre carré environ,
est envoyée, refroidie, à l'atelier de pressage.
2° Matière de la couche extérieure. — Elle est
à base de gomme-laque à laquelle on mélange une
terre rare destinée à lui donner de la résistance.
Travaillée comme ci-dessus, elle est réduile finale-
ment en une poudre impalpable et envoyée sur des
tamis, au-dessous desquels circulent des disques de
papier noir. Préalablement, ces disques, happés par
des rouleaux.y sont enduits sur leur face extérieure
d'une solution de gomme-laque dans l'alcool.
A leur passage sous le tamis, ils fixent donc une
couche de matière sensible pulvérulente. Ils passent
ensuite entre des rouleaux chauds qui assurent
l'adhérence papier-gomme-laque, et donnent à celle-
ci une surface homogène; entraînés par un chemin
mobile, ils passent entre des rouleaux froids et
achèvent de se refroidir en circulant à l'air. Ils vont
alors dans l'atelier de pressage, où ils rejoignent les
rectangles de « support » et aussi les étiquettes, pro-
venant d'une machine qui les imprime sur du papier
coloré à raison de 60 à la minute.
Pressage.
On a souvent comparé, d'une façon assez justifiée,
le moule à disques au moule à gaufres. Qu'on se
figure un coffret de fer s'ouvrant au moyen d'une
poignée, face à l'ouvrier. Sur le fond horizontal est
fixée une matrice; sur le fond du couvercle, une
autre matrice ; quand on referme le moule, les deux
matrices coïncident exactement.
Mais avant de refermer, il faut introduire les élé-
ments du disque, et ce, dans un ordre qu'il est facile
de prévoir : une étiquette (face imprimée contre la
matrice horizontale), — un papier sensible (gomme-
laque contre matrice horizontale), — un rectangle .
de matière-support; — un papier sensible, — une
étiquette, ces deux derniers tournés vers la matrice
du couvercle. Le tout est centré par un pivot qui
trou du disque et qui obéit à une pédale.
Pendant toute cette opération, le moule est parcouru
par une circulation de vapeur sous pression à 160°'
On ferme le coffret de fer, on le pousse sur ses
rails jusque sous la presse (40 à 50 centimètres de
course environ).
Un dispositif automatique déclanche une pression
de ISO kilos environ par centimètre carré et, en même
temps, remplace la vapeur par une circulation d'eau
à température ordinaire.
La matière-support s'écrase entre les deux papiers,
les sillons s'impriment dans la gomme-laque qui
fixe en même temps les étiquettes; au bout de
30 secondes, on retire le moule, on l'ouvre : le disque
apparaît sous son aspect presque définitif.
Il suffit de l'envoyer au finissage : il y est ébarbé,
poli sur les bords, brossé sur les sillons, puis mis en
enveloppe, en boites et livré au commerce.
Quant au moule, il est maintenant de nouveau
parcouru par la vapeur à 160°; il reçoit une autre
charge, glisse sous la presse, et ainsi de suite : il four-
nira de 550 à 650 disques par jour.
Chaque disque est suivi à travers l'usine par une
fiche de fabrication; les opérations sont contrôlées
régulièrement : un exemplaire sur 25 passe au mi-
croscope, où ses sillons sont examinés, et au phono-
graphe, où des oreilles attentives relèvent le moindre
grattement.
On peut dire sans exagération que le disque a con-
quis le monde; la seule firme Columbia en répand
quotidiennement, sur la surface du globe, 350 000,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQI'E ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
soit pins de 100 millions paran.que le public achè
pour une somme dépassant 2 milliards et demi.
L'ENREGISTREMENT
L'enregistrement a toujours été la partie la plus
délicate de l'industrie du disque. Malgré les progrès
considérables réalisés au cours de ces dernières
années, il semble qu'on puisse encore améliorer lar-
gement les dispositifs adoptés jusqu'à ce jour.
Dans la première machine d'EDisorr, il était indis-
pensable de placer la bouche presque au contact de
la membrane vibrante pour obtenir un tracé sur la
feuille d'étain.
Le remplacement du métal-élain, plomb, etc., par
une matière plus vulnérable : cire, celluloïd, per-
mit un dispositif plus pratique.
Il consistait, en principe, en un cornet conique
Usé sur la boite sonore du phonographe enregistreur.
L'extrémité évasée était tournée du côté de l'exécu-
tant; l'autre aboutissait à la membrane vibrante;
celle-ci était armée d'une pointe, oscillant, sous l'in-
fluence des ondes sonores acheminées dans le cornet,
et laissant sur le cylindre ou sur le disque les sillons
originaux, dont l'action réversible] pouvait, à son
tour, reproduire les sons primitifs.
Pendant quarante-cinq ans environ, ce procédé fut
en usage avec quelques variantes.
Des gravures antérieures à 1900 nous montrent un
sujet parlant devant une embouchure reliée à un
tube acoustique aboutissant à l'enregistreur; d'au-
tres représentent une cantatrice en face d'un vaste
cornet monté sur le train mobile de la machine.
Dans d'autres cas, on pouvait fixer jusqu'à cinq
cornets orientés de telle sorte qu'un quatuor, un quin-
tette ou un pelit croupe d'instruments pouvaient
donner lieu à un enregistrement à peu près équilibré.
Ensuite, on sépara la machine proprement dite de
l'exécutant. Deux salles contiguès étaient séparées
par une mince cloison; dans l'une, se trouvait le
phonographe enregistreur: dans l'autre, le cornet,
pénétranf par sa partie eiroite dans un orifice de la
cloison et relié ainsi à la machine. Caruso s'est des-
siné lui-même face à un cornet rectangulaire, dont
la pointe disparaît dans la paroi de la cabine. On a
tenté aussi de donner à la pièce où se tenaient les
exécutants la forme d'un vaste cornet conique; mais
la surface réfléchissante provoqua de la confusion.
On a imaginé encore de dédoubler le cornet à
partir du pavillon; les deux tubes se dirigeaient
ensuite chacun vers un enregistreur, et on obtenait
tleux matrices pour une seule exécution.
La. nécessité de reproduire les ensembles, qui
avait engendré les dispositifs à plusieurs cornets,
orienta les recherches vers la solution électrique :
un microphone était adapté à chaque pupitre; les
courants modifiés par chaque instrument étaient
centralisés, et leur faisceau agissait par un électro-
aimant sur une membrane téléphonique; celle-ci
portait une pointe traceuse. Cette solution n'a donné
aucun résultat appréciable, le son perdant, à travers
ces diverses transformations, la plupart de ses qua-
lités; mais elle contenait en germe le dispositif de
l'enregistrement électrique.
L'enregistrement acoustique avait une technique
propre, aujourd'hui périmée.
L'orchestre devait être réduit à environ 10 musi-
ciens : seules, les clarinettes pouvaient être doublées,
les cordes jamais : leur reproduction était d'ailleurs
mauvaise, ainsi que celle du piano.
Les meilleurs instruments à enregistrer étaient les
cuivres, puis les llùtes, — surtout la petite, — la
clarinette; le hautbois était médiocre. La fanfare re-
présentait le meilleur groupement.
Les techniciens allemands et français sont à peu
près d'accord pour préconiser- le groupement sui-
vant : 1 petite flûte, 1 petite clarinette, deux ou trois
clarinettes, deux cornets à pistons, un trombone, un
saxhorn-basse ou baryton, une contrebasse. Les
clarinettes devaient être placées au premier rang,
avec les flûtes, à un mètre environ du pavillon, en-
suite les cornets, ensuite les trombone et saxhorn;
le tout, si possible, en amphithéâtre. En cas de pré-
sence d'un piano, celui-ci devait être sur une estrade
derrière les instruments, qu'il dominait d'environ 60
à 80 centimètres.
Il était naturellement nécessaire d'arranger les
morceaux pour réduire les partitions originales au
groupement optimum; il fallait éviter l'accumulation
des sons aigus, ainsi que les accords tenus dans l'ac-
compagnement.
On comprend que, dans de telles conditions et
malgré les perfectionnements incessants apportés à
la machine parlante, au diaphragme, au disque, les
amateurs de musique se soient désintéressés du pho-
nographe.
L'enregistrement électrique, fondé sur le principe
de l'amplification du courant, devait abolir en 1925
ces méthodes rudimentaires.
Ce mode d'enregistrement nécessite deux salles :
un studio et un laboratoire.
Studio. — C'est généralement un vaste hall pou-
vant contenir un orchestre complet, des choeurs, des
solistes, des pianos, etc.
On en supprime l'écho en revêtant de tentures el
de tapis le sol, les murs et le plafond.
Un microphone spécial, intentionnellement peu
sensible, ne contenant ni charbon, ni aucune articu-
tion susceptible de produire des bruits parasites,
peut être placé et déplacé à volonté. Un fil le relie
au laboratoire.
Laboratoire. — i>n y rencontre :
I" tin dispositif d'amplification analogue à celui
qu'on emploie en radiotéléphonie.
2° La machine à enregistrer. Elle se corn
sentiellement : d'un plateau horizontal tournant
autour de son axe sons l'action d'un contrepoids;
d'un bras portant à son extrémité un dispositif de
haut-parleur terminé par une pointe de saphir; enfin,
fréquemment, d'un second bras porteur d'un léger
pick-up.
3° D'un dispositif phonographique se rnppio, h;ml
autant que possible d'un appareil ordinaire.
4° D'un tableau avec lampes et cadrans, relié à ce
dispositif.
Le fonctionnement schématique de cet ensemble
est le suivanl :
Le courant du microphone arrive du studio dans
l'amplificateur à lampes; il en ressort, avec la puis-
sance d'environ 1 watt, et est envoyé dans le haut-
par leur à pointe de saphir; celle-ci repose sur la cire
vierge entraînée sur le plateau tournant, animée
d'un mouvement de translation et sur laquelle s'ins-
crit ainsi an limaçon; les copeaux de cire disparais-
sent dans un aspirateur électrique dont l'ouverture
aboutit près de la pointe du saphir.
Une pailie du courant est dérivée, modulée et
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PHONOGRAPHE
dirigée sur le simili-phonographe qui fait entendre
l'œuvre au fur et à mesure qu'elle s'enregistre, et à
peu près sous l'aspect qu'elle aura finalement sur le
disque commercial.
On a ainsi un contrôle acoustique de ce qui se
passe sur la cire, sans préjudice du contrôle optique
fourni par les cadrans de l'amplificateur, et qui per-
mettent non seulement de connaître l'intensité' géné-
rale d'un enregistrement, mais encore d'apporter en
cours d'exécution des modifications d'amplification
appropriées, et destinées à corriger certains excès
sonores venus du studio. Il y a là une technique de
filtrage qui est le propre des ingénieurs spécialisés
dans l'enregistrement.
Il est parfois nécessaire d'entendre une cire : on
se sert alors du pick-up extrêmement léger dont
nous avons parlé. La cire ainsi entendue devient inu-
tilisable.
On conçoit qu'il est possible, avec ce procédé,
d'enregistrer partout : il suffit de transporter les ma-
chines sur place : église, salle de théâtre, de concert,
propriété privée. On peut même registrer à distance,
sous réserve de relier le laboratoire avec le lieu de
l'enregistrement.
Bien des variantes ont été déjà apportées à l'enre-
gistrement électrique, et il Faut s'attendre à des per-
fectionnements presque quotidiens dont on trouve
l'écho dans les revues spéciales. Nous ne pouvons en
tenir compte ici, non plus que des concurrents pré-
sents et futurs du disque : film sonoi'e, il l d'acier
enregistreur, etc. L'intervention de la lumière dans
le domaine des sons est de nature à transformer
prochainement l'industrie de la machine parlante.
CONCLUSION
Aumomentoù nous écrivons ces lignes (1929), l'in-
dustrie du phonographe a reçu une impulsion nou-
velle du fait de l'enregistrement dit électrique (1925) ;
non seulement, le disque a fait un bond prodigieux
en avant par suite de l'inscription intégrale de n'im-
porte quel timbre et de n'importe quel ensemble; mais
cette amélioration a permis, provoqué, nécessité le
perfectionnement des appareils eux-mêmes. Ceux-ci
sont capables de restituer presque toute l'étendue de
l'échelle musicale; les timbres instrumentaux sont
toujours reconnaissantes, et l'équilibre orchestral
exactement réalisé
Le disque.devient, de ce fait, un instrument d'édu-
cation de premier ordre au point de vue musical :
son répertoire s'est d'ailleurs accru au cours de ces
dernières années d'un nombre considérable d'œuvres
de grande classe, dont certaines, rarement exécutées
dans les concerts, deviennent familières grâce au
phonographe.
On peut souhaiter quelques prochaines améliora-
tions : le disque courant de 30 centimètres vendu au
public de 25 à 48 francs, ne dure guère que quatre
minutes par face. Il est sans doute possible d'aug-
menter cette durée, ce qui éviterait certaines cou-
pures parfois malheureuses.
On peut espérer que le rendement de l'intensité
("73 °/0 environ) s'élèvera, et que s'atténuera le coeffi-
cient qui affecte les timbres; ceux-ci se rapprochent
déjà de la réalité.
Déjà aussi, on utilise certains dérivés du phono-
graphe : l'électrophone, qui exploite le disque au
moyen d'un microphone magnétique et d'un dispositif
d'amplification; le film parlant ou sonore, fondé sur
l'application de variations lumineuses résultant de
vibrations sonores; le lil d'acier parlant, plus simple
encore et seulement réalisé au laboratoire, etc.
Chaque jour, la fusion de la musique et de la
mécanique devient plus étroite; de même qu'on écrit
de la musique pour le cinématographe, on com-
mence à en composer pour le phonographe; il n'y a
pas de doute qu'on s'oriente vers de nouvelles tech-
niques, et il serait absurde de s'y opposer. D'ailleurs,
les préventions tombent peu à peu; le nombre con-
sidérable d'appareils et de disques absorbés chaque
jour par la clientèle mondiale prouve surabondam-
ment et de façon concrète son besoin croissant d'au-
dition musicale, et révèle, par l'exigence des acheteurs,
une élévation progressive du niveau artistique.
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A. Cœuroy et G. Clarence. — Le Phonographe (1929).
Communications et enquêtes personnelles.
A. MACIIABEY.
L'ÉLECTRICITÉ AU SERVICE DE LA MUSIQUE
Par M. Maurice MARTENOT
g: Quand on entreprend de quitter les chemins batlus
pour se lancer dans le vaste inconnu des recherches
nouvelles, il ne manque jamais d'esprits conserva-
teurs, ou par trop enclins à la routine, pour refré-
ner notre enthousiasme et s'écrier : « Des instru-
ments nouveaux! à quoi bon? N'avons-nous pas
toute une pléiade d'instruments ayant déjà l'ait leurs
preuves? »
Oui, certes, il ne s'agit pas de contester la valeur
artistique et Futilité de nos instruments tradition-
nels, et il s'agit encore moins d'envisager leur
prompt remplacement par des instruments non veaux.
Quand Christophe Colomb s'élança à la recherche
d'un nouveau continent, ce ne lut jamais avec l'in-
tention d'abandonner l'Ancien .Monde, mais au con-
traire en vue de l'enrichir.
Pourquoi ne pas admettre qu'une évolution de la
facture instrumentale est chose possible; disons
même plus : inévitable. Aussi conservateur que soit
l'esprit, l'évolution scientilique en a toujours raison.
Qui donc se refuserait de nos jouis à prendre les
confortables trains rapides pour monter en dili-
gence? Qui donc accepterait de s'éclairer à l'huile
ou de moucher une chandelle quand l'électricité est
si facilement à notre portée? Et pourtant, depuis cet
âge, qui dans l'esprit de nos petits-enfants se con-
fondra peut-être avec la préhistoire, quel progrès a-
t-on fait dans le domaine instrumental? A peu près
rien; le piano et l'orgue se sont perfectionnés et
l'on a légèrement amélioré la fabrication des instru-
ments à vent.
On ne peut cependant nier l'influence du matériel
instrumental sur l'évolution de la musique. De nou-
veaux moyens d'expression permettent la conception
de formes musicales nouvelles, et l'apparition d'ins-
truments aux sonorités neuves, aux possibilités plus
étendues, ne peut que stimuler la pensée des com-
positeurs en leur ouvrant des voies jusque-là
insoupçonnées.
C'est ainsi que la Science et l'Art poursuivent
leur marche, la science donnant à l'artiste des
moyens nouveaux et plus complets pour l'aider à
transmettre ses émotions.
La belle période de romantisme, qui a valu les
pages de Mendelssohn, Chopin, Schumann, etc., n'a-
t-elle pas coïncidé avec l'avènement du piano! On se
représente d'ailleurs difficilement comment le clave-
cin eût été capable d'inciter l'artiste à élaborer de
telles œuvres.
Rien de plus normal qu'en notre siècle, où l'élec-
tricité tient une telle place dans le progrès scienti-
fique, ce soit elle qui ouvre de nouveaux horizons à
la musique. L'extrême rapidité de son courant, la
facilité avec laquelle on peut faire varier la forme,
la fréquence ou l'amplitude de sa vibration en font
un élément souple et fidèle répondant instantané-
ment aux impulsions qu'on lui communique.
Sans entrer dans des détails par trop techniques,
nous nous efforcerons de faire saisir les divers
principes qui ont été appliqués dans la création de
nouveaux instruments de musique, en commençant
tout d'abord par ceux utilisant les lampes radio-
électriques comme source de vibrations.
Pour tous ceux qui ne sont pas initiés aux soi-
disant mystères de la radio, il semble vraiment
étrange que l'on puisse produire des sons à l'aide
de lampes. Pour comprendre le rôle joué par la
lampe à trois électrodes, il est possible d'emprunter
quelques comparaisons à l'acoustique. On sait que,
dans la plupart des instruments à vent (l'orgue en
particulier), la vibration est produite par une anche,
sorte de petite languette de bois ou de métal qui se
met à vibrer sous l'impulsion d'un courant d'air.
Dans l'orgue, chaque anche donne une vibration
déterminée, il en faut donc une par note. Dans la
clarinette, par exemple, la même anche serl poui
toutes les notes.
Or, dans l'instrument radio-électrique, le rôle de
la lampe a trois électrodes associée à des montages
électriques, dits « circuits oscillants », est absolu-
ment le même que celui de ranch'1 dans l'instru-
menta vent. Au lieu d'être mise en jeu par le souf-
lle de l'exécutant ou par la soufflerie de l'orgue,
celte anche d'un nouveau genre est mise en action
par un courant électrique provenant d'une source
quelconque : piles, accumulateurs ou courant du
secteur. Parmi les innombrables particularités de
cette nouvelle source de vibrations, nous citerons
tout d'abord celle qui la différencie le plus de uns
instruments traditionnels.
La vibration créée par la lampe est absolument
inaudible : non pas qu'elle soit trop faible pour être
perçue par nos oreilles, niais simplement parce
qu'elle se produit dans un domaine inaccessible à
nos sens, ou du moins à l'ouïe et à la vue. (On pour-
rait, à la rigueur, la percevoir par le toucher.) Il en
est ainsi comme de la vibration électrique qui, le
long des fils téléphoniques, porte noire voix à dis-
tance. Charmante illusion des enfants écoutant à la
campagne la chanson du vent près des poteaux télé-
graphiques, et croyant percevoir des bribes de con-
versation. Non, les fils sont muets, et la vibration
électrique reste par elle-même imperceptible.
Quelle chose étrange, un instrument qui produit
une musique que l'on n'entend pas! Une lampe qui
chante... silencieusement...
Cette vibration électrique, on peut la transformer
en vibration acoustique, ce qui revient à transposer
TECHX1QUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L ÉLECTRICITÉ A LA MUSIQUE 3897
une force électrique en force mécanique. En ell'et,
laissons ce courant vibré traverser un électro-
aimant, il modifiera périodiquement l'intensité du
champ magnétique, et si nous plaçons devant les
pôles de cet aimant, par exemple, une plaque métal-
lique, celle-ci sera animée d'un mouvement vibra-
toire dont la vitesse correspondra exactement à celle
de l'oscillation électrique. Les vibrations de la pla-
que ébranleront naturellement les molécules de l'air
et enfin notre tympan. Cette transposition électro-
acoustique n'est d'ailleurs pas nouvelle, puisque le
téléphone l'a toujours utilisée.
Nous résumerons donc les éléments essentiels
d'un instrument radio-électrique comme suit : la
lampe et son circuit oscillant, sorte d'anche silen-
cieuse, les piles ou accumulateurs fournissant l'éner-
gie nécessaire à la vibration et remplaçant le souflle.
Enfin, l'écouteur téléphonique ou ses dérivés : haut
parleur et diffuseur qui transforment la vibration
électrique silencieuse en vibration sonore. Un tel
ensemble est doue capable de fournir par lui-même
« du son », si j'ose m'exprimer ainsi; j'enlends qu'il
produit en quelque sorte une matière première qui
n'attend qu'à être modelée par le jeu de l'exécutant
pour devenir musique.
Nous rencontrons alors la partie la plus impor-
tante de cette nouvelle facture instrumentale, car
c'est ici que nous devons adjoindre au problème
scientifique toutes les questions d'ordre artistique.
En elfet, suivant les moyens employés, ou bien
l'exécutant aura sous la main un instrument ruili-
mentaire, dont le maniement sera incompatible avec
les nécessités physiologiques et musicales, ou bien il
disposera d'un instrument sensible, capable d'être
joué avec le minimum d'effort et susceptible de;répon-
dre avec fidélité aux impulsions les plus subtiles.
On sait que les éléments expressifs de la musique
se résument en trois po'nts essentiels : variations
de hauteur, d'intensité et de timbre du son. Sans
entrer dans des détails techniques, nous examinerons
donc les différentes solutions apportées jusqu'à ce
jour pour résoudre chacun de ces points.
La hauteur du son dépend de la rapidité avec
laquelle les vibrations se succèdent dans le circuit
oscillant. Pour reprendre notre première comparai-
son , si la lamelle vibrante de l'anche est petite et
légère, les vibrations seront rapides, et l'on obtien-
dra des sons aigus; si au contraire elle est longue
et relativement lourde, l'inertie s'opposera à une
vibration rapide, les sons seront plus graves. Trans-
posé dans le domaine électrique, le phénomène est
identique. En modifiant la valeur des éléments qui
composent le circuit oscillant, à savoir : self, capa-
cité, ou résistance, on modifie la fréquence des
oscillations et par conséquent la hauteur des sons.
Naturellement, on a tout de suite pensé à se servir
de touches analogues à celles du piano, lesquelles,
en établissant des contacts électriques, permettaient
de mettre en jeu ou de retrancher certains éléments
des circuits oscillants. Deux dispositifs ont alors été
imaginés: l'un ne disposantque d'une source unique
de vibrations et ne donnant ainsi qu'un son à la fois
(davier monodique), l'autre permettant de jouer
les accords en utilisant autant de sources de vibra-
tions que de notes (clavier harmonique).
Seulement, on se heurta à certaines difficultés
de réalisation, et jusqu'ici, les instruments basés sur
ces principes n'ont pas apporté de ressources artis-
tiques assez probantes pour que l'on s'y intéresse.
Au lieu de s'attacher à créer des instruments à
louches et par conséquent à sons fixes, d'autres
chercheurs se sont appliqués à trouver des instru-
ments assez sensibles pour pouvoir, comme la voix
et les instruments à cordes, glisser d'un son à l'au-
tre ou rendre celui-ci plus expressif par le vibrato.
C'est ainsi que divers instruments ont fait leur
apparition, tout d'abord l'instrument à antenne qui,
bien que ne produisant qu'un son à la fois, dispose
de deux sources de vibrations, « Méthode d'inter-
férences », dont la particularité est de permettre de
grandes variations de hauteur des sons en modi-
fiant seulement de façon infime les constantes d'un
circuit oscillant. En ce cas, l'instrument est à tel
point sensible qu'il devient possible de le jouer sans
contact direct, mais simplement en approchant ou
en éloignant la main d'une antenne, ou plus exacte-
ment d'une tige métallique, d'environ cinquante
centimètres de haut, reliée en un point convenable
(grille ou plaque) du circuit oscillant. Pour tous
ceux qui sont familiarisés avec les appareils de radio
et en particulier avec les ondes courtes, ce procédé
n'a rien de mystérieux.
Celte réalisation, qui offre pour l'exécutant l'avan-
tage d'une extrême liberté de geste, demande par
contre une sensibilité musculaire et auditive telle
qu'il esl extrêmement difficile, sinon impossible,
de jouer juste. La main doit, en elfet, se déplacer
rapidement d'une note à l'autre et sans au
de repère, situer dans l'espace sa position à un mil-
limètre près!
D'autres inventeurs ont trouvé des solutions plus
simples en fixant à un condensateur de type courant
nue manette de commande qui, en décrivant un aie
de cercle, se déplace sur des points de repère indi-
quant la position de chaque note.
Mes recherches m'ont amené à étudier un instru-
ment répondant aux exigences artistiques de l'exécu-
tion, sans rien sacrifier des qualités sonores appor-
tées par l'électricité. Pour arriver à ce résultat, il
fallut tout d'abord obtenir un instrument dont la
variation île hauteur des sons suivit une loi rigou-
reusement constante, de façon que, pour un 111-111'
déplacement de la main, on obtint un même inter-
valle musical, et ceci sur toute l'étendue de l'échelle
sonore. Le problème a été résolu en se servant
d'une source de vibration constituée par deux sys-
tèmes oscillants de hautes fréquences (environ
400.000 périodes à la seconde', dont on faitjinterférer
les oscillations. Comme, en ce cas, il suffit d'une
très faible variation de capacité pour faire varier la
fréquence dans de larges proportions, il a été pos-
sible d'employer un condensateur de forme tout à
fait particulière dont l'extrême légèreté permet la
reproduction parfaite des gestes les plus rapides.
L'armature mobile de ce nouveau condensateur est
constituée par un tîl mi-isolant, mi-conducteur, se
déplaçant devant une série de vis formant l'autre
armature.
L'exécutant a la faculté de jouer cet instrument
de deux façons différentes. — Se tenant debout à
une certaine distance de l'instrument, qui affecte la
forme d'un petit clavicorde, il maintient dans la
main droite le fil formant condensateur; avec une
grande aisance, les moindres gestes de la main se
transmettent au fil et se traduisent instantanément
en variations de hauteur du son. C'est ainsi que l'on
a l'impression de modeler dans l'espace les plus fins
contours d'une ligne mélodique en imprimant au
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUS10VE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
son le vibrato et les indexions les plus personnelles.
D'autre part, pour faciliter l'exécution, ce fil est
relié à un index se déplaçant au-dessus d'un clavier
fictif de 7 octaves et indiquant avec précision la
position de la main. — L'autre forme de jeu, peut-
être moins esthétique, mais en tous cas plus ration-
nelle, consiste à jouer directement au clavier. Après
s'être assis devant l'instrument et après avoir placé
l'index de la main droite dans une bague reliée au
fil, il suffit de poser ce doigl sur une note quelcon-
que pour obtenir le son désiré. Comme dans l'autre
cas, le vibrato reste essentiellement personnel ainsi
que les « glissandos », qui peuvent être exécutés avec
les variétés expressives les plus diverses.
Etant donné la continuité absolue de la courbe
sonore sur l'échelle totale, les plus fines fluctuations
au quart, huitième ou seizième de ton sont parfai-
tement réalisables.
La faculté de nuancer le son est obtenue à l'aide
d'un petit levier mis en jeu par l'index de la main
gauche; il actionne une résistance spéciale, qui,
intercalée dans le circuit du haut parleur, permet
d'obtenir une graduation des sons en rapport direct
avec la pression exercée par le doigt. Le geste et
l'effort étant réduits au strict minimum, on peut,
avec une extrême facilité, passer du son le plus
délicat au « forte » le plus puissant. Mais là ne
s'arrêtent pas les possibilités mises instantanément
à la portée de l'exécutant : ce même levier permet
toutes les variétés dans le caractère d'émission des
sons (différents genres de détachés, de staccato,
de legato avec ou sans ports de voix, de percussions
et même de sons rappelant les cordes frappées).
Enfin, l'interprète peut à son gré modifier le tim-
bre du son à l'aide de boulons agissant comme des
registres d'orgue, ces commutateurs mettant en
jeu des circuits qui absorbent plus ou moins les
harmoniques du son fondamental1.
!l existe aussi une autre catégorie d'instraments
électriques, dont la source de vibration n'est pas
constituée par des lampes à trois électrodes el leurs
circuits oscillants, niais par des moyens mécaniques.
On peut, en ellet, produire une vibration électrique
à l'aide d'alternateurs. De multiples formes de rén-
lisation ont été envisagées. < m construisit même à
New-York, vers 1900, un orgue électrique basé sur
ee principe ; mais, comme à cette époque les procédés
d'amplification par lampes étaient inconnus, les
alternateurs employés furent des plus encombrants,
et l'énorme machinerie mise en jeu n'était évidem-
ment pas en rapport avec le résultat artistique.
Cette courageuse entreprise n'eut, pas de lendemain,
et c'est seulement une vingtaine d'années plus tard
que de nouveaux essais devaient être tentés.
La forme la plus simple des alternateurs employés
par quelques inventeurs, consiste en une roue den-
tée tournant devant un électro-aimant. Chaque fois
qu'une dent se présente dans le champ de l'électro-
aimant, elle produit une variation du courant induit;
on conçoit aisément que la fréquence du courant
électrique, et par cela même la hauteur du son, soit
relative au nombre de dents et à la vitesse impri-
mée à la roue.
De toute façon, l'orgue électrique basé sur les
alternateurs constitue on ensemble mécanique assez
encombrant, puisqu'il est nécessaire d'avoir à peu
près autant d'alternateurs que de notes. Actuelle-
ment, cette solution ne semble pas devoir apporter
des ressources artistiques suffisantes pour lui per-
mettre de rivaliser avec l'orgue classique.
D'autres moyens ont été encore appliqués à la
production du son par l'électricité. Leur originalité
vaut la oeine que nous en décrivions le principe. Non
contents de chercher à produire les sons par des
moyens électro-mécaniques, certains chercheurs y
ont adjoint un autre élément : la lumière.
On sait que le sélénium ou, mieux encore, les
cellules photo-électriques sont sensibles aux rayons
lumineux et que cette sensibilité se manifeste par
une plus ou moins grande conductibilité au passage
du courant électrique.
Par exemple, une cellule photo-électrique, inter-
calée dans un circuit approprié, s'opposera au pas-
sage du courant si elle est dans l'obscurité, au con-
traire, elle le favorisera si un rayon de lumière vient
à l'éclairer. Imaginons maintenant qu'un disque
perce de trous soit intercalé entre une source lumi-
neuse quelconque et la cellule photo-électrique; en
faisant tourner ce disque, la cellule passera alterna-
tivement par des périodes d'éclairement et d'ombre,
et ceci avec une fréquence qui dépendra de la vitesse
de rotation du disque et du nombre de trous. Encore
une fois, nous aurons fait naître des vibrations élec-
triques qu'il suffira d'amplifier, puis de rendre
acoustiques à l'aide d'un diffuseur. L'application de
ce principe est évidemment beaucoup plus compli-
quée qu'on ne se l'imagine, d'autant plus qu'elle se
prête à des combinaisons mécaniques optiques et
électriques extrêmement variées. Jusqu'à preuve du
contraire, il semble que la complexité de cette for-
mule soit une sérieuse entrave à sa réalisation vrai-
ment artistique, mais, dans cette voie comme dans
les précédentes, on ne peut augurer de l'avenir, et
c'est i :isément ce qui passionne les chercheurs.
Pour terminer cet aperçu sur les nouveaux ins-
truments, il convient de citer un autre|procédé dans
lequel l'électricité ne joue qu'un rôle secondaire.
Contrairement à ce qui a été décrit jusqu'ici, la
vibration est produite par des moyens usuels.
Une corde tendue est mise en vibration par un
archet sans fin, par exemple par un disque tournant
enduit de colophane. Au lieu d'être, comme sur le
violon ou sur le violoncelle, transmise à une caisse de
résonance, la vibration est transformée en vibration
électrique à l'aide d'un pick-up analogue a ceux
utilisés dans le phonographe électrique, puis, après
amplification, elle redevient acoustique par l'inter-
médiaire du diffuseur; les différentes hauteurs de
sons s'obtiennent en raccourcissant la corde à l'aide
de doigts artificiels commandés par des touches.
Il existe évidemment beaucoup d'autres tentatives;
mais étant donné leur rapport plus ou moins direct
avec les instruments précédemment décrits, nous
avons pensé que cet aperçu suffirait pour donner au
lecteur une idée exacte de la constitution de cette
nouvelle famille d'instruments.
Au point de vue artistique, les éléments expressifs
nouveaux apportés par ces instruments sont déjà
du plus haut intérêt el semblent augurer d'un avenir
plus riche encore. Dans cet exposé déjà Irop étendu,
nous ne pouvons décrire en détail toutes les parti-
cularités el avantages artistiques obtenus jusqu'à
ce jour; nous nous contenterons donc de mettre en
valeur quelques considérations essentielles concer-
nant l'avenir de ces instruments.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
L'ÉLECTRICITÉ A LA MUSIQUE 3899
Pour mener à bien l'évolution des instruments de
musique électriques, il importe que tous ceux qui
travaillent dans cette voie ne s'en tiennent pas aux
•seules connaissances scientifiques touchant leur
partie, mais qu'au contraire, ils se pénètrent profon-
dément de toutes les connaissances que notre siècle
a mises en lumière en ce qui concerne la physiologie,
la psychologie, le rôle du geste dans l'expression
musicale.
Il faut s'appliquer à réduire les moyens mis en
œuvre, car tout ce qui s'interpose entre la pensée
de l'exécutant et le résultai sonore masque et entrave
la personualité de l'interprète. Nous estimons que
tout instrument nécessitant pour être joué un grand
effort de la part de l'exécutant, nuit à la libre expres-
sion de sa pensée, et qu'au contraire la réduction de
l'effort physique et la simplicité des moyens techni-
ques permettent une interprétation infiniment supé-
rieure. En outre, puisqu'il est possible de créer la
vibration électrique indépendamment de tout effort
de la part de l'exécutant; on arrive à une simplifica-
tion considérable de la technique instrumentale.
C'est . d'ailleurs, ce qui a guidé mes recherches, et
l'instrument que j'ai pu réaliser en esl une image
concrète. Il olfre, en effet , la particularité de se jouer
avec une extrême facilité, le résultat artistique de
trois mois d'étude étant en général supéi iei
que l'on aurait péniblement acquis eu trois ou
quatre ans avec le violon, le violoncelle, la flûte, etc.
On objectera peut-être que cela importe peu, puis-
que la science nous a déjà dotés d'appareils repro-
duisant la musique avec des qualités artistiques
indéniables. Certes, mais quelle différenc
satisfaction que l'on a d'écouter la musique et celle
que l'on éprouve à pouvoir en faire soi-même! Sup-
posez qu'il soit possible, en un vaste référendum, de
poser la question suivante à la plupart des person-
nes musiciennes de nature, mais n'ayant, pas le
temps de cultiver la technique d'un instrument :
« Auriez vous plus de satisfaction à écouler une
œuvre importante interprétée de façon impeccable
qu'à jouer vous-même et sans doute moins bien une
œuvre de moindre importance !
A mon sens, et puisqu'il m'a été permis de poser
cette question un certain nombre de fois, les répon-
ses sont catégoriques. Même si l'on se rend compte
de ses imperfections, on aime mieux jouer soi-même
une courte mélodie que d'entendre passivement une
belle symphonie.
Pratiquement, cette question ne se pose pas, puis-
que heureusement l'un n'exclul pas l'autre. En tous
cas, nous devons reconnaître que, si ces nouveaux-
instruments apportent à l'art des possibilités nouvel-
les incontestables, qui à elles seules justifient la
place qu'ils tendent à prendre à côté des instruments
traditionnels, ils apporlenl aussi des qualités d'or-
dre pratique inflnimenl pré» ieuses à notre époque.
lu diminuant lesheures de travail technique, digital
et musculaire, on permi l à l'artiste de cultiver et. de
perfectionner ses connaissances -■'■m'i aies, et c'est
autant de gagné au profit d'un travail purement
artistique.
En ces jouis où l'homme tendàfournir une somme
de travail de [dus en plus considérable, il est conso-
lant de reconnaître qne la Science peut, même dans
i intribution àl'éco-
iffort.
Maurice MARTENOT.
LA NOTATION MUSICALE AUTONOME
DE JEAN HAUTSTONT
On a vu dans l'article : Originel de la Notation
musicale moderne (2e Partie de V Encyclopédie, l. I,
p. 404) que divers systèmes de notation avaient été
imaginés à l'effet de restreindre le nombre des signes
employés et de faciliter ainsi l'écriture et la lecture
de la musique.
C'est à ce but que tend la Xotation musicale auto-
nome de Jean Hautstont, qui fut publiée à Paris en
1907'. Voici en quels termes l'auteur expose l'utilité
de son système :
« Une recherche constante de l'esprit vers une
conception précise du graphique des sons se remar-
que dès les origines les plus lointaines.
o Celte tendance, guidée inconsciemment par le
principe de l'économie des forces, n'a jamais pro-
duit cependant une forme graphique durable, et les
différents essais qui ont surjii, uniquement dans le
but de la simplification, ont vécu comme vivent les
tonnes biologiques non adaptables au milieu.
« L'histoire de la notation prouve que les diffé-
rentes écritures musicales, qui ont eu une durée
historique, ont été déterminées par le développe-
ment de l'art lui-même : c'est la nécessité qui a fait
naître l'organe.
« Cependant l'art et la notation n'ont pas toujours
évolué parallèlement.
« Parfois l'évolution de la musique devança de
plusieurs siècles le graphique propre à la repré ien-
ter,d'où l'origine de^ périodes de critique, de rec h d'-
elles et enfin de transformations2.
« Nous sommes à une semblable période résultant
du même phénomène : l'idée musicale, allant au delà
des limites du système des tonalités, ne trouve plus sa
/'orme graphigue adéquate. La musique contempo-
raine est par conséquent, dans sa plus haute expres-
sion, de moins en moins susceptible d'être écrite
conformément à l'orthographe de la notation diato-
nique.
« Cette évolution actuelle du sens esthétique des
sons répond au mouvement de la pensée et de la
science, par la négation de l'esprit systématique.
« C'est le développement cérébral pressentant la
synthèse. »
Il conclut en disant que la Notation autonome se
conforme à l'évolution du graphique des sons,
comme à elle de l'art. Basée uniquement sur la
classification des sons d'après le nombre de leurs
vibrations, elle repose sur les principes suivants :
1° La lecture musicale doit être une opération
visuelle et non une opération mentale;
2° La lecture musicale doit être assez simple pour
être rapidement comprise par toutes les intelligences
et n'exiger, pour être apprise, qu'un minimum d'ef-
forts;
3° La notation doit être en rapport avec le déve-
loppement de l'art musical.
Complètement indépendante «lu système tonal,
cette notation admet le mécanisme indiqué dans le
tableau ci-après :
réalité ,
( do
ré
i fa
sol 1
3 S
i do
'!,'!•' ur- '
'bJJ^Jfl
' 1 '
'. ! '.
i
H
' )'
NOTATION AQT0N0.Ï1E
12 positions rie notes représi
•'■'•-• désignés par 12 noms.
• ' positions ,lc notes reslonl
t P'M-mrtlei.
riables
s»ns mus
l>ii>iiisons
On voit que l'octave, divisée chromatiquement et
selon le tempérament égal, comprend 12 sons diffé-
1. Notation musii
municipale Estiennc
<p].'li]ue* lignes et .1
— » • ™ iiiutivomontpar J.
Bien, «rsm0(<
uier bien (em/i.'iv
rents dont chacun reçoil un signe spécial qui reste
invariable quelle que soit l'octave. Oc plus, les clefs
J. I.'eicès du nonilirr .1 signes et celui «1rs tiilïicultrs i|im semblent
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
NOTATION MUSICALE AUTONOME 3901
sont supprimées ainsi que tous les signes d'altéra-
ration, dièses et bémols. L'ensemble des sons se ré-
partit en une série de 8 octaves, chaque série étant
désignée su
manière sui
Position des Indices
la portée par un chiffre indice, de la
k y k
CliiiTres qui indiquent la haute
chaque octave
Le chiffre romain V marque l'octave des sons I opposition à celui de la portée tonale, il se conforme
moyens. Quant au dispositif adopté parla portée par | au tableau que nous donnons ici :
Notation diatonique.
La portée tonale, complète en onze lignes, esl
basée sur les trois sons fondamentaux du sys-
tème diatonique; elle indique seulement le rnp
norl des unités entre elles.
I •> 1
Cidle disposition des ligues, conforme à l'échelle
des son- en usage depuis la dernière partie du
moyen âge Jusqu'à J.-S. Bach (avec en plus
deux lignes additionnelles en bas et deux en
haut), ne permet plus d'écrire régulièrement
toute l'échelle eonlempoiano'.
Notation autonome.
La portée atonale, complète eu six Hunes, est ba-
sée sur les douze sons fondamentaux de l'ordre
chromatique ; elle indique le rapport des unités
entre elles au moyen des Irois lignes, et le rap-
port des séries de douze sons entre elles au
moyen de douze sons.
Celle disposition des
blement toute l'étei
contemporaine.
Aux lignes additionnelles non méthodiques de la I la place des notes et enlèvent toute incertitude à la
notation ordinaire, la notation autonome substitue lecture, cequi n'est pas lecas avec la disposition uni-
des lignes additionnelles méthodiques qui précisent | forme des lignes additionnelles dans la portée tonale :
LIGNES ADDITIONNELLES
LIGNES ADDITIONNELLES
MÉTHODIQUES
Les figures des notes et des silences sont ainsi représentées :
Figures de notes et de pauses (silences)
Noms Quadruple Double _ Unité
7
Noies
Pauses o
Valeurs 4 2 1 i
Suivies dunpoint les notes et lespauses „
Demi Quart
1 \
y 7
Huitiëm
•v
1
représentent J
en plus de leur valeur
:lniOU^.= 7yr
alors que les indications de mesure et les signes relatifs à l'intensité du son se conforment aux dispo-
sitions qui suivent :
Indications de mesure
2- 3- 4. 2- 3-
t^
2 temps. 5 temps
£ temps. 3 temps.
Signes indiquant l'intensité du son
J intensité neutre
f> faille P très faible $ excessivement faiblr
S fort j£ tré% fort xf excessivementfort
ENCFCLOPÉ&IE DE LA MfSHjUE ET DICTIONNAIRE l>V CONSEHVATOIRE
Nous donnons enlin un exemple de transcription i moderne, que nous empruntons à la Notice Msto
en notation autonome d'un fragment de musique I rique publiée à Bruxelles1.
I. La Notation musieah autonome, Notù
de texte et deux lnlil.-.ui
■,!■■ Iluv-I cl,, l;ru\elle<. .'c l"1"'ll:' "°"s i-nipruiitun
DEUXIÈME PARTIE
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE, PÉDAGOGIE
TABLE DES MATIERES
VOLUME I
TENDANCES DE LA MUSIQUE
Les tendances de la Musique en Allemagne et
en Autriche depuis la mort de Wagner,
par \V. Ritteb I
Introduction 1
A. Bruckner 5
.1. Brahms 10
R. Strauss 14
G. Mailler 18
II. Wolf 20
M. Reger 21
II. Pfitzner ". 24
M. Schillings 26
U.Zilcher 26
B. Szekles 26
W. Braunfels 26
E. Bœhe 26
R. Louis 26
(1. von RheinliiTi:er 20
J.-J. Ralî 26
S. von Hausseger 26
M. Ileuberger 27
W.Kienzl 27
B. Humperdink 27
Ig. Brull 27
B. Wallbrunn *7
E. d'Albert 27
S. Wagner 27
Le P. Hartmann 27
A. Schœnberg 27
A. Berg 29
A. von Webern 29
B. Bartok 29
P. von Klenau 29
F. von Weingartner 30
Fr. Schreker 30
P. Graener 31
J. Bittner 32
J. Marx 32
Fr. Schmidt 32
II. Noetzel 32
R. Siegel 32
II. Gai 32
Al. von Zrmlinsky 32
E. W. Komgold. 32
Les tendances de la Musique en Tchécoslo-
vaquie depuis la mort de Smetana, par
W. RlTTER 33
Introduction 33
Dvorak 34
Z.Fibich 35
J.-B. Foerster 25
V. Novak 35
V. Stepan 39
J. Suk 39
Piges
V. Blodek 42
.1. B. Rozkosnv 42
K. Kovarovic 42
O. Ostrcil. 42
E. M. Rutte 42
L Janacek — 43
Prochazka 46
Marsik 46
O. Zich 46
.1. Krieka 47
B. Vomacka 47
;.. Vycpalek. 47
V. Petrzelka 47
K. B. Jirak 47
La Musique anglaise d'Aujourd'hui, par M. I>.
Cm vocoressi 51
Introduction 51
Ch. II. il. Parry 52
Ch. V. Stanford 52
Fr. II. Gowen . 52
Al. C. Mackenzie 52
Ed. W. Elgar 52
i ir. Bantock 53
W. Wallace 53
Et. M. Sinylh 53
IV Deltas 53
.1. III. Me. Ewen 53
G. Hols! 53
II. V.Williams 54
\. Bax 54
.1. Ireland 54
Fr. Bridge 54
Cyr. Scotl 54
.1. Holbrooke 54
B. i lardiner 54
bton 54
Y. Bowen 54
B. J. Dale 54
N. O'Neill 54
E. I loossens 54
Lord Berners 50
Ar. Bliss 55
Les tendances de la Musique moderne fran-
çaise, par Ch. Kœchlin 56
Avant-propos 56
es et évolution de la musique nouvelle.. 57
I. Harmonies 71
Lenormand. d'Indy, Faun
1) Quintes sucessives 72
Gounod, L. Delibes, Lalo, Bruneau, Cha-
brier, Kœchlin.
2) Divers enchaînements parallèles 78
Gounod, Debussy, Kœchlin,Franck,(
Ravel, E. Satie, Fauré, L. Moréau, Saint-Saëns.
3). Accords ou procèdes Debussystes 86
Debussy. Bizet, Kœchlin, L. Delibes, d'Indy,
E. Chausson, Guy Ropartz, Erlanger.
H LE DES M ATI EUE
\ Modes grecs
Gounod, Saint-Saëns, Debussy, Kœchiin.J.
Huré, Fauré. Ravel, Darius Milhaud, Chabrîer,
Massenet, Duparc, E. Chausson.
51 Exotisme
F. David, A. Messager, Bourgault-Ducou-
dray, M. '•! M"" d'Harcourt, Gounod, Bizet,
Saint-Saëns, Fauré, Rabaud, Ravel, Chabrier,
Lenormand, Max d'Ollone, H. Manuel, Kœch-
lin.
6) Accords sur tonique H li;irmoniessur pédales.
Gounod, L. Delibes, Debussy, Bruneau, E.
Chausson, Kœchlin, Darius Milhaud.
7) Résolutions exceptionnelles, harmonies diver-
•I-, F.
Del
8)Déi
Chabrier, Chausson,
, P. Dukas.
iaëns. Fauré. Koehlin, Bizet,
Ravel, Lalo, Debussy, Cha-
133
9) Nouvelles formation, d'accords 1"
Gounod, Ravel, Kœchlin, L. Delibes, Fauré,
F. Berthet' V. d'Indy, Lili Boulanger, Bruneau,
1). Milhaud, Honegger. Auric, Poulenc, Franck,
Debussy, Ravel.
II. Contrepoint 12°
Fauré, d'Indy, Ravel, Gédalge. Babaud. D.
Milhaud.
III. Modulations 121
Franck, Fauré, Debussy.
IV. Rythmes i21
V. d'Indy, E. Salie.
V. Développement 121
Gédalge, Franck, Debuss; . Salie, Ravi 1.
Les genres 122
1). Le théâtre 1 —
V. d'Indy, M. d'Ollone, Rabaud, Debussy,
Bizet, Delibes, Chabrier, Bruneau, Charpentier,
X. Leroux, Marly, 1'. Vidal, G. Pierné, Rey-
naldo Hahn, Levadé, H. Février, S. Rousseau,
Erlanger, P. et L. Hillemacher, Le Borne,
A. Savard, G. Hue, G. Dupont, A. Bachelet,
L. Aubert, Guy Ropartz, Dukas, D. de Séverac,
C. Franck.P.de Bréville, E. Chausson, Ravel,
Fauré, Saint-Saëns, D. Milhaud.
2). La symphonie 127
C. Franck. Saint-Saëns. A. Roussel, Kcechlin,
V. d'Indy, Rabaud, A. Magnard, Gédalge, E.
Chausson, Guy Ropartz, Witkowski, M. Labey,
Ladmirault, P. de Bréville, G. Pierné, Debussy,
Ravel, Fauré, M. Emmanuel. Le Flem, Florent
Schmitt, Roger Ducasse, Kœchlin, A. Caplet,
.1. Huré, Roland Manuel, Honegger, D. Mil-
haud, G. Migot; F. Poulenc.
3). Poèmes symphoniques 129
Duparc, V. d'Indy, A. Magnard, Rabaud,
Debussy, Ravel, FI. Schmitt.
4). Ballets symphoniques 12'.'
Ravel,' FI. Schmitt, A, Roussel. Inghelhi'ecbl.
D. Milhaud, P. Martineau, Ch. K hlin, Bru-
neau, Debussy, Pierné, A. Magnard, E. P.oyer.
M. Delage, Fr. Poulenc.
5 . i Euvres de piano 131
P. Dukas, V. d'Indy, D. Milhaud, Ravel, J.
Duré, P. Martineau, Ch. Kœchlin, Roussel,
D. de Séverac, Debussy, Poulenc, Honegger,
Fr. Berthet, G. Fauré.
<>). Les mélodies 131
Gounod, C. Franck, A. de Caslillon, Ma-
gnard, Chausson, Chabrier, Debussy, n. Du-
parc, A. Roussel, Ravel, Fr. Berthet, G. Fauré,
Debussv, D. Milhaud, Saint-Saëns, E. Salie.
Bourgault-Ducoudray, V. d'Indy, Ch. Bor-
des, Ravel, Ladmirault, Kœchlin, Moullé, Pé-
rilhou.Huré, Le Fleui.E. Yuillermoz, M. Em-
manuel, P. Martineau, G. Pjerné.ïnghelbrecht,
J. Tiersol, Lalo, Paladilhe, Bizel, Bruneau, F.
Casadesus, Magnard, P. Dupin.
S). Art religieux 135
M"e c. Boulay, ïournemire. Guy Ropartz;
Ch. Bordes, C. Benoit, J. Huré, Fr. Berthet. Lili
Boulanger, Max d'Ollone. V. d'Indy, Fauré,
Magnard. Debussy, FI. Schmitt, Babaud.
9). La musique comique 135
Auber, Adam, V. Massé, Bizel, Olîenbach,
R. Pugno, A. Messager, Ch. Lecocq, L. Ganne,
G. Pierné, 11. Rabaud, Berlioz, Chabrier, Ra-
vel, E. Satie, Debussy, D. Milhaud, G. Char-
pentier.
10). Musique chorale 138
Fl.Schmilt,A.Roussel,Tourhemire,J.Huré,
B. Ducasse, G. Fauré, Ch. Kœchlin, Debussy,
M. Ravel. Inghelbrecht, R. Manuel, Lili Bou-
langer, Ladmirault.
Conclusion 139
Quelques caractéristiques de la Musique ita-
lienne contemporaine, par Guido M. Gatti. 14tl
Considérations générales 1*6
lldebrando Pizzetti. G. Fr. Malipiero 151-157
Fr. Alfano 151-157
F. Busoni 155
R. Zandonai 156
V. de Sabala, D. Alaleona. VVolf- Ferrari. Et.
Montemezzi, B. Pick-Mangiagalli, M. Cas-
telnuovo-Tedesco, Ot Respighi 156-157
L. Torchi, O. Chilesolti, F. Torrefranca, G. Bas-
liauelli, L. Parigi, G. Barini, A. Bonavenlura,
A. Camelli, A. "délia Corte, G. Cesari, G. Ra-
diciotli, Fr. Vatielli, L. Torri, Al. Toni 157
V. Tommasini 157
V. Davico 157
Al. Casella 157
L. Perrachio. . 157
F. Liulzi 158
V. Gui, A. Gas :o, 1' C ipp il i, Fr. Santoliquido,
A. Zanella, M. Agostini, R. Bossi 158
Les courants de la musique russe contempo-
raine, par André Schaeffner et Bonis de
SCHLŒSER 159
Considérations générales 159
Igor Slrawinsky 161
Alex. Scriabine 167
Serge Prokofiefî 171
Nie. Oboukhoff 171
Appendice. César Franck (1822-1890), par Pierre
de Bréville 176
Principes de la musique (Enti^etiens théoriques
développés), par Paul Rougnon 183
Avant-propos '83
1"' Entretien théorique. Noiious pivinninaives.
Le son. — Sons musicaux. — La musique. — L'é-
chelle musicale. - La théorie musicale 183
2 Entretien théorique.
L'intonation. — Signes d'écriture. — Notation
musicale. — La portée. — Les notes. —
Gamme. — Degrés 186
3' Entretien théorique.
Clés. - Voix 189
4' Entretien théorique.
Signes de durée «6
5- Entretien théorique.
Le rythme. - La mesure. - Le triolet. - Le
sextolel. - Le quarlolet. - Le contretemps. . 2.U
TABLE DES MATIÈRES
6" Entretien théorique.
Gamme diatonique, liamme chromatique. —
Signes d'altération. — Enharmonie. — Jus-
tesse absolue et tempérament. — Genres
7- Entretien théorique.
Intervalles (1) •
8l Entretien théorique.
La tonalité
9 Entretien théorique.
Le mode. — Caractère particulier à chaque ton
et à chaque mode
10° Entretien théorique.
Tons \oisins. — Tons éloignés. — Tons homo-
v IIII--
11' Entretien théorique
12e Entretien théorique.
Intervalles (Il . — Position de-, inten ailes dans
les deux modes. — Origine naturelle et forma-
tion des intervalles. — Fonction des intervalles
dans la gamme. — Caractères et propriétés es-
thétiques appartenant à chaque intervalle
13e Entretien théorique.
Affinité des sons et des tons. — Gamme chroma-
tique tonale
14e Entretien théorique
La transposition
15" Entretien théorique
La composition musicale ri l'exécution. — Le
caractère.'— La couleur. — Le style. — Mou-
vements. — Nuances. — Aceënluation.. .. .. .
16' Entretien théorique.
Ornements mélodiques
17'- Entretien théorique.
Abréviations. — Reprises. — Divers signes uti-
lisés dans l'écriture musicale
18<-' Entretien théorique.
Phraséologie. — Analogie entre le langage parlé
et le langage chanté
19 Entretien théorique.
Divisions de la musique
20 Entretien théorique.
Solfège. — Diclée musicale.
21 Entretien théorique.
Synthèse. - Epilogue
Origines de la notation musicale moderne
(Etude historique), par P. Rougnon
Con.-idéralions préliminaires
Notations alphabétique, grégorienne 364
Notation neumatique
Notation noire ou carrée
Notation blanche
Silences
Mesure
Portée et clés
Signes d'alléralioji
Origine du mot gammi el du nom des noies.
Muances, solmisation
Main harmonique
Notation par lettres. Tablature
Notation par chiffres ■
Acoustique musicale, par le professeur Gariel ....
I. Elude de la sensation sonore
II. De* vibrations
III. Propagation du mouvement vibratoire
IV. Relation entre les vibrations et les sensa-
tions sonores •. . ■
V. Les inslrumenls de musique
VI. Réllexion du -on el salles
Vil. Transmission du son a distance. Téléphone.
phonographe
Les Théories harmoniques, par L. Chevaillier.
I nlroduclion 519-
I. L'harmonie avant Rameau 520
1) Le moyen âge 526
Avant Hucbald, Ilucbald, G. de Ghalis 520, 521
Fraucon, J. de Garlande, M. de Padoue 522
Ouatorzième^et quinzième siècles 523, 527
Tinctoris ' 527
Gafori 527
2) La Renaissance 528
L'Ecole française, Monteverde, Marenzio 529
3) La théorie 530
Fogliani, Zarlino, Mersenne 531
4) Le basso continuo 533
Viadana ■ '■ '" '
Agazzari, G. Sabbatini, Gruger, N. F. Erhardt,
Ileinichen, Mattheson 534
Delair, Saint-Lambert, Campion, Boyvin, Mas-
son 534r535
II. Rameau 535
1) Les dissonances 537
2) Accords 538
III. Rameau et le dix-huitième siècle 540
1) Théories de la résonance 541
DAlembert 547
Serre 5''8
Tarlini 549
Blainville 551
Béthisy ['51
Bemetzrieder 552
2) Théories arithmétiques 553
Euler :,:': ;
Sorge 554
Ballière 555
Jamard, Mercadier de Balesta, Wogier . 556
3) Théories empiriques 556
Levens J50
Roussier M'
Lauglé 558
Marpurg, Daube ''■IÎ'
Schroeter, Kirnberger, Vallotti, Sabaltini 560
Fenaroli " ' '
G. Keller, Pepusch, J. F. Lampe, Geminiani,
Kollmann 561
IV. L'harmonie dans la première partie du dix-
neuvième siècle 562
1) Théories de la résonance • 562
Catel 562
De Momigny. More] • . • • 564
Derode 565
1 )e Blein 566
2) Le dogmatisme el les écoles d'Italie 566
Choron 566
Asioli. Reicha 568
2 /ils) Ecole française 568
Musard ' 56S
Dauvillier. Poisson, Colet, Concone 569
3) Les théories mélodiques 570
Chrétien, Geslin, Chevé 570
V. L'harmonie dans la deuxième moitié du dix-
neuvième siècle 572
1) Harmonie scolaslique 572
Boely, Guilaui 572
A. Savard 573
Bazin, Relier, Th. Dubois, Barbereau, E. Du-
rand, Bienaimé 574
Eslava, HaulT, Jadassohn, Hamilton, Ilugonnenc,
Clouzel, Lefèvre, Girard, Viallon, Rimsky-
Korsakoiï, Ratez. Wachs, Quilichini, Batt-
iiiann. Vallet , Valin . Delaporle , Petit-Jean,
Périneau, Adrien, Bourguignon, Potiron, Phi-
lipol, Messerer, A. Lavignac, P. Rougnon,
.1. Durand 575
2) Systèmes basés sur une série esthétique 575
a) Séries mélodiques 576
Deldevez, Baudrimont, deBertha, Helssengren. 576
245
TAULE DES MATIÈRE."
Ii) Séries harmoniques 577
Durutte, (luyot, Gevaerl 577
A. Vinée 579
c) Séries d'accords 581
( îarbet 581
Van der Helpen, E. Carie], Villermin 582
:>) Systèmes basés sur l'observation psycholo-
gique 582
a) Théories de l'attraction 583
A. Basevi 583
Loquin, Vivier 585
Le Dain, Reymond 586
h) Théories de la tonalité 586
Fétis 586
Barbereau 587
A. Marchand, Lassimone, Thielemans, B. Rahn,
D. Fleuret 588
c) Théories de la tonalité opérant sur la série
des harmoniques 588
H. Riemann, Helmholtz, von Ottingen, M. Ilanpt-
mann, K. Stumpf, V. d'Indy 589
Conclusion 589
Evolution de l'harmonie. Période contempo-
raine, par Ch. Kœchun 591
Considérations générales 591
I. Accords parfaits 592
Les modes grecs 595
II. Accords de septièmes : nouvelles façons de
les employer 602
III. Accords de neuvièmes, de onzièmes, de
treizièmes, etc 612
IV. Altérations, Chromatisme, Appogiatnres,
Harmonies diverses. Accords sur pédales,
Gammes diverses 619
V. Licences diverses 631
VI. L'écriture contrapunctique moderne 646
VII. Nouvelles conceptions au sujet des modu-
lations et. des cadences 659
VIII. Nouvelles formations d'aï rds. Evolutions
diverses d'accords un de moyens déjè
connus 680
IX. Nouvelles conceptions au sujel de la disso-
nance 688
X. PolytonaKté, Atonalité 696
XI. L'avenir 758
VOLUME
Physiologie de la voix, ses applications, par
Irc Partie Introduction à l'étude physiologique
des organes de la voix, appliquée à l'art de
la parole et du chant Tt il
2, licin.in. - - ,i les illusti liions de ce travail.
3) Définition de la phonologie, divisible, peur
l'étude de l'ail vocal, en philologie el en phy-
siologie vocales 764
1) Conception el divisi la physiologie vo-
cale 764
5) Conception phy-ioloj , de i phonétique
expérimentale 765
6) Notions d'acoustique appliquée à l'arl vocal.. 766
;. Difficultés de t'étude physiologiq le la voix
parole et chant) ; causes de la discordance des
sur les théories de la voix 770
II' Partie. Les organes de la voix en mouve-
ment. Attitudes vocales externes ou in-
ternes de ces organes. Physiologie du vi
sage ou étude de la physionomie animée
parla parole et le chant 77 1 Histoire du Chant, \
Chap. I. La forinaliiin verbale et le limbre 771
Appareil de la formation verbale, de la réso-
nance et du limbre. Vue d'ensemble sur les
voies aériennes 771
Anatomiedes organe- de la formation verbale . . . 773
a) Etude aualomo-pliysiologique de la physio-
nomie 77:!
b) Organes de la nasalisation 775
c) Organes de la buccalisation 781
Médecine expérimentale. Buées vocales 787
Le timbre vocal 792
Chap. II. Innervation des organes delà forma-
tion vocale et du larynx. — Les centres fonc-
tionnels cortico-bulbaires d'impression el d'ex-
pression verbale. — Le faisceau géhiculé. ... 798
Chap. III. Les attitudes organiques essentielles.
— Formation verbale externe et interne dans
la parole et dans le chaut 801
IIIe Partie. L'influence réciproque fonctionnelle.
Anatomie, le larynx 807
1) L'examen laryngoscopique latéral 807
2) Examen laryngoscopique médian pendant la
respiration et pendant la phonation 810
l\" Partie. L'influence fonctionnelle réciproque
de la respiration vocale. Anatomie et phy-
siologie vocale appliquée de l'appareil res-
piratoire 822
a) Anatomie, poumons, trachée, bronches 822
h Analomie du diaphragme 82 i
i i v-.i ipiion de la cage thoracique el des mus-
cles de la respiration 826
d Respiration vocale 82s
De la respiration dans la parole et dans léchant. 830
Exercices de la respiration 832
Gymnastique rythmique, respiratoire el vocale . 833
Ve Partie
Chap. I. La voix solidienne. — Les vibrations
solidiennes de la voix ou vibrations du sque
lette de la tète el de la poitrine durant l'i
sion de la voix 834
Chap. 11. Classement physiologique visuel des
voix sur le limbre établi à l'aide des buées vo-
cales nasales el buccales, eu se hasanl sur la
fonction vocale du voile du palais . 836
Chap. III. Caractéristiques artistiques de- voix.
Répertoire de chaque voix 810
Chap. IV. De l'émission de la voix 842
< lliap. V. Esthétique générale et appliquée ^17
VI0 Partie. L'audition dans ses rapports avec
l'art vocal et instrumental 851
a) Degré d'intensité nécess tii : du pour la
perception auditive 855
b) L'onde nerveuse acoustique 856
c) Conditions de la sensation auditive .. 856
d) Eveil des centre- auditifs chez les sourds el
les sourds-muets 856
Oreille externe 851
Oreille moyenne S58
Oreille interne 859
Nerfauditif 863
VII' Partie. Aperçu d'anatoniie et de physiologie
du membre supérieur dans leurs rap-
ports avec l'étude des instruments à cordes 864
lenti le à i
Maladie- |>rotes-iounelles
Praïtei les mal idi
TABLE DES MATIÈRES
Antiquité, Moyen âge 8?1
Renaissance 872
Du dix-septième au dix-huitième siècle 875
Ecoles du chant, italienne, française, allemande. 879
Les principaux chanteurs du dix-huitième siècle. SS1
Suite du xviiic siècle et commencement du m V.
— Chanteurs français et italiens 888
Chanteurs contemporains 895
De quelques particularités dans le chant ancien.
— Chant sur le livre 903
Traité de Chant, par A. de Martini 905
Chap. I. — Notions préliminaires. Voixparlée et
voix chantée 905
i ;iiap. 11. — La voix 906
Chapj III. — Physiologie de la voix 907
i ;hap. IV. — Le choix d'une méthode 908
i :hap. V. — Emission 910
Ghap. VI. - Pose de !.. voix 913
Chap. VII. — De certains vices de la voix 915
Ghap. VIII. -Registres 916
Ghap. IX. — Classement et description des
voix 919
Ghap. X. — Emplois au théâtre 921
Ghap. XI. — Etude des principales formules
musicales 922
Chap. XII. — Différents caractères et détails de
l'interprétation 925
Ghap. XIII. — Formes classiques des eotnposi-
tions vocales 927
Quelques expressions de l'étude du chant 928
Du chant suivanl les cadres 929
Gymnastique pi^évocale. Culture physiologique
de l'appareil vocal, par R. Duhamel ..... 930
Introduction 930
Directives pour l'éducation respiratoire du cl
leur. — Rôle de la poitrine. Soufflerie et caisse
respiratoire 936
Gomment faut-il respirer.' 939
1). La respiration complète 939
2). Contrôle de la respiration 942
Correction des respirations défei ueuse .... 915
1). Suppression des ohslacles à la respiration nor-
male. '.'-i:>
2). Correction de la respiration claviculaire . . . . 946
3). Correction de la respiration abdominale 946
Gymnastique du thorax et de l'abdomen (exer-
cices respiratoires '.'46
Exercices préliminaires. — Mouvements des
jambes et des bras 947
Gymnastique du larynx 959
Gymnastique du pharynx, de la bouche e! du
nez ' 9W
Gymnastique des lèvres et de la mâchoire infé-
rieure . . 961
Gymnastique de la langue 9ô~
l iymnaslique du nez 963
( lymnastique et massage de l'oreille 964
Conclusion 965
Evolution de la technique vocale depuis l'ère
chrétienne, par .1." Arger 966
Notre but 966
Le rôle de la voix humaine dans la musique de-
puis l'ère chrétienne 967
Les théoriciens et les écoles du moyen âge 969
Les théoriciens 969
Les écoles 970
Les théoriciens et les écoles aux quinzième et
seizième siècles 973
Les théoriciens 973
Les écoles 985
Les théoriciens et les écoles aux dix-septième et
dix-huitième siècles 977
Les théoriciens.. 977
Les écoles 985
Les théoriciens et les écoles aux dix-neuvième
et vingtième siècles 989
Théoriciens français 989
Théoriciens italiens 992
Théoriciens allemands 994
Théoriciens anglais 995
Théoriciens américains 995
Russie 096
Les écoles 996
France ' 996
Allemagne et Autriche 999
Amérique 999
Angleterre • 1000
Belgique 1000
Danemark 1000
Espagne 1000
Hollande 1000
Italie 1001
Pologne 1001
Russie 1001
II> Partie.
La technique vocale. — Choix d'un professeur. . 1002
Choix des moyens propres à la connaissan. 1.
la voix 1003
Les propriétés de la voix humaine 1004
L'intensité. — La respiration . 1005
Hauteur du son. Justesse . 1008
Letimbre 1009
Les registres 1015
La demi-teinte 1022
Evolution de la voix 1022
Lamue 1024
Etendue des voix 1025
Classification des voix adultes 1026
Entraînement vocal pratique 1033
Tableau général des attitudes propres aux
es W38
Tableau général des articulations fpropres aus
consonnes 1040
Les exercices d'entraînement vocal 1(,42
Exercices pour l'articulation des cons innés. .... 1043
ition ... - . ■ • 1043
Les différents aenres de vocalise . 1045
Le rire et le sanglot 1047
Les nuances
L'hygiène du chanteur 1049
Conclusion 1049
L'orgue, par Ch. Mutin 1050
Etude historique 1050
Origines de l'orgue 1051
1 lu vm0 au ix" siècle 1052
Liste des orgues célèbres du v
nosjours 1053
Dixième et onzième siècles 1053
Douzième et treizième siècles 1654
Quatorzième et quinzième siècles. . ... 1055
Seizième siècle 1058
Dix-septième siècle 1061
Développement des différentes parties de l'orgue. 1064
Dix-huitième siècle 1067
Dix-neuvième siècle.. 1074
Vingtième siècle 1084
L'orgue moderne 108 1
I"> Partie. Mécanique 1085
Sommiers 1085
Soufflerie et réservoirs 1091
La charpente 1097
Boîtes expressives 1091
Claviers et registres 1098
Mouvements de transmission . ... 1101
IP Partie. Tuyauterie 1102
Etude des diapasons 1102
.V.IMN
TAULE DES MATIÈREi
Fabrication des luvaux 1104
Jeux : U06
Tracé sur les faux sommiers. — Ajustage des
jeux 1116
Embouchage el langueyage 1116
Mise en harmonie. — Accord 1117
Partie décorative 1 120
La musique 'd'orgue. Les formes, l'exécution,
l'improvisation par Al. Guilmant 1125
Les formes 1125
T. La variation ou partita 1134
2 .La toccata 1134
3 . Le prélude 1137
4 . La canzone 1138
5). Le ricercare 1140
6). La fantaisie et le caprice 1142
7i. La fugue 1142
8 . La passacaille, la cliaconne 1145
9). U sonate 1146
Autre pièces 1146
L'exécution • . 1 148
1). Doigtés 1149
8). Attaque du clavier 1 157
3). Pédales 1158
4). Valeurs des notes 1161
5). Ornements 1162
6). Mouvements 1170
7 . Registralion 1172
S;. Jeux de mutation 1174
9:. Jeux d'anches 1176
10). Clavier de pédale 1178
11). Accompagnement des voix 1179
L'improvisation 1179
L'Art des oiganistes, par A. Pikro U8i
Fr. Landino, A. Squarcialupi, C. Paumann.
A. Schlick, Bernard l'Allemand, P. de Es-
trada 1181 el sun
E. de la Chapelle, Vincent, D. Mémo, J. Kotter,
L. Kleber, C. de Spire, II. Buchner, G.
Se liirpf, Oth. tLuscinius, P. Ilofheimer,
H. Isaac 1183 el suiv.
ignant .
P. Al
M. A. de Bologna, G. Segni da Modena. G. Pa-
rabosco, Cavazzoni, A. Valente, Sper'in Dio
Bertoldo, A. Gabrieli, G. Gabrieli, CI. Merulo,
Luzzaschi, G. Guammi, Malvezio, Mortaro,
P. (Juagliati, A. Romanini, G. Fatorini, G.
liinila.A. Banchieri.O. Vernizzo, V. Vulfangh,
C. \ntegnati 1187 et :
G. M.Traba
. Bermudo, D luan, Villada, Vila, Solo. Pa-
lero, Cabezon, L. Venegas, T. de Sancta-Ma-
iia, L.Villalba,Fr.Peraza,Gr.Silveslre, les oi
ganiers Brebos, les organistes S. Aguilera, B.
Clavijo 1198 et sur
M.-R. Coelho
Fr. Correa de Arauxo.
1209 el Mii
J. Cabanillas, L. de Aranda, E. Marondo, .1. de
Torrès,.A. Lorente, P. Nasarre, .1. Elias, J. Ne-
bra, M. Blasco de Nebra, J. Vila, A. Soler,
.1. et B. Sessi, Carrera y Lanchares, Asiain,
J. Lindon 1218 à 1221
E.-N. Ammerbach, B. Scbmid el son fils, Jacob
Pages.
Paix.Gr. Aichinger,Chr.Ehrbach,H.-L. Hass-
ler, J. Hassler, .1. Wollz, M. Frank, L. Daser,
S. Lohet, Walliscr, .1. Gallus, A. Steigle-
der 1321 et suiv.
II.-L. Ilassler, J. Hassler, C. Hassler, Chr. Ehr-
bacb, J.Klemme, J. U. Steigleder, A. Holtzner,
S. Mareschall 1230 et suiv.
J. Sheplianl, Th. Tallis, II. Abyndon, R. Pair-
fax, 11. Aslon, .1. Marbek, .). Taverner, J. Red-
ford, R. Alwood, R. Fanant, W. Blitheman.
Shelbyc. W. Byrd, Th. Byrd, J. Bull, les
facteurs Lawes, Betton, Mercator, Tresaror,
Th. Dallam, — O. Gibbons, Th. Tomkins, les
facteursR.Dallam,Th.Harris,B. Smith. 1236etsuiy.
Ch. Gibbons, M. Locke, J. Blow, H. Pnrcell,
W. Croft, les facteurs A. Jordan, Schwar-
brook, — les organistes J. Travers, J. Keeble,
M. Greene,J. Kehvay,Th. Roseingrave, J. Na-
res, B. Cooke, Ilaendel et ses concertos pour
orgue et orchestre 1245 à 1248
Imitateurs des concerlos d'Haendel : W. Felton,
Ch. Avison, Tb.-A. Arne, .1. Stanley, W.
Boyce. J. Bennetl, Th. Sanders Dupuis .
W.' Walond, J. Battishill. S. Wesley.Th. Att-
wood, W. Russel. W. Crotch. Th. Adams,
S.-S. Wesley, Th. Walmisley. H.-J. Gaunt-
lett 1248-49
J. P. Sweelincli 1249-50
Girolamo Frescobaldi 1250 el suiv.
Fantaisies, Jacques Cellier, E. du Caurroy, Clau-
din le Jeune. Ch. I îuillet, V. Gonel . . . 1263 et suiv.
J. Tilelouse L267
Racquet 1268
Mersenne 1268
L. Couperin, II. Dumont 1271 et suiv.
Fr. Roberday 1271
G. Diiben, P. Siefert, S. Scheidt, M. Scbildt,
J. Prœtorius, 11. Scheidemann 1275 et suiv.
Fr. Tunder 1287
D. Slnmrk 1289
M. Weckmann, J.-A. Reincken 1293 et suiv.
Chr. Flor. P. Morhardl 130;: et suiv.
A. Kniller, J. N. Ilanfi, G. Bahm 1309 et suiv.
Proberger L321
Al. Poglielli.J. K. Ker] 1321 et suiv.
Pacbelbel 1323 etsuiv.
F. -T. Ricbter, ti. Reulter, C. Muffat, J. Speth.
S. A. Scherer, Fr. Provinlz 1325 et suiv.
tt. Buxtehude 1327 et suiv.
Ses élèves : D. Erich, G. D. Leiding, V. Liibeck,
N. Bruhns 1329 et suii .
Elèves d.- Pachelbel : \. N. Velter, J. U. Butt-
sledt, A. Armsflorf, .1. r.raiT, G.Fr. Kauffmann,
G. Kirchhoff, .1. ch. Bach, J. M. Bach,
J.B. Bach, G. Walther 1330 et suiv.
i,. B. Fàsolo, M. Rossi, c. C. Aresti, Ziani, Pol-
laroli, G. P. Colonna.N.N. diRoma.N. N. di
Piacenza, n. Monari, M. Giustiniani, Chiava
,li Lu. -.m. >;. B. Bassani, I!. Aresti.... 1335 el -un.
TA II LE DES MATIERES
G. Casini, D. Zipoli, B. Azzolino délia Ciaja,
G.B. Martini 1336 et suiv.
G. G. Nivers, N. Lebègue, N. de Grigny, d'Agin-
court, N. Gigaull, G. Jullien, J. N. Geoffroy,
A. Raison, J. Boyvin, G. Corretle, L. Mar-
chand, Guilain, Du Mage, L. M. Clérambault,
A. Dornel, J. Fr. Dandrieu, L. Cl. Daquin,
P. Dandrieu 1337 et suiv-
J. S. Bach 1350-1355
Les (ils de Bach 1356-1357
Elèves de Bach : Vogler, H. N. Gerber, J. L.
Krebs, J. Ph. Kirnberger, Chr. Kitlel 1357
A. Sorge, G. H. Reichardt, Fr. Suppig, G. Ph.
Telemann, J. P. Kellner 1357-1359
K. Kolb.H. Konigsberger, F. Gass.J. N. Torner,
A. Vallade 1359-60
Ouvrages sur la regislration : A. Werckmeisler,
J. Mattheson, .1. J. Adluns, G. Silbermann,
F. W. Marpurg, Séb. Erard, Grétry, G. J. Vo-
gler 1360-61
J.-E. Rembt, J.-G. Vierling, M.-G. Fischer,
C.-G. Umbreit, J.-W. Hiissler, J.-l. Millier,
M. Slecher 1361-62
Evolution de la musique d'orgue.; M. Corrette,
P. Février, Philidor. Balbastre, Beauyarlet —
Charpentier, Méreaux, Desprez, Séjan 1363-64
Leclerc, G. Lasceux, E.-N.-M. Miroir, Nie. Sé-
jan, J.-Chr. Bach, P. Ricci 1364-65
J.-P.-E. Martini, Knecht, Boély, ViaUon, J.-L.
Baltmann, A.Fessy, A. Miné, Danjou, Dielsch,
M. Gueit, F. Benoist, Carrière, J. d'Ortigue,
1 .-C.-L. de Calonne.Rieder, Rinck, Ad. Hesse,
L. Niedermeyer, Batiste, Renault de Vilbac,
Vogt, Loew, Haering 1365-67
i Irages et tempêtes d'orgue 1368
Fr. Liszt 1368-1370
Lefébure-Wély, J.-Ch.-H. Rinck, R. Schumann,
F. Mendelssohn, Ad. Hesse, J. Rheinberger
1370-1373
C. Franck, A. Guilmant, Ch.-M. Widor... 1373-1374
L'Orgue-Harmonium, par A. Mustel 1375
I. Définition.. 1375
II. Caractère musical 1375
III. Histoire de l'orgue-harmonium 1376
Grenié, Moreau, Schroeter, Stein, Séb. Erard,
Girard, Kratzenstein, Rachnitz 1376-1377
L'anche libre, la régale 1378
F. Testa, Eschenbach, Schlimbach, Voigt,
Ilaeckel et le physharmonica 1378
Cavaillé-Coll et le polkilorgue, J.-N. Fourneaux. 1379
A. Fr. Debain 1379-1380
V. Mustel 1380 et suiv.
IV. Structure de l'orgue-harmonium 1382
La souflierie 1382
La laye ou chambre aux anches 1386
Le elavier et les mécanismes qui en dépendent . 1388
V. Emploi musical 1391
1. Des jeux 1391
2. Des registres 1393
3. L'orgue à double expression 1396
VOLUME 111
Des instruments à vent et de leur principe, par
M. -A. Soyer 1401
Généralités 1401
Flûtes i,|23
Hautbois.... 1431
Basson 1435
Clarinette 143g
Saxophone 1440
Sarrusophones 1441
Cornemuse 1441
Musette 1442
Trompette 1443
Cor 1447
Trombone 1449
Cornet à pistons 1452
Saxhorn 1453
Sudropbone. 1460
Duplex 146I
Des instruments à percussion 1462
De la construction des instruments de musique. 1474
Instruments en bois 1474
Instruments en cuivre 1473
La Flûte, par P. Taffanel et L. Fi.eury 1483
Avant-propos us;;
La flûte à bec 1454
La flûte traversière 14s*',
Généralités | ;>■,•
Les transformations de la flûte 1 ;ss
Ilotteterre dit le Romain, S. Virdung, Agricola,
Praetorius, Mersenne, R.-S. Rockstro, Delusse'
Quantz, Devienne, Riboch. Tremlitz, Laurent,
Tulou, Cappeller, Nolan, Miller. Nicholson,
Pollgiesser, Rebsomen, Gordon, Th. Bœhm,
Coche, Briccialdi, Lot 1 193-1503
La flûte actuelle (système Bœhm) 1503
Différents types usités aujourd'hui 1504
Boehm, Rudall, Rockstro 1504-1506
Les défauts de la flûte actuelle 1506
Emploi de la flûte 1507
Seizième siècle 1507
Cavalli, Cambert, Lully, Marais, Campra, Haen-
del, Rameau, Gluck, Haydn, Mozart, Beetho-
ven, Lebrun, Bishop, Donizelti, Rossini. Men-
delssohn, Schumann, Meyerheer, Berlioz,
Wagner, Saint-Saëns, Lalo, Bizet, Debussy,
Rimsky-Korsakoff, G. Hue, C. Scott, A. Rous-
sel, Caplet, Roland, Manuel, Ibert 1508-1513
La petile flûte dans l'orchestration 1513
Gluck, Méhul, Beethoven, Berlioz, Wagner,
Rimsky-Korsakoff, Stravinsky, Ravel 1513-1514
La flûte dans la musique de chambre 1514
La Barre, Lavaux, Boismortier, Naudot, Lœil-
let, Blavet, Schickard, Quantz, Frédéric le
Grand, J.-S. Bach, Haendel, Marcello, Mar-
tucci, Leclair l'aîné, Rameau, Mozart, Haydn,
Gossec, Beethoven, Nicholson, Kulhau, Tulou,
Schubert, Hummel, Reinecke, Weber.. 1514-1516
Les grands virtuoses de la flûte 1516
Période ancienne 1517
Ecole française. Philbert, Descosteaux, P. Gaul-
tier, les Hotteterre, M. La Barre, Naudot,
J.-B. Lœillet, Buffardin, Boismortier, M. Bla-
vet, Devienne, etc 1517-18
Ecole allemande. C. Van Roose, Luther, Denner,
Quantz, Tremlitz, Liebeskind, Frédéric lé
Grand, Dulon, Schickard 1518-19-
Autres écoles : Florio, Goldsmith, Reid . .' 1519
Dix-neuvième siècle \ 151&
Ecole française : Berbiguier, Tulou, Nonon.
Drouet, Walckiers, Demerssemann, Farrenc,
3910
TAULE DES M ATI EH ES
Guillou, Remusat, Brunot, Camus, Coche,
L. Dorus, II. Allés, etc 1519-21
Ecole allemande. Saust, Muller, Michel, Bayr,
Dressler, E>. Kuhlau, A. B. Fiirstenau ,
Th. Bo'lun, Soussmann, les frères Doppler,
J. Andersen 1521-22
Ecole italienne. Morizani, Sola, Briccialdi 1522
Ecole anglaise. Miller, Ashe, Gunn, Rudall,
Nicholson, Carte, Richardson, Pratten, Rock-
slro 1522
Epoque" actuelle 1522
Principaux virtuoses 1522
L'art du flûtiste 1523
La bibliothèque du flûtiste (bibliographie de la
dûte; 1525
Paul Taffanel 1520
Le Hautbois, par M. Bleuzet 1527
Origine et histoire du hautbois 1527
Instruments orientaux 1530
Famille du hautbois 1532
Transformations du hautbois 1535
Sallantin, Vogt, Sellner, Koch, Delusse, Brod,
Trieberl, Boehm, Barret, Gillet, Lorée, Ro-
bert 1535-38
Emploi du hautbois 1538
Lully, Rameau, Ilaendel, Bach, Gluck, Haydn,
Mozart, Beethoven, Wagner, R. Strauss, Ka-
lidowa, Guiraud, Ropartz 1538-1540
Répertoire classique du hautbois 1540
Principaux virtuoses du hautbois 1541
IMiilidor, Descosteaux,llotleterre,Barth, Lebrun,
Fisher, Sallantin, Vogt, Verroust, Trieberl,
Berthélemy, Colin, les Besozzi, Sellner, Brod,
Guidé, Gillet 154 1 - io
Musette 1542
Hautbois d'amour 1542
Cor anglais 1542
J. Perlendès, Trieberl, Brod, J. S. Bach, Gluck,
Catel, R. Schumann, Berlioz, C. Franck, Wa-
gner, Lorée 1543
Hautbois-baryton 1513
Bizev, Brod, Triebert, Lorée, Heckel. — R.
Strauss 154.3-44
La clarinette, par M. Mimart 1545
Origine et évolution de l'instrument . 1545
Denner, Barthold, J. Béer 1546
Faber, Rameau, d'Herbain, Francœur, Gaspard
et Sadler, Gluck, Mozart, Lcl'ebvre, I. Muller,
Genlelet, Baermann, F. Béer, Simiot, F, Le-
febvre, Romero, Blancou, Gyssens, Bœbm,
Lot, Dumas, Wieprocht, Fontaine-Bessou,
Evette et Sclueffer 154" 18
Jeu de la clarinette. — Principaux virtuoses 1548
X. Lefebvre, Fr. Béer, Fr. Dacosta, II Klosé, 11.
Leroy, J. Béer, J. Baermann, 11. Bender, F.
Vanderhagen, Gambaro, Garulli, Bimboni,
Liverani, Cavallini, Spina 1548 i9
Le son de la clarinette 15 19
Clarinette en si >, s :me Bœhm 1552
Conseils d'exécution 1555
Le Basson, par Lbteluer el Ed. Flament ....... 1556
Historique du basson. Les origines de l'instru-
ment 1556
Perfectionnement du basson en France 1557
Le- 1 lotteterre, Philidqr Rau ele , i; iset, Lot,
les Dèiusse, Tbiénot, Porlhaux, les Savary,
Galender, Simiot, G. Tri V-dler,
W'ii h. G. Schubert, B ichma n, A.
. .i mcoui't, Buffet, Crampon, Fr, friebert,
;, i>. r, mmas, Evette.et Scoaeffer, Le-
Lec .'nie et C'c, Seliner, Robert, C »ues-
i 1d57-58
La fabrication du basson à l'étranger 155'.»
Résumé rétrospectif 155'.'
Etendue de l'instrument de son invention a nos
.jours 1559
L'instrument actuel 1559
L'anche 1560
Le contrehasson 1561
Stamby. Sehuster, Raumann, Adler, Trieberl,
A. Marzoli, Evette et Schœtier, Selmer, Cer-
veny, Morton, Hasenius, Besson, Heckel. 1561-1562
Emploi du basson 1562
1). Emploi du basson à l'orchestre . . 1562
Wagner, Reyer 1563
2). Le contrebasson à l'orchestre et son histoire. 1563
Ilaendel. Haydn, Mozart, Beethoven, Weber,
Reyer, Mendelssohn, Strauss, A. Thomas,
Verdi, Salnt-Saëns, Massenet, Vidal, Erlan-
ger. Dukas 1563-64
3). Emploi du basson en concertiste 1564
4). De la respiration 1565
5). Les intervalles 1566
6). Le détaché , 1566
7). Les arpèges 1567
8). Le trille 1567
'J . Les notes à double doigté 156s
10). Le coup de langue 1568
11). Les nuances inexécutables 1569
12). La sonorité 1569
Le basson à l'orchestre 1570
Cambert, Lully, Gluck, Haydn, Mozart, Beetho-
ven, Mendelssohn. Schumann, Schubert,
Verdi, Meyerbeer, Wagner. — Catel, Lesueur. 157( >
1). Le basson dans les œuvres de Haydn 1571
2). Le basson dans les symphonies de Beethoven. 1572
3). Mendelssohn 157'.'
4). Berlioz 15S0
5). A. Thomas 1581
6). Bizet 1581
7). Liszt 1582
8). Rimsky-Korsakoff 1582
9 Trliaikowsky 1583
10). Saint-Saëns 1583
11). It. Strauss.... L584
12). V. d'Indy 1585
13). Charpentier 1585
14). Dukas 1585
Le basson et la musique de chambre 1585
Œuvres de musique de chambre comportant le
basson 1587
Les virtuoses du basson 15s;
Ozi, Rogat, Layer. Devienne, Courtin, Dossion,
Fougas, Savarv, Barizel.Melchior, Reickmans,
Rethaler, Bauinan, Cokken, Divoir, Wfflent-
B ir logn Violet, J inc i irt, Espaignet, Linof,
Verr mst, G i itier di Savignac, VUlai
Lalande, Bourdean, Letellier, Flamant ... 1587-92
Principaux solistes actuels 1592
Enseiqnement du basson 1572
Le basson au Conservatoire de Paris 1592
Répertoire du \ irtuose bassoniste 1594
Conclusion 1595
La trompette et le cornet, pat — 1596
Origine de la trompette. Son usage dans l'anti-
quité 1597
Em|)loi de la trompette dans les orchestres .... 1599
Bach el tlae'odel 1599
Les représentants du genre trompette et leur
emploi 1606
l). Trompette simple. 16in'>
2), Trompette à coulisse 1607
: . fr impetti i cle.fs (L607
tous
5). Trompette a pistons L608
TA Il LE DES MATIÈRES
3!) Il
6). La trompette en ut moderne 1610
7 . Nouvelle trompette en ut à 5 pistons 1613
8). Tons a employer de préférence 1614
!l). Traité d'orchestration de Berlioz. 1615
10). Trompettes en ré aigu et au-dessus 1619
11). Trompettes antiques 1619
12). Registre de chaque trompette spéciale en
notes écrites 1620
13). Pistons 1621
14). Tableau des tonalités de la plupart des ins-
truments de cuivre 1622
15). Tableau explicatif de l'écriture pour les trom-
pettes.. 1083
Le cornet 1621
Cornet à pistons 1625
Technique de la trompette et du cornet 1628
1). Coulisses 1628
2). Coulisse d'accord 1629
3). Tonalités 1629
A). Perce 1630
5). Embouchure 1630
6). Les bords 1633
7). Bassin 1633
S). Grain 1633
9). Placement de l'embouchure sur les lèvres.. . 1634
10). Lèvres 1634
H . Intonation 1634
(2). Emis-ion. Doigté 1635
13). Couac 1635
14). Coup de langue 1636
15). Respiration 1636
16). Armure 1636
17). Difficultés ' 1637
Le cor. par .1. Pénable 1038
Le cor dans l'antiquité 1638
Le cor de chasse ou trompe 1640
Le cor simple naturel ou cor d'harmonie 1641
Le cor à pistons 1642
Emploi du cor 1643
Praîtorius, Fux, Hampl 1643
.1. .1. Rousseau, Méhul, Bach, Haendel, Gluck,
Weber, Beethoven, Salieri, Bellini, Weber,
Mendelssohn, Wagner, Meyerbeer, Reyer,
Berlioz 1643-47
Les cornistes célèbres 16 17
Rodolphe. Mares. Lebrun, Duvernoy, Punto, Zi-
ring, Spandau, Neumann, Lielzeb, Schon.
Amon, les Belloli, Artot, etc 1647-48
Le trombone, par G. Flandbin 1649
Avant-propos 1649
Origine et historique du trombone 1649
La famille des Inniilioiirs 1651
Trombone contrebasse 1651
Halary, Fournier, Maquarre 1652
Trombone l>:i-se (652
Tuba 1653
Labbaye, D. Jahn. Ad. Sax 1653-1654
Trombone ténor 1654
Trombone a 6 pistons [655
Trombone allô ir,:>:>
Bach, Gluck, Mozart, Beethoven, W eber, 13er
lioz, Wagner 1656
i.ne soprano . . (656
I !ach, I iluck 1656
Trombone piccolo 1657
Enseignement et emploi du trombone 1657
Cherubini, Vobaron, Dieppo ; 1657
Berlioz. Halévy, A. Thomas, Delisse, Allard,
Couillaud 1657-58
Bacli, Haendel, Gluck, Mozart, Beethoven,
Weber, Schubert, Mendelssohij, Schumann,
Berlioz C. 1'" ranci.. Saint-Saéns. d'Indv. ...
Le saxophone, par V. Thibls 1660
Historique et description du saxophone . 1660
Ad. Sax '"' I660
Famille des saxophones 1660-1662
La voix du saxopl e ig§2
Gevaerl, Berlioz, Rossini, Meyerbeer.!...'.'." L662-63
Emploi et enseignement du saxophone . . |r,6';
Bizet, Massenel. Paladilhe, A. Thomas. Char-
pentier, Erlanger, 11. Strauss, d'Indv Mes-
sager, Vidal ' „;,,;;
Auber, Ad. Sax j ,. ;, ; •
Le sarrusophone, par R. Leruste 1665
Origine et description de l'instrument 1665
Gautrot, Sarrus [ggg
Famille de 9 types jggg
Emploi du sarrusophone 1668
Gounod, Saint-Saens, Massenet, liste des n-uvres
où le sarrusophone est employé L668-1673
Le tuba, par J. Brousse ;,,;,
Historique du tuba 167',
Famille des tubas 1674
Emploi du tuba (g-;,,
Wagner, L.-do. Reyer. Vidal, Balakirew,
H- Strauss.-:. 1676-79
Jeu et enseignement du tuba 1679-1680
Notes sur le serpent et lophicléide, par P. Gar-
NAULT jl|S|
Le serpent \ [g,q
L'ophicléide \ ),-,<:;
Bibliographie | , ,s :
Les timbales, le tambour et les instruments à
pei'cussion par J. Baggers 1684
Origine et historique de la timbale h,s,
Description et emploi de la timbale [688
Lully, Haydn, Mozart, Beethoven, Reicha, Ber-
lioz, Meyerbeer 1689-1691
Modèles et fabrication des timbales 1691
Dimensions de divers modèles de timbales à
cercle dépendant ou indépendant 1693
Compositeurs et chefs d'orchestre ayant été tim-
baliers i,9,
SrliurilzhoHlér. Il.'rold. Berlioz, Adam. Seine!.
Pasdelonp, Guiraud, Paladilhe. Massenet, de
Groot.E. Pessard, J. Weber, Chabrier, Thi-
baut, Varney, d'Indv. p. Hillemacher,
G. Marie. L. Lambert, Demarquelte 16
Le tambour igo-,
Origine et historique du tambour [695
Différents modèles de tambours ay Hé en
usage dans l'armée. ld97
Description du tambour M'.is
Manière dejouerdu tambour.
Le tambour-major 1701
Instruments de fantaisie introduits dans les or-
chestres . ... [702
Tambourin [702
Tambour de i. isi [703
Tabourka i;o:i
Grosse caisse 1711:;
Crotales 1704
Petites cymba 1 [704
Tam-tam [704
Cloches 1 711.;
Agiosymandrum . [704
TAULE PES MATIERES
Cloehettes et jeux d<timbros 1704
Grelots 1705
Chapeau chinois 1705
Triangle 1705
Sistre 17°â
Castagnettes 1705
Fouet 1705
Xylophone. . 1705
Claque-bois 1706
Lithophone 1706
Rossignol 1 "*>
Caille 1706
Coucou 1706
Canonnière 1706
Glockènspiel celesta 1706
Verre-harmonica 1706
artifices de théâtre emplovés dans les coulisses. 1707
Ven1 1707
Pluie !707
Grêle 1707
Tonnerre • • ■ '707
Chemin de fer 1 707
Fusillade 1707
La facture des instruments à archet, par
L. Grbilsamer 1708
Première apparition du violon et de sa famille. . 1708
Supériorité de la lutherie italienne . . : 1709
Les principaux luthiers 1710
1) Italie ipar centres de lutherie) 1710
Brescia, Crémone, Florence Gênes, Livourne,
Milan, Mantoue, Naples, Padoue, Pesaro,
Rome, Saluzzo. Trévise, Turin, Venise. 1710-1720
ïieffenbrucker 1720-21
2) France 1721
Tille Lvon, Mirecourt, Nancv, Paris, Stras-
, ' 1721-22
bourg 1 1 *
31 Allemagne • • • • • - ••• ' ' —
Absam, Berlin, Bozen, Dresde, Eisenach, Fus-
sen.'lnnsbruck, Iéna, Langenfeld, Leipzig,
May'ence, Mitlenwald, Munich, Nurenberg,
Prague, Vienne 1722-24
1 Angleterre 1724
Brampton, Edimbourg, Londres Salisbury.. 1724-25
-, Belgique, et Hollande 1725
Amsterdam, Anvers, Bruxelles, La Haye, Tour-
nay I|?
6) Espagne et Portugal l«5>
Barcelone, Lisbonne, Madrid I 725
La construction ........... .... ............... 1725
De cription du violon, de I allô, du violoncelle
.rdemçontrebasse........... ............. 1725
Lesoutns.. ..:'.'::: g»
Les modèles Jfj>*
Les moules et leur montage 11M
La talde d'harmonie, les ouïes, la barre 1735
Procèdes-modernes pour voûter et creuser les
labiés J735
Démoulage et lablage 17*
Le manche, la poignée 7*
Latouche «6
L'âme et sa pose 1 £»
Lechevalet "j"
Lescordes ™8
La mentonnière, le piquet, la sourdine 1740
Laréparalion [740
Réparations de la table 1740
Réparations du fond 1742
Rénaralions aux eelisses l M~
Réparations du chevalier el de la tète 1742
I .,. recoupage et l'agrandissement 1743
Mesures principales 1744
L'archet 1744
La fabrication 1747
Poids et mesures de l'archet 1748
La colophane 1748
Les archetiers 1748
La viole d'amour, le baryton, la pochette 1749
La viole d'amour 1749
Le baryton 1750
La pochette 1751
Index bibliographique 1752
Les violes, par P. Garnault 1753
Origine des instruments du quatuor d'archets.. 1753
Préliminaires. Origine de l'archet 1753
L'archet et le crouth 1754
Lyra, rubèbe, rebec, gigue, vièle d'archet 1756
La vièle d'archet el la ménestrandie 1757
La trompette marine 1757
Violes et violettes 1760
L'archet 1766
Les violes et le violon 1767
La technique, les violistes 1768
Le baryton 1779
La viole d'amour 1781
Violetta marina. — Pardessus de viole 1790
ijuiiiton et viola pomposa 1791
Viole d'Orphée 1791
Heptacorde de Raoul et Vuillaume 1792
Arpeggione ou guitare d'amour 1792
Acolipolyka 1792
Baryton rie Battancbon 1792
Piccolo violino Stelzner el Léo Sir 1793
Le violon, par A. Lefoht et M. Pincherle 1794
I) Origines du violon 1794
II) Emplois du violon 1797
III) Technique et pédagogie 1800
Tenue et accord du violon 1801
Technique de la main gauche 1804
L'archet 1811
Ornementation, trille, vibrato 1821
Double corde 1823
Arpège 182'.'
Harmoniques 1831
Pizzicato 1832
Les virtuoses du violon (classés par écoles) 1835
L'enseignement du violon au Conservatoire de
Paris 1837
Lalto. i>ar Tu. Laforge 1838
L'archet 1839
Le violoncelle par G. Ai.au 1 L84Q
La question des origines 1810
1 iaraetère et technique du violoncelle 1844
Emploi du violoncelle 1849
Le violoncelle à l'orchestre 1849
Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Mendels-
sohn, Schumann, Berlioz, Wagner, (Franck,
Lalo, Brahms, Saint-Saëns 1849-60
Le violoncelle dans la musique de chambre 1860
Boccherini, Bach, Ilavdn. Mozart, Beethoven,
Schumann, Schubert, Mendelssohn, Brahms,
Lalo, Saint-Saëns, Bernard, Boellmann. 1860-1879
Le violoncelle dans le solo — Les violoncellistes
célèbres 1879
Battistini, Boccherini, Duporl l'ainé, J.-L. Du-
port, Homberg, Dotzaûer, Servais, Fran-
chomme, Jacquard, Delsart, Davidofî, Popper,
Plalli.
Concertos de Schumann, Lalo, Saint-Saëns,
Brahms 1879-82
TA II LE DES UATlt'Uti
3013
Ouelques observations sur l'élude du violon-
celle 1882-85
La contrebasse, par Ad. Soyer 1886
Origine et évolution de la contrebasse 1886
Octobasse 1889
L'archet 1889
Emploi de la contrebasse 1890
Enseignement et virtuoses de la contrebasse . . . 1890
Chénier, Lami, Schapft, Labro. Verrimst; Vi-
seur, Charpentier, Nanni 1890
J. Kaemfer, Dragonetti, Boltesini 1891
La harpe. — Des origines au commencement
du dix-septième siècle par M. Pincherle. . 1898
Avant-propos 1892
La harpe dans l'antiquité orientale 1893
Egypte -. 1893
Chaldée, Assyrie 1898
Orient et Extrême-Orient 1900
Grèce et Rome 1902
Haut moyen âge 190i
Légendes 1901
Prémoven âge 190r,
Irlande 1906
Anglo-Saxons et Angleterre propre 1909
Pays de Galles L909
Ecosse 1910
Nord primitif ; 1911)
Germains 1911
i laule. France primitive 1912
Moyen âge 1912
Irlande 1912
Pays de Galles. Angleterre, Ecosse 191 i
Pays germaniques 1917
France et Flandres 1918
Tenue et technique primitives 1920
Symbolisme delà harpe 1922
Renaissance 1923
Iles-Britanniques 1923
France 1924
Pays germaniques 1925
Italie 1925
Espagne et Portugal 1927
La musique de harpe à la lin de l;i I ; .-n :-- m. ,-. lvj;
La harpe et sa facture, par A. Blondei 1928
Origine de la harpe 192s
Le corps sonore 193;>
La console 1932
Lacolonne 1932
La cuvette 1932
La mécanique 1932
De l'accord de la harpe à double mouvement
d'Erard 1933
Ues bémols 1933
Des dièses 1933
La harpe et sa technique, par A. Hasselmans... . 1935
Evolution et technique de l'instrument 1935
Exemples de combinaison- 1939
Enseignement et virtuoses de la harpe 1939
Naderman, A. Premier .Labarre, C. Prumier,
A. Hasselmans, M. Tournier 1939
Ch. Bochsa, Dizi, Th. Labarre, les frères Gode-
froid, Parish-Alvars, d'Alvimare. Gatayes,
Désargues , 1939-41
La harpe chromatique et sa facture, par G. Lyon. 1942
La harpe chromatique suis pédales Pleyel sys-
tème G. Lyon) 1942
Origine I942
Principe 1940
Tirage des cordes 1945
Accord tempéré de la harpe 1954
Création de l'enseignement de la harpe chro-
matique sans pédales. — Résultats artis-
tiques acquis 1955
Possibilités d'exécution et de composition 1956
Avantages artistiques et pratiques 1956
( Iriliques de la harpe chromatique 1957
Technique de l'écriture pour harpe chromatique
sans pédales 195s
Facilité des études 1965
Ouvrages didactiques 1965
La harpe-luth 1965
La harpe intégrale 19137
La harpe chromatique et sa technique, par
Mme R. Lenars 1968
La harpe chromatique sans pédales 1968
Description de l'instrument 1968
Ecriture et technique de l'instrument 1968-71
Le luth, par M,uc A. Mairv et par L. de la Lau-
Rencie 1972
I. Le problème des origines du luth. Evolution
de l'instrument 1972
II. Emploi du luth. Les principaux luthistes 1978
Ecole italienne 1980
Ecoles allemande et autrichienne 1980
Ecole française igsi
Ecole des Pays-Bas 19S2
Ecole anglaise 1982
Ecole polonaise 1983
III. Technique et pédagogie 19*3
Accord du luth 1985
Notation 1986
Tenue de l'instrument. Position des mains 1989
La mandoline, par S. Ranieri 1991
Origine et description de la mandoline 1991
Emploi de la mandoline dans la musique 1992
Orchestre à plectre 1993
Technigv et pédagogie 1995
La guitare par E. Pujol 1997
Aperçu historique et critique des origines et de
l'évolution de l'instrument 1997
Guitare et vihuela 2000
Dix-septième siècle 2C00
Dix-huitième siècle 2010
Dix-neuvième siècle 2012
La guitare actuelle 2015
Les hommes célèbres et la guitare 2016
Les facteurs 2018
Les transcriptions 2018
Considérations générales 2019
Exposé de la technique de l'instrument 2019
Nomenclature des parties de l'instrument 2019
Les cordes 2020
Accord 2020
Etendue et ressources de l'instrument 2021
Position de la guitare 2022
Main droite 2022
Main gauche 2022
Production du son 2023
Disposition des notes 2023
TABLE DES MATIÈRES
.allrhr.
Technique de la main gauche
Doigté de la main gauche
Notes coulées
Trilles
Glissés
Portamenlo
Notes données exclusivement parla mi
Le barré
Vibrato
Technique de la main droite
Doigté île la main droite
Arpèges '
Trémolo
Pizzicato
Sonorités spéciales
Sons harmoniques
Harmoniques à l'octave
Différentes qualités du son sur une même corde.
Campanelas
Tambora
Effet de roulement de tambour
Effets lointains
Rasgueado
Quelques conseils aux débutants
2029
2029
2029
2030
M31
2031
2031
2031
2031
2032
2032
2032
2032
2033
2033
2033
2033
2034
2034
2034
2034
2(335
2034
2034
2035
Le clavecin, par A. Schaeffneh. 2036
Facture 2037
Instruments à cordes pincées 2037
Instruments à cordes frappées 2048
Instruments combinés 2053
Rôle de ces instruments et pédagogie 2056-2060
Le piano et sa facture,
Avant-propos. ......
Des ancêtres du piano.
Le clavicorde
Le clavecin
2nC.|
20iij
2062
Les débuts du piano.
Le piano droil
2063
2006
des cordes 2069
Le châssis de 1er 2061'1
Construction du piano 2069
De l'accord des pianos 2071
Corn nt on arc, ni.' un piano 2071
Observations importantes 2072
Le piano et sa technique, par L. E. Gratia et.
Alph. n.vFnxnv 2073
Evol iti le l'instrument 2073
i Irigine du piano 207:1
Le rôle du piano 2083
Technique et pédagogie 2084
\lé
Compositeurs et virtuoses.
Littérature du piano
Les instruments automatiqr ,-. par I,. i.
Définitions et origines
Dispositions générales des appareils automati-
ques
Le pis automatique reprodu
pianistiques
Les notes
Le mouvement
Les nuances
Les accessoires
Solutions électriques
Transcriptions spéciales
L'orgue automatique
Le violon automatique 2127
L'orchestre automatique 2127
Errata et addenda 2127
VOLUME IV
ORCHESTRATION. — MUSIQUE LITURGIQUE
DES DIFFÉRENTS CULTES
L'art de diriger, par P. Taffajjel 212'.'
Considérations générales 212'.'
Les gestes du chef d'orchestre 2133
De l'orchestration militaire et de son histoire,
par A. Soyer 2135
Avant-propos 2135
lrc période. De l'antiquité à la fin du dix hui-
tième siècle 21 35
2 périods. De la fin du dix huitième à la fin du
dix-neuvième siècle 2li'i
Petite fanrare 2157
Moyenne fanfare 2158
Grande fanfare 215s
Petite harmonie 2160
Moyenne harmonie 2161
Grande harmonie 2162
3' période. L'orchestration moderne 2162
Flûtes 2165
I (autbi ds 2166
Bassons 2168
Sarrusophones 216*
Clarinettes 2172
Saxophones 2176
Cornets 21 71»
Trombones à pistons 2182
Trombones à coulisse 2183
Cors 2186
Cornophones 218 •
Saxhorns 2188
Batterie 2UH
Histoire de l'orchestration, par G. PlERNÊ el II.
W'iiiii.i.i'.tt 22l.i
Première partie — L'orchestre en France et en
Italie des origines au dix-septième siècle. 2215
\\\\\\\\\\\'.'.'.'.'.'.'.'.'.\'.'. '■
L'orchestre en France de Lulli à Gluck 222 i
Cambert, Lulli, Charpentier, Marais.. 2224
R; :au. ..
Philidor 2235
L'orchestre en Allemagne avant Gluck
Bach el Raendel ••■ 2211
L'orchestre de Gluck 2256
Les successenrs de Gluck et l'aube de l'opéra
comique. . , 22, s
La liturgie israélite, par J. Francj
Offices
Chants traditionnels 2288
Musique liturgique et religieuse catholique
Musique liturgique 2315
Mu-iquc ivligii'li-e 2325
Français 2326
Fli ids el Néerland lis 2326
i . pagnol ! etP ah ■
Allemands
TABLE UHH MATIERES
Italiens 2327
Annexe : 2327
Les Noëls el les Cantiques 2329
La forme musicale de la messe par E. Borrel . . 2331
L'art du maître de chapelle, par D. C. Pianchet . . -'337
La formation des voix 2338
Le chant liturgique 2339
L'accompagnement du plaiu-chant 2340
Les modes 2341
Les accords 2345
Le contrepoint 2346
La musique 2340
Du texte 2349
De la forme extérieure 2349
Les offices 2351
La messe 2351
Les vêpres 2352
Saluts 2353
Les chants religieux de l'Eglise orthodoxe
russe, par G. Bourdeau 2355
L'antiquité et les instruments 2355
Plain-chant autrement dil chant m<''lodi<)ue ou
chant à l'unisson
Le chant religieux de l'Eglise orthodoxe 2350
Chant d'église à plusieurs parties 2301
Des principaux compositeurs de musique reli-
gieuse en Russie 2364
Bérézowski 2364
Bortniansky 2366
Vinogradow 2370
Tourtchaninow 2374
Lvoff 2377
Glinka 236
Bachmetiew 2387
Kotchenowsky 2391
Arensky 2395
Opinions de plusieurs archéologues sur le chanl
ecclésiastique en Russie 2396
La musique dans le culte protestant, par I. Pi-
card 2399
Avant-propos 2399
Eglise luthérienne 2399
J.Eccard 2404
L. Hassler 2405
J. Criiger 2406
J. S. Bach 2 107
Eglise anglicane 2413
J. Slainer 2410
Eglise réformée 2419
Histoire de Torchestration, par G. Pierné et II.
W'i n.i.ETT. — 2e partie 2445
L'orchestre symphonique avant Haydn 2445
Les ci intra pu n listes des v, et wi= siècles 2415
■■ ■ .
Le- symphonistes 2153
Haydn et Mozart 2460
Havdn 2460
Moz n: 2465
Beethoven 2470
La symphonie après Beethoven '2488
Mendelssohn ......... 2489
Schumann 2494
Spobr
L'époque rossinienne
Boïeldieu
Rossini
Meyerlieer
Halévv
Uber .........'..'.
Ilonizetli
Weber '
Berlioz
L'Ecole moderne française de F. David à J. Mas-
senet . ...
F. David ...
A.Thomas..
Ch. Gounod .
E. Rêver. E. Lalo, L. Delibea
E. Chabiïer
Richard Wagner
L'orchestre moderne en Allemagne
Job. Brahms
Ant. Bruckner
G. Mahler
M. Reger et R. Sliam
L'Ecole russe
M. Balakirew .
Tschaikowsky
\ I lorodine
jjsky
Rimsky Korsakow . .
i ilaïoun i
Stravinskv
Ecoles étrangères modernes suite . - Italie
Espanne
Angleterre et Scandinavie
Tchécoslovaquie
Belgique
L'Ecole frauçaise contemporaine
Saëns
Vincent d'Indy
P. Dukas . . . ."
Cl. Debussy..
Panelli
M. Ravel
Erlanger, I I
\. 1 ii uneau, M. Sclimitt, A. Rou -
sel
25U5
2506
2511
252(1
2531
2532
2535
2540
2551
2551
2553
2554
2555
2562
2564
2567
2570
2598
2602
2605
2607
2609
2019
2035
2637
2641
2042
2012
2647
2650
2053
2657
2601
2666
27i »i
2701
Appendice
Dernière évoluli
VOLUME V
ESTHÉTIQUE. — CHORÉGRAPHIE
Le contrepoint, par E. Cools 2711.1
Le contrepoint 2719
Deux met! loint.. 2720
Le contrepoint rigoureux 2721
donné 2721
La forme mélodique du contrepoint 2722
du contrepoint rigoureux 2723
Le contrepoint simple 2723
point h 2 parties 3723
ce. Note contre note 2723
■ e. Deux noies contre une 724
notes contre une 2720
Syncopes 2727
:, espèce. Contrepoint fleuri 2729
Contrepoint à 3 et a i parties 2730
nu
TAULE DES MATIERES
Règles couimuni's aux contrepoints à 3 et 4 par-
lies 2734
Du redoublement des voix 2735
Des rencontres de notes ''736
Contrepoint à 6, 7 et 8 parties ' 2739
Du contrepoint double ou renversable à 2 par-
ties 2740
Du contrepoint triple et quadruple 2742
Du contrepoint en imitation. Le canon 2742
Imitation par mouvement direct ou semblable . . 2743
Imitation par mouvement contraire 2744
Imitation par augmentation et par diminution . . . 2745
Le canon 2746
Conclusion 2749
La fugue, par A. Séhieyx 2751
Monodie et lied, par Th. Gerold 2757
Les formes de la musique vocale de l'antiquité. 2757
Les chants de l'Eglise romaine 2761
Les hymnes 2761
Les proses ou séquences 2763
La psalmodie 2763
La monodie profane au moyen âge 2769
Les compositions de caractère épique 2769
Les lais 2770
Les compositions musicales des troubadours et
trouvères 2773
L'accompagnement instrumental des pièces vo-
cales 2790
Les innovations introduites au xiV siècle 2792
Les chan sons dites populaires 2797
Les chants religieux protestants du seizième
siècle 2807
Influence de la Pléiade sur la mélodie française. 2810
Le Lied à plusieurs voix au seizième siècle ... 2812
Le renouveau de la mélodie lyrique au dix-
septième siècle 2816
Le dix-huitième siècle 2830
L'école romantique 2844
De Schubert à Schumann 2844
L'époque romantique en France 2853
Le Lied en Allemagne après Schumann 2856
Les écoles françaises de la fin du xix° siècle 2863
La chanson, populaire par J. Tiersot 2866
La chanson populaire, art primitif et spontané. . 2866
Caractère traditionnel de la chanson populaire.
L'art des illettrés 2867
Formes musicales. — Tons. — Modes. — Cou-
pes. — Caractères généraux 2868
La chanson populaire en Europe 2870
France. 2870
Italie 2895
Corse 2903
Espagne 2904
Portugal 2914
Iles-Britanniques 2916
Belgique et Pays-lias 2925
Allemagne. 2029
Suisse et Tyrol 2934
Pays Scandinaves 2938
Russie 2945
Pologne 2953
Lusace 2955
Tchécoslovaquie 2956
Hongrie. — Les Tziganes 2967
Serbie. — Les Slaves du Sud 2970
Grèce 2984
De la mer Egée à la mer Noire 2989
Roumanie 2989
Au Caucase. — L'Arménie 2996
Hors d'Europe 3000
Conclusion 3001
Bibliographie 3002
La chanson populaire française 3002
Anciens recueils de chansons 3002
Recueils au xixc et au xx" siècle 3004
Chansons semi-populaires. — Vaudevilles. —
Noëls 3007
Ouvrages et études sur la chanson populaire
française 3008
Périodiques 3008
La chanson populaire hors de France 3008
Italie 3009
Corse 3009
Espagne 3009
Portugal 3010
Grande-Bretagne 3010
Belgique et Pays-Bas 3010
Suisse 3010
Allemagne 3011
Autriche 3011
Pays Scandinaves 301 1
Lithuanie 3012
Russie 3012
Pologne 3012
Lusace 3012
Tchécoslovaquie 3012
Hongrie 3012
Iougoslavie 3013
Bulgarie. 3013
Grèce 3013
Turquie 3013
Roumanie 3013
Arménie 3013
Hors d'Europe 3013
Le Motet, par A. Gastoué 3015
I. Diverses acceptions du terme motet. — Sa défi-
nition. — Matériel littéraire et musical. —
Origines el emploi du motet 3015
II. Le lenor dans l'ancien motet. — Ce qu'est le
ténor. — Son rôle et son importance 3019
III. Le motet à une voix 3025
IV. Le motet à deux et trois voix 3029
V. Le motet et l'imitation. — Le motel à quatre
voix et plus 3034
VI. Les grandes formes du motel. — Le motet
à deux parties et le répons. — Le psaume. —
La prose. — Le motet à plusieurs chœurs. —
L'anthem. — Le motet à grand chœur 3039
VII. Conclusions. — Fin de l'évolution du mo-
tel. — Son renouveau moderne 3nii
Le Madrigal, par Ch. Van den Borriîn 3046
Origine (quatorzième siècle) 3046
La rrottola 3047
Les madrigaux du seizième siècle 3047
A. Willaert, Ph. Verdelot, A. Barré, J. Gero .. 3049
Arcadelt, C. di Rore 3050
Le chromatisme 3052
Les trois étapes du madrigal au seizième siècle. 3055
O. de Lassos 3055
Palestrina, Ph. de Monte 3058
RulVo, Corteccia, D. da Nola, Waélrant, Turn-
hout, Faignent, Castro, Cornet, Pevernage,
Verdonck, .le Werl 3060
B. Donalo, P. Vinci, Al. Slriggio, Cl. Merulo,
C. Porta, G. Animuccia, A. Padovano, A. Rota,
G. M. Nanini 3061
Epanouissement du madrigal à la fin du seizième
siècle 3062
Luca Marenzio 3063
A. Gabriel! 3065
G. Gabrieli 3068
O. Vecchi 3069
V. Bell'Haver, M. Asola, G. Gastoldi, B. Palla-
vicino, A. Falcone, R. Giovanelli, L. Leoni . . 3069
C. Gesualdo 3069
Cl. Monteverdi 3072
TABLE DES MATIERES
Pages
Le madrigal dramatique 3076
Le madrigal hors d'Italie et de Belgique ... 3078
Cl. le Jeune, H. L. Ilassler, Sweelinck 3079
W. Byrd, Th. Morlev, Th. Weelkes, .1. Wilbye,
Th. Tomkins " 3080
Les airs de danse, par Th. Gbrold 3ÙS2
La musique de danse au moyen âge 3082
La basse-danse 3088
Les danses stylisées 3101
La suite 3101
L'apogée de la suite 3104
Le menuet dans les sonates et symphonies 3111
Compositions isolées 3111
Les airs de danse comme morceaux séparés .... - î 1 14
Autres danses étrangères 3115
Les airs de danse dans la musique dramatique. . 3116
Les (ormes de la musique instrumentale, par
Ch. Lefebvre 3121
La sonate 3121
Sonates à plusieurs instruments et dérivé.» de la
sonate' 3122
Historique de la sonate 3123
Sonata da caméra 3123
Sonata da chiesa 3123
Concerto da caméra 3124
Les autres morceaux de la sonate 3125
Largo, Adagio, Andantiuo .il»"'
Le thème ou air varié 3125
Le troisième morceau : menuet, scherzo. ...... 3126
Final ou Rondo 3126
Variante- de formes dans fe soin >l si - ili
Les derniers quatuor- de lîeell, ... „ :!li7
Note sur la tonne cyclique 3127
Autres formes instrumentales :il27
La suite 3128
Le poème symphonique 3128
Ouverture. Prélude 3129
Sonate et symphonie, paru, m Sum-Fuix 3130
Les origines / 3130
Italie 3132
Allemagne 3137
France 3140
Bibliographie 3142
La musique de chambre, [iiy M. \'\ t is-Bu.onet. 3144
Considérations générales 3144
Définition 3144
Esthétique 3144
Composition 3146
Forme 3146
Style 3146
Les œuvres 3147
Musique instrumentale 3147
Solos 3148
Duos 3148
rrios 3149
Quatuors 3150
Quintettes 3156
Sextuors '. 3157
Septuor- 3157
Octuors. 3157
Nohetlos, dixluors 3158
Instruments accompagnés 3158
Cassations, divertissement», de. ers 315S
Musique vocale 3159
Adaptation musicale 3161
Mélange des voix et des instruments 3161
Arrangements 3162
Catalogues 3162
Les compositeurs 3163
Les instruments 3168
Les parties : j 1 7 1 1
Pages.
Editions moderne» 3170
Editions anciennes. Manuscrits 3170
Partitions 3171
Editeurs 3171
Musique vocale . . 3172
Les exécutant.» 3172
Musique instrumentale 3172
Musique vocale 3173
Développement de la musique de chambre 3173
Bibliographie 3178
La musique à programme, par M. U. Calvo-
coressi 3179
Définitions préliminaires 4179
Esquisse historique. Les primitifs 3180
L'époque moderne 318:!
Théorie et esthétique 3185
Note bibliographique 3190
Du Théâtre musical, par Ch. Malherbe 3191
Le théâtre en Grèce 3191
Le théâtre latin 3197
Moyen âge 3201
Théâtre religieux 3202
1 (rames liturgiques 3203
! iran n - -rmi-liiurgiques 32U3
Théâtre laïque 3205
Troubadours 3205
Le théâtre et la musique du quatorzième au
quinzième siècle 3208
Le seizième siècle 3213
l.e dix-septième siècle 3217
Création de l'opéra français 3220
Lnllv 3222
Le dix-huitième siècle :;-»"'
De Lullv a Rameau ;;'-'»">
Hameau 3226
Glucl 3229
1 1 •■ i ilmk à Sponlini 3232
Le dix-neuvième siècle 3234
Sponlini 3234
3235
Auber, Meyerbeer 3235
Berlioz 3236
i lourïbd et Amb. Thomas • 3237
Les formes dramatiques de Lully à Wagner,
par
Lully 3239
Campra. Deslouche-, li in . . 3249
Purcell. Haendel ::-78
Gluck 3286
Piccinni. Sacchini, Salieri 3296
Méhul 3302
Gossec, Cherubini, Sponlini. Lesueur, Sleibell. 3306
l'.rélrv, Mondonville, Philidor, Monsigny, Da-
layrac, Nicolo, Boïcldieu 3317
Pergolèse, Paesiello, Cimarosa, Bossini, Bellini,
Donizelti • - ■ 3326
Auber, Hérold, Meyerbeer. 1 lalévy, Verdi 3337
Mozart. Beethoven, W'eber 3347
Berlioz, < rounod, Wagner 3356
La musique de scène et l'adaptation musicale,
par L. Brémont :;373
La musique de scène 3373
Le mélodrame. 3377
L'adaptation musicale 3379
Les formes de l'oratorio, par E. Borrei 3385
L'oratorio italien 33S~>
L'oratorio allemand 338ii
I. 'oratorio français 3387
La Cantate italienne à voix seule au dix-sep-
tième siècle nar II. Prunières 3390
:!9ls
TABLE DES MATIERES
Préliminaires
Origines de la forme cantate
Apparition du mot eantata chez Grandi (1620
Caractère de la cantate à son début
Monteverdi
Hovellii, Sancès, Ferrari, Milanuzzi
Caractère de la cantate vers 1635
D. Mazocchi
L. ftossi
3390
3890
3395
3397
33^7
3401
3401
3402
3404
2407
Ai,.
\\,
berli, Bernabei, Masini, Tenaglia, dell'Arpa,
Melani, Farina, Boccalini 3407
Carissimi ... . 3407
Al. Stradella 340s
Bassani, Scarlatti, Bononcini 3409
C 'lu, km 3410
La Danse, par M">« Bernay 3411
Introduction. Les origines de la danse 3411
I. Danses chinoises, égyptiennes, hébraïques et
hindoues 3411
Danses égyptiennes 3112
Danses hébraïques 3413
Danses hindoues 3414
II. Danses grecques, romaines et byzantines . . 3416
Danses romaines 342(1
Danses byzantines 3421
III. Danses japonaises, persanes et espagnoles. 3121
Danses persanes 3422
Danses espagnoles 3423
IV. Danses gauloises du moyen âge. Ambula
toires et macabres 3423
Danses du moyen âge 3424
Danses portugaises ambulatoires 3424
Danses ambulatoires en F. le 3424
V. Danses Renaissance, Louis XIII, Louis XIV,
Louis XV 3425
Les bals 3428
La danse sous Louis XV 3429
VI. Danses sous la Révolution, le Directoire,
l'Empire et la Restauration 3430
ius le Directoire 3431
Danses sous l'Empire el la Restauration 3431
Les bals publics 3131
locales, élraugrres et r 1 1 , ,<!< -ru - -~. I
russes et hongroises 3431
Danses anglaises, écossaises, hollandaises 3132
Danses mondaine- 3432
VII. L'art delà danse à l'Opéra au dix-huitième
siècle • 3433
La Danse à l'Opéra, danse pusses el il ilii
L'art chorégraphique 3435
Les. mimes et pantomimes 1435
Conclusion 3436
VOLUME VI
PÉDAGOGIE. — PRIX DE ROME. — ÉCOLES. — CON
CERTS. — THÉÂTRES — PRESSE MUSICALE. —
ARCHITECTURE ET SONORITÉ DES SALLES. —
JURISPRUDENCE.
L'enseignement musical, par Th. Dubois 3437
L'enseignement musical au cours des âges 3437
Temps primitifs. — Antiquité 344(1
3443
Quatorzième, quinzième, dix-septième siècles.. 3441
Temps i tenir, 3445
l.i' < IniKii'i almiv. Ses vicissitudes 3'iiil
i nercices publics 31 is
L'enseignement musical actuel en France .. ... 8451
< conservatoire national
Succursales. Ecoles nationales.
Ecoles libres et diverses
L'enseignement musical à l'étranger
Allemagne. — Autriche
Italie
Milan
Turin. Venise, Bologne, Florence, Parme,
Naples, Pesaro, Palerme.
Mexique
Bruxelles
Liège
i iand
Anvers, Malines
Suisse
lienève . . .
3451
3452
3453
3453
3454
3456
3457
3457
3458
3458
3459
3460
3461
3462
3462
Ancien régime 3463
Moscou 3465
Saint Pétersbourg 3465
Régime actuel 3466
Conservatoires 3466
Autres établissements 3467
Angleterre et Amérique 3467
Londres 3467
Boston 3467
lionservaloir
L'enseignement dramatique, par .1. Ci.aretik el
.1 . Trufpier
i ion-idéralions générales
I le la science du théâtre
L'enseignement dramatique actuel
Opinions sur l'enseignement dramatique
Conclusion. Programme t'enseignemenl dra-
matique
L'Institut de France et le prix de Rome, par
P. Landormy el .). Loiski
L'institut de France et l'Académie des Beaux-
Arts
La section de musique de l'Académie des Beaux-
Arts
3472
3472
3474
3475
3476
.les Beaux-Arts
- ,i l'Académie
p iur les c
3481
3481
3481
3484
.lire ,|e- i
3490
1491
adémie des Beaux
de l'Acatl
Ile
Liste lie- a-snriés élramjei - des Beau x- Art s. . . .
Liste des cire-), mdanl s. libres de I' \
des Beaux- \n .. < position musicale
Liste des correspondais libres de i v
Etat de l'Académie des Be ius u ection de
Biographies des membres de l'Académie des
Beaux-Arts (section de musique) par ordre
alphatique
\<lam
lia
3»a
3493
3494
3494
149
3499
I
3504
351 â
350
tauli: oi:s matii:i;i:
Pages.
G. Charpentier 3508
Cherubini 3509
Llapisson 3512
Fél. David 3513
LéoDelibes 3514
Th. Dubois 3516
G. Fauré 3519
Gossec 3522
Gounod 3524
Graridménil 3526
Grétry 3527
E. Gniraud 3528
I. Halévy 3529
Ch. Lenepve.i 3531
Lesueur 3533
Victor Massé 3535
Massenet 3536
Méhul ..: 3541
Monsigny 3542
'Inslow ... 3545
Paër 3546
Paladilhe 3548
II. Rabaud. 35 19
II. Reber 3550
A. Reicha 3551
Er i Reyer 3552
Saint-Saéns 3553
Spontini 3559
Ambroise Thomas 3562
Widor 3564
L'Académie de France à Rome 3565
1. Historique 3565
2. Règlement nV l'Académie dr Kraui'e a lionn'
(1908) 3566
Chap. 1. Personnel de l'Académie de Franci à
Rome 356(1
Chap. II. Travaux des pensionnaires 3567
Chap. III. Exposition «les envois à Rome el à
Func 3568
Chap IV. De laretenue. Des mesures que peut
entraîner la non-exécution des travaux obliga-
loires
Chap. V. — Règles d'ordre • ' I .i 1 1 1 i . ■ - à l'Académie
inceà Rome 3569
3. Liste des lauréats des concours aux Grands
Prix de Ki, me de 1803 à 1929
Modifications à apporterai! tes edes règlements. 3575
Addenda (œuvres de G. Fauré) 3575
L'enseignement de la musique en France et les
Conservatoires de Province, par Ed. Mau-
Aperçus sur les formes de l'enseignement musi-
cal en France... £576
Schéma de sa philosophie historique 3576
Fnur!ion- sociales ,1e l'enseig iiemei'il mu-iea
Les régimes administratifs des écoles de musi-
que 3593
Ecoles privées 359:;
Ecoles municipales 3593
Ecoles nationales 3594
De l'enseignement !598
i Irganisation de l'enseignemenl 3598
Monographie des écoles de musique 3606
L Ecoles nationales de sique.. 1606
a . Succursales du Conseï •■ i 'e nation il, 1606
;- ■ Ecoles nati les de musique 3609
II. Ec des municipales de musique 3611
III. Ecoles d( m sic. u prii ies 3612
des
vatoires el E
Conclusions
-"!'"'
JllOlllMUllb OU 1 I
'Ecole de musique classique Niedermeyer par
G. LefèvrepI M""- Veuve II. Heurtei 3617
Création de l'Ecole. 3617
Programme de l'Ecole 3617
Histoire de l'Ecole 3618
La Schola cantorum, par Vincent d'Indy. 3622
I. Historique et origines de la Schola 362'-'
II. Enseignement 362:'.
III. Exécutions di icerl 362 i
I \ . But et avenir de la Schola 362Ô
Conclusions 3625
M-
L'Ecole normale de musique,
i organisation générale
Enseignement
Enseignement général
Enseignement général lacultali!
Enseignements spéciaux
Cours d'interprétation pour artistes el virtuose-..
Les Ecoles de la Légion d'honneur, par E. Pes-
sabd
Maisons nationales d'éducation de la Légion
d'honneur
Enseigne nt de la musique
Surintendantes de la Légion d'honneur
Grands Chanceliers de la Légion d'honneur . . .
L'enseignement musical A l'école par M. Chk-
lle
Les méthodes
Méthode- intellectuelle-. - - Wilhe : son i cole
- Les études théorique
OUti
. en-ei. nenlei ! Ir.nlil m. '.,'..
Méthode de notation simplifiée
] , Mi h ode, modales
.' . Méthodes chromatiques
La i," i '
A Dupaigne, J. Combarieu
La méthode i-vtlimique
3626
3627
3630
3630
16 ii
3642
3642
3644
3646
3649
Dactv
luilive et -. ■ m -, ■ : i il I .■ . Loi,
.1. Rousseau. Pestalozzi, Frœbel, Naegeli, Ga-
\l"«| i'ape-Carpentier, Mon-
lesspri. — Pédaga
Les programmes
|-;,-o|i- in'i i f t.i , '■ • '- primaires
-iiprr
Ecoles normale
:;i,ii|
des eliel's-.i i, ai re 'i i'1 irl music il an, 1;
Instruction- m
Ecole maternelle .366 1
Cours moyen
Cours supérieu r
Développemeni i ;,. ...n Liherté d'inter-
prétation et de méthode. Les textes. M ■
l'acuité auditive. La progression musicale. Les
l'ormes de l'enseignement musical. L
dés. Les leçons pratiques 166
Le chant
Preinii
danses. Chant.
et du soir. Influi eéduc itive 3669
Personnel enseignant •
Les instituteurs. Les professeurs spéciaux. L'in-
peclion des écoles. Les examens et sanctions
de l'enseignemenl musical. L'action. Sociétés
: irporatives, m e 3671
Appendice. A l'étranger 3674
En Angleterre >675
En Belgique 3676
3920
TA III. E DES MAI II Itlî'
En Espagne 3677
En Suisse 3678
En Allemagne 3680
La Société des Concerts et les gi'andes associa-
tions symphoniques, par A. Vernaelde . . . :!684
Principaux concerts antérieurs à la rondalion
de la Sociélé des Concerts 3684
La Société des Concerts du Conservatoire 3687
Règlement de la Sociélé des Concerts 3691
Principaux traits de l'histoire de la Société des
Concerts 3r>94
' Les programmes de 1828 à L913 :'.6'.>7
La Société des Concerts depuis 1914 3702
Les programmes (de 1919 a 19» 3704
Les statuts 3706
La salle des Concerts 3707
Comité. Répétitions. Personnel .le l'orchestre et
des choeurs. — Abonnés 3708
Concerts fondés depuis 1828 3710
Association des Concerts Lamourcux 3710
Association artistique des Concerts Colonne . . . 3712
Concerts Siraram 3713
i Irchestre symphonique de Paris ■ . . 3714
LOrphéon par 11. Radiguer 3715
La vie et l'oeuvre de B. Wilhem, créateur de
l'enseignement scolaire du chant en France
et fondateur de l'Orphéon :ï717
Les débuts de l'enseignement scolaire de la mu-
sique en France 372i >
La " naturalisation •■ du ebant en France parla
méthode Wilhem 3721
Procédés pédagogiques de la méthode Wilhem. 3722
La création de 1' « Orphéon ». Mort de Wilhem. 3726
L'orphéon après Wilhem 3726
La vie et l'œuvre d'Adolphe Sax 3732
Premiers travaux 3734
Réorganisation des musiques militaires 3736
La réorganisation des musiques militaires en
1845. — Création des orchestres d'harmonie et
de fanfares modernes sur l'initiative et avec
les instruments nouveaux d'Adolphe Sax 3738
La routine contre le progrès 3740
L'œuvre d'A. Sax 374'?
L avenir de l'Orphéon :;715
Les théâtres musicaux subventionnés, par A.
Le théâtre avant Louis XIV :',74s
I. Les premiers spectacles 374s
II. De 1402 à 1548 3750
Les Confrères de la Passion 3750
Les Clercs de la Bazocbe :!751
Les Entants sans Souci 3752
Les interdictions du Parlement . . :;7r,:;
Mylères, jeux et soties 3755
III. De 1548 à Louis XIV :!755
Les Confrères de la Passion 3756
Le théâtre de musique sous Louis XIV 3762
Origine de l'Opéra 3762
La Comédie italienne elles petits Ihéàtres :-i7G7
Police, censure et droit des pauvres 3769
Le Théâtre de musiqne de Louis XIV à la Révo-
lution
L'Opéra 3772
Les rapports de la Comédie française et de l'Opéra 3777
Les forains 3778
L'Opéra-Comique 3779
La Comédie italienne 3781
Les petits théâtres 3782
Police, censure et droit des pauvres 3784
Le théâtre pendant la période révolutionnaire,
de 1790 à 1806 3787
La liberté des spectacles 37*7
Police 3787
La censure sous la Révolution 37S(S
Le droit des pauvres sous la Révolution 3791
L'Opéra 3792
Le théâtre depuis 1806
Retour au régime du privilège 3795
Police 379*
Le théâtre depuis 1864 37'.".'
Ouverture des salles de spectacle 3799
La police des salles de spectacle 3799
La censure 3800
Les théâtres subventionnés 3802
L'Opéra 3803
i laisse des retraites de l'Opéra 3807
L'( Ipéra-Comique 3813
Liste des premières représentations à l'Opéra-
Comique de 1915 à 1929 :is' ''
Les salles de l'Opéra 3818
Les directeurs 3818
Les chefs d'orchestre 3819
Liste chronologique des œuvres représentées à
l'Opéra depuis l'origine 3820
L'édition musicale, par .1. Durand
Historique ■ 3834
Technique 3834
Notation musicale à l'usage des aveugles d'a-
près le procédé Louis Braille, par A. Ma-
HAUT 3836
Table générale îles signes 3840
Notes sur la presse musicale en France, par A.
IV, ,:x 3S4J
Théâtres et salles de concert, par V. Blavei ;"' '"'
Sonorité des salles, par G. Lyon 3873
Le théâtre et les auteurs, par A. Peytei 3875
APPENDICE
Le phonographe, par A. Machabey 388Î
L'électricité au service de la musique, par M.
Maivtenot 3896
La notation musicale autonome de Jean Haut-
stont :!'" " '
ADULMJIM. — Vol. I, p. 497, 2« colonne, il faut avant : Réflexion du son. Erho : Chap. VI. Réflexion
du son et Salles, en capitales et en capitales antiques
ERRATUM. — Tome III, p. 1793, 3e ligne, colonne de droite : su
ppri
Même paye, note I, substituer à : « 27 octobre 1921, par l'auteur, André
« L! décembre 1913, sous les auspices de M. E. H yard, puis le 27 octobre
itr.Nr dit ».
.\r »>, le texte ci-après
ar Léo Sib lui-même.